06.009 Message relatif à la loi sur l'usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (Loi sur l'usage de la contrainte, LUsC) du 18 janvier 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet de loi fédérale sur l'usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 janvier 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-0119

2429

Condensé Le droit actuel prévoit que les personnes séjournant illégalement en Suisse peuvent, si nécessaire, être rapatriées de force dans leur pays d'origine. Ces rapatriements forcés relèvent en principe de la compétence des autorités cantonales d'exécution.

La Confédération soutient toutefois activement les cantons; à titre d'exemple, on peut mentionner la préparation des documents de voyage et l'organisation centralisée des vols à partir des aéroports de Zurich ou Genève.

Suite à la survenance d'incidents graves dans le cadre de ces rapatriements, les cantons et la Confédération ont procédé à un examen du déroulement des rapatriements ainsi que des bases légales en vigueur. Ils sont arrivés à la conclusion que le cadre légal est souvent peu clair. Ainsi ils ont édicté des directives communes sur l'exécution des rapatriements, applicables à titre provisoire. Par ailleurs, les cantons ont prié la Confédération d'édicter une réglementation uniforme.

Lors de l'élaboration de cette réglementation, il est apparu que les organes d'exécution de la Confédération ne disposaient pas non plus de bases légales uniformes régissant l'usage de la contrainte policière (usage de la force physique, de moyens accessoires ou d'armes) ou des mesures policières (rétention, fouille).

Le présent projet constitue la base légale formelle pour l'usage de la contrainte par les organes de la Confédération ainsi que, dans le cadre du droit des étrangers, par les organes cantonaux d'éxécution. Les dispositions prévues concrétisent les exigences découlant du droit constitutionnel s'agissant de la contrainte et des mesures policières et règlent la formation des autorités compétentes.

2430

Table des matières Condensé

2430

1 Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Travaux préparatoires et demandes des cantons 1.1.2 Travaux du groupe d'experts 1.1.3 Consultation 1.2 Réglementation proposée 1.2.1 Objet de la réglementation 1.2.2 Nécessité et buts du projet 1.2.3 Champ d'application 1.2.4 Moyens accessoires et armes 1.3 Mise en oeuvre 1.4 Droit comparé 1.4.1 Droit cantonal 1.4.2 Réglementation de quelques Etats européens

2432 2432 2432 2433 2433 2434 2434 2434 2435 2435 2436 2437 2437 2437

2 Commentaires des dispositions

2438

3 Conséquences 3.1 Conséquences sur l'exécution 3.2 Conséquences pour les finances et le personnel 3.3 Autres conséquences

2452 2452 2452 2453

4 Rapport avec le programme de la législature

2453

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.1.1 Base constitutionnelle 5.1.2 Compatibilité avec les droits fondamentaux 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.2.1 Instruments du Conseil de l'Europe 5.2.2 Instruments de l'Union européenne 5.2.3 Instruments de l'ONU 5.3 Forme de l'acte 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Délégation de compétences législatives

2453 2453 2453 2454 2454 2454 2455 2455 2456 2456 2456

Loi fédérale sur l'usage de la contrainte et des mesures policières dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération (Projet)

2457

2431

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Travaux préparatoires et demandes des cantons

Le présent projet résulte d'une part de la demande des cantons d'être soutenus activement par la Confédération lors des rapatriements forcés d'étrangers (cf art. 22a de la loi du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, LSEE1) et, d'autre part, de situations tragiques au cours desquelles des personnes ont perdu la vie ou ont été blessées lors de ces rapatriements.

Ainsi, en décembre 1997, à l'initiative des cantons, un groupe de travail paritaire Confédération/cantons a été institué pour proposer un train de mesures relatives à l'exécution de renvois forcés par voie aérienne (Groupe de travail «Exécution des renvois»). Ce groupe de travail a rendu son rapport, intitulé «Passagers» en novembre 2000. Le rapport mettait en lumière, d'une part, la nécessité d'optimiser les renvois au niveau cantonal et, d'autre part, le besoin de coordonner la pratique des cantons en matière de renvois.

Pour mener à bien ces tâches, un nouveau groupe de travail a été institué, placé sous la responsabilité des cantons et comprenant à la fois des représentantes et des représentants des cantons et de la Confédération. Le mandat de ce groupe de travail («Passagers 2») était formulé de manière très large et devait comprendre des réflexions tant sur la sélection des compagnies aériennes que sur le statut des agents de police chargés d'un rapatriement, leur formation et les moyens d'optimiser la sécurité lors des rapatriements. Le groupe de travail avait également pour mandat de formuler des directives réglementant l'usage de la contrainte physique. Les travaux du groupe de travail ont notamment permis de: ­

préparer et mettre en oeuvre un cycle de formation pour les agents d'escorte en collaboration avec l'Institut suisse de police;

­

aborder les questions d'éthique que posait l'intervention des médecins lors de mesures de contrainte policières appliquées lors de l'exécution des renvois, en collaboration avec la Commission centrale d'éthique de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM);

­

élaborer des directives relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne; ces directives ont été adoptées le 11 avril 2002 par la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police (CCDJP).

Outre les mesures décrites ci-dessus, le groupe de travail «Passagers 2» a, dans son rapport, émis les recommandations suivantes:

1

­

aux cantons de reprendre les directives précitées dans leur législation cantonale;

­

à la Confédération d'édicter une réglementation fédérale sur l'usage de la contrainte.

RS 142.20

2432

1.1.2

Travaux du groupe d'experts

Sous l'impulsion des cantons (CCDJP) et à la suite des recommandations du groupe de travail «Passagers 2» (voir point 1.1.1), le Département fédéral de justice et police (DFJP) a chargé l'Office fédéral de la justice (OFJ) de nommer un groupe d'experts composé de représentants et de représentantes de la Confédération et des cantons. Le mandat du groupe d'experts était de rédiger un projet de loi relatif à l'usage de la contrainte policière dans les domaines relevant de la compétence de la Confédération. Le mandat était formulé de manière large et allait au-delà des recommandations du groupe de travail «Passagers 2» précité.

Diverses raisons plaidaient pour une extension du mandat: Actuellement, la majorité de la doctrine est d'avis que le recours à la contrainte ou aux mesures policières peut occasionner des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes concernées et, qu'en conséquence, les conditions et les moyens admissibles doivent être réglés par une base légale formelle. La plupart des cantons disposent actuellement d'une réglementation dans le cadre de leur législation sur la police. Au plan fédéral, il n'existe par contre pas de base légale formelle applicable de manière générale à l'usage de la contrainte policière. Il existe des réglementations spécifiques dans des domaines particuliers (loi sur l'armée, loi sur les douanes). Dans certains domaines, une réglementation est en préparation (service de sécurité des entreprises de transport, procédure pénale). Dans d'autres domaines toutefois, les bases légales sont insuffisantes (par exemple en matière de sécurité aérienne et en matière de sécurité des bâtiments et des installations de la Confédération). Les lacunes de la réglementation de même que son manque d'uniformité sont source d'incertitudes s'agissant des moyens admissibles, en particulier en cas de collaboration des divers organes d'exécution, au plan cantonal ou au plan fédéral.

Conformément au mandat qui lui avait été confié, le groupe d'experts a, le 21 mai 2004, livré au Département fédéral de justice et police un projet de loi ainsi qu'un rapport explicatif. Le champ d'application de ce projet était vaste et réglait l'usage de la contrainte et des mesures policières dans tous les cas où les autorités fédérales pouvaient être amenées à en faire usage lors de l'exécution
de leurs tâches. Le projet réglait par ailleurs l'usage de la contrainte et des mesures policières par les autorités fédérales et cantonales dans les domaines du droit d'asile et du droit des étrangers.

Enfin, le projet réglait l'usage de la contrainte et des mesures policières lors de transports de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté, pour autant que ces transports soient ordonnés par une autorité fédérale.

1.1.3

Consultation

Le Département fédéral de justice et police a décidé de donner suite à ce projet en le soumettant à une procédure de consultation. Tenant compte de la législation générale sur la police en préparation au plan fédéral, il a cependant décidé de modifier la teneur du projet en restreignant son champ d'application à l'exécution du droit d'asile et des étrangers ainsi qu'aux transports de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté, dans les cas où ces transports sont ordonnés par une autorité fédérale.

2433

De manière générale (sous réserve de trois exceptions), la volonté de réglémenter l'usage de la contrainte et des mesures policières a été favorablement accueillie lors de la procédure de consultation. Le champ d'application prévu à néanmoins été critiqué par une majorité des participants à la procédure de consultation. Si d'aucuns (rares) souhaitaient une restriction du champ d'application prévu, d'autres (nombreux) demandaient une extension du champ d'application à tous les cas d'usage de la contrainte policière par les organes de la Confédération de même qu'aux cas de transports intercantonaux de personnes soumises à une restriction de liberté. La liste des armes autorisées a fait l'objet de sérieuses critiques, en particulier s'agissant de l'admission des dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs).

Certaines propositions concernaient la procédure d'asile et n'ont ainsi pas pu être prises en considération. En effet, le présent projet se limite à régler l'usage de la contrainte et des mesures policières dans le cadre des décisions exécutoires prises selon le droit actuel. Le prononcé de décisions, de même que l'examen de la légalité de ces dernières est régi par la législation spécifique au domaine considéré.

1.2

Réglementation proposée

1.2.1

Objet de la réglementation

Le présent projet de loi a pour objet le maintien ou le rétablissement d'une situation conforme au droit par les organes d'exécution compétents. Font ainsi l'objet d'une réglementation: ­

la contrainte policière comme définie par l'art. 5 de la loi, à savoir l'utilisation de la force physique, des moyens accessoires (par exemple les divers types de liens) ainsi que des armes;

­

les mesures policières comme définies par l'art. 6 de la loi, à savoir la rétention de courte durée, la fouille de personnes, d'objets, de locaux ou de véhicules et le séquestre d'objets.

1.2.2

Nécessité et buts du projet

La réglementation prévue par le projet répond aux besoins pratiques des autorités chargées de faire usage de la contrainte et des mesures policières.

Elle vise les buts suivants: ­

réglementer dans la mesure du possible l'usage de la contrainte et des mesures policières par les autorités de manière uniforme;

­

assurer le respect des principes de l'Etat de droit (légalité, intérêt public, proportionnalité, respect du droit international);

­

assurer le respect des droits fondamentaux (égalité, interdiction de discriminer, protection contre l'arbitraire, droit à la vie et liberté personnelle, garanties générales de procédure).

2434

1.2.3

Champ d'application

Par rapport au projet mis en consultation, le champ d'application du projet a été étendu, se rapprochant ainsi de la teneur du projet de la commission d'experts. Dans la mesure où l'élaboration du projet de législation générale sur la police prendra plus de temps que prévu, le présent projet fournira, du moins provisoirement, la base légale nécessaire à l'usage de la contrainte et des mesures policières et en unifiera les modalités. Une intégration subséquente de la présente réglementation à la future législation sur la police reste possible et souhaitée.

Quelques cantons ont, dans le cadre de la consultation, émis le voeu que la présente loi règle également les transports intercantonaux de détenus. Une telle manière de faire aurait été admissible sur la base de l'art. 57, al. 2, Cst. Il y a pourtant été renoncé, en particulier à la demande de la CCDJP.

Du point de vue institutionnel, le projet concerne en principe toutes les autorités amenées à faire usage de la contrainte ou des mesures policières dans le cadre l'exécution des tâches qui leur sont confiées par la loi. Le projet concerne également les autorités cantonales amenées à faire usage de la contrainte ou des mesures policières: ­

dans les domaines du droit des étrangers et de l'asile;

­

dans le cadre des tâches relevant de la police judiciaire de la Confédération qu'elles assument en collaboration avec les organes de police de la Confédération;

­

dans le cadre des transports de détenus qu'elles effectuent sur mandat de la Confédération.

Le projet concerne également les particuliers qui exécutent ces tâches pour le compte des autorités en qualité d'auxiliaires.

L'armée n'est que partiellement soumise au champ d'application de la loi. La présente loi ne s'applique en effet à la troupe que lorsqu'elle intervient en Suisse en qualité de service d'appui au profit d'autorités civiles de la Confédération (art. 67 ss de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire2, par exemple lors des missions de soutien des gardes-frontières; s'agissant de ces questions, voir aussi le commentaire relatif à l'art. 2 de la loi).

1.2.4

Moyens accessoires et armes

L'usage de la contrainte ou des mesures policières constitue une atteinte importante aux droits fondamentaux. Les moyens auxiliaires et les armes admissibles doivent ainsi être énumérées dans la loi formelle. Par rapport au projet mis en consultation, la liste des moyens auxiliaires et armes admissibles doit être quelque peu élargie pour tenir compte de l'extension du champ d'application. Par contre, les moyens admissibles doivent être différenciés selon les domaines; c'est pourquoi la loi prévoit que le Conseil fédéral déterminera par voie d'ordonnance quels moyens auxiliaires et quelles armes sont admissibles selon les domaines d'application.

2

RS 510.10

2435

La question de l'admissibilité des dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs) a fait l'objet de vifs débats dans le cadre de la consultation. Parmi les raisons en faveur de leur admissibilité, on peut citer que ce sont des armes efficaces à courte distance. Par ailleurs, il est admis qu'ils présentent sensiblement moins de risques que les armes à feu, tant pour les personnes directement concernées que pour les tiers. Parmi les raisons qui s'opposent à leur admissibilité, on peut mentionner que l'on ne dispose pas de données fiables sur les éventuelles séquelles à long terme qu'ils pourraient avoir sur les personnes à l'encontre desquelles ils seraient utilisés.

Compte tenu de la forte opposition qui s'est manifestée lors de la consulation, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion, qu'à ce stade, l'admission de ces dispositifs ne s'imposait pas et qu'ils ne devaient ainsi pas figurer dans la liste des armes autorisées.

1.3

Mise en oeuvre

Le projet fixe les modalités de l'usage de la contrainte et des mesures policières. Il contient diverses règles matérielles concernant la formation des organes d'exécution et impose la coordination des divers types de formation. Fondamentalement, le projet ne prévoit pas de nouvelles activités d'exécution mais réglemente les modalités de celles qui sont effectuées aujourd'hui déjà. Ainsi, hormis l'élaboration de certaines dispositions d'exécution et les tâches qui y sont liées, le projet n'impliquera de nouvelles tâches ni pour les organes d'exécution de la Confédération, ni pour les organes d'exécution des cantons.

S'agissant de l'adaptation des dispositions d'exécution, on peut faire les remarques suivantes: Il n'est pas prévu de grouper en un seul acte et d'unifier toutes les ordonnances qui ont trait à l'équipement et à la formation des personnes pouvant être amenées à faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les nouvelles bases légales uniformes ainsi que les clauses de délégation au Conseil fédéral permettront de procéder à une harmonisation matérielle des dispositions applicables et de les compléter, en particulier s'agissant des moyens auxiliaires et des armes admissibles, selon les tâches à effectuer. Ainsi, les ordonnances d'exécution de la loi sur l'armée qui ont trait à l'équipement, à la formation et au service d'appui au profit d'autorités civiles resteront en vigueur. Certaines adaptations sont parfois nécessaires. A titre d'exemple on peut citer l'ordonnance du 26 octobre 1994 sur les pouvoirs de police de l'armée3 qui, sur le plan matériel, correspond pour l'essentiel aux nouvelles dispositions légales; les adaptations à effectuer seront de portée limitée. La même remarque s'applique s'agissant des ordonnances d'exécution applicables aux gardesfrontières. Par contre il sera nécessaire d'édicter des dispositions d'exécution relatives au service fédéral de sécurité et à la police judiciaire fédérale puisque, grâce au présent projet, ces domaines seront désormais régis par une base légale formelle.

Il est envisageable de synthétiser les dispositions applicables à la formation dans une seule ordonnance, en particulier les dispositions concrétisant l'art. 30 du projet (contenu et objectifs de la formation).

3

RS 510.32

2436

1.4

Droit comparé

1.4.1

Droit cantonal

Les réglementations cantonales dans ce domaine sont très disparates, tant en ce qui concerne leur forme juridique, que leur densité normative, leur contenu, leur terminologie et leur systématique. Dans quelques cas, le droit cantonal ne prévoit pas encore de base légale et les dispositions sont contenues dans des règlements de police. Au niveau matériel, le point commun de ces réglementations est que l'usage d'armes à feu est réglé de manière relativement détaillée et homogène. Sont également réglées de manière relativement détaillée la fouille et la rétention de personnes.

Sont par contre peu homogènes les dispositions relatives à l'usage de moyens accessoires, par exemple les divers types de liens. Par ailleurs, l'usage de la force physique ainsi que des armes autres que les armes à feu (comme les matraques ou les substances irritantes) sont réglementées de manière lacunaire et disparate.

1.4.2

Réglementation de quelques Etats européens

Un avis4 de l'Institut suisse de droit comparé présente les réglementations de l'usage de la contrainte policière dans divers Etats européens au nombre desquels on peut citer la Belgique, l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Autriche et les Pays-Bas.

Le droit autrichien règle l'usage des armes par les organes de police de manière détaillée dans le cadre de la loi formelle. L'usage de la force physique et des autres moyens de contrainte est réglé par la loi de manière plutôt générale. En application du principe de la proportionnalité, les autorités judiciaires ont développé une casuistique détaillée en la matière5.

Le droit belge règle les principes généraux de l'usage de la contrainte policière dans une loi formelle, en insistant particulièrement sur les principes de la légalité, de la nécessité, de l'opportunité et de la proportionnalité des mesures. Les armes et moyens auxiliaires autorisés pour les différents corps de police sont énumérés de manière détaillée au niveau de la réglementation d'exécution6.

Le droit allemand règle l'usage de la contrainte policière de manière détaillée au niveau de la loi formelle. Au niveau fédéral, une loi spécifique (Gesetz über den unmittelbaren Zwang bei Ausübung öffentlicher Gewalt durch Vollzugsbeamte des Bundes vom 10. März 1961) fournit la base légale générale. On note toutefois une importante atomisation des règles spécifiques dans divers textes législatifs de l'Etat fédéral, leurs ordonnances d'exécution ainsi que dans la législation des Länder7.

Le droit français règle en particulier l'usage des armes. Le texte de base en la matière est le décret du 18 avril 1939 sur le matériel de guerre, les armes et les munitions. L'usage, par les divers organes étatiques, des armes qui y sont énumérées fait l'objet de nombreux décrets particuliers. L'usage des autres moyens de 4

5 6 7

Avis sur les réglements d'utilisation des moyens de contrainte physique ­ Autriche, Belgique, Allemagne, France, Italie, Pays-Bas; Avis 03-072 du 28 novembre 2003 (Avis ISDC). Cet avis peut être consulté auprès de l'Office fédéral de la justice.

Avis ISDC, p. 12 ss.

Avis ISDC, p. 33 ss.

Avis ISDC, p. 46 ss.

2437

contrainte par la police judiciaire est réglé de manière générale au niveau de la loi formelle par le biais de la procédure pénale; pour l'essentiel, il est toutefois régi par des dispositions réglementaires et par la pratique8.

Le droit italien contient, dans quelques lois spéciales, des dispositions isolées relatives à l'usage de la contrainte policière. Toutefois, pour l'essentiel, ce sont les motifs justificatifs du droit pénal qui servent à justifier l'usage de la contrainte policière par les organes étatiques. L'équipement des divers corps de police et forces de sécurité fait l'objet de dispositions réglementaires détaillées9.

Le droit des Pays-Bas contient, dans une loi applicable aux divers corps chargés d'assurer la sécurité, des dispositions générales sur l'usage de la contrainte, des dispositions relatives à la fouille , ainsi qu'un renvoi au principe de la proportionnalité. L'armement, l'équipement et, en particulier, l'opportunité de l'usage des divers moyens de contrainte font l'objet de dispositions réglementaires détaillées10.

2

Commentaires des dispositions

Art. 1 La consultation des cercles intéressés a montré que l'objet de la réglementation proposée pouvait prêter à confusion. L'art. 1 vise à clarifier d'emblée l'objet de la loi.

Art. 2 Pour des considérations générales relatives au champ d'application, nous renvoyons au point 1.2.3. Il est par ailleurs important de préciser que le présent projet n'attribue pas de compétences aux autorités d'exécution; il a uniquement pour but de définir les modalités d'usage des compétences résultant de la législation spécifique à chaque domaine.

L'al. 2, concernant la restriction du champ d'application en ce qui concerne l'armée, mérite quelques explications. Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans réserves lorque l'armée intervient comme service d'appui au profit d'autorités civiles de la Confédération. Dans la mesure où ces dernières sont soumises à la loi, il se justifie d'appliquer les mêmes dispositions s'agissant de l'usage de la contrainte et des mesures policières. Pour le service d'assistance au profit d'autorités cantonales, ce sont en règle générale les dispositions cantonales qui s'appliquent. L'art. 6 de l'ordonnance du 26 octobre 1994 concernant les pouvoirs de police de l'armée11 permet en effet au Département fédéral de la protection de la population et des sports d'ordonner l'application des prescriptions civiles concernant les mesures policières de contrainte pour les organes de police et les troupes. Les engagements dans le service de promotion de la paix au sens des art. 66 ss de la loi sur l'armée sont soumis aux «Rules of engagement» faisant l'objet d'une convention. Les servi-

8 9 10 11

Avis ISDC, p. 73 ss.

Avis ISDC, p. 106 ss.

Avis ISDC, p. 128 ss.

RS 510.32

2438

ces d'instruction au sens des art. 41 ss ainsi que le service actif au sens des art. 76 ss sont exclusivement régis par le droit militaire.

S'agissant de l'art. 1, al. 1, let. e, disposant que la loi est également applicable aux particuliers qui exécutent des tâches pour le compte des autorités, il faut relever que sont aussi visés les cas où la loi elle-même prévoit une délégation de tâches à des particuliers. Par particuliers, on entend également des entreprises de sécurité.

Les transports intercantonaux de personnes privées de liberté qui seraient ordonnés par des autorités cantonales ne sont pas visés par la loi, bien que de nombreux cantons aient appelé une telle solution de leurs voeux dans le cadre de la procédure de consultation. Considérant que cette matière devait pouvoir être réglée par les cantons, le Conseil fédéral a néanmoins décidé de ne pas l'inclure dans son projet.

Art. 3 Diverses lois de procédure de la Confédération contiennent des dispositions en relation avec la contrainte et les mesures policières. On peut notamment citer les art. 40 ss de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative12, les art. 65 ss de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale13, les art. 45 ss de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif14 ou les art. 54 ss de la loi fédérale du 23 mars 1979 sur la procédure pénale militaire15. La loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes16 contient également des dispositions spécifiques relatives à l'usage de la contrainte et des mesures policières.

L'art. 3 marque le caractère subsidiaire des dispositions de la présente loi dans les cas où le droit fédéral de procédure contient ce type de dispositions. Dans cette hypothèse, la présente loi s'applique aux modalités de l'usage de la contrainte ou des mesures policières, en réservant toutefois les éventuelles conditions prévues par les lois de procédure.

Art. 4 En excluant les actes accomplis en cas de légitime défense ou d'état de nécessité, cette disposition prévoit une exception au champ d'application matériel. Cela nécessite quelques explications.

L'usage de la contrainte peut avoir lieu tant pour assurer l'exécution d'obligations légales que pour écarter un danger. Dans l'un et l'autre cas, les dispositions de la loi s'appliquent. On peut ainsi se
demander s'il se justifie que les autorités concernées puissent se prévaloir du régime d'exception prévu par le Code pénal alors qu'elles écartent un danger en situation de légitime défense ou d'état de nécessité, en faisant usage de la contrainte policière telle qu'elle est réglée par la loi.

A cet égard, il faut distinguer les aspects de droit pénal et les aspects de droit administratif. Du point de vue du droit pénal, les actes de contrainte des autorités d'exécution peuvent présenter les éléments constitutifs d'une infraction (par exem-

12 13 14 15 16

RS 172.021 RS 312.0 RS 313.0 RS 322.1 FF 2005 2139

2439

ple, les éléments constitutifs de l'art. 126 du Code pénal (CP)17. Dans ce type de cas, les art. 32 à 34 CP s'appliquent. L'art. 32 CP dispose que l'acte ordonné par la loi ou par un devoir de fonction ne constitue pas une infraction; cela vaut également lorsque ces actes présentent les éléments constitutifs d'une infraction. Si, lors d'une situation d'urgence, les organes d'exécution font usage de la contrainte en allant au-delà de ce que la loi autorise, tant au niveau de l'intensité de l'atteinte que des moyens utilisés, leurs actes ne sont plus couverts par leur devoir légal ou de fonction.

Dans le cadre d'une éventuelle procédure pénale, la personne en cause pourrait toutefois se prévaloir des art. 33 et 34 CP sur la base desquels elle pourra se voir libérer de toute peine ou voir sa peine atténuée par le juge.

Du point de vue du droit administratif, la question se pose de savoir si les actes des autorités d'exécution accomplis en situation de légitime défense ou d'état de nécessité doivent être soumis à des règles particulières (par exemple, extension de la liste des moyens auxiliaires ou des armes autorisées). Se pose également la question de savoir si une infraction à ces règles particulières doit être sanctionnée disciplinairement. C'est précisément la caractéristique de la légitime défense et de l'état de nécessité de ne pouvoir être régis par un cadre légal rigide. Il ne ferait ainsi pas beaucoup de sens de régler préventivement dans le cadre du droit administratif les actes intervenant dans ce type de situation et ce faisant, de limiter encore davantage les organes de l'état lorsqu'ils doivent faire face à des situations d'urgence.

Il est donc approprié de soustraire du champ d'application de la loi les actes accomplis en situation de légitime défense ou d'état de nécessité.

Il est toutefois important de souligner que, dans de tels cas, l'exclusion du champ d'application n'a lieu que pour un court laps de temps. En effet, aussitôt que la situation de détresse a pris fin et que le danger imminent a disparu, la loi est nouveau applicable. Il n'y a ainsi pas lieu de craindre que les dispositions relatives à l'assistance médicale ne soient pas applicables à ces situations, comme l'ont exprimé certains participants à la procédure de consultation.

Art. 5 Cette disposition concrétise la
notion de contrainte policière en établissant une liste des différentes formes que cette dernière peut revêtir. Relèvent ainsi de la contrainte policière, l'usage de la force physique, des moyens auxiliaires et des armes. Ces différentes formes de contrainte policière font l'objet de dispositions spécifiques du projet de loi (voir commentaires ad art. 13 à 16). A noter que la réglementation prévue n'exclut toutefois pas que les organes cantonaux d'exécution, se basant sur la législation cantonale, soient munis d'autres moyens auxiliaires ou d'autres armes (voir commentaire ad art. 17).

Art. 6 Par mesures policières, on entend la rétention de personnes pour une courte durée, la fouille de personnes, de locaux et de véhicules ainsi que le séquestre de biens. Les mesures policières dépassent le cadre de la contrainte policière proprement dite. Le projet de loi les inclut néanmoins afin de combler certaines lacunes du droit fédéral, 17

RS 311.0

2440

en particulier dans les domaines du Service fédéral de sécurité ainsi que du droit d'asile et des étrangers. Selon la conception retenue par le projet, la contrainte et les mesures policières sont étroitement liées, la contrainte policière ne pouvant qu'être destinée à exercer une mesure policière.

Art. 7 Cette disposition rappelle le principe selon lequel la présente loi n'a pas pour objet d'attribuer aux autorités d'exécution la compétence de faire usage de la contrainte ou des mesures policières. L'attribution de ces compétences résulte de la législation propre à chaque domaine.

La présente loi a ainsi pour objet de régler les principes généraux, ainsi que les modalités et les moyens admissibles pour les autorités habilitées à faire usage de la contrainte et des mesures policières en vertu d'autres lois. A titre d'exemples on peut citer: ­

les autorités fédérales chargées de l'exécution de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure18;

­

les autorités fédérales et cantonales chargées de l'exécution du droit d'asile et des étrangers;

­

la police judiciaire fédérale;

­

les autorités d'exécution fédérales et cantonales qui effectuent des transports de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté;

­

les troupes de l'armée qui interviennent en Suisse comme service d'appui au profit d'autorités civiles de la Confédération;

­

les services des douanes et des gardes-frontières;

­

les services de sécurité des entreprises de transport au bénéfice d'une concession de la Confédération.

Art. 8 Cette disposition s'adresse aux autorités d'exécution. Ces autorités ne peuvent charger de faire usage de la contrainte et des mesures policières que des personnes spécifiquement formées à cet effet. La formation des personnes qui peuvent être amenées à faire usage de la contrainte policière est un aspect important de la loi (voir section 7). La formation doit garantir un usage de la contrainte policière proportionné aux circonstances et le respect de l'intégrité des personnes à l'encontre desquelles les mesures sont appliquées. Le contenu de la formation est défini de manière relativement détaillée par l'art. 30 de la loi et porte tant sur les aspects techniques que psychologiques et juridiques de l'usage de la contrainte, de même que sur l'évaluation des risques pour la santé et la dispensation des soins de premier secours. Dans les domaines visés par la présente loi (loi sur l'asile, loi sur les étrangers), cette disposition touche tant le personnel des cantons que le personnel de la Confédération. Par ailleurs, les particuliers qui exécutent des tâches pour le compte des autorités d'exécution doivent naturellement également bénéficier d'une formation spécifique.

18

RS 120

2441

Art. 9 Les principes relatifs à l'usage de la contrainte et des mesures policières se réfèrent aux principes de l'activité de l'Etat régi par le droit, qui sont définis par l'art. 5 de la Constitution (Cst.)19.

L'al. 1 rappelle l'exigence d'une base légale pour l'usage de la contrainte policière.

La base légale est en règle générale une loi qui définit les situations conformes au droit et les dangers à écarter, et autorise l'Etat à agir. On admet comme intérêt public, pour justifier une intervention de l'Etat, la protection de l'ordre public, de la sécurité, de la santé et de la moralité publiques. La liste non exhaustive des motifs d'intervention des autorités contribue à préciser les intérêts publics que l'on entend protéger.

Lorsqu'il s'agit d'écarter un danger, on peut également se référer à la clause générale de police réservée par la Constitution (art. 36, al. 1, 2e phrase, Cst.).

Les autorités agissent parfois à la limite de l'intérêt public, lorsqu'elles interviennent pour protéger les personnes contre elles-mêmes; on peut toutefois admettre qu'il existe un intérêt public aussi longtemps que la capacité de discernement de la personne concernée est mise en doute.

Les al. 2 et 3 concrétisent l'exigence du respect du principe de la proportionnalité prévu par la Constitution. Le respect de ce principe lors de l'usage de la contrainte est à la base de la présente loi. D'une part, l'usage de la contrainte doit être proportionné aux circonstances et aux possibilités de résistance de la personne concernée.

D'autre part, les atteintes doivent être proportionnées au but visé. C'est ainsi qu'un simple contrôle d'identité ne peut en aucun cas justifier une contrainte présentant un danger vital, comme l'usage d'une arme à feu.

L'al. 4 interdit les traitements cruels, dégradants ou humiliants. Cet alinéa n'a pas de portée constitutive mais découle de la Constitution et de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)20. Il faut relever que s'il existe des procédés qui sont en soi dégradants ou humiliants (comme des expressions ou des gestes obscènes à l'encontre de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté), il existe aussi des situations où cela dépend des circonstances particulières (sensibilité des personnes ou intention
des autorités d'exécution).

Art. 10 Cette disposition tend à la fois à protéger les autorités d'exécution et les personnes à l'encontre desquelles il faut user la contrainte.

Les personnes concernées doivent, grâce à l'avertissement, avoir la possibilité de se conformer aux injonctions des autorités d'exécution, sans que ces dernières ne doivent faire usage de la contrainte. L'avertissement peut permettre aux autorités d'exécution d'éviter des réactions de défense ou de peur incontrôlées. La réglementation doit néanmoins également permettre aux autorités d'agir par surprise dans certaines circonstances. A titre d'exemple on peut mentionner les cas de rapatriements forcés lorque plusieurs tentatives ont déjà échoué en raison de l'opposition des personnes concernées. Les raisons permettant de renoncer à l'avertissement ne 19 20

RS 101 RS 0.101

2442

peuvent faire l'objet d'une liste exhaustive tant la diversité des situations susceptibles de se présenter est grande. Au nombre de ces raisons, on peut néanmoins mentionner le risque de fuite, un danger imminent ou la prévention d'une infraction. A noter que l'avertissement doit rester la règle et le fait d'y renoncer, l'exception. Par ailleurs, en cas de légitime défense ou d'état de nécessité, l'exception prévue par l'art. 4 est de toute manière applicable.

Art. 11 L'usage d'armes est la plus grave des contraintes policières. C'est pourquoi l'al. 1 précise qu'il doit être un moyen ultime. L'al. 2 précise les cas dans lesquels l'usage d'armes peut être envisagé. Seule une infraction grave peut motiver l'usage d'une arme comme moyen ultime. Le tir de sommation prévu à l'al. 3 est exceptionnel et ne se justifie que si l'avertissement reste sans effet. L'al. 4 dispose en outre que tout usage d'arme doit faire l'objet d'un rapport à l'autorité compétente. La notion d'arme est définie par la législation sur les armes.

Art. 12 L'obligation pour les personnes chargées de faire usage de la contrainte d'être identifiables est le corollaire du droit des personnes concernées de dénoncer d'éventuels abus auprès des autorités compétentes. Ces dernières examineront si les principes de la légalité, de la proportionnalité et de l'opportunité ont été respectés lors de l'usage de la contrainte ou des mesures policières. Cette obligation d'être identifiable, dont les participants à la consultation ont souvent souligné l'importance, pourra par exemple être concrétisée par un numéro d'identification et l'obligation de garder son visage à découvert. Pour des raisons évidentes de sécurité, elle n'impliquera néanmoins pas obligatoirement l'indication des nom et prénom des personnes chargées de faire usage de la contrainte.

Art. 13 Il a paru indispensable d'interdire certaines techniques lorsque ces dernières pourraient mettre en péril la santé des personnes à l'encontre desquelles elles pourraient être utilisées. Sont visées ici les techniques qui peuvent mettre en danger la vie ou qui sont de nature à causer une atteinte irréparable ou durable à la santé des personnes. De graves accidents lors de rapatriements ont en effet mis en lumière les dangers que pouvaient comporter certaines positions chez des personnes en
état de stress important (asphyxies positionnelles). Les besoins en oxygène d'une personne en état de stress sont augmentés de manière considérable; c'est pourquoi les personnes pouvant être amenées à faire usage de mesures de contrainte ne doivent utiliser aucun procédé pouvant entraver les voies respiratoires. Dans le projet de loi, l'interdiction de certains procédés est formulée sous forme de clause générale. Il appartiendra ensuite au Conseil fédéral de préciser les moyens interdits en fonction de l'évolution des connaissances.

Art. 14 Les deux premiers alinéas de cette disposition définissent de manière générale les moyens admissibles et les moyens interdits. L'al. 3 délègue au Conseil fédéral le soin de concrétiser ces normes générales en établissant une liste des moyens auxi2443

liaires admissibles et des moyens auxiliaires interdits. Seuls les moyens déclarés admissibles par le Conseil fédéral selon l'al. 3 pourront être utilisés par les autorités Il n'aurait pas été approprié que la loi donne une liste complète des moyens auxiliaires admissibles. Une telle manière de faire manquerait de souplesse et ne pourrait tenir compte de l'évolution des connaissances s'agissant des moyens à admettre ou des moyens à interdire.

Les moyens auxiliaires ne comprennent pas de moyens tels que les canons à eau, dont l'utilisation est faite à l'encontre d'un groupe de personnes. De tels moyens sont plutôt utilisés par les autorités cantonales lorsqu'elles veillent au maintien de l'ordre selon le droit cantonal.

Art. 15 La loi autorise l'usage de matraques, de bâtons de défense ou d'armes à feu. Par contre, elle ne permet pas l'usage de dispositifs incapacitants (appareils à électrochocs). Les armes admissibles seront différenciées selon les domaines d'application (cf art. 16).

Art. 16 Tel qu'il est défini par l'art. 2, le champ d'application de la loi est large. C'est pour tenir compte de cette dimension que cette disposition délègue au Conseil fédéral la compétence de déterminer quels moyens auxiliaires et quels armes sont admissibles en fonction des divers domaines d'application. La nécessité de différencier les moyens admissibles selon les domaines résulte du principe de la proportionnalité.

Concrètement cela signifie que, dans certaines circonstances, l'usage d'armes devra être exclu, notamment lors de rapatriements par voie aérienne. Par ailleurs, aujourd'hui déjà, lors de rapatriements spécialement sécurisés, l'escorte ne détient aucune arme.

Art. 17 Il appartient au Conseil fédéral de concrétiser cette disposition et de désigner les types d'armes autorisés dans le cadre des armes admissibles. Le Conseil fédéral définira également les spécifications techniques des armes et des munitions. Cette norme de délégation doit permettre d'adapter périodiquement la liste à l'évolution de la technique.

Cette disposition tient également compte du fait que la loi s'applique tant aux autorités fédérales que, dans certains domaines, aux autorités cantonales. Comme le prévoit l'al. 2, l'équipement des autorités cantonales qui accomplissent des tâches selon la présente loi est régi par le droit
cantonal. L'art. 16 précise néanmoins qu'il appartient au Conseil fédéral de déterminer les moyens auxiliaires et les armes qui peuvent être utilisés dans le cadre de la loi. Concrètement, cela signifie qu'il est imaginable qu'un policier cantonal soit équipé de dispositifs qu'il ne sera pas autorisé à utiliser dans l'exercice de ses tâches qui entrent dans le champ d'application de la présente loi.

2444

Art. 18 Cette disposition répond aux voeux exprimés par les cantons lors de la procédure de consultation. Cette obligation de les entendre est naturellement justifiée. Il n'est effet pas question que la Confédération légifère en la matière sans tenir compte de l'expérience des polices cantonales.

Art. 19 La notion de rétention est une notion générale qui englobe toutes les formes de restriction de liberté, de la simple appréhension jusqu'à la rétention pour une durée de 24 heures. Elle se distingue de l'arrestation formelle confirmée par le juge.

La rétention de courte durée est soumise aux conditions de l'art. 9 de la loi, à savoir qu'elle n'est possible que pour écarter un danger, pour effectuer des transports, empêcher la fuite ou encore identifier des personnes. Un dépassement de cette durée maximale de rétention n'est possible que si une autre base légale le permet. A titre d'exemple, on peut citer le projet de révision de la loi fédérale du 31 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers21, adoptée par le Parlement le 16 décembre 2005, dont l'art. 3a prévoit, dans certains cas, une durée de rétention maximale plus longue.

L'information prévue à l'al. 1, let. a, relative à la motivation de la rétention doit être proportionnée à la durée de la rétention. Si la rétention est motivée par un simple contrôle d'identité, cette indication suffit.

Art. 20 La fouille de personnes doit évidemment respecter les dispositions générales de la loi à savoir qu'elle ne peut être ordonnée que pour les raisons mentionnées à l'art. 9, en particulier pour écarter un danger ou pour identifier des personnes. La fouille corporelle ne peut viser d'autres buts, comme par exemple la recherche de preuves de l'existence d'un délit. Dans ce dernier cas, les autorités d'exécution doivent se baser sur les règles de procédure pénales applicables en la matière et non pas sur la loi sur l'usage de la contrainte policière.

Les al. 1 et 2 disposent que la fouille impliquant un contact corporel doit être opérée par une personne du même sexe que la personne concernée et être effectuée à l'abri de regard de tiers. Selon l'al. 3, ces exigences ne sont pas applicables à la palpation d'une personne soupçonnée de transporter des armes ou des objets dangereux. Cette exception répond à des nécessités pratiques des autorités
d'exécution.

Art. 21 Le renvoi à la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif22, s'agissant de la procédure de séquestre, signifie qu'elle s'applique chaque fois qu'une disposition spécifique fait défaut. Par ailleurs, l'application du droit pénal administratif est subsidiaire à toute autre disposition spécifique prévue par le domaine concerné; à titre d'exemple on peut citer la législation douanière.

21 22

RS 142.20 RS 313.0

2445

Art. 22 Si l'usage de la force occasionne des blessures, les autorités d'exécution doivent donner les premiers secours. Le corollaire de cette disposition est le fait que les personnes pouvant être amenées à faire usage de la contrainte policière doivent bénéficier d'une formation en matière de premiers secours. Le projet prévoit expressément un tel contenu dans le cadre de la disposition relative à la formation (voir art. 30, let. d, du projet).

Art. 23 Cette disposition tient compte du fait que l'usage de la force physique ainsi que l'usage de moyens auxiliaires ou d'armes peut causer des blessures aux personnes concernées. Il n'est pas toujours facile de déterminer s'il s'agit de blessures légères, comme des égratignures, ou s'il s'agit de blessures graves, telles des lésions internes. En cas de doute à ce sujet ­ en cas d'intervention massive ou de bagarre ­ il est tant dans l'intérêt de la personne blessée que des organes d'exécution qu'un examen médical soit effectué. D'une part un tel examen est de nature à permettre d'éviter la survenance d'éventuelles lésions secondaires; d'autre part, il peut servir de moyen de preuve en cas de dépôt de plainte. L'examen de la santé physique ou psychique peut, dans une certaine mesure, également se justifier en cas de rétention lorsque'une atteinte importante à la santé ne peut être exclue.

Dans le cadre de la consultation, cette disposition a fait l'objet de diverses demandes de modifications et de précision. Par exemple, d'aucuns ont demandé que l'examen médical soit effectué dans tous les cas. D'autres sont d'avis qu'un examen médical ne doit être entrepris qu'en cas de blessures manifestes. Selon certains, la loi doit préciser quand et comment l'examen médical doit avoir lieu en cas de rapatriement.

Le Conseil fédéral est d'avis qu'un examen médical après chaque usage de la contrainte ne se justifie pas. Les atteintes à la santé sont exceptionnelles dans ces situations. On ne peut toutefois pas se limiter aux blessures apparentes. Selon les circonstances et les réactions de la personne concernée, il faut prendre également en compte la survenance de lésions internes ou d'un état de choc.

Art. 24 Une personne doit faire l'objet d'une surveillance médicale, si des complications médicales sont à craindre ou si elle doit être calmée à l'aide de
médicaments pour des raisons médicales. La surveillance médicale ne doit pas être obligatoirement être effectuée par un médecin; selon les circonstances, elle peut également être effectuée par un membre du personnel soignant disposant d'une formation adéquate.

La surveillance médicale est impérative si une personne doit être calmée à l'aide de médicaments. La question de savoir si des complications médicales sont à craindre et nécessite un accompagnement pendant le vol doit être tranchée par un médecin, avant le vol.

Art. 25 Selon la législation sur les médicaments, ces derniers ne peuvent être prescrits et remis que pour dépister, prévenir ou traiter des maladies, des blessures ou des infirmités. Les règles reconnues des sciences pharmaceutiques et médicales doivent être respectées lors de la prescription et de la remise de médicaments et un médicament 2446

ne doit être prescrit que si l'état de santé du consommateur ou du patient est connu (art. 26 de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques23). Seuls des médecins peuvent prescrire des médicaments soumis à ordonnance. Les art. 24 et 25 de la loi précitée énumèrent en outre les personnes autorisées à remettre des médicaments, selon que ces derniers sont soumis à ordonnance ou non. Les dispositions cantonales en la matière doivent également être observées. En outre, la déontologie médicale impose en principe le consentement du patient à un traitement. Les traitements administrés de force dans l'intérêt de la personne concernée ne sont admissibles que dans le cadre des lois de santé cantonales ou de la législation fédérale sur les épidémies, et ce de manière très restrictive.

Dans le cadre de la consultation, certains cantons ont fait valoir que, sous l'angle de la proportionnalité, l'administration de calmants serait pour les personnes concernées moins invasive que l'utilisation de moyens accessoires ou d'armes. L'utilisation de calmants en lieu et place de moyens auxiliaires serait un détournement de l'usage des médicaments; cela ne serait en soi pas exclu mais devrait être expressément prévu par la présente loi, comme dérogation à la législation sur les médicaments. A l'encontre d'une telle solution, on peut invoquer que la prescription de médicaments ne saurait intervenir sans le concours d'un médecin et que la collaboration d'un médecin ou de personnel médical à l'administration de médicaments à des fins non médicales et sans le consentement de la personne concernée violerait les règles de la déontologie médicale. En conséquence, la présente loi rappelle clairement que la remise de médicaments ne peut avoir lieu que s'il existe des indications médicales et dans le cadre prévu par les législations sur les médicaments et la santé publique.

Art. 26 La section 6 de la loi contient des dispositions spécifiques relatives au transport de personnes soumises à une mesure de restriction de liberté. Lorsqu'il relève du champ d'application de la présente loi, le transport de personnes doit obéir à des critères uniformes. L'al. 2 délègue au Conseil fédéral le soin de fixer ces critères. Devront en particulier être réglés les points suivants: la préparation des rapatriements, les circonstances
dans lesquelles les personnes doivent être immobilisées à l'aide de liens, les conditions que doivent remplir les moyens de transport et les besoins devant être pris en considération lors de transports de longue durée (repas, sommeil et autres besoins essentiels).

S'agissant des transports par voie aérienne, il s'agira pour l'essentiel d'élever au niveau de règles de droit (dans le cadre de l'ordonnance d'exécution) les principes édictés sous forme de directives par la CCDJP (directives du 11 avril 2002 relatives aux rapatriements sous contrainte par voie aérienne).

Dans la réglementation d'exécution, le Conseil tiendra en particulier compte de la Convention européenne du 26 novembre 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants24, ainsi que la Recommandation

23 24

RS 812.21 RS 0.106

2447

1547 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du 22 janvier 200225 (voir ch. 5.3.1).

La présente loi ne peut avoir pour objet de régler la manière dont les personnes rapatriées sont traitées par les autorités de l'Etat d'origine. Ce type de questions doivent être réglées dans le cadre des accords de réadmission.

Art. 27 Une préparation sérieuse des rapatriements par voie aérienne doit permettre d'éviter les complications intervenues à plusieurs reprises par le passé.

L'al. 1 dispose que tout rapatriement sous contrainte par voie aérienne doit être préparé par l'organe compétent en fonction des circonstances particulières du cas. Il est naturellement possible que la préparation englobe plusieurs personnes ou groupes de personnes. La préparation doit permettre à l'escorte de se familiariser avec chaque situation et d'estimer le risque d'incident.

L'al. 2 dispose que les personnes concernées doivent également avoir la possibilité de se préparer, dans la mesure où cela ne compromet pas l'exécution même du rapatriement. Les personnes se trouvant en détention en vue de renvoi doivent également être informées. Le fait d'être embarqué à bord d'un avion par surprise peut occasionner des réactions de panique chez certaines personnes et compromettre le rapatriement. Les personnes concernées doivent également avoir la possibilité de régler des affaires personnelles urgentes ou d'en charger des parents, des connaissances ou des tiers. Doivent en particulier être informées les personnes qui se trouvent dans un lieu de détention en vue d'expulsion. Cela n'exclut toutefois pas que des personnes détenues qui ont à plusieurs reprises opposé une résistance physique à une tentative de rapatriement par un vol de ligne, puissent être menottées et préparées au départ sans avertissement préalable.

L'al. 3 vise à prévenir des problèmes de santé lors d'un rapatriement forcé. Un examen médical avant le départ peut, selon la let. a, être demandé par la personne concernée. Si les autorités remarquent que la personne concernée présente des problème de santé, elle doivent également faire entreprendre un examen médical.

L'examen médical est subordonné au consentement de la personne. Le médecin sera amené à constater si le transport doit être exclu pour des raisons de santé ou s'il doit être subordonné à certaines
conditions.

Art. 28 Les expériences réalisées ces dernières années montrent que la réussite des rapatriements est favorisée par une escorte composée de personnes spécialement formées et sélectionnées en fonction de leur stabilité psychologique, leur tolérance à la frustration, leurs connaissances linguistiques et juridiques ainsi que leur expérience de gestion de situations extraordinaires. La présente disposition fait de la formation une condition et l'art 29 de la loi délègue au Conseil fédéral le soin d'édicter des prescriptions à ce sujet.

25

Recommandation 1547 (2002) de l'Assemblée parlementaire, Procédures d'expulsion conformes aux droits de l'homme et executées dans le respect de la sécurité et de la dignité.

2448

L'al. 2 dispose que l'escorte ainsi que les personnes faisant l'objet du rapatriement sont, pour ce qui est des mesures à prendre en relation avec la sécurité aérienne et l'ordre à bord, soumises à l'autorité du commandant de bord.

Art. 29 La section 7 règle la formation et la formation continue des personnes qui peuvent être amenées à faire usage de la contrainte et des mesures policières dans le cadre de la présente loi. La formation et la formation continue doivent être réglées par le Conseil fédéral. Selon l'al. 1, la formation doit être spécifique au domaine d'activité des personnes concernées et, pour des raisons tant liées à l'égalité de traitement qu'à une utilisation rationnelle et économique des ressources, les standards de formation doivent, dans la mesure du possible, obéir à des critères uniformes. De manière à pouvoir assurer la coordination nécessaire avec la formation des organes de police cantonaux, la réglementation fédérale sera soumise à une consultation auprès des cantons. La réglementation fédérale ne peut toutefois pas, comme l'auraient souhaité certains participants à la consultation, être soumise à l'approbation des cantons. Une solution consensuelle dans ce domaine pourrait, selon les circonstances, être longue à trouver.

L'al. 2 dispose que le Conseil fédéral doit tenir compte de l'évolution de la science et de la technique. Il s'est en effet avéré que certaines nouvelles connaissances médicales n'ont pas toujours été prises en compte dans le cadre de la formation; à titre d'exemple on peut citer la dangerosité de certaines positions pouvant entraver les voies respiratoires et ainsi avoir des conséquences graves pour des personnes en état de grande agitation, dont les besoins en oxygène sont accrus de ce fait. La réglementation proposée doit permettre de transposer rapidement les nouvelles connaisances dans le cadre de la formation.

L'al. 3 concerne également le soutien à la formation des organes cantonaux chargés des rapatriements sous contrainte par la voie aérienne.

Art. 30 La formation des organes amenés à appliquer la contrainte policière est une question centrale pour assurer un usage de la contrainte conforme à la loi et à la Constitution.

Les incidents qui surviennent sont souvent la conséquence d'une formation insuffisante et du stress qui en résulte pour
les organes d'exécution.

En plus des connaissances techniques et physiques liées à l'usage de la contrainte et des mesures policères, il faut aussi connaître les éléments psychologiques nécessaires pour réagir de manière adéquate à des comportements de personnes placées dans situations extraordinaires ou de personnes de culture différente. L'appréciation des risques éventuels de même que la légalité des procédés utilisés devront également faire partie de la formation.

2449

Art. 31 La loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité26 est applicable à toutes les personnes investies d'une fonction publique de la Confédération et aux personnes chargées de tâches de droit public par la Confédération. Ainsi, l'al. 1, let. a, a un caractère simplement déclaratoire. L'al. 1, let. b, déroge quant à lui à la loi sur la responsabilité en disposant que la Confédération répond également des dommages causés illicitement par des organes cantonaux ou des particuliers agissant sur mandat et sous la direction d'une autorité fédérale.

Cette réglementation spéciale se justifie par le fait que, en particulier lors des rapatriements, il arrive fréquemment que des escortes soient composées d'organes de divers cantons, parfois assistés pour des formalités administratives par des représentants de la Confédération; dans de tels cas, il serait parfois fastidieux pour les victimes de déterminer la législation applicable et les autorités responsables.

Cette réglementation spéciale a été presque unanimement saluée dans le cadre de la consultation; contrairement à certains avis exprimés, les régles de la loi sur la responsabilité relatives à la compétence et à la procédure n'ont pas à être répétées dans le cadre de la présente loi.

Si la Confédération est amenée à réparer un dommage causé illicitement par des organes cantonaux d'exécution, elle peut exercer une action récursoire contre le canton dont émane l'auteur du dommage.

Annexe (modifications du droit en vigueur) Les modifications du droit en vigueur visent à harmoniser autant que possible les dispositions légales relatives à l'usage de la contrainte et des mesures policières par les autorités fédérales. Dans les cas où une telle disposition fait défaut, une base légale spéciale est créée pour habiliter les autorités à faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les conditions et les modalités de l'usage de la contrainte et des mesures policières sont en principe régis par la présente loi; le renvoi correspondant est ajouté aux dispositions spécifiques. Dans certains domaines, l'usage de la contrainte et des mesures policières fait l'objet de dispositions particulières pour répondre à des nécessités pratiques. De telles dispositions sont réservées à l'aide de la formulation suivante: «Dans la mesure où la présente loi n'en dispose
pas autrement». L'annexe ne traite que des modifications du droit en vigueur; les projets actuellement en discussion aux Chambres fédérales, comme le projet de loi sur le service de sécurité des entreprises de transport27 devront le cas échéant être adaptés en conséquence.

Annexe, ch. 1 (art. 22, al. 4, de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure28): Les personnes chargées de la protection des autorités, des bâtiments ou des installations de la Confédération peuvent faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les modalités sont régies par la LUsC.

26 27 28

RS 170.32 FF 2005 2425 RS 120

2450

Annexe, ch. 2 (art. 22abis de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers29): Les personnes chargées de l'éxécution de la législation sur les étrangers peuvent faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les modalités sont régies par la LUsC.

Annexe, ch. 3 (art. 103, al. 3, de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale30): La police judiciaire peut faire usage de la contrainte policière. Pour autant que la procédure pénale n'en dispose pas autrement, les modalités sont régies par la LUsC.

Annexe, ch. 4 (art. 92, al. 3bis, de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire31): L'art. 92, al. 1, de la loi sur l'armée dispose que pendant le service d'instruction et pendant l'engagement la troupe dispose des pouvoirs de police nécessaires à l'accomplissement de sa mission. La modification opérée vise à préciser que, lorsqu'elle intervient en qualité de service d'appui au profit des autorités civiles de la Confédération, la troupe est soumise aux règles de la LUsC pour ce qui est de l'usage de la contrainte et des mesures policières. A titre d'exemple, on peut citer le cas où des autorités civiles de la Confédération feraient appel à l'armée pour, sous leur direction, protéger des personnalités étrangères ou ses propres installations.

L'armée n'est par contre pas soumise à la LUsC en cas de service d'instruction, de service actif, de service de promotion de la paix ou lorsqu'elle assiste des autorités cantonales.

Annexe, ch. 5 (art. 100, al. 1bis, et 100, al. 2, de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes32): Selon le nouvel art. 100, al. 1bis, dans la mesure où la loi sur les douanes n'en dispose pas autrement, les modalités de l'usage de la contrainte et des mesures policières sont régies par la LUsC. Au titre des dispositions spéciales, on peut mentionner les art. 101 à 108 de la loi sur les douanes. Le renvoi prévu par l'art. 102, al. 2, signifie que la LUsC s'applique subsidiairement aux dispositions spécifiques des art. 101 ss, s'agissant des conditions de l'usage de la contrainte et des mesures policières. Le fait que l'on ait renoncé à une harmonisation avec la LUsC s'agissant de la rétention de courte durée, de la fouille et de l'usage des armes appelle les explications suivantes: ­

29 30 31 32

La loi sur les douanes a été adoptée le 18 mars 2005 et son entrée en vigueur n'est pas encore fixée. Le fait de modifier la terminologie et de transférer des dispositions importantes après leur entrée en vigueur aurait, selon les autorités douanières, des conséquences négatives sur l'exécution et sur la formation.

RS 142.20 RS 312.0 RS 510.10 FF 2005 2139

2451

­

Les dispositions sur la rétention de courte durée, la fouille et l'usage des armes ne présentent que de faibles différences matérielles par rapport aux dispositions de la LUsC mais sont spécialement conçues pour répondre aux besoins spécifiques des gardes-frontières.

Annexe, ch. 6 (art. 21, al. 1bis, de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation33): Le personnel chargé de maintenir la sécurité à bord des avions est autorisé à faire usage de la contrainte et des mesures policières. Les modalités sont réglées par la LUsC.

3

Conséquences

3.1

Conséquences sur l'exécution

Dans le domaine du droit des étrangers, la loi doit assurer l'uniformisation de l'exécution des rapatriements. Cette uniformisation des bases légales relatives à la contrainte et aux mesures policières doit également permettre une simplification de la mise en oeuvre dans ce domaine.

L'uniformisation touchera également l'usage de la contrainte et des mesures policières par les organes de la Confédération. Cela donnera la possibilité d'établir des standards et ainsi de simplifier la formation.

3.2

Conséquences pour les finances et le personnel

L'élaboration des dispositions d'exécution occasionnera des charges tant pour la Confédération que pour les cantons. La mise en oeuvre de ces dispositions ne devrait quant à elle pas occasionner de frais supplémentaires. L'essentiel de la mise en oeuvre a en effet lieu dans le cadre des tâches de formation, qui ont déjà cours actuellement. Le projet n'aura pas d'effets sur le personnel. Au contraire, il est possible que l'unification prévue au niveau fédéral ait pour conséquence une rationnalisation dans le domaine de la formation.

La réglementation spéciale prévue en matière de droit de la responsabilité ne présente pas de risque financier supplémentaire pour la Confédération (cf. explications ad art. 31). Certes, la Confédération pourrait être amenée à répondre de dommages causés illicitement par des organes cantonaux en application de la présente loi, notamment lors de rapatriements par voie aérienne. Il faut toutefois signaler que, depuis la réorganisation de l'exécution des rapatriements par voie aérienne, on ne déplore aucun dommage qui aurait nécessité réparation. La réglementation prévue par le présent projet devrait par ailleurs encore limiter le risque de survenance d'un dommage; il faut néanmoins relever que, dans ce domaine, il n'est bien entendu pas possible d'émettre un prognostic fiable. Le projet prévoit une action récursoire de la Confédération à l'encontre du canton dont l'organe aurait illictement causé le dommage. Il découle de ce qui précède que les eventuels coûts pour la Confédération ne 33

RS 748.0

2452

peuvent pas être estimés; on peut néanmoins affirmer qu'ils n'iraient pas au-delà des coûts qui découleraient de la réglementation actuelle.

Dans la mesure où la réglementation prévue ne prévoit rien d'autre que la poursuite de leurs tâches actuelles par les cantons, ces derniers ne subiront de charges supplémentaires ni en matière de personnel ni en matière financière.

La clef de répartition des frais d'exécution entre la Confédération et les cantons n'est pas modifiée par le projet. La réglementation de l'art. 92 de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile34 et des art. 14 ss de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers35, qui règlent la répartition des coûts de rapatriement entre la Confédération et les cantons, et qui obligent la Confédération à prendre en charge une partie des coûts ne sont pas modifiés. La répartition des coûts entre la Confédération et les cantons pour les transports de personnes privées de liberté résulte du droit de procédure actuel, au terme duquel ces transports sont de l'entraide judiciaire qui n'a pas à être indemnisée. Certes, cette solution est contestée. Son éventuelle remise en question doit toutefois se faire par le biais d'une révision de la procédure pénale et non par le biais de la présente loi.

3.3

Autres conséquences

La nouvelle réglementation n'occasionnera pas d'autres conséquences, en particulier sur l'économie ou sur l'informatique.

4

Rapport avec le programme de la législature

Le présent projet n'est pas mentionné dans le programme de la législature 2003 à 2007.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

5.1.1

Base constitutionnelle

Le projet de loi se base sur les art. 121 (séjour et établissement des étrangers) et 123, al. 1, Cst. (législation en matière de droit pénal et de procédure pénale). Dans la mesure où il concerne l'usage de la contrainte par les autorités fédérales, le projet se base également sur les compétences attribuées à la Confédération dans certains domaines, par exemple par les art. 60, al. 1 (législation militaire), 87 (législation sur le transport ferroviaire et l'aviation) et 133 Cst. (législation sur les douanes).

Dans la mesure où il concerne le transport de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté non liée à l'exécution du droit d'asile ou du droit des étrangers, le projet se base sur les compétences de la Confédération en matière de procé-

34 35

RS 142.31 RS 142.20

2453

dure (en particulier dans les domaines de la procédure pénale, de la procédure administrative et du droit pénal administratif).

Le projet se base également sur l'art. 57, al. 2, Cst. (coordination en matière de sécurité intérieure). Le fait que la Confédération regroupe et harmonise les dispositions relatives à l'usage de la contrainte et des mesures policières se basant sur des compétences spécifiques, répond au mandat de l'art. 57, al. 2, et correspond au but à atteindre. Cette disposition exige des cantons qu'ils coordonnent leurs activités si besoin est et reconnait une compétence de coordination à la Confédération lorsque tant les intérêts des cantons que ceux de la Confédération entrent en jeu. L'art. 57, al. 2, Cst. attribue une compétence législative à la Confédération si la sécurité intérieure exige une coordination au niveau national avec l'appui de cette dernière, voire sous son égide36.

5.1.2

Compatibilité avec les droits fondamentaux

L'usage de la contrainte et des mesures policières constitue une atteinte importante aux droits fondamentaux. Selon l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondé sur une base légale et doit être justifié par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui; en outre, toute restriction d'un droit fondamental doit être proportionnée au but visé. L'intérêt public justifiant l'usage de la contrainte et des mesures policières résultent des législations spécifiques concernées (sécurité intérieure, droit des étrangers, législation douanière). Le présent projet a pour objet de créer une base légale unique pour les atteintes prévues et concrétise le principe de la proportionnalité. Il découle de ce qui précède que le projet n'est pas seulement compatible mais contribue à assurer le respect des droits fondamentaux.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

5.2.1

Instruments du Conseil de l'Europe

Le projet de loi est conforme aux instruments du Conseil de l'Europe, tant au niveau des principes qu'au niveau des dispositions spécifiques qu'il contient.

L'art. 3 CEDH dispose que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Le projet de loi renforce cette disposition en réglant les moyens et les modalités de la contrainte policière et, ce faisant, en concrétisant le principe de la proportionnalité. Il en est de même s'agissant de l'art. 8, al. 2, statuant que toute ingérence dans la vie privée et familiale doit respecter le principe de la proportionnalité. Le projet concrétise également l'art. 5 CEDH qui prévoit des garanties en faveur des personnes privées de liberté (au sujet de la rétention de courte durée aux fins d'établir l'identité des personnes sans titre de séjour, voir les explications ad art. 19).

36

voir aussi le message du 17 août 2005 relatif à la modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, FF 2005 5285 ss.

2454

Le projet tient également compte du contenu du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales37, dont l'art. 1 prévoit des garanties procédurales en cas d'expulsion d'étrangers. On peut citer aussi la Convention européenne du 26 novembre 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants38.

Cette convention a pour but de prévenir la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants par le biais d'un mécanisme de contrôle; le projet de loi vise également un but préventif.

On peut enfin mentionner la Recommandation 1547 de l'Assemblée parlementaire du 22 janvier 200239 de même que les 20 principes directeurs sur les rapatriements forcés édictés par le Comité des ministres le 4 mai 200540, dont la prise en compte est encouragée dans le cadre de la législation des états membres.

La recommandation de l'Assemblée parlementaire a un contenu matériel qui va relativement loin. Elle ne pourrait, pour des raisons pratiques liées à l'exécution, pas être suivie dans tous les cas; à titre d'exemple on peut mentionner l'interdiction générale d'avoir recours à des entraves. S'agissant des 20 principes, on peut relever que les principes 1 à 15 relèvent pour l'essentiel de la législation sur l'asile. Par contre, les principes 16 à 20 concernent les rapatriements sous contrainte. La réglementation du présent projet correspond aux principes 16 à 19. Le principe 20 n'est pas repris par le projet, dans la mesure où la surveillance de la procédure et les voies de droit ne font pas s'objet de dispositions spécifiques mais relèvent du droit général de procédure.

5.2.2

Instruments de l'Union européenne

L'Union européenne est en train d'élaborer une directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier41. Ce projet de directive ne touche la présente réglementation que dans la mesure où l'art. 10 exige que les mesures d'éloignement respectent les droits fondamentaux et le principe de la proportionnalité.

5.2.3

Instruments de l'ONU

La convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants42 dispose, à l'art. 2, al. 1, que tout Etat partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires ou autres pour empêcher que des actes de torture ne soient commis dans un territoire relevant de sa juridiction. La 37 38 39

40 41 42

RS 0.101.07 RS 0.106 Recommandation 1547 (2002) de l'Assemblée parlementaire: Procédures d'expulsion conformes aux droits de l'homme et executées dans le respect de la sécurité et de la dignité.

Vingt principes directeurs du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur le retour forcé du 4 mai 2005, CM (2005) 40.

2005/0167 (COD) RS 0.105

2455

convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant43 pose le même type de règles. Le présent projet de loi répond à ces exigences; par ailleurs, il est conforme aux dispositions du Pacte du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels44 et à celles de la Convention internationale du 21 décembre 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale45.

5.3

Forme de l'acte

La réglementation proposée contient des dispositions relatives à la restriction des droits fondamentaux, aux obligations des cantons lorsqu'ils exécutent le droit fédéral et à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales. Selon l'art. 164, al. 1, let. b, f et g, Cst., ces dispositions doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

5.4

Frein aux dépenses

Selon l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., les dispositions qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs doivent être adoptées à la majorité des membres de chaque conseil. Le présent projet n'a pas de conséquences financières qui se situent dans cet ordre de grandeur et n'est donc pas soumis au frein aux dépenses.

5.5

Délégation de compétences législatives

Le projet de loi contient diverses délégations ou mandats législatifs à l'attention du Conseil fédéral qui est chargé d'édicter des dispositions d'exécution pour concrétiser certaines dispositions légales.

L'art. 14, al. 3, autorise le Conseil fédéral à compléter la liste des moyens accessoires autorisés ou interdits. L'art. 17, al. 1, délègue au Conseil fédéral le soin d'établir la liste des armes autorisées. Par ailleurs, compte tenu du large champ d'application de la loi, l'art. 16 lui donne compétence de déterminer quels moyens accessoires et quels armes peuvent être utilisées en fonction des tâches.

L'art. 26 charge le Conseil fédéral d'édicter les prescriptions nécessaires relatives au transport de personnes soumises à une mesure restreignant leur liberté.

L'art. 29 délègue au Conseil fédéral le soin de régler la formation et la formation continue des personnes amenées à faire usage de la contrainte et des mesures policières conformément à la présente loi.

43 44 45

RS 0.107 RS 0.103.2 RS 0.104

2456