05.089 Message concernant l'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» du 9 décembre 2005

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale». Nous vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral est joint au message.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 décembre 2005

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Samuel Schmid La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2005-1915

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Condensé L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» a été lancée par le Mouvement Populaire des Familles (MPF), actif en Suisse romande, et par des milieux de gauche et des milieux écologistes du reste de la Suisse. Elle est centrée sur deux exigences: ­

l'institution par la Confédération d'une caisse unique pour l'assurance obligatoire des soins en lieu et place des 85 caisses-maladie qui la pratiquent aujourd'hui;

­

la fixation des primes en fonction de la capacité économique des assurés.

A cette fin, l'initiative demande une modification de l'actuel art. 117 de la Constitution (al. 3) et l'ajout d'une disposition transitoire correspondante (art. 197, ch. 2).

Par leur revendication, les auteurs de l'initiative visent un complet changement de cap de l'assurance obligatoire des soins.

De l'avis du Conseil fédéral, un tel changement de cap ne s'impose pas. Le Conseil fédéral pense au contraire qu'un système composé d'une pluralité d'assureurs dans l'assurance-maladie sociale présente d'évidents avantages par rapport à une situation de monopole avec une seule caisse-maladie. La pratique de l'assurancemaladie par plusieurs assureurs-maladie a une longue tradition dans notre pays, et elle a également fait ses preuves sous le régime de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10). Avec un libre passage intégral, la population suisse dispose d'une liberté de choix sans restriction de son assureur.

Les assurés peuvent décider s'ils souhaitent continuer à s'assurer pour l'assurance obligatoire des soins (AOS) auprès de la caisse qui les couvrait jusque là ou changer d'assureur. Le système actuel comporte des éléments de concurrence non négligeables qui incitent à prendre des mesures de maîtrise des coûts. Le Conseil fédéral souhaite favoriser les éléments de concurrence afin de rendre l'assurance-maladie sociale plus efficiente.

Une caisse unique avec une gestion tripartite, composée des autorités, des fournisseurs de prestations et d'une représentation des intérêts des assurés demeurera, du point de vue des différents intérêts, sous une forte influence politique divergente. Le Conseil fédéral redoute que la diversité des intérêts représentés au niveau de la gestion ne conduise à d'intenses discussions qui diminueront les efforts visant à maîtriser les coûts ou à améliorer le rapport coûts/prestations dans l'assurancemaladie.

La réglementation transitoire laisse ouvertes de nombreuses questions qui ne pourront sans doute pas être résolues dans le délai légal de trois ans. Font notamment défaut des indications de solution pour la reprise des actifs et passifs des caissesmaladie existantes par la caisse unique.

De l'avis du Conseil fédéral, il n'est pas non plus opportun d'envisager un changement du système de financement de l'assurance obligatoire des soins tel que l'imaginent les auteurs de l'initiative. L'introduction de primes en fonction de la

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capacité économique des assurés, et donc la suppression de la prime individuelle indépendante du revenu et de la fortune, reviendrait à créer un nouvel impôt sur le revenu et sur la fortune. Un projet comparable sur ce point, l'«initiative-santé», a été massivement rejeté par le peuple suisse en mai 2003.

La nette séparation actuelle entre, d'une part, le financement actuariel qui intègre, la solidarité entre les sexes, entre personnes jeunes et personnes âgées et entre malades et personnes en bonne santé et, d'autre part, les correctifs de politique sociale au moyen de la réduction des primes serait abolie. Le financement actuel suscite un grand intérêt dans toute l'Europe, notamment dans les pays connaissant un financement de l'assurance-maladie en fonction du revenu, et est considéré comme un exemple dans le cadre des réformes de l'assurance-maladie sociale. Les insuffisances que peut encore présenter le système actuel sont analysées et corrigées au fur et à mesure qu'elles sont mises au jour. La dernière révision en date a été réalisée en faveur des ménages de condition modeste ou moyenne avec enfants.

Cette modification entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Le modèle de financement appliqué a pleinement fait ses preuves et démontré ses rapides facultés d'adaptation. Il offre surtout de nombreuses possibilités d'inciter les assurés et les fournisseurs de prestations à adopter des comportements visant à économiser des coûts. Le législateur et par suite les assureurs-maladie ont fait usage des formes particulières d'assurance (franchises à option, choix limité des fournisseurs de prestations et bonus).

L'initiative laisse la question ouverte de savoir dans quelle mesure les moyens financiers des pouvoirs publics doivent être accordés. De toute manière, une réduction suivant le critère de la capacité économique des assurés pour des primes qui sont déjà fixées selon ce principe n'a plus aucun sens.

Même si l'on ne sait pas encore comment l'initiative serait mise en oeuvre concrètement, le Conseil fédéral est convaincu qu'elle n'offre aucune solution au problème de coûts qui continue de se poser dans l'assurance-maladie. La solution viendra bien davantage d'une révision ciblée des prestations payées, associée à une poursuite de la baisse des prix. L'approche ainsi adoptée, qui se traduit par
une série de mesures ciblées dont plusieurs produisent déjà des effets, devra être élargie et approfondie par des démarches marquantes dans les années qui viennent.

Le Conseil fédéral considère qu'il faut poursuivre les objectifs fixés lors de l'introduction de la LAMal en s'attachant d'abord à consolider le système.

Dans le cadre de cette consolidation, les mesures prises pour maîtriser les coûts doivent être optimisées par un renforcement des incitations économiques et une élimination des incitations dommageables. Les corrections nécessaires doivent être apportées dans le cadre de la réforme que le Conseil fédéral a lancée en 2004 et qui a déjà été en partie adoptée.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral propose de rejeter l'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» sans lui opposer de contre-projet.

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Message 1

Aspects formels

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «Pour une caisse maladie unique et sociale» a la teneur suivante: I La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 117, al. 3 (nouveau) La Confédération institue une caisse unique pour l'assurance obligatoire des soins.

Le conseil d'administration et le conseil de surveillance de cette caisse comprennent un nombre égal de représentants des pouvoirs publics, des fournisseurs de prestations et des organisations de défense des assurés.

3

La loi règle le financement de la caisse. Elle fixe les primes en fonction de la capacité économique des assurés.

II Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 2 (nouveau) 2. Disposition transitoire ad art. 117, al. 3 (Assurance obligatoire des soins) La caisse unique est opérationnelle au plus tard trois ans après l'acceptation de l'art. 117, al. 3. Elle reprend les actifs et passifs des institutions d'assurances existantes en ce qui concerne l'assurance obligatoire des soins.

1.2

Aboutissement

L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» émane du Mouvement Populaire des Familles (MPF). Elle a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 27 mai 2003 (FF 2003 3541) et a été déposée le 9 décembre 2004, munie des signatures nécessaires. Par décision du 10 janvier 2005 (FF 2005 489), la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire, pourvue de 111 154 signatures valables, avait abouti sur le plan formel.

728

1.3

Délais de traitement

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Aux termes de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl; RS 171.10), le Conseil fédéral a jusqu'au 9 décembre 2005 ­ soit un délai d'une année après le dépôt de l'initiative ­ pour soumettre aux Chambres un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message.

Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale décide ensuite, dans un délai de trente mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, c'est-à-dire d'ici au 9 juin 2007, si elle recommandera au peuple et aux cantons de l'accepter ou de la rejeter. Elle peut proroger le délai d'un an si l'un des conseils au moins a pris une décision sur un contre-projet ou sur un projet d'acte qui a un rapport étroit avec l'initiative populaire en question (art. 105, al. 1, LParl).

1.4

Validité

1.4.1

Unité de la forme

Aux termes des art. 139 (ancien), al. 2 et 3, et 194, al. 3, de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), une initiative populaire tendant à une révision partielle de la Constitution fédérale n'est valable que si elle est présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou d'un projet rédigé, les formes mixtes n'étant pas admises. L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» revêt exclusivement, et dans tous ses éléments, la forme d'un projet rédigé. Le principe de l'unité de la forme est par conséquent respecté.

1.4.2

Unité de la matière

Selon les art. 139 (ancien), al. 3, et 194, al. 2, Cst., l'initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution ne peut porter que sur un seul objet. L'unité de la matière est respectée s'il existe un lien objectif entre les différentes parties de l'initiative. Dans la mesure où l'initiative «Pour une caisse maladie unique et sociale» se rapporte uniquement à l'assurance-maladie et puisqu'il existe une relation directe et étroite entre les différentes mesures proposées, il y a lieu d'admettre que la condition de l'unité de la matière est remplie.

1.4.3

Compatibilité de l'initiative avec le droit international

Conformément aux art. 139, al. 3, et 194, al. 2, Cst., les initiatives populaires demandant une révision partielle de la Constitution doivent respecter les règles impératives du droit international. L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» ne porte atteinte à aucune de ces règles.

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1.4.4

Applicabilité

L'impossibilité manifeste d'appliquer une initiative dans les faits constitue la seule limite matérielle non écrite à une révision de la Constitution. Selon une pratique constante, une initiative populaire qu'il est indéniablement impossible d'appliquer dans les faits ne doit pas être soumise au vote du peuple. Les exigences formulées par l'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» peuvent être concrétisées sur le plan juridique et appliquées dans les faits.

L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» est donc valable.

2

But et teneur de l'initiative

L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» a deux objectifs: l'institution par la Confédération d'une caisse unique pour l'assurance obligatoire des soins et le passage à un financement au moyen de primes fixées en fonction de la capacité économique des assurés.

A cette fin, l'initiative réclame l'introduction dans la Constitution d'un nouvel art. 117, al. 3 et d'une disposition transitoire y afférente (art. 197, ch. 2) qui imposeraient une modification fondamentale du système de l'assurance-maladie sociale suisse et reposeraient sur les éléments suivants: ­

la pratique de l'assurance obligatoire des soins incombe à une seule institution: la «caisse unique»;

­

le conseil d'administration et le conseil de surveillance de cette caisse comprennent un nombre égal de représentants des pouvoirs publics, des fournisseurs de prestations et des organisations de défense des assurés;

­

le «système de la prime unique par tête» est remplacé par un financement par des primes calculées en fonction de la capacité économique des assurés;

­

la part des actifs et passifs des caisses-maladie existantes se rapportant à l'assurance obligatoire des soins est reprise par la «caisse unique», laquelle sera opérationnelle au plus tard trois ans après l'acceptation de l'initiative.

Selon l'argumentaire établi par les auteurs de l'initiative (www.mpf-ch.org), cette dernière entend produire les effets suivants: ­

solidarité étendue entre tous les assurés et plus grande justice sociale;

­

diminution des primes pour une grande majorité des assurés en raison du nouveau mode de calcul des primes et du potentiel d'économie dans la gestion de la caisse;

­

renforcement de la position des assurés et affaiblissement du pouvoir des caisses-maladie;

­

plus de responsabilité pour tous les acteurs du système de santé.

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3

Appréciation de l'initiative

3.1

Pratique de l'assurance obligatoire des soins par une caisse sociale unique

3.1.1

Tentatives de révision précédentes

Le Conseil fédéral a confirmé en maintes occasions, notamment sur la base de l'analyse des effets de la LAMal, que la loi sur l'assurance-maladie en vigueur avait atteint les objectifs visés par le législateur en ce qui concerne les prestations (catalogue plus étendu) et le système (assurance obligatoire avec une pluralité d'assureurs et une prime unique). Selon l'avis du Conseil fédéral, l'assurance-maladie sociale devrait continuer d'être pratiquée par plusieurs institutions d'assurance différentes.

Un rapport d'expert sur les avantages d'une caisse unique1 rédigé en 2001 en réponse à un postulat de la CSSS-N (99.3009) en arrive aux mêmes conclusions.

Selon l'auteur, une caisse unique n'aurait guère d'effets positifs sur l'évolution des coûts et des primes. Dans ce sens, cet instrument doit être qualifié d'inefficient. En effet, pour un même coût, une utilisation plus ciblée des ressources, notamment par les fournisseurs de prestations, permettrait d'obtenir des effets plus marquants sur l'évolution des coûts et des primes. Cela vaut aussi bien pour des mesures plutôt étatiques que pour des mesures plutôt axées sur la concurrence.

Même le fait que, en particulier en Suisse romande et dans le canton du Tessin, le système actuel de la concurrence entre les assureurs-maladie est remis en question depuis des années et que notamment un rapport daté de novembre 20032 arrive à la conclusion que la création d'un organe central fort appuyé par des autorités d'exécution pourrait mettre fin aux problèmes urgents de l'assurance-maladie suisse ne convainc pas le Conseil fédéral de la nécessité d'un changement de système fondamental.

La revendication d'une caisse-maladie unique a été rejetée à plusieurs reprises au niveau fédéral: par le Conseil fédéral dans ses réponses à des interventions parlementaires (98.3415 Postulat Günter, Assurance de base. Création d'une caissemaladie unique pour toute la Suisse; 01.3495 Postulat Zisyadis, LAMal. Dérogation provisoire pour une caisse unique cantonale); par le Conseil national, qui n'a pas donné suite aux initiatives parlementaires Fasel (98.442, Une caisse-maladie unique pour tous) et Zisyadis (01.447, Caisse nationale unique pour l'assurance de base); par le Conseil national et le Conseil des Etats, qui n'ont pas donné suite à une initiative cantonale présentée
par le canton du Jura (02.305. Révision de la LAMal. Pour une caisse nationale unique et des primes tenant compte des revenus); et à nouveau par le Conseil des Etats, qui n'a pas non plus donné suite à l'initiative du canton du Tessin (03.303, LAMal. Caisse-maladie publique fédérale). Seul a été admis le postulat Robbiani (01.3722, Une caisse-maladie unique?), qui est à l'origine du rapport susmentionné (voir note n° 1).

1 2

Dr Willy Oggier: Avantages d'une caisse-maladie unique, Rapport final élaboré sur mandat de l'Office fédéral des assurances sociales, Zurich, décembre 2001.

Caisse suisse d'assurance-maladie, rapport du Groupement latin des assurances sociales (GLAS) à la Conférence romande des affaires sanitaires et sociales (CRASS), novembre 2003.

731

3.1.2

Organisation/Forme juridique de la caisse unique

L'initiative «Pour une caisse maladie unique et sociale» demande que la Confédération institue une caisse-maladie unique pour gérer l'assurance obligatoire des soins, mais ne dit pas quelle forme juridique cette organisation devrait revêtir. En revanche, le texte de l'initiative prévoit un conseil d'administration et un conseil de surveillance en tant qu'organes obligatoires de la caisse unique. Compte tenu du nouvel art. 117, al. 3, Cst. proposé, la caisse unique pourrait se présenter selon l'organisation suivante: Conseil d'administration En l'absence d'une définition précise de la forme juridique de la caisse-maladie unique dans le texte de l'initiative, une des formes actuelles d'organisation des caisses-maladie (fondation, association, société coopérative, personne morale de droit public cantonal ou société anonyme à but non économique) pourrait entrer en ligne de compte. La forme d'un établissement autonome de droit public, voire d'une société anonyme régie par une loi spéciale, pourrait correspondre au mieux aux exigences contenues dans le texte de l'initiative. Les institutions existantes dont la forme juridique pourrait entrer en ligne de compte pour la constitution de la caissemaladie unique sont: ­

la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), organisée juridiquement en un établissement de droit public ayant la personnalité morale (art. 61 LAA3);

­

la Poste Suisse (Poste), constituée en un établissement autonome de droit public doté de la personnalité juridique (art. 2 LOP4);

­

la raison sociale «Schweizerische Bundesbahnen SBB, Chemins de fer fédéraux CFF, Ferrovie federali svizzere FFS», organisée sous la forme juridique d'une société anonyme, dont la Confédération est actionnaire à 100 %.

Conseil de surveillance L'initiative prévoit d'instituer comme organes de la caisse-maladie unique, outre un conseil d'administration, un conseil de surveillance.

L'initiative ne dit pas de quelle manière la répartition des tâches sera réalisée entre ces deux organes.

3.1.3

Gestion de la caisse unique

Tant le conseil d'administration que le conseil de surveillance comprendraient un nombre égal de représentants des pouvoirs publics, des fournisseurs de prestations et des organisations de défense des assurés. Ainsi, la caisse unique disposerait d'une gestion tripartite, soit d'une direction partagée en trois, qui est telle quelle inconnue en droit suisse. Il y a lieu de rejeter telle structure pour une caisse unique qui ferait office d'organe d'application de l'assurance obligatoire des soins. Une caisse unique ayant une gestion tripartite qui serait composée des représentants des autorités, des fournisseurs de prestations et d'organisations de défense des assurés demeurerait, vu 3 4

732

Loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'assurance-accidents (LAA; RS 832.20).

Loi fédérale du 30 avril 1997 sur l'organisation de la Poste (LOP; RS 783.1).

la diversité des intérêts représentés, sous une forte influence politique divergente. Le Conseil fédéral redoute que cette diversité d'intérêts au sein de la direction ne conduise à d'intenses discussions qui diminueraient les efforts visant à maîtriser les coûts ou à améliorer le rapport coûts/prestations dans l'assurance-maladie.

L'initiative ne dit pas qui élit le conseil d'administration et le conseil de surveillance, quelle devrait être la taille de ces conseils et quelles exigences de qualification les membres de chaque conseil devraient remplir. Il n'y a pas plus d'indication quant au fait de savoir qui est compétent pour la fixation des primes. A ce sujet, il convient de prendre en considération qu'il revient à l'organe qui décide du montant des primes l'importante fonction de répartir la charge des coûts entre l'ensemble des assurés, d'une part, et les pouvoirs publics, d'autre part. Ainsi, des décisions relevant de la fiscalité pourraient être prises sans contrôle garanti par un processus démocratique. Eu égard à l'important volume des coûts pour les prestations fournies dans le cadre de l'AOS (environ 27,7 milliards de francs)5, une telle compétence en dehors d'un processus démocratique pourrait être problématique au regard du principe de la légalité.

3.1.4

Organisation centralisée ou décentralisée de la caisse unique

L'initiative ne dit pas si la caisse unique est organisée de manière centralisée ou décentralisée. Il peut cependant être déduit de l'argumentaire des auteurs de l'initiative que la caisse-maladie unique doit être organisée de manière très décentralisée à l'exemple des caisses de chômage et ainsi apporter aux assurés un service de qualité et de proximité. En conséquence, les assurés seraient largement dépendants de leur encadrement régional, situation qui serait comparable à la situation actuelle, à cette différence près ­ mais cette différence est de taille ­ que les assurés ne pourraient pas adhérer à un autre assureur-maladie s'ils sont mécontents de la qualité du service ou si des incompatibilités devaient naître entre l'assuré et la personne chargée de l'encadrement.

3.1.5

Situation de monopole de la caisse unique et ses conséquences

L'institution d'une caisse unique et sociale d'assurance obligatoire des soins mène inévitablement à une situation de monopole du côté des assureurs avec les conséquences suivantes: ­

5

les assurés n'auraient plus la possibilité, comme actuellement, de changer d'assureur parce qu'ils ne sont pas satisfaits de l'évolution des prestations ou de la qualité du service ou parce qu'ils se sentent mal considérés du fait, par exemple, qu'ils ont besoin d'un volume important de prestations.

Le volume total des prestations brutes et des coûts administratifs des assureurs selon la statistique 2004 de l'OFSP, ainsi que les subventions aux hôpitaux, calculées sur la base d'un calcul approximatif des chiffres détaillés de l'OFS pour l'année 2002 effectué pour l'année 2004.

733

­

faute de concurrence, la caisse unique serait moins motivée à avoir un comportement visant à économiser les coûts. L'existence de plusieurs caissesmaladie et la situation de concurrence dans laquelle elles se trouvent incitent davantage ces dernières à être efficientes et à faire preuve d'innovation;

­

Des comparaisons avec l'étranger montrent que les situations de monopole dans l'assurance de base influencent la répartition du financement entre l'assurance de base et les assurances complémentaires. Le besoin de formes d'approvisionnement et d'assurance en dehors de l'assurance de base a tendance à augmenter dans de tels systèmes alors que les structures concurrentielles apportent une qualité et une disponibilité des prestations qui permettent de répondre beaucoup mieux aux préférences des demandeurs de prestations.

3.1.6

La caisse unique, instrument de maîtrise des coûts?

L'initiative a deux exigences principales: l'institution d'une caisse unique par la Confédération pour l'assurance obligatoire des soins et la fixation des primes en fonction de la capacité économique des assurés. Elle ne vise donc pas prioritairement la maîtrise des coûts. Elle ne contient d'ailleurs aucune obligation explicite relative à des mesures visant à la maîtrise des coûts.

Dans l'argumentaire proposé par les auteurs de l'initiative certes, la caisse unique est présentée comme un outil indispensable à la maîtrise des coûts; sont citées en premier lieu ses meilleures possibilités de contrôle, d'analyse et de répartition des coûts. Cet argument mérite qu'on s'y arrête: si la caisse unique parvenait à saisir selon un schéma uniforme pour toute la Suisse les données concernant les prestations et les coûts et à en permettre l'analyse, elle disposerait d'une possibilité qui n'est pas offerte aujourd'hui. Cette meilleure possibilité de contrôle ne mène cependant pas nécessairement à une maîtrise des coûts, maîtrise qui passe par une réduction dans chaque cas d'espèce de la quantité des prestations non indiquées sur le plan médical. Il faut plutôt partir du principe que dans un système où les fournisseurs de prestations participent à la gestion, l'incitation à limiter les prestations qui ne sont pas indiquées sur le plan médical dans le cas particulier et à améliorer le rapport entre coûts et prestations n'aurait qu'une importance réduite.

Selon les arguments des initiants, la caisse unique pourra réduire les coûts administratifs. Sont notamment mentionnés les coûts de publicité et de une caisse unique seraient supprimés ou réduits. On doit cependant compter avec des coûts de restructuration considérables qui influenceront les comptes pendant des années. Il n'est en outre pas garanti que la mise sur pied d'une institution d'assurance dans une situation de monopole permette à celle-ci de travailler de manière plus efficiente que les caisses-maladie existantes. D'ailleurs, le nombre des caisses-maladie qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins sous l'empire de la LAMal s'est réduit de 145 à 85.

En ce qui concerne les coûts administratifs, l'on constate ­ en francs par assuré ­ d'abord une diminution de 133 francs (1996) à 118 francs (1999) puis une augmentation au niveau de 1996 (133 francs). Il n'existe aucun indice donnant lieu de penser que la caisse unique permettrait de descendre au-dessous de ce niveau.

734

3.1.7

Conséquences dans le domaine des tarifs

Dans un système de caisse unique, les règles de la concurrence ne sont plus les mêmes en ce qui concerne les tarifs: une multiplicité de fournisseurs de prestations font face à un seul assureur. L'assureur se trouve ainsi en situation de monopole.

L'assureur dispose dès lors d'une position plus forte dans le cadre des négociations tarifaires que ce n'est le cas lorsqu'il y a multiplicité d'assureurs. Cette situation de monopole, laquelle est étrangère au fondement du système de santé suisse, favorisant le respect des partenaires, ne garantit cependant en aucun cas un meilleur contrôle de l'efficacité, de l'adéquation et du caractère économique des prestations médicales et bien moins encore une influence ciblée sur les aspects quantitatifs de ces prestations.

3.1.8

Conséquences sur les réserves et les provisions

Comme avantage supplémentaire de la caisse unique, les initiants avancent la possibilité de réduction des réserves et des provisions «au strict minimum», ce qui représenterait un allégement d'au moins 1 à 2 milliards de francs. Il est certes exact qu'une caisse-maladie avec 7 millions d'assurés présente un éventail de risques plus large que ce n'est le cas au sein des caisses-maladie actuelles et pourrait, pour cette raison, disposer d'un taux de réserve inférieur. Mais les coûts ne seraient pas maîtrisés pour autant car une réduction des réserves ­ pour autant que les réserves légales lors du début de l'activité de la caisse unique soient totalement disponibles ­ n'aurait de toute façon un effet d'allégement sur les primes que durant les premières années.

La réduction des réserves ne nécessite en outre pas l'instrument de la caisse unique.

Un abaissement de la réserve minimale peut également être prévu dans le système actuel avec plusieurs caisses-maladie. Une modification d'ordonnance correspondante par le Conseil fédéral est actuellement en préparation. Par ailleurs, il convient de garder à l'esprit qu'une caisse unique a également besoin de réserves suffisantes pour faire face à des événements extraordinaires, à des augmentations de coûts sousestimées ou à des pertes sur des placements. A ce propos, se pose aussi la question de savoir ce qui se passe lorsque les réserves ne suffisent pas à couvrir les coûts imprévus. Est-ce que les contribuables devraient dans un tel cas pourvoir aux moyens financiers manquants?

3.1.9

Conséquences sur les autres domaines d'assurance

3.1.9.1

Assurance facultative d'indemnités journalières selon la LAMal

Le texte de l'initiative ne dit rien du sort de l'assurance facultative d'indemnités journalières. Dans le droit en vigueur, elle est, avec l'assurance obligatoire des soins, l'une des composantes de l'assurance-maladie sociale, et elle est réglementée par la LAMal. Tout assureur autorisé à pratiquer l'assurance obligatoire des soins est tenu de pratiquer aussi au moins l'assurance individuelle d'indemnités journalières.

L'initiative exige uniquement que la caisse unique reprenne les actifs et passifs des institutions d'assurance existantes en ce qui concerne l'assurance obligatoire des soins. Les institutions d'assurance existantes pourraient donc en principe continuer 735

de gérer le portefeuille de l'assurance facultative d'indemnités journalières selon la LAMal et pratiquer ce type d'assurance en tant que caisses-maladie reconnues. Le législateur est toutefois libre de redéfinir les normes légales applicables à l'assurance d'indemnités journalières sociale. On peut envisager par exemple que la loi oblige la caisse unique à pratiquer aussi l'assurance d'indemnités journalières selon la LAMal.

3.1.9.2

Domaine de l'assurance complémentaire

Le texte de l'initiative n'exclut pas que la caisse-maladie unique puisse également pratiquer les assurances complémentaires, même si cela ne correspond pas aux intentions des initiants.

Elle n'empêche pas non plus les caisses-maladie reconnues existantes de continuer à offrir des assurances complémentaires en tant qu'assureurs d'indemnités journalières. Si ces caisses-maladie souhaitent continuer à proposer des assurances complémentaires après la constitution de la caisse unique, cela devrait en principe être possible sur la base du nouvel article constitutionnel. Dans le système existant, il existe un nombre non négligeable de petites caisses-maladie qui ont une taille critique dans le domaine des assurances complémentaires. La création d'une caisse unique aurait sans aucun doute pour conséquence que des portefeuilles de petite taille, fermés ou ayant des effectifs composés de mauvais risques devraient être transférés vers d'importants acteurs du marché de l'assurance complémentaire. Il s'ensuivrait une concentration du marché sur un petit nombre d'offrants. Il est donc peu vraisemblable que les caisses-maladie d'indemnités journalières existantes continuent de proposer dans une large mesure des assurances complémentaires. Si le secteur de l'assurance complémentaire était en revanche ouvert à la caisse unique, cela pourrait également conduire à une concentration dans ce domaine.

Le sort de l'assurance facultative d'indemnités journalières et des assurances complémentaires dépend dans une large mesure de l'élaboration par le législateur d'une réglementation, car il manque des dispositions explicites dans le texte de l'initiative et dans l'argumentaire des initiants.

3.1.10

Effets de la caisse unique sur la compensation des risques

La compensation des risques serait supprimée. Cela n'aurait toutefois pas de conséquences notables sur le niveau des primes, car les frais administratifs par assuré occasionnés aux assureurs et à l'institution commune en relation avec la compensation des risques sont minimes.

3.1.11

Conclusion

De l'avis du Conseil fédéral, le changement de cap fondamental qui consisterait à confier l'assurance obligatoire des soins à une caisse unique plutôt qu'à une multiplicité de caisses ne s'impose pas. Le Conseil fédéral pense au contraire qu'un système composé d'une pluralité d'assureurs dans l'assurance-maladie sociale 736

présente d'évidents avantages par rapport à une situation de monopole avec une seule caisse-maladie. L'application de l'assurance-maladie par plusieurs assureursmaladie a une longue tradition dans notre pays, et elle a également fait ses preuves sous le régime de la loi d'assurance-maladie actuelle. Avec un libre passage intégral, la population suisse dispose d'une liberté totale dans le choix de son assureur. Les assurés peuvent décider s'ils souhaitent continuer à s'assurer pour l'assurance obligatoire des soins auprès de la caisse qui les couvrait jusqu'alors ou opter pour un autre assureur.

Le système actuel comporte des éléments de concurrence non négligeables qui incitent à prendre des mesures de maîtrise des coûts. L'élimination complète de la concurrence entre assureurs, qui aurait pour conséquence d'introduire une situation de monopole dans l'assurance obligatoire des soins, représente une intervention de l'Etat non nécessaire dans la liberté d'action et dans la liberté contractuelle des assureurs-maladie. Le grief de distorsion du marché ne peut actuellement pas être fait aux assureurs-maladie.

Le Conseil fédéral redoute que la diversité des intérêts représentés dans la gestion de la caisse ne conduise à d'intenses discussions qui diminueront les efforts visant à maîtriser les coûts ou à améliorer le rapport coûts/prestations dans l'assurancemaladie.

Il est convaincu que des incitations économiques pour tous les acteurs sont mieux à même de favoriser la réalisation de l'objectif visé, c'est-à-dire la maîtrise des coûts, qu'un contrôle plus strict du système par un seul assureur. Il propose donc, aujourd'hui comme hier, d'influer sur la demande, en laissant aux assurés la possibilité d'assumer une plus grande responsabilité financière ou de restreindre leur choix des fournisseurs de prestations et d'agir sur l'offre, en limitant le nombre des prestataires admis, soit par une planification, soit par l'introduction de la liberté de contracter, mesure de nature à favoriser la concurrence au niveau des tarifs et de la qualité.

3.2

Financement de l'assurance obligatoire des soins

3.2.1

Tentatives de révision précédentes

3.2.1.1

Révisions de la LAMal

La LAMal est fondée sur un système de financement prévoyant des primes individuelles par caisse-maladie et par région. Les caisses-maladie doivent fixer des primes plus basses pour les enfants et peuvent fixer des primes plus basses pour les adultes de moins de 26 ans. Ce système s'accompagne d'un correctif social: pour atténuer les effets du système de primes uniformes, la Confédération et les cantons versent des subsides destinés à réduire les primes des assurés de condition modeste.

Dans la deuxième révision de la LAMal, les Chambres ont approuvé le principe du but social réalisé par une réduction des primes différenciée et échelonnée. Les modalités d'application étaient cependant source de désaccords importants. Durant la session d'hiver 2003, le Conseil national a rejeté pour la deuxième fois le projet dans son ensemble et a ainsi fait échouer la deuxième révision de la LAMal.

737

Au vu de ces éléments et parce qu'il est conscient de la charge croissante que font peser sur les assurés, en particulier sur les familles, les primes de l'assurance obligatoire des soins, le Conseil fédéral a proposé dans son message du 26 mai 2004 relatif à la réduction des primes (FF 2004 4089) un modèle avec un but social différencié6, à l'image de celui que le Parlement avait élaboré dans le cadre de la 2e révision de la LAMal mais qui n'avait pas été adopté. Le législateur n'a pas retenu ce modèle et a décidé lors de la session de printemps 2005 qu'il incombait à l'avenir7 aux cantons de réduire de 50 % au moins les primes des enfants et des jeunes adultes en formation dont les parents ont des revenus bas ou moyens (RO 2005 3587). Cette modification entrera en vigueur le 1er janvier 2006.

3.2.1.2

Interventions parlementaires

Par le postulat (03.3237), la CSSS-N a prié le Conseil fédéral de réexaminer les critères d'attribution et d'évaluation des subsides fédéraux destinés à l'assurancemaladie et de formuler des propositions dans le cadre de la troisième révision de la LAMal. Le Conseil fédéral a accepté le postulat.

L'initiative cantonale du canton du Jura (02.305), qui réclame une caisse nationale unique et des primes en fonction du revenu, et l'initiative parlementaire Fehr (00.453), qui demande la suppression des primes des enfants, n'ont eu aucune suite au Conseil des Etats ni au Conseil national ni à la CSSS-N.

La motion Robbiani (00.3082), qui demandait que les jeunes soient dispensés du paiement des primes jusqu'au début de leur activité lucrative, et au plus jusqu'à 25 ans, a été rejetée sur proposition du Conseil fédéral.

La motion Gysin (97.3255), qui proposait une réduction générale des primes d'assurance-maladie pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, a été transformée en postulat sur proposition du Conseil fédéral.

3.2.1.3

Initiatives populaires

Le Conseil fédéral et le Parlement ont recommandé le rejet de l'initiative «La santé à un prix abordable (initiative-santé)» qui demandait une réforme du système de financement de l'assurance-maladie sociale, notamment par l'introduction de primes dépendant du revenu et de la fortune. Lors de la votation populaire du 18 mai 2003, le peuple et les cantons ont clairement rejeté l'initiative.

6

7

738

Le modèle avec un but social différencié prévoyait une attribution par les cantons de réductions de primes échelonnées aux familles et aux autres assurés. Les cantons auraient fixé pour ces deux groupes de personnes au moins quatre catégories de revenus et ils auraient dû accorder des réductions de primes telles que la part propre échelonnée des familles n'aurait atteint que 2 à 10 % du revenu au maximum et celle des autres personnes que 4 à 12 % au maximum. Les cantons auraient en outre pu fixer des revenus maximaux donnant droit à une réduction des primes.

Pour les cantons, un délai transitoire est prévu. Ils ont une année pour mettre en place le nouveau système de réduction des primes.

3.2.2

Primes en fonction de la capacité économique des assurés

L'initiative semble, comme le droit en vigueur, se fonder sur les primes des assurés comme source de financement principale de l'assurance obligatoire des soins. De manière explicite, l'initiative exige simplement que les primes soient perçues en fonction de la capacité économique des assurés. Elle laisse cependant ouverte la question de savoir quelle doit être la base de la définition et du calcul de la capacité économique. Outre le revenu, la fortune est également un important indicateur de la capacité économique. Il n'apparaît en outre pas clairement si, dans ce que recouvre la définition de la capacité économique, la charge des personnes concernées doit être prise en considération, et si les charges familiales, par exemple, doivent être prises en compte. Comme l'initiative prévoit expressément un financement par les primes, un système de perception des primes entièrement nouveau devrait être institué qui remplisse les postulats d'équité auxquels tend l'initiative.

Avec le système de financement qu'elle propose, l'initiative reprend à nouveau la principale revendication de l'initiative populaire «La santé à un prix abordable» (voir ch. 3.2.1.3), qui a été clairement rejetée lors de la votation du 18 mai 2003.

Contrairement à l'initiative populaire d'alors, l'article constitutionnel proposé ici ne contient aucune précision sur d'éventuels éléments de financement supplémentaires.

L'initiative ne dit pas non plus si les primes doivent, comme dans le système actuel, être échelonnées selon les différences de coûts établies aux niveaux cantonal ou régional. De manière réaliste, on doit partir de l'idée qu'une caisse-maladie unique avec le financement proposé conduit à une réduction du nombre des régions de primes existant aujourd'hui. En cas d'acceptation de l'initiative, la possibilité de fixer des primes seulement pour certaines parties d'une région ou pour certaines communes, comme cela est possible dans le droit en vigueur et comme cela est pratiqué en particulier dans les régions rurales et dans les régions de montagne par les caisses qui n'ont qu'un rayon d'activité limité, serait assurément supprimée.

Aucune indication n'est donnée ni dans l'initiative, ni dans l'argumentaire des initiants, concernant la mise en oeuvre du financement proposé du point de vue technique. Le seul fait d'identifier
les éléments de la situation financière qui ont une incidence sur les primes et d'adapter les primes en conséquence dans un bref délai provoquera des coûts administratifs importants. Dans de nombreux cas, des problèmes de protection des données pourraient empêcher la mise en oeuvre d'approches praticables.

Par ailleurs, le concept de financement proposé est diamétralement opposé à la stratégie de financement que le Conseil fédéral et le Parlement ont toujours défendue, laquelle comprend d'une part une composante actuarielle qui intègre une solidarité entre les sexes, entre personnes jeunes et personnes âgées et entre personnes en bonne santé et personnes malades et, d'autre part, un correctif de politique sociale au moyen de réductions de primes ciblées. En fixant les primes en fonction de la capacité économique des assurés, on combinerait ces deux composantes. Ainsi, la péréquation de politique sociale serait aussi financée par les moyens financiers provenant des assurés. Or, le Conseil fédéral estime que cette péréquation devrait continuer à incomber à l'Etat et également à être financée par lui.

739

3.2.3

Conséquences de politique sociale

Les mécanismes de redistribution principaux auxquels tend le système actuel sont le point de départ pour juger des effets de politique sociale. Ces mécanismes résident dans la solidarité entre personnes en bonne santé et personnes malades, entre hommes et femmes et entre personnes jeunes et personnes âgées. Les primes individuelles par tête ont cependant pour conséquence qu'il n'existe pas de solidarité entre assurés économiquement favorisés et assurés économiquement faibles. C'est pourquoi, les primes représentent un fardeau plus important pour les personnes et les familles ayant un revenu faible ou moyen que pour les personnes et les familles disposant d'un revenu et d'une fortune élevés.

La LAMal tient compte de ce problème: d'une part, les personnes économiquement faibles sont soutenues en tant que payeurs de primes dans la mesure où leurs primes sont partiellement ou totalement prises en charge; d'autre part, elles bénéficient d'un allégement de charges total ou partiel en tant que contribuables du fait du financement progressif de la fiscalité, dans la mesure où la réduction des primes et le financement hospitalier diminuent, voire suppriment toute charge fiscale supplémentaire.

Déterminer les primes en fonction de la capacité économique des assurés signifierait que les buts de politique sociale font partie intégrante du système d'assurance au sens strict. Le souci du législateur de faire une séparation aussi claire que possible entre les tâches de technique d'assurance et les objectifs de politique sociale serait alors réduit à néant. Le but de la loi actuelle est de développer des incitations pour des comportements dans le domaine de la santé qui permettent de concrétiser en priorité les objectifs d'efficience et d'effectivité. La transparence dans l'évolution des coûts dans le secteur de la santé ne devrait si possible pas être influencée négativement par des interférences dues à des mesures de répartition. Comme le montrent les expériences faites avec la LAMal, on peut répondre aux préoccupations sociales en prenant des mesures compensatoires en dehors du système d'assurance proprement dit; ce système permet au demeurant de mieux prendre en compte la diversité des situation individuelles et des réalités régionales qu'un système uniforme étendu à toute la Suisse.

3.2.4

Conséquences sur la participation aux coûts et sur la responsabilisation aux coûts des assurés

La question de la participation des assurés aux coûts n'est pas mentionnée dans le texte de l'initiative et elle est à peine évoquée dans l'argumentaire de ses auteurs. La réglementation de cette question est donc laissée au législateur. Une participation des assurés aux coûts est tout à fait imaginable même dans un système fonctionnant avec une caisse unique, mais si les primes sont financées selon la capacité économique des assurés, il sera plus difficile de créer des incitations à conclure des assurances avec franchise à option, surtout pour des assurés dont les primes seraient de toute façon plus basses.

Les incitations économiques prévues par la LAMal n'auraient pas non plus, dans le système de financement proposé, les effets qu'elles ont sur les assurés dans un système de contributions individuelles indépendantes du revenu. Cela vaut en particulier pour le renforcement de la responsabilité propre des assurés: Actuellement, plus de la moitié des assurés adultes ont adhéré à un modèle d'assurance avec une 740

franchise plus élevée. La motivation de conclure une telle assurance réside dans un rabais de prime modulé en fonction du montant de la franchise choisie. Dans le système de financement proposé, on ne peut pas s'attendre à pouvoir développer des franchises à option plus élevées qui soient à la fois attractives pour les assurés et adéquates du point de vue de la technique d'assurance. Si les franchises à option devaient être supprimées, les coûts supportés actuellement dans cette mesure par les assurés devraient désormais être financés par l'assurance.

3.2.5

Contributions des pouvoirs publics

L'initiative ne dit pas non plus si l'on pourra continuer à disposer des moyens financiers libérés par les pouvoirs publics pour le financement des prestations de l'approvisionnement médical de base. Il est assez évident qu'une réduction des primes n'aurait plus de sens dans un système où les primes seraient calculées en fonction de la capacité économique des assurés.

L'initiative ne dit pas quelle utilisation devrait être faite des moyens financiers dont on dispose actuellement pour la réduction des primes et pour le financement hospitalier. Il appartiendra au législateur de décider si et dans quelle mesure les pouvoirs publics doivent participer au financement de l'assurance obligatoire des soins. L'importance de la participation des pouvoirs publics aura aussi des effets sur les primes.

Le volume actuel des primes de l'assurance obligatoire des soins étant d'environ 19 milliards de francs par année, y compris les contributions des pouvoirs publics destinées à la réduction individuelle des primes (environ 3 milliards de francs par année), l'institution d'une caisse-maladie unique financée selon le principe de la capacité économique n'aurait probablement dans l'ensemble aucun effet d'allégement de la charge de la classe moyenne. De manière réaliste, un financement selon la capacité économique des assurés serait même surtout à la charge de la classe moyenne. Dans le meilleur des cas, une répartition appropriée du fardeau des primes entre la partie inférieure et la partie supérieure de la classe moyenne pourrait être atteinte.

3.2.6

Conclusion

Pour le Conseil fédéral, il n'y a pas de raison de s'écarter du système de financement actuel, qui prévoit des primes individuelles uniformes par assureur et par région et un correctif de politique sociale par le biais de la réduction des primes. Il tient à la voie suivie de la consolidation et de l'optimisation de ce système.

L'introduction de primes en fonction de la capacité économique des assurés et ainsi la suppression des primes individuelles indépendantes du revenu et de la fortune reviendrait à instaurer un nouvel impôt sur le revenu et la fortune. Un projet comparable sur ce point, l'initiative populaire «La santé à un prix abordable (initiativesanté)», a été clairement rejeté par le peuple suisse en mai 2003.

La mise en oeuvre du financement proposé pourrait provoquer pour la caisse unique et pour les autres organes administratifs des coûts considérables. Dans de nombreux cas, des problèmes de protection des données pourraient empêcher de mettre en oeuvre des approches praticables.

741

La nette distinction qui est faite actuellement entre le financement actuariel et le correctif de politique sociale que constitue la réduction des primes serait abolie. Le financement actuel suscite un grand intérêt dans toute l'Europe, notamment dans les pays connaissant un financement de l'assurance-maladie en fonction du revenu, et est considéré comme un exemple dans le cadre des réformes de l'assurance de base.

Les insuffisances que peut encore présenter le système actuel sont analysées et corrigées au fur et à mesure qu'elles sont mises au jour. La dernière révision en date a été réalisée en faveur des familles de condition modeste ou moyenne avec enfants.

Cette modification entrera en vigueur le 1er janvier 2006. Le modèle de financement appliqué a pleinement fait ses preuves et a démontré ses rapides facultés d'adaptation. Il offre surtout de nombreuses possibilités d'inciter les assurés et les fournisseurs de prestations à adopter des comportements visant à économiser des coûts. Le législateur et par suite les assureurs-maladie ont fait usage des formes particulières d'assurance (franchises à option, choix limité des fournisseurs de prestations et bonus).

3.3

Disposition transitoire

3.3.1

Mise en service de la caisse unique

Selon la disposition transitoire, la caisse unique doit être opérationnelle trois ans au plus tard après l'acceptation du nouvel article constitutionnel. Elle reprendrait les actifs et passifs des institutions d'assurance existantes en ce qui concerne l'assurance obligatoire des soins. Cette disposition succincte au niveau de la Constitution et l'absence d'autres points de repère concernant d'importants aspects accessoires laissent une grande marge s'agissant des conséquences juridiques et financières de l'initiative pour les assureurs actuels et pour la caisse unique à mettre en place. De l'avis du Conseil fédéral, le délai prévu de trois ans est beaucoup trop court pour ce changement fondamental dans le système de l'assurance obligatoire des soins.

Durant ce laps de temps, des parties importantes devraient être modifiées ou créées dans la loi en vigueur sur l'assurance-maladie et les ordonnances d'application correspondantes devraient être adaptées. En outre, il faudrait créer des structures appropriées pour permettre à la caisse unique de fonctionner. Enfin, les dispositions d'application cantonales devraient également être adaptées. C'est pourquoi, la mise en vigueur de la caisse unique dans le délai fixé, avec des structures qui fonctionnent tant au niveau de la Confédération que des cantons, ne peut pas être garantie.

3.3.2

Reprise des actifs et passifs

La disposition transitoire prévoit que la caisse unique reprend les actifs et passifs des institutions d'assurance existantes qui pratiquent l'assurance obligatoire des soins.

Pour le Conseil fédéral, il y a un risque que d'importantes réserves et provisions soient dissoutes durant les trois ans séparant l'acceptation de l'initiative et l'entrée en service de la caisse unique et ne soient plus disponibles au moment du la reprise.

Les assureurs, après l'acceptation éventuelle de l'initiative lors de la votation populaire, ne seraient plus intéressés d'obtenir des résultats comptables positifs et pourraient être tentés de proposer des primes trop basses et de ne plus contrôler efficacement les coûts. L'autorité de surveillance ne pourrait que difficilement empêcher 742

un tel comportement; elle ne serait guère en mesure d'exercer une surveillance accrue pendant la période en question.

Il ne faut pas exclure que, au moment de la reprise des actifs et passifs par la caisse unique, plusieurs assureurs ne détiennent pas les réserves légales prévues. Les réserves et les provisions manquantes devraient en conséquence être constituées par la caisse unique. Cela aurait inévitablement un effet sur les primes et les pouvoirs publics devraient probablement y remédier.

En relation avec la reprise des actifs et passifs des institutions existantes pratiquant l'assurance obligatoire des soins par la caisse-maladie unique, des problèmes juridiques délicats pourraient se poser qui conduiraient en cas de conflit à de longs procès.

Surtout, la question de savoir si les caisses-maladie reçoivent une contrepartie pour la reprise des actifs et passifs ne ressort pas du texte de l'initiative. Le libellé de l'initiative n'exclut pas une telle possibilité et cette contrepartie devrait être approuvée au regard du droit de l'expropriation.

Si les initiants partent du principe que la reprise des actifs et passifs doit s'effectuer sans contreparties, il y a lieu de présumer que les valeurs en capital disponibles ne sont pas en réalité pas la propriété des caisses-maladie. Comme les caisses-maladie sont dans une large mesure des personnes juridiques de droit privé, une construction juridique selon laquelle la fortune de l'assurance obligatoire des soins devrait être considérée comme un bien commun des assurés ne serait que difficilement concevable. Les actifs sont la propriété des caisses-maladie existantes et l'obligation de les transférer à la caisse unique reviendrait à procéder à une expropriation. Certes, il est déjà prévu dans le droit en vigueur qu'en cas de dissolution d'une caisse-maladie, l'excédent de fortune éventuel constaté dans les caisses organisées selon le droit privé revient au fonds couvrant les cas d'insolvabilité de l'institution commune si la fortune et l'effectif ne sont pas transférés par convention à un autre assureur (art. 13, al. 4, LAMal); un assureur doit également céder une part de ses réserves lorsque l'autorisation de pratiquer l'assurance-maladie sociale ne lui est retirée que pour certaines parties du rayon d'activité territorial. Il faudrait examiner
dans le cadre de l'élaboration de la législation d'exécution si une réglementation analogue se justifierait dans le cas du transfert de tous les actifs et passifs de l'assurance obligatoire des soins à la caisse-maladie unique. La reprise des actifs et passifs ne devrait pas se passer sans problème, ce qui aurait pour conséquence que la situation financière de la caisse-maladie unique ne serait pas clarifiée au début de son activité. D'ailleurs, les actifs d'une caisse-maladie ne sont actuellement pas répartis selon les domaines d'assurance. Dans la mesure où une caisse-maladie poursuivrait l'assurance facultative d'indemnités journalières et éventuellement des assurances complémentaires, une attribution claire des actifs devrait avoir lieu.

4

Nécessité ou non d'un contre-projet

Le Conseil fédéral ne voit aucune raison de soumettre à l'Assemblée fédérale un contre-projet ou un projet en rapport étroit avec l'initiative populaire (art. 97, al. 2, LParl). Il souhaite plutôt parvenir à une consolidation et à une optimisation du système actuel. C'est pourquoi, il renonce à soumettre au Parlement une proposition prenant partiellement en compte les exigences de l'initiative.

743

La demande d'institution d'une caisse-maladie unique a été rejetée au niveau de la Confédération à plusieurs reprises (voir ch. 3.1.1) et une proposition qui reprendrait cette idée, même dans une forme atténuée, irait à l'encontre de la position claire du Conseil fédéral et du Parlement de n'opérer aucun changement fondamental dans le système d'assurance-maladie. Du point de vue du Conseil fédéral, un contre-projet ne pourrait être envisagé que si l'on s'écartait de cette stratégie sans cesse confirmée, éventualité qui doit être rejetée. Même si le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à examiner de nouveaux critères pour la compensation des risques entre caissesmaladie, il est cependant d'avis qu'un éventuel étoffement des critères de la compensation des risques ne doit pas aller dans le sens d'un changement de direction en faveur d'une caisse unique.

En ce qui concerne un financement de l'assurance-maladie par des primes échelonnées en fonction de la capacité économique des assurés, le Conseil fédéral est de l'avis qu'aucune nouvelle proposition ne doit être faite dans le sens d'un rapprochement avec les idées de l'initiative puisque le débat sur l'extension de la réduction des primes par l'octroi d'allégements supplémentaires à la classe moyenne est désormais clos.

Le Conseil fédéral s'oppose en conséquence à ce qu'un contre-projet à l'initiative soit présenté, que ce soit au niveau de la Constitution ou au niveau de la loi.

5

Conséquences d'une éventuelle acceptation de l'initiative

5.1

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Les subsides versés par les pouvoirs publics à l'assurance-maladie dans le cadre de la réduction des primes ont augmenté au cours des dernières années. En 2004, le montant des subsides de la Confédération s'est élevé à 2,0 milliards de francs, celui des subsides cantonaux à 991,9 millions de francs8. Pour les cantons, les coûts des subventions hospitalières s'ajoutent au montant des subsides pour la réduction des primes. Les subventions se sont élevées à environ 7,6 milliards de francs en 20049.

Le montant total couvert dans le cadre de l'AOS a atteint environ 27,7 milliards de francs (voir note n° 5), dont quelque 38,3 % ont été pris en charge par les pouvoirs publics. Le texte de l'initiative ne dit pas si les sommes d'argent versées par les pouvoirs publics devront continuer d'être affectées au financement de la fourniture de prestations médicales et si elles pourront être adaptées à l'accroissement des coûts.

8 9

744

OFSP, Statistiques de l'assurance obligatoire des soins 2004.

OFSP, Statistiques de l'assurance obligatoire des soins 2004; OFS, Coûts et financement du domaine de la santé 2002; calcul approximatif selon les chiffres détaillés de l'OFS de 2002.

5.2

Conséquences pour les assureurs

Le sort des caisses-maladie existantes est entièrement ouvert. Celles-ci pourraient continuer à exister avec la poursuite de l'assurance facultative d'indemnités journalières en tant que caisses-maladie reconnues et elles pourraient être autorisées à offrir des assurances complémentaires; il serait aussi concevable que l'infrastructure actuelle des caisses-maladie soit utilisée par la caisse unique pour organiser sa structure décentralisée et pour profiter de l'expérience accumulée par le personnel.

Les 85 caisses-maladie actives actuellement dans le domaine de l'assurance obligatoire des soins seraient toutefois déchargées de leur principale activité. En particulier, les caisses qui ne pratiquent aucune branche d'assurance complémentaire, ne pourraient plus pratiquer que l'assurance facultative d'indemnités journalières selon la LAMal, à moins de changer leur but et d'entreprendre une activité dans un nouveau domaine. On doit partir du principe que de nombreuses institutions existantes seraient contraintes de cesser leur activité. Le secteur des PME pourrait s'en trouver sensiblement affaibli dans de vastes parties de la Suisse.

La dissolution de nombreuses institutions existantes pourrait avoir pour conséquence que certains employés, après la perte de leur place de travail, ne retrouvent pas d'emploi et doivent s'adresser à la caisse de chômage.

Selon la manière de mettre en oeuvre la nouvelle disposition constitutionnelle, les familles et les personnes disposant de revenus modestes ou moyens verraient peutêtre leurs charges allégées grâce à des primes plus basses. Elles auraient donc plus de ressources disponibles qu'auparavant.

En ce qui concerne les coûts auxquels les assureurs, la Confédération et les cantons devraient vraisemblablement faire face en cas d'acceptation de l'initiative, il faut distinguer entre les coûts du changement de système et les coûts de fonctionnement ultérieurs. Les uns et les autres dépendent de la mise en oeuvre concrète de l'initiative et ne peuvent pas être chiffrés.

Même si l'institution d'une caisse unique et la transformation du système de financement de l'assurance obligatoire des soins constituent des changements de système radicaux, on peut supposer que, pour l'ensemble du domaine de la santé, les conséquences financières seraient moins importantes que
le changement en tant que tel.

Naturellement, l'institution d'une caisse unique aurait pour conséquence une réorganisation fondamentale des structures d'organisation et des processus administratifs, avec une incidence sur une grosse part des quelque 980010 employés des caissesmaladie actifs dans les domaines de l'assurance obligatoire et des assurances complémentaires.

6

Comparaison internationale

Les pays industrialisés connaissent trois systèmes de santé différents: le service national de santé, le système de l'assurance sociale et celui de l'assurance privée.

Ont notamment opté pour le modèle de l'assurance sociale l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Contrairement à ces pays, l'assurance10

OFSP, Statistique de l'assurance obligatoire des soins 2004.

745

maladie suisse n'est pas fondée principalement sur les cotisations des employeurs et des salariés, mais sur des primes individuelles, pour lesquelles les personnes de condition économique modeste bénéficient de réductions individuelles.

Dans tous les Etats européens où l'assurance-maladie est organisée selon un système d'assurance sociale, des discussions sont en cours sur la configuration future du système. Ceux dans lesquels le système de santé est financé par des assurances sociales connaissent tous sans exception une pluralité d'assureurs-maladie.

L'expérience des pays voisins montre que la Suisse est souvent prise comme exemple de référence. Le modèle de la LAMal a ainsi été présenté lors du débat allemand sur la politique de santé. L'Allemagne examine notamment la possibilité de passer à un financement au moyen de primes individuelles correspondant aux coûts de santé moyens des assurés. Aux Pays-Bas aussi, il est prévu de reprendre des éléments du système suisse.

7

Relation avec le droit européen

7.1

Le droit de la Communauté européenne

Aux termes de l'art. 2 du Traité instituant la Communauté européenne (traité CE), la Communauté a pour mission de promouvoir un niveau de protection sociale élevé.

La libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté est fixée à l'art. 39 du traité CE. Elle requiert une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 42 du traité CE. Le droit communautaire ne prévoit pas l'harmonisation des régimes nationaux de sécurité sociale, les Etats membres conservant la faculté de déterminer la conception, le champ d'application personnel, les modalités de financement et l'organisation de leur système de sécurité sociale. La coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est mise en oeuvre par le règlement du Conseil n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et par son règlement d'application n° 574/72 (RS 0.831.109.268.1 et RS 0.831.109.268.11). Depuis le 1er juin 2002, date de l'entrée en vigueur de l'Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec la CE et ses Etats membres (RS 0.142.112.681), la Suisse participe à ce système de coordination. Ce système ne peut fonctionner que lorsque toutes les Parties appliquent les mêmes règles.

7.2

Les instruments du Conseil de l'Europe

La Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 est le pendant de la Convention européenne des droits de l'homme pour les droits économiques et sociaux. Le droit à la sécurité sociale y est fixé à l'art. 12. La Suisse a signé la Charte le 6 mai 1976, mais le Parlement en ayant refusé la ratification en 1987, ce traité ne lie pas notre pays.

746

La Charte sociale européenne (révisée) du 3 mai 1996 met à jour et adapte le contenu matériel de la Charte de 1961. Elle constitue un accord distinct de la Charte sociale européenne de 1961 qu'elle n'abroge pas. Le droit à la sécurité sociale figure également à l'art. 12. La Suisse n'a pas ratifié cet instrument.

Le Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964 a été ratifié par la Suisse le 16 septembre 1977 (RO 1978 1491). Notre pays n'en a toutefois pas accepté la partie II relative aux soins médicaux. Tout Etat qui entend accepter les obligations découlant de la partie II du Code doit notamment garantir l'attribution de prestations médicales aux personnes protégées en cas d'état morbide, quelle qu'en soit la cause, et en cas de maternité. Le bénéficiaire peut être tenu de participer aux frais des soins médicaux reçus en cas d'état morbide et la durée des prestations servies peut être limitée à 26 semaines par cas. En matière d'organisation des systèmes de sécurité sociale, le Code européen prévoit que lorsque l'administration n'est pas assurée par un département gouvernemental responsable devant un parlement, des représentants des personnes protégées doivent participer à l'administration ou y être associés avec pouvoir consultatif dans des conditions prescrites; la législation nationale peut aussi prévoir la participation de représentants des employeurs et des autorités publiques (art. 71).

Le Code européen de sécurité sociale (révisé) du 6 novembre 1990 constitue aussi un accord distinct du Code européen de sécurité sociale qu'il n'abroge pas. Le Code (révisé) élève les normes du Code européen de sécurité sociale, notamment par l'extension du champ d'application personnel, par l'octroi de nouvelles prestations et par l'augmentation du montant des prestations en espèces. Il introduit parallèlement une plus grande flexibilité en ce sens que les conditions de ratification ont été assouplies et que les normes sont formulées d'une manière suffisamment souple pour tenir compte au mieux des réglementations nationales. N'ayant été ratifié par aucun pays, le Code (révisé) n'est pas encore en vigueur.

7.3

Compatibilité du projet avec le droit européen

L'initiative populaire «Pour une caisse maladie unique et sociale» est compatible avec le droit européen.

8

Conclusions

En résumé, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que l'initiative, en visant l'abandon de la pluralité des assureurs-maladie et le passage à un financement au moyen de primes fixées en fonction de la capacité économique des assurés, poursuit en matière d'organisation de l'assurance-maladie sociale des objectifs opposés aux siens. Le fait que les objectifs fixés par la LAMal ne soient pas encore complètement atteints ne peut pas être attribué à une distorsion du marché des assureurs-maladie: les éléments faisant actuellement défaut qui permettraient d'améliorer les relations de concurrence dans le domaine de la santé ­ liberté de contracter, financement (hospitalier) moniste, réforme de la compensation des risques ­ ne peuvent pas être corrigés au niveau des caisses. Les projets de révision correspondants se trouvent pour le moment en phase de traitement parlementaire.

747

Avec un libre passage intégral, la population suisse dispose d'une liberté de choix sans restriction de son assureur. Les assurés peuvent décider s'ils souhaitent continuer à s'assurer pour l'assurance obligatoire des soins auprès de la caisse qui les couvrait jusqu'alors ou changer d'assureur. Le système actuel comporte des éléments de concurrence non négligeables qui incitent à prendre des mesures de maîtrise des coûts. L'élimination complète de la concurrence entre assureurs, qui aurait pour conséquence d'introduire une situation de monopole dans l'assurance obligatoire des soins, représente une intervention de l'Etat non nécessaire dans la liberté d'action et dans la liberté contractuelle des assureurs-maladie.

Surtout, le système proposé ne contient, en ce qui concerne l'évolution des coûts dans l'assurance obligatoire des soins, aucun nouvel élément qui pourrait inciter les intéressés à adopter un comportement économe. Le Conseil fédéral attend des résultats bien plus efficaces, en termes d'incitations à économiser des coûts, d'une consolidation du système en place, d'une redéfinition des prestations à la charge de l'AOS, d'une extension des formes particulières d'assurance associée à une plus grande participation aux coûts ou des offres de soins coordonnés (managed care), de l'incitation de la liberté de contracter et du financement hospitalier.

Avec le système de financement proposé par l'initiative, il ne serait pratiquement plus possible de réaliser des formes d'assurance attrayantes incitant à un comportement économique au moyen de rabais sur les primes, et l'absence de concurrence entre assureurs ne favoriserait pas la diversité des idées dans ce domaine. A ce jour, tant le Conseil fédéral et le Parlement que le peuple et les cantons ont toujours clairement rejeté un système de financement basé sur la condition économique des assurés. Rappelons simplement le résultat sans équivoque de la votation populaire du 18 mai 2003 sur l'initiative «La santé à un prix abordable (initiativesanté)».

La mise en oeuvre du système de financement proposé laisse ouvertes de nombreuses questions. Le seul fait d'identifier les éléments de la situation financière qui ont une incidence sur les primes et d'adapter les primes en conséquence dans un bref délai provoquera des coûts administratifs importants. Dans
de nombreux cas, des problèmes de protection des données pourraient empêcher la mise en oeuvre d'approches praticables.

Le Conseil fédéral reconnaît que le système de la prime individuelle fait peser une lourde charge financière sur de nombreux assurés, surtout parmi ceux qui ont un revenu moyen. C'est pourquoi il a proposé la réalisation d'un but social dans le cadre du dispositif de réduction des primes. Le Parlement a par la suite décidé que les cantons réduiraient de 50 % au moins, pour les revenus faibles ou moyens, les primes des enfants et des jeunes adultes en formation.

Même si le Conseil fédéral ne tient pas forcément à un maintien d'une structure reposant sur une pluralité d'assureurs-maladie, il ne pense pas qu'un changement de système abrupt au profit de la mise en place d'une caisse unique constitue une solution au problème prioritaire de l'assurance obligatoire des soins. Le nombre des caisses pratiquant cette assurance s'est déjà réduit de 145 en 1996 à 85 aujourd'hui, et la tendance à la baisse se maintient.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral s'oppose à l'introduction d'une caissemaladie unique et au changement du système de financement de l'assurance-maladie sociale.

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Le Conseil fédéral renonce à soumettre à l'Assemblée fédérale un contre-projet au niveau constitutionnel ou un projet en rapport étroit avec l'initiative populaire au niveau de la loi (art. 97, al. 2, LParl). Les buts de l'initiative ne correspondent en rien aux convictions du Conseil fédéral qui s'est constamment prononcé pour une consolidation et une optimisation du système existant. Les tendances qui vont dans le sens des modifications du système voulues par l'initiative ne correspondent pas aux conceptions du Conseil fédéral qui ne les juge ni adaptées ni pertinentes. Le Conseil fédéral ne voit donc aucune raison de soumettre au Parlement une proposition qui tiendrait partiellement compte des exigences de l'initiative.

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