06.086 Message relatif à l'initiative populaire fédérale «pour des naturalisations démocratiques» du 25 octobre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message et le projet de décision relatifs à l'initiative populaire fédérale intitulée «pour des naturalisations démocratiques». Nous vous proposons de soumettre l'initiative au peuple et aux cantons en leur recommandant de la rejeter. Au cas où vous présenteriez le projet de loi du Conseil des Etats concernant l'initiative parlementaire 03.454s Loi sur la nationalité. Modification (Thomas Pfisterer) comme contre-projet indirect, au niveau de la loi, à l'initiative populaire, nous pourrions approuver votre démarche.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 octobre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-1829

8481

Condensé Suite à une décision de son assemblée des délégués, l'Union démocratique du centre (UDC) a lancé, le 13 septembre 2003, l'initiative populaire fédérale intitulée «pour des naturalisations démocratiques». La récolte des signatures, dont le délai courait jusqu'au 18 novembre 2005, a débuté le 18 mai 20041. Les auteurs de l'initiative ont remis les signatures à la Chancellerie fédérale dans les délais prévus. Par décision du 9 janvier 2006, la Chancellerie fédérale a constaté que, sur un total de 102 326 signatures déposées, 100 038 étaient valables, et que l'initiative populaire avait abouti sur le plan formel2.

Présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, l'initiative populaire comprend les revendications suivantes: ­

Les communes doivent pouvoir décider de manière autonome quel organe accorde le droit de cité communal;

­

La décision prise par l'organe désigné sera définitive, c.-à-d. qu'elle ne pourra pas être examinée par une autre instance.

A cet effet, l'initiative populaire exige qu'un quatrième alinéa soit ajouté à l'actuel art. 38 de la Constitution fédérale.

Les auteurs de l'initiative aspirent à un retour à la situation juridique antérieure aux deux arrêts du Tribunal fédéral du 9 juillet 2003. Partant de l'idée qu'une décision portant sur une demande de naturalisation n'est pas seulement un acte politique, mais aussi un acte de mise en oeuvre du droit, le Tribunal fédéral avait en effet, à l'époque, dans un premier arrêt, annulé la décision d'une commune de ne pas naturaliser un étranger pour cause de discrimination. Dans un deuxième arrêt, il avait déclaré que le principe de la naturalisation par les urnes était contraire à la Constitution. Cette nouvelle pratique du Tribunal fédéral a entraîné une forte réduction du nombre des procédures de naturalisation possibles. Suite à ces arrêts, plus aucune décision de naturalisation n'a été prise en Suisse par la voie des urnes.

La jurisprudence du Tribunal fédéral du 9 juillet 2003 a suscité un vif intérêt, marqué par le dépôt de plusieurs interventions parlementaires portant sur ces questions de naturalisation. Ainsi, le 3 octobre 2003, le conseiller aux Etats Thomas Pfisterer déposait une initiative parlementaire conçue en termes généraux portant modification de la loi sur la nationalité (03.454é. «Loi sur la nationalité. Modification»).

Compte tenu de la présente initiative populaire, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) a décidé d'élaborer dans les meilleurs délais une proposition de loi qui pourrait faire office, le cas échéant, de contreprojet. Le 27 octobre 2005, elle a définitivement adopté le projet d'acte et le projet de rapport, à soumettre au plénum3. Dans son avis du 2 décembre 2005, le Conseil fédéral a approuvé le projet de la CIP-E4. Le Conseil fédéral a ainsi voulu souligner 1 2 3 4

FF 2004 2261 Cf. décision d'aboutissement FF 2006 835 FF 2005 6495 FF 2005 6655

8482

que, à l'instar du Tribunal fédéral, il ne considère pas la décision de naturalisation comme un acte politique mais comme un acte d'application du droit. Cette position concorde avec la nouvelle conception du droit qui sous-tend les arrêts du Tribunal fédéral du 9 juillet 2003. Auparavant, il ressortait prioritairement de la doctrine et de la pratique que la naturalisation était un acte politique ne nécessitant pas de motivation et n'étant pas susceptible de recours, faute de voies de droit. C'est pourquoi, en fonction des législations cantonales, les communes pouvaient alors décider, dans une large mesure de leur propre chef, de l'octroi ou non de la naturalisation.

En 2003, lorsqu'il a changé la pratique, qui a été maintes fois confirmée depuis, le Tribunal fédéral a qualifié la naturalisation d'acte d'application du droit et a déclaré que, notamment les décisions de naturalisation par la voie des urnes, étaient incompatibles avec les principes de l'Etat de droit, tels qu'ils sont définis par la nouvelle conception du droit. Le projet de la CIP-E avait en revanche défendu une position médiane concernant la nature juridique des naturalisations puisqu'il voyait dans l'acte de naturalisation des apects à la fois d'un acte politique et d'un acte d'application du droit. Par conséquent, la naturalisation par la voie des urnes a été qualifiée, à certaines conditions, de légale. Le 14 décembre 2005, le Conseil des Etats a accepté le projet de la CIP-E par 31 voix contre 6. Actuellement, ce projet de loi est en cours d'examen par la CIP du Conseil national. Lors de sa séance du 27 avril 2006, cette dernière a décidé, pour des raisons de répartition du travail, d'attendre le message relatif à l'initiative de l'UDC. Par conséquent, la révision de la loi sur la nationalité, élaborée par le Conseil des Etats, ne sera pas traitée avant 2007.

Le Conseil fédéral estime que le projet de loi du 27 octobre 2005 de la CIP-E présente l'avantage, quant au contenu, de s'inscrire dans la droite ligne de la jurisprudence du Tribunal fédéral et, partant, d'être conforme à la Constitution. De plus, les principales propositions de modification de la loi ont été largement approuvées lors de la procédure de consultation menée auprès des cantons, des partis politiques et d'autres organisations concernées.

Dans sa teneur,
le projet de la CIP-E prévoit de confier expressément aux cantons la compétence de fixer la procédure de naturalisation et dans le canton et dans la commune. Il instaure en outre l'obligation de motiver les refus et simultanément un droit de recours cantonal contre ces mêmes refus. Le projet spécifie enfin que les cantons sont tenus de veiller à la protection de la sphère privée des candidats à la naturalisation, en ne publiant que les informations nécessaires pour déterminer si le candidat remplit les conditions pour devenir Suisse d'une part, et en tenant compte du cercle des destinataires, d'autre part.

A l'inverse, les auteurs de l'initiative populaire sont d'avis que, lorsqu'une question majeure est politiquement controversée, il est préférable que ce soit le législateur qui tranche, plutôt que de laisser au Tribunal fédéral le soin d'interpréter la Constitution. La réforme visée de la Constitution doit habiliter les communes à déterminer elles-mêmesla procédure à suivre et l'organe chargé d'accorder la naturalisation.

Cependant, le présent projet constitutionnel n'est pas à même de lever les contradictions qui sont apparues entre, d'une part, la naturalisation par le peuple et, d'autre part, les principes de l'Etat de droit. Si l'initiative populaire était adoptée, les

8483

procédures deviendraient obsolètes dans de nombreux cantons. Enfin, la suppression de règles de l'Etat de droit, s'agissant de l'octroi du droit de cité communal, pourrait être à l'origine de nouveaux conflits avec le droit international.

Vu que l'initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques» vise à enfreindre les principes de l'Etat de droit et de restreindre les compétences cantonales en accordant aux communes une autonomie absolue, le Conseil fédéral vous propose de la rejeter. Si les Chambres fédérales opposent le projet de loi du Conseil des Etats concernant l'initiative parlementaire 03.454s Loi sur la nationalité. Modification (Thomas Pfisterer) comme contre-projet indirect, au niveau de la loi, à l'initiative populaire, le Conseil fédéral soutiendra cette démarche.

8484

Message 1

Partie générale

1.1

Aspect formel

1.1.1

Texte de l'initiative

Présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, l'initiative populaire fédérale «pour des naturalisations démocratiques» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 18 novembre 2005, munie de 100 038 signatures valables. L'initiative a la teneur suivante: La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 38, al. 4 (nouveau) Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l'organe qui accorde le droit de cité communal. Les décisions de cet organe sur l'octroi du droit de cité communal sont définitives.

4

1.1.2

Aboutissement

Dans sa décision du 9 janvier 2006, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques» avait abouti sur le plan formel5.

1.1.3

Délai de traitement

Aux termes de l'art. 97 de la loi sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, RS 171.10) le Conseil fédéral soumet à l'Assemblée fédérale, dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative dont l'aboutissement a été constaté, un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Par conséquent, le Conseil fédéral doit soumettre le présent message au Parlement d'ici au 18 novembre 2006 au plus tard.

1.2

Validité

1.2.1

Unité de la forme

En vertu de l'art. 139 (ancien), al. 2 et 3, et de l'art. 194, al. 3, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), une initiative populaire portant sur une révision partielle de la Constitution fédérale n'est valable que si elle est présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou d'un projet rédigé de toutes pièces, les formes mixtes n'étant pas admises. L'initiative populaire «pour des 5

FF 2006 835

8485

naturalisations démocratiques» revêt exclusivement la forme d'un projet rédigé de toutes pièces. L'unité de la forme est donc respectée.

1.2.2

Unité de la matière

La condition de l'unité de la matière au sens de l'art. 139 (ancien), al. 3, et de l'art. 194, al. 2, Cst. veut assurer qu'une initiative populaire ne recouvre pas plusieurs questions, sans lien aucun entre elles sur le plan matériel. Ce principe sert à garantir l'expression libre et authentique de la volonté populaire lors de votations.

Cette initiative populaire vise à assurer la pratique démocratique en matière de naturalisation au niveau communal en déclarant définitives les décisions de naturalisation prises par l'organe communal compétent. Le contenu de l'initiative porte sur un seul thème, à savoir la nationalité. En outre, les nouvelles dispositions constitutionnelles règlent toutes deux la procédure de naturalisation ordinaire au niveau communal. Par conséquent, il existe un rapport intrinsèque entre les deux dispositions de l'initiative populaire, conformément à l'art. 75, al. 2, de la loi fédérale sur les droits politiques6. La condition de l'unité de la matière est donc remplie.

1.2.3

Praticabilité

Il convient également d'examiner la praticabilité factuelle de chaque initiative populaire7. Selon une pratique constante, une initiative populaire qu'il est indéniablement impossible d'appliquer dans les faits ne doit pas être soumise au vote du peuple. L'initiative veut habiliter les communes à déterminer l'organe chargé d'accorder la naturalisation. Il n'est pas impossible d'appliquer cette exigence formulée dans l'initiative populaire, ni sur le plan juridique, ni dans les faits. Le principe de la praticabilité est ainsi respecté.

1.2.4

Compatibilité avec le droit international

Selon l'art. 139 (ancien), al. 3, Cst., l'Assemblée fédérale doit déclarer totalement nulle ou en partie nulle une initiative qui viole les règles impératives du droit international. Il convient par conséquent d'examiner si l'initiative ou des parties de celle-ci violent des normes impératives du droit international.

En cas d'acceptation de l'initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques», en particulier l'absence de tout examen judiciaire d'une décision communale de naturalisation ne serait pas compatible avec le droit international public conventionnel. Le Conseil fédéral estime que cette réglementation déterminante de l'initiative populaire violerait plusieurs traités internationaux importants.

6 7

RS 161.1 FF 1997 I 452, 1998 I 210

8486

1.2.4.1

Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale8

En Suisse, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale est entrée en vigueur le 29 novembre 1994. Comptant actuellement 171 Etats parties, ce traité bénéficie d'un large appui. Au sens de ladite Convention, la discrimination raciale vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique (art. 1, al. 1).

La Convention ne s'applique pas aux distinctions, exclusions, restrictions ou préférences établies par un Etat partie à la Convention selon qu'il s'agit de ses ressortissants ou de non-ressortissants. En revanche, elle s'applique aux distinctions créées dans un Etat partie entre des ressortissants étrangers, par exemple entre des candidats à la naturalisation de différentes nationalités, races, etc. (art. 1, al. 2).

Aux termes de la Convention, les Etats parties condamnent la discrimination raciale et s'engagent à poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination raciale et à favoriser l'entente entre toutes les races (art. 2, al. 1). Ils s'engagent notamment à ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions et à faire en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette obligation (art. 2, al. 1, let. a) et à prendre des mesures efficaces pour revoir les politiques gouvernementales nationales et locales et pour modifier, abroger ou annuler toute loi et toute disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale (art. 2, al. 1, let. c).

Les Etats parties assureront à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives, devant les tribunaux nationaux (art. 6).

La Convention engage les Etats parties à rendre périodiquement un rapport devant un Comité sur les mesures adoptées en vue de la réalisation de
l'accord. Le premier rapport de la Suisse au Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale (Committee on the Elimination of Racial Discrimination [CERD]), daté du 18 décembre 1996, a été examiné par le Comité lors de sa session de mars 1998.

Dans ses conclusions du 20 mars 1998, la Comité a exprimé son inquiétude devant la politique de naturalisation et les procédures jugées trop longues et trop sélectives.

Pour répondre à l'inquiétude exprimée par le Comité de l'ONU à propos de la politique en matière d'immigration, les deuxième et troisième rapports périodiques de la Suisse au Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale, de décembre 2002, ont renvoyé à la vaste révision alors en cours de la loi sur la nationalité, qui prévoyait notamment l'introduction d'un droit de recours contre les décisions discriminatoires. Lors de la session d'été 2003, le Conseil des Etats a toutefois expressément exclu de ladite révision le droit de recours. Eu égard aux deux arrêts du Tribunal fédéral du 9 juillet 2003, le Conseil national s'est rallié, lors de la session d'automne 2003, à l'avis du Conseil des Etats. Les conseillers natio8

RS 0.104

8487

naux ont exprimé des divergences sur la question: alors que les uns étaient fondamentalement opposés à l'introduction d'un droit de recours, d'autres ont salué la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral et ont de ce fait renoncé à inscrire le droit de recours dans la loi9.

Selon l'initiative populaire, la décision de l'organe qui, en vertu du règlement communal, accordera le droit de cité communal, sera définitive. Dans la mesure où tout contrôle des décisions serait exclu même si elles devaient violer l'interdiction de la discrimination, la Suisse ne pourrait plus respecter ses obligations internationales consistant à assurer une voie de recours effective devant les tribunaux nationaux contre tout acte de discrimination. L'initiative populaire serait donc en totale contradiction avec la Convention. A cet égard, il y a lieu de relever que la Suisse a, avec effet au 19 juin 2003, reconnu la compétence du Comité au sens de l'art. 14 de la Convention. Par conséquent, les victimes d'actes de discrimination raciale ou de xénophobie peuvent porter l'affaire à la connaissance du Comité de la Convention en lui adressant une «communication». Si la Suisse devait violer la Convention sur le racisme, le Comité lui adresserait un blâme.

1.2.4.2

Pacte international relatif aux droits civils et politiques10

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (appelé Pacte II) est entrée en vigueur en Suisse le 18 septembre 1992. Avec 169 Etats parties, il dispose, à l'instar de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, d'un large appui.

Les Etats parties s'engagent à garantir, d'une part, que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le Pacte auront été violés disposera d'un recours utile et, d'autre part, que la bonne suite sera donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié (art. 2, al. 3).

En vertu du Pacte II, toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation (art. 26). Lors de l'adhésion au Pacte II, la Suisse a toutefois émis diverses réserves et déclarations. Aussi ne garantit-elle le droit, sans discrimination, à une égale protection de la loi qu'en liaison avec d'autres droits contenus dans le Pacte. Mais le Pacte II ne mentionne aucun droit à la naturalisation ou à une procédure précise. Cependant, selon la compétence de l'autorité, des données personnelles du candidat à la naturalisation sont communiquées, durant le processus décisionnel, à un cercle plus ou moins large de personnes11. Cette circonstance est susceptible de porter atteinte au droit à la protection de la sphère privée au sens de l'art. 17 du Pacte II12. Les personnes concernées dispo9 10 11 12

Cf. ci-après ch. 2.3 RS 0.103.2 Cf. également note infrapaginale 14 W. Kälin, G. Malinverni et M. Nowak, Die Schweiz und die UNO-Menschenrechtspakte, 2e éd., Bâle 1997, p. 379; W. Kälin et M. Künzli, Universeller Menschenrechtsschutz, Bâle 2005, p. 378.

8488

sent dès lors, en vertu de l'art. 2, al. 3, let. a, du Pacte II, d'un droit de recours utile pour faire vérifier si l'art. 17 dudit Pacte est respecté. S'agissant de l'interdiction de la discrimination, même la réserve de la Suisse ne saurait restreindre l'application de l'art. 26 aux seules personnes ayant droit à la naturalisation. L'interdiction étant également valable en relation avec l'art. 17 du Pacte, les candidats à la naturalisation ont le droit de ne pas être discriminés en relation avec la communication de leurs données personnelles. L'exclusion de tout droit de recours contre une décision communale de naturalisation violerait en fin de compte l'art. 2, al. 3, let. a, du Pacte.

1.2.4.3

Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales13

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prévoit, à l'art. 8, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. En conséquence, les candidats à la naturalisation ont droit à ce que leur sphère privée soit protégée également dans le cadre de la procédure de naturalisation14. Selon l'importance du cercle de destinataires et l'étendue des données sur les candidats à la naturalisation rendues accessibles lors de la procédure de naturalisation, la protection de la sphère privée au sens de l'art. 8 pourrait être atteinte, ce qui constituerait une violation de la Convention. En vertu de l'art. 13 CEDH, les personnes concernées doivent pouvoir, en cas de violation des droits garantis par ladite Convention (in casu, l'art. 8 CEDH), déposer un recours effectif devant une instance nationale. Si tout droit de recours contre une décision communale de naturalisation était exclu, le droit à l'octroi d'un recours effectif visé à l'art. 13 CEDH serait violé.

1.2.4.4

Conclusions

Aux termes de l'art. 139 (ancien), al. 3, Cst., l'Assemble fédérale déclare totalement ou partiellement nulle l'initiative populaire qui ne respecte pas les règles impératives du droit international. Toutefois, seule une petite partie des dispositions internationales ressortissent au «droit international impératif» (jus cogens).

Une norme impérative du droit international général selon l'art. 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités15 est «une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère».

Dans différents messages, le Conseil fédéral a cité des exemples de normes impératives du droit international, à savoir les interdictions de la torture, du génocide, de l'esclavage ainsi que les garanties de la CEDH16 et du Pacte II17. Lorsque de telles

13 14 15 16 17

RS 0.101 Concernant la question de la protection de la sphère privée dans le cadre de la procédure de naturalisation, cf. ATF 129 I 232 consid. 4 ainsi que FF 2005 6505 et 6507.

Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités; RS 0.111.

RS 0.101 RS 0.103.2

8489

normes sont consacrées dans un traité international, leur caractère contraignant exclut qu'un Etat puisse s'y soustraire, même en cas de dénonciation18.

En revanche, la garantie de l'accès au juge prévue à l'art. 6 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de racisme ainsi que le droit à un recours effectif selon l'art. 13 CEDH et l'art. 2, al. 3, du Pacte II ne font pas partie du droit international impératif au sens de ce qui précède. Dans son message du 7 juin 2004 relatif à l'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)»19, le Conseil fédéral s'est opposé à l'assimilation au droit international impératif des normes figurant dans les engagements de droit international public, même si elles revêtent une importance telle pour la Suisse qu'il est hors de question de les dénoncer. Bien que le Pacte II ne soit pas dénonçable et que la CEDH ait un rang élevé dans la hiérarchie des conventions, ils ne constituent pas du droit international impératif au sens de l'art. 139 (ancien), al. 3, Cst.

L'initiative ne viole dès lors pas de règles impératives du droit international.

2

Rappel des faits

2.1

Droit constitutionnel

La Constitution fédérale (Cst.) actuelle réglemente l'acquisition du droit de cité dans deux articles: Art. 37

Nationalité et droits de cité

A la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton.

1

Nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son droit de cité. Il est possible de déroger à ce principe pour régler les droits politiques dans les bourgeoisies et les corporations ainsi que la participation aux biens de ces dernières si la législation cantonale n'en dispose pas autrement.

2

Art. 38

Acquisition et perte de la nationalité et des droits de cité

La Confédération règle l'acquisition et la perte de la nationalité et des droits de cité par filiation, par mariage ou par adoption. Elle règle également la perte de la nationalité suisse pour d'autres motifs ainsi que la réintégration dans cette dernière.

1

Elle édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons et octroie l'autorisation de naturalisation.

2

3

Elle facilite la naturalisation des enfants apatrides.

18 19

FF 1997 I 441; 2001 3370; 2005 4451 s.

FF 2004 3088

8490

2.2

La pratique du Tribunal fédéral en matière de naturalisation depuis 2003

Le 9 juillet 2003, le Tribunal fédéral (TF) rendait deux arrêts déterminants, qui ont suscité de nombreuses interventions parlementaires aux niveaux fédéral et cantonal, ainsi que des débats animés entre juristes. Dans le premier arrêt (ATF 129 I 217), saisi d'un recours, il annulait pour cause de discrimination une décision rendue par la Commune d'Emmen. Dans le second (ATF 129 I 232), il approuvait la décision prise par le Conseil d'Etat du canton de Zurich de déclarer nulle une initiative populaire lancée par la Ville de Zurich dans le but d'introduire le principe de la naturalisation par les urnes. En effet, il estimait que les décisions négatives rendues par la voie des urnes étaient contraires à la Cst., car ne pouvant être motivées.

Dans un autre arrêt, daté du 12 mai 2004 (ATF 130 I 140), le TF rejetait deux recours touchant le droit de vote et formés contre une ordonnance édictée, suite à ses arrêts du mois de juillet 2003, par le Conseil d'Etat du canton de Schwyz. Il motivait sa décision en précisant que l'ordonnance, qui relève de la compétence de l'assemblée communale, ne semblait d'emblée pas inappropriée pour permettre aux communes du canton de rendre des décisions de naturalisation conformes à la Cst.

Aux termes de cette ordonnance, la proposition de l'exécutif communal relative à une demande de naturalisation est effectivement réputée acceptée si aucune contreproposition motivée n'est formulée par un membre de l'assemblée communale. Les recourants ont contesté la procédure d'adoption de l'ordonnance provisoire: à leurs yeux, celle-ci aurait dû être adoptée par la voie de la procédure législative ordinaire.

Or, le TF a considéré que le Conseil d'Etat n'avait pas outrepassé ses compétences, l'ordonnance attaquée se limitant à préciser le droit schwytzois applicable pour le rendre conforme à la Cst. Par ailleurs, l'ordonnance concernée a valeur de réglementation provisoire et le Grand Conseil sera amené à élaborer des dispositions définitives en suivant, cette fois, la procédure législative ordinaire.

Le 10 mai 2006, le TF maintenait sa pratique en rendant deux autres arrêts20 portant sur la question de la naturalisation, dans lesquels il précisait les exigences liées à l'obligation de motiver les décisions. C'est ainsi que, dans l'affaire concernant une musulmane enseignant sa
religion dans le canton de Bâle-Campagne, la cour du TF compétente a soutenu la décision négative prononcée par le Parlement cantonal: le fait que la requérante ait refusé de s'intégrer justifiait le rejet de la demande de naturalisation. L'absence de volonté de s'intégrer ayant déjà été considérée au cours des débats au sein du Parlement cantonal comme un obstacle à la naturalisation, le refus d'octroyer la naturalisation était donc motivé de manière suffisamment claire et nette. Toutefois, le TF a observé qu'une réserve s'imposait lors de l'examen, estimant qu'une certaine marge d'appréciation revenait à l'autorité locale compétente en matière de naturalisation. Il en a été autrement dans l'affaire relative à une commune argovienne qui avait rejeté une demande de naturalisation sans que l'assemblée communale compétente n'ait préalablement débattu de cette requête: seuls deux citoyens avaient critiqué le comportement du candidat à la naturalisation, mais leur intervention n'avait pas fait l'objet d'une demande formelle de rejet. En conséquence, le TF a, par la suite, approuvé le recours déposé contre la décision négative, l'avis des deux citoyens ne suffisant pas à satisfaire aux exigences juridiques en matière de motivation d'un refus.

20

ATF 132 I 167 et ATF 132 I 196

8491

2.2.1

La portée juridique des arrêts des 9 juillet 2003 et 12 mai 2004

Basés sur l'avis du TF concernant la nature juridique des décisions de naturalisation, les arrêts du 9 juillet 2003 ont restreint la marge de manoeuvre lors des procédures de naturalisation. En effet, le TF a, pour la première fois, considéré que la procédure de naturalisation constituait matériellement un acte d'application du droit. D'après cette déclaration, les candidats à la naturalisation peuvent également prétendre aux garanties accordées, conformément à l'art. 29 Cst., dans une procédure judiciaire ou administrative. Selon la pratique du TF, toute personne désireuse d'être naturalisée a le droit d'être entendue, d'où découle une obligation de motiver la décision. Les parties recourantes jouissent desdites garanties, qu'elles puissent ou non se prévaloir d'un droit en la matière, notamment du droit d'approuver la demande de naturalisation. Dans les deux arrêts précités, le TF relève également que les citoyens qui décident de l'octroi de la naturalisation agissent en tant qu'organe de la commune et assument, de ce fait, des tâches administratives de l'Etat. Aussi sont-ils, aux termes de l'art. 35, al. 2, Cst., tenus de respecter les droits fondamentaux et le principe de la non-discrimination. Par conséquent, toute inégalité de traitement est soumise à l'obligation qualifiée de motiver la décision, ce qu'exclut la nature même d'un vote à bulletins secrets. C'est pourquoi le TF a déclaré que la naturalisation par les urnes était contraire au droit.

Par la suite, le TF a confirmé sa position dans l'arrêt du 12 mai 2004. En effet, il a de nouveau souligné que l'obligation de motiver les refus constituait non pas seulement une simple exigence formelle, mais bien plus une condition sine qua non de l'examen des décisions de naturalisation sous l'angle du principe de la nondiscrimination. Elle permettrait donc d'éviter les humiliations et les exclusions en raison de la provenance, de la langue et de la religion notamment et garantirait par là même le respect de la dignité humaine. La question de savoir si une décision de naturalisation conforme à la Cst. pourrait ou non être rendue par une assemblée communale est restée expressément en suspens. Néanmoins, il a été fait mention d'un cas concret où les motifs d'un refus d'accorder la naturalisation avaient été cités lors d'une assemblée communale
avant de donner lieu à un vote directement après les débats. Dans ce cas d'espèce, on peut supposer que les motifs du refus ont été approuvés par la majorité des votants. Force est toutefois d'admettre que, du point de vue de la protection de la sphère privée, il n'est d'emblée pas possible de remettre en cause la constitutionnalité des décisions prises par des assemblées communales.

2.2.2

La nature juridique de la décision d'accorder ou non la naturalisation

Dans son arrêt du 9 juillet 2003, le TF a, contrairement à l'opinion qui régnait jusque-là, décidé que les décisions en question faisaient partie d'une procédure régie par les principes de l'Etat de droit, qu'elles nécessitaient une motivation particulière, tout comme les décisions de droit public, et qu'elles pouvaient faire l'objet d'un recours. Selon la doctrine et la pratique des années précédentes, une naturalisation constituait un acte politique, qui n'avait pas besoin d'être motivé et n'était pas susceptible de recours.

8492

Le projet de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) du 27 octobre 2005 (Iv. pa. Pfisterer)21 a cependant défendu une position médiane: la décision revêt les aspects à la fois d'un acte administratif et d'un acte politique.

Tandis que son projet du 27 octobre 2005 était adopté, la CIP-E invitait le Conseil fédéral à se prononcer. Dans son avis relatif à l'initiative parlementaire Pfisterer du 2 décembre 200522, ce dernier a estimé ainsi, en conformité avec la pratique du TF, que la naturalisation présentait essentiellement les caractéristiques d'un acte d'application du droit.

Cette conception du droit se retrouve d'ailleurs dans la plupart des pays d'Europe.

Tous les Etats membres du Conseil de l'Europe voient, depuis lors, dans la décision de naturalisation un acte d'application du droit. Seuls la Belgique23, le Danemark24 et la Pologne25 la considèrent encore en partie comme un acte politique.

2.3

La problématique du droit de recours contre les refus d'accorder la naturalisation

Le Conseil fédéral a déjà eu, dans le cadre de précédentes révisions de lois, l'occasion de traiter la problématique du droit de recours contre les refus d'accorder la naturalisation. Le projet de révision de la loi sur la nationalité26 présenté par lui et la version du Conseil national réglementaient effectivement à l'origine le droit de recours contre ces refus (cf. art. 51, al. 3, 51a et 58d, ainsi que ch. II). En prévision du message du Conseil fédéral, le Conseil national avait d'ailleurs élaboré une initiative parlementaire visant à introduire un droit de recours (01.455 CIP-N. Droit de recours contre les décisions de naturalisation discriminatoires), dont l'énoncé était identique à celui du projet du Conseil fédéral, et il l'avait approuvée durant la session de printemps 2002.

Au cours de la session d'été 2003, le Conseil des Etats décida cependant d'exclure le droit de recours de la révision de la loi. Alors qu'une partie de la majorité s'opposait à un tel droit, une autre souhaitait éviter que cette question controversée ne compromette les réformes adoptées à la majorité par l'Assemblée fédérale dans le domaine du droit de la nationalité.

Suite aux arrêts du TF relatifs à la naturalisation, le Conseil national se rallia, pendant la session d'automne 2003, à la décision du Conseil des Etats. En biffant à son tour le droit de recours, il éliminait l'unique divergence qui séparait les deux Chambres, mais sa décision n'était identique que sur le plan formel. Si une partie de la 21 22 23

24

25

26

Cf. ci-après, ch. 2.4.1 FF 2005 6655 Cf. Loseblattsammlung Bergmann/Ferid/Henrich, Internationales Ehe- und Kindschaftsrecht (Droit international du mariage et de la famille), Francfort-sur-le-Main., 1976; concernant la Belgique, p. 6; conformément à l'art. 9 de la Constitution, la naturalisation est accordée par le Parlement fédéral.

Note 23 op. cit., concernant le Danemark, p. 11; outre l'exécutif, la naturalisation est également octroyée sur la base de lois spéciales en faveur de certaines personnes, cette manière de procéder demeurant à la libre appréciation du législateur.

Note 23 op. cit., concernant la Pologne, p. 10 s.; les dossiers portant sur les questions de nationalité relèvent de la compétence de l'administration gouvernementale; les décisions sont, à l'exception de celles rendues par le Président, susceptibles de recours.

Cf. 01.076 Message concernant le droit de la nationalité des jeunes étrangers et révision de la loi sur la nationalité, FF 2002 1815.

8493

majorité s'était prononcée contre l'introduction d'un droit de recours, une autre s'était réjouie de la nouvelle pratique suivie par le TF, renonçant à l'inscription d'un tel droit dans la loi sur la nationalité.

Avant le vote final du 3 octobre 2003 sur la révision de la réglementation de la nationalité, plusieurs membres du Conseil des Etats avaient attiré l'attention sur l'opposition des motifs qui animaient les deux Chambres et sur la nécessité de légiférer à nouveau dans les plus brefs délais. Dans le cadre des déclarations d'intention, ils avaient annoncé que Monsieur Pfisterer déposerait une initiative parlementaire27, qui permettrait au législateur de clarifier la situation juridique; la révision de la loi sur la nationalité avait finalement été adoptée par 22 voix contre 16.

2.4

Trois interventions parlementaires et trois initiatives cantonales

Suite aux deux arrêts rendus par le TF le 9 juillet 2003, des initiatives parlementaires sur le thème de la naturalisation au niveau communal ont été déposées aussi bien au Conseil des Etats qu'au Conseil national. De plus, les cantons de Schwyz, de Lucerne et d'Argovie ont chacun élaboré une initiative cantonale à ce sujet.

2.4.1

L'initiative parlementaire Pfisterer (03.454s Loi sur la nationalité. Modification)

Le 3 octobre 2003, le Conseiller aux Etats Thomas Pfisterer déposait une initiative parlementaire à caractère incitatif, portant modification de la loi sur la nationalité (03.454é Iv. pa Pfisterer. Loi sur la nationalité. Modification). Cette initiative visait, d'une part, à modifier la loi sur la nationalité, et tout particulièrement le chapitre de la naturalisation ordinaire, de telle sorte que les cantons soient libres de décider s'ils entendaient soumettre les naturalisations au verdict du peuple (lors d'assemblées communales ou de votations) ou de ses élus (Parlement). Elle visait, d'autre part, à adapter la législation de façon à ce que le TF puisse non plus se prononcer sur les naturalisations ordinaires, mais uniquement examiner les griefs concernant la violation des garanties de procédure constitutionnelles. L'intervention avait été cosignée par 31 conseillers aux Etats. Le 9 décembre 2003, le Conseil des Etats décidait par 25 voix contre 9 de donner suite à cette intervention. Le 27 octobre 2005, la CIP-E adopta à l'unanimité un projet d'acte législatif et de rapport à l'attention du Conseil des Etats. Le projet de la CIP-E partait du principe que la décision de naturalisation à la fois revêtait des aspects de l'acte politique et constituait un acte concret et individuel relevant de l'application du droit. L'objectif consistait à garantir, en vertu des principes de l'Etat de droit, une égalité de traitement devant le droit suisse la plus grande possible entre Suisses et étrangers. A cet effet, le projet comportait une obligation générale de motiver les refus d'accorder la naturalisation et prévoyait un droit de recours, ainsi que le respect de la sphère privée des candidats à la naturalisation.

27

Cf. ci-après, ch. 2.4.1

8494

Dans son avis du 2 décembre 2005, le Conseil fédéral a approuvé le projet d'acte législatif et de rapport de la CIP-E daté du 27 octobre 2005. Pour sa part, le Conseil des Etats a adopté le projet lors de la session d'hiver 2005, le 14 décembre 2005 exactement, par 31 voix contre 6. Il a d'abord été prévu de le traiter à la fin du mois d'avril 2006 au sein de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N). Or, cette dernière a décidé, au cours de sa séance du 27 avril 2006, d'attendre le message relatif à l'initiative de l'Union démocratique du centre (UDC) dans le but de traiter ultérieurement les deux objets en même temps. En conséquence, le traitement de la révision du droit de la nationalité mise sur pied par le Conseil des Etats a été reporté à 2007.

2.4.2

L'initiative parlementaire Joder (03.455n Naturalisation. Accroître le pouvoir des cantons et des communes)

Déposée le 3 octobre 2003, l'initiative Joder prévoyait une complète indépendance des cantons et des communes en matière d'octroi du droit de cité, de même que la liberté de déterminer eux-mêmes l'organe compétent et la procédure à suivre.

Contrairement à l'initiative parlementaire Pfisterer, elle excluait cependant la possibilité pour les instances judiciaires d'examiner la teneur des décisions de naturalisation.

Le 3 octobre 2005, le Conseil national, refusant d'aller dans le sens de la proposition de sa commission (CIP-N), décidait, par 104 voix contre 73, de ne pas donner suite à l'initiative parlementaire Joder.

2.4.3

L'initiative parlementaire Markwalder Bär (04.471n Loi sur la nationalité. Modification)

Déposée le 8 octobre 2004, l'initiative Markwalder Bär visait à donner pleine liberté aux cantons en matière de procédure de naturalisation. Elle limitait toutefois leur marge de manoeuvre dans la mesure où elle interdisait la naturalisation par les urnes et n'admettait la naturalisation par vote de l'assemblée communale que s'il était garanti que les décisions négatives soient motivées. Enfin, elle prévoyait de maintenir le droit de recours devant le TF pour violation des droits constitutionnels.

Dans la perspective des délibérations relatives à l'initiative parlementaire Pfisterer, Madame Markwalder Bär a retiré son initiative à la suite de la séance de la CIP-N du 30 mars 2006, sachant que ses exigences pouvaient être intégrées sous la forme d'une proposition dans le projet de loi du Conseil des Etats.

2.4.4

L'initiative du canton de Schwyz (03.317é Procédure de naturalisation)

Aux termes de l'initiative déposée par le canton de Schwyz le 10 novembre 2003, l'octroi du droit de cité devait demeurer un acte de nature politique, la naturalisation ne pouvant être obtenue par voie judiciaire. En outre, la procédure devait être menée

8495

de manière équitable et dans le respect des droits de la personnalité des candidats à la naturalisation et la souveraineté cantonale en matière de procédure garantie.

L'objectif poursuivi par l'initiative du canton de Schwyz étant dans une large mesure semblable à celui de l'initiative parlementaire Pfisterer, le Conseil des Etats a décidé, dans sa séance du 13 décembre 2004, de donner suite à l'initiative cantonale. Il est prévu que la CIP-N procède à son examen préalable en même temps que la poursuite des délibérations relatives à l'initiative parlementaire Pfisterer.

2.4.5

L'initiative du canton de Lucerne (04.306é Naturalisations. Adaptation des bases légales)

Le 28 juin 2004, le canton de Lucerne avait déposé une initiative, qui visait à garantir, au niveau cantonal, des procédures harmonisées, équitables et transparentes, à conserver la compétence des assemblées communales et des parlements communaux d'accorder la naturalisation et à empêcher que la nationalité suisse ne soit obtenue par voie judiciaire.

La CIP-E a décidé de suspendre l'examen préalable de l'initiative du canton de Lucerne en raison du traitement de l'initiative parlementaire Pfisterer.

2.4.6

L'initiative du canton d'Argovie (04.306é Naturalisations)

L'initiative déposée le 10 novembre 2004 par le canton d'Argovie prévoyait d'introduire une nouvelle réglementation dans la Cst. dont la teneur correspondait à celle de l'initiative populaire. Ainsi, l'art. 38 Cst. devrait être complété par un al. 4, qui disposerait que chaque commune soit habilitée à indiquer dans son règlement communal quel organe est compétent pour accorder le droit de cité. Les décisions de cet organe seraient définitives, c'est-à-dire qu'elles ne seraient susceptibles d'aucun recours, ni à l'échelon cantonal ni à l'échelon fédéral.

La CIP-E a décidé de suspendre l'examen préalable de l'initiative du canton d'Argovie en raison du traitement de l'initiative parlementaire Pfisterer.

3

But et teneur de l'initiative «pour des naturalisations démocratiques»

3.1

But de l'initiative

Selon les propres déclarations des auteurs de l'initiative, les arrêts du Tribunal fédéral du 9 juillet 2003 auraient brisé l'autonomie communale et la séparation des pouvoirs, et destitué le souverain, organe suprême dans une démocratie directe. Le Tribunal fédéral aurait interdit les scrutins populaires sur des demandes de naturalisation en exigeant qu'un refus soit motivé afin qu'il puisse être contesté par le biais d'un recours. Aux yeux du Tribunal fédéral, un droit de recours contre des refus de naturaliser serait absolument indispensable, car une décision sans motivation a un caractère arbitraire. De cette manière, le Tribunal fédéral aurait dégradé tout sim8496

plement la décision de naturalisation au rang de simple disposition administrative n'ayant aucune dimension politique, et cela contrairement à la tradition suisse et aux constitutions fédérale et cantonale. Le Tribunal fédéral aurait ainsi créé une grande confusion en Suisse et mis en péril la sécurité du droit.

Pour mettre fin à cette situation insatisfaisante, l'initiative populaire vise à ce que la décision de naturalisation demeure un acte démocratique et politique. Les communes doivent décider comment et qui elles veulent naturaliser. Une fois que la décision sera tombée, elle sera définitive.

La proposition est identique à la teneur de l'initiative du canton d'Argovie28.

L'art. 38 Cst. concernant l'acquisition et la perte de la nationalité et des droits de cités doit être complété par un quatrième alinéa. Celui-ci disposerait qu'il appartiendrait au corps électoral de chaque commune d'arrêter dans le règlement communal l'organe accordant le droit de cité. Les décisions de cet organe sur l'octroi du droit de cité communal seraient définitives.

De l'avis des auteurs de l'initiative populaire, le projet de la CIP-E du 27 octobre 200529, bien qu'il admette la décision aux urnes, ne répond que dans une moindre mesure aux objectifs de l'initiative populaire de l'UDC. Les auteurs de l'initiative rejettent notamment l'obligation de motiver les décisions et l'inscription du droit de recours dans la loi, deux exigences qui figurent dans le projet du Conseil des Etats.

3.2

Interprétation et portée de l'initiative

Comme tout autre acte normatif, une initiative populaire doit être interprétée avant tout sur la base de sa teneur.

3.2.1

Art. 38, al. 4, 1re phrase

La 1re phrase du nouvel art. 38, al. 4, proposée par l'initiative populaire a la teneur suivante: «Le corps électoral de chaque commune arrête dans le règlement communal l'organe qui accorde le droit de cité communal.» Cette disposition constitue d'abord une attribution de la compétence législative aux collectivités publiques communales en les habilitant à déterminer l'organe qui accorde le droit de cité communal. Les règles cantonales actuelles qui attribuent la compétence décisionnelle à un organe communal spécifique seraient ainsi contraires au droit fédéral. En revanche, l'initiative ne dit pas quelle est la collectivité publique qui attribue le droit de cité au sens de l'art. 37, al. 1, Cst. S'agit-il de la commune politique ou bourgeoise? Il appartiendrait, comme aujourd'hui, au droit cantonal de le fixer. L'initiative contient ensuite une règle précise d'attribution de la compétence au sein de la collectivité publique chargée d'attribuer le droit de cité communal: c'est au corps électoral communal qu'il devrait appartenir de déterminer l'organe compétent pour accorder le droit de cité communal. Comme ni l'initiative ni le droit fédéral actuel ne définissent le corps électoral communal, c'est le droit cantonal qui continuera à en déterminer la composition. En outre, l'initiative prescrit que le corps 28 29

Cf. supra ch. 2.4.6 Cf. supra ch. 2.4.1

8497

électoral attribue la compétence décisionnelle dans le «règlement communal».

Hormis l'exigence que la compétence soit attribuée dans un acte normatif communal, l'initiative laisse au droit cantonal le soin de déterminer le type d'acte normatif et le mode par lequel le corps électoral adopte cet acte: référendum obligatoire, référendum facultatif ou vote en assemblée communale.

L'initiative ne délimite pas les cas de naturalisation auxquels elle s'applique. Elle réserve globalement aux communes le soin de déterminer l'organe chargé d'attribuer le droit de cité communal. Ce faisant, elle entre en conflit avec les dispositions législatives fédérales et cantonales qui prévoient l'octroi du droit de cité communal.

Pareilles dispositions figurent aussi bien dans le droit fédéral que dans le droit cantonal; elles concernent l'acquisition de par la loi (naturalisation par filiation), par une décision d'une autorité fédérale (réintégration ou naturalisation facilitée au niveau fédéral) ou par une décision d'une autorité cantonale (naturalisation facilitée au niveau cantonal). Dans tous ces cas, le droit de cité communal est accordé sans une décision formelle de la commune. Dès lors, il est nécessaire d'aboutir à une harmonisation de l'interprétation du nouvel al. 4 proposé par l'initiative avec le reste de l'art. 38: la compétence législative accordée par l'initiative ne s'applique que dans les cas où le droit fédéral et le droit cantonal laissent aux communes un pouvoir de décision sur l'octroi du droit de cité communal.

Selon ses auteurs, l'initiative vise à habiliter les communes à attribuer au corps électoral la compétence de statuer. Toutefois, la 1re phrase de l'al. 4 proposé se borne à attribuer une compétence législative. Elle ne contient aucune attribution directe de la compétence décisionnelle ni aucune règle matérielle relative aux modalités de l'exercice de cette compétence décisionnelle par l'organe communal choisi.

En l'absence de telles dispositions explicites dans le nouveau texte, les règles qui découlent du reste de la Cst. demeurent applicables. Ne dérogeant pas de manière suffisamment claire aux autres dispositions de la Cst., le nouveau texte doit effectivement être harmonisé de façon cohérente avec le droit constitutionnel en vigueur.

La volonté des initiants d'y déroger par leur
initiative n'est pas déterminante dès lors qu'elle ne trouve pas appui dans le texte de l'initiative. Ainsi, le choix de l'organe habilité à statuer sur les demandes de naturalisation et la procédure de décision devront continuer à garantir le respect des exigences en matière de protection de la sphère privée (cf. art. 13, al. 2, Cst.). De même, le droit d'être entendu et l'obligation de motiver les décisions de naturalisation qui en découle (cf art. 29, al. 2, Cst.)

resteront applicables, valant également pour des décisions qui ne sont pas susceptibles de recours.

3.2.2

Art. 38. al. 4, 2e phrase

La 2e phrase du nouvel art. 38, al. 4, Cst. proposé par l'initiative a la teneur suivante: «Les décisions de cet organe sur l'octroi du droit de cité communal sont définitives».

Le terme «définitif» peut avoir plusieurs sens. En droit fédéral actuel, il est utilisé notamment dans le sens d'irrévocabilité (par ex. art. 39 OPMéd, RS 811.112.1), d'entrée en force (par ex. art. 259i, al. 2, CO, RS 220; art. 14, al. 1, LExpr, RS 711), d'exclusion d'une intervention d'une autorité fédérale (art. 18; al. 1, LSEE, RS 142.20) ou d'exclusion du recours (par ex. art. 15, al. 4, LResp, RS 170.32; art. 1, al 3, 46, let. d, 47 al. 2, 47a, let. d, 74, let. e, PA, RS 172.021; art. 30, al. 2, 8498

LDP, RS 235.1; art. 190, al. 1, LDIP, RS 291; art. 80, al. 4, LAAM, RS 510.10; art. 66 LPPCi, RS 520.1).

En droit actuel, les décisions d'octroi du droit de cité communal ne sont définitives dans aucun sens du terme Les décisions positives des communes peuvent en effet être annulées par une décision contraire d'une autorité cantonale ou fédérale: refus de la citoyenneté cantonale ou de l'autorisation fédérale de naturalisation, annulation de la naturalisation, libération ou retrait ultérieur de la nationalité. Quant aux décisions négatives, elles ne sont pas irrévocables dans la mesure où elles n'empêchent pas le dépôt ultérieur d'une nouvelle demande de naturalisation auprès de la même commune. Elles ne sont pas non plus soustraites au recours, à tout le moins s'agissant du recours de droit public devant le Tribunal fédéral.

Selon les déclarations des initiants, le caractère définitif vise l'exclusion du recours.

Ce faisant, l'initiative établirait une exception expresse à la garantie de l'accès au juge de l'art. 29a Cst. Même envisagée uniquement sous cet angle, la notion est sujette à interprétation. Jusqu'à présent, une décision cantonale définitive au sens du droit fédéral est une décision qui échappe aux voies de droit fédérales qui permettent un plein contrôle du respect du droit fédéral (recours de droit administratif ou recours administratif) (par ex. art. 1, al. 3, 46, let. d, 47a, let. d, 74, let. e, PA, RS 172.021; art. 66 LPPCi, RS 520.1). Le caractère définitif laisse en revanche inchangée l'ouverture du recours de droit public devant le Tribunal fédéral et la possibilité d'une requête individuelle devant la Cour européenne des droits de l'homme, car il s'agit de voies de droit «extraordinaires», dont l'ouverture est limitée à la violation de droits fondamentaux.

Vu l'ambiguïté du terme «définitif» utilisé par l'initiative, celle-ci laisse au législateur fédéral une marge de manoeuvre quant à la mise en oeuvre. En cas d'acceptation de l'initiative, le législateur devra décider s'il concrétise le caractère définitif de la décision communale de manière extensive, conformément aux objectifs des initiants, ou de manière restrictive, conformément au sens usuel de la notion de décision cantonale définitive. Si le législateur fédéral devait opter pour l'interprétation extensive et,
par le biais d'une modification de la loi sur le Tribunal fédéral30, exclure le recours constitutionnel subsidiaire contre les décisions communales de naturalisation, cela aurait des répercussions sur les engagements internationaux de la Suisse (cf. infra 4.3).

4

Appréciation de l'initiative populaire «Pour des naturalisations démocratiques»

4.1

Conséquences pour les candidats à la naturalisation

L'initiative populaire porte uniquement sur la naturalisation ordinaire au niveau communal. Si le législateur fédéral se prononce en faveur d'une interprétation extensive (voir ch. 3.2.2) et, par conséquent, pour l'exclusion de toute voie de recours devant le Tribunal fédéral contre une décision communale en matière de naturalisation, les candidats à la naturalisation ne disposeront d'aucun moyen d'invoquer un vice de procédure ou une décision discriminatoire et ne pourront exiger l'examen de la légalité de la décision. Les personnes concernées ne pourront pas se prévaloir de 30

RS 173.110

8499

l'obligation légale de livrer des précisions sur les motifs du rejet. Il en sera autrement si le législateur interprète le caractère«définitif» d'une manière restrictive.

Dans ce cas, il sera possible de contester le rejet d'une demande de naturalisation en déposant un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral ou en formant une requête individuelle devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans les deux cas, de grandes imprécisions et insécurités du droit pourraient apparaître provisoirement sur l'étendue et l'applicabilité de la garantie de l'accès au juge.

4.2

Conséquences pour les cantons

En vertu du droit en vigueur, l'indépendance communale n'existe que dans le cadre de la législation cantonale. Or, l'initiative retire au canton la compétence de fixer l'organe communal habilité à statuer sur les demandes d'octroi du droit de cité. Les communes ne sont toutefois pas entièrement libres dans le choix de l'organe. Elles ne peuvent en effet créer un organe à cet effet que pour autant que le droit cantonal le permette. Elles ne peuvent par exemple attribuer la compétence décisionnelle à l'assemblée communale que si le droit cantonal les autorise à avoir un tel organe.

Actuellement, les cantons d'Appenzell Rhodes-Extérieures, de Bâle, de Genève, de Glaris, des Grisons, de Soleure, du Tessin, de Vaud, de Zurich et de Zoug ont prévu, dans leurs réglementations cantonales relatives au droit de cité, de conférer des droits aux candidats à la naturalisation qui remplissent certaines conditions au sens de la promotion de l'intégration. Si la présente révision constitutionnelle devait être appliquée, ces procédures facilitées ne pourraient plus être garanties dans leur totalité. Certes, le droit communal ne pourrait pas supprimer juridiquement le droit subjectif donné par le droit cantonal, mais l'exclusion d'un recours cantonal en réduirait considérablement la portée pratique.

4.3

Conséquences pour la Confédération

Si le législateur fédéral optait pour une interprétation extensive de la deuxième phrase de l'initiative (cf. supra 3.2.2) et excluait tout recours contre la décision d'une commune, la Suisse entrerait en collision avec la Convention sur le racisme car elle ne pourrait plus garantir le droit de recours en matière de naturalisation, visé à l'art. 6 de ladite Convention. Dans ce contexte, il sied de relever que la Suisse a reconnu la compétence du Comité selon l'art. 14 ICERD31 avec effet au 19 juin 2003. Par conséquent, les victimes d'actes discriminatoires ou xénophobes peuvent donner connaissance de cet état de fait au Comité par biais d'une «communication».

En cas de violation de la Convention sur le racisme, la Suisse devrait s'attendre à recevoir un blâme de la part du Comité. Il serait en revanche à priori possible de résoudre différemment le conflit avec le droit à un recours effectif des art. 13 CEDH et 2 du Pacte II lorsqu'est en cause une violation du droit à la protection des données personnelles à l'occasion d'une procédure de naturalisation. Une solution pourrait en effet consister à ouvrir le recours non pas contre la décision finale sur l'octroi du droit de cité cantonal mais contre les actes préparatoires qui concernent la communication de données personnelles. La mise en place d'une telle voie de droit poserait 31

RS 0.104

8500

néanmoins maint problème en raison notamment de son objet particulier et de la difficulté à assurer son efficacité. Il faut relever dans ce contexte que le Pacte II n'est pas dénonçable, de sorte que la Suisse devrait adopter les mesures nécessaires pour respecter ses obligations internationales tout en garantissant la mise en oeuvre de l'initiative.

5

Conséquences financières, économiques et effets sur l'état du personnel

La modification constitutionnelle en cas d'acceptation de l'initiative populaire n'a aucune conséquence financière ou économique pour la Confédération, ni d'effet sur l'état de son personnel.

6

Conclusions

Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas judicieux, en matière de nationalité, de revenir à la pratique antérieure aux arrêts du Tribunal fédéral de 2003. En effet, une telle situation juridique serait difficilement réalisable, même à la faveur de cette initiative. Par ailleurs, en cas d'acceptation de l'initiative, il faut s'attendre à de graves conflits avec le droit international. Or, le Conseil fédéral estime que les principes fondateurs de l'Etat de droit confèrent, aujourd'hui déjà, une marge de manoeuvre suffisante pour réintroduire le vote par la voie des urnes. Le projet de loi du Conseil des Etats du 27 octobre 2005 (IP Pfisterer) admet du reste cette possibilité. Il permet de concilier plus facilement les préceptes démocratiques en matière de naturalisation et le respect des principes de l'Etat de droit. L'expérience montre que les adaptations des procédures et des compétences cantonales consécutives aux arrêts du Tribunal fédéral fonctionnent bien et n'ont causé aucun problème majeur.

A cet égard, il convient de mentionner notamment la décision du souverain bernois du 25 septembre 2005 portant sur une modification de sa législation en matière de naturalisation. A l'échelon communal, ce n'est plus l'assemblée communale mais l'exécutif, à savoir les conseillers municipaux, qui est désormais compétent pour accorder la naturalisation. Dans le canton d'Obwald, les résultats du scrutin relatif à la révision de la loi cantonale sur le droit de cité vont dans le sens d'une adaptation du droit cantonal sur la nationalité aux principes de l'Etat de droit puisqu'il prévoit désormais l'obligation de motiver les refus et la possibilité d'interjeter recours contre ces refus32.

Par conséquent, le Conseil fédéral propose donc aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «pour des naturalisations démocratiques». Il estime que le projet de loi du Conseil des Etats concernant l'initiative parlementaire Pfisterer constitue un contre-projet indirect adapté. Si les Chambres fédérales opposent ce projet de loi comme contre-projet indirect, au niveau de la loi, à l'initiative populaire, le Conseil fédéral soutiendra cette démarche.

32

Selon la Feuille officielle du canton d'Obwald no 21 du 24 mai 2006, p. 780, ce projet a été accepté par 4180 oui contre 2391 non.

8501

8502