06.061 Rapport sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme (2003 à 2007) (En réponse au postulat «Rapport périodique sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme» de la Commission de politique extérieure du Conseil national, du 14 août 2000) du 31 mai 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le rapport sur la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme (2003 à 2007) et vous prions d'en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 mai 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2004-0981

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Condensé La protection internationale des droits de l'homme a enregistré, ces dernières années, des avancées réjouissantes dans certains domaines, à commencer par le nombre croissant d'Etats ayant ratifié les principales conventions internationales sur les droits de l'homme ou par les nouveaux instruments qui sont venus compléter les conventions existantes, renforçant ainsi les droits qui y sont affirmés. Les progrès réalisés ne doivent cependant pas le cacher: les droits de l'homme sont, aujourd'hui encore, au banc d'essai dans le monde et les défis que doit relever la politique internationale des droits de l'homme restent considérables. Toujours plus nombreux à prendre des engagements juridiquement contraignants en faveur de la protection des droits de l'homme, les gouvernements ne veulent ou ne peuvent pas remplir leurs obligations. Il y a dans le monde quelque 70 Etats qui pratiquent encore régulièrement la torture ou qui infligent d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, en guise de punition ou d'humiliation. Actuellement, 73 Etats maintiennent la peine de mort. Des dizaines de milliers de personnes continuent de «disparaître» dans le monde sans laisser de traces ou sont détenues arbitrairement.

Deux tiers de la population mondiale vit dans la pauvreté, et ne peut toujours pas faire valoir son droit à la nourriture, à l'eau, aux soins de santé ou à la formation, encore moins à la participation à la vie politique et à l'égalité des chances.

À la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis puis dans des Etats comme l'Indonésie, le Maroc, l'Espagne et le Royaume-Uni, la lutte contre le terrorisme international est devenue l'une des priorités de la politique internationale. Certains Etats, peu scrupuleux en matière de droits de l'homme et de droit international humanitaire, prennent prétexte de la lutte contre le terrorisme pour durcir leur système de répression interne ou pour réduire au silence les groupes d'opposition non violents. Mais la lutte contre le terrorisme n'est pas seule en cause. D'autres phénomènes modifient également la donne pour les acteurs de la politique des droits de l'homme: les conflits, la migration, la pauvreté, le déficit démocratique et les défaillances de l'Etat de droit, le rôle joué par les sociétés transnationales,
les conquêtes de la biotechnologie et de la médecine induisent des défis que se doit de prendre en compte la politique extérieure des droits de l'homme, prise dans le sens large du terme.

Le Conseil fédéral a la conviction que ces défis ne peuvent être relevés convenablement que dans le cadre de partenariats avec d'autres Etats, des organisations internationales et des acteurs non gouvernementaux. Parallèlement, il considère de son devoir de vérifier régulièrement ses stratégies et ses instruments et, le cas échéant, de les ajuster. Il estime que la plupart de ses priorités traditionnelles gardent leur validité et doivent être préservées, que ce soit la promotion ciblée des droits fondamentaux et la protection des groupes particulièrement vulnérables, ou la généralisation des droits de l'homme dans d'autres domaines de la politique et le développement de partenariats.

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Le présent rapport s'articule comme suit: l'introduction est suivie de l'exposé des conditions générales auxquelles sont confrontés les acteurs de la politique des droits de l'homme. Puis vient la présentation de la politique extérieure suisse des droits de l'homme: les principes généraux, les objectifs, les instruments et les défis d'ordre concret, opérationnel ou conceptuel. Ce rapport se veut prospectif, autrement dit, il privilégie les réflexions sur le présent et sur l'avenir.

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Table des matières Condensé

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1 Introduction

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2 Le contexte

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3 Généralités et défis 3.1 Les femmes et les enfants, principaux groupes vulnérables 3.2 Droits de l'homme et lutte contre le terrorisme 3.3 Droits de l'homme et mondialisation 3.4 Droits de l'homme et coopération au développement 3.5 Droits de l'homme et conflits armés 3.6 Droits de l'homme et migration 3.7 Tendances de la politique multilatérale en matière de droits de l'homme

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4 La politique suisse des droits de l'homme 4.1 Principes 4.2 Engagement dans le domaine des droits fondamentaux 4.2.1 Droit à la vie, à la sécurité et à l'intégrité 4.2.2 Libertés de religion, d'expression et d'association 4.2.3 Les droits des femmes 4.2.4 Les droits de l'enfant 4.2.5 Interdiction de la discrimination, racisme et minorités 4.2.6 Les droits économiques, sociaux et culturels 4.2.7 Mécanismes de sanction des violations graves 4.3 La dimension transversale de la politique des droits de l'homme 4.3.1 Promotion des droits de l'homme et lutte contre le terrorisme 4.3.2 Droits de l'homme, conflits et migration 4.3.3 Droits de l'homme et développement 4.3.4 Développement de la science et des techniques 4.4 Les activités de la Suisse visant particulièrement les droits de l'homme 4.4.1 Principes d'action 4.4.2 Renforcement du système multilatéral des droits de l'homme

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5 Conclusion: concentration, crédibilité et cohérence

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Introduction

Le postulat de la Commission de politique extérieure du Conseil national du 14 août 2000, accepté par le Conseil fédéral le 13 septembre 2000, est à l'origine du présent rapport. La teneur de ce postulat est la suivante: «Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement une fois au cours de chaque législature un rapport présentant les mesures qu'il a prises, qu'il a engagées ou qu'il entend prendre pour promouvoir une politique de la Suisse en matière de droits de l'homme qui soit efficace et cohérente. Ce rapport indiquera notamment: ­

quels sont les objectifs fixés et les mesures prises par la Suisse en matière de droits de l'homme, et évaluation de leur efficacité;

­

comment il est tenu compte des droits de l'homme dans les différentes politiques (notamment développement, commerce extérieur, migration et promotion de la paix), et les conflits d'intérêts entre droits de l'homme et autres priorités;

­

quelles sont les mesures mises en oeuvre pour renforcer l'efficacité et la cohérence des activités de la Suisse en matière de politique extérieure et de commerce extérieur, ou susceptibles de les renforcer;

­

comment la société civile, les entreprises et les milieux scientifiques sont, ou peuvent être, associés au développement des droits de l'homme.»

Ce document est le premier rapport que le Conseil fédéral soumet au cours de la législature 2003 à 2007, réservant pour les autres rapports en préparation les informations sur les actions concrètes déjà réalisées, en particulier sur les différents crédits cadres que le Parlement a accordés pour le domaine des relations extérieures.

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Le contexte

Le 16 février 2000, le Conseil fédéral a soumis au Parlement le «Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme» (FF 2000 2460), qui présente un concept opérationnel visant à faciliter les décisions des autorités suisses relatives aux droits de l'homme. Le texte fournit des données sur les principes applicables, les instruments disponibles, les acteurs impliqués ­ gouvernementaux et non gouvernementaux ­ et enfin les conditions générales de la mise en oeuvre de la politique suisse des droits de l'homme dans le cadre de la politique extérieure de la Suisse.

Depuis lors, la politique extérieure suisse des droits de l'homme a été réaffirmée et développée à diverses occasions. Les textes de référence qui suivent sont tout particulièrement significatifs: ­

La Constitution fédérale du 18 avril 1999 cite la promotion des droits de l'homme et de la démocratie comme l'un des cinq principaux buts de la politique extérieure de la Suisse, les quatre autres étant la lutte contre la pauvreté, la promotion de la paix, la préservation des ressources naturelles et la défense des intérêts de l'économie suisse à l'étranger (Art. 54, al. 2, et 101 Cst.). Il s'ensuit que, par principe, les droits de l'homme sont des facteurs à prendre en compte dans toutes les activités de la Suisse à l'étranger.

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­

Le Rapport sur la politique extérieure 2000, du 15 novembre 2000 (FF 2001 237), réaffirme expressément que le respect des droits de l'homme est un but de la politique extérieure de la Suisse. Le Conseil fédéral s'est engagé à redoubler d'efforts en faveur du respect et de la promotion des droits de l'homme et à prendre les mesures appropriées.

­

Un des résultats de ces efforts aura été la loi fédérale du 19 décembre 2003 sur des mesures de promotion civile de la paix et de renforcement des droits de l'homme (RS 193.9), en vigueur depuis le 1er mai 2004. Sur la base de cette loi, un crédit cadre d'un montant de 220 millions de francs a été dégagé pour financer les mesures appropriées durant les années 2004 à 2007. Ce crédit vise directement la promotion des droits de l'homme. De plus, le Parlement met à la disposition de la Direction du développement et de la coopération ainsi que de la Direction du droit international public d'autres crédits servant à la mise en oeuvre de la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme dans leurs domaines de compétences respectifs. Un tableau récapitulant les montants alloués par année entre 2003 et 2005 par le Département fédéral des affaires étrangères à cet effort de promotion, sur les différents crédits dont il dispose à cet effet, figure à l'annexe II du présent rapport.

­

Dans le cadre de ses objectifs annuels, le Conseil fédéral réaffirme et concrétise constamment les stratégies définies dans les documents mentionnés ci-dessus. À différentes reprises, il a également profité des réponses aux interpellations parlementaires pour fournir des explications sur les questions conceptuelles et stratégiques. Il suffit de citer, à titre d'exemple, la possibilité et l'opportunité de créer une institution nationale des droits de l'homme, que le Conseil fédéral étudie actuellement en réponse à un postulat du Parlement et à la suite de diverses suggestions provenant de la société civile.

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Les droits de l'homme occupent également une place grandissante dans le cadre de la coopération au développement. Le Conseil fédéral l'a réaffirmé en 2003 et 2004 dans les messages sur la reconduction de l'aide à la coopération avec les pays en développement, l'Europe orientale et la CEI, et le Parlement a approuvé les crédits nécessaires.

­

En outre, l'adhésion de la Suisse à l'ONU, le 10 septembre 2002, s'est avérée d'une importance fondamentale pour le développement de la politique extérieure suisse en matière de droits de l'homme. Non seulement cette organisation représente le cadre de référence déterminant dans ce domaine, mais l'expérience montre également qu'elle offre à un pays comme la Suisse de nombreuses tribunes qui lui permettent de faire valoir efficacement, au niveau international, ses propres préoccupations en matière de droits de l'homme.

3

Généralités et défis

Depuis l'émergence des normes internationales relatives aux droits de l'homme il y a un peu plus de cinquante ans, le constat est toujours le même: le décalage entre l'idéal d'une société respectueuse des droits de l'homme et la réalité ne s'est pas réduit. La transposition des grands principes dans la réalité de chaque pays est un 5804

devoir auquel les Etats doivent constamment répondre sur des bases renouvelées. Il est vrai que la situation est problématique dans de nombreux pays. Chiffrer les violations des droits de l'homme est une entreprise complexe; d'une part, il n'existe pas d'état des lieux fiable pour tous les pays et, d'autre part, toutes les données disponibles n'ont pas la même pertinence. Les chiffres sont fréquemment manipulés, surtout en période de conflits armés et de troubles. Les comparaisons de données et statistiques établies par les organisations internationales donnent toutefois un aperçu général de l'ampleur actuelle des violations des droits de l'homme.

On estime qu'environ 70 Etats utilisent encore régulièrement la torture ou d'autres pratiques cruelles, inhumaines ou dégradantes pour extorquer des aveux à des personnes, les punir, les humilier ou briser leur volonté. Aucun Etat n'est entièrement à l'abri de ces pratiques. En temps de guerre ou de paix, des millions de personnes dans le monde, qu'elles soient victimes ou proches de victimes, sont affectées par la disparition forcée. Par ailleurs, des dizaines de milliers de personnes sont chaque année détenues arbitrairement, certaines au simple motif qu'elles ont exercé un droit fondamental tel que la liberté d'expression. D'autres sont incarcérées sans mandat d'arrêt ni chef d'accusation ni jugement prononcé par un tribunal indépendant, ou demeurent emprisonnées bien qu'elles aient purgé leur peine. Selon Amnesty International, sur les 196 Etats que compte notre planète, 73 maintiennent et appliquent encore la peine de mort. En revanche, le nombre de pays qui procèdent chaque année à des exécutions est bien plus faible. Au cours de l'année 2004, 3797 détenus ont été exécutés dans 25 pays et territoires; 7395 personnes ont été condamnées à la peine capitale dans 64 pays et territoire. 97 % des exécutions connues ont eu lieu en Chine, aux Etats-Unis, en Iran et au Vietnam.

Les deux tiers de la population mondiale vivent dans la pauvreté. Ils n'ont pas accès à la nourriture, à l'eau, aux soins ni à l'éducation et sont privés de participation à la vie politique et d'égalité devant la loi. Plus d'un milliard de personnes ont moins d'un dollar par jour pour vivre. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), un enfant sur cinq n'achève
même pas le cycle de l'enseignement primaire. Enfin, près de 800 millions de personnes ­ 15 % de la population mondiale ­ souffrent de faim chronique.

La pauvreté ne se définit pas uniquement par le manque de revenus; elle est également la conséquence de la discrimination dont sont victimes les personnes concernées, ces dernières étant largement exclues de la vie économique, sociale et politique. Les instruments de protection des droits de l'homme sont importants et bénéficient d'une réelle légitimité internationale; ils permettent de combattre les multiples facettes de la pauvreté: l'interdiction de discriminer ainsi que les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels constituent le cadre de référence que la grande majorité des Etats a adopté en ratifiant les normes internationales. Les Etats doivent protéger leurs citoyens de l'abus de pouvoir et permettre l'accès des groupes de population défavorisés au marché, aux prestations et aux ressources publiques ainsi qu'au pouvoir politique. La concrétisation pour tous de cette obligation ainsi que la mise en oeuvre des droits de l'homme pour les groupes défavorisés représentent le principal défi de tout engagement dans le domaine des droits de l'homme.

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3.1

Les femmes et les enfants, principaux groupes vulnérables

Les femmes et les enfants sont les groupes les plus menacés par les violations des droits de l'homme. Les statistiques de la Division de la promotion de la femme de l'ONU et du Rapporteur spécial de l'ONU sur la violence à l'égard des femmes font ressortir l'ampleur du phénomène et les principales raisons pour lesquelles les femmes ne peuvent exercer leurs droits: près de 70 % des 1,3 milliard de personnes qui vivent dans la pauvreté sont des femmes; 80 % des 35 millions de personnes réfugiées ou déplacées dans leur pays sont des femmes et des fillettes. Elles sont particulièrement exposées aux abus et à l'exploitation. La violence à l'égard des femmes est un phénomène largement répandu, qui concerne en particulier celles qui se trouvent dans une situation de dépendance économique, sociale, familiale ou psychique. Fréquemment, les femmes sont victimes de discrimination non seulement en raison de leur sexe, mais également en raison de leur appartenance à une minorité ethnique ou religieuse. On estime qu'un tiers des femmes dans le monde ­ 10 % en Suisse selon une étude publiée en 2005 ­ sont victimes de violences sexuelles ou physiques commises par leur partenaire. Selon les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), entre 85 et 115 millions de femmes et de fillettes ont subi des mutilations génitales diverses et souffrent des conséquences de ces actes inhumains. Aujourd'hui encore, près de deux millions de fillettes sont chaque année victimes de ces pratiques. Les viols sont très répandus en situation de conflits armés et de troubles. A cet égard, il faut souligner le caractère particulièrement perfide de la pratique consistant à violer des femmes de l'autre partie au conflit en vue de terroriser et de déshumaniser le groupe rival. Conséquence directe de ces violences, les femmes sont les principales victimes du virus VIH/Sida. Malgré la ratification quasi-universelle de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de femmes, nombre d'entre elles se voient toujours refuser l'accès à la vie économique et politique.

Les violations des droits de l'enfant sont elles aussi répandues partout dans le monde. Ces dix dernières années, deux millions d'enfants ont été tués dans le cadre de conflits armés, des millions d'autres enfants ont été blessés,
mutilés ou ont subi des traumatismes psychiques. Le nombre d'enfants soldats dans le monde ­ garçons et filles ­ s'élève à au moins 300 000. Selon les informations de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), 246 millions d'enfants sont employés en toute illégalité. On compte, parmi eux, 180 millions d'enfants soumis aux formes les plus graves d'exploitation (esclavage, travaux dangereux, prostitution et pornographie).

De plus, quelques Etats continuent d'appliquer la peine de mort aux mineurs. Des millions d'enfants souffrent des effets de l'extrême pauvreté ou sont livrés à euxmêmes. Les enfants des rues sont souvent victimes de discrimination, d'exécutions extrajudiciaires ou du trafic d'organes humains. L'épidémie du VIH/Sida, dont l'ampleur dépasse les pronostics les plus pessimistes établis dans les années 1990, a déjà, dans certains pays, réduit à néant les efforts d'amélioration des conditions de vie et de la dignité de millions d'êtres humains. C'est en particulier le cas en Afrique subsaharienne où le niveau d'accès aux soins et l'espérance de vie ont régressé de plusieurs dizaines d'années. Selon ONUSIDA, en 2003, cette région comptait au moins deux millions d'enfants de moins de 15 ans porteurs du virus VIH/Sida.

ONUSIDA et UNICEF estiment par ailleurs que 11 millions d'enfants orphelins,

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âgés de moins de 15 ans, ont perdu un parent voire les deux des suites du VIH/Sida dans la région. Les risques de discrimination, d'exclusion et de développement de la maladie sont particulièrement élevés chez eux.

3.2

Droits de l'homme et lutte contre le terrorisme

Depuis quelques années, des sujets tels que le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l'antisémitisme et l'intolérance qui y est associée occupent le devant de la scène internationale. Le phénomène de la discrimination multiple en raison du sexe ou d'une appartenance ethnique, religieuse ou culturelle s'est accentué. Et parallèlement, les appels à la haine raciale sur Internet se sont multipliés. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, on constate une tendance à dresser des profils raciaux en raison de caractéristiques extérieures telles que la couleur de la peau ou les traits du visage.

Les actes terroristes constituent une atteinte aux droits fondamentaux. Les Etats ont donc le droit et le devoir de protéger leur population contre ces attaques. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, un nombre croissant de pays ont adopté des lois antiterroristes ou ont durci les lois existantes. Si la défense contre l'agression terroriste est en principe justifiée, certaines des nouvelles lois antiterroristes sont contraires aux obligations internationales en matière de droits de l'homme et de droit international humanitaire, car elles restreignent de manière inadmissible les droits de l'individu. Cette tendance augmente le risque de détentions arbitraires, de torture et de mauvais traitements, de discrimination à l'égard de certains groupes de population et de violations du domaine privé. Peu respectueux des droits de l'homme et du droit international humanitaire, certains gouvernements abusent de la situation actuelle pour accroître la répression, réduire au silence des groupes d'opposition non violents et en attribuer la responsabilité aux défenseurs des droits de l'homme. Il est inacceptable de bafouer les droits fondamentaux sous couvert de lutte contre le terrorisme, et ce quelles que soient les circonstances. Les Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme du Conseil de l'Europe du 11 juillet 2002 constituent à cet égard un cadre de référence pour les Etats. Dans le cas de la Suisse, les événements de ces dernières années ont mis en évidence l'insuffisance du dispositif légal anti-terroriste et la nécessité de l'adapter au terrorisme actuel. Si la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure exige par conséquent une révision, les mesures prévues dans ce cadre s'inscrivent dans le respect des droits fondamentaux et des obligations internationales de la Suisse.

3.3

Droits de l'homme et mondialisation

Sous de nombreux aspects, la mondialisation a des répercussions positives sur les droits de l'homme: elle ouvre, à travers le renforcement du commerce mondial, de nouvelles perspectives en vue d'améliorer le niveau de vie à l'échelle planétaire, mais elle permet également, grâce à de nouveaux moyens de communication, l'échange d'idées démocratiques, encourageant la transmission de connaissances sur les droits de l'homme et permettant à la société civile de contribuer plus facilement à

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la protection et à la promotion de ces droits dans le cadre d'initiatives prises à l'échelle internationale.

Toutefois, la mondialisation, phénomène diffus et immaîtrisable, peut également avoir des répercussions négatives. En effet, la logique économique que ce phénomène poursuit représente une menace pour les droits de l'homme, en particulier les droits économiques et sociaux. La méconnaissance des droits de l'homme, volontaire ou non, des acteurs constitue un risque de violation accrue. La mondialisation doit en conséquence faire l'objet d'une approche basée sur le droit et la sensibilisation des différents acteurs. Avec cette perspective, l'Etat améliore sa capacité à assumer pleinement ses devoirs de respect et de protection, à renforcer la démocratie et la cohésion des différentes cultures et traditions locales.

Le système international des droits de l'homme est de plus en plus perçu comme un complément essentiel de la mondialisation économique. Les standards minimaux qu'il impose sont des outils qui permettent de parer aux conséquences négatives de la mondialisation et de définir des responsabilités minimales. Cependant les Etats restent les premiers responsables de la protection de leur population contre les violations de ses droits.

Pour maîtriser les effets négatifs de la mondialisation, différents acteurs économiques qui évoluent à l'échelle internationale oeuvrent depuis quelques années en faveur d'une nouvelle prise de conscience. Nombre d'entre eux, à commencer par les entreprises privées elles-mêmes, s'aperçoivent en effet qu'il est dans leur intérêt, à terme, de s'engager, par exemple, en faveur du maintien de la stabilité économique et sociale, de la sauvegarde des droits de l'homme ou encore de la protection de l'environnement. Cette nouvelle prise de conscience a fait évoluer les relations entre les gouvernements, la société civile et les entreprises tournées vers le progrès: ces relations se transforment en un dialogue basé sur le partenariat. A cet égard, la Suisse soutient activement le Pacte mondial de l'ONU (Global Compact) et encourage le secteur privé à participer à la mise en oeuvre des droits de l'homme. Outre des membres de la société civile et des entreprises, des organisations internationales, telles que l'ONU, l'Organisation Internationale du Travail (OIT,
organisation tripartite réunissant gouvernements et partenaires sociaux), mais aussi la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC), prennent part à ce dialogue. Ces organisations ont conscience qu'une mondialisation durable et à visage humain n'est possible que si tous les acteurs publics et privés encouragent des valeurs et appliquent des règles valables partout dans le monde.

Depuis la Conférence ministérielle de l'OMC à Singapour (1996), l'OIT est reconnue comme un des organes compétents pour assurer la dimension sociale de la mondialisation de l'économie. Assurer un travail décent pour tous est aussi une des recommandations centrales du rapport de la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation: «Une mondialisation juste: créer des opportunités pour tous», publié en février 2004 et discuté lors de la Conférence internationale du travail en juin 2004. La poursuite de cet objectif continuera d'être au centre des discussions des constituants de l'OIT. La mise en oeuvre de cette dimension sociale constitue une priorité pour la Suisse.

Entre droits de l'homme et mondialisation, il s'agit de garantir la transition d'une économie et d'une société mondialisées vers une «gouvernance mondiale». Les 5808

possibilités d'influence à l'échelle nationale semblant relativement limitées, une mise en réseau et un pilotage à l'échelle mondiale, avec la participation de tous les acteurs internationaux importants, s'avèrent de plus en plus nécessaires. La mise en place d'un ordre mondial juste est une démarche pluridimensionnelle. Toutefois, les droits de l'homme, universellement reconnus, offrent une base acceptée par tous les pays et un contexte à la fois légal et opérationnel pour le traitement des problématiques sociales et politiques de la mondialisation.

3.4

Droits de l'homme et coopération au développement

Bien que la coopération au développement et la politique des droits de l'homme doivent répondre, en principe, au même objectif ­ la dignité humaine pour tous ­ pendant longtemps les liens étroits existant entre le développement et les droits de l'homme ont été ignorés. Au cours des dernières années, le constat suivant a été fait: il est impossible de concevoir le développement sans les droits de l'homme et, inversement, les droits de l'homme sans le développement. Les expériences faites en matière de politique de développement ont permis de mettre en évidence que le développement économique et social n'est durable que là où des conditions cadres juridiques et politiques ont été définies à cet effet. La conformité aux principes de bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme en font partie. La politique internationale en matière de droits de l'homme a reconnu que les sanctions internationales prises suite à des violations des droits de l'homme et les interventions habituelles effectuées ponctuellement en faveur des droits civils et politiques ne contribuent que de façon très limitée à l'amélioration de la situation dans un pays.

S'est imposée en effet la conviction selon laquelle les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sont liés de façon très étroite et ne peuvent être dissociés les uns des autres.

De nombreux experts et organisations se sont penchés, ces dernières années, sur la question de savoir comment intégrer les droits de l'homme dans la coopération au développement. En collaboration avec différents pays donateurs, l'ONU a formulé les principes ci-après, exprimant un consensus de base sur une approche du développement se basant sur des droits de l'homme: ­

toutes les activités relevant de la coopération au développement doivent garantir la sauvegarde des droits de l'homme;

­

la planification et la mise en oeuvre de programmes doivent tenir compte des droits de l'homme;

­

la coopération au développement a pour but de renforcer les Etats, qui sont responsables de la mise en oeuvre des droits de l'homme, mais aussi les individus et les groupes qui en bénéficient.

Ces principes fondamentaux expriment la prise de conscience accrue, au sein de l'ONU, des liens existant entre droits de l'homme, pauvreté et développement durable. Cette prise de conscience est soulignée par exemple dans le rapport du Secrétaire général Kofi Annan du 21 mars 2005 sur le projet de réforme de l'ONU, intitulé «Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et droits de l'homme pour tous». Le Secrétaire général résume les liens étroits existant entre la paix, le développement et les droits de l'homme en trois types de liberté: la liberté d'être à l'abri du besoin, la liberté d'être à l'abri de la peur et la liberté de vivre dans la dignité.

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Les instruments internationaux imposent aux Etats trois types d'obligation: celle de ne pas enfreindre eux-mêmes les droits de l'homme (obligation de respecter), celle d'empêcher des tiers d'entraver les droits de l'homme (obligation de protéger) et celle de prendre des mesures permettant la pleine mise en oeuvre des droits de l'homme (obligation de mettre en oeuvre). Traditionnellement, la coopération au développement s'occupe de domaines dans lesquels il s'agit d'appliquer de façon effective (obligation de mettre en oeuvre) les droits de l'homme dans les pays bénéficiaires. En d'autres termes, elle promeut et soutient la création d'institutions et de capacités visant à garantir le respect universel de ces droits. Ces expériences s'avèrent également utiles pour une politique des droits de l'homme qui ne se limite plus à la critique, à la condamnation et à la sanction, et dont l'objectif est d'aider les pays partenaires à protéger les droits fondamentaux de groupes de population marginalisés et d'élaborer des structures conformes au respect des droits de l'homme.

Les droits de l'homme sont étroitement liés aux efforts déployés pour améliorer les conditions cadres juridiques et politiques (gouvernance) dans les pays en voie de développement. Au cours des dernières années, des mesures ont été prises pour aider les pays partenaires, en particulier dans les domaines suivants: ­

prise de décisions politiques dans le cadre de processus transparents et participatifs et dans l'optique d'une utilisation efficace des ressources publiques;

­

attribution claire des responsabilités et gestion intègre des tâches de l'Etat;

­

prestations publiques efficaces, qui tiennent compte des besoins des groupes de population marginalisés;

­

système juridique basé sur la notion d'Etat de droit, accessible, professionnel et indépendant, qui permet un développement axé sur l'économie de marché et définit les responsabilités des acteurs privés et publics;

­

contrôle politique exercé par une opinion publique critique.

Ces domaines qui concernent la gouvernance touchent tous aux droits de l'homme.

Par exemple, les droits civils et politiques, indispensables à une prise de décision transparente et participative et au contrôle de la gestion des affaires publiques par une opinion pluraliste, constituent la base de tout Etat de droit. Mais les droits économiques, sociaux et culturels jouent également un rôle, dans la mesure où ils offrent un cadre de référence permettant aux autorités de fournir des prestations qui répondent aux besoins, sont efficaces et exemptes de toute discrimination.

Aujourd'hui, les droits de l'homme sont à la fois le but et l'instrument d'une politique de développement efficace. Les conventions qui les garantissent sont légitimes parce qu'elles constituent la base contraignante, volontaire, de l'engagement des Etats donateurs et des Etats bénéficiaires dans l'amélioration des conditions cadres politiques et juridiques et dans la lutte contre la pauvreté.

3.5

Droits de l'homme et conflits armés

La paix est le terreau le plus fertile pour la mise en oeuvre intégrale des droits de l'homme. En parallèle, le respect de ceux-ci et l'existence d'un «Etat de droit» constituent la base de toute forme de paix durable. Souvent, les violations systématiques des droits de l'homme sont le signe précurseur d'un conflit imminent; en même temps, elles contribuent à exacerber les tensions entre les différents groupes et 5810

à favoriser le déclenchement de troubles internes voire d'affrontements armés. Il est donc important d'agir dès les premiers signes de violation massive des droits fondamentaux. C'est justement à ce stade précoce que les systèmes nationaux de protection des droits de l'homme jouent un rôle très important, qu'il s'agisse d'institutions ou de commissions parlementaires spéciales. L'éventail des dispositions permettant le repérage précoce des violations des droits de l'homme dans les régions sujettes aux conflits doit être complété par des mesures destinées à être appliquées après la fin des hostilités et par des mesures ciblées de prévention.

On constate que presque tous les conflits armés ­ internationaux ou non ­ sont aujourd'hui accompagnés de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire (exécutions extrajudiciaires, viols et autres formes de violences sexuelles ou de tortures). Souvent, les conflits internes vont de pair avec la déliquescence de l'Etat, ce qui implique que celui-ci n'est plus en mesure d'assurer ses fonctions fondamentales et de garantir la mise en oeuvre des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Les groupes armés prennent alors sa place et ne protègent les droits que d'une minorité de la population civile au nom du droit international ­ si tant est qu'ils le fassent ­ en commettant bien souvent eux-mêmes des violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, dont la plupart demeurent impunies. Les populations civiles sont devenues la cible délibérée des parties aux conflits armés contemporains puisqu'elles constituent, selon les estimations, quelque 90 % des victimes.

Il est difficile de remédier à ces violations et d'assurer, voire d'imposer un comportement respectueux des droits de l'homme, surtout dans les pays aux structures étatiques faibles ou en déliquescence où il faut d'abord créer les institutions responsables et les capacités nécessaires pour améliorer la situation. La communauté internationale n'a pu faire cesser les massacres ni en Bosnie-Herzégovine, ni au Rwanda, ni au Darfour, ni en République démocratique du Congo.

L'objectif principal de la communauté internationale doit être d'améliorer concrètement la protection des populations civiles dans les conflits armés. C'est dans ce cadre qu'a
été élaboré le concept de «responsabilité de protéger» les populations civiles contre le génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le nettoyage ethnique. Lors du Sommet mondial de septembre 2005 à New York, les gouvernements, de même que le Conseil de sécurité de l'ONU, ont réaffirmé la responsabilité de chaque Etat de protéger la population présente sur son territoire contre les crimes les plus haineux. Lorsqu'un Etat ne veut ou ne peut plus respecter cette responsabilité, il appartient à la communauté internationale d'agir, si nécessaire par une action collective dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cependant, différents exemples montrent que l'intervention internationale en cas de crise ne suffit pas. La coopération internationale doit aider activement l'Etat en question à construire de nouvelles structures politiques et administratives qui soient à même de respecter les droits de l'homme et de les mettre en oeuvre.

À cet égard, la manière d'aborder l'«héritage» du conflit, les violations des droits de l'homme, les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité est déterminante dans bien des cas. Il s'agit dès lors de prendre rapidement des dispositions légales et institutionnelles qui permettent de sanctionner les violations particulièrement graves du droit, sans pour autant entraver la réconciliation nationale et la recherche de la vérité. Depuis quelques années, les opérations de maintien de la paix de l'ONU et de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) mettent tout

5811

particulièrement l'accent sur la nécessité de développer des structures étatiques à même de résister aux situations de crise parce que reposant sur les droits de l'homme et sur les principes de «l'Etat de droit».

3.6

Droits de l'homme et migration

Les grands mouvements migratoires ont un rapport avec les droits de l'homme à plusieurs égards. Par exemple, les violations des droits de l'homme comptent, d'une manière très générale, parmi les causes premières de la migration forcée. De plus, les migrants, réfugiés, les personnes déplacées et les victimes de la traite des êtres humains sont la cible privilégiée des agressions racistes et d'autres formes de discrimination ainsi que d'abus sexuels. Ils sont en général extrêmement exposés aux violations des droits de l'homme.

Les mouvements migratoires internationaux contemporains sont complexes et, par conséquent, leur gestion revêt une importance croissante pour les Etats. Le but principal est de s'engager à maximiser les aspects positifs de la migration, d'une part, et à combattre et à prévenir les mouvements migratoires forcés, d'autre part. La migration forcée peut avoir différentes origines, dont, parmi les plus fréquentes, les violations des droits de l'homme. Une partie des migrants involontaires tente d'obtenir l'entrée et un permis de séjour dans les pays industrialisés par le droit d'asile. Mais la majeure partie d'entre eux va gonfler les flux migratoires internes des pays en développement ou en transition. Ces personnes ne fuient pas uniquement les persécutions dans leur pays d'origine, mais aussi un environnement dans lequel leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sont limités.

Les réfugiés sont protégés par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole additionnel de 1967. Tous les Etats ne sont pas parties à ces instruments juridiques et leur mise en oeuvre effective est inégale, le plus souvent au détriment des personnes particulièrement vulnérables. En outre, à ce jour, on estime à pas moins de 25 millions le nombre de personnes déplacées dans leur propre pays.

Celles-ci sont particulièrement exposées aux abus et à la privation de leurs droits fondamentaux. Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes dans leur propre pays constituent des standards internationaux visant à faciliter aux personnes déplacées l'exercice de leurs droits, mais ils sont appliqués de façon inégale par les gouvernements concernés.

La traite des êtres humains à des fins d'exploitation commerciale, forme particulièrement inquiétante de
la migration forcée, a progressé de manière sensible et concerne chaque année quelque 900 000 femmes, hommes et enfants. Les victimes font l'objet d'abus divers tels que la prostitution, l'exploitation sexuelle, le travail forcé, les nouvelles formes d'esclavage, l'adoption illégale ou encore le trafic d'organes.

Compte tenu de cette complexité, les questions de migration sont traitées dans le cadre d'organisations compétentes des Nations Unies telles que le Haut-Commissariat pour les réfugiés ainsi que dans les organisations internationales telles que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Elles font également partie du plan de travail de toutes les organisations de défense des droits de l'homme telles que le Conseil de l'Europe, où elles sont devenues une préoccupation majeure.

5812

3.7

Tendances de la politique multilatérale en matière de droits de l'homme

Les conditions cadres décrites plus haut et les perspectives d'avenir placent les acteurs de la politique internationale des droits de l'homme face à de nouveaux défis. Il s'agit, d'une part, de garantir la mise en oeuvre de ces droits alors même que les conditions cadres évoluent et, d'autre part, de mettre au point des instruments applicables à de nouveaux phénomènes. L'ONU et ses institutions spécialisées (comme l'OIT qui réunit gouvernements, employeurs et travailleurs), des organisations régionales comme le Conseil de l'Europe, l'OSCE et l'Union européenne (UE) jouent ici un rôle primordial, outre les diverses organisations non gouvernementales nationales et internationales. S'ajoutent à elles d'autres organisations et réseaux tels que l'Organisation internationale de la francophonie, le Réseau pour la sécurité humaine, le Pacte mondial de l'ONU ou le Pacte de stabilité pour l'Europe du SudEst. Ces organisations constituent des plates-formes de discussion utiles en vue du renforcement, du développement et du respect des droits de l'homme.

A l'échelle mondiale, l'ONU se situe au premier rang. Jusqu'à sa dernière session en mars 2006, les questions relatives aux droits de l'homme ont été en majorité traitées par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, parallèlement au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale. Ce rôle de premier plan se retrouve encore renforcé depuis peu grâce au remplacement de la Commission par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. La création de ce nouvel organe reflète la volonté du Secrétaire général des Nations Unies, déjà exprimée en 2002 dans le cadre de son programme «Renforcer les Nations Unies: un agenda pour davantage de changement», de réformer l'organisation. Sur la base des recommandations formulées par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement en décembre 2004, le Secrétaire général Kofi Annan a publié le 21 mars 2005 un rapport intitulé «Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et droits de l'homme pour tous». Sur la base de ce rapport, un important processus de réforme a abouti le 15 mars 2006 à l'adoption par l'Assemblée générale de la résolution sur la création du Conseil des droits de l'homme, qui placera désormais droits de l'homme, sécurité et développement sur un pied
d'égalité au sein de la hiérarchie onusienne.

D'autres organisations internationales ont pris aussi des mesures en vue de relever les défis actuels. Le Conseil de l'Europe entend promouvoir une protection des droits de l'homme plus efficace et plus complète. À cette fin, il ne cesse de prendre des initiatives spécifiques d'éducation et de sensibilisation. Son Commissaire aux Droits de l'Homme, pour sa part, met l'accent sur les lacunes de la législation et de la pratique dans les Etats membres. Le Conseil de l'Europe concentre encore ses travaux sur l'évolution du droit et le contrôle juridique et politique du respect des engagements que les Etats membres contractent en adhérant ou en ratifiant une de ses 200 conventions. Par ailleurs, il continue de soutenir les pays d'Europe centrale, d'Europe de l'Est et du Caucase du Sud dans la mise en oeuvre et la consolidation des processus politiques de réforme ainsi que des réformes constitutionnelles et législatives.

Au cours des dernières années, l'OSCE a mis l'accent sur la dimension humaine.

Cette évolution est critiquée par certains Etats participants qui considèrent qu'elle se fait au détriment des dimensions politico-militaire et économico-environnementale.

Le travail effectué par les missions et les agents sur le terrain, par les collaborateurs dans les institutions «techniques» traditionnelles ­ à savoir le Bureau pour les insti5813

tutions démocratiques et les droits de l'homme, le Haut-Commissaire pour les minorités nationales et le Représentant de l'OSCE pour la liberté des médias ­ ainsi que par la Représentante spéciale pour la lutte contre la traite des êtres humains, nommée en 2004, a permis de poursuivre et d'élargir les activités de l'OSCE dans les domaines de l'observation, de l'alerte précoce, de l'intervention critique et du soutien technique.

Les droits de l'homme, la démocratie et les principes de l'Etat de droit font également partie des valeurs fondamentales de l'UE. Consacrés dans les traités de Maastricht, ils ont été réaffirmés et renforcés par l'adoption de la Charte des droits fondamentaux en 2000. Dans le rapport du Premier ministre luxembourgeois, JeanClaude Juncker, du 11 avril 2006 sur les relations entre l'UE et le Conseil de l'Europe, l'UE est appelée à adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme. L'UE s'engage en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme tant à l'intérieur de ses frontières qu'à l'égard d'Etats tiers. Au niveau international, elle est devenue l'un des acteurs majeurs en la matière. Comme la Suisse, elle entretient un dialogue sur les droits de l'homme avec la Chine et l'Iran, fait du respect de ces droits une partie intégrante de la coopération avec des Etats tiers et soutient, par des mesures positives, les Etats partenaires qui encouragent des réformes.

4

La politique suisse des droits de l'homme

Les droits de l'homme sont l'expression normative de valeurs fondamentales, universellement reconnues. Ils reposent sur le principe d'humanité visant à la création d'un monde dans lequel la dignité, le respect de la diversité humaine, la liberté individuelle, le bien-être et la sécurité sont garantis pour tous. Ce principe est profondément ancré dans les valeurs de notre pays et dans celles de nos citoyens. Il est consacré par la Constitution fédérale et d'autres textes fondamentaux et constitue le cadre de base de la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme.

4.1

Principes

La stratégie de la Confédération repose sur les principes suivants: Le droit international public: une référence primordiale Notre politique extérieure en matière de droits de l'homme a pour cadre de référence les conventions internationales et le droit coutumier. Le Conseil fédéral apprécie la situation mondiale à l'aune du respect dont bénéficient les normes internationales. Il fonde son engagement sur ces normes et s'efforce de les renforcer et de les concrétiser par son action. En même temps, il prend part activement aux discussions qui ont lieu au sein des organes politiques et juridiques internationaux chargés de l'application du droit international public. Il veille à ce que les décisions, projets et programmes suisses ne violent pas ces normes, mais contribuent à leur réalisation.

La Suisse est convaincue que la crédibilité de sa politique des droits de l'homme est étroitement liée à la ratification des conventions internationales en la matière et à leur application dans le cadre de son ordre juridique. Elle a adhéré aux principales 5814

conventions européennes et internationales sur les droits de l'homme et, depuis 2000, a élargi ses engagements internationaux en ratifiant de nouveaux instruments de droit international et en retirant des réserves.

Art. 54, al. 2, de la Constitution La politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme est inscrite à l'art. 54, al. 2 de la Constitution et découle de sa tradition humanitaire. Lorsqu'elle s'engage, par exemple, pour les victimes de violences, c'est en faveur de leur dignité, sans tenir compte de leur nationalité, du contexte politique, économique et social de leur pays d'origine et de la relation de celui-ci avec notre pays.

Sauvegarde à long terme des intérêts Outre la ligne directrice humanitaire, l'engagement en faveur des droits de l'homme répond également aux intérêts bien compris de la Suisse. Sa politique extérieure repose sur la conviction que la paix, le développement et la stabilité ne peuvent être solides et durables que si tous les Etats assurent le respect des droits fondamentaux et respectent les principes de la démocratie et de l'Etat de droit. L'expérience a montré que les Etats qui appliquent ces principes sont moins sujets aux crises qui requièrent aides d'urgence, protection des réfugiés et missions de paix. Les Etats dont l'assise en matière de droits de l'homme est solide sont également des partenaires commerciaux plus fiables et, de ce fait, plus intéressants.

Universalité des droits de l'homme La Suisse s'engage en faveur du respect des droits de l'homme au niveau mondial.

Pour notre pays, ces droits sont la condition sine qua non d'un monde stable et pacifique. En lançant un dialogue bilatéral sur les droits de l'homme, en favorisant la recherche de consensus au sein des forums multilatéraux, en encourageant la participation des populations locales au développement de projets et en diffusant une culture des droits de l'homme, la Suisse s'applique à renforcer, dans un esprit de continuité, la base commune à tous les pays quant à la protection et à la promotion de ces droits.

Le Conseil fédéral reconnaît que la mise en oeuvre des droits de l'homme ne peut se faire selon un modèle général mais s'oppose aux remises en cause des acquis juridiques, que ces remises en cause reposent sur des motifs d'ordre social, économique, culturel, politique
ou religieux.

Engagement en faveur des droits de l'homme et de leur réalisation concrète La Suisse s'engage de manière égale en faveur de l'ensemble des droits de l'homme: les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Elle souscrit au principe de leur indivisibilité et considère tous les droits comme importants. Elle s'engage pour que les autres Etats et les institutions respectent leurs obligations en matière de droits de l'homme, s'efforçant elle-même de remplir les siennes.

En ratifiant les conventions relatives aux droits de l'homme, tous les Etats contractants (la Suisse y compris) ont accepté de respecter des obligations diverses. Les autorités étatiques doivent respecter les droits de l'homme, protéger les groupes vulnérables contre les violations de ces droits et transposer ceux-ci dans la réalité sociale. L'engagement de la Suisse nécessite différents instruments pour promouvoir le respect et la protection des droits de l'homme dans tous les pays et aider d'autres Etats dans leurs efforts de mise en oeuvre. Parallèlement à la politique internationale 5815

en matière de droits de l'homme, il existe de nombreux autres domaines politiques dans lesquels le respect de ces droits joue un rôle, même s'il ne se situe pas toujours au premier plan (importance transversale des droits de l'homme). Le Conseil fédéral s'attachera à intégrer systématiquement cette dimension dans d'autres domaines de sa politique extérieure, afin de profiter des nouvelles possibilités qu'offre la mondialisation pour renforcer les normes internationales relatives aux droits fondamentaux.

4.2

Engagement dans le domaine des droits fondamentaux

Même si le Conseil fédéral a fait siens les principes de l'universalité et de l'indivisibilité des droits de l'homme, il a dû déterminer des priorités en privilégiant certains domaines d'importance majeure au regard de la protection internationale des droits de l'homme et de leur développement, auxquels la Suisse peut apporter une contribution efficace.

4.2.1

Droit à la vie, à la sécurité et à l'intégrité

Droit à la vie Le droit à la vie est le droit humain le plus élevé et le plus fondamental. Il est la pierre angulaire de tous les autres et de ce fait, en parallèle à la politique proprement dite des droits de l'homme, constitue l'un des objectifs centraux d'autres domaines d'activités de la Suisse en matière de politique étrangère, par exemple la coopération au développement ou l'aide humanitaire. Les conflits armés, la violence politique, la déportation, la pauvreté et l'exclusion sociale menacent la vie et la sécurité d'un grand nombre de personnes. Dans la plupart des cas, les Etats concernés ne veulent pas ou ne peuvent pas protéger la vie et la sécurité des groupes de population vulnérables. La Suisse, à travers la coopération au développement et l'aide humanitaire, fournit, sous différentes formes, une aide dans divers pays en vue de garantir au plus grand nombre le droit à la vie et l'accès aux ressources vitales dans les situations de crise (eau, nourriture, toit, sécurité personnelle).

Accordant un poids particulier au respect et au renforcement du droit à la vie, le Conseil fédéral a fait de la lutte contre la peine de mort l'une des priorités de sa politique étrangère en matière de droits de l'homme. Il condamne avec fermeté la peine capitale, toute forme d'exécution extrajudiciaire, sommaire ou arbitraire, dont les homicides commis par des individus et tolérés par les Etats, comme les crimes d'honneur ou le meurtre commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime.

Dans les limites de ses possibilités, il s'engage en faveur de l'abolition de la peine de mort ou tout au moins d'un moratoire sur l'exécution des peines, premier pas vers l'abolition. Il insiste auprès des pays qui maintiennent cette peine pour qu'ils respectent les garanties minimales du droit international public.

Au cours des années à venir, le Conseil fédéral s'efforcera d'accorder la priorité absolue au respect sans restriction du droit à la vie. Il entend poursuivre et intensifier son engagement en faveur de l'abolition de la peine de mort aux niveaux bilatéral et multilatéral tout comme sa lutte contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Son action se portera tout particulièrement dans les pays parties à des conflits armés ou confrontés à d'importants troubles intérieurs.

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Interdiction de la torture Tout être humain a le droit intangible de ne pas être soumis à la torture. Ce droit ne peut en aucun cas être suspendu. Pour cette raison, toute tentative visant à déclarer admissible l'exercice de la pression physique ou psychique lors d'interrogatoires est du point de vue légal absolument irrecevable. L'interdiction absolue vaut aussi pour les stratégies appliquées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Depuis de nombreuses années, la lutte contre la torture est un élément majeur de la politique étrangère de la Suisse en matière de droits de l'homme. L'engagement du Conseil fédéral à ce propos s'appuie sur le droit international public qui pose l'interdiction absolue de la torture. Le Conseil fédéral s'engage en faveur de la poursuite pénale des auteurs de tortures et plaide pour le droit des victimes à obtenir réparation et dédommagement. Il met tout particulièrement l'accent sur les mesures de prévention. En d'autres termes, il demande l'accès rapide à un avocat au cours des premières heures suivant une arrestation ainsi qu'à une expertise régulière des conditions de détention par des observateurs indépendants. Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture de l'ONU, que l'Assemblée générale a adopté le 18 décembre 2002, est à cet égard un instrument de prévention fondamental et universel. Avec le Costa Rica et l'Association pour la Prévention de la Torture (APT), ONG basée à Genève, la Suisse s'est engagée durant plus de deux décennies en faveur de ce protocole qui garantit à une commission internationale d'experts indépendants l'accès permanent à tous les lieux de détention des Etats Parties. Un message du Conseil fédéral proposant sa ratification est en cours d'élaboration. Il devrait être présenté au Parlement d'ici fin 2006.

Disparitions forcées et arrestations arbitraires La disparition forcée est une privation de la liberté commise par des agents de l'Etat ou avec l'autorisation ou l'acquiescement de l'Etat, suivie du déni de la reconnaissance de cette privation de liberté ou de la dissimulation du sort de la personne disparue, ainsi soustraite à la protection de la loi. En règle générale, la pratique de ce crime s'accompagne de mauvais traitements et se termine par une exécution. Ainsi, la pratique de la disparition forcée viole un grand
nombre de droits dont la protection est considérée par la Suisse comme une priorité, tels que le droit à la liberté et à la sécurité, le droit à un procès équitable, et très souvent le droit de ne pas être soumis à la torture et le droit à la vie. Ce crime provoque de terribles conséquences, notamment pour les proches de la personne disparue dont la souffrance n'est jamais apaisée. Qui plus est, les disparitions forcées entravent les efforts de paix et de réconciliation et nourrissent la peur et les ressentiments.

C'est pourquoi le Conseil fédéral soutient le projet de convention sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées adopté par un groupe de travail de la Commission des droits de l'homme, le 23 septembre 2005, instrument pourvu d'un mécanisme de contrôle efficace. En outre, il continuera d'intervenir pour que la question des personnes disparues durant les conflits armés ou sous les régimes arbitraires demeure au premier rang des préoccupations de la politique internationale.

Dans les situations de crise et de conflit, la population civile, qui doit régulièrement faire face aux attaques des parties belligérantes, est exposée à une grande insécurité.

Un apaisement durable de la situation n'est possible que là où la sécurité des régions touchées peut être améliorée. De par les efforts qu'elle déploie en faveur du développement et de la politique de paix, la Suisse cherche à accorder une attention 5817

particulière à la sécurité de la population civile et contribue ainsi à ce que le droit à la sécurité personnelle devienne aussi une réalité pour les groupes de population qui vivent dans les régions en crise.

4.2.2

Libertés de religion, d'expression et d'association

Liberté de pensée, de conscience et de religion Tout comme l'interdiction de la torture, les droits qui garantissent la liberté de pensée, de conscience et de religion sont intangibles. Souvent, les différences de religions et d'opinions sont considérées comme la source première des tensions. Or, dans la plupart des cas, les valeurs fondamentales défendues par des positions religieuses et idéologiques différentes sont très proches. Le Conseil fédéral s'attache à rapprocher les groupes de convictions divergentes en les amenant à une compréhension commune de ces valeurs fondamentales. Son objectif est de les convaincre que des perspectives différentes peuvent constituer un enrichissement. Il plaide en particulier pour la tolérance et la compréhension à l'égard des mouvements religieux, sans pour autant accepter les atteintes aux droits de l'homme dans le monde. Dans cet esprit, un groupe de travail intitulé «chantier islamisme» a été créé en 2004 au sein du Département fédéral des affaires étrangères pour se pencher sur la question des mouvements islamistes. Celui-ci a pour but l'analyse de ces groupes, mais aussi la recherche d'un dialogue et la mise en oeuvre d'un certain nombre de projets.

Comme par le passé, la Suisse continuera à faire des démarches en faveur de victimes de violations de la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Liberté d'expression, liberté d'association et liberté de réunion La liberté d'expression (qui recouvre le droit à l'information), la liberté d'association et la liberté de réunion pacifique sont des conditions essentielles à la mise en oeuvre des autres droits de l'homme et le pilier central de toute société pluraliste et démocratique. A certaines conditions et sous réserve de règles bien définies, une restriction de la liberté d'expression, de la liberté d'association et de la liberté de réunion peut être admise juridiquement. Mais souvent, il est fait un usage abusif de cette possibilité, par exemple lorsque des Etats limitent de manière disproportionnée ces libertés.

Les défenseurs des droits de l'homme sont les premières victimes de ce genre de mesures. Dénonçant les violations de ces mêmes droits, ils s'exposent, eux et leurs proches, à de grands dangers. Le Conseil fédéral continuera à se préoccuper de leur sort, car sans leur courage et leur engagement, la politique internationale des droits de l'homme ne serait pas pensable, et il continuera à intervenir en faveur de leur protection.

4.2.3

Les droits des femmes

Les droits des femmes et des fillettes font partie intégrante des droits de l'homme universels et inaliénables. Ils sont protégés par divers instruments juridiques, notamment par la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW). La Suisse a soumis ses

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deux premiers rapports sur la mise en oeuvre de la CEDAW au comité compétent en janvier 2003. Elle lui remettra le troisième dans le courant de l'année 2006.

La ratification par la Suisse du protocole facultatif à la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes serait une contribution importante à la protection effective des femmes contre leur discrimination. Ce protocole prévoit entre autres une procédure de communication individuelle qui donne aux femmes, dans certaines conditions, la possibilité d'informer le comité CEDAW des violations des droits dont elles ont été victimes.

Un message concernant la ratification de ce protocole facultatif sera prochainement transmis aux Chambres fédérales.

A l'occasion du suivi de la 4e Conférence mondiale sur les femmes (Pékin +10, New York 2005), le Conseiller fédéral Pascal Couchepin a réitéré le soutien de la Suisse aux Plans d'action de Pékin et du Caire, mettant en évidence le lien entre la réalisation de l'égalité entre les sexes et la protection des droits des femmes en matière de santé sexuelle. Il a également indiqué les priorités du gouvernement suisse pour la législature en cours, à savoir la lutte contre la traite des femmes et la participation de celles-ci à la vie économique.

Le Conseil fédéral fait de l'intégration systématique de la perspective sexospécifique dans les activités bilatérales et multilatérales de la Suisse une priorité. Dans certains domaines politiques, par exemple dans sa politique de promotion de la paix et dans la Stratégie 2010 pour la coopération au développement, la Suisse a mis un accent particulier sur l'égalité des sexes et le renforcement des droits de la femme dans toutes les activités bilatérales et multilatérales de sa politique étrangère. Dans bien des pays partenaires, la Suisse s'engage à promouvoir l'accès des femmes aux ressources et leur participation active au développement, en se basant sur les principes de la non-discrimination et de la garantie des droits des femmes au niveau international.

4.2.4

Les droits de l'enfant

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant est la pierre angulaire de la protection, au niveau international, des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. Fort de 191 Etats parties, ce texte est la convention sur les droits de l'homme la plus ratifiée au monde. Jusqu'en 2002, la communauté internationale s'est appliquée à compléter la convention afin de mieux protéger les enfants des abus particulièrement graves comme le travail forcé ou la pédophilie. Elle est tenue de mettre ces normes en oeuvre au cours de la présente décennie.

Le Conseil fédéral a constaté par le passé que les droits de l'enfant sont un thème particulièrement sensible au niveau international, avant tout parce qu'ils touchent à la famille. En effet, la notion de famille diffère énormément selon l'origine culturelle et les valeurs, notamment religieuses, que celle-ci véhicule. Comme pour tous les autres droits de l'homme, le Conseil fédéral voue aussi une grande attention aux diverses valeurs culturelles et religieuses en matière des droits de l'enfant. Mais en même temps, il demeure persuadé que la protection des enfants de l'exploitation sexuelle, de la prostitution, de la pornographie, du travail et leur protection en cas de conflits armés sont des valeurs inhérentes à toutes les cultures et à toutes les religions. Fort de cette conviction, il entend poursuivre son engagement en faveur du 5819

renforcement des instruments juridiques et politiques pertinents et de leur application dans tous les pays. La coopération au développement poursuivra également son engagement en faveur des enfants particulièrement vulnérables. L'un des principaux instruments juridiques est à cet effet le protocole facultatif relatif à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, que le Conseil fédéral entend ratifier le plus vite possible. Ce protocole prévoit notamment un renforcement de la coopération internationale en vue de la poursuite pénale des pratiques proscrites par la convention; il vise aussi à encourager l'unification du droit et la solidarité au niveau international. Le Conseil fédéral s'emploiera par ailleurs à ce que le principe de la non-participation des enfants aux conflits armés bénéficie d'une plus grande attention au niveau international et il continuera à s'engager contre le recrutement d'enfants par les troupes armées, gouvernementales ou non étatiques. Au niveau multilatéral, il entend soutenir avec insistance les travaux de l'ONU sur la protection des enfants face à la violence, à l'exploitation sexuelle, y compris la pornographie sur Internet, ainsi qu'aux abus au sein de la famille.

4.2.5

Interdiction de la discrimination, racisme et minorités

Interdiction de la discrimination Tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits, tel est le principe qui sous-tend les droits de l'homme et figure dans toutes les conventions dans ce domaine. Il est à la base de l'interdiction de la discrimination. Un Etat n'a pas le droit de traiter différemment des êtres humains du fait de caractéristiques personnelles les distinguant les uns des autres (telles que la race, le sexe, l'appartenance ethnique ou religieuse, les opinions, la fortune). L'interdiction de discrimination constitue un élément central de tout Etat moderne soucieux du bien-être de ses citoyens.

L'identité et la particularité culturelles d'un groupe humain se définit par rapport aux autres. Le droit à la différence est donc une condition fondamentale à l'existence d'une société de plus en plus diversifiée. Cela dit, l'Etat doit veiller à ce que personne ne soit traité de manière différente ou ne soit injustement défavorisé en raison de son appartenance à un groupe déterminé.

La coopération au développement a pris conscience que la pauvreté et l'exclusion sociale sont étroitement liées à la discrimination. Les groupes défavorisés sont souvent prisonniers d'un cercle vicieux de pauvreté, d'exclusion sociale et de discrimination juridique et politique qu'il n'est pas simple de briser. Dans de nombreux pays, la coopération suisse au développement propose aux groupes défavorisés un soutien qui leur permet de sortir de cet engrenage et contribue à la mise en place de prestations non discriminatoires de l'Etat.

Lutte contre le racisme et l'antisémitisme La discrimination et l'intolérance sont encore présentes, si ce n'est en recrudescence, dans de nombreux pays à travers le monde. Elles sont pratiquées ou tolérées parfois de manière intentionnelle, parfois de manière non intentionnelle. La Suisse

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s'emploie à dénoncer et à combattre ces tendances au niveau international et national.

La Conférence mondiale contre le racisme, tenue à Durban en 2001, a été la rencontre internationale la plus importante à ce propos au cours des dernières années.

En qualité de représentante d'un pays européen sans passé colonial, la délégation suisse a été à même d'intercéder entre des groupes d'Etats défendant des positions antagonistes. Les travaux consécutifs à la Conférence de Durban constituent une priorité de l'agenda international. La création, par décision du Conseil fédéral, d'un Service de lutte contre le racisme en 2001 ainsi que l'ouverture d'un crédit pour financer des projets dans ce domaine en 2005 témoignent de la volonté internationalement reconnue de la Suisse de mettre en oeuvre la déclaration et le plan d'action adoptés dans le cadre de la Conférence de Durban. Compte tenu de la portée mondiale des phénomènes que sont le racisme et l'antisémitisme et des oppositions marquées qui séparent les membres de la communauté internationale, la Suisse poursuivra ses efforts visant à proposer des compromis acceptables pour toutes les parties et à surmonter les antagonismes présumés. Au cours des années passées, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies s'est révélée être un forum qui a permis à la Suisse d'assumer pleinement son rôle d'intermédiaire. Il faut également mentionner qu'en 2003, la Suisse a reconnu la compétence du Comité de l'ONU pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de recevoir et examiner les communications émanant de personnes ou de groupes de personnes relevant de sa juridiction qui se plaignent d'être victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans la convention. En outre, elle a accordé à tous les experts indépendants rattachés au système de procédures spéciales de la Commission des droits de l'homme une invitation permanente les autorisant à effectuer des missions d'évaluation en Suisse. Elle a donc reçu au mois de janvier 2006 la visite de M. Doudou Diène, Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée. Celui-ci a rencontré une multitude d'acteurs, étatiques et non étatiques, dans les régions alémanique, romande et tessinoise. Son
rapport final n'a pas encore été publié, mais une note préliminaire concernant sa visite peut être consultée sur le site du Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (www.ohchr.org).

La Suisse s'engage enfin dans la lutte contre l'antisémitisme en sa qualité de membre, depuis décembre 2004, du groupe d'action international pour la coopération sur l'éducation, la mémoire et la recherche sur l'Holocauste, créé en 1998 à l'initiative de la Suède. Pour assurer la coordination entre la délégation suisse et le travail sur le terrain, les associations suisses actives dans ce domaine sont également invitées à se réunir dans un groupe d'accompagnement.

Les droits des membres des minorités En tant que communauté multiculturelle, la Suisse s'engage tout particulièrement en faveur des minorités. Sa propre expérience historique montre que la promotion de l'identité culturelle, religieuse et linguistique des membres des minorités ainsi que leur participation équitable à la vie politique et sociale sont à même de favoriser la stabilité et le bien-être d'un pays et de prévenir les conflits armés. Néanmoins, tous les acteurs de la communauté internationale ne voient pas d'un bon oeil les droits des minorités. Pour beaucoup de pays, ne serait-ce que reconnaître l'existence des minorités est susceptible d'attiser les courants séparatistes sur le territoire national et de menacer l'intégrité de l'Etat.

5821

Le Conseil fédéral s'engage en faveur de la reconnaissance de certaines formes d'autonomies et du principe de subsidiarité en tant que moyen de promotion et de protection de l'identité des minorités à l'intérieur de frontières communes. Il s'efforce de faire partager les expériences de la Suisse, tout en étant conscient du fait que les problèmes des minorités s'expriment de diverses manières selon les pays et, de ce fait, nécessitent des solutions différenciées. Dans le cadre de ses activités en matière de gestion civile des conflits, de politique de migration, de coopération au développement ou d'aide humanitaire, dans lesquels les droits des membres des minorités jouent un rôle non négligeable, cette méthode prudente et ouverte à l'autocritique a permis au Conseil fédéral de faire des expériences positives. Le principe de la non-discrimination des minorités reste une base importante pour l'engagement de la Suisse.

La protection des membres de groupes minoritaires ainsi que de leurs familles est l'un des problèmes les plus impératifs du droit international public et de la protection internationale des droits de l'homme. Nous en voulons pour preuve la multitude des conflits violents nés des antagonismes ethniques ou religieux. Au cours des années qui viennent, le Conseil fédéral interviendra en faveur du renforcement des mécanismes internationaux de protection et soutiendra le déploiement d'instruments efficaces dans le cadre des Nations Unies.

Peuples autochtones et tribaux Sur les cinq continents, les peuples autochtones rassemblent quelque 300 millions de personnes formant environ 5000 communautés réparties dans plus de 70 pays. Bon nombre d'entre eux ont du mal à trouver leur place dans le monde d'aujourd'hui, soit parce qu'ils ne jouissent pas de l'autonomie souhaitée, soit parce qu'ils sont mis sur la touche par le groupe social dominant. Depuis plus d'une décennie, le Conseil fédéral soutient les droits de ces peuples et lutte contre leur discrimination. Ce soutien s'exprime en premier lieu par ses programmes dans les pays concernés.

D'autre part, le Conseil fédéral prend une part active depuis des années aux négociations visant une déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et participe, en qualité d'observateur, au groupe de travail spécial des Nations Unies.
Par ailleurs, le Conseil fédéral examinera au cours de la législature actuelle, les conséquences d'une éventuelle ratification de la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail sur les peuples indigènes et tribaux, au regard de la situation des gens du voyage en Suisse. L'application de cet instrument à cette catégorie de la population ne semble en effet pas exclue. Un rapport sur la situation des gens du voyage en Suisse a donc été élaboré.

Depuis longtemps, la coopération suisse au développement est très à l'écoute des besoins des peuples autochtones. Il faut éviter toute mesure de développement qui aurait des répercussions négatives sur les droits et les conditions de vie de ces peuples, sans toutefois négliger les besoins légitimes des populations qui optent pour des modes de vie modernes.

4.2.6

Les droits économiques, sociaux et culturels

Les droits économiques, sociaux et culturels sont ancrés dans le Pacte international de 1966 du même nom, qui est entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992.

Ils englobent entre autres le droit au travail dans des conditions équitables et satisfai5822

santes, le droit à la sécurité sociale, le droit à l'éducation, le droit à un niveau de vie suffisant (nourriture, habillement, logement) ainsi que le droit de jouir du meilleur état de santé possible.

Souvent, les droits économiques, sociaux et culturels sont considérés comme moins contraignants du fait que, à l'inverse des droits civils et politiques, ils ne seraient pas suffisamment concrets pour être utilisés dans des procédures judiciaires (absence de justiciabilité). Ces dernières années, la perspective selon laquelle les droits de l'homme impliquent des obligations de degrés variables s'est imposée: obligation de respect, obligation de protection et obligation de mise en oeuvre. En règle générale, les recommandations à l'attention des Etats concernant les deux premiers niveaux, soit les obligations de respect et de protection, sont mieux définies que celle de mise en oeuvre qui fait encore l'objet de nombreuses controverses du fait des difficultés d'application qu'elle induit. Les droits économiques, sociaux et culturels imposent aux Etats des obligations principalement de mise en oeuvre progressive. Les Etats disposent en règle générale d'importantes marges de manoeuvre dans leur façon de transcrire ces droits dans la réalité nationale. Bien que les droits économiques, sociaux et culturels ne puissent le plus souvent pas encore faire l'objet de procédures de recours individuelles de protection juridique, ils demeurent contraignants et obligent les Etats à les garantir pour tous et à mener une politique active en faveur de leur mise en oeuvre (dimension programmatoire de ces droits). Ils interdisent en outre aux Etats de discriminer des groupes de population marginalisés dans les domaines économiques, sociaux et culturels.

Concentrée depuis tout temps sur la lutte contre la pauvreté, la coopération suisse au développement a soutenu des années durant des programmes et projets qui, directement ou indirectement, ont profité à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels des personnes défavorisées dans les pays partenaires. A l'avenir, la coopération suisse au développement axera ses activités de manière encore plus explicite et plus directe sur les principes des droits de l'homme et contribuera donc davantage encore à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et
culturels.

Les droits économiques, sociaux et culturels relèvent des droits de l'homme les plus susceptibles d'évolution. Les chances qu'offre la mondialisation ne pourront se concrétiser que si les droits de l'homme sont mis au coeur du débat international. Le Conseil fédéral est résolu à soutenir le potentiel de développement de ces droits, que ce soit dans le cadre de ses programmes bilatéraux de lutte contre la pauvreté, de démocratisation, de respect des principes de l'Etat de droit ou de promotion de la paix, ou encore dans le cadre de ses démarches multilatérales.

4.2.7

Mécanismes de sanction des violations graves

La création de la Cour pénale internationale en 1998 (entrée en vigueur le 1er juillet 2002) est l'expression de la volonté de la communauté des Etats à mettre un terme à l'impunité des responsables des violations des plus graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Citons notamment les génocides, les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre, tels les attaques armées visant les populations civiles, le viol en tant qu'arme de guerre, la torture, l'esclavage et l'apartheid.

Ils constituent du point de vue du droit des crimes internationaux et impliquent la responsabilité pénale individuelle. Les tribunaux nationaux et internationaux qui demandent des comptes aux responsables de telles violations contribuent fortement à 5823

rétablir la dignité des victimes, à réconcilier avec leurs autorités les sociétés traumatisées, à prévenir de futures violations des droits de l'homme et, enfin, à permettre une évolution pacifique de la situation.

La lutte contre l'impunité est une préoccupation centrale de l'engagement de la Suisse en faveur des droits de l'homme et du droit international humanitaire. C'est pour cette raison que le Conseil fédéral s'est engagé avec constance en faveur d'une amélioration et d'un renforcement des bases légales et institutionnelles visant la répression des violations graves du droit et a pris les mesures nécessaires pour adapter le droit suisse aux normes internationales. Au cours des années à venir, il entend mettre tout en oeuvre pour que la Cour pénale internationale soit efficace et devienne la plus universelle possible. Par ailleurs, il entend maintenir son soutien aux Tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l'ancienne Yougoslavie et le Rwanda jusqu'à ce que les principaux responsables des crimes commis durant les années nonante soient arrêtés et punis. Le Conseil fédéral a, à propos de la sanction des violations graves, une position conséquente et sans compromis à laquelle il cherche de rallier les gouvernements des pays partenaires. En parallèle, le Conseil fédéral entend fournir un soutien appuyé aux processus de réconciliation dans les sociétés déchirées par la guerre. Dans le cadre de la 61e session de la Commission des droits de l'homme de 2005, il a pour la première fois dans l'histoire de la Suisse soumis au débat une résolution thématique sur les droits de l'homme et la justice en période de transition, adoptée par consensus par les membres de la Commission, posant ainsi un jalon prometteur de son engagement futur dans ce domaine.

Ajoutons toutefois que l'impunité, lorsqu'elle est largement répandue, ne peut être combattue que dans les pays concernés. Pour ce faire, ces pays ont besoin de tribunaux qui fonctionnent sur les bases de l'Etat de droit, qui soient intègres, compétents, indépendants et accessibles à tous. Dans de nombreux pays aux institutions étatiques faibles, il est souvent difficile et très onéreux de créer de tels tribunaux, même en présence d'une réelle volonté politique, et un soutien international est nécessaire à leur mise en place, en particulier dans les Etats «fragiles». La Suisse a d'ores et déjà apporté son aide à la mise sur pied de structures étatiques et de ressources en personnel.

4.3

La dimension transversale de la politique des droits de l'homme

Il y a quelques années encore, les stratégies du Conseil fédéral en matière de droits de l'homme tablaient principalement sur le renforcement et la promotion des droits civils et politiques. On pense aujourd'hui qu'elles ne vont pas assez loin pour avoir un impact sur les interactions complexes entre systèmes politiques et paix, développement durable, croissance économique et gestion des migrations. Il faut revaloriser les droits économiques, sociaux et culturels; il est donc nécessaire de renforcer la mise en oeuvre de ces droits, en rendant plus efficace les mécanismes existants, ce à quoi contribue le Conseil fédéral lorsqu'il soutient les travaux de réforme de l'ONU.

Comme l'a constaté le Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan dans son rapport sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, la paix, la sécurité, les droits de l'homme et le développement économique sont étroitement liés. Selon ses termes, «il n'y a pas de développement sans sécurité, il n'y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de 5824

l'homme ne sont pas respectés». De même, les stratégies pertinentes ne peuvent plus être dissociées les unes des autres. Du point de vue des droits de l'homme, cela signifie qu'il faut faire preuve de la largeur de vue et de la ténacité nécessaires pour s'assurer que les actions déployées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, de la gestion des conflits, de la coopération au développement, du commerce extérieur, de la science et la technologie ou encore des migrations non seulement restent compatibles avec les normes en vigueur en matière de droits de l'homme, mais renforcent encore leur réalisation dans tous les pays du monde.

Des organisations internationales comme l'ONU, l'OIT, la Banque mondiale, le FMI, l'OCDE ou l'OMC examinent aujourd'hui comment consolider les droits de l'homme dans d'autres domaines politiques, selon un axe transversal et par le biais d'une approche intégrée des politiques économique et sociale. Désormais, Le Conseil fédéral devra lui aussi concevoir des stratégies de politique extérieure qui reflètent une vision très large des droits de l'homme. Les paragraphes suivants exposent comment le Conseil fédéral entend assumer cette responsabilité dans un certain nombre de domaines clés.

4.3.1

Promotion des droits de l'homme et lutte contre le terrorisme

Les stratégies antiterroristes doivent être compatibles avec le droit international humanitaire, les conventions sur les réfugiés et les traités sur les droits de l'homme, dont la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un pays est autorisé à déroger à certains droits lorsqu'un danger exceptionnel ­ qui peut être le terrorisme ­ menace son existence. Il est cependant tenu de procéder conformément aux procédures prévues à cet effet et de prendre des mesures proportionnées, de courte durée et respectant les droits de l'homme auxquels il ne peut en aucun cas être dérogé.

La Suisse accorde une grande importance à la lutte contre le terrorisme; mais elle juge en même temps qu'au niveau national et international, il est primordial que les stratégies et mesures correspondantes protègent les droits de l'homme et la dignité humaine. C'est pourquoi le Conseil fédéral continuera tout particulièrement de s'opposer à toute remise en question de l'interdiction de la torture. Il est par ailleurs convaincu que des mesures à court terme ne sauraient venir à bout de la menace terroriste; il faut déployer des actions de longue haleine en s'attaquant aux racines mêmes du mal: misère et famine, inégalités criantes, absence de perspectives sociales et politiques, droit et démocratie bafoués, non-respect des identités culturelles, refus du dialogue. Tout cela constitue un terreau fertile pour les idées radicales et fanatiques de groupements criminels et extrémistes. La lutte contre le terrorisme ne se ramène donc pas seulement à des mesures législatives et policières, il est tout aussi important au moins de promouvoir la recherche de solutions pacifiques aux conflits, de soutenir des modèles de développement durable et de consolider la protection des droits de l'homme, l'Etat de droit et la démocratie.

Le Conseil fédéral continuera donc de s'employer dans les enceintes internationales comme l'ONU, l'OSCE et le Conseil de l'Europe à ce que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent systématiquement les droits de l'homme et à ce que soient mis en place d'efficaces mécanismes internationaux de contrôle. Dans ce contexte, il juge très importantes les lignes directrices du Conseil de l'Europe sur les 5825

droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme, et souhaite qu'elles acquièrent, dans toute la mesure du possible, une valeur universelle. La Suisse a également été à la pointe de l'action sur la résolution de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui a créé en 2005 un nouveau mandat de Représentant spécial du Secrétaire général sur la conformité des mesures contre le terrorisme avec les droits de l'homme.

A l'échelon bilatéral, il appuie ses pays partenaires dans leurs efforts de lutte contre le terrorisme dans le respect du droit international, de l'Etat de droit et des droits de l'homme. La Suisse poursuivra ses démarches bilatérales et d'autres formes d'intervention auprès des pays qui font passer la lutte contre le terrorisme avant les droits de l'homme et le droit international humanitaire; elle entretient par exemple avec les Etats-Unis un dialogue critique sur les détenus de Guantánamo Bay.

4.3.2

Droits de l'homme, conflits et migration

Droits de l'homme et promotion de la paix Les pays qui défendent la paix et les droits de l'homme se trouvent parfois confrontés à des choix délicats: condamner publiquement les violations des droits de l'homme, au risque de compromettre leur rôle dans la médiation d'un processus de paix; insister pour que les droits de l'homme figurent dans un accord de paix, quitte à briser le consensus entre les parties. Lorsque la Suisse s'engage dans un processus de paix, elle donne très clairement à entendre aux parties que le règlement du conflit passe par le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire, ou que tout processus de transformation doit impérativement déboucher sur le respect des droits de l'homme. Dans la pratique, certaines phases d'un processus de paix permettent une marge de manoeuvre politique et tactique dans le calendrier des actions relatives aux droits de l'homme ou à la paix; la Suisse utilise cette marge de manoeuvre en privilégiant la recherche d'un impact maximum à un moment donné, sans jamais contrevenir à ses obligations découlant du droit international, ni consentir à quelque concession que ce soit devant des violations des droits de l'homme ou du droit international humanitaire. Il ne sert à rien de distinguer avec dogmatisme les droits de l'homme d'autres activités de la Suisse dans les zones de conflit. De ce fait, toutes les activités poursuivent des buts analogues, à savoir l'amélioration de la sécurité des personnes affectées et la confiance qu'elles peuvent avoir dans la primauté du droit.

La Suisse oeuvre au respect et au renforcement des droits de l'homme, à titre préventif et tout au long du cycle du conflit, s'il éclate malgré tout; cette action a un effet préventif lorsqu'elle est déployée avant l'éclatement d'un conflit. Pendant le conflit, la Suisse s'engage en particulier en faveur du respect du droit international humanitaire et, durant la phase de la reconstruction, elle s'attache avant tout à mettre en place et à renforcer les structures de l'Etat de droit ainsi qu'à favoriser le travail sur le passé. Dans le domaine du développement du droit, la Suisse a engagé en 2003 un processus de réflexion sur les répercussions sur le droit international humanitaire des nouvelles formes de conflits. Convaincue de l'importance que revêt le respect
des droits de l'homme pour l'établissement d'une paix durable, la Suisse a soutenu aux côtés de la Norvège la publication d'une étude sur les droits de l'homme et les accords de paix, publiée en mars 2006 par l'International Council On Human Rights

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Policy. Intitulée «Négocier la justice ? Droits de l'homme et accords de paix», cette recherche propose une analyse du rôle constructif que peuvent assurer les droits de l'homme dans ce contexte.

Politique migratoire Durant ces dernières années, la Suisse a été à l'origine de deux processus internationaux importants dans le domaine de la migration internationale: l'Initiative de Berne, lancée en 2001, a réussi à fixer l'Agenda international pour la gestion des migrations, qui tient dûment compte de la dimension des droits de l'homme. La Commission mondiale sur les migrations internationales (CMMI), initiée conjointement avec la Suède sur demande du Secrétaire Général de l'ONU, a publié son rapport en octobre 2005. Le cinquième principe d'action du rapport invite les Etats a renforcer le cadre légal et administratif applicable aux migrants internationaux pour mieux protéger leurs droits. Le respect des normes régionales et internationales garantit la protection des droits de tous les migrants en Suisse. La Suisse s'engage à ce que les recommandations du rapport reçoivent l'attention appropriée et est convaincue qu'elles pourront avoir une influence significative sur la discussion à venir des thèmes migratoires au niveau international. De surcroît, l'engagement de la Suisse dans la prévention des conflits, dans la coopération au développement ainsi que dans la promotion des droits de l'homme a aussi un impact sur la prévention des flux migratoires involontaires. La Suisse est engagée à mener un dialogue sur les questions migratoires avec des Etats d'origine en vue d'un partenariat. Ceci vise aussi à une meilleure protection des migrants et à la prévention de la migration forcée.

Protection des réfugiés Le régime international de protection des réfugiés, tout comme la situation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, sont insatisfaisants à divers égards. Compte tenu de l'ampleur des migrations forcées ­ 10 millions de réfugiés et 25 millions de personnes déplacées à cause de conflits et de catastrophes naturelles ­ il s'agit d'abord de garantir les normes minimales du droit international des réfugiés, d'une part, et des droits de l'homme d'autre part, afin que ces normes soient respectées dans les crises actuelles. Cela implique également des mesures de renforcement des capacités
de protection dans les régions d'origine de ces personnes. La Suisse s'engage au sein du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) dans l'élaboration des conclusions de son comité exécutif, qui constituent des standards internationaux visant à renforcer le système de protection créé par la Convention de 1951. D'autre part, elle appuie la diffusion et la mise en oeuvre dans leur pays des standards fondamentaux de protection des personnes déplacées, à savoir les Principes directeurs relatifs aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et soutient notamment le mandat du Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les droits de l'homme des personnes déplacées, Walter Kälin (Université de Berne). Par ailleurs, la Suisse apporte depuis longtemps un appui concret et significatif à la protection des droits fondamentaux des réfugiés et des personnes déplacées, et aux victimes de conflits de par le monde au travers des contributions qu'elle octroie aux acteurs humanitaires internationaux détenant un mandat de protection, comme le HCR et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), notamment.

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La traite des êtres humains La traite des êtres humains combine d'une façon particulièrement perverse les problèmes des droits de l'homme et de migration. Le Conseil fédéral y voit une grave violation des droits fondamentaux et de la dignité humaine. Il souhaite que s'instaure une politique coordonnée en la matière à l'échelle internationale. C'est pourquoi il travaille à la prévention de la traite et à la protection des victimes au sein d'agences globales et régionales spécialisées de l'ONU, à l'OSCE et au Conseil de l'Europe.

En mars 2003, le DFAE a adopté les «Directives sur les mesures de prévention de la traite d'êtres humains ayant des effets à l'étranger et sur la protection des victimes». Ce document définit les grands axes de sa politique à venir. Il dégage un certain nombre de priorités: prévention, notamment par la formation et la sensibilisation du personnel des ambassades et par une information fournie aux personnes demandant un visa de tourisme ou un permis L (danseuses de cabaret); renforcement de la capacité des ONG et des gouvernements à lutter contre la traite et à mettre en place des programmes de retour volontaire et de réinsertion des victimes. Conformément aux recommandations du rapport interdépartemental sur la traite des êtres humains en Suisse de 2002, un service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants a été mis en place l'année suivante. Ce service, rattaché à l'état-major de l'Office fédéral de la police, assume un rôle clé d'information, de coordination et d'analyse pour la Confédération et les cantons, développe des stratégies et met en place des mesures de prévention, de répression et de protection des victimes. Sur le plan normatif, les Chambres fédérales devraient encore décider de la ratification au cours de la présente législature de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et de ses deux protocoles contre la traite des êtres humains et le trafic illicite des migrants. Le Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants est également en cours de ratification. Dans ce cadre, l'art. 196 du code pénal sur la traite des êtres humains sera adapté par l'extension de son champ
d'application au prélèvement d'organe et au travail forcé. La signature de la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains, à la négociation de laquelle la Suisse a pris une part active, est quant à elle en cours d'évaluation par les départements compétents.

4.3.3

Droits de l'homme et développement

Dès 1997, bien avant les autres donateurs, la Suisse s'est dotée de lignes directrices concernant les droits de l'homme et le développement, soulignant l'importance qu'elle accorde à leurs interdépendances, et de principes concrets. L'évaluation effectuée en 2003 a montré que ces lignes directrices n'étaient pas encore appliquées de façon systématique, et qu'il était indispensable de les actualiser, à la lumière de l'expérience acquise.

La place des droits de l'homme s'est constamment élargie ces dernières années dans la coopération au développement et cela dans les programmes opérationnels comme dans le dialogue politique, à l'échelon bilatéral et multilatéral. La plupart des activités de la coopération suisse au développement touchent les domaines des droits économiques et sociaux et favorisent leur mise en oeuvre concrète et de façon durable dans les pays partenaires. Ces dernières années, les droits civils et politiques ont, 5828

eux aussi, gagné en importance: l'attention accrue portée aux structures juridiques et politiques dans les pays partenaires a pour effet que, dans certains pays, la coopération suisse au développement encourage désormais directement la mise en place de structures et de capacités conformes aux droits de l'homme et aux principes de l'Etat de droit. Aujourd'hui, la promotion de la bonne gouvernance représente une part importante des programmes dans presque tous les pays prioritaires de la coopération au développement, que ce soit dans les pays du Sud ou les pays en transition.

La Suisse se fonde maintenant sur l'approche internationale du développement orientée sur les droits de l'homme, dont s'inspirent tous ses documents stratégiques récents. La Suisse, dans le domaine de la coopération au développement, a mis à jour ses lignes directrices «Promotion des droits de l'homme et coopération au développement» en mars 2006. Tenant compte d'un environnement en mutation ­ d'une part, la réduction de la pauvreté alliée à la promotion des droits de l'homme, d'autre part un engagement accru dans le domaine de la promotion de la bonne gouvernance ­ elle a adopté une politique actualisée, qui est axée sur l'approche onusienne du développement et qui considère la promotion, le respect et la protection des droits de l'homme comme un aspect transversal de la coopération au développement.

Coopération avec l'Europe de l'Est et la CEI La promotion des droits de l'homme constitue depuis toujours une composante notable des programmes que consacre la Suisse aux pays d'Europe centrale et orientale. En Russie, par exemple, l'un d'eux appuie depuis 1994 les organisations non gouvernementales russes et concourt à la réforme du système pénitentiaire. Au Tadjikistan, la Suisse seconde le gouvernement dans la préparation des rapports qu'il doit régulièrement présenter en vertu de diverses conventions de l'ONU sur les droits de l'homme. En Ukraine ainsi que dans divers autres pays d'Europe du SudEst et d'Europe centrale, elle a soutenu par diverses formations et mesures de suivi le processus législatif et la réforme du droit.

Coopération au développement avec le Sud La promotion de la bonne gouvernance et des droits de l'homme représente aussi un aspect important de la coopération avec les partenaires traditionnels de la
Suisse au Sud. Si tous les programmes leur réservent une large place, la forme concrète de cet effort varie en fonction des besoins et des partenaires dans le pays concerné. Dans quelques pays, par exemple au Proche-Orient et au Moyen-Orient, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme sont au coeur même de la coopération suisse au développement. La promotion de la bonne gouvernance fait également partie des programmes prioritaires en Amérique latine, en Afrique australe et en Asie. En fonction du contexte et du programme propre au pays, les activités comprennent le soutien des réformes administratives et juridiques (ce qui inclut l'accès à la justice et le droit pénal applicable aux délinquants mineurs), le soutien des offices de médiation et de conciliation et aux organismes de défense des droits de l'homme, aux procédures d'arbitrage judiciaire et extrajudiciaire et aux processus de réconciliation, la lutte contre la criminalité et la corruption, la promotion de certains droits, en particulier ceux des femmes et des enfants, le droit à la formation ou l'interdiction de discrimination, l'assistance juridique et le soutien à des organisations non gouvernementales locales de sauvegarde des droits de l'homme.

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La coopération suisse au développement s'efforcera dans les années qui viennent d'intégrer systématiquement les droits de l'homme dans la lutte contre la pauvreté, et de concevoir des méthodes permettant une interpénétration encore plus systématique de ces deux domaines. L'une des priorités retenues est l'accès des groupes de population défavorisés et des minorités au développement ainsi qu'aux ressources et aux institutions de l'Etat de droit, de même que le renforcement des capacités de la société civile et des autorités gouvernementales chez les pays partenaires. Par ailleurs, l'accent est également mis sur l'accès des pays en développement aux chaînes de commerce et de production globales afin de leur permettre de participer aux marchés mondiaux.

Ces efforts de centrage sur les droits de l'homme ne se limiteront pas à l'action bilatérale. A l'échelon multilatéral aussi, la Suisse s'engage en faveur d'une intégration systématique des droits de l'homme dans la coopération au développement, par exemple dans le cadre de la lutte contre la pauvreté menée par les institutions de Bretton Woods et lors de la mise en oeuvre de la Déclaration du Millénaire et de ses objectifs pour le développement (OMD), y compris dans le cadre du débat entre pays industrialisés et pays en développement sur la mise en oeuvre du «droit au développement». Différentes organisations spécialisées de l'ONU (PNUD, UNICEF, UNIFEM, UNFPA, ONUSIDA, FAO, OMS) mettent en oeuvre, dans le cadre de la coopération au développement, l'approche de l'ONU intégrant la dimension des droits de l'homme. L'accès à l'eau, à la nourriture et aux soins, mais également le droit fondamental à la non-discrimination sont devenus des valeurs de référence importantes pour la Suisse, qui apporte un soutien financier à toutes ces organisations.

Economie et droits de l'homme Activité économique et promotion des droits de l'homme se complètent et sont à de nombreux égards nécessaires l'une à l'autre. Un système politique ouvert, démocratique et responsable, un cadre juridique crédible et reconnu et le respect des droits de l'homme favorisent un développement économique et social durable, qui n'est pas basé sur l'exploitation de quelques groupes défavorisés. Le commerce et l'investissement peuvent en même temps être propices au dialogue sur les droits de
l'homme dans la mesure où ils s'appuient sur des relations régulières et des intérêts mutuels. La mondialisation a renforcé cette interdépendance et accru l'importance du rôle des acteurs économiques et leur statut dans la promotion et la protection des droits de l'homme; les organisations économiques internationales se trouvent confrontées à de nouveaux défis et prennent conscience que le respect et la promotion des droits de l'homme bénéficient aussi à l'activité économique, et relèvent donc de leur mission. Mais de nombreux acteurs économiques n'intégreront cet impératif dans leurs décisions que si cela n'érode en rien leur compétitivité. Il convient donc à l'échelle internationale de promouvoir le respect des droits de l'homme par les acteurs économiques afin que ces derniers adoptent des stratégies tout à la fois responsables et durables plutôt que centrées sur la seule recherche du profit à court terme.

Une entreprise consciente de ses responsabilités s'interroge sur l'impact de ses décisions sur la société des pays partenaires; elle se rend compte que son intérêt bien compris est de ne pas se limiter au souci de productivité économique. Les grandes entreprises aux activités transfrontalières doivent désormais contribuer à l'émergence d'une gouvernance globale, centrée sur les droits de l'homme, en travaillant 5830

de concert avec les gouvernements, les organisations internationales, les réseaux et les organisations non gouvernementales. On peut se féliciter de constater que le débat sur divers aspects de la gouvernance globale entre les acteurs de la société civile et les entreprises devient de plus en plus constructif et partenarial. Un nombre important d'initiatives visent à définir des règles éthiques de comportement que les entreprises doivent respecter dans leur activité à l'étranger, volontaires ou non, et la Suisse soutient un tel développement. Le Pacte mondial lancé en 2000 par le Secrétaire général de l'ONU en est sans doute l'illustration la plus connue. En effet, à ce jour, plus de 2500 entreprises dans le monde (dont 25 en Suisse) se sont engagées à en appliquer les 10 principes relatifs aux droits de l'homme, aux normes de travail, à l'environnement et à la lutte contre la corruption. Par ailleurs, des initiatives plus ciblées, par exemple dans le domaine de la lutte contre la corruption, ont également été développées. Le Conseil fédéral soutient tous ces efforts ­ volontaires ­ des Nations Unies, du secteur privé et de la société civile. Il constate que les entreprises suisses y participent activement. Un pas important a été fait lors de la 61e session de la Commission des droits de l'homme, avec la nomination de M. John Ruggie comme Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises. Le mandat de ce Représentant spécial est notamment de préciser les normes relatives à la responsabilité des entreprises en matière de droits de l'homme. La Suisse s'est fortement engagée en faveur de la résolution et soutiendra le travail du Représentant spécial.

Les efforts bilatéraux et multilatéraux que déploie la Suisse en faveur de la cohérence et de la complémentarité entre économie et droits de l'homme vont encore s'étoffer dans les années qui viennent. A titre d'exemple, on peut mentionner la visite en mars 2006 d'une délégation de représentants de l'économie chinoise dans le cadre du dialogue sur les droits de l'homme que la Suisse entretient avec la Chine.

A cette occasion, les participants ont visité des entreprises suisses et suivi un séminaire sur les questions liées à l'économie et aux droits de
l'homme. Au niveau théorique, il conviendra d'étudier les contributions, le rôle et les responsabilités revenant aux différents acteurs ­ Etat, secteur privé, organismes financiers internationaux ­ et les normes à envisager dans ce cadre. Le Conseil fédéral s'associera activement à ce processus. Il veillera attentivement aussi à ce qu'il ne soit pas détourné dans des directions qui éloigneraient les pays des obligations qu'ils ont contractées en matière de droits de l'homme.

Coopération économique Certaines défaillances structurelles peuvent entraver la pleine mise en oeuvre des droits de l'homme dans un pays. C'est à ce niveau qu'interviennent les instruments de la coopération économique, en particulier l'aide à la balance des paiements et les mesures de désendettement. Lorsque la Suisse y recourt, elle attend du gouvernement partenaire qu'il respecte les droits de l'homme. Si la stabilité économique est un objectif à long terme dans les pays de l'Est et du Sud, le Conseil fédéral utilise aussi à cette fin des instruments plus immédiats; désireux de savoir que son aide économique et d'autres mesures de lutte contre la pauvreté atteignent bien tous les acteurs de la société, il encourage par exemple une gestion des affaires publiques transparente, responsable et saine, la lutte contre la corruption ou la mise en place de mécanismes de participation et de consultation.

5831

La révision de la procédure de garantie des risques à l'exportation, lancée en 2003, va dans le même sens. Il s'agit non seulement de rendre cette assurance plus efficace, mais aussi de lui faire prendre en compte des impératifs relevant d'autres domaines politiques. La garantie ne sera ainsi désormais octroyée qu'à des acteurs économiques dont les projets sont conformes aux engagements internationaux contractés par la Suisse.

4.3.4

Développement de la science et des techniques

La science et les techniques sont l'un des domaines dans lesquels la mondialisation introduit de véritables bouleversements. Quelques-unes des grandes découvertes scientifiques de ces dernières années soulèvent des questions fondamentales concernant les droits de l'homme, particulièrement en biotechnologie, dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication et dans la protection de l'environnement.

Biotechnologie et bioéthique Des progrès considérables ont été accomplis ces dix dernières années en recherche biologique et médicale. Certaines techniques récentes, comme la procréation médicalement assistée, les transplantations ou la recherche sur le génome humain, et en particulier le clonage reproductif et thérapeutique, soulèvent toutefois des questions éthiques et juridiques touchant à la dignité humaine. Le Conseil fédéral a pris position en 2002 sur quelques-unes d'entre elles en signant le Protocole additionnel à la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine relatif à la transplantation d'organes et de tissus d'origine humaine du Conseil de l'Europe. A l'ONU, il participe au sein de la 6e Commission de l'Assemblée générale, à la préparation d'un projet de convention visant à interdire le clonage reproductif d'êtres humains. Il considère que le clonage d'êtres humains à des fins reproductives doit être qualifié de crime contre l'humanité et va faire tout son possible pour relancer la négociation ­ qui marque le pas depuis quelque temps. En effet, la 59e session de l'Assemblée générale n'a pas permis aux membres des Nations Unies d'atteindre un consensus sur ce projet de convention, c'est pourquoi le groupe de travail s'est réuni une nouvelle fois en février 2005 et a adopté de justesse une déclaration non contraignante sur le clonage des êtres humains. Le Conseil fédéral a voté en faveur de cette déclaration et continuera de prôner une procédure en deux temps: interdiction immédiate du clonage reproductif et débat distinct sur la réglementation du clonage thérapeutique.

Nouvelles technologies de l'information et de la communication Les nouvelles technologies de l'information et de la communication recèlent un énorme potentiel dans la perspective des droits de l'homme, en particulier dans la perspective de la liberté d'expression et du droit à l'information. L'accès
de groupes pauvres ou vulnérables (femmes, peuples autochtones, handicapés, etc.) à ces technologies pourrait contribuer à la liberté d'expression et de religion. Le Conseil fédéral s'efforce de le mettre à profit: il prévoit dans ses programmes de coopération au développement des activités visant à améliorer l'accès à ces technologies des groupes désavantagés. Mais les nouvelles technologies menacent aussi les droits de l'homme, en facilitant par exemple la propagande raciste ou la diffusion de la pédopornographie par le biais d'Internet et en se prêtant aux atteintes à la vie privée. Le 5832

Conseil fédéral souhaite contrecarrer ces effets pervers en s'efforçant d'obtenir dans les enceintes multilatérales que les domaines de protection des droits de l'homme soient étendus dans les directions voulues. Lors du Sommet mondial de l'information, dont le second volet s'est tenu à Tunis en novembre 2005, les droits de l'homme constituaient d'ailleurs l'un des thèmes prioritaires que la Suisse a abordé avec ses partenaires tunisiens.

Droits de l'homme et protection de l'environnement Le Sommet mondial sur le développement durable qui s'est tenu à Johannesburg en 2002 a permis d'approfondir la réflexion sur les interdépendances entre le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement. La dégradation de l'environnement peut compromettre le droit à la vie, à la santé, à l'alimentation, à des conditions de travail décentes ou, dans le cas des peuples autochtones, à la culture. En revanche, le droit national et international ­ comme la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 ­ accorde de plus en plus fréquemment aux citoyens le droit à l'information, la possibilité de participer aux décisions et l'accès à la justice.

Le Conseil fédéral estime que, tout comme les droits de l'homme, la protection de l'environnement est un instrument essentiel de lutte contre la pauvreté, de développement durable et de sécurité. C'est une opinion qu'il a fait valoir à la Commission des droits de l'homme, au sein de laquelle la Suisse a été l'un des principaux promoteurs de la résolution sur les droits de l'homme et l'environnement en tant qu'éléments du développement durable. Par ailleurs, le Conseil fédéral signifiera sa volonté de cohérence en recommandant au cours de la présente législature aux Chambres fédérales de ratifier la Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.

4.4

Les activités de la Suisse visant particulièrement les droits de l'homme

La réalisation efficace des objectifs du Conseil fédéral en matière de droits de l'homme d'une part impose une utilisation judicieuse des ressources, et d'autre part fait une place plus large à la collaboration avec des partenaires gouvernementaux ou non gouvernementaux.

4.4.1

Principes d'action

Priorités thématiques et géographiques Pour tirer le meilleur parti des ressources disponibles, le Conseil fédéral a défini des priorités. Il se concentre sur les thèmes dans lesquels la Suisse peut apporter une contribution particulièrement utile, compte tenu de son expérience et des conventions qu'elle a ratifiées. Trois aspects se dégagent ainsi comme prioritaires: 1) défense et promotion des droits de l'homme de caractère impératif ou non susceptibles de dérogation en période d'état d'urgence; 2) protection des groupes particulièrement vulnérables; 3) contribution au développement et à l'application des normes dans les domaines sensibles directement affectés par la mondialisation.

5833

Géographiquement, ont rang prioritaire les pays où des effets de synergie peuvent être obtenus avec des activités développées par des acteurs au sein de l'administration ou par des partenaires externes. Les partenariats avec des acteurs économiques ou des approches intégrées avec les acteurs de la coopération au développement ou de la gestion civile des conflits se sont révélés particulièrement féconds dans ce contexte. La Suisse inscrivant en général ses activités dans le cadre d'un échange critique et constructif avec les autorités du pays concerné, sur le mode du partenariat, la capacité et la volonté de dialogue représentent aussi un critère important.

Principes généraux de partenariat Chaque pays est premier responsable de la mise en oeuvre des droits de l'homme sur son territoire. Mais dans le monde sans frontières d'aujourd'hui, cette mission ne revient plus seulement aux organes gouvernementaux, c'est de plus en plus l'affaire de toute la société.

La Suisse en a conscience et soutient donc certains acteurs non gouvernementaux dans le domaine des droits de l'homme, au niveau international et au niveau des pays concernés. Elle pousse à de nouvelles formes de collaboration entre tous les intéressés, comme dans le cas du Sommet mondial sur la société de l'information, qui a rassemblé à Genève des gouvernements, des organisations internationales, le secteur privé et la société civile en décembre 2003. Mais en matière de partenariats, ses décisions dépendent dans une mesure décisive de la volonté politique de réforme des droits de l'homme qu'elle constate chez ses partenaires gouvernementaux et de la capacité de ces pays à réaliser de telles réformes.

Parallèlement aux organisations non gouvernementales, les médias, les ordres d'avocats, les syndicats et les autorités religieuses jouent un rôle important dans la réalisation des droits de l'homme, la formation de l'opinion publique, l'information de la population et l'assistance aux victimes. Dans les pays du Sud et de l'Est, ces organisations sont souvent des partenaires de la coopération suisse au développement. Le Conseil fédéral les soutient financièrement, dans les limites de ses capacités budgétaires, et maintient un dialogue régulier avec les ONG nationales et internationales établies ou représentées en Suisse. Les acteurs économiques
suisses, surtout ceux qui possèdent un certain prestige international, sont de plus en plus conscients de leur responsabilité sociale lorsqu'ils investissent à l'étranger. La Confédération fait alors office d'interface entre les droits de l'homme et l'activité économique; elle favorise le dialogue entre les milieux économiques et la société civile.

Les compétences et les idées nouvelles issues de ses universités permettent à la Suisse d'accroître son rayonnement international dans la promotion des droits de l'homme. De nombreuses positions et stratégies reposent sur des études confiées à des établissements scientifiques.

Utilisation différenciée des instruments de la politique des droits de l'homme Le Conseil fédéral a brossé, dans son Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme du 16 février 2000, un tableau rapide des instruments dont il dispose dans ce domaine. La panoplie n'a guère changé depuis, même si certains instruments ­ comme le dialogue sur les droits de l'homme ­ ont été affinés, et que d'autres sont venus la compléter. Elle englobe des instruments diplomatiques, comme le dialogue politique, le dialogue sur les droits de l'homme et le dialogue local, les interventions et démarches politiques bilatérales et multilatérales, les déclarations du Conseil 5834

fédéral et des mesures protocolaires ou diplomatiques à valeur symbolique. Viennent de plus en plus s'y ajouter des actions plus directes: programmes de soutien, projets, envois d'experts. Le Conseil fédéral dispose en outre d'instruments juridiques, comme son apport aux processus de codification et de développement des droits de l'homme, l'adhésion à des conventions et leur ratification, voire les recours prévus dans les conventions.

Les dialogues bilatéraux sur les droits de l'homme occupent une place à part parmi tous ces instruments. Visant le moyen et le long terme, ils donnent lieu à des visites régulières de délégations officielles, accompagnées de diverses mesures qui soutiennent la réforme des institutions ou le développement des capacités professionnelles dans les pays partenaires. L'effort politique et les ressources humaines qu'ils demandent imposent toutefois de se concentrer sur un petit nombre de partenaires.

C'est pourquoi la Suisse a mis au point d'autres instruments plus souples permettant de mener des discussions sur les droits de l'homme tout en tenant compte des ressources et des spécificités des partenaires concernés, par exemple lors d'un dialogue local, mené par l'ambassade de Suisse dans un pays particulier. Le dialogue politique mettant particulièrement l'accent sur des problèmes de droits de l'homme dans certains pays est pour la Suisse un instrument prioritaire.

Suivant la situation, il est possible de recourir à ces instruments en les combinant ou en les échelonnant. Dans l'ensemble, les stratégies du Conseil fédéral en la matière se fondent sur une relation partenariale avec les autorités du pays concerné. Si la coopération reste sans effet, il reste au Conseil fédéral d'autres instruments ­ comme la démarche politique ­ pour faire entendre sa voix.

Le Conseil fédéral cherche à intégrer systématiquement la dimension et les principes des droits de l'homme dans d'autres domaines politiques comme la coopération au développement, l'économie extérieure, la sécurité, la protection de l'environnement, l'aide humanitaire, la migration, l'entraide judiciaire internationale et les échanges culturels, d'une façon qui renforce la protection internationale des droits de l'homme.

4.4.2

Renforcement du système multilatéral des droits de l'homme

Le Conseil fédéral a accumulé ces dernières années une riche expérience à la faveur de son engagement bilatéral au service de la paix et des droits de l'homme dans des zones de conflit, par exemple en Europe du Sud-Est, au Proche-Orient, en Colombie, au Guatemala, au Mexique et au Sri Lanka. L'expérience montre que les droits de l'homme constituent des éléments importants de tout processus de paix et sont cruciaux pour la mise en place de structures d'Etat légitimes, susceptibles de résoudre des conflits politiques par des moyens pacifiques. C'est cette expérience qu'il s'efforce de faire fructifier dans les enceintes multilatérales. Les experts civils et militaires suisses de la paix détachés dans des missions multilatérales sont aussi très appréciés.

Les grandes questions de protection internationale des droits de l'homme se discutent et se décident de plus en plus au sein des organisations multilatérales. Y faire entendre sa voix exige un investissement dynamique. Le Conseil fédéral est parvenu à de multiples reprises ces dernières années à infléchir des discussions multilatérales 5835

dans le sens que souhaitait la Suisse. Soucieux de sauvegarder au mieux les intérêts du pays en matière de droits de l'homme, il est bien décidé à intensifier son engagement multilatéral sur ce terrain à l'avenir.

La Suisse peut difficilement agir seule à l'échelon multilatéral. Dans un système se nourrissant d'alliances, elle multiplie donc, depuis qu'elle est membre de l'ONU, les consultations au sein du groupe occidental, mais aussi avec des pays d'autres groupes régionaux, afin de faire partager plus largement ses idées et d'influer sur les processus décisionnels. La collaboration est devenue particulièrement étroite depuis 2003 avec certains gouvernements, dont celui de la Norvège: les deux pays partagent depuis longtemps de nombreuses stratégies et actions.

Organisation des Nations Unies (ONU) L'ONU est l'organisation mondiale de référence dans le secteur des droits de l'homme. Depuis son adhésion, le 10 septembre 2002, la Suisse s'associe plus activement qu'auparavant aux débats sur les droits de l'homme, et s'efforce ainsi de renforcer la protection internationale de ces droits. Cela vaut aussi bien pour l'Assemblée générale que pour le Conseil de sécurité; la délégation suisse a pris régulièrement la parole ces derniers temps dans les débats publics du Conseil de sécurité à propos de la protection des populations civiles en temps de guerre, des enfants soldats et de l'implication des enfants dans les conflits armés, de la lutte contre le terrorisme, de la justice et de l'Etat de droit, des droits de l'homme et de la justice de transition, de la répression des violations graves du droit international, de la lutte contre la dissémination illicite des armes légères et de petit calibre ou des mines antipersonnel. Ses interventions ont également été remarquées sur la question des sanctions du Conseil de sécurité en cas de menace pesant sur la paix ou la sécurité mondiales; elle a prôné des mesures sélectives touchant les responsables mais épargnant dans la mesure du possible la population civile et les pays tiers. Cette idée se retrouve dans le système de certification du processus de Kimberley visant à empêcher le commerce des diamants de la guerre, à la conception duquel la Suisse a activement participé.

Commission des droits de l'homme de l'ONU et rapporteurs spéciaux Au cours des 60 ans
qui ont suivi sa création en 1947, la Commission des droits de l'homme a connu une évolution considérable de ses fonctions, pour devenir le rouage central du système onusien en matière de protection des droits de l'homme.

Pendant les vingt premières années de son existence, la Commission a joué un rôle majeur dans la mise en place de standards internationalement reconnus dans le domaine des droits de l'homme, qui culmine lors de l'entrée en vigueur en 1966 des deux Pactes relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, d'une part, et aux droits civils et politiques, d'autre part. A partir de 1967, la Commission s'est vue dotée de nouveaux instruments lui permettant de dépasser son rôle de codificateur pour réagir aux violations des droits de l'homme, notamment grâce à l'introduction d'un système de procédures spéciales conduisant à la nomination d'experts habilités à effectuer des missions d'évaluation sur le terrain. Par l'intermédiaire du HautCommissariat aux droits de l'homme, elle a fourni conseils et assistance technique aux pays qui en avaient besoin, alors que la participation des ONG, des instances nationales de protection des droits de l'homme et d'experts indépendants a fait de cet organe une plateforme ouverte au débat. Enfin, la Commission a contribué à la clarification de certaines questions liées par exemple à la justice transitionnelle ou à la lutte contre le terrorisme. La Suisse a soutenu ces différents acquis qu'elle estime 5836

devoir être préservés au sein du Conseil des droits de l'homme, conviction que reflète son engagement dans le lancement de deux initiatives diplomatiques sur la justice transitionnelle et le Népal qui ont toutes deux fait l'objet d'une résolution lors de la 61e session de la Commission.

Au sein de la Commission des droits de l'homme, la Suisse a toujours fortement soutenu la création et la prolongation des mandats des rapporteurs spéciaux et autres experts. A ses yeux, ces spécialistes indépendants chargés d'examiner la situation des droits de l'homme dans certains pays ou par thèmes spécifiques remplissent une mission irremplaçable. Ils dirigent le regard de la communauté internationale sur des thèmes particulièrement importants et des événements inquiétants, donnant ainsi une voix aux victimes. Ils contribuent aussi à rendre plus objectifs les débats souvent polarisés au sein des organes onusiens. Deux experts suisses ont été nommés dans le cadre des procédures spéciales: le Pr. Jean Ziegler, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, et le Pr. Walter Kälin, Représentant du Secrétaire général sur les droits de l'homme des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. De 1990 à 2005, six personnalités suisses, dont les deux actuelles, ont rempli ce genre de mandat.

Création d'un Conseil des droits de l'homme et suivi La polarisation des débats au sein de la Commission des droits de l'homme préoccupait depuis longtemps le Secrétariat général de l'ONU. En 2003, la Suisse a décidé d'approfondir une idée du Secrétaire général de l'ONU visant à rendre les travaux de la Commission plus objectifs et plus transparents. Le DFAE a confié à l'université de Berne le soin de procéder à une étude dans ce sens, («étude Kaelin»). En septembre 2004, la Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a transmis au groupe d'experts de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement ainsi qu'au Secrétaire général de l'ONU la proposition suisse de remplacer l'actuelle Commission par un Conseil des droits de l'homme. Cette proposition a été reprise pour l'essentiel dans le rapport de décembre 2004 du groupe d'experts, comme dans celui du Secrétaire général de mars 2005. La Suisse a également joué un rôle essentiel dans le processus de négociations instauré par le président de l'Assemblée Générale en
vue de l'adoption d'une déclaration finale des chefs d'Etats lors du Sommet mondial 2005 qui s'est déroulé du 14 au 16 septembre 2005 à New York.

Le fait que la communauté internationale décide, dans cette déclaration, de la création d'un Conseil des droits de l'homme peut être considéré comme un succès pour la Suisse et ses partenaires. Un succès qui a été consacré, le 15 mars 2006, par l'adoption de la résolution A/RES/60/251 sur la création du Conseil par un vote qui a totalisé 170 voix pour, 3 abstentions et 4 voix contre. Ainsi, à partir du 19 juin 2006, date de sa première session, le Conseil remplace officiellement la Commission des droits de l'homme.

Même si le texte de la résolution A/RES/60/251 ne reflète pas toutes les exigences initiales de la Suisse, il est un bon compromis qui permet de renforcer le système onusien de promotion et de protection des droits de l'homme. Les principaux éléments distinguant le Conseil de la Commission peuvent être résumés comme tel: 1) Un statut institutionnel plus élevé: le Conseil devient un organe subsidiaire de l'Assemblée générale; 2) Des session plus nombreuses: il tiendra un minimum de trois sessions durant au moins dix semaines par an, ce qui devrait renforcer le dialogue et la coopération, et pourra se réunir en sessions spéciales à l'approbation d'un tiers de ses membres; 3) Des mécanismes plus efficaces et plus justes: il disposera 5837

d'un mécanisme d'évaluation périodique universelle au sein duquel le respect des obligations en matière de droits de l'homme de tous les Etats sera évalué; 4) Un nombre plus restreint de membres (47 contre 53 pour la Commission), qui seront élus par l'Assemblée générale à la majorité absolue pour une période de trois ans non rééligibles après deux mandats consécutifs; 5) Une plus grande crédibilité, notamment par le fait que les candidats au Conseil sont invités à formuler des engagements volontaires en matière de droits de l'homme. De plus, en cas de violations graves et systématiques des droits de l'homme, un membre pourra être suspendu par une majorité des 2/3 de l'Assemblée générale.

Enfin, la Suisse s'est particulièrement engagée à ce que le siège du nouvel organe se situe à Genève, ville de tradition humanitaire, siège du Haut-Commissariat aux droits de l'homme et de nombreuses grandes ONG internationales. Genève hébergeait depuis plus de cinquante ans les sessions de la Commission des droits de l'homme, mais c'est la première fois depuis la création des Nations Unies qu'un organe majeur de l'ONU est établi dans notre pays. Son élection le 9 mai 2006 en tant que membre du Conseil des droits de l'homme pour les trois prochaines années permettra à la Suisse de concrétiser encore d'avantage cet engagement et posera certainement de nouveaux défis à sa politique extérieure en matière de droits de l'homme.

Les organes de surveillance des traités Les grandes conventions de l'ONU sur les droits de l'homme prévoient toutes des comités chargés de vérifier que les Etats parties s'acquittent bien de leurs obligations. La Suisse leur soumet ses rapports et maintient un dialogue constructif avec eux. Par des appuis techniques et financiers, elle soutient depuis quelque temps des pays du Sud ou de l'Est, comme la Bosnie-Herzégovine ou le Tadjikistan, dans l'accomplissement de cette tâche difficile. Forte de cette expérience concrète, elle a proposé aux divers comités d'uniformiser les rapports et d'améliorer les effets de synergie entre eux. Elle se trouve bien placée pour soumettre ses propositions à la discussion car elle peut s'appuyer sur l'expérience considérable de trois scientifiques suisses renommés siégeant dans ces comités: le professeur Giorgio Malinverni de l'Université de Genève au Comité
des droits économiques, sociaux et culturels; le professeur Walter Kälin de l'Université de Berne au Comité des droits de l'homme; et le professeur Jean Zermatten au Comité des droits de l'enfant.

Pour la Suisse, le vent de réforme qui souffle au sein de l'ONU revêt une importance particulière. Sous le titre de travail «Unified Reporting System», le DFAE est en train de développer, à titre de projet pilote, un nouveau format de rapports périodiques que l'on pourrait qualifier de «rapports combinés». La formule du rapport combiné aurait l'avantage non seulement de faciliter la comparaison entre Etats en mettant en évidence les points forts et les points faibles, mais aussi de favoriser la mise en oeuvre des conventions et de faciliter une formulation cohérente des politiques au niveau fédéral, cantonal et communal dans le domaine des droits de l'homme. Il serait ainsi plus facile de déterminer les domaines appelant une intervention. Tous les rapports de la Suisse destinés à rendre compte de ses obligations auprès des différents comités sont en outre publiés et peuvent être consultés sur le site du DFAE (www.eda.admin.ch), comme les conclusions de ces comités et d'autres documents relatifs à leurs travaux sur le site du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (www.unhchr.org). Un tableau récapitulatif

5838

des rapports présentés par la Suisse depuis qu'elle a ratifié les différentes conventions onusiennes en matières de droits de l'homme figure de plus en annexe I du présent rapport.

Partenariats au sein du système des Nations Unies Créé en 1993, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme est devenu aujourd'hui le premier centre de compétence, d'information et de coordination au monde en matière de droits de l'homme, avec lequel la Suisse n'a cessé de resserrer des liens de partenariat au cours des dernières années. Par le biais de ses contributions volontaires, la Suisse figure parmi ses principaux donateurs. Au-delà de cet effort bilatéral, la délégation suisse s'emploie à l'Assemblée générale à ce qu'une part plus importante du budget ordinaire de l'ONU lui soit allouée. Sur la base du Plan d'Action élaboré par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, la déclaration finale adoptée par les chefs d'Etats lors du Sommet mondial 2005 prévoit le doublement du budget régulier du Haut-Commissariat. Cette décision nécessitera beaucoup d'efforts en vue d'une mise en oeuvre concrète dans les cinq prochaines années, et cette augmentation des ressources du Haut-Commissariat dépend bien entendu de ce qu'il adviendra d'autres programmes prioritaires pour les pays en développement.

Le soutien de la Suisse au Haut-Commissariat ne se limite pas à des contributions financières puisqu'elle mettra également à sa disposition un nouvel intrument de travail, le Universal Human Rights Index / Index universel des droits de l'homme, développé par l'Université de Berne. Cette base de donnée, accessible au grand public, permettra de voir en un coup d'oeil, droit par droit, les observations provenant du système des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans le monde.

Au-delà des organes principaux de l'ONU, du Conseil des droits de l'homme et des divers comités, toute une série d'agences spécialisées, de programmes et de fonds jouent aussi un rôle que la Suisse juge très utile dans le domaine des droits de l'homme au sens large; elle les soutient donc financièrement. Il s'agit par exemple du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), du Fonds de développement des Nations Unies pour les
femmes (UNIFEM) ou encore du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA). Même des organisations comme l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'occupent de plus en plus de questions en rapport direct avec les droits de l'homme. Les délégations suisses à ces organisations s'efforceront donc aussi à l'avenir de faire prendre en compte les droits de l'homme dans les décisions qui les touchent.

Comme on l'a vu, la Suisse (membre fondateur) joue aussi un rôle actif au sein de l'OIT. Cette organisation spécialisée dont la stratégie est axée sur l'objectif «Assurer un travail décent pour tous» a pour mandat de promouvoir la justice sociale et de faire respecter les droits de l'homme dans le monde du travail. La Suisse participe à son système tripartite de mise au point, de mise en oeuvre et de contrôle des conventions et recommandations internationales du travail qui définissent les normes minimales à respecter dans les domaines relevant de son ressort: liberté syndicale, droit d'organisation et de négociation collective, abolition du travail forcé et du travail des enfants, égalité de chances et de traitement, conditions de travail, sécurité sociale, etc. Elle participe notamment aux travaux de la Commission de l'application des 5839

normes de la Conférence internationale du travail, qui examine chaque année les manquements graves aux normes de son ressort.

Conseil de l'Europe, OSCE et autres réseaux La Suisse accorde une place de premier rang au Conseil de l'Europe dans sa politique de la défense des droits de l'homme. Elle s'est beaucoup engagée dans la réforme de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), présidée par notre compatriote Luzius Wildhaber. La Cour européenne des droits de l'homme constitue la clef de voûte du Conseil de l'Europe. Considérée comme la plus grande réalisation du Conseil de l'Europe, elle permet à quelque 800 millions d'Européens de recourir auprès d'un tribunal international dont la juridiction est obligatoire et les arrêts contraignants pour les Etats parties.

Le 13 mai 2004, la Suisse a donc été parmi les premiers signataires du protocole nº14 à la CEDH qui optimise le filtrage et le traitement des cas soumis à la Cour.

La Suisse participe par ailleurs activement, au sein du Comité des ministres, aux procédures de suivi et de contrôle concernant notamment les nouveaux membres.

Elle s'est intéressée tout particulièrement aux pays dont l'adhésion est la plus récente: la Bosnie-Herzégovine, la Serbie-et-Monténégro, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie. Les représentants suisses dans les différentes institutions du Conseil de l'Europe ont porté une attention toute particulière au règlement du conflit tchétchène, en raison des très graves violations des droits de l'homme commises dans cette région de la Fédération de Russie. Enfin, elle soutient les efforts du Commissaire aux droits de l'homme, chargé depuis 1999 de promouvoir le respect des principes fondamentaux du Conseil de l'Europe chez ses 46 membres. Du 30 novembre au 3 décembre 2004, l'ancien Commissaire, Alvaro Gil-Robles, a effectué une visite en Suisse. Il a rendu public son rapport le 8 juin 2005, qui peut être consulté sur le site internet de l'organisation (www.coe.int). Les commentaires de la Suisse concernant les conclusions du rapport en question y sont annexés.

Pour le Conseil fédéral, le Conseil de l'Europe et ses objectifs restent de première importance pour la Suisse. Le rôle clé de cette organisation en matière de respect des droits de l'homme, de promotion de l'Etat de droit et de démocratie correspond pleinement
aux objectifs de politique extérieure suisse.

Le Conseil fédéral soutient les efforts visant à augmenter la visibilité du Conseil de l'Europe, organisation qui doit chercher à se recentrer sur son domaine d'excellence: le développement normatif de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme. Des programmes d'assistance viennent aider les Etats en transition à se conformer à leurs obligations. En effet, en termes de création du droit, d'aide à l'élaboration de normes acceptables dans les Etats en transition et de contrôle du respect de ces normes, le Conseil de l'Europe est devenu l'acteur principal sur le continent. Il sera donc primordial de rendre plus efficaces encore les instruments et mécanismes existants.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) demeure aux yeux de la Suisse une précieuse plate-forme des droits de l'homme. Elle lui offre de nombreuses possibilités de défendre et de développer ses valeurs fondamentales et d'entretenir le dialogue avec la société civile, qui participe à certaines réunions sur un pied d'égalité avec les gouvernements et les organisations internationales. La Suisse accordera au sein de l'OSCE une importance particulière à la tenue d'élections conformes aux normes internationales, à la promotion de la tolérance et de la 5840

non-discrimination, à l'égalité des sexes, à la lutte contre la traite des êtres humains et à la prévention de la torture.

Membre fondateur du Réseau de la sécurité humaine (RSH), la Suisse y joue un rôle particulièrement actif. Ce réseau rassemble depuis 1999 treize pays partageant une même conception de la sécurité fondée en majeure partie sur les droits de l'homme et le droit international. Laboratoire d'idées et plate-forme informelle d'échanges, il se prête particulièrement bien à des discussions exploratoires sur des propositions et initiatives politiques concernant par exemple la protection des enfants dans les conflits armés, l'implication des femmes dans les processus de paix, l'éducation aux droits de l'homme, la création du Conseil des droits de l'homme, le contrôle des armes légères, voire la Cour pénale internationale.

La Suisse soutient en outre divers programmes de consolidation du droit en général, de la démocratie et des droits de l'homme au sein de l'Organisation internationale de la francophonie, dont elle est l'un des cinq grands bailleurs de fonds. Elle bénéficie par ce canal de contacts directs avec des pays francophones du Sud. A la faveur des consultations sur les droits de l'homme qui se déroulent régulièrement entre délégations francophones, il est souvent possible de faire mieux comprendre une conception différente des droits de l'homme ou de rapprocher des points de vue opposés.

Enfin, le Conseil fédéral fournit un appui politique et financier au Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est depuis sa mise en place en juin 1999. Ce pacte vise principalement à consolider les structures démocratiques dans la région, à soutenir la reconstruction économique et à encourager la coopération régionale. Dans le domaine de la démocratisation et des droits de l'homme, le Conseil fédéral promeut les droits des minorités et le dialogue interethnique, le retour des réfugiés dans la sécurité et la dignité, la participation des femmes à la vie politique, la cohésion sociale, la lutte contre la traite des êtres humains et le développement des médias.

5

Conclusion: concentration, crédibilité et cohérence

Concentration Le Conseil fédéral garantit la défense des intérêts de la Suisse en politique extérieure des droits de l'homme et, à cet effet, il concentre ses ressources sur des questions et des domaines clés, dont l'importance stratégique est certaine. Premièrement, il entend concentrer son engagement par des mesures ciblées en faveur du développement et de la mise en oeuvre des droits de l'homme. Deuxièmement, il entend améliorer encore la protection des groupes particulièrement vulnérables, tels que les membres des minorités, les enfants, les femmes, les handicapés, les réfugiés et les détenus. Et troisièmement, il entend intégrer systématiquement la dimension des droits de l'homme dans d'autres champs d'action de la politique extérieure, le but étant de mettre à profit les nouvelles possibilités qu'offre la mondialisation pour renforcer la protection internationale des droits de l'homme. A cette fin, une coopération avec les autres acteurs, gouvernementaux et non gouvernementaux, du niveau local au niveau mondial, s'impose.

5841

Crédibilité La politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme gagne en efficacité si l'on exploite à fond les synergies entre les activités propres aux droits de l'homme et les autres activités de politique extérieure. Il est vrai que, dans certains cas, des conflits d'intérêts peuvent surgir. Confronté à une telle situation, le Conseil fédéral définit et pèse ses intérêts cas par cas. Il prend en compte en premier lieu le droit international, en second lieu la Constitution et en troisième lieu toutes les lois fédérales pertinentes.

­

Le droit international ­ en particulier les conventions concernant les droits de l'homme et le droit international coutumier ­ impose aux Etats des obligations qui ne concernent pas seulement les violations des droits de l'homme commises sur leur territoire. En effet, l'Etat qui soutient des activités, en sachant qu'elles favoriseront des violations des droits de l'homme par un autre Etat, se rend coresponsable de ces actes. En conséquence, le Conseil fédéral prend toutes les dispositions possibles pour que ses activités de politique extérieure ne puissent pas favoriser des atteintes aux droits de l'homme dans un autre Etat. Toute pesée des intérêts politiques est exclue face aux impératifs du droit international. En dehors de ces impératifs, le Conseil fédéral soutient, selon les possibilités, les options qui correspondent le mieux aux objectifs du droit international, y compris des droits de l'homme.

­

Le respect des droits de l'homme figure parmi les cinq buts principaux de la politique extérieure de la Suisse, tels que les définit l'art. 54, al. 2, de la Constitution. Il s'ensuit que les droits de l'homme sont des facteurs à prendre en compte dans toutes les activités de la Suisse à l'étranger. La Constitution précise, en outre, que la Confédération et les cantons respectent le droit international, ce qui, par voie de conséquence, implique le respect de leurs obligations en matière de droits de l'homme (art. 5, al. 4, Cst.).

­

Au niveau de la loi également, il existe aujourd'hui des dispositions qui prévoient le contrôle du respect des droits de l'homme dans certains domaines politiques, notamment l'exportation de matériel de guerre, l'extradition et le transfert des prisonniers, et l'entraide judiciaire dans les affaires pénales. Les lois qui régissent ces domaines prévoient que les décisions du Conseil fédéral respectent le droit international et les droits de l'homme. Le Conseil fédéral prévoit une disposition analogue dans la nouvelle loi du 16 décembre 2005 sur l'Assurance contre les risques à l'exportation (RS 946.10; LARE).

La loi du 22 mars 2002 sur les embargos (RS 946.231; LEmb), en vigueur depuis le 1er janvier 2003, constitue une nouvelle base légale, en vertu de laquelle le Conseil fédéral peut s'associer à des sanctions internationales et peut prendre des mesures contraignantes pour faire appliquer le droit international et faire respecter, entre autres, les droits de l'homme.

Lors de la révision d'actes législatifs, le Conseil fédéral veillera à ce que le respect des droits de l'homme soit explicitement affirmé dans tous les domaines de la politique suisse et que soient prévues des procédures de contrôle à cet effet.

Cohérence assurée par l'analyse, l'information et la consultation Pour que la dimension des droits de l'homme soit systématiquement intégrée dans tous les processus décisionnels de la politique extérieure, le Conseil fédéral entend veiller à la transparence des mécanismes internes d'information, de consultation et 5842

de décision ainsi qu'à la qualité de la formation, de l'information et de la sensibilisation du personnel fédéral, du point de vue de la protection internationale des droits de l'homme. Le Conseil fédéral aborde ces défis à plusieurs niveaux: ­

Ces dernières années, des instruments d'analyse toujours plus fiables ont été développés au sein de l'administration fédérale, pour apprécier la situation des droits de l'homme et pour évaluer l'impact, effectif ou potentiel, des activités de la Suisse sur cette situation dans les pays partenaires. Or, ces instruments fournissent des informations précieuses, permettant, entre autres, de vérifier la compatibilité de certaines stratégies de politique extérieure avec les droits de l'homme ou de concevoir des programmes visant spécifiquement à l'amélioration de la situation des droits de l'homme.

­

Le Conseil fédéral a mis en place un certain nombre de mécanismes internes de consultation et de décision afin de renforcer la cohérence entre les activités concernant les droits de l'homme et les autres. A signaler le groupe interdépartemental «politique internationale des droits de l'homme», qui est ouvert à tous les départements intéressés. A mentionner également qu'il est de plus en plus considéré comme normal d'associer des experts des droits de l'homme aux délégations officielles qui participent aux négociations internationales. Enfin, la collaboration dans l'échange d'informations entre le DFAE et l'Office fédéral des migrations a été améliorée suite à l'interpellation parlementaire de Mme Müller-Hemmi du 15 juin 2005 (05.3308, Evaluation de la situation au Myanmar/Birmanie à la suite d'une décision de renvoi).

­

Le Conseil fédéral attache une grande valeur à ces mécanismes. En témoigne, la façon dont il a adapté sa politique à la conditionnalité politique. Par sa décision du 9 avril 2003, il a ainsi marqué le passage d'une conditionnalité plutôt rigide à une conception dynamique et positive qui met en avant le dialogue demandant le respect des droits de l'homme et leur protection ainsi que les programmes ciblés qui soutiennent activement la réalisation des droits de l'homme et de la gouvernance dans les pays partenaires. Dans la même logique, le Conseil fédéral a décidé qu'il continuerait à insister pour que les accords bilatéraux ne soient pas incompatibles avec nos obligations internationales en matière de droits de l'homme, mais sans plus inclure de clause suspensive dans ces accords. Il a, de plus, introduit un système interdépartemental d'information précoce et de consultation ainsi qu'une procédure d'arbitrage, en cas de divergence d'opinion, pour pouvoir réagir rapidement si la situation générale change dans un pays partenaire.

­

Les offres de formation et de formation continue ont été élargies pour que le personnel diplomatique et consulaire, les acteurs de la coopération au développement et de l'aide humanitaire et les experts de la gestion civile des conflits soient davantage sensibilisés aux questions relevant des droits de l'homme. Après la publication du rapport Bergier, le Conseil Fédéral a décidé de mettre en place des mesures de sensibilisation au sein de l'administration fédérale. Suite à cette décision, un rapport a été élaboré et ses recommandations mises en oeuvre. Actuellement, dans chaque département, une personne est responsable de la formation en matière de droits de l'homme.

5843

L'art. 54, al. 2, de la Constitution mentionne la promotion des droits de l'homme parmi les cinq objectifs de la politique extérieure de la Suisse. Les principes et les mesures de concentration, de crédibilité et de cohérence mentionnés dans le présent rapport sont des éléments essentiels pour permettre au Conseil fédéral de mettre en oeuvre de manière encore plus efficace les objectifs en matière de droits de l'homme qui sont consacrés par la Constitution

5844

5845

Entrée en vigueur pour la Suisse: 29 décembre 1994

RS 0.104

Périodicité: Présentation d'un rapport tous les 2 ans et chaque fois que le Comité en fera la demande (art. 9). Dans la pratique, le Comité fait cependant preuve d'une grande souplesse.

Instance chargée de l'examen: Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est chargé de l'examen du rapport

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 29.12.1995; elle l'a finalement déposé le 15.1.1997.

La présentation a eu lieu les 3, 4 et 17 mars 1998.

Base juridique: Art. 9 CERD: «Les Etats parties s'engagent à présenter au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu'ils ont arrêtées et qui donnent effet aux dispositions de la présente Convention ...».

Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD)

Le quatrième rapport qui devait être soumis le 29.12.2001 est en cours d'élaboration. Le Comité attendait le quatrième et cinquième rapport périodique pour le 29.12.2003.

Le deuxième rapport devait être soumis le 29.12.1997 et le troisième le 19.12.1999. La Suisse a déposé un rapport combiné le 14.11.2000 et l'a présenté à Genève les 4 et 5 mars 2002. La responsabilité de ce rapport incombait à la DDIP, DFAE.

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

Rapports périodiques à présenter par la Suisse au titre des conventions de l'ONU sur les droits de l'homme

Annexe I

5846

Entrée en vigueur pour la Suisse: 18 septembre 1992

Périodicité: Les Etats parties au Pacte I présentent leurs rapports par étapes, selon un programme qu'établira le Conseil économique et social dans un délai d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur dudit Pacte, après avoir consulté les Etats parties et les institutions spécialisées intéressées. (art. 17)

Instance chargée de l'examen: En 1985, l'ECOSOC a créé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et lui a confié la charge d'examiner les rapports. Le comité est subordonné à l'ECOSOC.

Le deuxième rapport devait être soumis le 30.6.1999.

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 30.6.1994; elle l'a finalement déposé le 26.6.1996 et l'a présenté le 20.11 et le 23.11.1998.

Base juridique: Art. 16 Pacte I: «...(2) a) Tous les rapports sont adressés au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, qui en transmet copie au Conseil économique et social, pour examen, conformément aux dispositions du présent Pacte.»

Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I)

RS 0.103.1

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

5847

Entrée en vigueur pour la Suisse: 18 septembre 1992

Pédiodicité: Présentation d'un rapport chaque fois que le Comité en fera la demande (art. 40). Dans la pratique, le Comité a fait preuve de souplesse.

Instance chargée de l'examen: Comité des droits de l'homme.

Le troisième rapport devra être soumis le 1.11.2006; il est en cours d'élaboration.

Le deuxième rapport devait être soumis le 17.9.1998.

La Suisse l'a déposé le 29.9.1998 et l'a présenté le 19.10.2001 à Genève. La responsabilité de ce rapport incombait à l'Office fédéral de la justice (DFJP).

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 17.9.1993; elle l'a déposé le 24.2.1995 et l'a présenté les 24 et 25 octobre 1996.

Base juridique: Art. 40 Pacte II: «Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à présenter des rapports sur les mesures qu'ils auront arrêtées et qui donnent effet aux droits reconnus dans le présent Pacte et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits ...»

Pacte international du 16 décembre 1966 sur les droits civils et politiques (Pacte II)

RS 0.103.2

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

5848

Périodicité: Présentation d'un rapport tous les quatre ans, ainsi qu'à la demande du Comité (art. 18).

Instance chargée de l'examen: Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

Entrée en vigueur pour la Suisse: 26 avril 1997

RS 0.108

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 26.4.1998 et le deuxième rapport le 26.4.2002.

Base juridique: Art. 18 CEDAW: «Les Etats parties s'engagent à présenter au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre qu'ils ont adoptées pour donner effet aux dispositions de la présente Convention et sur les progrès réalisés à cet égard,...»

Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW)

Le troisième rapport devait être soumis le 26.4.2006; il est en cours d'élaboration.

La présentation a eu lieu le 14 et le 17 janvier 2003 à New York. La responsabilité de ce rapport incombait au Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes.

Elle a déposé un rapport combiné le 20.2.2002.

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

5849

Entrée en vigueur pour la Suisse: 26 juin 1987

RS 0.105

Périodicité: Rapports complémentaires tous les quatre ans, et tous autres rapports demandés par le Comité.

Instance chargée de l'examen: Comité contre la torture

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 25.6.1988. Elle l'a déposé le 14.4.1989 et l'a présenté le 15 novembre 1989.

Base juridique: Art. 19 CAT: «Les Etats parties présentent au Comité, par l'entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, des rapports sur les mesures qu'ils ont prises pour donner effet à leurs engagements en vertu de la présente Convention, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la Convention pour l'Etat partie intéressé. Les Etats parties présentent ensuite des rapports complémentaires tous les quatre ans sur toutes nouvelles mesures prises, et tous autres rapports demandés par le Comité.»

Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT)

Le quatrième rapport devait être soumis le 25.6.2000.

La Suisse l'a déposé le 18.12.2002: La présentation a eu lieu le 6 et le 9 mai 2005.

Le troisième rapport devait être soumis le 25.6.1996.

La Suisse l'a déposé le 7.11.1996 et l'a présenté le 14.11.1997. La responsabilité de ce rapport incombait à l'Office fédéral de la justice (DFJP).

Le deuxième rapport devait être soumis le 25.6.1992.

La Suisse l'a déposé le 28.9.1993 et l'a présenté le 20.4.1994.

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

5850

Entrée en vigueur pour la Suisse: 26 juillet 2002

RS 0.107.1

Protocole facultatif I du 25 mai 2000 concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés

et

Entrée en vigueur pour la Suisse: 26 mars 1997

Périodicité: Présentation d'un rapport tous les cinq ans (art. 44)

Instance chargée de l'examen: Comité des droits de l'enfant

La responsabilité de ce rapport incombait à la Direction du droit international public, DFAE.

La Suisse devait soumettre son rapport initial relatif au Protocole concernant les «enfants soldats» le 26.7.2004. Le Conseil fédéral a approuvé ce rapport le 30 juin 2004; la présentation a eu lieu le 9 janvier 2006.

Le deuxième et le troisième rapports devront être soumis le 25 septembre 2007.

La Suisse devait soumettre son rapport initial le 23.3.1999. Elle l'a déposé le 19.1.2001 et l'a présenté le 29.5.2002 à Genève. La responsabilité de ce rapport incombait à la Direction du droit international public, DFAE.

Base juridique: Art. 44 CRC: «Les Etats parties s'engagent à soumettre au Comité, par l'entremise du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, des rapports sur les mesures qu'ils auront adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la présente Convention et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits.»

Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CRC)

RS 0.107

Rapports présentés par la Suisse

Rapports à présenter

Traité

5851

DDIP

Crédit-cadre pour des mesures de gestion civile des conflits et de promotion des droits de l'homme

DP IV

Crédit pour des actions volontaires en faveur du respect du droit international

*(en vigueur seulement depuis mai 2004)

Crédit

Division

Projets ciblés de soutien à des institutions ou à des organisations non gouvernementales étrangères contribuant au respect, à la mise en oeuvre et au développement des droits de l'homme.

Projets bilatéraux d'appui à la mise en oeuvre des droits de l'homme.

Mise en place de dialogues bilatéraux en matière de droits de l'homme;

Elaboration de politiques liées à des thèmes émergents (ex: économie et droits de l'homme);

Lancement d'initiatives diplomatiques pour le développement des droits de l'homme, notamment dans le cadre des Nations Unies;

Nature des activités

(CHF) 2004

240 000.­

418 000.­

*3 700 000.­ *5 600 000.­

(CHF) 2003

452 000.­

7 500 000.­

(CHF) 2005

Crédits consacrés par le DFAE à la politique extérieure de la Suisse en matière de droits de l'homme, répartis entre la Division politique IV, sécurité humaine (DP IV), la Direction du droit international publique (DDIP) et la Direction du développement et de la coopération (DDC):

Annexe II

5852

Projets destinés à renforcer les organisations de défense des droits de l'homme.

Soutien d'organisations multilatérales dans le domaine des droits de l'homme;

Programmes bilatéraux visant à promouvoir les droits judiciaires et les droits de l'homme;

Crédit de programme pour la poursuite de la coopération renforcée avec les Etats d'Europe centrale et orientale

Crédit-cadre pour la poursuite de l'aide humanitaire internationale

Programmes bilatéraux visant à renforcer les systèmes juridiques et à promouvoir l'Etat de droit;

Crédit-cadre concernant la poursuite de la coopération technique et de l'aide financière

DDC

Nature des activités

Crédit

Division

(CHF) 2004

(CHF) 2005

21 000 000.­ 23 000 000.­ 24 000 000.­

(CHF) 2003