02.415 Initiative parlementaire Modification de l'art. 186 de la loi fédérale sur le droit international privé Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 17 février 2006

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

17 février 2006

Pour la commission: Le président, Daniel Vischer

2006-0698

4469

Condensé Un arrêt du Tribunal fédéral rendu en mai 2001 (arrêt Fomento, ATF 127 III 279) a entraîné une certaine insécurité du droit suisse en matière d'arbitrage international.

Selon l'interprétation faite dans cet arrêt, une partie qui a valablement accepté de soumettre ses litiges à l'arbitrage en Suisse pourrait paralyser la procédure arbitrale en prenant son adversaire de vitesse par l'introduction, avant l'arbitrage, d'une action judiciaire à l'étranger.

Cette situation nuit à l'efficacité de l'arbitrage international en Suisse et est propre à dissuader les acteurs du commerce international de recourir à l'arbitrage dans notre pays.

Faisant suite à l'adoption par le Conseil national d'une initiative parlementaire déposée par le conseiller national Claude Frey demandant la révision de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) afin de remédier à cette insécurité, la Commission des affaires juridiques du Conseil national propose de compléter la LDIP en ce sens que le tribunal arbitral statue sur sa compétence sans égard à une action ayant le même objet pendante entre les mêmes parties devant un autre tribunal. Le présent projet donne ainsi aux tribunaux arbitraux une règle de conduite positive claire.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire

Le 21 mars 2002, M. Claude Frey, conseiller national, a déposé une initiative parlementaire visant à permettre aux tribunaux arbitraux siégeant en Suisse de statuer sur leur compétence également lorsqu'un tribunal étatique étranger a préalablement été saisi.

Le 20 janvier 2003, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a procédé à l'examen préalable de l'initiative et a proposé d'y donner suite. Le Conseil national s'est rallié à la proposition de la commission et a décidé sans opposition de donner suite à l'initiative en date du 23 septembre 20031.

Conformément à l'art. 21quater, al. 1, de la loi sur les rapports entre les Conseils (LREC)2, le Conseil national a chargé sa Commission des affaires juridiques d'élaborer un projet d'acte législatif.

1.2

Travaux de la commission

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a débattu de cette initiative à l'occasion de quatre séances entre mai 2005 et février 2006. Au cours de ses travaux, la commission a entendu un professeur de droit spécialisé en droit international et un membre de la direction de l'Association suisse de l'arbitrage (ASA). Le 12 janvier 2006, la commission a adopté par 19 voix le projet de loi ci-joint.

La commission a été secondée dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police conformément à l'art. 21quater, al. 2, LREC.

2

Grandes lignes du projet

L'origine de ce projet de loi est à rechercher dans deux arrêts du Tribunal fédéral traitant de la situation dans laquelle une procédure arbitrale suisse et une procédure devant un tribunal étatique étranger, portant sur le même objet, entre les mêmes parties, sont pendantes simultanément.

Partant de la constatation qu'une procédure est parfois engagée à l'étranger dans le but de bloquer ou d'empêcher la procédure arbitrale en Suisse, la commission a examiné les textes légaux en vigueur et la jurisprudence du Tribunal fédéral afin de savoir dans quelles conditions la procédure arbitrale en Suisse est suspendue en cas de litispendance. Elle en a examiné les conséquences pour la place arbitrale suisse.

1 2

BO 2003 N 1451 RS 171.11; voir art. 173, ch. 3, de la loi sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

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2.1

Droit en vigueur et jurisprudence

2.1.1

Compétence arbitrale: le principe de la compétence de la compétence (Kompetenz-Kompetenz)

L'arbitrage international est régi par le chap. 12 (art. 176 ss) de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP)3. Lorsque la compétence du tribunal arbitral est contestée, celui-ci peut en principe statuer sur sa propre compétence, comme n'importe quel tribunal étatique (principe de la compétence de la compétence, Kompetenz-Kompetenz). Pour ce faire, le tribunal arbitral examine si le litige peut faire l'objet d'un arbitrage (art. 177 LDIP) et si la convention d'arbitrage est valable quant à la forme (art. 178, al. 1, LDIP) et quant au fond (art. 178, al. 2, LDIP). La décision du tribunal arbitral sur sa compétence peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (art. 190, al. 2, let. b, et al. 3, art. 191, al. 1, LDIP). Le Tribunal fédéral examine la décision de l'arbitre avec son plein pouvoir d'examen.

2.1.2

Examen de sa compétence par le tribunal arbitral et litispendance selon l'art. 9 LDIP

L'art. 9 LDIP permet de déterminer quelle procédure a la priorité lorsque deux procédures sont pendantes en même temps en Suisse et à l'étranger. Le principe suivi est celui de l'ordre chronologique des saisines.

Si la procédure en Suisse a été introduite avant la procédure à l'étranger, le tribunal suisse poursuit sa procédure sans tenir compte de la procédure pendante à l'étranger.

Un jugement qui serait rendu à l'issue d'une procédure introduite plus tardivement à l'étranger ne pourrait par ailleurs pas être reconnu en Suisse (art. 27, al. 2, let. c, LDIP).

En revanche, lorsqu'une action a été initiée à l'étranger avant le début de la procédure en Suisse, l'art. 9, al. 1, LDIP prescrit que le tribunal suisse suspend la cause «s'il est à prévoir que la juridiction étrangère rendra, dans un délai convenable, une décision pouvant être reconnue en Suisse». Le point central de l'examen est ainsi le pronostic de reconnaissance (voir ch. 2.1.4.1.1 ci-après). L'art. 9, al. 3, LDIP précise ensuite: «Le tribunal suisse se dessaisit dès qu'une décision étrangère pouvant être reconnue en Suisse lui est présentée».

L'art. 9 LDIP règle les cas où deux procédures sont simultanément pendantes devant des tribunaux étatiques. Son application à une procédure arbitrale en Suisse est problématique pour deux raisons. D'une part, elle est problématique parce que la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le cadre de la LDIP tient pour acquis que la décision étrangère peut être reconnue en Suisse, sans examiner la question de savoir si le tribunal arbitral est compétent, du point de vue de la Suisse (arrêt Fomento4).

D'autre part et en particulier, l'application de l'art. 9 LDIP à une procédure arbitrale en Suisse est problématique dans le contexte de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL)5 parce que le régime institué par cette convention ­ contrairement à

3 4 5

RS 291 ATF 127 III 279 RS 0.275.11

4472

celui de la LDIP ­ prescrit qu'une décision étrangère doit, en règle générale, être reconnue sans autre possibilité d'examen.

2.1.3

Les arrêts du Tribunal fédéral dans les affaires Condesa et Fomento

Dans un arrêt du 19 décembre 1997 dans la cause Compañìa Minera Condesa SA et Compañìa de Minas Buenaventura SA contre BRGM-Pérou et le tribunal arbitral CIA (arrêt Condesa6), le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si l'art. 9 LDIP était également applicable aux rapports entre une juridiction étatique et une juridiction arbitrale. Il précisait, cependant, qu'une action pendante devant une juridiction étatique étrangère pouvait avoir pour effet d'exclure une procédure arbitrale en Suisse lorsque la décision étrangère était susceptible d'être reconnue en Suisse. Dans un arrêt du 14 mai 2001 dans la cause Fomento de Construcciones y Contratas SA contre Colon Container Terminal SA (arrêt Fomento), le Tribunal fédéral a posé le principe qu'un tribunal arbitral siégeant en Suisse devait appliquer l'art. 9 LDIP lorsque, dans la même cause, une action est déjà pendante devant un tribunal étatique étranger. Le Tribunal fédéral indiquait, in casu, que le tribunal arbitral siégeant en Suisse n'aurait pu poursuivre la procédure que s'il avait constaté qu'il n'était pas saisi de la même cause ou que la juridiction étrangère ne serait pas en mesure de rendre, dans un délai convenable, une décision pouvant être reconnue en Suisse.

Le Tribunal fédéral laisse à la juridiction étrangère la question de savoir si la décision étrangère est susceptible d'être reconnue: «Savoir si l'exception d'arbitrage a été soulevée en temps utile ne relève ni de la Convention de New York ni de la LDIP, mais de la lex fori (...). La question litigieuse ressortit donc en définitive au droit panaméen, que les autorités de ce pays sont mieux placées pour connaître et appliquer correctement.»7. Alors que dans l'arrêt Condesa, le Tribunal fédéral avait encore voulu se saisir lui-même de la question de la validité de la convention d'arbitrage, pour statuer dans une perspective suisse, c'est-à-dire selon les règles de la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères (art. II; Convention de New York)8, il abandonne complètement cette question au tribunal étranger dans l'arrêt Fomento.

Cette manière d'appliquer l'art. 9 LDIP est problématique. Un ordre juridique étranger hostile à l'arbitrage (par ex. en raison du peu de domaines juridiques pouvant donner lieu à
un arbitrage ou parce que les conventions d'arbitrage doivent répondre à des exigences formelles excessives) pourrait de la sorte être instrumentalisé par la partie qui refuse l'arbitrage, au détriment de la procédure arbitrale en Suisse.

6 7 8

ATF 124 III 83 ATF 127 III 279 287 RS 0.277.12

4473

2.1.4

Application de l'art. 9 LDIP aux procédures arbitrales en Suisse

Si la procédure arbitrale en Suisse a été introduite avant la procédure étatique étrangère, elle se poursuit sans tenir compte de l'ouverture d'une procédure à l'étranger.

Si la procédure étrangère a été introduite en premier, le défendeur soulèvera en général immédiatement l'exception d'arbitrage. Dans un ordre juridique favorable à l'arbitrage, le tribunal étranger devrait alors suspendre la cause ou rejeter l'action, comme le ferait un juge suisse dans la même situation (art. 7 LDIP). La voie serait ainsi libre pour la procédure arbitrale en Suisse. Si le tribunal étranger ne se dessaisit pas immédiatement de l'affaire, le tribunal arbitral siégeant en Suisse doit procéder à un examen selon l'art. 9 LDIP. Cet examen diffère selon que la juridiction saisie à l'étranger se trouve, ou non, dans un Etat partie à la CL.

2.1.4.1

Procédure étatique en dehors du régime de la CL

2.1.4.1.1

Pronostic de reconnaissance

Le pronostic de reconnaissance est le point central de l'examen selon l'art. 9 LDIP.

Pour savoir si la décision étatique rendue à l'étranger pourra être reconnue en Suisse, il faut d'abord poser la question de la compétence indirecte du tribunal étranger, au sens de l'art. 25, let. a, en relation avec l'art. 26 LDIP. Selon la LDIP, la compétence indirecte d'un tribunal étranger est donnée lorsqu'elle résulte d'une disposition de la LDIP ou lorsque le défendeur était domicilié dans l'Etat dans lequel la décision a été rendue (art. 26, let. a, LDIP; situation de l'arrêt Fomento). Lorsqu'une procédure étrangère est dirigée contre une partie ayant son domicile ou son siège en Suisse, il n'y a souvent ­ selon le système de la LDIP ­ pas de compétence indirecte, ce qui exclut la reconnaissance de la décision étrangère. Sous l'angle de la compétence indirecte, les cas où les deux parties à un arbitrage ont leur siège ou leur domicile à l'étranger restent problématiques.

En dehors de cet aspect géographique de la compétence indirecte, le Tribunal fédéral, dans l'arrêt Condesa, avait soutenu qu'un tribunal étatique étranger qui examine une cause nonobstant l'existence d'une convention d'arbitrage valable au sens de l'art. II de la Convention de New York perdait également la compétence indirecte au sens de l'art. 25 LDIP. Dans l'arrêt Fomento, le Tribunal fédéral a cependant fortement relativisé cette affirmation; il place en particulier la question de la validité de la convention d'arbitrage entièrement dans la perspective du droit étranger. C'est la raison pour laquelle on ne saurait exclure que des cas surviennent, à l'avenir, dans lesquels le Tribunal fédéral fait un pronostic positif quant à la reconnaissance de la décision, en dépit de l'existence d'une convention d'arbitrage valable.

Lorsqu'une action a été introduite à l'étranger devant un tribunal indirectement compétent, le tribunal arbitral siégeant en Suisse doit poursuivre l'analyse de l'éventuelle reconnaissance en Suisse de la décision étrangère. Dans ce cas, la partie défenderesse dans la procédure à l'étranger pourrait encore invoquer des motifs de refus de reconnaissance, à savoir qu'elle n'a pas été citée régulièrement ou que l'ordre public procédural ou matériel suisse serait violé (art. 27, al. 1 et 2, LDIP)9.

9

Cf. IPRG-Kommentar Volken, Zurich 2004, art. 9, n. 87.

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2.1.4.1.2

Décision étrangère rendue dans un délai convenable

Lorsque le tribunal arbitral suisse arrive à la conclusion que la décision étrangère pourrait être reconnue en Suisse, il doit encore examiner si le juge étranger rendra sa décision dans un délai convenable. Le tribunal arbitral suisse doit examiner cette question avec retenue10. Il peut y apporter une réponse négative lorsqu'il est notoire que les juridictions de l'Etat concerné ont besoin de beaucoup de temps pour trancher11.

2.1.4.2

Procédure étatique dans un Etat partie à la CL

Lorsqu'une procédure est engagée devant un tribunal étatique de l'un des 18 autres Etats parties à la CL, la question du pronostic de la reconnaissance selon l'art. 9 LDIP se pose sous un autre angle. Sous le régime de la CL, le contrôle de la compétence indirecte est, dans la plupart des cas, exclu (art. 28, par. 4, CL). Les motifs de refus de reconnaissance d'une décision judiciaire étrangère sont énumérés de manière exhaustive dans les art. 27 et 28 CL. Une convention d'arbitrage valable dans l'Etat de reconnaissance n'en fait pas partie. L'arbitrage est certes exclu du champ d'application de la CL (art. 1, par. 2, ch. 4, CL), mais la doctrine dominante considère qu'une convention d'arbitrage valable ou une procédure d'arbitrage pendante ne constitue pas un motif de refus de reconnaissance12. Même s'il existe de bonnes raisons de mettre en doute cette opinion, il reste à craindre que le pronostic de reconnaissance sera, dans de nombreux cas, positif.

2.1.5

Nécessité de réviser la loi

Lorsqu'une partie, dans l'intention d'éluder une convention d'arbitrage ou d'empêcher son application, introduit une action devant un tribunal d'un Etat partie à la CL et que ce tribunal ne tient pas compte de la convention d'arbitrage, le tribunal arbitral siégeant en Suisse sera souvent obligé de suspendre la procédure d'arbitrage, même si la convention d'arbitrage serait pleinement opérante selon le droit suisse.

En comparaison, ce n'est que dans très peu de cas qu'une procédure étrangère en dehors du régime de la CL pourrait bloquer provisoirement ou empêcher une procédure d'arbitrage en Suisse. Mais dans ces cas également, il n'est pas toujours facile d'apporter une réponse à la question de la reconnaissabilité de la décision étrangère.

Cette situation nuit à l'efficacité de l'arbitrage international en Suisse et est propre à dissuader les acteurs du commerce international de choisir la Suisse comme place d'arbitrage, par crainte que la partie adverse ne puisse paralyser l'arbitrage en introduisant une action devant un tribunal étatique étranger. Or la Suisse a une longue tradition d'arbitrage international. Selon les statistiques de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI), 78 arbitrages CCI ont été initiés en Suisse en 2004 et 74 en 2003. En 2004, 120 arbitres de la CCI étaient 10 11 12

Cf. IPRG-Kommentar Volken, art. 9, n. 79.

Cf. IPRG-Kommentar Volken, art. 9, n. 80.

Cf. Kropholler, Europäisches Zivilprozessrecht, 7e éd., Heidelberg 2002, art. 1, n. 46, et les références citées, not. jurisprudentielles

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suisses, ce qui représente 12,6 % du nombre total des arbitres et fait de la Suisse, avec le Royaume-Uni, le pays le plus représenté13. En 2004, 25 arbitrages ont été introduits devant la Chambre de commerce de Zürich et 25 devant celle de Genève14. Par ailleurs, il faut tenir compte d'un certain nombre de procédures ad hoc qui se déroulent en Suisse. Selon une estimation de l'ASA, environ 400 arbitrages commerciaux se déroulent en Suisse chaque année. A cela s'ajoute les litiges portés devant le Tribunal arbitral du sport à Lausanne15.

La commission propose dès lors d'ajouter aux règles régissant l'arbitrage international dans la LDIP le principe selon lequel le tribunal arbitral qui siège en Suisse ne suspend pas la procédure introduite devant lui lorsqu'une action portant sur le même objet est pendante entre les mêmes parties devant un autre tribunal mais statue sur sa compétence. Le principe s'appliquera au rapport entre une procédure d'arbitrage en Suisse et une autre procédure arbitrale ou une procédure étatique engagée précédemment dans un Etat, qu'il soit ou non partie à la CL.

3

Commentaire du projet

3.1

Priorité de la procédure d'arbitrage en Suisse sur la procédure à l'étranger

La révision proposée garantit que le tribunal arbitral siégeant en Suisse pourra poursuivre sa procédure nonobstant l'action pendante à l'étranger. Le tribunal arbitral examine la validité de la convention d'arbitrage selon le chapitre 12 de la LDIP et statue sur sa compétence. Cette décision peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (art. 190, al. 2, let. b, LDIP). Cette solution a l'avantage de permettre le contrôle par le Tribunal fédéral de la validité d'une convention d'arbitrage qui prévoit un siège en Suisse et qui est régie par le droit suisse. Cela est d'autant plus important que les parties auront généralement choisi la Suisse comme siège de leur arbitrage en raison de sa neutralité et de sa fiabilité dans ce domaine.

Grâce au texte proposé, l'introduction d'une action dans un Etat dont l'ordre juridique est hostile à l'arbitrage, parfois dans l'unique but de bloquer ou d'empêcher la procédure arbitrale en Suisse, sera sans effet.

La situation où deux procédures arbitrales seraient simultanément pendantes en Suisse et à l'étranger est réglée de la même manière. Cette situation ne devrait certes pas se présenter souvent, mais une règle garantissant la priorité de la procédure en Suisse est utile pour les mêmes raisons.

Le projet de loi atténue le principe de la priorité du tribunal arbitral suisse en prévoyant explicitement que l'arbitre peut suspendre la procédure si des «motifs sérieux» l'imposent. Dans la majorité des cas, la priorité donnée au tribunal arbitral avec siège en Suisse sera la solution la plus adéquate. On ne peut cependant exclure que dans certaines situations exceptionnelles la suspension de la procédure soit préférable dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Le cas pourrait se présenter, par exemple, lorsque la convention d'arbitrage prévoit un délai pour la 13 14 15

Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI, Vol. 16/n° 1, p. 5 ss.

Rapport annuel de la Chambre de commerce de Zürich 2004, p. 8; rapport d'activités 2005 de la Chambre de commerce de Genève, p. 36.

Le Tribunal arbitral du sport a enregistré en 2004 271 demandes et prononcé 77 sentences arbitrales (www.tas-cas.org).

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saisine du tribunal arbitral et qu'une partie ne saisit le tribunal arbitral que pour respecter ce délai, alors qu'une procédure étatique est déjà pendante à l'étranger. Le besoin de suspendre la procédure peut aussi survenir si le tribunal arbitral suisse a été saisi après un tribunal arbitral dont le siège est dans un autre pays. Un autre exemple serait le cas où l'exception d'arbitrage ne serait absolument pas soulevée dans une procédure étatique à l'étranger et que la clause d'arbitrage, pour cette raison, serait menacée de caducité.

Le nouvel art. 186, al. 1bis, LDIP donne à l'arbitre siégeant en Suisse une règle de conduite positive, ce que l'exclusion de l'application de l'art. 9 ne ferait pas (ou qu'implicitement). La solution proposée a ainsi l'avantage de la clarté et donc de la sécurité. En outre, elle évite d'ouvrir une brèche légale dans le système autonome que le chap. 12 constitue au sein de la LDIP. Les autres chapitres de la LDIP ne sont en effet, en principe, pas applicables à un arbitrage avec siège en Suisse. Le chap. 12 donne un cadre juridique clair, complet et d'une grande lisibilité pour toutes les procédures d'arbitrage international se déroulant en Suisse, ce qui a son importance si l'on considère que les avocats et les arbitres des procédures arbitrales se déroulant en Suisse sont, souvent, des juristes étrangers.

3.2

Coordination des décisions au niveau international et priorité de la reconnaissance

La commission s'est par ailleurs penchée sur le problème de la coordination des décisions au niveau international. C'est la règle de litispendance de la LDIP (art. 9) qui a pour but de coordonner des procédures ouvertes simultanément en Suisse et à l'étranger, afin de réduire le risque qu'elles débouchent sur des décisions contradictoires. Dans l'idéal, les cas de litispendance entre un tribunal arbitral et un tribunal étatique devraient être résolus par une convention internationale qui coordonnerait les deux procédures de manière satisfaisante, comme le fait, par exemple, l'art. 21 CL pour des procédures étatiques menées simultanément en Suisse et à l'étranger.

Un tel instrument n'est toutefois pas en vue actuellement et paraît difficile à réaliser à moyen terme, en raison de la complexité de la thématique. Compte tenu des problèmes mentionnés auxquels est confrontée la justice arbitrale en Suisse, la commission propose une solution plus ponctuelle, soit la priorité du tribunal arbitral suisse sans coordination des procédures, et renonce à une coordination fondée sur le principe de la chronologie des saisines selon l'art. 9 LDIP.

4

Droit comparé et relation avec le droit européen

L'ordre juridique de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de la France, comme celui de la Suisse, suivent le principe de la compétence de la compétence, en vertu duquel un tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence à trancher sur le fond. Il en va de même de la loi type du 11 décembre 1985 sur l'arbitrage commercial international de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), qui a été reprise par 44 Etats ainsi que par plusieurs Etats des EtatsUnis.

4477

L'art. 8, par. 2, de la loi type de la CNUDCI laisse au tribunal arbitral la possibilité d'ouvrir une procédure même si un tribunal étatique à l'étranger a été saisi d'une action. L'Allemagne a repris le principe de la réglementation proposée dans la loi type. Au Royaume-Uni également, des procédures menées en parallèle sont possibles. En France, le tribunal arbitral a même la priorité sur les tribunaux de l'Etat français: si un tribunal arbitral est saisi d'une cause ou si une clause d'arbitrage est invoquée, le tribunal étatique doit, en règle générale, se déclarer incompétent.

S'agissant du droit européen, la compétence des tribunaux arbitraux ou la litispendance entre une procédure arbitrale et une procédure devant une juridiction étatique ne sont réglées ni dans le règlement 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ni dans un autre instrument de l'Union européenne.

5

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les dispositions que contiendraient des traités internationaux priment la LDIP (art. 1, al. 2, LDIP). En matière de litispendance entre procédures arbitrales et procédures devant des juridictions étatiques, aucun instrument multilatéral susceptible d'entrer en conflit avec le projet n'est actuellement en vue. On trouve des dispositions relatives à la litispendance dans une série d'accords internationaux bilatéraux sur la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires, qui contiennent aussi des dispositions sur l'arbitrage16. Ces dispositions sont fondées sur le principe de l'ordre chronologique des saisines, à l'instar de l'art. 9 LDIP. En dépit des quelques normes isolées sur l'arbitrage que ces accords contiennent, il semble que les règles relatives à la litispendance ne s'appliquent pas aux cas de procédures simultanément pendantes devant des juridictions étatiques17.

6

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le projet n'a pas de conséquences sur le plan financier ou en matière de personnel, que ce soit pour la Confédération ou pour les cantons.

7

Constitutionnalité

Le projet est basé sur les art. 54, al. 1, et 122, al. 1, de la Constitution fédérale18.

16

17 18

Conventions avec la Belgique (RS 0.276.191.721; art. 10), le Liechtenstein (RS 0.276.195.141; art. 9, par. 1), l'Autriche (RS 0.276.191.632; art. 8), l'Italie (RS 0.276.194.541; art. 8), la Suède (RS 0.276.197.141; art. 7).

Cf. art. 7, par. 1, Liechtenstein, art. 9, Belgique, art. 7, Autriche et art. 13, Suède.

RS 101

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