06.067 Message concernant un protocole modifiant la convention de double imposition entre la Suisse et l'Espagne du 26 avril 1966 en matière d'impôts sur le revenu et la fortune du 6 septembre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral approuvant un protocole signé le 29 juin 2006 modifiant la Convention du 26 avril 1966 entre la Confédération suisse et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

6 septembre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-3324

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Condensé L'art. 18, al. 3, de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne entre la Suisse et la Communauté européenne précise notamment que la non-imposition à la source des paiements de dividendes, intérêts et redevances entre entreprises associées en Suisse et dans des Etats membres de la Communauté européenne (prévue à l'art. 15 de cet accord), prend effet, en ce qui concerne l'Espagne, à la date d'entrée en vigueur d'un accord avec la Suisse concernant l'échange de renseignements sur demande dans les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente, portant sur des éléments de revenus couverts par la convention hispano-suisse de double imposition. La convention entre la Suisse et l'Espagne a été conclue le 26 avril 1966 et n'a fait l'objet d'aucune révision depuis cette date. Elle contient des solutions reflétant sur le plan bilatéral les relations économiques de cette époque (par exemple taux d'impôt à la source relativement élevés sur les dividendes et les intérêts en faveur de l'Etat de la source). Par ailleurs, aucune clause d'échange de renseignements n'y figure. Le présent protocole contient de nouvelles solutions concernant l'imposition des dividendes (exonération des dividendes payés entre entreprises associées), des intérêts (taux zéro) et des redevances (exonération des redevances payées entre entreprises associées). Il introduit un article sur l'échange de renseignements.

L'assistance administrative sera désormais possible non seulement pour les cas d'application correcte de la convention mais également pour les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente et pour les sociétés holding. Ainsi, avec l'entrée en vigueur de ces modifications, l'art. 15 de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne précité s'appliquera également aux relations hispano-suisses.

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Message 1

Présentation du protocole

1.1

Contexte, déroulement et résultat des négociations

La convention de double imposition entre la Suisse et l'Espagne (RS 0.672.933.21) a été conclue le 26 avril 1966 et n'a fait l'objet d'aucune révision depuis lors. Elle contient des solutions reflétant sur le plan bilatéral les relations économiques de cette époque (par exemple taux d'impôt à la source relativement élevés sur les dividendes et les intérêts en faveur de l'Etat de la source, imputation de l'impôt fictif pour certains intérêts de source espagnole). Par ailleurs, elle ne contient pas de clause d'échange de renseignements. Depuis les années soixante, l'économie espagnole s'est considérablement développée et l'Espagne est devenue un acteur économique et politique important sur le plan européen.

Lors de l'adoption d'un rapport sur l'accès aux informations bancaires à des fins fiscales en 2000 au sein du Comité des affaires fiscales de l'OCDE, la Suisse a pris l'engagement de négocier, dans ses conventions de double imposition avec les Etats membres de l'OCDE, une clause permettant d'accorder l'assistance administrative pour l'application du droit interne de l'Etat requérant dans les cas de fraude fiscale et de transmettre par ce moyen des informations bancaires à des fins fiscales. Cette solution a notamment été convenue en 2003 dans la convention en vigueur avec l'Allemagne.

Les autorités suisses compétentes, cherchant à mettre en place cette nouvelle politique avec les principaux partenaires conventionnels de la Suisse et visant également une égalité de traitement des entreprises suisses et des entreprises européennes sur le plan fiscal s'agissant des dividendes, intérêts et redevances, ont demandé en 2001 aux autorités espagnoles l'ouverture de négociations de révision. Cette demande a pu être suivie d'effets en 2002 en dépit de quelques réticences initiales espagnoles.

En outre, dans le contexte des relations entre la Suisse et l'Union européenne (UE), des négociations ont été ouvertes avec la Commission européenne et la Présidence tournante en ce qui concerne l'imposition des intérêts de l'épargne. Un Accord en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts a été conclu entre la Suisse et la Communauté européenne le 26 octobre 2004 (Accord sur la fiscalité de l'épargne, RS 0.641.926.81). Il est entré en vigueur et est applicable depuis le 1er
juillet 2005. Il concerne l'obligation, pour la Suisse, de prélever une retenue d'impôt sur les intérêts payés par un agent payeur suisse à une personne physique résidente de l'UE. En outre, l'art. 10 de cet accord prévoit un engagement de la Suisse à un échange de renseignements concernant les intérêts dans les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente, c'est-à-dire d'une infraction ayant le même degré de gravité que la fraude fiscale, au regard du droit suisse. En addition à l'Accord sur la fiscalité de l'épargne, un Mémorandum d'entente a été conclu entre la Suisse, d'une part, et la Communauté européenne et les Etats membres de l'UE, d'autre part. L'art. 2 de ce Mémorandum d'entente prévoit que la Suisse et chaque Etat membre de l'UE engagent des négociations bilatérales en vue de réviser leurs conventions respectives de double imposition et d'y intégrer des dispositions prévoyant l'échange de renseignements, y compris des informations bancaires, dans les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente.

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L'art. 15 de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne prévoit en outre la non-imposition à la source des paiements de dividendes, intérêts et redevances entre entreprises associées en Suisse et dans des Etats membres de l'UE, sous réserve d'un traitement plus favorable par les conventions de double imposition entre la Suisse et un Etat membre concerné. Ce régime est d'un très grand intérêt pour la place économique suisse, active sur le plan international, et correspond à la politique suisse visée dans ce domaine. L'Espagne a été autorisée au sein de l'UE ­ et la Suisse a dû l'accepter afin de ne pas mettre en péril cette disposition globalement avantageuse ­ à négocier une exception. L'art. 18, par. 3, de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne déclare que l'art. 15 prend effet en ce qui concerne l'Espagne, lorsque l'Espagne et la Suisse auront conclu un accord qui prévoit l'échange de renseignements en cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente portant sur les revenus couverts par la convention de double imposition hispano-suisse.

Compte tenu des enjeux, les négociateurs ont préféré éviter une révision totale dont la durée et la portée n'étaient pas prévisibles, pour se concentrer sur les points importants concernant l'assistance administrative et le traitement des dividendes, des intérêts ainsi que des redevances. Dans l'ensemble, au reste, les dispositions qui n'ont pas été révisées, et qui ont été maintenues telles quelles, peuvent être considérées comme favorables pour la Suisse; du point de vue suisse, une révision de ces dispositions n'aurait mené qu'à une péjoration de celles-ci. La Suisse a un grand intérêt à ce que la révision de la convention hispano-suisse entre en vigueur rapidement.

1.2

Appréciation

Le présent protocole modifiant la convention de 1966 a permis d'actualiser partiellement, mais sur des points importants, le texte de la convention. Les dispositions concernant l'assistance administrative correspondent aux engagements pris par la Suisse au sein de l'OCDE et avec l'UE. Elles permettent l'application de l'art. 15 de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne (non-imposition à la source des dividendes, intérêts et redevances entre entreprises associées). La révision de l'art. 11 sur les intérêts va même plus loin en éliminant de manière générale la taxation à la source de tous les intérêts, ce qui peut être estimé favorable à l'économie et aux fiscs suisses dans l'ensemble. L'égalité de traitement qui a été réalisée, concernant les dividendes, en faveur des sociétés suisses par rapport aux sociétés des Etats membres de l'UE peut également être considérée comme très positive. Il en va de même du fait d'être parvenu à maintenir des particularités dans l'article sur les méthodes pour éviter les doubles impositions, qui rendent très attractif l'établissement en Suisse d'entreprises espagnoles. En contrepartie de ces réglementations avantageuses, les concessions accordées dans le domaine de l'assistance administrative, la reconnaissance de l'application de la législation espagnole sur les sociétés étrangères contrôlées et le maintien de l'imputation de l'impôt fictif pour les intérêts de certains prêts sont parues défendables. La convention révisée contribuera certainement à la poursuite du développement positif des relations économiques bilatérales. La révision a reçu un accueil favorable de la part des cantons et des milieux économiques intéressés lors de leur consultation.

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2

Commentaire des dispositions du protocole

Le protocole introduit de nouvelles dispositions dans la convention de 1966 en ce qui concerne l'imposition des dividendes (art. 1 concernant le nouveau par. 2 de l'art. 10 de la convention), l'imposition des intérêts (art. 2 concernant le nouvel art. 11 de la convention), les redevances (art. 3 concernant le nouveau par. 7 de l'art. 12 de la convention), les méthodes pour éliminer les doubles impositions s'agissant de l'imputation de l'impôt fictif (art. 4 concernant l'art. 23, par. 5, de la convention), l'assistance administrative (art. 5 concernant le nouvel art. 25bis de la convention) ainsi qu'un protocole additionnel relatif à certaines de ces dispositions (art. 6 du protocole).

Art. 1 (concerne l'art. 10 de la convention: dividendes) La convention actuellement en vigueur prévoit un taux d'impôt à la source résiduel de 15 % en règle générale et de 10 % dans le cas de participations de 25 % au moins.

Le nouvel art. 10, par. 2, stipule désormais que les dividendes payés par une société d'un Etat contractant à une société de l'autre Etat contractant ne sont pas imposés lorsque les conditions suivantes sont remplies: ­

la société qui reçoit les dividendes doit détenir directement au moins 25 % du capital de la société distributrice;

­

cette participation doit être détenue pendant au moins deux ans;

­

la société distributrice doit être assujettie de manière illimitée à l'impôt sans bénéficier d'une exonération;

­

tant la société distributrice que celle qui reçoit les dividendes doivent être des sociétés de capitaux. Le ch. III du protocole additionnel définit cette expression pour l'Espagne en se référant à la Directive 2003/49/CE du 3 juin 2003 ainsi qu'à la Directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990. En ce qui concerne la Suisse, ce chiffre dispose que cette expression couvre la société anonyme, la société à responsabilité limitée et la société en commandite par actions.

Ces solutions correspondent dans l'ensemble à celles qui ont été convenues à l'art. 15 de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne. Elles ont l'avantage d'être ancrées désormais dans la convention de double imposition et conservent leur validité indépendamment du sort de cet accord.

Les conditions générales dans lesquelles les sociétés ont droit aux avantages conventionnels ont été définies dans le nouveau protocole additionnel aux ch. I, II et III, lesquels sont présentés ci-après à l'art. 6 du protocole modifiant la convention.

Art. 2 (concerne l'art. 11 de la convention: intérêts) L'art. 11 de la convention actuelle prévoit un impôt résiduel de 10 % en faveur de l'Etat de la source. Une exception est prévue pour les intérêts de prêts à long terme (non remboursables en totalité ou en partie avant cinq ans) payés à une banque. En outre, conformément à l'art. 23, par. 5 (Dispositions pour éliminer les doubles impositions), la Suisse est actuellement tenue d'accorder une imputation de l'impôt fictif («matching credit») pour les intérêts de sommes prêtées en application du

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décret-loi espagnol du 19 octobre 1961 ou de toute autre disposition qui le compléterait ou le remplacerait (FF 1966 I 830).

Le nouvel art. 11 attribue désormais le droit d'imposition exclusif à l'Etat de résidence du bénéficiaire des intérêts. Ceci vaut ­ à la différence de l'art. 15 de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne ­ de manière générale pour tous les paiements d'intérêts et non pas seulement pour ceux payés entre entreprises associées. Cette solution est, tant du point de vue des entreprises associées que du fait que le flux des intérêts est largement plus important depuis l'Espagne vers la Suisse que l'inverse, beaucoup plus favorable pour la Suisse et également pour les fiscs suisses (suppression de l'imputation forfaitaire) que celle prévue actuellement. La Suisse a demandé cette nouvelle disposition en contrepartie des concessions accordées dans le domaine de l'assistance administrative.

Dans la phase finale des négociations, cette demande a dû faire l'objet d'un examen politique de la part de l'Espagne, dont la conclusion a été d'admettre cette solution à condition que la Suisse maintienne l'imputation de l'impôt fictif actuellement en vigueur dans la convention. Au vu de l'ensemble des résultats de ces négociations, il a finalement été estimé du côté suisse que cette exigence espagnole pouvait être acceptée.

Les conditions générales dans lesquelles les sociétés ont droit aux avantages conventionnels ont été définies dans le nouveau protocole additionnel au ch. I (cf. art. 6 du protocole ci-après).

Art. 3 (concerne l'art. 12 de la convention: redevances) La convention actuelle prévoit un taux d'impôt résiduel de 5 % en faveur de l'Etat de la source. Les négociateurs suisses auraient souhaité obtenir ­ comme dans le cas des intérêts ­ un droit d'imposition exclusif en faveur de l'Etat de résidence du bénéficiaire, ou à tout le moins, la suppression de la mention de la location d'équipement industriel ou commercial dans la définition des redevances, de manière à faire tomber les revenus du leasing sous l'art. 7 de la convention.

L'Espagne n'a pu donner suite à cette demande qui, d'une part, aurait réduit de manière importante les recettes fiscales espagnoles s'y rapportant et, d'autre part, s'écarte trop de la politique suivie par l'Espagne dans ce domaine, reflétée par les
réserves apposées à l'art. 12 du Modèle de Convention fiscale de l'OCDE.

Le nouveau par. 7 de l'art. 12 inscrit dans la convention le principe de la nonimposition dans l'Etat de la source des redevances payées entre des entreprises associées, dans la mesure où les conditions suivantes sont remplies: ­

les entreprises sont associées par une participation directe d'au moins 25 % ou une société tierce détient dans les deux entreprises une participation directe d'au moins 25 %;

­

les rapports de participation qualifiés doivent exister pendant au moins deux années;

­

les sociétés doivent être résidentes dans un Etat contractant;

­

aucune des sociétés ne doit être résidente d'un Etat tiers sur la base d'une convention de double imposition avec cet Etat tiers;

­

toutes ces sociétés doivent être assujetties de manière illimitée à l'impôt sans bénéficier d'une exonération, en particulier concernant les redevances;

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­

toutes ces sociétés doivent être des sociétés de capitaux (réglementation analogue à celle des dividendes, ch. III du protocole additionnel, mentionné ci-dessus).

Les conditions générales dans lesquelles les sociétés ont droit aux avantages conventionnels ont été définies dans le nouveau protocole additionnel aux ch. I et III (cf. art. 6 du protocole).

Art. 4 (concerne l'art. 23, par. 5, de la convention: disposition pour éliminer la double imposition) En raison de la suppression de l'impôt résiduel sur les intérêts, le par. 5 contient désormais le taux de l'impôt fictif imputable de 10 % (cf. au surplus art. 2 ci-dessus du protocole).

Art. 5 (introduisant un nouvel art. 25bis dans la convention: échange de renseignements) La convention actuelle ne contient aucune clause concernant l'assistance administrative. Comme évoqué ci-dessus, la Suisse a pris divers engagements dans le cadre de l'OCDE et de ses relations avec l'UE qu'il s'agissait de concrétiser dans ce domaine, ce qui a été demandé également du côté espagnol.

a) Assistance administrative, y compris dans le cas de fraude fiscale et d'infraction équivalente Une nouvelle disposition prévoyant l'échange de renseignements, sur demande dans des cas spécifiques, a été introduite. Elle permet l'échange de renseignements non seulement pour assurer l'application régulière de la convention, mais encore pour l'application du droit interne en cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente, conformément à l'Accord sur la fiscalité de l'épargne et au Mémorandum d'entente y relatif. Pour être qualifiée d'équivalente à une fraude fiscale, une infraction doit contenir le même degré de gravité que celui de la fraude fiscale selon le droit suisse.

L'échange d'informations en cas de fraude fiscale était effectué jusqu'ici avec l'Espagne par le biais de l'entraide judiciaire (loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale, RS 351.1). Toutefois, comme c'est déjà le cas avec l'Allemagne et les Etats-Unis par exemple, même si aucune procédure pénale n'a été introduite dans l'Etat requérant, les informations pourront, en cas de fraude, être également échangées entre les deux Etats contractants par le biais de l'assistance administrative.

Ceci a l'avantage de permettre aux autorités fiscales d'utiliser les renseignements obtenus aux fins de la taxation, ce qui n'est pas possible par la seule voie de l'entraide judiciaire en raison du principe de la spécialité contenu dans la loi précitée,
lequel ne permet l'utilisation des renseignements obtenus que par le juge pénal.

b) Extension de l'assistance administrative aux sociétés holding S'agissant des sociétés holding, conformément aux engagements pris par la Suisse dans le cadre des travaux du Comité des affaires fiscales de l'OCDE sur la lutte contre les pratiques fiscales dommageables, des renseignements pourront être échangés dans des cas spécifiques et sur demande pour l'application correcte du droit interne. Le ch. IV, par. 1, du protocole additionnel prévoit que, dans le cas des sociétés holding, ne seront échangées que les informations à la disposition des 7287

autorités fiscales qui ne nécessitent pas des mesures d'investigation additionnelles pour le compte de l'Etat requérant. Conformément au ch. IV, par. 2, du protocole additionnel, les sociétés holding en cause sont celles visées par l'art. 28, al. 2, LHID, s'agissant de la Suisse, et par les art. 116 à 119 de la loi espagnole de l'impôt sur les sociétés, s'agissant de l'Espagne.

c) Définition de la fraude fiscale et de l'infraction équivalente D'après le ch. IV, par. 3, du nouveau protocole additionnel, sont considérés comme des fraudes fiscales, les comportements frauduleux qui, selon le droit des deux Etats, constituent un délit et sont passibles d'une peine privative de liberté. Le ch. IV, par. 4, let. a) signale que le montant fixé par l'art. 305 du Code pénal espagnol (actuellement de 90 000 euros) n'est pas déterminant pour l'assistance administrative en cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente. Est ainsi déterminant non le droit pénal espagnol général mais le droit pénal administratif. Dans ce cas, il n'existe pas de montant seuil pour la qualification d'un état de fait comme fraude fiscale.

Le ch. IV, par. 4, let. b) concerne l'expression «fraude fiscale et infraction équivalente» et couvre à ce titre la simulation au sens de l'art. 16 du Code général des impôts espagnol. Il est parallèlement précisé que seuls doivent être compris comme tombant sous la simulation les cas couverts par l'art. 1275 du Code civil espagnol.

Cette notion correspond à la simulation du droit suisse (art. 18 CO). Il en ressort que les transactions juridiques qualifiées de simulation en droit espagnol devraient également être qualifiées de fraude fiscale en droit suisse ­ si les mêmes agissements avaient lieu ici ­ puisque, dans le cas de la simulation, les documents présentés sont des titres faux au contenu inexact. Leur contenu ne reflète pas la réalité économique.

Comme exemple de simulation en droit espagnol, la partie espagnole a mentionné un acte notarié se référant à une donation alors qu'en fait une vente a été véritablement réalisée.

Le par. 5 précise que constitue un comportement frauduleux l'usage de faux documents ou de constructions mensongères en vue de tromper les autorités fiscales.

d) Conditions de l'assistance administrative Le ch. IV, par. 6, du protocole additionnel rappelle le
principe ­ comme fixé avec les Etats-Unis ­ selon lequel il y a présomption, dans les cas de fraude impliquant une activité commerciale ou indépendante, que les exigences comptables de l'Etat requérant sont équivalentes à celles de l'Etat requis. Selon le droit fiscal espagnol, la tenue de livres comptables est exigée pour les personnes exerçant une activité commerciale ou indépendante.

Le protocole additionnel précise qu'il doit y avoir un lien direct entre le comportement frauduleux et la mesure d'assistance administrative requise (ch. IV, par. 7). Les demandes visant uniquement la recherche de preuves («pêche aux renseignements») sont exclues (ch. IV, par. 8).

Le par. 9 du ch. IV stipule que les informations obtenues dans le cadre de l'art. 25bis peuvent être utilisées à d'autres fins, à condition que celles-ci soient prévues par la législation de l'Etat requis. En cas de doute, les autorités compétentes doivent s'efforcer de régler les divergences relatives à l'interprétation de la législation de l'Etat requis par la procédure amiable. Pour la Suisse, cette disposition n'a pas d'importance selon le droit actuel puisque, en raison du secret fiscal, les renseignements ne peuvent être utilisés que dans les circonstances désignées au par. 2 de l'art. 25bis.

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Le par. 10 du ch. IV énumère certaines des conditions qui doivent étayer la présomption raisonnable de l'Etat requérant selon laquelle une fraude fiscale ou une infraction équivalente a été commise. Il s'agit notamment de documents, pièces comptables, témoignages, dénonciations crédibles, indices présentés ou invoqués par l'Etat requérant pour étayer sa demande.

Enfin, le par. 12 du ch. IV précité précise que la procédure après réception des renseignements de source suisse se règle selon le droit interne espagnol et que la personne concernée en Espagne ne peut invoquer dans sa propre procédure que la procédure d'assistance administrative ne s'est pas déroulée correctement en Suisse.

La procédure suisse pour obtenir les informations dans le cadre de la fraude fiscale ou d'une infraction équivalente a été insérée dans un protocole de négociations. Elle correspond matériellement à ce qui a déjà été convenu avec d'autres pays comme l'Allemagne ou la Norvège et elle fera l'objet d'une ordonnance du Conseil fédéral.

L'art. 7, par. 4, du protocole de révision stipule que l'assistance administrative dans les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente ne sera accordée que pour des délits commis après la signature de ce protocole de révision.

e) Clause de la nation la plus favorisée Une clause de la nation la plus favorisée a été insérée au par. 11 du ch. IV du protocole additionnel. Elle distingue les cas de fraude fiscale et les cas d'infraction équivalente.

En ce qui concerne la fraude fiscale (par. 11, let. a), elle garantit que l'Espagne se verra octroyer automatiquement le même niveau d'assistance administrative en matière fiscale, concernant les impôts visés par la convention, que celui dont la Suisse aura convenu avec un autre Etat membre de l'UE. Si l'Espagne devait accorder une extension des possibilités d'assistance dans ce domaine, elle devrait en faire de même avec la Suisse. Cette réglementation demandée avec insistance par l'Espagne et constituant ainsi une condition à la conclusion fructueuse des négociations a été concédée pour la première fois par la Suisse en matière de double imposition; elle doit être évaluée globalement en relation avec les Bilatérales II entre la Suisse et l'UE. Dans les engagements pris en matière d'entraide judiciaire dans le domaine fiscal, tant dans
l'Accord sur la fraude douanière que dans le traité d'association à Schengen, les Etats membres de l'UE sont traités de manière égale. Il est justifié dès lors de prévoir une égalité de traitement analogue dans les conventions de double imposition, puisque l'Accord sur la fiscalité de l'épargne implique également, dans le domaine de la fraude fiscale, une telle égalité de traitement vis-àvis de tous les Etats membres de l'UE.

S'agissant des infractions équivalentes, le traitement suivant a été arrêté (par. 11, let. b): au cas où la Suisse définirait vis-à-vis d'un autre Etat de l'UE, en vertu de l'art. 10, par. 4, de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne ou du ch. 2 du Mémorandum d'entente, d'autres catégories d'infractions équivalentes et si l'Espagne devait considérer qu'il y a une situation juridique comparable dans son droit interne, les autorités compétentes espagnoles pourront consulter les autorités compétentes suisses. Le cas échéant, le protocole de révision pourra être complété. Une telle adjonction devra cependant être soumise aux parlements respectifs des deux Etats contractants pour approbation.

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Art. 6 (introduisant un protocole additionnel à la convention) La plupart des dispositions de ce protocole additionnel ont pour objet l'assistance administrative et ont déjà été présentées ci-dessus. Elles ne font donc pas l'objet de commentaires supplémentaires.

Le ch. I prévoit que, en règle générale, les Etats contractants peuvent appliquer leurs dispositions de droit interne concernant l'abus de droit, y compris à l'égard des conventions de double imposition. Il précise, dans le cas de l'Espagne, qu'il s'agit de l'art. 15 (abus de droit) du Code général des impôts espagnol ou de toute autre disposition similaire.

Selon le point de vue espagnol, les législations concernant les sociétés étrangères contrôlées («Controlled Foreign Companies»), ou législations CFC, relèvent également de ce dispositif défensif. Ces règles visent à empêcher l'accumulation, dans des sociétés intermédiaires, de revenus passifs avec une fiscalité basse et ainsi leur mise à l'abri de l'imposition sur le plan interne. Selon les informations données aux négociateurs suisses par des représentants du secteur privé espagnol lors de la préparation des négociations, cette disposition ne devrait pas entraîner de conséquences négatives pour les investissements des sociétés espagnoles en Suisse.

Le ch. I contient également la règle générale selon laquelle seul le bénéficiaire effectif des revenus est en droit de demander les privilèges conventionnels y afférents.

Le ch. II précise les conditions dans lesquelles s'applique le dégrèvement total des dividendes visés au nouvel art. 10, par. 2, let. b). En raison du régime très avantageux des sociétés holding espagnoles, cette disposition, rédigée bilatéralement, est également dans l'intérêt de la Suisse.

Le ch. II exclut le dégrèvement total si la majorité des actions de la société recevant les dividendes est détenue directement ou indirectement par des personnes qui ne sont pas des résidents d'un Etat contractant ou d'un Etat membre de l'UE. Cette exclusion ne s'applique pas lorsque la société qui touche les dividendes: ­

exerce directement une activité commerciale réelle liée à l'activité commerciale de la société qui distribue les dividendes, ou

­

a pour principal objet le contrôle et la gestion de la société qui distribue les dividendes par des moyens humains et matériels suffisants, ou

­

prouve qu'elle a été constituée pour des raisons économiques valables et non dans le seul but de bénéficier de l'art. 10, par. 2, let. b).

Dans tous les cas, l'Espagne traitera la société suisse de la même manière qu'une société résidente d'un Etat membre de l'UE se trouvant dans une situation comparable. Cette disposition peut être considérée comme particulièrement avantageuse du point de vue suisse puisqu'elle empêche que des sociétés suisses qui reçoivent des dividendes de source espagnole soient discriminées par rapport à des sociétés qui sont résidentes dans un Etat membre de l'UE.

Art. 7 (concerne l'art. 27 de la convention: entrée en vigueur) Le protocole modifiant la convention entrera en vigueur après une période de trois mois suivant la date de réception de la dernière des notifications diplomatiques confirmant la fin de la procédure de ratification. Ses dispositions seront applicables, 7290

s'agissant des impôts sur le revenu et la fortune levés de manière périodique, dès l'année fiscale commençant à la date de l'entrée en vigueur, ou après cette date.

Pour les autres impôts (impôts à la source) l'application se fera dès l'entrée en vigueur.

Les art. 1 (dividendes) et 2 (intérêts) ne seront applicables qu'après l'application de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne. Comme ce dernier accord est applicable depuis le 1er juillet 2005, date à laquelle le présent protocole de révision n'était pas encore entré en vigueur, cette disposition n'a pas d'effet pratique.

L'art. 3 (redevances) ne sera applicable qu'après la fin de la période transitoire de six ans débutant dès l'application de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne. Cette période transitoire correspond à celle qui est valable pour l'Espagne au sein de l'UE et prendra fin le 30 juin 2011. L'art. 3 prendra donc effet dès le 1er juillet 2011.

3

Conséquences financières

La révision prévue de la convention est, d'un point de vue statique, synonyme de pertes fiscales pour les deux Etats contractants. Avec la suppression de l'impôt à la source dans le cadre des relations entre sociétés-mères et filiales ainsi que pour les intérêts, la Suisse devra également supporter un allégement supplémentaire de l'impôt anticipé. Toutefois, l'amélioration qu'apporte cette mesure au niveau de l'attrait de la place économique suisse devrait se traduire par un apport de recettes supplémentaires dans le cadre des impôts directs.

A la vive insistance de l'Espagne, l'imputation de l'impôt fictif actuellement prévue par la convention a dû être maintenue. Cette imputation n'est accordée que pour des investissements dans certains secteurs économiques espagnols bénéficiant d'allègements fiscaux en Espagne en vue de leur développement. Elle doit être mise en relation avec la suppression générale de l'imputation forfaitaire sur les intérêts, grâce au taux zéro, qui devait être accordée par la Confédération et les cantons. Le résultat devrait être globalement plus avantageux pour les fiscs suisses.

4

Constitutionnalité

Le présent protocole se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver le protocole en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst. La convention révisée est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les conventions qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujettes au référendum facultatif en matière de traités internationaux à partir du 1er août 2003. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement, on considère qu'une disposition inscrite dans un traité international fixe des règles de droit lorsqu'elle prévoit des dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Le présent protocole de révision contient des dispositions qui adaptent la convention aux conditions posées par l'Accord sur la fiscalité de 7291

l'épargne déjà approuvé par le Parlement. Il crée des conditions plus avantageuses que celles de la convention actuelle en ce qui concerne les dividendes et redevances payés entre entreprises associées ainsi que, de manière générale, pour les intérêts. Il introduit de nouvelles règles en ce qui concerne l'assistance administrative, d'une part, pour la fraude fiscale et, d'autre part, pour les sociétés holding. Il n'entraîne pas de nouveaux engagements importants pour la Suisse. L'assistance administrative est déjà convenue pour l'application du droit interne dans les cas de fraude fiscale ou d'infraction équivalente avec les Etats-Unis et concerne les informations qui peuvent déjà être obtenues aujourd'hui par la voie de l'entraide judiciaire. Cette clause d'échange de renseignements a déjà été soumise aux Chambres fédérales dans le contexte de l'Accord sur la fiscalité de l'épargne et s'agissant de la fraude fiscale, elle a déjà été définie comme nouveau standard suisse à l'égard des Etats membres de l'OCDE. Une disposition semblable pourrait par conséquent être convenue au cours des prochaines années avec la plupart des Etats membres de l'UE ou de l'OCDE.

L'échange de renseignements pour les sociétés holding correspond aux engagements pris par la Suisse dans le cadre des travaux de l'OCDE sur les pratiques fiscales dommageables et ne concerne que les informations qui sont déjà à la disposition des autorités fiscales; les mesures de contrainte sont exclues et le secret bancaire demeure préservé. Une telle solution a déjà été approuvée par le Parlement dans le cadre de la convention de double imposition et du protocole y relatif conclus avec la Norvège.

Le protocole de révision ne contient aucune obligation fiscale supplémentaire importante, par rapport à ce qui a déjà été convenu avec d'autres Etats ou avec l'UE et correspond à la pratique décrite dans le message à la convention de double imposition avec Israël. L'Arrêté fédéral sur le protocole modifiant la convention avec l'Espagne ne sera par conséquent pas sujet au référendum facultatif en matière de traités internationaux prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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