06.083 Message portant approbation de la Convention du 9 décembre 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et de son Protocole facultatif du 8 décembre 2005 du 18 octobre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation de la Convention des Nations Unies du 9 décembre 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, et de son Protocole facultatif du 8 décembre 2005.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

18 octobre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-2176

8431

Condensé Après la fin de la Guerre froide, les opérations onusiennes dans les domaines humanitaire, de la diplomatie préventive et du rétablissement, du maintien et de la consolidation de la paix sont rapidement devenues un instrument incontournable des relations internationales. Profondément préoccupée par le nombre croissant de morts et de blessés causé, parmi les membres du personnel humanitaire engagé sur le terrain, par des attaques délibérées, la communauté internationale décida en 1993 d'élaborer une convention spécifique destinée à améliorer leur protection.

Cette convention adoptée en 1994 exige ainsi des Etats parties qu'ils disposent de règles juridiques appropriées pour la prévention et la répression des attaques contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé engagés dans les opérations de paix. Elle établit, pour une série d'infractions et à certaines conditions, le principe «poursuivre ou extrader», afin de lutter contre l'impunité.

La convention de 1994 s'est toutefois avérée peu efficace dans la pratique, en raison de son mécanisme d'application complexe. Un protocole facultatif a donc été adopté en 2005 pour corriger cette limite. En vertu de ce protocole, la protection offerte par la convention s'applique désormais automatiquement à toutes les opérations onusiennes menées aux fins d'apporter une aide humanitaire ou politique, ou une aide au développement dans le cadre de la consolidation de la paix, ou encore une aide humanitaire d'urgence. A noter qu'il s'agit toujours d'opérations menées avec l'accord de l'Etat hôte.

Les bureaux permanents des Nations Unies (comme Genève) sont dans tous les cas exclus du champ d'application de la convention et du protocole: il n'en dérive donc aucune obligation additionnelle pour notre pays en tant qu'Etat hôte d'organisations internationales. Au sens de ces deux textes, l'expression «Etat hôte» désigne en effet un Etat sur le territoire duquel se déroule une opération de paix onusienne.

De même, sont exclues du champ d'application les opérations des Nations Unies autorisées par le Conseil de sécurité en tant qu'actions coercitives en vertu du Chap. VII de la Charte des Nations Unies, dans le cadre desquelles du personnel est engagé comme combattant contre des forces armées organisées et auxquelles s'applique le droit des
conflits armés internationaux.

La législation suisse est déjà conforme aux exigences des deux textes onusiens.

Quand il sera devenu partie à ces deux instruments, notre pays contribuera à supprimer la possibilité, pour les auteurs d'attaques contre le personnel humanitaire, de trouver des «Etats refuges» où ils pourraient échapper à la justice pénale. La protection des citoyens suisses, qui participent de plus en plus souvent à des opérations onusiennes en faveur de la paix, requiert aussi l'adhésion de la Suisse à ces deux textes grâce auxquels la communauté internationale se trouve dotée d'un mécanisme juridique spécifique.

8432

Table des matières Condensé

8432

1 Présentation des accords 1.1 Contexte 1.2 Négociations 1.2.1 Convention de 1994 1.2.2 Protocole de 2005 1.3 Aperçu du contenu des accords 1.3.1 Convention de 1994 1.3.1.1 Synthèse du contenu de la convention 1.3.1.2 Champ d'application de la convention 1.3.1.3 Obligations à la charge des personnels protégés, de l'Etat de transit et de l'Etat hôte 1.3.1.4 Dispositions pénales engageant l'ensemble des Etats parties 1.3.1.5 Clauses de sauvegarde et clauses finales 1.3.2 Protocole de 2005 1.3.2.1 Synthèse du contenu du protocole 1.3.2.2 Relation entre le protocole et la convention 1.3.2.3 Extension du champ d'application de la convention 1.3.2.4 Clauses finales 1.4 Appréciation

8435 8435 8437 8437 8438 8438 8438 8438 8439

2 Commentaire 2.1 Convention de 1994 2.1.1 Définition des notions clés et champ d'application de la convention (art. 1 et 2) 2.1.2 Mise en oeuvre d'une opération des Nations Unies (art. 3 à 8) 2.1.3 Infractions contre le personnel de l'ONU et le personnel associé 2.1.4 Compétence des Etats parties 2.1.5 Prévention, échange de renseignements et détention préventive 2.1.6 Principe «extrader ou poursuivre» 2.1.7 Extradition, entraide et traitement équitable 2.1.8 Diffusion de la convention 2.1.9 Relations avec le droit international humanitaire 2.1.10 Règlement pacifique des différends 2.1.11 Clauses finales 2.2 Protocole de 2005 2.2.1 Application de la convention aux opérations des Nations Unies (art. II) 2.2.2 Obligation des Etats parties en ce qui concerne l'art. 8 de la convention (art. III)

8443 8443

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons 3.3 Conséquences économiques et effets sur l'état du personnel

8451 8451 8451 8451

8440 8440 8441 8441 8441 8441 8442 8442 8442

8443 8444 8445 8446 8447 8447 8447 8448 8448 8449 8449 8450 8450 8450

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4 Liens avec le programme de législature

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5 Modifications de lois et procédure de consultation

8452

6 Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

8452 8452 8452

Arrêté fédéral portant approbation de la Convention du 9 décembre 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et de son Protocole facultatif du 8 décembre 2005 (Projet) 8453 Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé

8434

8455

Message 1

Présentation des accords

1.1

Contexte

La Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé a été élaborée au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Adoptée le 9 décembre 1994 à New York, par consensus, elle est entrée en vigueur sur le plan international le 15 janvier 1999. Cet instrument était nécessaire en raison des menaces sérieuses et grandissantes pesant sur les personnes engagées dans les missions de paix onusiennes.

Avec la fin de la Guerre froide, les Nations Unies sont intervenues de plus en plus souvent sur la scène internationale, en faveur de la paix et de la sécurité. Alors que cinq opérations de maintien de la paix étaient déployées au 31 janvier 1988, on en comptait onze en 1992 puis dix-sept en 1994. Entre 1988 et 1992, l'ONU a lancé autant d'opérations que durant les quarante années précédentes. Au mois de mai 2006, on dénombrait quinze opérations onusiennes de maintien de la paix et onze missions politiques ou de consolidation de la paix. En 2005, le personnel engagé dans les opérations de maintien de la paix atteignait l'effectif de 74 000 personnes, incluant le personnel militaire, les policiers et les experts civils.

Il est indéniable que, par rapport au passé, l'opinion publique internationale est généralement plus sensible aux conséquences humaines des conflits. Elle est aussi de plus en plus consciente de l'interdépendance des Etats et des régions pour ce qui est de leur sécurité. Ainsi, la promotion d'un ordre international fondé sur le respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'Etat de droit est devenu un objectif (sinon l'objectif) crucial poursuivi par l'ONU ainsi que par plusieurs autres organisations régionales. Dans ce cadre, les opérations de l'ONU ne se limitent donc plus à la simple interposition d'un tiers neutre entre deux parties belligérantes, au contrôle d'un cessez-le-feu ou à l'établissement d'une zone tampon, mais s'efforcent désormais de rétablir, voire d'édifier une paix juste et durable.

Cet engagement accru, au début des années 90, combiné avec la multiplication des conflits internes dans un contexte de désagrégation des Etats, a vite montré la gravité des risques auxquels pouvaient être exposés le personnel de l'ONU et le personnel associé participant à des opérations de plus en plus complexes sur le terrain et leur
vulnérabilité. Ces opérations se déroulent généralement dans un contexte très problématique caractérisé par l'absence ou l'effondrement des institutions étatiques locales. Le plus souvent, les parties belligérantes ne sont plus constituées de forces armées régulières et disciplinées, mais plutôt de milices, de bandes armées voire de terroristes incontrôlables et imprévisibles. Parallèlement, le fait que les populations civiles soient de plus en plus la cible délibérée de ces forces exige la mise en oeuvre d'importantes actions humanitaires à côté des missions de rétablissement de la paix.

Les incidents graves se sont ainsi multipliés et, de nos jours, les attaques visant directement le personnel de l'ONU et son personnel associé ne sont malheureusement plus chose rare. Les rapports annuels du Secrétaire général concernant la sécurité du personnel humanitaire et la protection du personnel des Nations Unies fournissent la liste des membres du personnel civil tués au cours de l'année considérée, avec indication du lieu et des circonstances de l'attaque, ainsi que de l'ouver8435

ture éventuelle de poursuites judiciaires. Selon les chiffres fournis par le Secrétaire général de l'ONU (A/58/187), 198 membres du personnel civil sont tombés au service de l'organisation, victimes d'actes répréhensibles, entre 1992 et 2003.

Malgré ces difficultés, les actions multilatérales de la communauté internationale en faveur de la paix constituent clairement un instrument irremplaçable des relations internationales, surtout parce qu'elles comportent une dimension civile de plus en plus importante et multiforme. Il est donc indispensable d'améliorer la protection juridique des personnes qui s'y engagent.

La convention de 1994 a montré qu'elle ne répondait malheureusement pas de manière satisfaisante à tous les problèmes constatés sur le terrain. La nécessité de combler rapidement ses lacunes a été soulignée en particulier dans les rapports successifs du Secrétaire général sur la portée de la protection juridique offerte par la convention1. Dans le dernier de ses rapports, le Secrétaire général soulignait que la principale entrave à l'efficacité du régime de protection résidait dans la complexité du mécanisme d'application institué par la convention elle-même. L'attaque terroriste subie par les Nations Unies à Bagdad le 19 août 2003, qui acoûté la vie à 22 collaborateurs, a accéléré la prise de conscience des Etats quant aux limites de la convention, relançant le processus d'élaboration d'un instrument juridique complémentaire.

Un deuxième instrument juridique a donc été élaboré entre 2003 et 2005, sous la forme d'un protocole facultatif. Les deux instruments doivent être vus aujourd'hui comme formant un système unique et cohérent, fruit des enseignements tirés des premières expériences dans l'application de la convention.

Au 1er juillet 2006, 80 Etats étaient parties à la convention, dont pratiquement tous les Etats membres de l'Union européenne (sauf Malte et la Lettonie), et 43 l'avaient signée mais pas encore ratifiée. Quant au protocole, il a été ouvert à la signature de tous les Etats le 16 janvier 2006 et le restera jusqu'au 16 janvier 2007 (après quoi il sera toujours possible d'y adhérer directement).

La convention de 1994 est restée ouverte à la signature des Etats jusqu'au 31 décembre 1995. La Suisse, qui n'était pas membre des Nations Unies à l'époque, ne l'avait pas
signée. Passé le délai de signature, la convention prévoit une procédure d'adhésion. Une fois la Suisse devenue membre des Nations Unies, il a pourtant été jugé préférable d'attendre l'adoption du protocole additionnel, afin de proposer simultanément au Parlement l'adhésion à la convention et la ratification du protocole comme un tout cohérent. En effet, pour pouvoir devenir partie au protocole, un Etat doit être partie à la convention. A présent, la meilleure solution pour la Suisse consiste à d'abord signer le protocole ­ ce qui est possible jusqu'en janvier 2007 ­ puis à adhérer à la convention et ratifier le protocole simultanément.

1

A/55/637 (2000), A/58/187 (2003) et A/59/226 (2004)

8436

1.2

Négociations

1.2.1

Convention de 1994

En 1992, dans l'Agenda pour la Paix, le Secrétaire général des Nations Unies a relevé que le personnel de l'ONU opérait sur le terrain dans des conditions qui pouvaient mettre sa vie en danger. L'initiative des travaux qui ont conduit à l'élaboration de la convention revient à la Nouvelle Zélande, qui présenta, en juin 1993, un mémorandum proposant de remédier aux imperfections de la protection juridique imparfaite des personnels onusiens face à l'insécurité croissante.

Ainsi, la résolution 48/37 du 9 décembre 1993 institua, au sein de la Sixième Commission de l'Assemblée générale de l'ONU, un Comité spécial pour l'élaboration d'une convention internationale sur la sécurité du personnel des Nations Unies et le personnel associé.

Le Comité spécial s'est réuni en mars-avril ainsi qu'en août 1994 et a travaillé sur la base de deux projets initialement distincts, l'un soumis par la Nouvelle-Zélande (mettant l'accent sur la responsabilité pénale individuelle et le mécanisme «poursuivre ou extrader») et l'autre par l'Ukraine (moins ambitieux). Les deux projets furent ensuite fusionnés et retravaillés par leurs auteurs. Le désaccord persistant quant au champ d'application de la convention obligea le Comité spécial à transmettre son texte à la Sixième Commission. Celle-ci institua en son sein un nouveau groupe de travail pour définir un compromis permettant de sortir de l'impasse. Le 16 novembre 1994, la Sixième Commission approuva le projet complet et le transmit à l'Assemblée générale. Cette dernière l'adopta définitivement le 9 décembre 1994 et l'ouvrit à la signature2.

La rapidité des négociations s'explique, d'une part, par le nombre croissant d'attaques ayant provoqué la mort ou des blessures graves parmi le personnel de l'ONU et le personnel associé. Elle s'explique aussi par le fait que la convention s'inspire largement de règles et formules déjà contenues dans d'autres instruments internationaux, notamment la Convention de 1979 sur la prise d'otages, la Charte des Nations Unies ou encore les accords relatifs au statut des forces de maintien de la paix.

La Suisse, qui n'était pas membre des Nations Unies à l'époque, n'avait pas été invitée à participer aux négociations.

Le 9 décembre 1994, l'Assemblée générale de l'ONU adopta définitivement les 29 articles du projet et ouvrit la convention à
la signature de tous les Etats.

Le préambule de la convention exprime une profonde préoccupation et qualifie d'«inacceptables» et d'«injustifiables» les attaques contre les personnels qui, dans l'intérêt collectif de la communauté internationale, contribuent de manière importante aux efforts des Nations Unies dans les domaines de la diplomatie préventive, du rétablissement, du maintien et de la consolidation de la paix, et des opérations humanitaires.

La convention était ainsi considérée comme la réponse de la communauté internationale à des attaques qui ne cessaient d'augmenter.

2

A/RES/49/59

8437

1.2.2

Protocole de 2005

La nécessité d'améliorer la protection offerte au personnel des Nations Unies et au personnel associé a été soulignée en 1999 en particulier dans un rapport du Secrétaire général au sujet de la protection des civils en période de conflit armé3, qui dénonçait la persistance des attaques et constatait les limites du mécanisme d'application de la convention.

Dans sa résolution 58/82 du 9 décembre 2003, l'Assemblée générale a décidé que le Comité spécial créé par sa résolution 56/89 du 12 décembre 2001 se réunirait à nouveau du 12 au 16 avril 2004, avec le mandat très clair d'élargir la portée de la protection juridique offerte par la convention, notamment au moyen d'un instrument juridique. Les travaux se sont poursuivis dans le cadre d'un groupe de travail de la Sixième Commission, en octobre 2004 puis en avril 2005. La version finale du protocole a été achevée lors de la 3e session du groupe, en octobre 2005. Approuvé par la Sixième Commission, le texte a été transmis à l'Assemblée générale, qui l'a adopté le 8 décembre 2005 pendant sa 60e session4.

Les négociations ont été caractérisés par l'opposition entre la grande majorité des délégations, conscientes de la nécessité d'améliorer le mécanisme de protection, et un petit nombre d'Etats, idéologiquement préoccupés de ne pas favoriser des opérations qui pourraient être perçues comme des ingérences dans leurs affaires intérieures. La Suisse a directement participé à chaque session des négociations, soutenant l'élargissement de la protection offerte aux personnels humanitaires. Comme ce fut le cas pour la convention, le Comité international de la Croix-Rouge a participé aux travaux à titre d'observateur.

Le 8 décembre 2005, l'Assemblée générale a adopté définitivement les huit articles qui composent le protocole facultatif, ouvrant le texte à la signature de tous les Etats.

Néanmoins, pour pouvoir devenir partie au protocole, un Etat doit d'abord être partie à la convention.

Le protocole vise donc à corriger les limites de la convention en supprimant le mécanisme qui faisait dépendre l'application de celle-ci d'une déclaration de risque exceptionnel pour les opérations autres que celles qui visent à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales. Les opérations onusiennes seront désormais automatiquement couvertes par la convention dans la mesure où elles relèvent de la définition donnée à l'art. II du protocole.

1.3

Aperçu du contenu des accords

1.3.1

Convention de 1994

1.3.1.1

Synthèse du contenu de la convention

L'objectif de la convention est de contribuer à la protection du personnel de l'ONU et du personnel associé. La convention exige des Etats parties qu'ils disposent de règles juridiques appropriées pour prévenir les attaques contre ces personnels et, le cas échéant pour sanctionner les auteurs.

3 4

A/54/619-S/1999/57 A/RES/60/42

8438

La convention définit tout d'abord son champ d'application, sur la base de la nature des opérations onusiennes en question et du personnel concerné. Elle fixe ensuite les obligations incombant à l'ONU elle-même, aux Etats hôtes et aux Etats de transit.

Elle prévoit aussi des dispositions pénales punissant' une série d'infractions contre le personnel de l'ONU et le personnel associé. En particulier, la convention prévoit l'obligation de poursuivre ou d'extrader les auteurs présumés de ces infractions. La mise en place de ce mécanisme de droit pénal international dénommé «extrader ou poursuivre» (aut dedere aut iudicare) vise à réduire au maximum le nombre d'Etats refuges où les auteurs d'attaques réprimées par la convention pourraient s'enfuir pour échapper à la justice pénale.

1.3.1.2

Champ d'application de la convention

Pour que la convention s'applique, on doit être en présence d'une «opération des Nations Unies», c'est-à-dire d'une opération établie par l'organe compétent de l'Organisation des Nations Unies conformément à la Charte des Nations Unies et menée sous l'autorité et le contrôle des Nations Unies. Selon le type d'opération, la convention peut s'appliquer soit automatiquement soit en vertu d'une déclaration de risque exceptionnel.

Pour les opérations onusiennes qui visent à maintenir ou à rétablir la paix et la sécurité internationales, l'application est automatique, Dans les autres cas, elle n'a lieu que si le Conseil de Sécurité ou l'Assemblée générale ont déclaré qu'il existe un risque exceptionnel pour la sécurité du personnel participant à l'opération (art. 1, let. c, et 2). Il faut noter que l'abolition de ce mécanisme constitue le changement fondamental apporté par le protocole additionnel (cf. ch. 1.3.2).

Sont explicitement exclues du champ d'application de la convention les opérations coercitives fondées sur le Chap. VII de la Charte de l'ONU dans lesquelles du personnel est engagé comme combattant contre des forces armées organisées et auxquelles s'applique le droit des conflits armés internationaux (art. 2, par. 2).

De même, les bureaux permanents des Nations Unies (comme Genève) sont exclus du champ d'application de la convention. Au sens de celle-ci, l'expression «Etat hôte» désigne en effet un Etat sur le territoire duquel se déroule une opération de paix onusienne. Le protocole ne change rien à ce principe.

Du point de vue des personnes protégées, la convention vise d'abord les membres des personnels de l'ONU, à savoir les membres des éléments militaire, de police ou civil d'une opération des Nations Unies, ainsi que les autres fonctionnaires et experts en mission présents à titre officiel dans une zone où est conduite une telle opération (art. 1, let. a, et 2). La convention s'applique ensuite au «personnel associé», c'est-àdire aux personnes affectées par un gouvernement ou par une organisation intergouvernementale avec l'accord de l'organe compétent de l'ONU, aux personnes engagées par le Secrétaire général de l'ONU ou par une institution spécialisée, ainsi qu'aux personnes déployées par une organisation ou une institution non gouvernementale humanitaire en vertu d'un accord avec
le Secrétaire général de l'ONU ou avec une institution spécialisée pour mener des activités à l'appui de l'exécution du mandat d'une opération des Nations Unies (art. 1, let. b, et 2).

8439

1.3.1.3

Obligations à la charge des personnels protégés, de l'Etat de transit et de l'Etat hôte

Le personnel des Nations Unies et le personnel associé sont tenus de porter sur eux des documents d'identification voire, pour les éléments militaires et de police, une marque distinctive d'identification (art. 3). La convention rappelle que ces personnels doivent respecter les lois et règlements de l'Etat hôte, et s'abstenir aussi de toute action ou activité incompatible avec le caractère impartial et international de leurs fonctions (art. 6).

L'Etat de transit a pour obligation de faciliter le passage des personnels protégés et de leur matériel, à destination et en provenance de l'Etat hôte (art. 5).

La convention invite l'Etat hôte, c'est-à-dire l'Etat sur le territoire duquel se déroule une opération de paix onusienne, à conclure avec l'ONU un accord sur le statut de l'opération et de son personnel (art. 4).

Certaines obligations incombent théoriquement à tous les Etats parties mais concerneront dans la pratique essentiellement l'Etat sur le territoire duquel se déroule une opération. Il s'agit de: ­

l'obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer la sécurité des personnels et de coopérer avec l'ONU et les autres Etats Parties dans l'application de la convention (art. 7);

­

l'obligation de relâcher ou de rendre à l'ONU le personnel capturé ou détenu, incluant l'interdiction de le soumettre à interrogatoire si son identité et sa fonction ont été établies (art. 8).

1.3.1.4

Dispositions pénales engageant l'ensemble des Etats parties

La convention réprime tout d'abord une série de comportements intentionnels et exige des Etats parties qu'ils rendent ces actes passibles de peines appropriées selon leur gravité au regard de la législation nationale. Les infractions suivantes sont visées: meurtre, enlèvement ou toute autre atteinte contre la personne ou la liberté d'un membre du personnel des Nations Unies ou du personnel associé, ou contre les locaux officiels, le domicile privé ou les moyens de transport d'un membre de ce personnel, et menace ou tentative de commettre une telle atteinte.

Les Etats parties doivent prendre les mesures nécessaires pour établir leur compétence aux fins de connaître de ces infractions sur la base de critères classiques (en partie obligatoires et en partie facultatifs). Le principe «poursuivre ou extrader» est consacré par la convention (art. 10, par. 4). L'art. 15 énonce le principe classique selon lequel, s'agissant d'une extradition, la convention peut constituer la base juridique suffisante si un Etat subordonne sa décision d'extradition à l'existence d'un traité spécifique.

Les Etats parties sont ensuite encouragés à prendre toutes les mesures possibles pour prévenir ces infractions (art. 11). La coopération en matière pénale (échange de renseignements, communications au Secrétaire général de l'ONU, entraide) est obligatoire, dans le respect des législations nationales (art. 12, 16 et 18).

8440

L'art. 17 confirme le droit à un traitement équitable pour l'auteur présumé d'une infraction.

Enfin, les Etats parties s'engagent à diffuser la convention aussi largement que possible, notamment à travers les programmes d'instruction militaire (art. 19).

1.3.1.5

Clauses de sauvegarde et clauses finales

L'art. 20 précise notamment que l'applicabilité du droit international humanitaire, les droits et obligations des Etats en ce qui concerne le consentement à l'entrée des personnes sur leur territoire ainsi que le droit qu'ont les Etats de retirer le personnel qu'ils avaient volontairement fourni ne sont pas affectés par la convention. Le droit de légitime défense n'est pas non plus restreint par celle-ci (art. 21).

Les différends concernant l'interprétation ou l'application de la convention sont réglés par voie de négociation ou, si nécessaire, par arbitrage. En cas d'échec, la Cour internationale de Justice pourra être saisie si l'Etat n'a pas émis de réserves en vertu de l'art. 22, par. 2, de la convention.

Finalement, il faut noter que la convention peut être dénoncée par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général de l'ONU (art. 28).

1.3.2

Protocole de 2005

1.3.2.1

Synthèse du contenu du protocole

Le protocole facultatif élargit la portée de la protection juridique offerte par la convention, dans la mesure où il prévoit de nouveaux cas d'application automatique du régime de celle-ci. La protection s'appliquera désormais automatiquement à toutes les opérations onusiennes menées aux fins d'apporter une aide humanitaire ou politique, ou une aide au développement dans le cadre de la consolidation de la paix, ou encore une aide humanitaire d'urgence. Grâce au protocole, une déclaration préalable de l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité constatant l'existence d'un risque exceptionnel ne sera plus nécessaire pour appliquer la convention.

1.3.2.2

Relation entre le protocole et la convention

L'art. 1 du protocole énonce que, entre ses Etats parties, celui-ci et la convention doivent être lus et interprétés ensemble comme un instrument unique.

Conformément à l'art. V, un Etat doit être partie à la convention pour pouvoir devenir partie au protocole.

S'agissant d'un protocole facultatif, les Etats parties à la convention restent libres de le ratifier ou non. Il faut néanmoins s'attendre à ce que les Etats deviennent parties aux deux instruments, qui forment désormais un tout cohérent.

8441

1.3.2.3

Extension du champ d'application de la convention

Conformément à l'objectif principal des négociations, l'art. II du protocole élargit la liste d'opérations auxquelles la convention s'applique automatiquement. En vertu de cette disposition, le champ d'application de la convention couvre «toutes les autres opérations des Nations Unies établies par un organe compétent des Nations Unies, conformément à la Charte des Nations Unies, et menées sous l'autorité et le contrôle de l'ONU aux fins d'apporter une aide humanitaire ou politique, ou une aide au développement dans le cadre de la consolidation de la paix, ou d'apporter une aide humanitaire d'urgence».

En ce qui concerne l'aide humanitaire d'urgence exclusivement liée aux suites d'une catastrophe naturelle, un Etat hôte peut déclarer au Secrétaire général de l'ONU qu'il n'appliquera pas les dispositions du protocole. Une telle déclaration est faite préalablement au déploiement de l'opération.

1.3.2.4

Clauses finales

Le protocole est ouvert à la signature de tous les Etats au Siège de l'Organisation des Nations Unies jusqu'au 16 janvier 2007. Après cette date, il sera ouvert à l'adhésion de tout Etat non signataire. Le protocole entrera en vigueur 30 jours après la date du dépôt auprès du Secrétaire général de l'ONU de 22 instruments de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

L'art. VII confirme que le protocole peut être dénoncé par voie de notification écrite adressée au Secrétaire général des Nations Unies.

1.4

Appréciation

L'adoption du protocole représente un réel progrès par rapport à la convention, qui s'est révélée peu efficace sur le terrain. La Suisse a activement contribué aux négociations qui ont mené à l'adoption de ce deuxième instrument, car l'enjeu était important aussi pour notre pays, soucieux de pouvoir adhérer à un mécanisme efficace.

La convention et le protocole forment désormais un système juridique qui contribuera aux efforts de prévention des attaques contre les missions de paix des Nations Unies, permettant de traduire plus facilement leurs auteurs en justice. En devenant partie à ces deux instruments, la Suisse participera à ce double objectif poursuivi par la communauté internationale.

D'une part, notre pays contribuera ainsi aux efforts développés dans le cadre des Nations Unies. D'autre part, il garantira une meilleure protection juridique aux citoyens suisses, de plus en plus souvent engagés dans des opérations de paix onusiennes. Les attaques contre le personnel de ces opérations ne vont pas disparaître de par la simple existence de ces textes, mais la communauté internationale aura créé un système juridique cohérent permettant de poursuivre en justice les auteurs de ces crimes.

8442

2

Commentaire

2.1

Convention de 1994

2.1.1

Définition des notions clés et champ d'application de la convention (art. 1 et 2)

Les définitions de «personnel des Nations Unies», «personnel associé», «opération des Nations Unies», «Etat hôte» et «Etat de transit» explicitent des notions utilisées dans la convention et permettent de délimiter son champ d'application.

En ce qui concerne le champ d'application ratione personae, l'art. 2, par. 1, ne doit pas être interprété de façon restrictive, en ce sens que, logiquement, la convention s'applique également à toute personne qui aura commis une des infractions visées quand bien même elle ne serait pas ''membre des personnels précités.

La notion d'Etat hôte désigne les Etats sur le territoire desquels une opération onusienne est menée; les sièges et bureaux permanents de l'ONU (comme Genève) ne sont pas pris en considération dans ce contexte.

La notion clé de la convention est ainsi celle d'«opération des Nations Unies» (art.

1, let. c), car c'est uniquement par rapport à elle que les autres définitions se concrétisent. Pour que la convention s'applique, il faut tout d'abord être en présence d'une opération établie par l'organe compétent de l'ONU conformément à la Charte de l'ONU et menée sous l'autorité et le contrôle des Nations Unies; il faut également: ­

que l'opération vise à maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales, ou

­

que le Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale ait déclaré qu'il existe un risque exceptionnel pour la sécurité du personnel engagé.

Toutefois, l'art. 2 exclut du champ d'application de la convention les opérations autorisées par le Conseil de sécurité en tant qu'actions coercitives en vertu du Chap. VII de la Charte des Nations Unies dans le cadre desquelles du personnel est engagé comme combattant contre des forces armées organisées et auxquelles s'applique le droit des conflits armés internationaux. La convention et son régime de protection sont par contre applicables aux actions coercitives menées en vertu du Chap. VII dans des situations de conflit armé interne (car il n'y a pas, dans de tels cas, d'ennemi désigné).

Les membres des opérations des Nations Unies auxquels la convention ne s'applique pas en vertu de son art. 2 ne sont pas pour autant démunis de protection. En fait, lors d'un conflit armé, ils sont protégés par les principes et les règles du droit international humanitaire applicables à ces conflits, droit qu'ils doivent évidemment respecter.

La question des rapports entre la convention et le droit international humanitaire appelle des considérations plus détaillées qui seront formulées au ch. 2.1.9. du présent message.

Des limites importantes ont été constatées quant à l'application pratique de la convention, en rapport avec le mécanisme de la déclaration de risque exceptionnel (qui n'a jamais eu lieu, sauf dans le cas de l'Iraq, après l'attentat terroriste de 2003 où 22 membres du personnel civil de l'ONU ont été tués). Ces limites s'expliquent d'abord par l'absence de critères définissant le risque exceptionnel. Un autre obstacle consiste en la nécessité de surveiller constamment la situation sur le plan de la sécurité dans toutes les zones d'opérations des Nations Unies de par le monde, afin 8443

de faire la déclaration en temps utile, mais également à la retirer au moment opportun lorsque les circonstances l'exigent. Finalement, des considérations d'ordre politique peuvent aussi influencer les processus décisionnels, notamment par crainte d'un effet déstabilisateur.

La question des catégories d'opérations auxquelles la protection doit s'appliquer automatiquement a donc été au coeur des travaux qui ont conduit à l'adoption du protocole additionnel.

2.1.2

Mise en oeuvre d'une opération des Nations Unies (art. 3 à 8)

Identification des membres du personnel protégé (art. 3) La possibilité pour le Secrétaire général de l'ONU d'exempter le personnel civil et ses moyens de transport du port d'une marque d'identification vise les situations dans lesquelles on peut prévoir que le port d'une telle marque est susceptible de réduire la sécurité du personnel au lieu de l'augmenter. La question de savoir si l'absence d'une telle marque pourra être invoquée par les auteurs d'une attaque pour échapper au régime de la convention doit être tranchée sur la base du contexte spécifique.

Accords sur le statut de l'opération (art. 4) Il n'y a pas d'obligation absolue et préalable de conclure un tel accord pour qu'une opération de l'ONU puisse démarrer, ceci pour tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles les opérations de l'ONU ont lieu. Parfois, l'opération sera déployée dans un territoire où il n'existe simplement plus d'autorité publique effective, rendant impossible la conclusion d'un accord.

Obligation de l'Etat de transit (art. 5) L'Etat de transit facilite le transit du personnel engagé dans une opération et de son matériel. Les conditions sont convenues avec l'ONU, dans le respect de la législation interne de chaque Etat. Selon les circonstances, des mesures positives peuvent aussi être indiquées. Cette disposition n'aura de toute façon qu'une portée très restreinte pour la Suisse, en raison de sa position géographique. On peut surtout supposer que des demandes de survol seront éventuellement présentées.

Obligation des membres du personnel de l'ONU et du personnel associé de respecter les lois et règlements de l'Etat hôte et de l'Etat de transit (art. 6) Il s'agit de principes fondamentaux régissant toute opération de l'ONU et dérivant du principe de souveraineté des Etats. Le respect de ces obligations est très important pour la crédibilité et l'efficacité des opérations onusiennes. Le Secrétaire général de l'ONU doit prendre les mesures appropriées pour prévenir et sanctionner les manquements.

Obligation d'assurer la sécurité du personnel de l'ONU et du personnel associé (art. 7) Il s'agit, pour les Etats parties, d'une obligation de moyen et non d'une obligation de résultat.

8444

La coopération visée au par. 3 ­ lorsque l'Etat hôte n'est pas lui-même en mesure de prendre les mesures requises ­ concerne les opérations menées dans des situations de troubles très graves ou sur un territoire où il n'existe plus d'autorité officielle exerçant un contrôle effectif suffisant.

Obligation de relâcher ou de rendre à l'ONU le personnel onusien et le personnel associé capturé ou détenu (art. 8) Sauf disposition contraire d'un éventuel accord sur le statut des personnels engagés, cet article empêche l'Etat hôte d'exercer une action répressive licite au vu de son droit interne à l'encontre des membres des personnels protégés capturés ou détenus dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, les personnels protégés bénéficient en principe d'une immunité de juridiction et d'une inviolabilité personnelle.

S'agissant du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, aucune immunité n'empêcherait de poursuivre des auteurs présumés, même si, par hypothèse, ceux-ci devaient appartenir aux personnels protégés, puisque l'applicabilité du droit international humanitaire est explicitement réservée par cette convention.

2.1.3

Infractions contre le personnel de l'ONU et le personnel associé

L'art. 9 qualifie d'infractions certains actes commis à l'encontre du personnel protégé, ses locaux, son matériel, etc. Il ne concerne que des faits intentionnels.

Les actes visés sont déjà couverts de manière adéquate par le code pénal suisse (CP), de sorte qu'aucune modification législative ne sera nécessaire.

En ce qui concerne le meurtre et l'enlèvement ou «toute autre atteinte contre la personne ou la liberté» (art. 9, par. 1, let. a) d'une personne protégée, les art. 111 (meurtre) et 112 (assassinat), 122 et 123 (lésions corporelles graves et simples), 180 ss (crimes ou délits contre la liberté), 189 (contrainte sexuelle) et 190 (viol) CP pourront s'appliquer.

L'atteinte accompagnée de violence contre les locaux officiels, le domicile privé ou les moyens de transport d'une personne protégée, de nature à mettre la personne ou la liberté en danger (art. 9, par. 1, let. b) sera aussi couverte par les 'art. 144 (dommages à la propriété) et 180 ss CP (crimes ou délits contre la liberté), éventuellement aussi par le titre septième du CP (crimes ou délits créant un danger collectif).

La menace de commettre un des actes mentionnés ci-dessus, dans le but de contraindre une personne physique ou morale à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir (art. 9, par. 1, let.c) pourra être réprimée conformément aux art. 180 (menaces) et 181 (contrainte) CP, ou sur la base des autres dispositions spéciales qui absorberaient la menace ou la contrainte en tant que moyens de commettre une infraction.

Le droit pénal suisse réprime la tentative pour les crimes et les délits (art. 22 et 23 de la partie générale révisée du CP, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2007). S'agissant des infractions prévues par la convention, même la tentative sera donc punissable.

8445

La complicité dans l'atteinte ou dans la tentative et le fait d'organiser ou d'ordonner l'atteinte pourront être poursuivi en droit suisse conformément aux art. 24 et 25 de la partie générale révisée du CP.

Notons enfin que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale qualifie de crimes de guerre «le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil» (art. 8, par. 2, let. b, ch. iii, et let.e, ch. iii). Du point de vue de la matière, la Cour pénale internationale pourrait donc exercer sa juridiction sur ces crimes.

2.1.4

Compétence des Etats parties

L'art. 10, par. 1, consacre tout d'abord les principes de territorialité et de personnalité active, qui doivent fonder la compétence des autorités de poursuite suisses. Le droit pénal suisse connaît déjà le principe de territorialité, les principes de personnalité active et passive, ainsi que le principe de protection de l'Etat. En outre, l'art. 6 de la partie générale révisée du CP traite spécialement des accords internationaux et établit que notre pays est compétent pour juger quiconque commet à l'étranger un crime ou un délit que la Suisse s'est engagée à poursuivre en vertu d'un accord international si l'acte est aussi réprimé dans l'Etat où il a été commis (ou que le lieu de commission ne relève d'aucune juridiction pénale) et si l'auteur se trouve en Suisse et qu'il n'est pas extradé. Aucune adaptation de la partie générale révisée du CP n'est donc nécessaire. Au cas où le code pénal militaire serait applicable, ses dispositions permettraient aussi d'établir la compétence des autorités militaires suisses conformément aux exigences de la convention.

L'art. 10, par. 2, rappelle que les Etats parties peuvent étendre leur compétence de juridiction à d'autres cas de figure: l'auteur présumé est un apatride ayant sa résidence habituelle en Suisse, la victime est suisse, ou bien l'acte visait à contraindre la Suisse à accomplir un acte ou à s'en abstenir. Bien que cette disposition n'ait pas de caractère contraignant, ces hypothèses sont néanmoins couvertes par le CP.

Finalement, l'art. 10, par. 4, engage chaque Etat partie à établir sa compétence afin d'appliquer le principe «extrader ou poursuivre» (cf. art. 14 de la convention). Le juge suisse devra donc être compétent pour poursuivre l'auteur présumé d'une infraction couverte par la convention, lorsque celui-ci se trouve en Suisse et à condition que la Suisse ne l'extrade pas vers l'un des Etats compétents en vertu de l'art. 10, par. 1 ou 2. Cette compétence doit exister dès que l'auteur présumé se trouve sur notre territoire, sans être subordonnée à une demande formelle d'extradition (pas de compétence par représentation). Encore une fois, le droit suisse est conforme à cette exigence.

8446

2.1.5

Prévention, échange de renseignements et détention préventive

Les art. 11 et 12 obligent les Etats parties à coopérer à la prévention des infractions visées par la convention et 'à échanger des renseignements utiles, dans les conditions prévues par leur législation nationale.

L'art. 13 établit des règles pour la détention préventive des auteurs présumés des infractions visées, en prescrivant une obligation d'information à la charge de l'Etat sur le territoire duquel un auteur présumé est arrêté, selon sa législation interne.

2.1.6

Principe «extrader ou poursuivre»

Pendant de l'art. 10, par. 4, l'art. 14 consacre le principe «extrader ou poursuivre» à la charge de l'Etat sur le territoire duquel l'auteur présumé d'une infraction est découvert. Il s'agit d'un aspect fondamental de la convention, qui vise à réduire au maximum le nombre d'«Etats refuges» où les auteurs d'attaques contre le personnel des opérations onusiennes pourraient échapper à la justice pénale.

Si 'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction visée par la convention est arrêtée en Suisse et qu'elle n'est' pas extradée (soit parce qu'il n'y a pas de demande en ce sens, soit parce que l'extradition n'est pas accordée), il appartiendra aux autorités de poursuites suisses d'exercer l'action pénale selon les procédures internes applicables. Il n'est guère imaginable qu'une personne soit arrêtée en Suisse sans qu'une extradition ne soit ensuite demandée par un autre Etat. En effet, les autorités suisses agissent généralement suite aux informations fournies par un autre Etat, vraisemblablement par l'Etat où l'infraction a été commise, mais aussi par celui dont la victime avait la nationalité ou encore par l'Etat de nationalité de l'auteur présumé. S'il n'y a pas 'd'extradition, s'agissant d'une infraction commise à l'étranger par un étranger et contre une victime qui n'a pas la nationalité suisse, l'art. 6 de la partie générale révisée du CP permet de satisfaire aux exigences de la convention.

2.1.7

Extradition, entraide et traitement équitable

L'art. 15 consacre les principes classiques de l'extradition. La législation suisse pourra servir de base pour refuser une extradition qui serait contraire à nos règles et principes en la matière, notamment en raison de la citoyenneté suisse de l'auteur présumé, ou du fondement politique de l'action pénale, ou encore pour tenir compte des principes de la convention européenne des droits de l'homme.

Les art. 16 et 17 consacrent aussi des principes classiques en matière d'entraide pénale ou en ce qui concerne les droits de la personne faisant l'objet d'une enquête ou de poursuites.

En ce qui concerne la garantie d'un traitement équitable, lorsque la personne poursuivie est un ressortissant de l'Etat poursuivant, ou s'il s'agit d'un apatride ayant sa résidence habituelle dans ce même Etat, la Suisse considère que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), même si ce cas de figure n'est pas explicitement prévu par la convention, devrait pouvoir demander à rendre visite à la personne 8447

détenue, comme c'est le cas notamment en vertu de la Convention internationale du 17 décembre 1979 contre la prise d'otages5 ou de la Convention internationale du 15 décembre 1997 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif6.

2.1.8

Diffusion de la convention

Les Etats parties restent libres de décider de quelle manière ils préfèrent diffuser la convention. Le seul engagement précis consiste dans l'inclusion de son contenu dans les programmes d'instruction militaire. Pour le surplus, la convention renvoie à la libre appréciation des parties.

2.1.9

Relations avec le droit international humanitaire

Les 'art. 2, par. 2, et 20, let. a règlent les relations entre le droit international humanitaire et le régime de la convention. Cette dernière n'est pas applicable aux opérations fondées sur le Chap. VII de la Charte de l'ONU dont le mandat implique une action coercitive («enforcement action») auxquelles le droit des conflits armés internationaux est applicable. Ainsi, lorsque les forces de l'ONU reçoivent du Conseil de Sécurité le mandat de recourir à la force pour imposer la paix, au moment où elles commencent effectivement les opérations de combat sur le terrain, on sort du champ d'application de la convention et seul le droit international humanitaire est applicable à l'opération. Tous les participants à l'opération, combattants et civils, sont donc protégés et liés par les principes et les règles du droit international humanitaire qui sont, respectivement pour les combattants et pour les civils, applicables à de tels conflits, (cf. Rapport du Secrétaire général A/55/637 publié en 2000). Par contre, si les forces onusiennes se limitent à exercer la légitime défense ou à assumer un rôle de police (notamment pour empêcher des crimes graves), le régime spécial de la convention est applicable à l'opération, et le personnel onusien, ainsi que le personnel associé, bénéficient d'une protection accrue.

Lorsque les Casques bleus s'en tiennent à leur mandat, le fait de les attaquer en dehors des actions de combat qu'ils mènent pour imposer la paix est donc considéré comme un crime international au sens de la convention.

Evidemment, à chaque fois qu'ils ont recours à la force, les Casques bleus ont le devoir (ius in bello) de respecter le droit international humanitaire et les normes universellement reconnues en matière de droits de l'homme consacrées dans des instruments internationaux. Ce principe fondamental est rappelé à l'art. 20, let. a de la convention («clauses de sauvegarde»), qui prévoit aussi qu'aucune disposition de la convention n'affecte l'applicabilité dudit droit et desdites normes en ce qui concerne la protection des opérations de l'ONU et de leurs personnels. Cet article rappelle également l'obligation du personnel des Nations Unies et du personnel associé de se comporter d'une manière conforme au mandat d'une opération des Nations Unies (let. c). Le Secrétaire général de l'ONU a d'ailleurs précisé ces principes, dans sa circulaire du 6 août 19997, précisant que la publication de celle-ci ne 5 6 7

RS 0.351.4 RS 0.353.21 ST/SGB/1999/13

8448

porte pas atteinte au statut protégé des membres des opérations de maintien de la paix en vertu de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, ni à leur statut de non-combattant, tant que les intéressés ont droit à la protection garantie aux civils par le droit international des conflits armés. La Suisse partage cette position.

Les négociateurs du protocole facultatif ont eu à s'exprimer sur la question des relations entre la convention et le droit international humanitaire suite à une initiative du Costa Rica qui demandait de préciser davantage l'équilibre entre les deux régimes. Cependant, aucun accord n'a pu se dégager au sein du Comité sur ce point, qui n'était d'ailleurs pas considéré comme prioritaire. La pratique des Etats et des juridictions internationales compétentes contribuera à définir plus concrètement l'interaction des deux régimes. Il n'est toutefois pas exclu que les Etats parties soient à nouveau appelés à étudier l'opportunité d'élaborer un texte spécifique qui comblerait d'éventuelles lacunes constatées sur le terrain; le moment venu, notre pays pourra ainsi réexaminer l'opportunité et les moyens de relancer ce débat au sein des Nations Unies.

2.1.10

Règlement pacifique des différends

L'art. 22 est une disposition classique des conventions de l'ONU en matière pénale.

Il autorise les Etats parties à formuler une réserve quant au recours à la Cour internationale de Justice en cas d'échec de la voie arbitrale pour régler les éventuels différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de la présente convention.

Compte tenu de l'attachement de la Suisse au droit international et au règlement pacifique des différends, ainsi que du soutien que notre pays a toujours apporté à la Cour, il n'est pas indiqué de formuler une telle réserve.

2.1.11

Clauses finales

L'art. 23 ne règle pas la procédure d'amendement du texte de la convention mais seulement l'examen de sa mise en oeuvre. Les amendements sont réglés par la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités8.

L'art. 26 traite de l'adhésion à la convention par les Etats qui ne l'ont pas signée avant le 31 décembre 1995. Notre pays se fonde sur cette disposition pour devenir partie à la convention.

En application de l'art. 27, par. 2, la convention entrera en vigueur à l'égard de la Suisse le 30e jour suivant la date de dépôt de son instrument d'adhésion.

8

RS 0.111

8449

2.2

Protocole de 2005

2.2.1

Application de la convention aux opérations des Nations Unies (art. II)

Comme pour la convention, cette disposition ne couvre pas les bureaux permanents des Nations Unies, tels que les sièges de l'Organisation ou de ses institutions spécialisées, établis sur le territoire d'un Etat en vertu d'un accord avec l'ONU. La Suisse n'est donc pas concernée à ce titre.

Le terme «consolidation de la paix» appelle quelques considérations, nécessaires à son interprétation. D'une manière générale, il recouvre les efforts faits pour promouvoir la sécurité humaine dans une société fragilisée qui a été, est, ou risque d'être confrontée à un conflit. Mais une définition unique et clairement délimitée de ce concept n'est pas disponible. Le terme a précisément été choisi comme compromis, en raison de sa souplesse.

S'agissant d'opérations qui exigent le consentement préalable de l'Etat hôte, lorsque les Nations Unies déterminent avec celui-ci les termes de l'accord sur le statut de la mission ou d'autres accords concernant l'opération, des indications sont normalement fournies au sujet de la nature de l'opération. Aussi, les travaux préparatoires et la Résolution portant autorisation de l'opération contribueront à déterminer si telle ou telle opération constitue une opération de consolidation de la paix aux sens du protocole.

D'une manière générale, la consolidation de la paix doit être considérée comme un processus et qu'elle estcensée englober les opérations en situations de conflit ou d'après conflit. Le terme n'exclut toutefois pas les situations de préconflit, en particulier parce que les pays qui sortent d'un conflit sont fortement exposés au risque d'y retomber et qu'il n'est pas toujours possible d'en distinguer clairement les phases. En raison de la difficulté de définir et délimiter celles-ci dans un conflit récurrent, la délégation suisse, avec d'autres, s'est officiellement prononcée en faveur d'une acception large de la consolidation de la paix, de manière à garantir la protection la plus létendue possible aux personnels engagés sur le terrain. A titre d'exemple de situations pouvant exiger une opération de consolidation de la paix, on peut mentionner des situations de troubles civils déstabilisateurs, d'effondrement de la société, de conflit ou de reconstruction en période de transition (promotion du respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme, développement de
structures politiques, sociales et économiques, etc.). Dans ce domaine, les textes et la pratique sont donc destinés à évoluer, au sein de la communauté internationale et sous l'égide de celle-ci.

2.2.2

Obligation des Etats parties en ce qui concerne l'art. 8 de la convention (art. III)

La formulation de l'art. III du protocole réserve explicitement les obligations juridiques internationales. Cet article traite des moyens d'appliquer l'art. 8 de la convention et précise que tant les Etats de transit que les Etats hôtes peuvent exercer leur juridiction nationale à l'égard des infractions commises par le personnel des Nations Unies et le personnel associé, à condition qu'ils ne violent pas les autres obligations leur incombant en vertu du droit international, c'est-à-dire les obligations 8450

découlant des accords multilatéraux et des accords bilatéraux, y compris des accords conclus entre des Etats et l'ONU.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Adhérer à la convention et ratifier le protocole permettra à la Suisse de devenir partie à un mécanisme de protection juridique du personnel humanitaire que la communauté internationale s'efforce de construire et de faire respecter. Etat neutre et dépositaire des Conventions de Genève, notre pays se doit de participer à un dispositif juridique destiné à protéger les personnes qui travaillent dans l'intérêt de la communauté internationale, le plus souvent dans des conditions très difficiles, et contribuent de manière importante aux efforts des Nations Unies en faveur de la paix et de la sécurité internationales.

Même si les opérations des Nations Unies couvertes par les deux instruments ne concernent pas directement le territoire suisse, et même si l'on sait que la quasitotalité des obligations établies par la convention et le protocole ne concerneront pas directement notre pays, le principe de droit pénal international «poursuivre ou extrader» pourrait à s'appliquer en Suisse. En devenant partie à ces deux instruments internationaux, notre pays soutiendrait activement un mécanisme qui vise à supprimer la possibilité pour les criminels de trouver des «Etats refuges» où ils pourraient échapper à la justice pénale. En outre, la Suisse est aujourd'hui directement concernée par cette problématique ne serait-ce que parce que 'des ressortissants suisses participent de plus en plus à des opérations onusiennes en faveur de la paix et de la sécurité internationales. La protection de ces citoyens suisses requiert donc aussi l'adhésion de la Suisse à ces deux textes.

3.2

Conséquences pour les cantons

Il n'y a pas de conséquence à mentionner pour les cantons. En vertu de l'art. 336 du CP révisé en 2002, en particulier de l'al. 1, let. a, les infractions visées par les deux textes sont généralement soumises à la juridiction fédérale.

3.3

Conséquences économiques et effets sur l'état du personnel

L'adhésion à la Convention des Nations Unies sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et la ratification de son protocole facultatif n'auront pas de conséquences financières pour la Confédération. Elles n'auront pas non plus d'effets sur l'état du personnel.

8451

4

Liens avec le programme de la législature

L'adhésion à la convention et la ratification du protocole facultatif ne sont pas annoncées dans le programme de la législature 2003 à 20079. Il était en effet préférable d'attendre la fin des négociations relatives à l'élaboration du protocole destiné à améliorer le régime juridique de la convention, pour proposer au Parlement l'adoption des deux instruments qui forment un tout cohérent et efficace.

5

Modifications de lois et procédure de consultation

Ces traités ne nécessitent aucune modification du droit interne, puisque celui-ci est déjà conforme à leurs dispositions. Dans le sens de l'art. 2 de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation10, aucune procédure de consultation n'a donc été organisée.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

La constitutionnalité de l'arrêté fédéral relatif à l'approbation de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et de son protocole facultatif repose sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)11, qui autorise la Confédération à conclure des traités de droit international. L'art. 166, al. 2, Cst.

donne compétence à l'Assemblée fédérale pour approuver les traités et autoriser le Conseil fédéral à procéder à la ratification.

Aux termes de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités internationaux sont sujets au référendum s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2) ou s'ils contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3). La présente convention et son protocole facultatif peuvent être dénoncés en tout temps (art. 28 de la convention et art. VII du protocole) et ne prévoient pas l'adhésion à une organisation internationale. En revanche, la convention contient des dispositions importantes fixant des règles de droit, au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En effet, elle implique en particulier des incriminations pénales en relation avec la protection de la vie et de l'intégrité corporelle. Par conséquent, l'arrêté fédéral portant approbation de la convention et du protocole facultatif, qui élargit le champ d'application de la convention, est sujet au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Les deux instruments, qui ont été élaborés dans le cadre des Nations Unies et adoptés par consensus, sont compatibles avec les obligations internationales de la Suisse.

9 10 11

FF 2004 1035 RS 172.061 RS 101

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