06.080 Message concernant les accords de promotion et de protection réciproque des investissements avec la Serbie-et-Monténégro, le Guyana, l'Azerbaïdjan, l'Arabie saoudite et la Colombie du 22 septembre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de les adopter, cinq projets d'arrêtés fédéraux concernant les accords de promotion et de protection réciproque des investissements avec la Serbie-et-Monténégro, le Guyana, l'Azerbaïdjan, l'Arabie saoudite et la Colombie.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 septembre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-1949

8023

Condensé Depuis la fin de 2005, la Suisse a signé, sous réserve de ratification, cinq nouveaux accords bilatéraux de promotion et de protection réciproque des investissements (APPI): avec la Serbie-et-Monténégro, le Guyana, l'Azerbaïdjan, l'Arabie saoudite et la Colombie.

Les APPI ont pour objectif d'assurer aux investissements effectués dans les pays partenaires par des personnes privées ou des entreprises suisses ­ comme à ceux effectués en Suisse par des investisseurs du pays partenaire ­ une protection contractuelle contre les risques non commerciaux. Sont notamment visées les discriminations étatiques par rapport aux investisseurs nationaux, les expropriations illicites ou les entraves injustifiées aux transferts de paiements courants et autres capitaux. Des procédures de règlement des différends permettent, si nécessaire, de recourir à l'arbitrage pour assurer l'application des normes contractuelles. En concluant des APPI, les parties améliorent les conditions-cadres de leur site économique et donc l'attrait de celui-ci pour les investissements internationaux.

Pour la Suisse, l'investissement international joue depuis longtemps un rôle de premier plan. Le stock d'investissements directs suisses à l'étranger (450 milliards de francs à la fin de 2004) et le nombre de postes de travail offerts hors de Suisse par les entreprises suisses (1,9 million) s'élèvent, en comparaison internationale, à un niveau exceptionnel. A l'inverse, les investissements directs d'entreprises étrangères en Suisse et les investissements de portefeuille internationaux contribuent également de manière importante à notre prospérité.

L'apport de l'investissement international à l'économie mondiale n'est aujourd'hui plus guère contesté. La mondialisation de l'économie, qui s'est accélérée depuis les années 90, a montré que cet investissement était un facteur déterminant de croissance et de développement pour la plupart des économies nationales. Pourtant, il n'existe toujours pas de réglementation universelle dans ce domaine, comme celles qui s'appliquent, grâce aux accords de l'OMC, au commerce des marchandises (GATT) et des services (AGCS), et à la propriété intellectuelle (ADPIC). Cette lacune est comblée par les accords sur l'investissement conclus entre Etats ou groupes d'Etats.

Depuis le début des années 60, la
Suisse a conclu 119 APPI, dont 105 étaient en vigueur au milieu de 2006. Entre 1963 et 2004, le Conseil fédéral était autorisé, sur la base d'une délégation de compétence (prolongée trois fois), à conclure lui-même de tels accords. Face à l'importance croissante de l'investissement international et à l'évolution marquant le domaine couvert par les APPI, le Conseil fédéral a décidé, au début de 2004, de soumettre ces derniers jusqu'à nouvel ordre à l'approbation du Parlement.

8024

Le présent message décrit tout d'abord l'importance des investissements internationaux et des accords en matière d'investissement (ch. 1), puis passe en revue les relations économiques de la Suisse avec les cinq pays partenaires, le déroulement des négociations et le contenu des différents accords (ch. 2). Enfin, il s'arrête sur les retombées des accords pour la Suisse (ch. 3), le programme de la législature (ch. 4) et la constitutionnalité (ch. 5).

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Table des matières Condensé

8024

1 Partie générale 1.1 Les investissements internationaux 1.2 Les accords d'investissement en général 1.3 Les accords d'investissement conclus par la Suisse

8028 8028 8029 8031

2 Partie spéciale 2.1 Situation économique des cinq pays et relations économiques avec la Suisse 2.2 Déroulement des négociations 2.3 Aperçu du contenu des accords 2.3.1 Généralités 2.3.2 Commentaire des dispositions des accords

8032 8032 8034 8035 8035 8035

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 3.2 Conséquences économiques

8040 8040 8040

4 Liens avec le programme de la législature

8041

5 Constitutionnalité

8041

Arrêté fédéral relatif à l'Accord entre la Confédération suisse et la Serbie-et-Monténégro concernant la promotion et la protection réciproque des investissements (Projet)

8043

Accord entre la Confédération suisse et la Serbie-et-Monténégro concernant la promotion et la protection réciproque des investissements

8045

Arrêté fédéral relatif à l'Accord entre la Confédération suisse et la République du Guyana concernant la promotion et la protection réciproque des investissements (Projet)

8053

Accord entre la Confédération suisse et la République du Guyana concernant la promotion et la protection réciproque des investissements

8055

Arrêté fédéral relatif à l'Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan concernant la promotion et la protection réciproque des investissements (Projet)

8061

Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan concernant la promotion et la protection réciproque des investissements

8063

8026

Arrêté fédéral relatif à l'Accord entre la Confédération suisse et le Royaume d'Arabie saoudite concernant l'encouragement et la protection réciproque des investissements (Projet)

8069

Accord entre la Confédération suisse et le Royaume d'Arabie saoudite concernant l'encouragement et la protection réciproque des investissements

8071

Arrêté fédéral relatif à l'Accord entre la Confédération suisse et la République de Colombie concernant la promotion et la protection réciproque des investissements (Projet)

8079

Accord entre la Confédération suisse et la République de Colombie concernant la promotion et la protection réciproque des investissements

8081

8027

Message 1

Partie générale

1.1

Les investissements internationaux

Les investissements internationaux sont un moteur du développement économique.

Ils offrent aux investisseurs et aux entreprises la possibilité d'engager des ressources au-delà des frontières, à la recherche d'un rendement optimal. Les Etats soucieux d'attirer les capitaux étrangers et de créer des emplois s'efforcent de faire valoir les avantages de leur site économique. En présence de conditions-cadres adéquates, les investissements internationaux contribuent ainsi à la prospérité de leur pays d'origine comme du pays hôte, devenant de part et d'autre un facteur de croissance et un stimulant de la concurrence.

Ce constat vaut pour les placements de papiers-valeurs (investissements de portefeuille) et, plus particulièrement, pour les investissements directs, c'est-à-dire pour la création ou l'acquisition d'entreprises à l'étranger, y compris la participation à des coentreprises. Avec les investissements directs, l'apport de capital s'accompagne généralement du transfert d'autres valeurs économiques, telles que des standards de production, des technologies et des méthodes de management. En même temps, l'entreprise qui effectue un investissement direct peut y trouver des avantages en matière de coûts et d'accès aux marchés, renforçant ainsi sa compétitivité.

Dès qu'ils reconnurent, voilà des décennies, le caractère mutuellement bénéfique de l'investissement international, les pays industrialisés l'inclurent dans leurs politiques économiques. Cette fonction n'est aujourd'hui quasiment plus remise en question à l'échelle mondiale. S'il est vrai, certes, que 87 % des investissements directs viennent encore de la zone OCDE et que 72 % en font leur destination, de nombreux pays en développement ou en transition sont en train de regagner du terrain. Au premier rang, la Chine est devenue ces dernières années une destination de choix pour les investissements directs. Parallèlement, les entreprises chinoises ou indiennes, par exemple, sont de plus en plus nombreuses à investir à l'étranger. D'une façon générale, l'investissement privé, national ou international, joue un rôle essentiel dans le processus de développement. Au chapitre de la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le développement, ce rôle a d'ailleurs été réaffirmé par l'ONU dans le cadre du Consensus de Monterrey (2002).

Pour la Suisse,
les investissements internationaux revêtent depuis longtemps une importance de premier plan. Le nombre d'entreprises multinationales majeures venant de Suisse fait de notre pays, compte tenu de sa taille, un exemple unique. Des milliers d'autres entreprises dont le siège principal est en Suisse ­ en majorité des PME ­ disposent à l'étranger de centres de recherche ou de structures de production ou de distribution. A l'inverse, de nombreux investissements étrangers effectués en Suisse, qu'ils soient directs ou de portefeuille, contribuent de manière substantielle à la santé de notre économie.

A la fin de 2004, le stock d'investissements directs suisses à l'étranger se montait, selon la Banque nationale, à près de 450 milliards de francs, et les filiales à l'étranger de sociétés suisses employaient 1,9 million de personnes. Par rapport au nombre d'habitants et au produit intérieur brut (PIB), ces valeurs sont exceptionnellement élevées. Quant aux investissements directs étrangers en Suisse, ils attei8028

gnaient, la même année, 220 milliards de francs et offraient du travail à 170 000 personnes.

Les investissements de portefeuille suisses à l'étranger s'élevaient à environ 850 milliards de francs en 2004 et ceux effectués en Suisse par des étrangers, à 590 milliards de francs. Cette année-là, les investissements directs suisses à l'étranger généraient 48 milliards de francs de revenu et les investissements de portefeuille, 23 milliards de francs. Après déduction des revenus des investissements étrangers en Suisse, le rendement net des deux catégories était de 44 milliards de francs, soit 10 % du PIB suisse.

1.2

Les accords d'investissement en général

Bien que l'apport de l'investissement international à l'économie mondiale ne soit de nos jours plus guère contesté, il n'existe toujours pas d'ordre universel dans ce domaine, tel celui dont bénéficient, grâce aux accords de l'OMC, le commerce des marchandises (GATT) et des services (AGCS), et la propriété intellectuelle (ADPIC). Les efforts entrepris pour introduire les investissements dans les négociations du Cycle de Doha, à l'OMC, ont été abandonnés en 2003.

Comme mentionné plus haut, les Etats de l'OCDE se sont très tôt engagés dans la libéralisation des capitaux sur le plan international et dans l'élimination des discriminations frappant l'investissement étranger. Les instruments négociés à l'OCDE dans les années 60 et 70 constituent à ce jour le principal ensemble de règles en matière d'investissement international1. Leur existence explique aussi pourquoi les Etats de l'OCDE n'ont jusqu'ici passé entre eux qu'exceptionnellement des accords sur l'investissement.

En outre, de tels accords sont conclus sur une base bilatérale ou régionale. Leur forme de loin la plus courante est l'accord conclu entre deux Etats afin de protéger les investissements déjà effectués (accord bilatéral de protection des investissements). Plus rarement, des clauses de non-discrimination pour l'accès au marché sont incluses dans les accords bilatéraux sur l'investissement, permettant alors à ceux-ci de couvrir le cycle complet de l'investissement. Enfin, et ce phénomène est relativement nouveau, l'investissement international est de plus en plus souvent intégré dans des accords de libre-échange de large portée.

Jusqu'au début des années 90, la grande majorité des accords bilatéraux relatifs à l'investissement étaient signés entre une série d'Etats de l'OCDE, d'un côté, et des Etats en développement, de l'autre. Avec la fin de la guerre froide, les tendances à la mondialisation de l'économie se sont notablement renforcées. Des efforts de libéralisation des mouvements de capitaux ont été entrepris de par le monde, témoins de la volonté des Etats de tirer profit des flux d'investissements. D'où l'intérêt grandissant porté aux accords en matière d'investissement, plus seulement entre membres de 1

Les instruments de l'OCDE comprennent: le Code de libération des mouvements de capitaux (1961), le Code de libération des opérations invisibles courantes (1961), la Déclaration et les Décisions sur l'investissement international et les entreprises multinationales (1976). Tous ces instruments ont été plusieurs fois révisés ou mis à jour (cf.: www.oecd.org; recherche: par thème; Entreprises, industrie et services; Investissement international; Instruments de l'OCDE pour l'investissement; Publications & documents; Les instruments juridiques de l'OCDE et les documents y relatifs).

8029

l'OCDE et pays en développement, mais de façon croissante entre pays du Sud. De près de 450 en 1990, le nombre d'accords bilatéraux sur l'investissement est passé à 2400 aujourd'hui, dont un quart conclu entre des pays non membres de l'OCDE.

Près de 200 accords de libre-échange contenant des règles touchant les investissements complètent ce tableau.

Dans un premier temps, les accords internationaux sur l'investissement ne pouvaient être invoqués que par les parties contractantes elles-mêmes, par la voie de la protection diplomatique, respectivement d'une procédure de règlement des différends «Etats ­ Etats». Par la suite est venue s'ajouter la possibilité pour les investisseurs de régler directement avec l'Etat hôte, devant une juridiction arbitrale internationale, leurs différends relatifs à l'application de l'accord (règlement des différends «investisseur ­ Etat»). La sécurité juridique s'en est trouvée accrue, à la fois dans l'intérêt des Etats, soucieux d'élever l'attrait de leur site économique, et dans celui des investisseurs, qui engagent à long terme dans un ordre juridique étranger des ressources souvent importantes.

L'introduction de ce mécanisme s'est traduite par une augmentation notable des procédures d'arbitrage en application des accords sur l'investissement. Cette évolution concerne en premier lieu le CIRDI2, institution spécialisée dans les affaires d'investissement international et créée sous l'égide de la Banque mondiale. La Convention CIRDI offre à l'investisseur un accès direct à un mécanisme international efficace de règlement des différends et garantit à l'Etat partie au litige de ne pas devoir affronter une autre procédure ou une action en protection diplomatique. Au cours de la dernière décennie, le CIRDI réglait en moyenne sept cas par an. Actuellement, plus d'une centaine d'affaires sont pendantes devant le Centre, qui compte à présent 143 Etats membres.

Alors que les accords en matière d'investissement reconnaissent une série de droits et de garanties aux investisseurs déployant des activités à l'étranger, les obligations incombant à ces derniers font l'objet d'autres réglementations et instruments. Tout d'abord, ces investisseurs doivent respecter la législation du pays hôte. A celle-ci s'ajoutent les prescriptions découlant, dans certains domaines, de l'ordre
juridique du pays d'origine, telle l'interdiction de corrompre des agents publics étrangers3.

En outre, la Suisse, comme d'autres Etats, adresse à ses entreprises présentes à l'étranger des recommandations de comportement élaborées au niveau multilatéral, en partie assorties de la possibilité de s'adresser, dans des cas concrets, à une entité officielle4.

2 3

4

Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (RS 0.975.2).

La Suisse s'est elle aussi dotée de normes pénales en application des conventions internationales suivantes: Convention de l'OCDE de 1997 sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales (RS 0.311.21); Convention pénale du Conseil de l'Europe de 1999 sur la corruption (RS 0.311.55). La Convention de l'ONU contre la corruption a été signée en 2003 par la Suisse.

En particulier dans le cadre des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales (FF 2001 883).

8030

1.3

Les accords d'investissement conclus par la Suisse

Depuis 1961, la Suisse a signé 119 accords bilatéraux de promotion et de protection réciproque des investissements (APPI); 105 étaient en vigueur au milieu de 2006. De plus, dans le cadre de l'AELE, notre pays a conclu avec des Etats tiers quatre accords de libre-échange contenant des dispositions substantielles en matière d'investissement, dont trois couvrent également l'accès des entreprises au marché5.

En tenant aussi compte des conventions de double imposition, on constate que la Suisse dispose, à l'échelle mondiale, de l'un des plus denses et plus complets réseaux d'accords de promotion et de protection des investissements internationaux.

Les APPI ont pour objectif d'offrir aux investissements effectués dans le pays partenaire par des nationaux ou des entreprises suisses ­ comme à ceux effectués en Suisse par des investisseurs du pays partenaire ­ une protection élevée contre les risques non commerciaux, fondée sur le droit international et assortie d'un mécanisme de règlement des différends. Cette protection s'appuie, d'une part, sur l'interdiction faite à l'Etat hôte de discriminer par rapport aux investisseurs nationaux ou à ceux d'un Etat tiers (standards «relatifs») et, d'autre part, sur un ensemble de garanties matérielles, par exemple en matière d'expropriation ou de transfert du capital et des revenus de l'investissement (standards «absolus»). Selon le pays, les conditions-cadres offertes aux investissements internationaux peuvent s'en trouver considérablement améliorées, ce qui renforce l'attrait du site d'implantation concerné. L'intérêt de la Suisse et de ses partenaires à conclure des APPI est alors réciproque. Aujourd'hui, l'initiative de négocier de tels accords vient souvent des pays en développement ou en transition eux-mêmes.

Compte tenu de la densité élevée de son réseau actuel d'APPI, la tâche de la Suisse ces prochaines années consistera, conformément à l'Orientation stratégique de la politique économique extérieure du Conseil fédéral6, à combler les dernières lacunes importantes de ce réseau et à adapter à la nouvelle donne des APPI conclus avec des partenaires importants, tels la Chine et la Russie. En fonction des circonstances, des négociations avec d'autres partenaires pourront rejoindre ces priorités.

En 1963, le Parlement autorisait pour la première fois le
Conseil fédéral à conclure des APPI de sa propre compétence. Limitée à dix ans, cette délégation de compétence fut ensuite renouvelée trois fois pour la même durée7. Elle prit fin le 13 février 2004, le Conseil fédéral ayant décidé de ne plus en demander la prolongation. Les nouveaux APPI seront donc désormais soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale ­ à moins que celle-ci ne juge ultérieurement préférable d'octroyer une nouvelle délégation de compétence au Conseil fédéral ­, en règle générale dans le cadre du rapport annuel sur la politique économique extérieure. Tant l'importance croissante prise ces dernières décennies par l'investissement international que l'évolution observée en matière d'APPI expliquent ce choix.

Depuis l'expiration de la délégation de compétence, la Suisse a négocié plusieurs nouveaux APPI. Cinq d'entre eux ont pu être signés entre décembre 2005 et mai 2006. Compte tenu de ce nombre et du fait qu'il s'agit du premier traitement d'une 5

6 7

Mexique (2000; RS 0.632.315.631.1), Singapour (2002; RS 0.632.316.891.1), Chili (2003; RS 0.632.312.451), République de Corée (2005; FF 2006 901). Les trois derniers contiennent des clauses d'établissement (accès au marché).

FF 2005 993 RO 1994 1766

8031

telle affaire par le Parlement depuis le début des années soixante, le Conseil fédéral a préféré soumettre ces APPI dans le présent message plutôt que dans le cadre de son rapport sur la politique économique extérieure.

2

Partie spéciale

Par le présent message, le Conseil fédéral vous propose d'adopter les accords bilatéraux de promotion et de protection réciproque des investissements avec, dans l'ordre de leur signature, les cinq Etats suivants: la Serbie-et-Monténégro, le Guyana, l'Azerbaïdjan, l'Arabie saoudite et la Colombie. Après un bref aperçu de la situation économique de chacun de ces pays, de ses relations économiques avec la Suisse et du déroulement des négociations, le contenu matériel des accords sera résumé, en relevant au passage les solutions qui se distinguent des standards habituellement inscrits dans les APPI conclus par la Suisse.

2.1

Situation économique des cinq pays et relations économiques avec la Suisse

Serbie-et-Monténégro L'Union de Serbie-et-Monténégro a succédé, en février 2003, à la République fédérale de Yougoslavie. L'APPI a été négocié et signé avec l'Union. Celle-ci a déjà fait connaître à la Suisse, en mai 2006, son consentement définitif à être liée par cet accord. Après la déclaration d'indépendance du Monténégro en juin 2006, la République de Serbie a, en tant qu'Etat continuateur, repris automatiquement les engagements internationaux de l'Union, en particulier en matière de traités. Ainsi, il suffira que la Suisse, une fois terminée sa procédure d'approbation, exprime son consentement définitif à être liée vis-à-vis de la République de Serbie pour que l'accord entre en vigueur entre ces deux Etats.

En revanche, la reprise par le nouvel Etat du Monténégro des traités qui liaient la Suisse et l'Union devrait, en principe, être discutée pour chaque accord. Mais étant donné que la République du Monténégro a déjà fait savoir officiellement à la Suisse qu'elle «respecterait tous les principes du droit international et tous les traités et dispositions des traités internationaux signés par l'Union», il restera à la Suisse à se prononcer sur la reprise de chaque traité. En ce qui concerne l'APPI, la Suisse n'aura dès lors qu'à communiquer séparément à la République du Monténégro son consentement à être liée pour que cet accord entre en vigueur également à l'égard de ce nouvel Etat.

Des 10,6 millions d'habitants de ce qui fut l'Union de Serbie-et-Monténégro, dix millions vivent en Serbie. Dans cette dernière, le PIB annuel par habitant est d'environ 3000 dollars. Les conflits armés et la perte de relations commerciales antérieures ont entraîné un recul massif de l'activité économique dans les années 90.

Un développement plus favorable n'est apparu que récemment, porté par des réformes économiques et une amélioration des conditions-cadres proposées aux investisseurs étrangers. Alors que les entreprises suisses présentes en Serbie affichent déjà un stock d'investissements total supérieur à 200 millions de francs, les investissements serbes en Suisse sont encore négligeables.

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Guyana Situé entre le Venezuela et le Suriname, le Guyana est peuplé de moins d'un million d'habitants, répartis sur plus de 200 000 km2. Son PIB par tête y est annuellement de près de 1000 dollars. Une série d'obstacles au commerce et à l'investissement ont été levés, ce qui devrait favoriser le développement économique. Selon la CNUCED, le Guyana compte aujourd'hui au nombre des pays en développement présentant les meilleurs potentiels en matière d'investissement. Les flux commerciaux et d'investissements du Guyana avec la Suisse sont aujourd'hui insignifiants.

Azerbaïdjan L'Azerbaïdjan compte huit millions d'habitants sur une superficie équivalente à deux fois celle de la Suisse. Depuis plusieurs années, l'Azerbaïdjan affiche des taux de croissance élevés grâce au développement rapide des secteurs pétrolier et gazier.

Le PIB annuel par habitant y atteint 2000 dollars. Le volume des échanges commerciaux et des investissements s'est fortement accru ces dernières années. Jusqu'à présent, les entreprises suisses n'ont pris qu'une part modeste à ces développements.

La signature avec l'Azerbaïdjan d'une convention de double imposition, en même temps que celle de l'APPI, devrait améliorer notablement les conditions-cadres pour nos entreprises.

Arabie saoudite Premier producteur et exportateur de pétrole, l'Arabie saoudite en détient également les plus grosses réserves du monde. Ce secteur représente près de la moitié de son PIB. Le revenu annuel de chacun de ses 25 millions d'habitants est de 13 000 dollars. Les années 2004 et 2005 ont connu des taux de croissance supérieurs à 5 % et les perspectives économiques restent positives.

Malgré la hausse des revenus du pétrole, les autorités saoudiennes travaillent à la diversification de l'économie du pays. Les efforts consentis en faveur du climat d'investissement en sont une illustration. En 2005, l'Arabie saoudite adhérait à l'OMC. Ce pays est le deuxième partenaire de la Suisse au Moyen-Orient. Les sociétés suisses y sont engagées dans une cinquantaine de coentreprises, pour un stock d'investissements de plus de 200 millions de francs. La signature de cet APPI avec l'Arabie saoudite comble une importante lacune de notre réseau d'accords de ce type.

Colombie L'économie colombienne est particulièrement diversifiée. Elle est marquée depuis quelques
années par une croissance robuste, et les perspectives y sont encourageantes. Avec ses 45 millions d'habitants, le pays réalise un PIB annuel de 3000 dollars par tête. Les exportations et les flux de capitaux étrangers jouent un rôle important dans ces développements favorables. En se tournant vers des accords de libreéchange, tel celui signé récemment avec les Etats-Unis, et des accords de protection des investissements, la Colombie affirme clairement sa volonté d'aller de l'avant.

En Amérique latine, la Colombie est le cinquième partenaire commercial de la Suisse et la quatrième destination de nos investissements. Le stock d'investissements des entreprises suisses en Colombie s'élève à 800 millions de francs, après avoir atteint 1,2 milliard de francs en 2002. Le présent APPI ­ l'un des premiers conclus

8033

par la Colombie ­ devrait contribuer à encore améliorer les conditions-cadres offertes aux entreprises suisses dans ce pays.

2.2

Déroulement des négociations

Serbie-et-Monténégro Entamé en 1996 lors de discussions exploratoires, le processus d'élaboration du présent accord n'a véritablement été lancé qu'en 2003: une année seulement après la naissance de l'Union, la Serbie-et-Monténégro manifestait formellement sa volonté de conclure un accord de protection des investissements avec la Suisse. Le premier cycle de négociations s'est tenu en janvier 2005 à Belgrade et le second, en juin 2005, à Berne. L'accord fut paraphé à l'issue de celui-ci, puis signé, le 7 décembre 2005, à Belgrade. En mai 2006 déjà, le Parlement de l'Union de Serbie-et-Monténégro, entre-temps dissoute, ratifiait l'APPI.

Guyana Répondant aux sollicitations du Guyana, la Suisse lui soumit en 2000 un projet d'APPI qui s'efforçait de répondre à une série de voeux exprimés par ce pays lors d'entretiens exploratoires. Les négociations qui s'ensuivirent, et se déroulèrent exclusivement par voie de correspondance, aboutirent au paraphe de l'accord en novembre 2004. Sa signature eut lieu, le 13 décembre 2005, à Hong Kong, en marge de la Conférence ministérielle de l'OMC.

Azerbaïdjan L'unique cycle de négociation en vue d'un APPI s'est tenu à Bakou en 1998. Au terme de cette rencontre, la quasi-totalité des dispositions de l'accord était sous toit, les deux délégations convenant de régler par la voie diplomatique la dernière difficulté, une question de définition. Plusieurs tentatives pour débloquer la situation n'ont abouti qu'à la fin de 2005. Le 23 février 2006, la signature du présent accord avec l'Azerbaïdjan pouvait avoir lieu à Bakou, en même temps qu'une convention de double imposition, un accord-cadre de coopération technique, humanitaire et financière, ainsi qu'une déclaration commune en matière migratoire.

Arabie saoudite Lancées à Riyadh en 1999, les négociations de l'APPI avec l'Arabie saoudite se sont poursuivies à Berne en 2000, pour se conclure, après une longue interruption, par le paraphe de l'accord à Riyadh, au terme d'un troisième tour, en mars 2005. Le succès de cette entreprise, qui témoigne également des progrès accomplis par le processus de libéralisation de l'économie saoudienne, a été scellé par la signature de l'accord, le 1er avril 2006, à Riyadh.

Colombie Lorsque commencèrent les négociations du présent accord avec la Suisse, en 1996 à Bogotá, la Colombie avait
déjà négocié des APPI avec d'autres pays, résultats que rejeta ensuite la Cour constitutionnelle colombienne. La reprise des travaux en 2003, toujours à Bogotá, se fit sous de meilleurs auspices: la révision de la Constitution colombienne et l'assouplissement du texte modèle d'APPI colombien que cette révision rendit possible. Les derniers obstacles tombèrent à l'issue d'un troisième 8034

cycle, en mars 2006, à Berne. La cérémonie de signature de l'APPI se déroula à Berne le 17 mai 2006, précédée de la signature d'une déclaration de coopération entre l'Association européenne de libre-échange (AELE) et la Colombie.

2.3

Aperçu du contenu des accords

2.3.1

Généralités

Les APPI conclus jusqu'à présent par la Suisse concordent dans une large mesure quant à leur contenu. Les textes conventionnels signés avec ces cinq pays contiennent les principes fondamentaux constamment défendus par la Suisse dans ce domaine, ainsi que celles des particularités demandées par nos partenaires auxquelles nous avons pu donner suite. L'APPI avec la Colombie s'accompagne en outre d'un protocole, partie intégrante de l'accord.

2.3.2

Commentaire des dispositions des accords

Préambule Le préambule des cinq accords souligne la volonté des parties contractantes d'intensifier leur coopération économique bilatérale en créant des conditions favorables à l'investissement étranger. La promotion et la protection de celui-ci ont pour but de stimuler les flux de capitaux et de technologies, et d'accroître ainsi la prospérité économique des parties. La conclusion de tels accords va de pair avec la poursuite des autres objectifs assignés aux Etats pour le bien-être de leurs communautés respectives. A cet égard, le préambule de l'APPI avec la Serbie-et-Monténégro relève expressément que les objectifs de l'accord doivent pouvoir être atteints sans abaisser les normes relatives à la santé, la sécurité et l'environnement.

Définitions L'art. 1 (cinq APPI) contient les définitions des principaux termes utilisés dans ce type d'accord, en particulier les notions d'investissement (meubles, immeubles, droits réels et droits immatériels, prises de participation, concessions, etc.) et de revenu ­ énumérés non exhaustivement ­, ainsi que celle d'investisseur, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une entité juridique. Dans ce dernier cas, la qualité d'investisseur est fonction soit de la législation sous l'empire de laquelle la société est constituée (critère de l'incorporation) et du siège de la société, soit du contrôle de celle-ci (critère du contrôle; Guyana: al. 1, let. b et c; Colombie: al. 2, let. b et c, et protocole ad art. 1, al. (2) (a) et (c); dans les trois autres accords, ce critère se trouve rattaché au champ d'application). Enfin, les cinq accords visent les investissements effectués sur le territoire et, le cas échéant, dans la zone maritime de chaque partie, conformément à la législation nationale et au droit international.

Champ d'application Selon cette disposition (art. 2 des cinq APPI), les accords sont applicables à tous les investissements régulièrement réalisés par les investisseurs de chaque partie, que la réalisation de ces investissements soit antérieure ou postérieure à leur entrée en vigueur. Par contre, les accords ne sont pas applicables aux différends survenus 8035

avant leur entrée en vigueur; ce principe de non-rétroactivité est également valable lorsqu'il n'est pas expressément mentionné (Guyana). Dans les APPI avec la Serbieet-Monténégro, l'Azerbaïdjan et l'Arabie saoudite, le critère du contrôle trouve sa place, comme déjà mentionné, dans le champ d'application, étant rattaché non plus à l'investisseur, mais à l'investissement: ce dernier, pour être couvert par l'accord, doit donc avoir été régulièrement effectué et être détenu ou contrôlé par un investisseur de l'autre partie.

L'accord avec la Colombie présente ici certaines particularités. Ainsi, son applicabilité aux investissements effectués avant son entrée en vigueur connaît une restriction. Celle-ci figure dans le protocole à l'APPI (ad art. 1, al. (1) (c)): ne seront considérés comme des investissements que les prêts octroyés après l'entrée en vigueur de l'accord. De plus, l'accord mentionne le droit de la Colombie d'adopter des mesures dérogatoires, selon les critères fixés par sa constitution, lorsque de graves menaces pèsent sur son ordre public (protocole, ad art. 2).

Enfin, il convient de mentionner ici que les cinq accords ­ à l'instar de tous les APPI déjà conclus par la Suisse ­ n'obligent pas les Etats parties à admettre les investissements étrangers sur leur territoire (pas de droit d'accès au marché ou d'établissement; phase dite de pré-établissement). Les obligations de droit international ne naissent que lorsque l'investissement d'un investisseur d'une partie contractante a été régulièrement effectué sur le territoire de l'autre (obligation de protection; phase dite de post-établissement). Les APPI ne couvrent donc pas la totalité du cycle de l'investissement.

Promotion, admission A l'art. 3, al. 1 (cinq APPI), chaque partie exprime sa volonté d'encourager autant que possible les investisseurs de l'autre partie à investir sur son territoire, l'information sur les possibilités d'investissement, par exemple, allant dans ce sens (Serbie-et-Monténégro; Colombie). D'autre part, l'art. 3 des cinq accords contient l'engagement des parties de délivrer, selon leurs propres législations, les autorisations requises en relation avec les investissements régulièrement admis.

Protection, traitement Autre norme clé des accords, l'octroi, par le pays hôte, de la protection et du traitement dit
«juste et équitable» aux investissements des investisseurs de l'autre partie, toute entrave de droit ou de fait à ces standards du droit international coutumier étant proscrite (Serbie-et-Monténégro: art. 4; Guyana et Azerbaïdjan: art. 4, al. 1; Arabie saoudite: art. 3, al. 2, et art. 4, al. 1; Colombie: art. 4, al. 1 et 2). A l'obligation d'octroyer ce traitement de nature générale, s'ajoute celle de garantir aux nationaux et entreprises de l'autre partie le même traitement que celui dont jouissent les propres nationaux (traitement national) ou les investisseurs de tout Etat tiers (clause de la nation la plus favorisée ­ NPF), si ce dernier traitement est plus favorable à l'investisseur concerné. Comme il est d'usage dans les accords sur l'investissement, l'obligation NPF du pays hôte ne s'étend toutefois pas aux privilèges accordés en raison de sa participation à une zone de libre-échange, une union douanière ou un marché commun, ou en vertu d'un accord pour éviter la double imposition (Serbieet-Monténégro: art. 5; art. 4 pour les autres accords).

Quelques spécificités découlant de la législation nationale ont été ancrées dans trois de ces APPI. Ainsi, l'accord avec le Guyana autorise les deux parties à réserver des incitations spéciales à leurs seuls nationaux et sociétés afin de stimuler la création 8036

d'industries locales; demandée par le Guyana, cette exception destinée à soutenir son développement ne peut cependant affecter de façon significative les investissements des investisseurs de l'autre partie (art. 4, al. 4). Selon l'APPI avec l'Arabie saoudite, font exception aux normes de traitement les avantages fiscaux dont pourraient bénéficier les investisseurs nationaux (et leurs investissements), à condition que ceux-ci soient en même temps des investisseurs locaux, cela pour éviter, par exemple, qu'un investisseur suisse ne soit discriminé en Arabie saoudite par rapport à un ressortissant saoudien résidant en Suisse (art. 4, al. 5). Enfin, l'accord avec la Colombie a été assorti de deux clarifications reflétant l'état actuel de la jurisprudence internationale dans ce domaine (protocole, ad art. 4, al. (2)).

Transfert des montants afférents à l'investissement Le libre transfert ­ soit le transfert dans le territoire de l'Etat hôte et hors de celui-ci, sans restriction ni délai, et dans une monnaie librement convertible ­ des montants afférents à l'investissement est garanti (Serbie-et-Monténégro: art. 8; Guyana, Azerbaïdjan et Colombie: art. 5; Arabie saoudite: art. 6). Non exhaustive, une liste énumère diverses formes de revenus que peut générer l'investissement ou autres montants liés à son maintien, son développement ou sa liquidation. Des précisions additionnelles assortissent certains APPI, qui concernent le taux de change (Azerbaïdjan: art. 5, al. 2; Arabie saoudite: art. 7) ou, pour des considérations d'ordre public, la protection des créanciers ou l'exécution de jugements (Colombie: art. 5, al. 4).

L'accord avec la Colombie autorise expressément des exceptions au principe du libre transfert en cas de difficultés de balance des paiements ou de déséquilibres macro-économiques, pour autant que certaines conditions rigoureuses soient remplies, en particulier: les difficultés alléguées revêtent un caractère exceptionnel, les mesures de restriction sont limitées dans le temps, l'équité et l'interdiction de discriminer sont respectées (protocole, ad art. 5).

Expropriation, indemnisation Des mesures d'expropriation, directes ou indirectes (formelles ou matérielles), ne sont admises, aux termes des APPI, que si les parties en respectent les conditions, très strictes, comme l'existence d'un
intérêt public, la non-discrimination des investisseurs de l'autre partie, le versement d'une indemnité effective et adéquate à l'investisseur concerné, ainsi que le respect des garanties prévues par la loi (Serbieet-Monténégro, Guyana et Azerbaïdjan: art. 6, al. 1; Arabie saoudite: art. 5, al. 1; Colombie: art. 6). De plus, le montant de l'indemnité sera librement transférable.

Sur cette question, l'accord avec la Colombie contient, dans son protocole, des précisions, liées à l'ordre juridique colombien, relatives aux aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ad art. 6, al. 1), et une clause interprétative de l'intérêt public à la lumière de la constitution colombienne (ad art. 6, al. 2, let. a).

Indemnisation des pertes En cas de pertes provoquées par des conflits armés, révolutions ou troubles civils survenus sur le territoire de la partie hôte, les investisseurs de l'autre partie se verront accorder, en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice subi, un traitement non moins favorable que celui accordé par la partie hôte à ses propres investisseurs

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ou à ceux de la nation la plus favorisée, selon le cas (Serbie-et-Monténégro et Colombie: art. 7; Guyana et Azerbaïdjan: art. 6, al. 2; Arabie saoudite: art. 5, al. 2).

Fiscalité Dans ce type d'accord, la fiscalité donne systématiquement lieu, nous l'avons vu (cf.

ci-dessus: Protection, traitement), à une exception NPF dans le contexte des conventions de double imposition. Certains accords rappellent que le droit au libre transfert ne saurait libérer l'investisseur de ses obligations fiscales (Serbie-et-Monténégro: art. 8, al. 3; Guyana: art. 5, al. 2). En revanche, l'art. 8 de l'APPI avec la Colombie est une disposition inhabituelle en ceci qu'elle exclut expressément de l'accord les mesures fiscales, à l'exception de celles qui pourraient impliquer une expropriation (art. 6) et de celles qui découlent d'un engagement passé par l'Etat hôte avec un investisseur de l'autre partie (art. 10, al. 2). Dans le premier cas, l'accord prévoit une procédure de consultation entre les autorités fiscales des deux parties: ce n'est que si celles-ci ne peuvent convenir que la mesure fiscale concernée n'implique pas une expropriation que l'investisseur sera autorisé à poursuivre la procédure de règlement des différends de l'accord. Ce dispositif n'empiétera pas sur un futur accord bilatéral en vue d'éviter la double imposition, tel celui qui est actuellement en négociation avec la Colombie.

Subrogation Cette disposition concerne les garanties contre des risques non commerciaux octroyées aux investisseurs par leur pays d'origine, comme la garantie suisse contre les risques de l'investissement (GRI). Lorsque, après la perte de son investissement sur le territoire de l'autre partie à l'accord, un investisseur a reçu un paiement en vertu d'une telle garantie, l'Etat d'origine est subrogé dans les droits de cet investisseur (Serbie-et-Monténégro: art. 11; Guyana et Azerbaïdjan: art. 7; Arabie saoudite: art. 8; Colombie: art. 9).

Autres obligations Cette notion recouvre deux types d'obligations de l'Etat hôte de l'investissement: celles qui découlent de la législation nationale ou de traités internationaux auxquels cet Etat est partie, et celles qui résultent d'engagements spécifiques passés par celuici avec un investisseur, par exemple de contrats par lesquels l'Etat hôte accorde à ce dernier des prestations ou
des conditions spéciales, telles des facilités d'acheminement de sa production vers des installations portuaires, des garanties d'approvisionnement énergétique ou des avantages fiscaux. Surtout pour la seconde catégorie, il s'agit là d'une clause importante des accords, puisqu'elle permet à l'investisseur de se prévaloir, en se fondant sur l'APPI, d'engagements peut-être déterminants à l'époque de sa décision d'investir. Les cinq APPI contiennent ces deux types d'obligations (Serbie-et-Monténégro: art. 9 et 10; Guyana, Azerbaïdjan et Colombie: art. 10; Arabie saoudite: art. 9).

Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie Cette disposition constitue le premier volet du dispositif de règlement des différends, et l'une des caractéristiques essentielles des accords actuels sur l'investissement.

Elle confère aux investisseurs, lors de différends avec l'Etat hôte relatifs à l'application de l'accord, le droit de s'adresser, si nécessaire, à une juridiction arbitrale internationale (règlement des différends «investisseur ­ Etat»). En ouvrant cette 8038

option à l'investisseur, les parties contractantes affirment leur volonté de se conformer aux normes de l'accord et d'oeuvrer pour une meilleure sécurité juridique.

Comme le montre la pratique, les problèmes d'application des APPI se règlent en général sans mise en oeuvre de l'arbitrage international.

La solution retenue dans les cinq APPI (Serbie-et-Monténégro: art. 12; Guyana et Azerbaïdjan: art. 8; Arabie saoudite: art. 10; Colombie: art. 11) prévoit deux étapes: dans un premier temps, les parties au différend entrent en consultations et s'efforcent de régler celui-ci à l'amiable. En l'absence de règlement six mois après l'ouverture des consultations, l'investisseur a ensuite le choix entre la juridiction nationale compétente du pays d'accueil et l'arbitrage international selon les règles du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), institué sous l'égide de la Banque mondiale par la Convention de Washington du 18 mars 19658. Trois APPI (Serbie-et-Monténégro, Azerbaïdjan et Colombie) prévoient une option supplémentaire: un tribunal arbitral ad hoc fonctionnant, à moins que les parties au différend n'en disposent autrement, selon le règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

Dans les cinq accords, les parties donnent leur consentement préalable à la soumission à l'arbitrage conformément à l'APPI de tout différend en matière d'investissement. Deux particularités doivent être mentionnées ici. La première ressort de l'accord avec la Colombie, dans lequel il est précisé que le consentement préalable ne concerne pas les différends portant sur des engagements spécifiques que le pays hôte a pris envers un investisseur de l'autre partie (art. 11, al. 3; cf. ci-dessus: Autres obligations). La seconde résulte d'une réserve formelle faite par l'Arabie saoudite à la Convention de Washington, qui vise en premier lieu le secteur pétrolier.

Règlement des différends entre les parties Le second volet du dispositif traite des différends entre les parties contractantes concernant l'interprétation ou l'application de l'accord (règlement des différends «Etat ­ Etat»; Serbie-et-Monténégro: art. 13; Guyana et Azerbaïdjan: art. 9; Arabie saoudite: art. 11; Colombie: art. 12). Deux étapes sont également
prévues pour les litiges de cette nature: la conduite de négociations en vue d'un règlement par la voie diplomatique et, en l'absence de solution dans les six mois, la soumission du différend à un tribunal arbitral ad hoc, dont la constitution et le fonctionnement sont réglés selon des principes classiques en la matière.

C'est notamment dans le contexte d'une telle disposition que s'inscrit la protection diplomatique, cette intervention de l'Etat en faveur de l'un de ses ressortissants ne revêtant en principe ici, par rapport au règlement des différends «investisseur ­ Etat» (cf. ci-dessus: Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie), qu'un caractère subsidiaire.9 Clauses finales (entrée en vigueur, durée, dénonciation) Les cinq accords sont conclus pour une durée initiale de dix ans, puis sont renouvelables tacitement. Le préavis de dénonciation est de six (Serbie-et-Monténégro: art. 14, al. 1; Guyana: art. 11, al. 1; Azerbaïdjan: art. 11, al. 2) ou de douze mois (Arabie saoudite: art. 12, al. 2; Colombie: art. 14, al. 2). En cas de dénonciation, 8 9

RS 0.975.2 Cf. Réponse du Conseil fédéral à l'interpellation Recordon 04.3628.

8039

leurs autres dispositions continuent de s'appliquer pendant une période supplémentaire de dix ans (Arabie saoudite: quinze ans) aux investissements effectués avant la fin de l'accord.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

La conclusion des présents accords n'a pas de conséquences sur les finances et sur l'état du personnel de la Confédération, des cantons et des communes. Il n'est toutefois pas exclu que la Suisse soit un jour impliquée ­ par une partie contractante ou un investisseur étranger ­ dans une procédure de règlement des différends (cf. cidessus: Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie et Règlement des différends entre les parties) ou appelée à intervenir dans le cadre d'une procédure formelle de règlement des différends afin d'assurer le respect de l'un des accords, ce qui pourrait, selon le cas, avoir certaines répercussions financières. Dans cette hypothèse, il appartiendrait au Conseil fédéral de régler la question de leur prise en charge et, le cas échéant, de demander un crédit spécifique au Parlement.10

3.2

Conséquences économiques

L'impact économique des accords de protection des investissements ne peut être estimé sur le modèle des évaluations conduites lors de la conclusion de conventions de double imposition ou d'accords de libre-échange, dans le cadre desquelles les prévisions de gains ont pour corollaire celles de pertes de recettes fiscales ou douanières.

L'importance économique des APPI réside dans le fait qu'ils fournissent une base de droit international public à nos relations d'investissement avec les pays partenaires, y renforçant alors considérablement la sécurité juridique de nos investisseurs et réduisant les risques de voir ceux-ci discriminés ou lésés d'une autre façon.

Déjà soulignée par la mondialisation, la pertinence économique de tels accords prend une dimension particulière pour la Suisse compte tenu de la taille réduite de son marché intérieur. Par le soutien apporté à nos entreprises ­ notamment les PME ­ qui affrontent la concurrence internationale en investissant à l'étranger, les APPI renforcent également la place économique suisse.

10

Conformément à la loi sur les finances de la Confédération (RS 611.0; art. 49) et l'ordonnance y relative, les engagements qui existent effectivement à la date de clôture des comptes et qui entraîneront probablement une sortie de fonds égale ou supérieure à 500 000 francs (la probabilité de la sortie de fonds doit être supérieure à 50 %) doivent être enregistrés au bilan. Si cette probabilité est inférieure à 50 %, les engagements ne sont pas inscrits au bilan, mais rendus publics comme engagements conditionnels dans l'annexe des comptes annuels.

8040

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le Rapport sur le Programme de la législature 2003 à 200711.

5

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)12, les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. La compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver les traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst. Selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., sont sujets au référendum facultatif en matière de traités internationaux les accords qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Les présents accords peuvent être dénoncés dès la fin de leur période initiale de validité, puis au terme de chaque période ultérieure (ou à tout moment: Colombie), moyennant un préavis de six ou de douze mois (cf. ci-dessus: ch. 2.3.2, Clauses finales). Ils n'impliquent pas d'adhésion à une organisation internationale. Comme c'est le cas des APPI déjà conclus par la Suisse, la mise en oeuvre des présents accords n'exigera pas l'adoption de lois fédérales. Les dispositions fixant des règles de droit que contiennent les cinq APPI ne sont pas fondamentales au point de devoir être qualifiées d'importantes au sens de l'art. 141 Cst.: elles ne remplacent aucune disposition du droit interne ni ne comportent des décisions de principe pour la législation nationale. De plus, ces dispositions ne concernent que des mesures et domaines non problématiques pour la Suisse. Enfin, les cinq APPI ne vont pas au-delà des engagements que la Suisse a déjà pris au titre d'accords internationaux antérieurs. Le contenu des accords est similaire à celui des APPI qui ont été conclus ces dix à quinze dernières années par la Suisse, et qui sont d'une importance économique, juridique et politique comparable. Des différences peuvent apparaître dans certains domaines par rapport au contenu d'accords antérieurs, mais il n'en résulte pas d'obligations additionnelles importantes pour la Suisse.

Lors des délibérations sur la motion 04.3203 de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 22 avril 2004, les Chambres fédérales ont soutenu la position du Conseil fédéral selon laquelle des accords internationaux qui correspondent à ces critères ne sont pas sujets au référendum facultatif selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst.

11 12

FF 2004 1035 RS 101

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