06.031 Message concernant l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et concernant la modification de la loi sur le droit d'auteur du 10 mars 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, d'une part, le projet d'un arrêté fédéral relatif à deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), à savoir le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et le Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes, et aux dispositions de transposition dans la loi sur le droit d'auteur et, d'autre part, un projet de modification de la loi sur le droit d'auteur, en vous proposant de les adopter.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer les interventions parlementaires suivantes: 1999 M 99.3557

Indemnités de droits d'auteur sur les subventions (CN 22.12.1999, Christen)

2000 M 00.3127

Droit d'auteur pour le producteur (CN 23.06.2000, Weigelt)

2001 M 01.3401

Inscrire un droit de suite dans la loi sur le droit d'auteur (CN 5.10.2001, Aeppli Wartmann)

2001 P

01.3417

Loi sur le droit d'auteur. Révision partielle (CN 5.10.2001, Commission des affaires juridiques CN)

2002 P

02.3356

Ratification de deux traités de l'OMPI et réglementation applicable aux copies à usage privé (CN 4.10.2002, Baumann J. Alexander)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

10 mars 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-2765

3263

Condensé Le projet vise en premier lieu la ratification de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). La transposition dans le droit suisse du standard de protection prescrit par le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur (WCT pour «WIPO Copyright Treaty») et le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT pour «WIPO Performances and Phonograms Treaty») permet d'adapter le droit d'auteur aux avancées technologiques. Les autres modifications de la loi sur le droit d'auteur, qui étendent les restrictions du droit d'auteur, ont le même but.

Contexte Le WCT et le WPPT ont été adoptés en décembre 1996 sous l'égide de l'OMPI. Ils définissent la protection des auteurs, des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes relativement aux technologies de la communication transfrontalière comme Internet. Qualifiés de ce fait de traités Internet, le WCT et le WPPT sont entrés en vigueur respectivement le 6 mars et le 20 mai 2002; depuis, le nombre des 30 ratifications ou adhésions nécessaires à leur entrée en vigueur a été largement dépassé.

Après signature des deux traités, toutes les grandes nations industrielles préparent actuellement leur ratification. Le Japon et les Etats-Unis les ont déjà ratifiés, ces derniers en adoptant en 1998 le «Digital Millennium Copyright Act», qui va même plus loin que les normes de protection prescrites par le WCT et le WPPT. La Communauté européenne (CE) a l'intention de ratifier les deux traités de l'OMPI en même temps que ses Etats membres. A cette fin, elle a arrêté la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui prévoit également un niveau de protection plus élevé que celui prescrit par les traités Internet. Par souci de maintenir un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, la directive contient également des recommandations à l'attention des Etats membres de la CE afin qu'ils préservent les intérêts des utilisateurs et des consommateurs.

Objet du projet Le projet met l'accent sur trois aspects de la transposition des traités de l'OMPI dans le droit suisse. Premièrement, la
reconnaissance du droit de mettre à disposition des oeuvres et d'autres objets protégés sur Internet par une modification matérielle de la loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur (LDA) permettant d'adapter le niveau de protection à celui prévu par les deux traités. Deuxièmement, l'inscription, dans la loi, d'une interdiction de contourner les mesures techniques telles que les dispositifs électroniques de contrôle d'accès et les protections anticopies. Troisièmement, l'insertion d'une protection des informations électroniques permettant d'identifier les oeuvres, d'autres objets de protection et les conditions auxquelles elles peuvent être utilisées.

3264

Les autres amendements de la LDA visent avant tout à tenir compte des besoins des utilisateurs et des consommateurs. Ainsi, le projet prévoit d'étendre l'exception au droit d'auteur dont bénéficient déjà les bibliothèques et les archives afin qu'elles puissent conserver les documents dont elles sont les gardiennes. Il propose également de restreindre le droit d'auteur pour prendre en considération les besoins des organismes de diffusion. Il prévoit en outre d'inscrire dans la loi une exception au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées et de limiter le droit de reproduction pour que les fournisseurs d'accès à Internet puissent se défendre contre des prétentions exagérées découlant d'actions en responsabilité. Enfin, les reproductions d'oeuvres accessibles «à la demande» par le biais de services électroniques payants sont exemptées de la rémunération perçue pour la reproduction à usage privé. Cette dernière mesure vise à éviter une surtaxation des consommateurs.

3265

Table des matières Condensé

3264

Liste des abréviations

3268

1 Présentation de l'objet 1.1 Ratification des traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et modifications de la loi sur le droit d'auteur 1.1.1 Contexte 1.1.1.1 L'évolution technologique 1.1.1.2 Les contraintes internationales et régionales 1.1.2 Aperçu de la teneur des traités de l'OMPI 1.1.3 Traités à caractère partiellement auto-exécutoire 1.1.4 Appréciation 1.1.5 Aperçu des modifications de la loi sur le droit d'auteur requises par la mise en oeuvre des traités de l'OMPI 1.1.5.1 Contexte 1.1.5.2 Les changements proposés 1.1.5.3 Justification et appréciation de la solution proposée 1.1.5.3.1 Appréciation 1.1.5.3.2 Autres solutions examinées 1.1.5.4 Procédure préparlementaire 1.1.5.4.1 Ratification des traités de l'OMPI 1.1.5.4.2 Mise en oeuvre des traités de l'OMPI 1.2 Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur 1.2.1 Contexte 1.2.2 Les changements proposés 1.2.3 Justification et appréciation de la solution proposée 1.2.3.1 Justification 1.2.3.2 Solutions examinées 1.2.3.3 Procédure préparlementaire 1.2.3.3.1 Requêtes retenues pour la révision 1.2.3.3.2 Requêtes écartées 1.3 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.4 Droit comparé et rapports avec le droit européen 1.5 Classement d'interventions parlementaires

3269 3269 3269 3269 3270 3271 3271 3272 3272 3272 3272 3273 3273 3273 3274 3274 3275 3276 3276 3276 3277 3277 3277 3278 3278 3279 3281 3281 3281

2 Commentaire des dispositions 2.1 Le WCT 2.2 Le WPPT 2.3 Modifications de la loi sur le droit d'auteur en vue de la mise en oeuvre des traités de l'OMPI 2.4 Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur

3293 3301

3 Conséquences 3.1 Conséquences financières et sur le personnel 3.1.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 3.2 Conséquences économiques

3306 3306 3306 3306

3266

3283 3283 3289

3.2.1 Nécessité et latitude de l'activité de l'Etat 3.2.2 Conséquences pour les différents groupes sociaux 3.2.3 Appréciation de certaines mesures 3.2.4 Conséquences pour l'économie dans son ensemble 3.3 Réglementations possibles 3.4 Aspects pratiques de l'exécution

3306 3308 3309 3310 3310 3310

4 Liens avec le programme de la législature

3311

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.1.1 Ratification des traités de l'OMPI et modifications de la loi sur le droit d'auteur 5.1.2 Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Délégation de compétences législatives

3311 3311 3311 3311 3311 3311 3313

Loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins (Projet)

3315

Arrêté fédéral relatif à l'approbation de deux traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et à la modification de la loi sur le droit d'auteur (Projet)

3319

Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur (WCT)

3325

Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT)

3335

3267

Liste des abréviations Accord sur les ADPIC

Accord du 15 avril 1994 sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Annexe 1C de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce); RS 0.632.2

AELE

Association européenne de libre-échange

CC

Code civil suisse; RS 210

Convention de Berne

Convention de Berne du 9 septembre 1889 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, révisée à Paris le 24 juillet 1971; RS 0.231.15

Convention de Rome

Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion; RS 0.231.171

CP

Code pénal suisse du 21 décembre 1937: RS 311.0

Cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101

Directive sur la société de l'information

Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information

DRM

Systèmes de gestion numérique des droits

JOCE

Journal officiel des Communautés européennes

LOGA

Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010

Loi sur le droit d'auteur/LDA

Loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins; RS 231.1

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OMPI

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

P-LDA

Projet de révision de la loi sur le droit d'auteur

WCT

Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur (WIPO Copyright Treaty)

WPPT

Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WIPO Performances and Phonograms Treaty)

3268

Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Ratification des traités de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et modifications de la loi sur le droit d'auteur

1.1.1

Contexte

1.1.1.1

L'évolution technologique

L'évolution technologique constitue une véritable gageure pour le droit d'auteur.

Elle rend la législation obsolète au fur et à mesure des innovations, lesquelles modifient à leur tour les structures sociales et économiques qui servent de cadre à la loi du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur (LDA). L'adaptation du droit d'auteur doit prendre en considération cette réalité. La révision de la loi ne peut donc pas se limiter à prendre en compte les intérêts des titulaires de droits pour combler les lacunes que l'évolution technologique et les nouvelles formes d'utilisation font apparaître dans leur protection. Elle doit aussi prendre en considération la nécessité de la liberté des flux d'information, véritable credo de la société de l'information moderne. C'est à cette condition seulement que la protection de la propriété intellectuelle ne sera pas perçue comme une menace mais comme une condition-cadre essentielle de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Personne ne conteste la nécessité d'adapter la loi sur le droit d'auteur aux avancées techniques. Adapté aux technologies analogiques, le droit en vigueur ne permet plus de garantir aux titulaires une protection appropriée de leurs droits légitimes et n'est plus non plus adapté aux nouvelles réalités de la société de l'information (utilisation efficace des technologies modernes de transmission de contenus protégés par le droit d'auteur). Les titulaires de droits sont donc confrontés à de nouvelles formes de piratage, qui ont pris des dimensions insoupçonnées en raison du développement de modes révolutionnaires de reproduction et de l'existence d'un réseau d'information mondial. Le droit actuel ne permet plus non plus d'éviter que les fournisseurs d'infrastructures servant aux transmissions électroniques soient tenus pour responsables des atteintes aux droits d'auteur dont se rend coupable leur clientèle: en effet, dans le domaine du numérique, les limites entre accès légal et accès illégal, entre utilisations licites et utilisations illicites sont de plus en plus floues pour les consommateurs. Les mesures techniques telles que les protections anticopies, empêchent les consommateurs d'utiliser des contenus protégés, alors même qu'il s'agit d'utilisations licites. Pour répondre à ces problèmes, le projet
prévoit des modifications législatives équilibrées, qui non seulement tiennent compte des intérêts légitimes des titulaires de droits, mais qui garantissent aussi la possibilité d'utiliser les techniques de communication modernes conformément aux besoins de notre temps.

Ce faisant, il contribue au développement de la société de l'information.

3269

1.1.1.2

Les contraintes internationales et régionales

L'adaptation de la protection du droit d'auteur en Suisse à l'ère du numérique s'inscrit dans le prolongement des développements intervenus sur le plan international.

En 1989, les parties contractantes à la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques (Convention de Berne)1 ont adopté un programme de travail en vue d'éliminer des insécurités liées à l'application et à l'interprétation de la convention. Les travaux des comités d'experts ont fait apparaître la nécessité de procéder à d'autres aménagements de la protection des droits d'auteurs et des droits voisins en raison de la révolution numérique. Une conférence diplomatique de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) s'est tenue à Genève du 2 au 20 décembre 1996, à laquelle ont participé 127 Etats membres, la Communauté européenne (CE) et d'autres Etats. Elle a abouti à l'adoption de deux traités: le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur le droit d'auteur (WCT pour «WIPO Copyright Treaty») et le Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 du sur les interprétations et exécutions et sur les phonogrammes (WPPT pour «Performances and Phonograms Treaty»), qui sont tous deux entrés en vigueur en 2002.

Les deux traités de l'OMPI modernisent la protection des droits d'auteur et des droits voisins par l'harmonisation et le relèvement simultanés de la protection. Les jalons de cette démarche ont été posés sur le plan politique. En effet, la conférence ministérielle des plus riches pays industriels du monde, qui s'est tenue à Bruxelles en 1995, a préconisé un renforcement de la propriété intellectuelle le qualifiant de condition générale primordiale du développement de la société de l'information et jugeant qu'il était dans l'intérêt bien compris de la société de l'information de protéger de façon appropriée les biens immatériels qui circulent sur Internet.

Au niveau régional, il convient de mentionner la Directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (Directive sur la société de l'information)2. Dans ce texte, la CE fixe pour ses Etats membres les lignes directrices de la protection de la propriété intellectuelle quant à l'utilisation de nouvelles technologies de la
communication. La directive vise une mise en oeuvre harmonisée des deux traités de l'OMPI par les pays membres de l'Union européenne (UE); elle ambitionne donc une harmonisation du droit à un niveau aussi élevé que possible. Elle tient cependant compte également de la nécessité de garantir la liberté des flux de données dans la société de l'information. C'est ce qui ressort notamment de la règlementation européenne des restrictions du droit d'auteur et du rapport entre exceptions au droit d'auteur et protection des mesures techniques (cf. ch. 2.3, art. 39b P-LDA).

1 2

Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, révisée le 24 juillet 1971; RS 0.231.15.

JOCE L 167 du 22.06.2001, p. 10.

3270

1.1.2

Aperçu de la teneur des traités de l'OMPI

Se fondant sur la Convention de Berne, le WCT régit la protection des auteurs en précisant, d'une part, les droits prévus par la convention et en consacrant, d'autre part, de nouvelles prérogatives exclusives. Le WPPT relève, quant à lui, le niveau de protection prévu par la Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (Convention de Rome)3, tout en l'harmonisant. Son champ d'application est plus restreint que celui de la convention. Dans le domaine de l'audiovisuel, la protection des artistes interprètes se limite en effet aux oeuvres non fixées, tandis que les organismes de diffusion ne bénéficient d'aucune protection. En revanche, le WPPT prévoit une protection pour les prestations folkloriques (art. 2, let. a, WPPT) et, aux termes de l'art. 5 WPPT, la protection des artistes interprètes comporte également des droits moraux.

Au premier plan de l'adaptation des droits d'auteur et des droits voisins aux technologies numériques on trouve en particulier deux mesures que prévoient tant le WCT que le WPPT: d'une part, la reconnaissance du droit exclusif de mettre à disposition des oeuvres et des prestations protégées par le biais de services à la demande (art. 8 WCT, 10 et 14 WPPT); d'autre part, l'obligation de prévoir une protection juridique des mesures techniques (art. 11 WCT et 18 WPPT) telles que les contrôles d'accès et les protections anticopies utilisées dans le numérique pour empêcher des utilisations illicites de contenus protégés. Par ailleurs, les traités prévoient l'obligation d'interdire la modification ou la suppression de toute information électronique sur le régime des droits (art. 12 WCT et 19 WPPT).

1.1.3

Traités à caractère partiellement auto-exécutoire

Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, un traité est directement applicable (auto-exécutoire) lorsque sa formulation est suffisamment précise et claire pour pouvoir constituer le fondement d'une décision concrète. Il n'est par contre pas directement applicable lorsqu'il ne contient à l'égard des Etats contractants que des idées directrices et qu'il ne s'adresse donc pas en premier lieu aux autorités administratives ou judiciaires, mais au législateur (ATF 124 IV 23).

Bien que le WCT et le WPPT contiennent toute une série de dispositions autoexécutoires (cf. ch. 5.3) comme les droits des auteurs (art. 5 à 8 WCT), des artistes interprètes (art. 5 à 10 WPPT) et des producteurs de phonogrammes (art. 11 à 14 WPPT), ils comportent aussi des dispositions non applicables directement. Parmi celles-ci figurent, par exemple, les obligations concernant les mesures techniques (art. 11 WCT et 18 WPPT) et la protection des informations électroniques sur le régime des droits (art. 12 WCT et 19 WPPT). Ces obligations incombent aux parties contractantes et doivent être mises en oeuvre par le législateur. Selon les critères d'appréciation établis par le Tribunal fédéral, les deux traités de l'OMPI ne sont donc que partiellement auto-exécutoires.

3

Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion; RS 0.231.171.

3271

1.1.4

Appréciation

Les deux traités de l'OMPI modernisent la protection des droits d'auteur et des droits voisins au niveau international tout en l'adaptant aux nouvelles réalités de la société de l'information. Ils guident le législateur national dans l'aménagement d'un système de protection adapté au domaine du numérique également. Les contraintes institutionnelles en matière de réglementation de la protection contribuent grandement à l'harmonisation du droit. Cette uniformisation constitue une condition générale importante pour les nouveaux systèmes de communication internationaux. Le WCT et le WPPT laissent cependant aussi une certaine marge de manoeuvre aux Etats contractants afin que ceux-ci puissent tenir compte des structures existantes.

Cette latitude existe en particulier pour l'obligation d'inscrire dans la législation nationale la protection des mesures techniques, qui est le principal acquis de l'harmonisation visée par les traités Internet. En ratifiant le WCT et le WPPT, la Suisse apportera sa pierre à l'édifice de l'harmonisation internationale du droit d'auteur et des droits voisins. Sa contribution est dans son propre intérêt, car l'existence de bonnes conditions générales constitue en effet la base même de l'utilisation et du développement des technologies de l'information numériques dans une nation industrielle moderne.

1.1.5

Aperçu des modifications de la loi sur le droit d'auteur requises par la mise en oeuvre des traités de l'OMPI

1.1.5.1

Contexte

C'est une motion de la Commission des transports et des communications du Conseil des Etats (97.3008 Protection du droit d'auteur et nouvelles technologies de la communication) ­ classée depuis ­ qui est à l'origine de la révision. Cette motion chargeait le Conseil fédéral de garantir une protection appropriée des auteurs face à l'utilisation des technologies numériques et d'Internet. Conformément au postulat de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 juillet 2001 (01.3417 Loi sur le droit d'auteur. Révision partielle), la révision doit tenir compte des prescriptions de l'OMPI et de la CE.

1.1.5.2

Les changements proposés

Le projet adapte la loi sur le droit d'auteur aux développements technologiques et reprend les normes fixées dans les deux traités de l'OMPI. Il s'inspire aussi des contraintes additionnelles de la Directive sur la société de l'information concernant la pesée des intérêts en cause.

3272

1.1.5.3

Justification et appréciation de la solution proposée

1.1.5.3.1

Appréciation

Conformément aux traités de l'OMPI, la Suisse doit préciser que la mise à disposition d'oeuvres et de prestations par le biais de services dits «à la demande» est un droit exclusif réservé au titulaire du droit d'auteur ou du droit voisin. S'il est vrai que cette nouvelle forme d'utilisation pourrait être couverte par les prérogatives classiques inscrites à l'art. 10 LDA, on a préféré créer une situation juridique claire et conforme aux contraintes internationales en faisant figurer expressément ce droit de mise à disposition au nombre des prérogatives réservées aux différents titulaires.

Par souci de mettre tous les titulaires de droits voisins sur un pied d'égalité, ce droit est également reconnu aux organismes de diffusion conformément au droit communautaire.

Par ailleurs, les artistes interprètes voient leur protection, limitée jusqu'à présent aux exécutions d'oeuvres, s'étendre aux exécutions d'expressions du folklore et leurs droits moraux consolidés. Ces modifications de la loi sont nécessaires pour que la législation suisse régissant la protection des droits voisins soit conforme au WPPT.

Outre ces modifications matérielles, dont certaines ne font que préciser la loi en vigueur, le projet prévoit un système de protection propre pour les mesures techniques au moyen desquelles le titulaire de droits peut contrôler l'utilisation de son oeuvre ou de sa prestation à l'ère du numérique. Ce nouveau système s'accompagne de la protection des informations électroniques sur le régime des droits. La protection juridique contre le contournement de mesures techniques confère une nouvelle dimension au droit d'auteur: celui-ci ne porte en effet plus uniquement sur les biens immatériels mais s'étend aussi aux moyens techniques de contrôle comme les dispositifs de verrouillage ou les protections anticopies. En transposant cette protection dans la législation nationale, il faut veiller à ce que la protection contre le contournement des mesures techniques ne rende pas illégales les utilisations licites, dont certaines sont soumises à rémunération. S'agissant de la mise en oeuvre de cette protection juridique, on a par ailleurs prévu des mesures protégeant les utilisateurs et les consommateurs contre une utilisation abusive des moyens techniques de contrôle par les titulaires de droits (cf. ch. 2.3, art. 39b P-LDA.

1.1.5.3.2

Autres solutions examinées

On a examiné la possibilité de mettre en oeuvre les deux traités de l'OMPI en se contentant de reprendre le niveau de protection qu'ils prévoient. La ratification des traités est liée à la condition sine qua non de la reprise des normes suivantes: interdiction de contourner les mesures techniques de protection, protection des informations électroniques de marquage des oeuvres, des exécutions des expressions du folklore ainsi que des musiciens et des producteurs de phonogrammes relativement à la mise en circulation de leurs prestations sur Internet et renforcement des droits moraux des musiciens. Si la révision de la loi sur le droit d'auteur s'en était strictement tenue à ces points, il n'aurait pas été possible de donner suite à la requête formulée lors de la consultation par les milieux économiques et soutenue par les partis gouvernementaux, pour un renforcement de la protection contre le contournement par rapport à celle prévue par les traités. Par ailleurs, on aurait créé, pour les artistes interprètes, un système à deux vitesses, car le standard de protection plus 3273

élevé prévu par le WPPT ne se serait appliqué qu'aux musiciens. On aurait également dû renoncer à adapter la protection en faveur des organismes de diffusion à celle dont bénéficient les producteurs de phonogrammes, parce que le WPPT ne s'applique pas aux premiers. Si on avait opté pour cette solution minimale, l'accueil réservé à la révision aurait été beaucoup plus mitigé. Cette option n'était par conséquent pas envisageable.

1.1.5.4

Procédure préparlementaire

La procédure de consultation, qui s'est déroulée du 1er octobre 2004 au 31 janvier 2005, a porté sur un avant-projet, accompagné d'un rapport explicatif, proposant les amendements qu'appelle la ratification des deux traités de l'OMPI et d'autres modifications de la LDA. Le rapport sur les résultats de la consultation est accessible sur le site Internet de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) à l'adresse: http://www.ige.ch/F/jurinfo/j103.shtm.

1.1.5.4.1

Ratification des traités de l'OMPI

Les participants à la procédure de consultation n'ont pas contesté la nécessité pour la Suisse de ratifier les deux traités de l'OMPI. Ainsi, 21 cantons, tous les partis gouvernementaux, les organisations représentant les artistes, les associations de l'industrie du divertissement, de nombreuses organisations faîtières de l'économie et Swisscom sont favorables à la ratification. Les autres organismes consultés ­ en particulier les organisations de défense des utilisateurs et des consommateurs ­ ne se sont pas prononcés.

Les avis sont toutefois très partagés sur la manière d'utiliser la marge de manoeuvre laissée aux Etats pour mettre en oeuvre les deux traités et sur la nature des autres mesures à prendre afin d'adapter la loi sur le droit d'auteur à l'ère du numérique. Le PSS, les syndicats, la plupart des organisations représentant les artistes, l'Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires (SBVV) et le Centre patronal sont en faveur de l'approche adoptée par le projet. Ils jugent qu'il tient compte des intérêts des diverses parties intéressées de façon équilibrée. Presse suisse, Les journalistes suisses (Impressum) et l'industrie du divertissement sont par contre d'un tout autre avis; ils rejettent le projet estimant qu'il être trop favorable aux utilisateurs et aux consommateurs. La Fédération des utilisateurs de droits d'auteurs et voisins (DUN), les associations économiques représentant les utilisateurs et les organisations de défense des consommateurs considèrent, pour leur part, que le projet fait la part trop belle aux intérêts des titulaires de droits. Plus de la moitié des cantons, la SSR et l'Association suisse des radios privées (ASRP) ont aussi l'impression que les intérêts des utilisateurs n'ont pas été suffisamment pris en considération. Economiesuisse et l'Union patronale suisse, qui représentent des intérêts divergents car ils comptent parmi leurs membres tant des producteurs que des utilisateurs de prestations protégées par des droits d'auteur, rejettent le projet le jugeant déséquilibré.

3274

1.1.5.4.2

Mise en oeuvre des traités de l'OMPI

De l'avis des organisations de défense des utilisateurs et des consommateurs, le niveau de protection ne devrait pas dépasser le standard minimum prescrit par les traités de l'OMPI. L'industrie du divertissement et certaines des organisations représentant les artistes réclament en revanche qu'il aille au-delà de celui du WCT et du WPPT, renvoyant au niveau de protection plus élevé prévu par le droit communautaire. Voici les principales questions soulevées en relation avec la mise en oeuvre des traités: Extension des droits voisins: les organisations de défense des utilisateurs et des consommateurs, le PDC et le PLS sont favorables à un relèvement du niveau de protection des droits voisins dans la mesure où la ratification du WPPT le requiert.

L'UDC et le PSS sont pour leur part d'avis que les art. 28 ss CC prévoient déjà les droits moraux des artistes interprètes prévus par le WPPT et qu'il n'est par conséquent pas nécessaire de légiférer. De nombreuses organisations représentant les artistes et les titulaires saluent en revanche expressément le fait d'inscrire une disposition spéciale sur les droits moraux dans la loi sur le droit d'auteur.

La DUN critique l'extension, prévue dans le projet, de la protection des artistes interprètes pour les exécutions d'oeuvres aux expressions du folklore.

Déplorant que le projet ne prévoie pas un droit exclusif de location et de prêt, l'industrie du divertissement demande que le délai de protection pour les exécutions, les phonogrammes et les vidéogrammes passe de 50 à 70 ans.

Protection des mesures techniques: les opinions sont très partagées sur l'aménagement de cette protection. La DUN et les organisations de défense des consommateurs pensent que le projet fait la part trop belle aux intérêts des titulaires de droits, car la protection qu'il prévoit va au-delà des exigences minimales des deux traités de l'OMPI. La DUN demande en particulier que soit supprimée la réglementation qui interdit également les actes préparatoires comme la fabrication et l'offre d'appareils permettant le contournement de mesures techniques.

Le PRD, l'UDC, l'Association économique suisse de la bureautique, de l'informatique, de la télématique et l'industrie du divertissement soutiennent en revanche une interdiction générale de contournement comme l'UE le prescrit à ses Etats
membres. Dans leur majorité, ces milieux demandent en particulier la suppression de la disposition qui prévoit que le contournement ne peut pas être interdit s'il permet une utilisation licite de l'oeuvre.

Le PDC, la majorité des organisations représentant les artistes et des sociétés de gestion estiment que la réglementation de l'interdiction de contournement est, dans l'ensemble, équilibrée.

Garde-fous pour l'utilisation de mesures techniques de protection: la DUN et les organisations représentant les consommateurs réclament une procédure simple qui permette d'imposer aux utilisateurs de dispositifs techniques de verrouillage l'application immédiate d'une restriction du droit d'auteur. Sans être foncièrement opposés à une protection des exceptions au droit d'auteur contre l'utilisation de mesures techniques, les artistes et les organisations qui leur sont proches expriment des réserves quant à l'applicabilité d'une procédure de ce type. L'industrie du divertissement, Presse suisse et Impressum proposent de limiter le droit des utilisateurs de lever les systèmes techniques de contrôle à certaines exceptions au droit d'auteur.

3275

C'est ce qui ressort également de l'avis d'économiesuisse. La SFP, l'Association suisse des éditeurs de musique (SVMV) et l'Association zurichoise des journalistes indépendants (Freie Berufsjournalistinnen und -journalisten Zürich) demandent la suppression de l'application des exceptions au droit d'auteur à l'encontre des utilisateurs de mesures techniques.

1.2

Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur

1.2.1

Contexte

Il y a décalage entre le droit d'auteur et l'évolution technologique (cf. ch. 1.1.1.1).

Cet écart ne se traduit pas uniquement par une protection lacunaire que la mise en oeuvre des deux traités de l'OMPI vise à combler. Il se manifeste aussi dans les restrictions du droit d'auteur qui ont, tout comme les droits, été définies en fonction des technologies analogiques et ne sont, de ce fait, pas adaptées à l'environnement numérique. Il faut ainsi réaménager la restriction en faveur de l'utilisation des oeuvres à des fins privées et adapter le système de rémunération pour éviter une surtaxation des consommateurs qui se procurent des oeuvres par le biais de services à la demande. En outre, le fait que les titulaires (cf. le commentaire de l'art. 24a P-LDA) doivent autoriser, selon le droit actuel, les reproductions provisoires de nature purement technique entrave l'utilisation de systèmes numériques de communication. La Directive sur la société de l'information prévoit justement pour ces cas une restriction du droit d'auteur contraignante pour les Etats membres de l'UE. Enfin, l'exception en faveur des exemplaires d'archives n'est plus adaptée: en effet, elle n'offre pas une marge de manoeuvre suffisante aux archives, bibliothèques et autres institutions similaires pour conserver, sur le long terme, leurs collections au moyen des technologies numériques.

Par ailleurs, les problèmes causés par l'utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché à des fins de diffusion ont donné lieu au dépôt d'une initiative parlementaire4. Enfin, lors des travaux législatifs préparatoires, on a proposé de simplifier l'accès aux oeuvres protégées pour les personnes handicapées. La révision des exceptions au droit d'auteur tient compte de cette requête.

1.2.2

Les changements proposés

Le projet a pour but d'adapter les restrictions du droit d'auteur aux nouvelles réalités découlant de l'évolution technologique; il permet en outre de combler les lacunes du droit actuel dont pâtissent les organismes de diffusion et les personnes handicapées.

Le projet prévoit d'inscrire quatre nouvelles exceptions au droit d'auteur dans la loi.

Elles concernent l'archivage d'oeuvres (art. 24, al. 1bis, P-LDA), les reproductions provisoires de nature purement technique (art. 24a P-LDA), les reproductions de phonogrammes et de vidéogrammes disponibles sur le marché à des fins de diffusion (art. 24b P-LDA) et les reproductions d'oeuvres dans une forme accessibles aux personnes handicapées (art. 24c P-LDA). De surcroît, l'ajout d'un cinquième alinéa 4

02.0421 Iv.pa. Modification de la LDA. Enregistrement de phonogrammes à des fins de diffusion radio et TV.

3276

à l'article régissant l'exception au droit d'auteur en faveur de l'utilisation d'oeuvres à des fins privées (art. 19 LDA) permet d'adapter la disposition légale pour qu'elle s'applique aussi aux transactions électroniques.

1.2.3

Justification et appréciation de la solution proposée

1.2.3.1

Justification

La révision de la loi sur le droit d'auteur a pour principal but de permettre à la Suisse de ratifier les deux traités de l'OMPI. La transposition des dispositions internationales dans le droit suisse a pour conséquence une amélioration de la position juridique des titulaires de droits; mais les intérêts des utilisateurs et des consommateurs ne sont pas pris en considération. Or, dans le cadre de l'adaptation du droit d'auteur aux technologies numériques de transmission, il faut aussi considérer ces intérêts-là. Il faut donc apporter des amendements à la loi sur le droit d'auteur qui vont au-delà des modifications requises par la transposition des traités de l'OMPI et, en particulier, s'intéresser aux exceptions au droit d'auteur dans l'aménagement de la loi.

Seule cette approche, qui est aussi celle adoptée par la Directive sur la société de l'information, permet de pondérer les intérêts en jeu.

1.2.3.2

Solutions examinées

Il aurait été possible de limiter la révision de la loi sur le droit d'auteur aux modifications requises pour la ratification des traités de l'OMPI. Cette solution aurait rendu superflu le second projet traitant d'autres modifications de la loi. Comme mentionné plus haut, cette solution minimale aurait déséquilibré les intérêts en jeu. De plus, elle n'est pas eurocompatible: l'écart entre le droit suisse et la Directive sur la société de l'information se creuserait. Cette première solution ne serait donc ni équilibrée, ni eurocompatible.

La seconde option est de profiter de cette révision, qui a pour but de moderniser le droit d'auteur, pour réexaminer les décisions de principe prises lors de la révision totale de la loi en 1992. Cette solution est aussi celle préconisée dans différentes interventions parlementaires (cf. ch. 1.5), qui demandent la prise en compte des intérêts des utilisateurs et des producteurs (article en faveur des producteurs5, resserrement du contrôle de l'équité des tarifs6) et des artistes (droit de suite7 et prêts bibliothécaires8), qui avaient été écartés en 1992. La procédure de consultation a révélé que les avis sur ces points n'avaient pas évolué (cf. ch. 1.2.3.3.2): ces questions continuent d'être controversées. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur la pesée des intérêts opérée lors de la révision totale. Compte de tenu de ces considérations, on a également renoncé à introduire une redevance sur les appareils dans le domaine de la reprographie réservée à l'usage privé9.

5 6 7 8 9

00.3127 Mo. Weigelt. Droit d'auteur pour le producteur.

02.3322 Mo. Triponez. Modération dans l'application des droits d'auteur.

01.3401 Mo. Aeppli Wartmann. Inscrire un droit de suite dans la loi sur le droit d'auteur.

04.3288 Mo. Müller-Hemmi. Droit d'auteur. Tantièmes à percevoir par les bibliothèques.

04.3163 Mo Thanei. Perception de droits d'auteur sur les appareils.

3277

1.2.3.3

Procédure préparlementaire

1.2.3.3.1

Requêtes retenues pour la révision

Introduction de nouvelles restrictions du droit d'auteur: la DUN, Swisscom, la SSR, l'ASRP, l'Union romande des radios régionales et Telesuisse saluent les nouvelles restrictions du droit d'auteur en faveur des personnes handicapées et celles destinées à permettre l'utilisation des oeuvres dans le domaine du numérique. Un grand nombre d'organisations appartenant à l'industrie du divertissement rejette la restriction du droit d'auteur en faveur des organismes de diffusion. La SIG, l'Association suisse des musiciens, le Syndicat suisse des mass media et le Schweizerischer Bühnenkünstlerverband (organisation professionnelle suisse regroupant des professionnels du théâtre, du cinéma et de la télévision) l'acceptent sous réserve que les organismes de diffusion ne soient pas privilégiés davantage en leur qualité de producteurs.

Limitation de l'usage privé: l'industrie cinématographique, l'IFPI Suisse, Presse suisse, Impressum et la SVMV souhaitent que la licence légale pour les reproductions d'oeuvres à usage privé soit limitée. Ils mettent l'accent sur divers aspects. Ils demandent que la loi précise, d'une part, qu'il est interdit de faire des copies à partir de sources illégales et, d'autre part, que la possibilité de faire confectionner par des tiers des reproductions réservées à l'usage privé soit limitée à la reprographie. Ils arguent enfin que l'exception inscrite dans le droit en vigueur, sous la forme d'une clause générale, entrave les formes d'exploitation numérique et est, de ce fait, contraire à l'art. 10 WCT et 16 WPPT.

La DUN rejette quant à elle une restriction de l'exception en faveur de l'usage privé.

Elle relève que les titulaires de droits sont indemnisés, pour les reproductions d'oeuvres réservées à l'usage privé, par le biais d'un système de rémunération applicable tant dans le domaine analogique que dans celui du numérique. A l'exception d'Impressum, les organisations représentant les artistes et une majorité des sociétés de gestion sont favorables au maintien de la réglementation actuelle, tout en demandant que son champ d'application soit précisé à divers égards. Il faut, selon elles, préciser en particulier que l'interdiction d'utiliser des sources illégales ne s'applique pas à la sphère privée et que l'utilisation d'oeuvres dans des réseaux d'entreprises est assimilée à
l'usage privé. La DUN, des organisations faîtières de l'économie et la SBVV les rejoignent sur le second point.

Autres requêtes: afin d'éviter une double taxation pouvant résulter de la superposition du régime de rémunération pour les reproductions d'oeuvres réservées à l'usage privé et des systèmes de gestion numérique des droits (DRM pour «digital rights management»), les organisations de défense des utilisateurs et des consommateurs, économiesuisse et d'autres associations économiques proposent deux mesures. Tout d'abord, que l'on tienne compte, dans le cadre de la procédure d'approbation des tarifs, du degré de contrôle de la reproduction d'oeuvres au moyen de systèmes de DRM pour calculer l'indemnité forfaitaire. Ensuite, que les titulaires de droits ayant recours aux DRM soient exclus de la redistribution de la rémunération forfaitaire légale puisqu'ils sont directement indemnisés par les utilisateurs.

3278

1.2.3.3.2

Requêtes écartées

Diverses requêtes formulées au cours des travaux préparatoires sur la base d'interventions parlementaires et examinées par des groupes de travail n'ont pas été retenues dans le cadre de la présente révision (cf. ch. 1.2.3.2). Le PSS estime qu'il est bon que la révision n'en tienne pas compte pour se limiter à son principal objectif.

Le PDC propose de s'en tenir, dans un premier temps, aux modifications législatives qui permettent de mettre en oeuvre le WCT et le WPPT et de remettre à plus tard la prise en compte des autres requêtes. Voici ce qui ressort de la procédure de consultation à propos de ces requêtes: Amélioration de la position des employeurs et des producteurs: le PRD, économiesuisse, l'Organisation faîtière des petites et moyennes entreprises PME, la DUN, d'autres associations économiques et la SSR critiquent le fait que le projet ne contienne aucune disposition prévoyant l'attribution de la titularité des droits d'auteur aux employeurs ou aux producteurs, lesquels assument la responsabilité et le risque financier pour la création de l'oeuvre. Un article en faveur des producteurs contribue, selon eux, à accroître l'attrait de la place économique suisse, mais aussi à consolider la sécurité juridique. Swissfilm approuve cette requête pour le cas où la révision de la loi ne se limite pas aux modifications nécessaires pour la mise en oeuvre des traités de l'OMPI.

Le PSS, les syndicats ainsi que les artistes et les organisations qui les représentent apprécient en revanche que le projet ne prévoie pas d'article en faveur des producteurs. De leur avis, les auteurs sont déjà suffisamment désavantagés selon le droit en vigueur, puisque les employeurs et les producteurs se font en général céder tous les droits. Ils estiment que si l'on modifie la situation juridique actuelle, qui se fonde sur le principe de la liberté contractuelle, il faut prévoir un droit contractuel en matière de droit d'auteur qui protège les auteurs contre un avantage excessif des employeurs et des producteurs.

Aménagement du système de rémunération: la proposition de percevoir également la rémunération pour les reproductions d'oeuvres réservées à l'usage privé au moyen d'une nouvelle redevance sur les appareils s'est heurtée à une large résistance. Cette proposition est rejetée par quatre cantons, les partis gouvernementaux
bourgeois, l'Union des villes suisses (UVS), l'Association des communes suisses, la DUN, économiesuisse, la plupart des organisations représentant les utilisateurs et des associations économiques et les organisations des consommateurs. Ces milieux craignent que la redevance sur les appareils ne se traduise par une surtaxation injustifiée des utilisateurs et que la place économique suisse en pâtisse.

Cinq cantons approuvent l'introduction de la redevance sur les appareils sous réserve qu'elle n'engendre pas de coûts supplémentaires pour les pouvoirs publics.

Le PSS, le PST, les organisations représentant les artistes, la SBVV, la swiss interactive media and software association (SIMSA), l'ASRP, le Centre patronal, les syndicats et les sociétés de gestion y voient le moyen d'améliorer le système de rémunération pour les reproductions d'oeuvres réservées à l'usage privé et de tenir compte de l'évolution technologique.

Resserrement du contrôle de l'équité des tarifs: la DUN et les organisations faîtières de l'économie ­ syndicats mis à part ­ demandent que les critères prévus par la loi pour l'appréciation de l'équité des indemnités fixées par tarifs soient complétés.

Estimant que la réglementation actuelle fait la part belle aux intérêts des titulaires, 3279

elles critiquent le fait que le contrôle de l'équité ne tient pas compte du poids économique de l'indemnisation pour les utilisateurs.

L'IFPI Suisse est d'un tout autre avis, jugeant que ces critères sont trop restrictifs. Il demande la levée de la limite légale selon laquelle l'indemnité pour les droits voisins ne peut dépasser 3 % de la recette d'utilisation. Rejetant un renforcement du contrôle des tarifs, la Société suisse pour les droits des auteurs d'oeuvres musicales (SUISA) relève que les propositions débattues au cours des travaux préparatoires se sont révélées inapplicables, contraires au droit international ou encore anticonstitutionnelles.

Inscription du droit de suite: les artistes et les organisations qui leur sont proches demandent que l'on complète le projet par l'inscription du droit de suite conformément aux contraintes de la Directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une oeuvre d'art originale10 afin que les artistes perçoivent une partie des recettes engrangées par les commerçants d'art grâce à la revente de leurs oeuvres. Les défenseurs de ce droit, au nombre desquels figure aussi un canton, estiment en outre qu'en reconnaissant ce droit aux artistes la Suisse contribuerait grandement à l'harmonisation du droit suisse et du droit communautaire.

L'Association du commerce d'art de la Suisse, l'Association suisse des collectionneurs et économiesuisse s'opposent au droit de suite arguant que la Suisse perdrait ainsi un important avantage par rapport à l'UE dans le secteur du commerce de l'art.

Introduction d'une rémunération pour les prêts bibliothécaires: les artistes et la SBVV proposent d'inscrire dans la loi le droit à rémunération pour les auteurs par rapport aux bibliothèques. Ils relèvent que cette mesure permettrait de faire un pas de plus vers l'harmonisation du droit suisse et du droit communautaire et qu'elle procède du droit d'auteur selon lequel toute utilisation d'une oeuvre doit être rémunérée. Un canton appuie cette requête à condition que les bibliothèques des établissements d'enseignement soient exemptées.

Se félicitant que ce droit à rémunération ne figure pas dans le projet de révision, l'Association des bibliothèques et bibliothécaires suisses rejette l'intégration des
prêts bibliothécaires dans le système de rémunération des droits d'auteur.

La procédure de consultation a donné lieu à la formulation d'autres requêtes qui ne présentent aucun rapport avec la mise en oeuvre des traités de l'OMPI et qui ne découlent pas non plus d'interventions parlementaires. Elles concernent l'introduction d'une protection spéciale pour les photographies (Comedia, Presse suisse, Suisseculture et Photographes professionnels suisses) et pour les bases de données (SIMSA et Presse suisse), et l'octroi d'un droit d'action individuel pour les artistes interprètes participant à l'exécution d'une oeuvre (PSS, SIG, Suisseculture, UVS et Juristes démocrates de Suisse). S'agissant de la protection des logiciels, certaines clarifications et d'autres adaptations au droit communautaire (SWICO) ont été demandées. La SUISA souhaite, quant à elle, l'introduction du principe de l'épuisement national, et l'industrie cinématographique propose de compléter la réglementation de l'épuisement du droit de distribution dans le domaine des oeuvres audiovisuelles. Le Swiss Internet User Group, enfin, demande l'inscription d'une restriction supplémentaire permettant l'utilisation d'oeuvres à des fins de recherche, tandis que

10

JOCE L 272 du 13.10.2001, p. 32.

3280

l'Association des musées suisses propose d'introduire une exception en faveur de l'utilisation d'oeuvres plastiques à des fins d'exposition. Toutes ces requêtes n'ont pas été retenues dans la présente révision.

1.3

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

L'institution d'un observatoire des mesures techniques conformément à l'art. 39b P-LDA crée de nouvelles tâches pour la Confédération, qui peuvent être accomplies par la Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins (Commission arbitrale) ou par l'IPI. Elle nécessite la création d'un demiposte au maximum.

1.4

Droit comparé et rapports avec le droit européen

En vue de la ratification des traités Internet de l'OMPI, la CE a édicté la Directive sur la société de l'information (cf. ch. 1.1.1.2). En ce qui concerne la mise en oeuvre du WCT et du WPPT, le projet de révision de la LDA s'inspire directement de la directive européenne, notamment en ce qui concerne les points où les traités de l'OMPI laissent une certaine marge de manoeuvre au législateur national: en particulier l'obligation de prévoir une protection pour les mesures techniques (cf. ch. 2.3, art. 39a P-LDA). S'agissant de la mise en oeuvre du WPPT, le projet étend la protection à toutes les catégories de titulaires de droits voisins (cf. ch. 2.3, art. 33, 36 et 37 P-LDA), comme le fait la directive européenne. Il s'inspire enfin aussi de la directive pour ce qui est des nouvelles restrictions du droit d'auteur (cf. ch. 2.4). La révision du droit d'auteur entraîne donc une forte harmonisation du droit suisse et du droit communautaire dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins.

L'inscription du droit de suite et du droit de prêt (tantième des bibliothèques) dans la loi demandée par le biais d'interventions parlementaires aurait constitué un pas de plus dans cette harmonisation. A l'issue de la procédure de consultation, cependant, il est apparu que ces requêtes, qui avaient été rejetées lors de la révision totale de la loi sur le droit d'auteur en 1992, restent controversées (cf. ch. 1.2.3.3.2) et que rien ne justifie un réexamen de la situation. S'en tenant au cadre fixé lors de la révision totale de 1992, le projet s'écarte donc du droit communautaire sur ces questions.

1.5

Classement d'interventions parlementaires

Le projet permet de classer toute une série d'interventions parlementaires.

La motion Christen du 8 octobre 1999 (99.3557 Indemnités de droits d'auteur sur les subventions) demande le renforcement du statut des utilisateurs par rapport aux sociétés de gestion. Transformée en postulat, elle a été examinée lors des travaux législatifs préparatoires, qui ont montré qu'il était possible d'améliorer, dans une certaine mesure, la procédure d'approbation des tarifs par voie d'ordonnance.

3281

La motion Weigelt du 23 mars 2000 (00.3127 Droit d'auteur pour le producteur) demande une amélioration de la protection du producteur d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. Elle a également été transformée en postulat. Comme les travaux préparatoires n'ont abouti à aucun compromis, on a renoncé à régler cette question dans le cadre du présent projet (cf. ch. 1.2.3.3.2).

S'agissant de la revendication d'un article en faveur des producteurs, la procédure de consultation a révélé qu'il importe, dans l'intérêt de la sécurité du droit et d'une interprétation pragmatique de la loi, de préciser la portée du principe de la transmissibilité des droits d'auteur, statué à l'art. 16, al. 1, LDA. Il est en effet primordial de répondre à la question, qui revêt une grande importance pour l'économie, de savoir si le transfert des droits inclut également les utilisations futures. Certes, la loi ne fournit pas une réponse explicite, mais ne définissant aucune restriction au transfert contractuel des droits d'auteur tant sur le plan temporel que sur celui du contenu, rien ne s'oppose à un transfert sans réserve, formes d'utilisations futures incluses.

Ces conclusions découlent des travaux préparatoires et il n'est pas nécessaire d'apporter une clarification à la loi à ce sujet.

C'est pourquoi le Conseil fédéral était resté attaché, dans son projet de révision totale de la loi sur le droit d'auteur de 199211, au principe de la transmissibilité du droit d'auteur entre vifs, car il souhaitait se conformer à la directive donnée par le Parlement dans sa décision de renvoi. Celle-ci demandait que les intérêts des utilisateurs d'oeuvres et des producteurs soient davantage pris en compte en raison de l'importance croissante des créations collectives et des oeuvres d'auteurs salariés12.

Une interprétation restrictive du principe de la cessibilité de droits d'auteur entre vifs serait en contradiction avec cette intention. Elle est d'ailleurs également incompatible avec les explications contenues dans le message datant de 1989, selon lequel il était permis de «céder des droits d'auteur sans limite de temps ni restriction quant au contenu» et qui ajoutait que l'ayant cause de l'auteur, en sa qualité de cessionnaire, bénéficie du même statut que le titulaire originaire des droits13. Demeurée incontestée dans le cadre des
délibérations parlementaires, cette interprétation implique que l'auteur renonce aux utilisations futures de l'oeuvre quand il transfère expressément et sans réserve ses droits à un tiers ou s'il conclut une convention qui, basée sur la théorie de la finalité des contrats (art. 16, al. 2, LDA), mène au même résultat. Cette opinion est d'ailleurs répandue dans la doctrine juridique14.

La motion Aeppli Wartmann du 22 juin 2001 (01.3401 Inscrire un droit de suite dans la loi sur le droit d'auteur) demande l'introduction d'un droit de suite en faveur de l'auteur d'une oeuvre originale des beaux-arts. Il ressort de l'examen de cette motion, transformée elle aussi en postulat, que le droit de suite reste une question controversée et qu'il est largement rejeté. On a par conséquent renoncé à en tenir compte dans la présente révision (cf. ch. 1.2.3.3.2).

Le postulat de la Commission des affaires juridiques du 3 juillet 2001 (01.3417 Loi sur le droit d'auteur. Révision partielle) charge le Conseil fédéral d'examiner dans quelle mesure les dispositions des traités de l'OMPI de 1996 et les normes plus étendues appliquées par la CE peuvent être prises en considération. Le résultat de cet examen a été pris en compte dans le présent projet.

11 12 13 14

FF 1989 III 465 ss FF 1989 III 465 519 FF 1989 III 465 519 Notamment Büren/Meer, in SIWR II/1, 2e éd., p. 245

3282

Le postulat Baumann J. Alexander du 21 juin 2002 (02.3356 Ratification de deux traités de l'OMPI et réglementation applicable aux copies à usage privé) demande l'examen de mesures permettant d'adapter le système de rémunération des reproductions réservées à l'usage privé aux nouvelles technologies. La présente révision tient compte de ce postulat (cf. ch. 1.2).

2

Commentaire des dispositions

2.1

Le WCT

Préambule Le WCT a pour objectif la protection des auteurs et vise à créer un encouragement supplémentaire à la création littéraire et artistique. Il relève l'impact considérable des technologies de l'information et de la communication sur les auteurs et sur l'utilisation de leurs oeuvres, tout en soulignant la nécessité d'adapter les prescriptions internationales à cette évolution. Le traité fait en sorte de préserver un équilibre entre les intérêts des auteurs et l'intérêt public général en matière d'enseignement, de recherche et d'accès à l'information.

Le droit international emboîte donc le pas à l'évolution technologique pour éviter un déséquilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs. S'il est vrai qu'il n'est pas envisageable de garantir un accès illimité et gratuit aux oeuvres circulant sur la Toile, comme le revendiquent certains internautes, il est tout aussi impossible d'accorder des droits illimités aux auteurs. On doit dès lors pouvoir restreindre leurs prérogatives au nom d'intérêts publics supérieurs.

Art. 1 Conformément à l'al. 1, le WCT constitue un arrangement particulier au sens de l'art. 20 de la Convention de Berne. En tant que tel, il ne doit ni être contraire à celle-ci, ni prévoir un niveau de protection moins élevé. Selon l'al. 4, les parties contractantes doivent se conformer aux dispositions matérielles (art. 1 à 21) et à l'annexe de la Convention de Berne.

Conformément au droit international des traités, le lien entre le WCT et la Convention de Berne implique qu'en cas de dispositions contradictoires la convention prime le traité. Afin d'éviter de telles contradictions, le WCT doit être interprété en conformité avec la Convention de Berne. Cette remarque est surtout pertinente pour ce qui est de la Déclaration commune concernant l'art. 1.4), selon laquelle le droit de reproduction énoncé à l'art. 9 de la Convention de Berne et les exceptions dont il peut être assorti s'applique pleinement dans l'environnement numérique; le stockage sur un support électronique constitue une reproduction au sens de cette disposition.

L'obligation absolue de se conformer aux dispositions matérielles et à l'annexe de la Convention de Berne revêt une certaine importance, en particulier pour les Etats contractants qui n'ont pas signé cette convention ou l'acte de
révision adopté à Paris en 1971. Les principaux éléments de la Convention de Berne sont la notion d'«oeuvres littéraires et artistiques», le principe du traitement national, l'absence de formalités contraignantes auxquelles serait soumise la protection, les droits moraux

3283

des auteurs et leurs droits exclusifs comme les droits de reproduction, d'adaptation, de représentation, de récitation publique, de diffusion et de communication publique.

Aux termes de la 2e phrase de l'al. 1, le WCT n'a de lien avec aucun autre traité que la Convention de Berne. Cependant, lors des négociations, les parties ont veillé à ce qu'il soit conforme à d'autres instruments internationaux, comme l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord sur les ADPIC)15.

Art. 2 La définition de l'objet protégé reprend presque mot pour mot la teneur de l'art. 9, par. 2, de l'Accord sur les ADPIC. Le champ d'application matériel des deux traités est donc identique. Bien qu'elle ne figure pas expressément dans la Convention de Berne, la portée de la protection n'a jamais été contestée par les Etats parties.

Art. 3 Les art. 2 à 6 de la Convention de Berne s'appliquent mutatis mutandis aux nouveaux droits ou aux droits plus étendus prévus par le WCT. Cet article fait référence en particulier à la liste d'oeuvres littéraires et artistiques, au principe du traitement national et à l'absence de formalités contraignantes auxquelles serait soumise la protection. L'application par analogie des principaux principes de la Convention de Berne aux règles énoncées dans le WCT était le moyen le plus simple d'éviter des contradictions entre les deux traités, par exemple entre les termes «Parties contractantes» dans le WCT et «pays de l'Union» dans la Convention de Berne (cf. Déclaration commune concernant l'art. 3).

Art. 4 L'art. 4 n'élargit pas la notion d'oeuvre appliquée aux programmes d'ordinateur, mais apporte une précision. La protection par droit d'auteur des logiciels étant reconnue et incontestée de longue date, la Déclaration commune concernant l'art. 4 précise que l'étendue de la protection prévue pour les programmes d'ordinateur est compatible avec la Convention de Berne et conforme aux dispositions pertinentes de l'Accord sur les ADPIC.

Art. 5 Cette disposition relative aux compilations et aux bases de données se borne à préciser les dispositions en vigueur en vertu de la Convention de Berne et de l'Accord sur les ADPIC (cf. Déclaration commune concernant l'art. 5).

15

Accord du 15 avril 1994 instituant l'Organisation mondiale du commerce, Annexe 1.C Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce; RS 0.632.20.

3284

Art. 6 L'art. 6 prévoit un droit de distribution qui porte sur toutes les oeuvres littéraires et artistiques. Ce droit exclusif est une innovation importante du WCT par rapport à la Convention de Berne et à l'Accord sur les ADPIC. La Déclaration commune concernant les art. 6 et 7 restreint le champ d'application de cette disposition à la distribution d'exemplaires fixés pouvant être mis en circulation en tant qu'objets tangibles, ce qui exclut la distribution par transmission numérique.

La réglementation de la question certes importante mais controversée de l'épuisement continue de ressortir aux Etats contractants. Nonobstant ce fait, l'al. 2 prévoit que le droit ne s'épuise que si le premier acte de disposition a été effectué avec l'autorisation de l'auteur.

Art. 7 L'Accord sur les ADPIC est le premier traité multilatéral à prévoir un droit de location exclusif. Comme il a servi de base à l'élaboration de cette disposition du WCT, il n'existe pas de différences substantielles entre les deux traités concernant ce droit.

Le droit de location exclusif se limite aux communications, sur support physique, de programmes d'ordinateur, d'oeuvres cinématographiques et d'oeuvres incorporées dans des phonogrammes (cf. Déclaration commune concernant les art. 6 et 7).

L'art. 7 prévoit cependant aussi d'importantes exceptions. Il formule tout d'abord une réserve pour les Etats qui appliquent un système de rémunération équitable des auteurs pour la location d'exemplaires de leurs oeuvres incorporées dans des phonogrammes. Ces pays peuvent continuer à appliquer leur système à condition que la location ne compromette pas de manière substantielle les droits exclusif de reproduction des auteurs. La Déclaration commune concernant l'art. 7 précise en outre qu'un pays dont la législation n'octroie pas aux auteurs d'oeuvres incorporées dans des phonogrammes un droit de location exclusif n'est pas tenu de modifier sa législation en la matière. Les Etats sont libres de prévoir un droit de location plus étendu.

Art. 8 Le WCT prévoit ­ et c'est une première ­ un droit général de communication au public applicable à toutes les oeuvres, quelles qu'elles soient. La mise à disposition de l'oeuvre n'épuise pas le droit de distribution. Formulé de façon très ouverte, l'art. 8 couvre la transmission d'oeuvres sur les réseaux
numériques. Il est également applicable aux transmissions non interactives. Cette disposition élimine donc une insécurité juridique apparue dans le sillage du progrès technique. La Déclaration commune concernant l'art. 8 précise que la simple fourniture d'infrastructures destinées à permettre ou à réaliser une transmission ne constitue pas une communication au public au sens de cet article.

Art. 9 Aux termes de l'art. 9 WCT, l'art. 7, par. 4, de la Convention de Berne ne s'applique pas aux oeuvres photographiques. Autrement dit, celles-ci sont elles aussi soumises à la durée de protection minimale de 50 ans (art. 1, al. 4, WCT en relation avec 3285

l'art. 7, par. 1, de la Convention de Berne). En prévoyant le même niveau de protection pour les oeuvres photographiques et les autres oeuvres, le traité supprime donc une inégalité de traitement.

Aux termes de la Convention de Berne, les pays de l'Union de Berne sont libres de définir des durées de protection plus longues. Ainsi, les Etats membres de l'UE ont prévu une durée de protection de 70 ans pour toutes les catégories d'oeuvres. En Suisse aussi, la protection dure 70 ans, sauf pour les programmes d'ordinateur.

Art. 10 Conformément à l'al. 1, les parties contractantes peuvent maintenir ou prévoir des limitations ou exceptions qui sont conformes au test des trois étapes. Autrement dit, ces limitations et exceptions sont autorisées si elles se restreignent à certains cas spéciaux, si elles ne compromettent pas l'exploitation normale d'une oeuvre et si elles ne causent pas de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

La finalité de cet article est de veiller à un juste équilibre entre les intérêts des auteurs, d'une part, et l'intérêt public général, de l'autre. Cette disposition concrétise donc un des principes énoncés dans le préambule. Le test des trois étapes a été fixé pour la première fois à l'art. 9, par. 2, de la Convention de Berne, qui ne s'applique qu'aux exceptions et limitations relatives au droit de reproduction. Il a été ensuite repris à l'art. 13 de l'Accord sur les ADPIC, où il a valeur de règle générale pour toutes les exceptions et limitations.

La première étape de ce test interdit la formulation de dispositions d'exception d'application générale. Le but d'une exception ou d'une limitation doit toujours être clairement défini. La deuxième étape exige que l'exception ou la limitation soit soumise à un examen de proportionnalité par rapport aux possibilités d'exploitation du droit d'auteur. L'exploitation normale se définit en fonction du droit en question et du marché. La troisième étape, enfin, consiste en un examen de proportionnalité au sens étroit: autrement dit, les intérêts légitimes de l'auteur ne peuvent être restreints que dans la mesure où cette limitation ne lui cause pas de préjudice injustifié.

L'al. 2 étend explicitement ces conditions d'admissibilité aux limitations et exceptions au sens de la Convention de Berne. La Déclaration commune
concernant l'art. 10 précise que les limitations et exceptions prévues conformément à la Convention de Berne demeurent inchangées puisque le test des trois étapes y figure implicitement. De surcroît, le test des trois étapes est pleinement applicable dans le domaine numérique.

Art. 11 Aux termes de cet article, les parties contractantes sont tenues de prévoir une protection juridique appropriée contre le contournement des mesures techniques.

Cette mesure d'appoint constitue une des principales nouveautés du traité. Devant permettre l'application du droit matériel dans le nouvel environnement technique, elle donne aux auteurs et aux titulaires les moyens de se protéger efficacement contre le piratage, sans les obliger toutefois à recourir à des mesures techniques.

3286

Le WCT ne définit ni la notion de «protection juridique appropriée», ni celle de «sanctions juridiques efficaces», laissant ainsi aux Etats contractants toute latitude pour la mise en oeuvre. Les sanctions matérielles ne sont appropriées que si, tout en étant suffisamment dissuasives, elles tiennent compte aussi bien des intérêts des utilisateurs que de l'intérêt public général, comme le statue le préambule. Bien qu'il ne soit pas directement applicable, l'art. 14, al. 2, WCT peut s'avérer utile lorsqu'il s'agit de préciser la notion de «sanctions juridiques efficaces». Aux termes de cette disposition, les procédures d'application des droits découlant du WCT doivent permettre d'empêcher tout acte qui porterait atteinte à ces droits et de prévenir toute atteinte ultérieure. Ces procédures peuvent être civiles ou pénales, mais il n'y a pas d'obligation pour les Etats contractants de prévoir une procédure pénale.

Seules les mesures techniques efficaces sont protégées contre le contournement. Les auteurs doivent donc avoir recours à des mesures techniques qui offrent au moins une protection minimale. Bien que les Etats contractants ne soient tenus de protéger que les moyens techniques permettant d'assurer la protection des droits prévus par le WCT ou par la Convention de Berne, ils ont le droit d'étendre cette protection contre le contournement à d'autres droits. Ils sont enfin libres de prévoir des exceptions dans leurs législations.

Art. 12 Parallèlement à l'art. 11 WCT, les parties contractantes sont tenues de prévoir des sanctions matérielles suffisantes et des procédures d'application des droits permettant de protéger les informations électroniques sur le régime des droits. Aux termes de l'al. 2, il s'agit d'informations permettant d'identifier l'oeuvre et l'auteur ou l'ayant droit, ou encore d'informations sur les conditions et modalités d'utilisation, ainsi que de tout numéro ou code représentant ces informations. Ces éléments doivent être joints à l'exemplaire d'une oeuvre ou apparaître en relation avec la communication de l'oeuvre au public. Les Etats parties sont libres de protéger d'autres informations.

L'al. 1 définit deux types d'actes pour lesquels les Etats parties doivent prévoir des sanctions juridiques suffisantes et efficaces: premièrement, la suppression ou la modification non
autorisée d'informations électroniques; deuxièmement, la distribution, l'importation aux fins de distribution, la radiodiffusion ou la communication au public non autorisée en connaissance de la suppression ou de la modification préalable non autorisée d'informations électroniques. L'al. 1 formule de surcroît des conditions subjectives. Il suffit ainsi que la personne se rende coupable d'ignorance par négligence, autrement dit qu'elle ait des raisons valables de penser que les actes non autorisés vont entraîner, permettre, faciliter ou dissimuler une atteinte à un droit prévu par le WCT ou par la Convention de Berne pour que les sanctions civiles s'appliquent. Les Etats contractants sont libres de prévoir également des sanctions pénales. Les exigences en termes de protection énoncées à l'art. 12 sont des exigences minimales. Les parties contractantes peuvent donc en prévoir d'autres.

Selon la Déclaration commune concernant l'art. 12, sont protégés contre les atteintes non seulement les droits exclusifs prévus par le WCT et par la Convention de Berne, mais aussi les droits à rémunération. Par ailleurs, cette déclaration précise que l'art. 12 WCT ne doit empêcher ni le libre mouvement des marchandises, ni l'exercice des droits reconnus par le WCT.

3287

Art. 13 Cette disposition renvoie à la réglementation de la Convention de Berne en matière de champ d'application ratione temporis. Ainsi, le traité s'applique à toutes les oeuvres qui, au moment de l'entrée en vigueur de celui-ci, ne sont pas encore tombées dans le domaine public. Si la durée de la protection a expiré au moment de l'entrée en vigueur, autrement dit si les oeuvres n'étaient déjà plus protégées à ce moment-là, elles continuent à ne plus être protégées. Aux termes de l'art. 18, par. 3, de la Convention de Berne, les détails relatifs à l'application dans le temps peuvent être réglés bilatéralement ou au niveau national. Ces dispositions s'appliquent également aux Etats qui adhèrent ultérieurement au traité et en cas d'extension de la protection (art. 18, par. 4, de la Convention de Berne).

Art. 14 L'application du droit reste de la compétence des Etats contractants. Ceux-ci doivent adopter, conformément à leur ordre juridique, les mesures permettant de garantir l'application du WCT. Leur législation doit comporter au minimum des procédures d'application des droits et des mesures propres à prévenir et à empêcher tout acte susceptible de porter atteinte aux droits. La procédure pénale n'est pas exigée explicitement.

Art. 15 à 18 Aucunes remarques.

Art. 19 Le WCT était ouvert à la signature jusqu'au 31 décembre 1997. 50 Etats et la CE l'ont signé dans ce délai. La Suisse l'a signé le 29 décembre 1997, en même temps que l'Estonie et la Slovaquie.

Art. 20 Le WCT est entré en vigueur le 6 mars 2002 après que le Gabon eut déposé son instrument d'adhésion le 6 décembre 2001, le nombre des 30 ratifications ou adhésions ayant été atteint.

Art. 21 Aucunes remarques.

Art. 22 Aucune réserve n'est admise au WCT. Les réserves à la Convention de Berne sont admises dans le cadre du renvoi à ce traité (cf. art. 1, al. 4, WCT).

Art. 23 à 25 Aucunes remarques.

3288

2.2

Le WPPT

Préambule Le WPPT règle la protection des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Son préambule est presque identique à celui du WCT, sauf qu'il ne mentionne pas l'encouragement de la création littéraire et artistique.

Art. 1 Le WPPT est un traité international indépendant, qui ne constitue pas un arrangement particulier. Il ne déroge pas aux obligations découlant de la Convention de Rome et s'applique sans préjudice des droits et obligations découlant de tout autre traité. Le traité n'affecte par ailleurs en aucune façon la protection des auteurs.

Ainsi, la Déclaration commune concernant l'art. 1 précise l'indépendance du droit d'auteur et de la protection des droits voisins et spécifie que les parties contractantes sont libres de prévoir pour les titulaires des droits exclusifs allant au-delà de ce que prévoit le WPPT.

Art. 2 Les définitions sont quasiment identiques à celles figurant à l'art. 3 de la Convention de Rome. Mis à part certains ajouts et précisions, le traité introduit en outre les notions de «fixation» et de «communication au public».

Art. 3 C'est la nationalité qui sert de critère de délimitation du cercle des bénéficiaires de la protection prévue par le WPPT. Selon l'al. 2, la nationalité se définit en référence à la Convention de Rome.

Lors de la ratification de la Convention de Rome, la Suisse a, en vertu de l'art. 5, par. 3, de la convention, formulé une réserve et déclaré qu'elle rejetait le critère de la fixation (cf. déclarations à la fin de la Convention de Rome)16. Conformément à l'al. 3, cette réserve doit être notifiée au directeur général de l'OMPI lors du dépôt de l'instrument de ratification du WPPT.

Art. 4 La portée du principe du traitement national est moins étendue que dans la Convention de Berne: il ne s'applique qu'aux droits exclusifs énoncés expressément dans le WPPT et au droit à une rémunération équitable. Il ne s'étend donc pas aux droits allant au-delà du WPPT, conférés par les législateurs nationaux. Selon l'al. 2, les Etats contractants ne sont par ailleurs pas tenus d'appliquer le principe du traitement national si une partie au traité limite ou exclut le droit à rémunération pour la radiodiffusion et la communication au public (cf. art. 15, al. 3, WPPT).

16

RS 0.231.171

3289

Art. 5 L'al. 1 de cet article confère deux droits moraux aux artistes interprètes ou exécutants: le droit d'être mentionnés comme tels et le droit à l'intégrité de leurs interprétations ou exécutions. Les artistes interprètes ou exécutants conservent ces droits, qui sont limités aux interprétations ou exécutions sonores vivantes et aux interprétations ou exécutions fixées sur phonogrammes, même s'ils ont cédé leurs droits économiques. Mentionnés pour la première fois dans un traité international, les droits moraux des artistes constituent l'un des principaux acquis de ce texte, quand bien même les questions de l'abandon et du transfert de ces droits n'ont pas été réglées.

L'al. 2 a pour but la coordination de la durée de protection des droits patrimoniaux et de celle des droits moraux. Les parties contractantes dont la législation nationale en vigueur au moment de la ratification du WPPT ou de l'adhésion au traité ne contient pas de dispositions assurant la protection des droits moraux après la mort de l'artiste interprète ou exécutant ont la faculté de prévoir que ces droits ne seront pas maintenus après la mort de l'artiste interprète ou exécutant. Dans l'intérêt de la sécurité juridique et par souci d'une réglementation simple et homogène, la Suisse ne fait pas usage de cette possibilité.

Conformément à l'al. 3, les moyens de recours pour sauvegarder les droits reconnus dans le WPPT sont réglés par la législation de l'Etat où la protection est réclamée.

Art. 6 En référence à l'art. 7, par. 1, let. a et b, de la Convention de Rome et à l'art. 14, par. 1, de l'Accord sur les ADPIC, cet article confère, pour la première fois sous la forme de droits exclusifs, aux artistes interprètes ou exécutants des droits patrimoniaux sur leurs interprétations ou exécutions non fixées. La protection s'étend aux prestations tant musicales qu'audiovisuelles et visuelles.

Art. 7 Cette disposition confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif de reproduction tant directe qu'indirecte sur leurs interprétations ou exécutions fixées sur phonogrammes. Ce droit s'applique pleinement dans l'environnement numérique (cf. Déclaration commune concernant les art. 7, 11 et 16). Ainsi, le stockage d'une interprétation ou exécution fixée sous forme numérique sur un support électronique ou la numérisation
d'une interprétation ou exécution déjà fixée sur un support analogique constitue un acte de reproduction au sens de cette disposition.

Art. 8 Cet article confère aux artistes interprètes ou exécutants le droit exclusif de distribution sur les copies qui peuvent être mises en circulation en tant qu'objets tangibles (cf. Déclaration commune concernant les art. 2, let. e, 8, 9, 12 et 13). A l'instar de ce que prévoit le WCT à son art. 6, la réglementation de la question de l'épuisement du droit ressortit aux Etats contractants.

3290

Art. 9 Cette disposition confère aux artistes interprètes ou exécutants un droit exclusif de location. Ce droit est limité dans la mesure où il ne porte que sur la location commerciale au public et qu'il se définit en fonction de la législation nationale des Etats contractants.

Aux termes de l'al. 2, les parties contractantes peuvent continuer d'appliquer un système de rémunération équitable pour la location de copies, à condition que celuici ne compromette pas de manière substantielle les droits exclusif de reproduction des artistes interprètes ou exécutants (cf. disposition analogue du WCT, art. 7, al. 3).

Art. 10 Le droit de mettre à disposition des interprétations ou exécutions fixées correspond pour l'essentiel au droit de communication au public prévu à l'art. 8 WCT. L'article couvre en particulier les services à la demande.

Art. 11 Par analogie à l'art. 7 WPPT, les producteurs de phonogrammes jouissent eux aussi d'un droit de reproduction exclusif.

Art. 12 Cet article confère aux producteurs de phonogrammes un droit de distribution analogue à celui énoncé aux art. 6 WCT et 8 WPPT, à savoir celui de mettre à la disposition du public des phonogrammes par transfert de propriété. Dans ce cas aussi, il incombe aux Etats contractants de régler la question de l'épuisement du droit.

Art. 13 S'agissant du droit exclusif des producteurs de phonogrammes d'autoriser la location commerciale et de la possibilité, pour les parties contractantes, de continuer à appliquer un système de rémunération équitable, nous renvoyons au commentaire de l'art. 9 WCT.

Art. 14 Le droit de mise à disposition exclusif des producteurs de phonogrammes correspond pour l'essentiel au droit exclusif conféré aux artistes interprètes ou exécutants, énoncé à l'art. 10 WPPT.

Art. 15 Aux termes de l'al. 1, les artistes interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes ont droit à une rémunération équitable pour la diffusion ou la communication au public de phonogrammes publiés à des fins de commerce. Conformément à l'al. 4, les phonogrammes mis à disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement sont assimilés aux phonogrammes visés à l'al. 1, i.e. aux phonogrammes publiés à des fins de commerce. Il ressort de la Déclaration commune concernant l'art. 15 3291

qu'il existe un droit à rémunération pour les interprétations, exécutions et enregistrements folkloriques même si, contrairement à l'al. 1, les phonogrammes n'ont pas été publiés à des fins de commerce.

Ce droit à rémunération appartient tant aux artistes interprètes ou exécutants qu'aux producteurs de phonogrammes. Aux termes de l'al. 2, cependant, les parties contractantes ont la faculté de déterminer si l'exercice du droit à rémunération ressortit aux premiers ou aux seconds ou aux deux. En l'absence d'un accord entre les intéressés sur la répartition de la rémunération, elles peuvent adopter des dispositions en la matière.

Selon l'al. 3, chaque Etat contractant peut formuler une réserve visant à limiter ou à empêcher l'application de l'al. 1 relatif aux droits à rémunération.

Cet article s'appuie pour l'essentiel sur les art. 12 et 16 de la Convention de Rome.

Comme les parties contractantes n'ont pas pu s'entendre sur l'étendue du droit de diffusion et de communication, elles ont renoncé à régler la question (cf. Déclaration commune concernant l'art. 15). L'élaboration d'une réglementation commune n'a d'ailleurs été possible que parce que les pays ont pu formuler des réserves.

S'il est vrai que cette disposition ne fixe qu'un standard minimum, les parties contractantes ont néanmoins la faculté de prévoir dans leurs législations nationales des dispositions allant plus loin.

Art. 16 Par rapport à la réglementation de l'art. 15, par. 1, de la Convention de Rome, cette disposition est plus stricte. Ainsi, les restrictions et limitations des droits ne sont admissibles que si elles sont conformes au test des trois étapes (cf. à ce propos l'art. 10 WCT et la Déclaration commune concernant l'art. 16).

Art. 17 Conformément à l'art. 14, ch. 5, 1re phrase, de l'Accord sur les ADPIC, cette disposition prescrit une durée de protection minimale de 50 ans pour les droits des artistes interprètes ou exécutants et ceux des producteurs de phonogrammes. La Directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins17 prévoit une durée de protection minimale analogue.

Art. 18 A l'instar de l'art. 11 WCT, cet article règle les procédures à suivre en cas de contournement de mesures techniques efficaces.

Art. 19 Cet article reprend la réglementation prévue par l'art. 12 WCT.

17

JOCE L 290 du 24.11.1993, p. 9 à 13.

3292

Art. 20 A la différence de l'art. 11 de la Convention de Rome et de l'art. 14, ch. 6, de l'Accord sur les ADPIC, qui autorisent les Etats contractants à prescrire des exigences formelles, cette disposition précise que la jouissance et l'exercice des droits prévus dans le WPPT ne sont subordonnés à aucune formalité.

Art. 21 A l'exception des réserves formulées en vertu de l'art. 15, al. 3, WPPT, aucune autre réserve au traité n'est admise.

Art. 22 S'agissant de l'application dans le temps, le WPPT renvoie, tout comme le WCT à son art. 13, à l'art. 18 de la Convention de Berne.

L'al. 2 prévoit une disposition spéciale, selon laquelle les droits moraux dont jouissent les artistes peuvent être limités, en vertu de l'art. 5 WPPT, aux prestations qui ont eu lieu après l'entrée en vigueur du traité à l'égard de chaque partie contractante.

Art. 23 Cette disposition reprend la teneur de l'art. 14 WCT.

Art. 24 à 33 Les dispositions administratives et finales correspondent aux art. 15 à 21 et 23 à 25 WCT. La Suisse a signé le WPPT le 29 décembre 1997, en même temps que le WCT. Le WPPT est entré en vigueur le 20 mai 2002 après que le Honduras eut déposé son instrument de ratification, le nombre des 30 ratifications ou adhésions ayant été atteint.

2.3

Modifications de la loi sur le droit d'auteur en vue de la mise en oeuvre des traités de l'OMPI

Art. 10

Utilisation de l'oeuvre

La ratification du WCT n'appelle pas d'adaptation des droits exclusifs d'utilisation que la loi actuelle accorde à l'auteur. L'art. 10, al. 1, LDA réserve en effet à celui-ci tous les droits exclusifs d'utiliser de quelque manière que ce soit son oeuvre, donc également le nouveau droit prévu par l'art. 8 WCT, qui ne figure pas dans la Convention de Berne, à savoir la mise à disposition d'oeuvres par le biais de services à la demande.

Ce droit ­ appelé droit de mise à disposition ­ peut aussi être déduit de l'art. 10, al. 2, let. c, LDA. Selon le message concernant la révision du droit d'auteur, la notion de «faire voir ou entendre [...] en un lieu autre»18 couvre en effet également la communication sans support physique d'une oeuvre dans un système de réseau. Il 18

FF 1989 III 465 514

3293

semble néanmoins judicieux d'inscrire cette prérogative à l'al. 2, let. c. On peut ainsi souligner l'importance de ce droit dans le domaine numérique, tout en mettant en évidence, dans l'intérêt de la sécurité juridique, que l'auteur se voit conférer un droit exclusif ­ celui de mettre ses oeuvres à disposition sur la Toile ou par le biais de systèmes de communication analogues. Ce droit est conforme aux art. 8 WCT et 3, al. 1, de la Directive sur la société de l'information.

Aux termes du WCT, les parties contractantes sont libres de définir quand une mise à disposition d'oeuvres est publique et relève, de ce fait, du droit d'auteur. Conformément à l'art. 10 LDA, le droit exclusif de l'auteur s'étend à toutes les communications, sans support physique, de son oeuvre, qui sont destinées à un cercle de personnes dépassant celui prévu par l'art. 19, al. 1, let. a et b, LDA. Cela ne signifie cependant pas qu'une oeuvre qui, en vertu de l'art. 19, al. 1, let. c, LDA, est enregistrée sous une forme numérique sur le réseau interne d'une entreprise ne peut être mise à la disposition des employés de cette entreprise qu'avec l'autorisation du titulaire du droit. Bien que cette disposition prévoyant une exception au droit d'auteur ne concerne que les reproductions, elle autorise évidemment également la mise en circulation des copies effectuées à des fins d'information ou de documentation, peu importe qu'elle se fasse avec ou sans supports19.

La distinction entre le droit de mise à disposition et la licence légale en faveur de l'usage privé ne se fait pas à partir du cercle dans lequel se fait la consultation de l'oeuvre rendue accessible. Ce n'est que si tant la mise à disposition que l'interrogation intervient dans un des cercles de personnes définis à l'art. 19, al. 1, LDA que la restriction du droit d'auteur en faveur de l'usage privé s'applique à ce droit.

L'expression «par quelque manière que ce soit» précise que ce droit ne dépend pas de la technologie utilisée pour la mise à disposition. Il importe ainsi peu qu'elle se fasse par fil ou sans fil.

L'art. 10, al. 2, let. f, P-LDA prévoit que le droit de faire voir ou entendre des oeuvres mises à disposition est lui aussi considéré comme un droit exclusif de l'auteur.

En effet, de la même manière que l'on peut faire voir ou entendre des émissions par
le biais d'un écran, par exemple dans un restaurant, on peut faire voir ou entendre des oeuvres mises à disposition à un cercle de personnes autre que celui pour lequel l'usage à des fins privées est autorisé. Dans ce sens, l'acte de faire voir ou entendre des oeuvres, que ce soit à la suite d'une diffusion, d'une retransmission ou d'une mise à disposition par le biais de services à la demande, constitue une utilisation secondaire, qui relève du droit exclusif de l'auteur.

Art. 33

Droits de l'artiste interprète

L'al. 1 étend la définition des prestations de l'artiste interprète aux expressions du folklore conformément à l'art. 2, let. a, WPPT. Ainsi, sont également protégées les exécutions artistiques qui, bien qu'elles ne reposent sur aucune oeuvre, constituent une expression du folklore. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les oeuvres présentent la particularité caractéristique d'une création originale de l'esprit («das Gepräge einer eigenartigen Geisteschöpfung», ATF 110 IV 102 «Harlekin»). Ce critère de l'originalité fait défaut à l'art populaire qui se nourrit principalement de traditions: les créations ne changent que graduellement et lentement. Ainsi, les 19

Du même avis: Gasser Christoph, 1997. Der Eigengebrauch im Urheberrecht, ASR Heft 604, Zürich, Stämpfli, p. 98, qui renvoie à Cherpillod.

3294

danses folkloriques pour lesquelles il n'existe pas de chorégraphies protégées constituent par exemple des expressions du folklore. En Suisse, la prestation d'un lanceur de drapeaux suisse pourrait bénéficier de cette protection du folklore.

Les droits exclusifs des artistes interprètes énumérés à l'al. 2 portent aussi bien sur les prestations fixées que sur les prestations non fixées. Cette énumération exhaustive mentionne un nouveau droit à la let. a: celui de mise à disposition. La formulation de cette disposition est analogue à celle de l'art. 10, al. 2, let. c, P-LDA.

Concernant la mise à disposition de prestations d'oeuvres fixées, cette nouvelle prérogative s'inspire largement de l'art. 10 WPPT. A la différence de ce dernier, cependant, le nouveau droit ne se limite pas uniquement aux prestations fixées sur phonogrammes, mais s'étend également aux prestations audiovisuelles. Par un ajout à la let. e, on accorde en outre à l'artiste interprète le droit exclusif de faire voir ou entendre les prestations mises à disposition.

Art. 33a

Droits moraux de l'artiste interprète

Eu égard aux possibilités de manipulation offertes par les technologies modernes, le WPPT a prévu une protection des droits moraux de l'artiste interprète, laquelle s'inspire directement du «droit moral» prévu à l'art. 6bis de la Convention de Berne.

Si la Suisse veut ratifier le traité, elle doit garantir cette protection.

Comme l'art. 5 WPPT, l'art. 33a P-LDA distingue deux aspects de la protection des droits moraux: tout d'abord le droit, pour l'artiste interprète, d'être nommé, puis celui au respect de l'intégrité de sa prestation. L'al. 1 confère à l'artiste interprète le droit de faire reconnaître sa qualité d'artiste interprète par rapport à sa prestation.

Cette disposition correspond à l'art. 9, al. 1, LDA, qui règle la reconnaissance de la qualité d'auteur, mais ne confère pas un droit absolu à l'auteur de voir son nom mentionné. En effet, l'omission du nom de l'auteur est autorisée si le mode d'utilisation ou la pratique l'impose, ce qui est par exemple le cas lorsque de la musique de fond est utilisée dans une émission radiophonique.

La garantie de la protection de l'intégrité de la prestation prévue par le WPPT figure déjà dans le droit suisse: aux art. 28 ss du code civil (CC)20, qui règlent la protection de la personnalité. Ainsi, la déformation ou la mutilation d'une prestation peut porter atteinte à la personnalité. C'est ce qui est précisé à l'al. 2.

A la différence de l'art. 5 WPPT, l'art. 33a ne s'applique pas uniquement aux prestations sonores. Il accorde aux artistes interprètes une protection générale de leurs droits moraux, qui s'étend également aux prestations audiovisuelles. Il serait en effet inopportun de discriminer les artistes interprètes actifs dans le domaine audiovisuel.

Il est de plus probable qu'un futur traité de l'OMPI sur la protection des prestations audiovisuelles comporte des dispositions relatives aux droits moraux de cette catégorie d'artistes.

Art. 36

Droits du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes

Traitant des droits de reproduction et de distribution, la let. a ne modifie en rien l'étendue de la protection actuelle. Le droit de reproduction doit cependant être compris comme une prérogative générale au sens de l'art. 11 WPPT, qui s'applique à la reproduction tant directe qu'indirecte, de quelque manière ou sous quelque 20

RS 210

3295

forme que ce soit. La let. b complète les droits actuels par le droit de mise à disposition. Les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes sont donc aussi protégés lorsque leurs prestations sont mises à disposition par le biais de services électroniques. L'inscription de ce nouveau droit exclusif dans la loi sur le droit d'auteur permet de satisfaire aux exigences minimales imposées par le WPPT pour la protection des producteurs de phonogrammes.

La disposition du droit suisse va au-delà de la protection prévue par le WPPT dans la mesure où ces droits ne sont pas uniquement accordés aux producteurs de phonogrammes, mais aussi aux producteurs de vidéogrammes, conformément au principe d'égalité de traitement des phonogrammes et des vidéogrammes qui sous-tend la loi sur le droit d'auteur.

Art. 37

Droits des organismes de diffusion

La let. e complète les droits des organismes de diffusion en leur accordant, comme aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, le droit de mettre à disposition une émission par le biais de services à la demande. Ce droit est réservé à l'organisme de diffusion producteur de l'émission.

Le fait d'octroyer aux organismes de diffusion les mêmes droits qu'aux producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes correspond aux efforts déployés au niveau international pour aligner la protection des organismes de diffusion sur celle des producteurs de phonogrammes conformément au WPPT. La Directive sur la société de l'information, qui étend cette protection à l'ensemble des droits voisins, va dans le même sens.

Art. 39

Durée de la protection

Conformément à l'al. 1, le délai de protection commence à courir avec la publication du phonogramme ou du vidéogramme. Ce n'est qu'à défaut de publication qu'on considère le moment de la confection du support. Cette disposition est conforme à l'art. 17, al. 2, WPPT, qui règle la durée de la protection des phonogrammes. A la différence de cet article, qui fait la distinction entre la durée de protection de la prestation et celle du phonogramme, l'art. 39, al. 1, P-LDA prévoit que tant le délai de protection de la prestation que celui des phonogrammes et des vidéogrammes commence à courir à compter de la publication. Autrement dit, en cas de publication du phonogramme ou du vidéogramme sur lequel est fixée la prestation, la durée de la protection de celle-ci se calcule à partir du moment de la publication du support, et non à compter de la confection du support.

L'al. 1bis règle le délai de protection applicable au droit de l'artiste interprète d'être nommé conformément à l'art. 5, al. 2, WPPT. Ce droit moral prend fin avec l'expiration du délai de protection visé à l'al. 1. Si l'artiste interprète vit plus longtemps, la protection prend fin avec son décès.

Il n'est pas nécessaire de régler la durée de la protection de l'artiste interprète contre les atteintes portées à ses prestations; celle-ci est réglée par les art. 28 ss CC21.

21

RS 210

3296

Art. 39a

Protection des mesures techniques

Cette disposition protège les mesures techniques auxquelles ont recours les auteurs et les titulaires pour empêcher ou contrôler une utilisation non autorisée de leurs oeuvres ou de leurs prestations dans le domaine numérique. Les traités de l'OMPI ont posé la pierre angulaire de cette nouvelle protection puisqu'aux termes des art. 11 WCT et 18 WPPT les Etats contractants sont tenus de transposer ces obligations dans leur législation nationale.

L'interdiction de contourner ces mesures prévue à l'al. 1 s'applique également aux actes visant à rendre ces mesures inutilisables, par exemple par leur suppression ou leur destruction. Conformément aux prescriptions des traités de l'OMPI, les mesures techniques ne sont pas protégées dans l'absolu, mais uniquement si elles présentent un rapport avec des oeuvres protégées par le droit d'auteur ou des prestations protégées par les droits voisins. Il n'est par conséquent pas défendu de contourner les mesures techniques dont sont munies les oeuvres et les prestations tombées dans le domaine public ou celles dont sont assortis les contenus non protégés.

Une restriction supplémentaire de l'interdiction de contourner découle de l'al. 2, qui précise ce qu'il faut entendre par la notion de mesures techniques protégées employée à l'al. 1. Conformément à cette disposition, la protection ne dépend pas du type de technologies ou de dispositifs utilisés, mais de leur finalité. Autrement dit, les mesures techniques ne sont protégées que si elles sont destinées mais aussi propres à empêcher des utilisations illicites de contenus protégés par des droits d'auteur. Elles doivent donc avoir un effet. La protection contre le contournement des mesures techniques se limite en outre à empêcher les utilisations non autorisées d'oeuvres ou de prestations protégées. Aux termes des art. 11 WCT et 18 WPPT, on entend par là les utilisations que le législateur réserve aux titulaires. Cette restriction signifie en particulier que les restrictions du droit d'auteur prévalent sur la protection des mesures techniques.

En règle générale, le contournement de mesures techniques consistera cependant en un acte préparatoire à une violation des droits d'auteur ou des droits voisins. Cet acte menace ces droits puisqu'il rend possible une utilisation non autorisée ou illicite d'oeuvres ou de
prestations protégées. Dans ce sens-là, il est justifié d'interdire tout acte de contournement. S'il devait toutefois s'avérer par la suite que le contournement n'a en réalité servi qu'à effectuer une utilisation licite, le motif justifiant l'interdiction de contourner, à savoir la protection contre des utilisations non autorisées, tombe.

L'interdiction de contourner centrée sur la protection des droits d'auteur ne peut être qu'une mesure d'appoint, qui vient compléter les droits accordés par la loi. Elle ne peut pas être absolue et ne doit pas empêcher les utilisations que le législateur a prévues en faveur de la collectivité en limitant la durée de protection et en restreignant les droits. En effet, une interdiction absolue modifierait la pesée des intérêts qui sous-tend la loi sur le droit d'auteur et impliquerait un véritable changement de système. La distinction entre utilisations autorisées et non autorisées d'oeuvres et de prestations protégées découle, d'une part, des droits attribués à la personne protégée et, d'autre part, de leurs limitations. La protection contre le contournement n'a aucune influence sur elle. Ainsi, les auteurs et les titulaires ne peuvent pas interdire les utilisations licites même si celles-ci impliquent un contournement de mesures techniques. L'interdiction de contournement ne s'applique pas non plus aux interventions sur les mesures techniques qui n'ont pas pour objectif l'utilisation d'une 3297

oeuvre, mais qui servent simplement des fins scientifiques ou qui visent à tester ou à optimiser les mesures en question.

L'al. 3 interdit tout acte qui prépare ou permet le contournement de mesures techniques. La protection prévue par la loi est donc conforme au droit communautaire (art. 6, al. 2, de la Directive sur la société de l'information) et va au-delà des obligations découlant des art. 11 WCT et 18 WPPT. Il accorde en effet aux titulaires un très large contrôle sur les dispositifs et les services permettant le contournement de mesures techniques. Cette interdiction de l'acte préparatoire devrait constituer un moyen encore plus efficace de protéger les mesures techniques que l'interdiction même de contournement inscrite à l'al. 1.

L'al. 4 concrétise les limites de la protection contre le contournement mentionnées ci-dessus (cf. commentaire de l'al. 2) par rapport aux restrictions du droit d'auteur.

Ainsi, tout contournement des mesures techniques est interdit. Mais une violation de cette interdiction ne fait l'objet ni de poursuites civiles, ni de poursuites pénales si le contournement a servi exclusivement à permettre une utilisation licite de l'objet protégé. Une utilisation est licite soit lorsqu'elle est consacrée par une restriction du droit d'auteur, soit lorsqu'elle porte sur une oeuvre ou une prestation non protégée par le droit d'auteur en vertu de l'art. 5 LDA ou pour laquelle la durée de protection a expiré. L'al. 4 tient compte du fait que la protection des mesures techniques qui trouve sa justification dans le droit d'auteur ne va pas au-delà du droit d'auteur matériel. Il ne modifie en rien la protection des dispositions de contrôle d'accès existant pour les transactions commerciales électroniques, qui est garantie par l'art. 150bis CP22.

Art. 39b

Observatoire des mesures techniques

La protection des mesures techniques réglée à l'art. 39a P-LDA a été aménagée de telle sorte qu'elle ne l'emporte pas sur le droit d'auteur matériel et les restrictions qu'il prévoit. Or, indépendamment de leur protection juridique, ces mesures peuvent compromettre des utilisations autorisées conformément aux restrictions du droit d'auteur. Il faut donc se demander si des mesures ­ et, dans l'affirmative, lesquelles ­ s'avèrent nécessaires pour éviter que le recours à des techniques de verrouillage ne compromette ces utilisations. Selon la Directive sur la société de l'information, les Etats membres de l'UE sont tenus de prendre des mesures légales si ce type de problèmes surgit et si des mesures volontaires ne sont pas prises.

En se fondant sur cette approche autorégulatrice, il est prévu d'instituer un observatoire chargé des deux tâches définies à l'al. 1. Conformément à la let. a, il étudiera les effets des mesures techniques de protection sur les utilisations licites et leur éventuelle atteinte aux intérêts publics. Aux termes de la let. b, il fera en outre office d'organisme de liaison entre ceux qui ont recours à des mesures techniques et les utilisateurs concernés (let. b). Il sera ainsi en mesure de constater et de mesurer les problèmes posés par l'utilisation des mesures techniques et oeuvrer à la recherche de solutions concertées. L'observatoire informera par ailleurs les autorités publiques si sa médiation a permis de trouver des solutions sur une base volontaire ou si, en vertu de l'al. 2, il est nécessaire de prendre d'autres mesures.

L'appréciation des effets des mesures techniques ne doit pas se borner à constater si elles limitent ou empêchent une utilisation licite de l'oeuvre. Ce qui importe, c'est de 22

RS 311.0

3298

déterminer dans quelle mesure les intérêts de la collectivité ou de certains groupes d'utilisateurs en faveur desquels la loi prévoit une restriction du droit d'auteur en pâtissent. Ainsi, les protections anticopies dont sont assortis les CD et les DVD ont beau empêcher la confection de copies d'oeuvres pour l'usage privé, elles ne portent nullement atteinte à la protection de la sphère privée qui constitue, selon l'art. 19, al. 1, let. a, LDA, une restriction découlant d'un droit fondamental23. Les dispositifs anticopies qui empêchent de cloner des CD et des DVD ne changent en tout cas rien au fait que la protection de la sphère privée prévaut sur celle du droit d'auteur24.

L'appréciation des effets des mesures techniques a donc pour but de déterminer si elles sont en contradiction avec le but poursuivi par une limitation du droit d'auteur déterminée. Ce n'est que dans ce cas que l'observatoire servira de médiateur entre les parties concernées.

L'al. 2 prévoit que l'organisation de l'observatoire et les procédures sont réglées par voie d'ordonnance. Le Conseil fédéral a en outre la compétence d'étendre le champ d'activités de ce dernier. Il ne peut cependant user de cette compétence que si la médiation selon l'al. 1 ne permet pas d'empêcher l'éventualité d'une atteinte des intérêts publics quand l'usage de mesures techniques se heurte aux restrictions du droit d'auteur. Il serait alors envisageable, par exemple, d'introduire une procédure d'examen et d'approbation de directives obligeant les utilisateurs de mesures techniques à prévoir des mesures correctives. Cette procédure pourrait être aménagée et conduite par la Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins (CAF) selon le modèle de la surveillance des tarifs.

Les tâches de l'observatoire seront assumées par une des deux autorités de surveillance existant dans le domaine du droit d'auteur: l'IPI, qui exerce la surveillance sur les sociétés de gestion (art. 52 LDA), ou la CAF, qui est compétente pour examiner et approuver les tarifs des sociétés de gestion (art. 55, al. 1, LDA). Tant l'une que l'autre possède les connaissances nécessaires pour s'acquitter de ces nouvelles tâches et, dans les deux cas, cet élargissement de compétences favoriserait les synergies. Le fait que la médiation prévue à l'al. 1,
let. b, P-LDA s'apparente plutôt aux tâches de la Commission arbitrale plaide en faveur de l'établissement de l'observatoire auprès de celle-ci. Cette attribution se révélerait également judicieuse dans l'éventualité d'une extension de l'activité de médiation (cf. ci-dessus).

Art. 39c

Protection de l'information sur le régime des droits

Cette disposition prévoit une protection des informations électroniques permettant, d'une part, d'identifier l'objet protégé et l'auteur ou le titulaire dans les cas de transmission par des réseaux de données et fournissant, d'autre part, des renseignements sur les modalités d'utilisation. Elle transpose dans le droit national les obligations découlant des art. 12 WCT et 19 WPPT. Seuls les actes contribuant à une violation des droits d'auteur ou des droits voisins sont sanctionnés. Cette disposition n'oblige en revanche pas les auteurs, titulaires ou preneurs d'une licence exclusive, de munir leurs oeuvres de ces informations pour faire valoir leurs droits.

L'al. 1 interdit de supprimer ou de modifier les informations électroniques sur le régime des droits.

L'al. 2 définit l'objet protégé sur la base des art. 12, al. 2, WCT et 19, al. 2, WPPT.

23 24

Cf. message du 19 juin 1989 concernant la révision du droit d'auteur, FF 1989 465 525.

Seule dérogation à ce principe: la protection des logiciels (art. 19, al. 4, LDA).

3299

Aux termes de l'al. 3, la communication sans support physique et la mise en circulation d'exemplaires reproduits sont également interdites lorsque les informations électroniques sur le régime des droits, qui étaient apposées sur les objets protégés, ont été ôtées ou modifiées.

Contrairement aux mesures techniques, les informations électroniques sur le régime des droits ne peuvent pas compromettre les utilisations licites. Aussi le projet ne prévoit pas de disposition analogue à l'art. 39a, al. 4, P-LDA. Celui-ci s'applique toutefois si les informations électroniques sur le régime des droits ont été ôtées ou modifiées pour contourner des mesures techniques efficaces dans le but de permettre une utilisation autorisée. Dans ce cas, il n'est pas possible de se retrancher derrière l'interdiction prévue à l'art. 39b, al. 1, P-LDA.

Art. 62

Action en exécution d'une prestation

La portée de l'al. 1 s'étend aussi à la protection conférée aux mesures techniques visées à l'art. 39a P-LDA et aux informations électroniques sur le régime des droits selon l'art. 39c P-LDA. L'al. 1bis le précise. La légitimation active pour intenter une action en exécution d'une prestation appartient à celui qui risque de subir une violation de ses droits d'auteur ou de ses droits voisins par des infractions à la protection des mesures techniques ou à la protection de l'information sur le régime des droits.

Art. 67

Violation du droit d'auteur

La let. gbis se réfère à la prérogative de l'auteur, définie à l'art. 10, al. 2, let. c, P-LDA, de mettre à disposition ses oeuvres par le biais de services à la demande. En conformité avec l'art. 10, al. 2, let. f, P-LDA, la let. i a été étendue au droit de faire voir ou entendre des oeuvres mises à disposition. Cette modification permet de faire correspondre les délits mentionnés dans cette disposition aux droits énumérés à l'art. 10, al. 2, P-LDA.

Art. 69

Violation de droits voisins

L'al. 1, let. e, a été adapté à l'art. 33, al. 2, let. e, P-LDA, selon lequel le droit de l'artiste interprète comporte également celui de faire voir ou entendre une prestation mise à disposition au moyen d'une transmission interactive. Aux termes de la let. ebis, la violation du droit de l'artiste interprète de faire reconnaître sa qualité d'artiste interprète (art. 33a, al. 1, P-LDA) est une infraction. La liste des infractions aux droits voisins est complétée par une let. eter qui précise que la violation du droit de mise à disposition de prestations, de phonogrammes, de vidéogrammes et d'émissions visé aux art. 33, al. 2, let. a, 36, let. b, et 37, let. e, P-LDA constitue un acte punissable.

Art. 69a

Violation de la protection des mesures techniques ou de l'information sur le régime des droits

Outre la violation de droits d'auteur et de droits voisins, est punissable la violation de la protection de mesures techniques (art. 39a P-LDA), ainsi que la violation de la protection des informations électroniques sur le régime des droits (art. 39c P-LDA).

La sanction figurant à l'al. 1 est identique à celle prévue par l'art. 150bis CP régissant la protection des transactions électroniques. Les let. a à d énumèrent les infrac3300

tions constituant une violation de la protection des mesures techniques. Selon la let. a, le contournement de mesures techniques n'est punissable que s'il vise à rendre possible une utilisation non autorisée. Aux let. e et f figurent les actes punis par la loi qui constituent une violation de la protection des informations électroniques sur le régime des droits.

Conformément aux dispositions pénales relatives à la violation de droits d'auteur et de droits voisins, l'al. 2 prévoit que quiconque commet un acte punissable par métier est poursuivi d'office et frappé d'une sanction plus lourde.

L'al. 3 énumère les critères subjectifs qui doivent également être remplis pour qu'un acte de violation de la protection des informations électroniques sur le régime des droits soit considéré comme punissable. Ainsi, les actes énumérés à l'al. 1, let. e et f, ne sont punissables que si la personne qui les commet savait ou devait savoir, en fonction des circonstances, qu'elle permettait ou dissimulait une violation d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin.

2.4 Art. 19

Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur Utilisation de l'oeuvre à des fins privées

Cette restriction du droit d'auteur est précisée en plusieurs points et dans un nouvel al. 5 pour adapter la réglementation régissant la reproduction d'oeuvres à des fins personnelles à l'ère du numérique. La précision des limites de cette restriction se fait également dans la perspective du test des trois étapes (cf. ch. 2.1, art. 10 WCT), auquel les Etats contractants doivent se conformer aux termes des art. 10 WCT et 16 WPPT dans l'aménagement des exceptions au droit d'auteur.

L'al. 2 apporte deux précisions. La première prévoit que le droit de charger un tiers de reproduire des exemplaires d'une oeuvre pour son usage privé s'applique uniquement sous réserve de l'al. 3. Les reproductions confectionnées par des tiers sur commande d'une personne autorisée à utiliser ces copies pour son usage privé sont donc soumises dans tous les cas aux restrictions énumérées à l'al. 3. La deuxième précision figure dans la deuxième demi-phrase. Elle spécifie que le terme «tiers» au sens de l'al. 2 ne s'applique pas seulement aux bibliothèques qui mettent des appareils de copie à la disposition de leurs utilisateurs, mais aussi à d'autres institutions ou entreprises qui offrent à leur clientèle la possibilité de faire des photocopies.

Une autre précision est apportée à l'al. 3. Celui-ci dispose que le cercle de personnes étroitement liées, auquel ne s'appliquent pas les restrictions qu'il prévoit, est uniquement celui visé à l'al. 1, let. a, LDA. Autrement dit, seule une personne physique utilisant la copie d'une oeuvre disponible sur le marché pour son usage privé peut copier intégralement un exemplaire de cette oeuvre. L'expression «en dehors du cercle de personnes étroitement liées» ne doit pas être comprise localement. La confection de copies peut ainsi également se faire en dehors de la sphère privée de la personne qui fait ces copies, mais elle ne doit pas être faite par une personne n'appartenant ni à la parenté ni au cercle d'amis du destinataire de la copie.

Le nouvel al. 5 traite des actes de reproduction liés au téléchargement d'une oeuvre mise à disposition licitement par le biais de services à la demande tels que iTunes. Il lève les restrictions légales visées aux al. 1, let. c, et 3 pour les reproductions d'oeuvres réservées à l'usage privé afin que les personnes morales (établissements 3301

d'enseignement, entreprises, administrations publiques, bibliothèques, instituts, etc.)

puissent, tout comme les personnes physiques, se procurer des oeuvres par le biais de transactions électroniques conformément aux conditions régissant la reproduction à des fins privées. L'al. 5 dispose en outre que les reproductions liées à l'achat d'oeuvres par le biais de services en ligne payants ne donnent pas droit à une rémunération selon l'art. 20, al. 2 et 3, LDA. En effet, les consommateurs qui téléchargent des oeuvres par le biais de ces services ne doivent pas être soumis en plus à l'obligation de verser une rémunération perçue en vertu du droit de reproduction.

Dans la mesure où l'art. 20, al. 3, LDA, qui régit la redevance sur les supports, s'applique aussi aux supports utilisés pour le téléchargement d'oeuvres par le biais de services à la demande, il faudra tenir compte de cette restriction du droit à rémunération pour calculer le montant de l'indemnisation.

L'al. 5 précise que seules les reproductions liées au téléchargement d'oeuvres mises à disposition licitement ne sont soumises ni aux conditions régissant l'usage privé, ni au droit à rémunération. Il ne s'étend donc pas aux reproductions réservées à l'usage privé d'oeuvres téléchargées à partir d'une source illégale comme une bourse d'échanges. L'utilisation de sources illégales est interdite en vertu de l'art. 19, al. 3, let. a, LDA parce qu'elle sert à empêcher l'achat d'exemplaires disponibles sur le marché. Par analogie, cette interdiction concerne aussi les oeuvres proposées par le biais de transactions électroniques. Mais elle ne s'applique pas aux utilisations effectuées par une personne physique pour son usage privé. Lorsqu'une oeuvre est utilisée dans un cercle de personnes étroitement liées, on ne fait donc pas de distinction entre source légale et source illégale. Cette distinction s'avérerait d'ailleurs peu aisée dans le cas concret.

Art. 24

Exemplaires d'archives et copies de sécurité

Le nouvel al. 1bis étend l'exception existante en faveur des exemplaires d'archives et des copies de sécurité. Cette extension s'avère nécessaire en raison des nouvelles exigences que pose le numérique aux institutions qui ont pour mission de sauvegarder nos connaissances et nos acquis culturels. Afin qu'elles puissent prendre en charge des collections et les conserver, ces institutions doivent pouvoir gérer leurs collections à l'aide de supports d'informations analogiques et numériques de la dernière génération. Elles doivent notamment pouvoir créer des archives électroniques leur permettant de sauvegarder de façon sûre et rationnelle les documents, qu'ils soient protégés ou non. Dans le but de maintenir la lisibilité des documents conservés sous une forme numérique, il faut non seulement les copier régulièrement sur de nouveaux supports d'enregistrement, mais aussi les adapter à l'environnement informatique en constante évolution (logiciels et matériel). De plus, la durée de vie des supports d'informations numériques est considérablement plus courte que celle des supports analogiques (livres, vinyles, etc.). Aussi est-il nécessaire de renouveler périodiquement les documents archivés. Ce renouvellement implique des actes de reproduction qui, dans l'intérêt de la sauvegarde de nos connaissances et de nos acquis culturels, ne doivent pas tomber sous le coup de la protection par le droit d'auteur. Cette exception au droit d'auteur ne s'applique toutefois pas aux reproductions et aux enregistrements qui ont non seulement pour but la sauvegarde des collections, mais qui ont aussi une visée commerciale. Par exemple, la création d'une banque de données interrogeable contenant des oeuvres. Il est également interdit de dupliquer l'exemplaire d'une oeuvre disponible sur le marché (p. ex. un CD ou un DVD) pour s'épargner l'achat d'un exemplaire requis à des fins d'archivage.

3302

Art. 24a

Reproductions provisoires

Cette restriction du droit d'auteur tient compte de la nouvelle donne des technologies modernes de la communication. La disposition énumère des actes de reproduction liés à l'emploi de ces techniques qui sont autorisés aux termes de la loi; les copies qui en résultent sont provisoires et accessoires. Ne sont ainsi pas protégées par le droit d'auteur les reproductions provisoires générées par des sauvegardes sur les serveurs de fournisseurs d'accès lorsque des oeuvres ou des objets protégés sont transmis sur la Toile. Il s'agit donc de reproductions transitoires liées accessoirement à l'utilisation de l'oeuvre, par exemple à sa mise à disposition, qui n'ont pas de signification économique indépendante. Les conditions énumérées aux let. a à d sont cumulatives; elles s'appliquent également à la navigation et à la mise en antémémoire (caching), à condition que les actes de reproduction qu'elles impliquent y répondent.

Cette nouvelle disposition, qui reprend l'art. 5, al. 1, de la Directive sur la société de l'information, revêt une grande importance dans le domaine du numérique. C'est la seule restriction que les Etats membres de l'UE sont tenus de transposer dans leur législation. Elle limite la responsabilité des fournisseurs d'accès vis-à-vis des titulaires de droits d'auteur et de droits voisins par souci de rendre plus efficace l'utilisation des systèmes de communication modernes. Cette exception ne concerne toutefois que certains cas particuliers, qui n'entravent pas l'exploitation normale des oeuvres et des prestations protégées. Elle satisfait donc aux exigences du test des trois étapes que les Etats doivent respecter conformément aux art. 10 WCT et 16 WPPT lorsqu'ils prévoient de limiter la protection des droits.

Art. 24b

Reproductions à des fins de diffusion

Cette nouvelle disposition limite le droit de reproduction sur les enregistrements d'oeuvres musicales non théâtrales à des fins de diffusion. Dans son message concernant la révision du droit d'auteur de 1989, le Conseil fédéral avait déjà prévu cette exception (cf. FF 1989 III 465 530), mais elle a été supprimée au cours des débats parlementaires parce que la pratique de gestion des droits d'auteur la rendait superflue. L'inscription des droits voisins dans la loi a changé la donne. L'art. 35 LDA ne prévoit qu'un droit à rémunération pour l'utilisation des phonogrammes disponibles sur le marché à des fins de diffusion, qui est soumis, tout comme le droit de diffusion d'oeuvres musicales, à la gestion collective obligatoire et à la surveillance de la Confédération. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette licence légale ne s'étend toutefois pas aux actes de reproduction liés à l'utilisation de phonogrammes à des fins de diffusion. Autrement dit, la réglementation prévue par le législateur à l'art. 35 LDA ne s'applique pas puisque les organismes de diffusion doivent rémunérer le droit de reproduction des interprètes et des producteurs de phonogrammes séparément. Non soumise à la surveillance de la Confédération, la gestion de ces droits échappe donc au contrôle de l'équité des tarifs.

L'al. 1 prévoit de soumettre à la gestion collective obligatoire le droit de reproduction des auteurs d'oeuvres musicales, des interprètes et des producteurs en cas d'utilisation de phonogrammes et de vidéogrammes à des fins de diffusion. Il crée ainsi un système de gestion uniforme et homogène pour ce type d'exploitation et complète la réglementation de l'art. 35 LDA. Il se fonde sur les art. 11bis, par. 3, de la Convention de Berne et 15, par. 1, let. c, de la Convention de Rome. Toutefois, seules les organismes de diffusion soumis à la loi fédérale du 21 juin 1991 sur la 3303

radio et la télévision25 peuvent se prévaloir de cette limitation du droit d'auteur.

Etant donné que les développements technologiques tendent à rendre floue la notion d'organisme de diffusion, qui n'est pas définie dans la loi sur le droit d'auteur, cette restriction vise à éviter un élargissement du champ d'application, qui aurait pour conséquence une insécurité juridique. La disposition ne s'applique qu'aux phonogrammes et aux vidéogrammes disponibles sur le marché et pas à d'autres fixations d'exécutions musicales. Dans le domaine du numérique, toutefois, l'expression «disponibles sur le marché» signifie que cette nouvelle disposition s'étend aux transactions électroniques d'oeuvres musicales.

Le fait de soumettre le droit de reproduction à des fins de diffusion à la gestion collective obligatoire signifie que les titulaires originaires ne peuvent, en vertu de cette disposition, faire valoir leur droit que par l'intermédiaire d'une société de gestion agréée. Ils ne peuvent donc plus non plus interdire eux-mêmes les reproductions. En effet, la gestion collective du droit de reproduction, lorsqu'il est lié au droit de diffusion, exclut l'exercice individuel de ce droit d'interdiction. Celui-ci ne peut par conséquent être exercé que par la société de gestion conformément à ses obligations en vertu des art. 44 ss LDA. Une catégorie de titulaires ne peut pas non plus se soustraire à la gestion collective obligatoire en refusant de céder son droit de reproduction à la société de gestion. Par conséquent, le droit d'interdire ne peut, en l'occurrence, avoir qu'une seule fonction, celle d'imposer les conditions tarifaires aux utilisateurs.

L'indemnisation des reproductions de phonogrammes et de vidéogrammes à des fins de diffusion était négociée par les artistes interprètes et les producteurs avec les organismes de diffusion dans le cadre de leur autonomie. Conformément à la nouvelle réglementation, elle devra être intégrée dans les tarifs de diffusion qui sont soumis au contrôle de l'équité exercé par la Commission arbitrale.

L'al. 2 précise les conditions imposées par la Convention de Berne et la Convention de Rome au législateur pour édicter cette exception. Le droit suisse n'exploite pas pleinement la marge de manoeuvre offerte par les conventions car il ne prévoit pas de licence gratuite pour
la reproduction à des fins de diffusion. L'al. 2 précise en outre que cette limitation du droit d'auteur s'applique exclusivement au droit de reproduction. Autrement dit, cette restriction implique en particulier que la disposition ne s'applique pas lorsque de la musique est utilisée pour sonoriser un téléfilm.

L'utilisation de musique en association avec une autre oeuvre ne concerne en effet pas uniquement le droit de reproduction, mais également le droit à l'intégrité de l'oeuvre conformément à l'art. 11, al. 1, LDA. Dans ce contexte, on parle également du «droit de synchronisation».

Art. 24c

Utilisation par des personnes handicapées

Cette disposition consacre une nouvelle restriction du droit d'auteur en faveur des personnes handicapées afin de leur faciliter l'accès aux oeuvres protégées. Elle permet d'atteindre l'objectif fixé par la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés26.

Selon l'al. 1, une oeuvre publiée peut être reproduite sous une forme qui la rend accessible aux personnes handicapées. Cette restriction du droit d'auteur permet par 25 26

RS 784.40 RS 151.3

3304

exemple de reproduire en braille une oeuvre littéraire parue sous forme de livre afin que les personnes malvoyantes puissent y avoir accès. L'al. 2 précise que ces exemplaires ne peuvent être confectionnés et mis en circulation que pour l'usage par des personnes handicapées. Il n'est ainsi pas permis d'offrir des exemplaires confectionnés en vertu de cette disposition à des personnes non handicapées.

Aux termes de l'al. 3, l'auteur a droit à une rémunération pour la reproduction et la mise en circulation de ces exemplaires. Conformément à l'al. 4, ce droit ne peut être exercé que par une société de gestion. La confection et la mise en circulation d'exemplaires isolés sont toutefois exemptées. La délimitation entre utilisation soumise à rémunération et utilisation exemptée se fait dans les tarifs et est soumise au contrôle de l'équité exercé par la Commission arbitrale.

Conformément à l'art. 38 LDA, enfin, cette exception en faveur des personnes handicapées ne concerne pas uniquement les droits d'auteur mais également les droits voisins.

Art. 40

Domaines de gestion soumis à la surveillance de la Confédération

Pour des raisons de systématique, l'al. 1 ne prévoit plus seulement deux mais quatre domaines de gestion soumis à la surveillance de la Confédération. Inchangée, la let. a traite des droits exclusifs sur les oeuvres musicales non théâtrales, dont la gestion est soumise à la surveillance de la Confédération. Nouvelle, la let. abis traite des droits exclusifs qui, aux termes des art. 22 et 24b du projet de révision, ne peuvent être gérés que collectivement par des sociétés de gestion placées sous la surveillance de la Confédération. La let. b se réfère aux droits à rémunération définis dans la loi ­ au nombre desquels figure le nouveau droit prévu à l'art. 24c, al. 3, P-LDA ­, qui ne peuvent être exercés que par les sociétés de gestion agréées et soumises à la surveillance de la Confédération. L'al. 3 précise que la réserve formulée en faveur de la gestion personnelle des droits exclusifs par l'auteur n'est applicable qu'à l'exercice des droits sur les oeuvres musicales non théâtrales.

Art. 52

Autorité de surveillance

Vu que l'ordonnance générale du 8 septembre 2004 sur les émoluments27, qui précise l'art. 46a de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration28, définit les principes régissant la perception des émoluments par l'administration fédérale, il n'est plus nécessaire de régler cette question dans la loi sur le droit d'auteur. L'al. 2 peut donc être abrogé.

27 28

RS 172.041.1 RS 172.010

3305

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et sur le personnel

3.1.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

La révision de la loi sur le droit d'auteur attribue de nouvelles tâches à la Confédération en raison de la création d'un observatoire conformément à l'art. 39b P-LDA.

Le rattachement de l'obervatoire à une autorité existante sera réglé par voie d'ordonnance. Cet observatoire sera institué soit auprès de la Commission arbitrale fédérale pour la gestion de droits d'auteur et de droits voisins, soit auprès de l'IPI, ce qui permet, dans les deux cas de figure, d'avoir recours à des structures qui possèdent les connaissances nécessaires. Du point de vue des ressources humaines, les deux options sont équivalentes puisque cette tâche supplémentaire nécessite la création d'un demi-poste. Les conséquences financières sur le budget de la Confédération sont donc minimes. Elles sont même nulles si cette nouvelle tâche incombe à l'IPI puisque celui-ci tient sa propre comptabilité et que sa situation financière n'a aucune incidence sur le compte financier de la Confédération.

Pour les cantons et les communes, le projet n'a de conséquences ni sur les finances, ni sur le personnel.

Les collectivités publiques n'encourent pas non plus de charges supplémentaires en tant qu'utilisatrices d'oeuvres et de prestations protégées.

3.2

Conséquences économiques

3.2.1

Nécessité et latitude de l'activité de l'Etat

Si la protection par le droit d'auteur n'existait pas, les biens culturels pâtiraient d'un dysfonctionnement du marché. En effet, sans protection, ces biens immatériels, une fois rendus publics, échapperaient au contrôle de leur créateur et seraient à la libre disposition de tout un chacun, qui les utiliserait et les exploiterait comme bon lui semble.

Une fois rendus publics, ces biens culturels tombent donc dans le domaine public.

Comme ils se caractérisent pas leur non-exclusivité (il n'est pas possible d'empêcher des tiers de les utiliser) et par leur non-rivalité (l'utilisation du savoir par une personne n'exclut pas, ou alors ne fait que limiter, l'utilisation du même savoir par d'autres personnes), la création ou la diffusion de ces biens ne seraient pas suffisamment stimulées si le marché n'était pas réglementé.

La stimulation de la création constitue donc l'argument économique justifiant l'intervention régulatrice de l'Etat visant au maintien et au développement du système de protection de la propriété intellectuelle. Les moyens mis en oeuvre pour la création d'une oeuvre ou pour la fourniture d'une prestation ­ l'effort fourni par les artistes ­ méritent d'être récompensés. En conséquence, un bien protégé ne peut être utilisé que si l'auteur, l'artiste interprète ou exécutant, le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou encore l'organisme de diffusion a autorisé cette utilisation (par le biais d'une licence). En statuant l'exclusivité des droits d'auteur et des droits voisins, on se donne les moyens de contrôler ces biens immatériels qui sont de fait incontrô-

3306

lables; on crée ainsi les conditions qui permettent au marché de fonctionner et les stimulations nécessaires aux investissements dans l'économie culturelle.

La révision du droit d'auteur vise à adapter la législation actuelle aux défis posés par la société de l'information et les nouvelles techniques de diffusion de l'information.

Tandis que les cycles d'innovation raccourcissent, l'accès au savoir et le partage des connaissances revêtent une importance croissante dans la société de l'information.

Celle-ci offre aussi de nouveaux débouchés commerciaux en développant des formes inédites d'utilisation des oeuvres et des prestations protégées par le biais de transactions électroniques et de services29. Il faut adapter le cadre juridique à ces nouvelles réalités pour entretenir l'innovation.

L'avènement du numérique a fortement contribué à simplifier la transmission et la reproduction d'oeuvres et de prestations protégées. L'explosion du nombre d'actes de piratage30 constitue une menace non seulement pour les grands groupes mais aussi pour les petites et les moyennes entreprises, sans parler des créateurs et des artistes. Elle est également le signe que le système de protection mis en place dans l'environnement analogique ne suffit plus pour faire face à ces nouveaux problèmes.

Il est donc indispensable d'améliorer le système pour protéger de façon appropriée les créateurs et les artistes dans l'environnement numérique, créer un climat favorable à la création et encourager le développement des secteurs économiques concernés.

De tout temps, la protection des droits d'auteur s'est inscrite dans un contexte international. A l'ère des réseaux d'information planétaires, l'harmonisation des systèmes de protection nationaux revêt une importance encore plus grande pour les relations commerciales internationales. Des différences dans les ordres juridiques nationaux et les niveaux de protection peuvent faire surgir des entraves non tarifaires au commerce. C'est pour empêcher l'apparition de ces obstacles et offrir à la création culturelle des conditions-cadres conformes aux normes internationales qu'il est si important d'adapter la législation suisse tant aux prescriptions internationales du WCT et du WPPT qu'au standard de la Directive sur la société de l'information.

La loi sur le droit d'auteur n'est
pas uniquement un instrument de politique culturelle, mais aussi un instrument de politique économique et vise donc à équilibrer les intérêts en jeu. D'une part, elle doit stimuler la promotion de la création de biens culturels; d'autre part, elle doit tenir compte de l'intérêt public général à accéder

29

30

L'économie culturelle suisse au sens étroit (industries de la musique, du cinéma et du livre, arts et art dramatique) totalise un chiffre d'affaires de 5,3 milliards de francs (2000).

Ajouté à celui réalisé par l'économie culturelle au sens large (diffusion culturelle et médias), le chiffre d'affaires total s'élève à 17 milliards de francs (2000), ce qui représente 82 000 emplois ou 2 % de l'ensemble de l'économie. L'accroissement de l'activité dans le secteur culturel suisse est de 4,5 %, ce qui est largement au-dessus de la moyenne.

Cf. «Kultur, Wirtschaft, Schweiz. Das Umsatz- und Beschäftigungspotential des kulturellen Sektors. Erster Kulturwirtschaftsbericht Schweiz», Hochschule für Gestaltung und Kunst, Zurich, 2003 («Industries. Culturelles. Suisse. Premier rapport consacré à l'économie culturelle suisse»).

Selon des estimations de l'OCDE, le piratage représente quelque 7 à 9 % du commerce mondial. L'industrie du cinéma et de la télévision au sens étroit est particulièrement touchée. Selon l'Association suisse pour la lutte contre le piratage, l'industrie audiovisuelle estime son manque à gagner dans le commerce de gros à 90 millions de francs. Ce chiffre ne comprend pas les pertes, bien plus élevées, enregistrées par l'industrie de la musique.

3307

aussi librement que possible à l'information et à utiliser les technologies de la communication, qui sont en constante évolution. Il faut par conséquent veiller à un juste équilibre, dans le respect des normes internationales.

3.2.2

Conséquences pour les différents groupes sociaux

Titulaires de droits Les mesures introduites par la révision du droit d'auteur contribuent à améliorer la protection des auteurs et des autres titulaires. Elles leur permettent de tirer avantage de leurs oeuvres et de leurs prestations dans le domaine numérique également. Par ailleurs, elles créent les conditions nécessaires pour lutter efficacement contre les nouvelles formes de piratage. En effet, les techniques numériques ont fait apparaître des modes d'exploitation qui nécessitent de nouvelles bases légales pour pouvoir être utilisés de façon optimale aussi bien dans l'intérêt des créateurs que dans l'intérêt public. Il faut définir de nouvelles conditions-cadres pour l'économie culturelle, qui continue d'être orientée sur les formes d'exploitation analogique, afin qu'elle puisse se développer dans l'environnement numérique sans que les intérêts des créateurs en pâtissent.

Intermédiaires culturels Les intermédiaires culturels, qui sont le maillon entre les créateurs et le public, sont tributaires d'une bonne protection des investissements. Si la protection des droits d'auteur et des droits voisins n'était pas étendue aux formes d'exploitation numérique des oeuvres et des prestations, les structures actuelles de la production et de la diffusion culturelle ne pourraient pas s'adapter au nouvel environnement. Les difficultés que traversent les industries de la musique et du cinéma montrent à quel point cet ajustement est vital. La ratification et la mise en oeuvre des deux traités de l'OMPI et l'inscription des nouvelles restrictions du droit d'auteur dans la loi (art. 24a et 24b P-LDA) permettent de combler ces lacunes.

Consommateurs Pour les consommateurs, il semble à première vue que la protection des droits d'auteurs n'entraîne rien d'autre qu'une hausse des prix des biens culturels. C'est du moins ce que l'on pourrait être amené à croire en comparant le prix d'un exemplaire produit en toute légalité à celui d'une copie piratée. Il ne faut cependant pas oublier que la copie piratée se base sur la reprise indue et sans effort propre d'une prestation fournie par un tiers. Le piratage permet donc d'économiser avant tout sur les investissements dans la production et la commercialisation, par exemple d'un CD. Ces investissements représentent plusieurs fois les redevances de licence que les
producteurs de phonogrammes versent aux auteurs. L'absence de protection contre le piratage met en péril les investissements dont sont tributaires la création et la diffusion de biens culturels. Un recul de ces investissements ne peut pas être dans l'intérêt des consommateurs, puisqu'il freinerait la créativité et se traduirait par une diminution de l'offre culturelle. En permettant le maintien d'une offre culturelle aussi vaste que possible, le projet de révision est donc dans l'intérêt des consommateurs.

3308

Petites et moyennes entreprises (PME) En leur qualité d'intermédiaires culturels, les PME ­ qu'il s'agisse d'éditeurs, de fabricants de logiciels ou de phonogrammes ­ sont tributaires des conditions juridiques générales, car elles leur permettent de commercialiser de façon rentable leurs produits. Le nouveau droit de mise à disposition et la protection des mesures techniques et des informations électroniques sur le régime des droits permettent à ces entreprises de développer de nouveaux modèles commerciaux.

3.2.3

Appréciation de certaines mesures

Il est difficile de prévoir et d'estimer les conséquences économiques des mesures préconisées. Les répercussions seront principalement indirectes. Les mesures commentées ci-dessous ont avant tout pour but de stimuler la créativité dans l'économie culturelle et, par là, le développement de la société de l'information.

Droit de mise à disposition Ce droit confère aux auteurs et aux titulaires la possibilité de contrôler l'utilisation de leurs oeuvres et de leurs prestations sur Internet. Ce contrôle permet de les proposer dans des formes d'exploitation électronique inédites, qui viendront compléter, voire relayer certaines utilisations traditionnelles. Encourager cette évolution est aussi dans l'intérêt des consommateurs dont la demande de modes de transmission électronique de l'information plus efficaces et plus rapides ne cesse d'augmenter. Il est difficile de dire si ces nouvelles formes de transmission, qui facilitent les flux d'information, les rendront aussi moins cher. Si les coûts de production ne vont pas beaucoup baisser, ceux des transactions, en revanche, ont de bonnes chances de diminuer grâce aux avantages liés à la distribution numérique.

Autres mesures La protection des mesures techniques et des informations électroniques sur le régime des droits est un nouvel instrument de lutte contre le piratage dans le domaine numérique imposé par les normes internationales. Ne fondant pas de nouveaux droits pour les auteurs et les autres titulaires, cet instrument doit permettre à l'économie culturelle de se développer normalement dans l'environnement numérique. La protection juridique conférée aux mesures techniques (p.ex. dispositifs de verrouillage et protections anticopies), grâce auxquelles les auteurs et les titulaires peuvent contrôler l'utilisation de leurs oeuvres et de leurs prestations protégées, accessibles sous forme numérique, permet justement d'atteindre cet objectif. Mais le projet de révision prévoit aussi des mesures de protection du consommateur contre l'utilisation abusive des moyens techniques de contrôle (cf. art. 39b P-LDA).

Le projet propose en outre toute une série de nouvelles restrictions du droit d'auteur destinées à faciliter l'accès aux oeuvres et aux prestations protégées sans pour autant gêner l'exploitation normale de ces biens par les titulaires. Les limitations tiennent compte de la nécessité de garantir la liberté des flux d'information dans la société de l'information.

3309

3.2.4

Conséquences pour l'économie dans son ensemble

Lors de l'appréciation de l'impact du projet sur l'économie en général, il ne faut pas perdre de vue que les normes internationales sont mises en oeuvre de sorte à adapter un système de protection éprouvé à une réalité nouvelle qui découle de l'évolution technologique. L'amélioration de la protection ne sert pas seulement les intérêts des créateurs et des producteurs; elle est aussi la condition nécessaire au développement de l'économie culturelle dans un nouvel environnement. Elle a pour but d'accroître la compétitivité de l'industrie des biens culturels et la sécurité juridique dans le domaine de l'utilisation des oeuvres et des prestations protégées. Seule une protection déployant tous ses effets dans le nouvel environnement de la société de l'information peut stimuler les investissements indispensables à toute activité créatrice et innovatrice, sans laquelle il n'y aurait pas de création de valeur dans l'industrie culturelle.

La finalité du droit d'auteur est la stimulation de la créativité et des investissements dans les biens culturels. La production de biens culturels a pour corollaire la création de nouveaux emplois, une plus forte croissance et, partant, une augmentation de l'attrait de la place économique suisse. La créativité et la protection des investissements sont deux facteurs essentiels dans la chaîne de création de valeur économique, mais deux facteurs parmi beaucoup d'autres, qui font partie d'un faisceau de conditions générales. C'est pourquoi il est quasiment impossible de chiffrer précisément les conséquences économiques des mesures proposées.

Un cadre juridique harmonisé est le garant de la sécurité juridique et d'un niveau de protection élevé pour la propriété intellectuelle, deux conditions essentielles à la stimulation des investissements dans la créativité et l'innovation et à l'accroissement de la compétitivité de l'industrie suisse.

Il est vraisemblable que l'adaptation de la protection du droit d'auteur aux technologies imposées par la société de l'information entraîne une multiplication des échanges commerciaux de biens protégés. De nouvelles entreprises pourraient saisir cette chance pour faire leur entrée sur le marché des biens culturels.

3.3

Réglementations possibles

Le statu quo serait le seul parti possible à défaut de la grande majorité des mesures proposées. La crise que traversent plusieurs secteurs de l'industrie culturelle et les développements sur les plans international (WCT et WPPT) et régional (Directive sur la société de l'information) font cependant apparaître clairement que, dans le domaine du droit d'auteur, le statu quo ne peut pas être la réponse à la révolution technologique et aux enjeux de la société de l'information.

3.4

Aspects pratiques de l'exécution

La présente révision permet d'optimiser l'exécution de la législation régissant les droits d'auteur et les droits voisins. Les modifications proposées contribuent à renforcer la sécurité juridique et, partant, à simplifier l'exécution du droit.

3310

4

Liens avec le programme de la législature

La révision a été annoncée dans le rapport du Conseil fédéral sur le Programme de la législature 2003 à 200731.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

5.1.1

Ratification des traités de l'OMPI et modifications de la loi sur le droit d'auteur

Le projet d'arrêté fédéral relatif à l'approbation des deux traités de l'OMPI se fonde sur les art. 54, al. 1, et 166, al. 2, Cst. Le premier article dispose que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération, tandis que la deuxième disposition spécifie que l'approbation de traités internationaux est du ressort de l'Assemblée fédérale.

5.1.2

Autres modifications de la loi sur le droit d'auteur

Les autres modifications de la loi sur le droit d'auteur se fondent, tout comme la loi en vigueur, sur les art. 95, 122 et 123 Cst. (art. 31bis, al. 2, 64 et 64bis 11 Cst. 1874).

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association européenne de libreéchange (AELE)32 a été amendée par l'Accord du 21 juin 2001. Ce dernier inclut désormais la protection de la propriété intellectuelle, qui est réglée par l'art. 19 et l'annexe J. L'art. 2, al. 2, de cette annexe prévoit pour les Etats membres l'obligation d'adhérer au WCT et au WPPT avant le 1er janvier 2005. Cet accord a été approuvé par arrêté fédéral du 14 décembre 200133; il a été ratifié par la Suisse le 12 avril 2002 et est entré en vigueur le 1er juin de la même année. En révisant sa loi sur le droit d'auteur et en ratifiant les deux traités de l'OMPI, la Suisse remplit donc également les engagements qu'elle a pris dans le cadre de l'AELE.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 141, al. 1, ch. 1 à 3, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum lorsqu'il sont d'une durée indéterminée et non dénonçables (ch. 1), qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) et qu'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

31 32 33

FF 2004 1035 1084 RS 0.632.31 RO 2003 2684 ss

3311

Les deux traités de l'OMPI sont dénonçables à tout moment. La résiliation prend effet un an après la date à laquelle le directeur général de l'OMPI a reçu la notification (art. 23 WCT et 31 WPPT). Tout Etat membre de l'OMPI peut devenir partie à ces traités (art. 17 WCT et 26 WPPT). La Suisse étant membre de l'OMPI depuis le 26 avril 1970, elle peut ratifier les deux traités, et cette ratification n'implique plus l'adhésion à une organisation internationale.

Aux termes de l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement34, sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Est considérée comme importante au sens du droit national toute disposition qui doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale conformément à l'art. 164, al. 1, Cst. Aux termes de l'art. 164, al. 1, let. c, Cst., les dispositions fondamentales relatives aux droits et aux devoirs des personnes appartiennent à cette catégorie.

Le WCT prévoit pour l'essentiel des dispositions-cadres qui nécessitent la promulgation de réglementations. Les dispositions les plus importantes sont celles relatives à la protection des mesures techniques (art. 11 WCT) et des informations électroniques sur le régime des droits (art. 12 WCT); elles doivent être transposées dans la loi. Le WCT prévoit entre autres comme droit directement applicable celui de la mise à disposition du public, en l'espèce celui de la communication au public (art. 8 WCT). Bien que ce droit soit déjà contenu ans la clause générale de l'art. 10, al. 1, LDA on a préféré, dans l'intérêt de la sécurité juridique, le formuler expressément dans la let. cbis et le faire figurer ainsi dans la liste non exhaustive de l'art. 10, al. 2, pour rendre la disposition du droit suisse conforme à l'art. 8 WCT.

Le WPPT prévoit non seulement plusieurs dispositions générales, mais aussi du droit matériel directement applicable dans les Etats parties qui n'est pas contenu dans la législation suisse actuelle. Ainsi, il confère des droits moraux aux artistes interprètes ou exécutants (art. 5 WPPT) qui vont au-delà de la protection de la personnalité prévue aux art. 28 ss CC35. Par ailleurs, il donne aux artistes interprètes ou exécutants ainsi qu'aux
producteurs de phonogrammes un droit de mise à disposition, en l'espèce le droit de communication au public (art. 10 et 14 WPPT), qui ne figure pas non plus dans la loi sur le droit d'auteur (cf. ch. 1.1.3 concernant les dispositions auto-exécutoires).

Les deux traités de l'OMPI que la Suisse veut ratifier contiennent donc des dispositions importantes fixant des règles de droit qui doivent être mises en oeuvre au niveau législatif. L'arrêté fédéral relatif à l'approbation de leur ratification est par conséquent sujet au référendum.

34 35

RS 171.10 RS 210

3312

5.4

Délégation de compétences législatives

L'art. 39b, al. 2, P-LDA attribue au Conseil fédéral la compétence de régler par voie d'ordonnance l'organisation de l'observatoire des mesures techniques et ses procédures. Cette délégation est conforme à l'autonomie du Conseil fédéral en matière d'organisation des unités administratives (art. 8 LOGA36) et allège la loi. Le Conseil fédéral se voit en outre attribuer la compétence d'étendre le champ d'activités de cet observatoire en lui attribuant de nouvelles tâches. Cette norme de délégation permet de réagir en temps utile à l'évolution technologique.

36

RS 172.010

3313

3314