Annexe 2

Evaluation des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers Rapport final du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national du 15 mars 2005

2005-2255

2539

L'essentiel en bref Les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (LSEE) sont entrées en vigueur il y a dix ans. Le présent rapport décrit comment les cantons de BâleCampagne, de Genève, de Schaffhouse, du Valais et de Zurich ont appliqué la principale de ces mesures, la détention en vue du refoulement, au cours des années 2001 à 2003, comment cette forme de détention se comporte sous l'angle du rapport coûts/avantages et quelles améliorations elle a apportées dans l'exécution des renvois. Il présente également les résultats de l'analyse relative aux effets des mesures de contrainte sur la diminution de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière. Les résultats exposés résultent, d'une part, d'enquêtes statistiques et, d'autre part, d'entretiens avec des représentants des autorités cantonales et fédérales et des représentants des milieux non gouvernementaux.

L'enquête a permis de constater que la détention en vue du refoulement est appliquée différemment d'un canton à l'autre. L'éventail va d'une application restrictive (Genève) à une application ferme et régulière (Bâle-Campagne, Valais et Zurich) en passant par une application retenue (Schaffhouse). Ces différences découlent pour une bonne part de la formulation potestative de la loi fédérale qui laisse aux cantons la liberté d'appliquer ou non les mesures de contrainte. Une autre raison réside dans le fait que les autorités judiciaires cantonales utilisent différemment leur pouvoir d'appréciation que la loi leur confère. Outre la fréquence d'application, les différences constatées d'un canton à l'autre concernent également le régime juridique auquel les étrangers concernés sont soumis (étrangers en situation irrégulière ou requérants d'asile), leur nationalité ou la durée et l'issue de la détention. Si les représentants des autorités cantonales interrogés estiment que les différences d'applications d'un canton à l'autre ne posent pas de problème, force est de constater qu'elles engendrent des difficultés de coordination et des pertes d'efficacité au niveau du travail de l'ODM. Les experts représentant des milieux non gouvernementaux critiquent un troisième aspect: pour les étrangers concernés, les différences constatées en matière d'application des mesures de contrainte leur donnent l'impression
d'être à la merci de décisions arbitraires.

Dans les cantons examinés, de 60 à 80 % des personnes concernées demeurent moins d'un mois en détention. Les détentions de plus de six mois sont rares et ne dépassent 4 % dans aucun canton. Durant la période sous revue, la détention en vue du refoulement a duré en moyenne de 20 à 47 jours selon le canton. Dans certains cantons, de très nombreuses détentions prononcées n'ont pas duré plus de quatre jours; en raison du délai légal de 96 heures, les autorités judiciaires cantonales n'examinent la plupart du temps pas l'existence d'un motif pour ces détentions de très courte durée. Pour cette raison, les représentants des milieux non gouvernementaux remettent en cause la légalité et l'adéquation de la détention de très courte durée.

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Les taux de renvoi atteints par les cantons examinés vont de 50 à 92 %. A une exception près (Genève), les taux de renvoi dans le domaine de la LSEE sont supérieurs à ceux atteints dans le domaine de l'asile. La moyenne des taux cantonaux atteint en effet 81 % de renvois dans le premier cas et 63 % dans le second. Du point de vue des renvois, la détention en vue du refoulement est par conséquent moins efficace dans le domaine de l'asile que dans celui de la LSEE.

L'examen du rapport entre la durée et l'issue de la détention permet de constater que, sous les deux régimes juridiques, les taux de renvoi élevés ­ pouvant aller de 90 à 100 % ­ sont atteints avec les détentions de très courte et de courte durée (c'est-àdire inférieures à un mois). Elles constituent la plus grande part de toutes les détentions ordonnées. En règle générale, lorsque la détention se prolonge, le taux de renvoi chute très nettement. Il est à noter que les taux atteints dans le domaine de l'asile, domaine duquel le plus grand nombre de cas de plus longue durée est issu, sont toujours inférieurs à ceux du domaine de la LSEE. L'efficacité de la détention décroît avec la durée de celle-ci.

Les différences constatées entre ces deux domaines peuvent notamment s'expliquer par le fait que les étrangers en situation irrégulière disposent la plupart du temps de documents de voyage valables et qu'ils proviennent fréquemment de pays avec lesquels la Suisse a conclu des accords sur la réadmission. Cet instrument est moins efficace dans le domaine de l'asile étant donné que le renvoi n'est pas systématiquement exécutable, notamment parce que la vérification de l'identité dure beaucoup trop longtemps ou que les personnes détenues ne sont pas disposées à coopérer. Les résultats de l'enquête ont également montré qu'un renvoi ne dépend pas seulement de l'application ou du durcissement des mesures de contrainte, mais également de facteurs externes, non influençables, tels que le refus de certains Etats de reprendre leurs ressortissants rapatriés sous contrainte.

Une comparaison des taux de renvoi dans le domaine de l'asile des cantons examinés a permis de constater qu'un usage fréquent de la détention en vue du refoulement ne va pas forcément de pair avec un pourcentage de renvois élevé. Cette forme de détention n'est qu'un instrument de
renvoi parmi d'autres. Les cantons qui recourent rarement à cet instrument, procèdent plus souvent en envoyant, le jour du départ, la police au domicile des personnes sous le coup d'une décision de renvoi afin de les escorter jusqu'à l'aéroport.

En ce qui concerne les coûts de la détention en vue du refoulement, force est de constater que, pour quatre des cinq cantons examinés, la part des coûts imputables aux personnes n'ayant pas pu être renvoyées à l'issue de la détention domine. Les autorités sont donc d'avis que la détention en vue du refoulement est une mesure onéreuse. Pour la plupart, elles estiment cependant que l'utilité de la détention en vue du refoulement justifie les coûts qu'elle occasionne. Cela étant, il faut prendre en considération le fait que la mise en oeuvre des mesures d'ordre public est toujours génératrice de coûts. Pour leur part, les représentants des milieux non gouvernementaux estiment que la détention en vue du refoulement est une mesure coûteuse et que les moyens consacrés à la détention pourraient être investis plus efficacement dans d'autres domaines, notamment en faveur du conseil en vue du retour ou de programmes de rapatriement.

2541

La plupart des représentants cantonaux estiment que la détention en vue du refoulement est un moyen qui contribue à garantir l'exécution des renvois. Cela étant, d'autres facteurs importants ont une influence prépondérante sur l'exécution des renvois: l'existence d'accords sur la réadmission ou de systèmes d'incitations tels que l'aide au retour. Les mesures de contrainte ne constituent qu'un élément de la procédure de renvoi et elles servent de moyen de pression.

Les effets des mesures de contrainte sur la diminution de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière ont été analysés pour les détentions en vue du refoulement et les mises en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion ordonnées dans les cantons de Genève et de Zurich. Les résultats obtenus sont notamment statistiquement significatifs pour la réduction de la délinquance des requérants d'asile. Dans ce domaine en effet, l'analyse sur une période de deux ans avant et après l'application d'une mesure permet de constater un recul important aussi bien du nombre de requérants s'étant rendu coupables d'une infraction que du nombre de délits lui-même, cela principalement pour ce qui concerne les infractions liées aux stupéfiants. L'effet n'est en revanche pas significatif pour les infractions contre le patrimoine. Les résultats de l'enquête indiquent également que la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion semble plus efficace dans la lutte contre la délinquance que la mise en détention en vue du refoulement.

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Table des matières L'essentiel en bref

2540

Liste des abréviations

2544

1 Introduction

2545

2 Application des mesures de contrainte par les cantons de 2001 à 2003 2550 2.1 Application de la détention en vue du refoulement 2551 2.2 Durée et issue de la détention en vue du refoulement 2556 2.2.1 Durée de la détention en vue du refoulement 2557 2.2.2 Issues de la détention en rapport avec la durée de la détention 2558 2.2.3 Importance de la détention en vue du refoulement dans le processus d'exécution dans le domaine de l'asile 2562 2.3 Coûts de la détention en vue du refoulement 2567 2.4 Application de la détention de phase préparatoire 2570 3 Améliorations de l'exécution des renvois et effets secondaires de la détention en vue du refoulement 3.1 Amélioration de l'exécution des renvois 3.2 Cadre de l'exécution des renvois 3.3 Collaboration entre autorités cantonales et fédérales 3.4 Effets secondaires de la détention en vue du refoulement

2572 2572 2573 2575 2575

4 Effets des mesures de contrainte sur la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière 2577 4.1 Délinquance et détention de requérants d'asile et d'étrangers en situation irrégulière 2578 4.1.1 Etendue de la délinquance 2578 4.1.2 Détention et périmètres d'assignation ou d'exclusion 2580 4.1.3 Avis des requérants d'asile sur la délinquance et les effets des sanctions 2582 4.2 Effets des mesures de contrainte sur la délinquance 2583 4.2.1 Effets de la détention en vue du refoulement 2583 4.2.2 Effets de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion 2585 4.2.3 Appréciation des effets des mesures de contrainte 2587 4.3 Portée des résultats 2588 5 Conclusions

2588

Annexe: 1 Loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers 2 Liste des personnes entendues 3 Issue de la détention par canton selon la durée de détention et en fonction du régime juridique

2594 2601 2603

2543

Liste des abréviations CdG-N CPA ICDP IPZ LAsi LEtr LSEE OCP ODM ODR ONG RIPOL

2544

Commission de gestion du Conseil national Contrôle parlementaire de l'administration Institut de criminologie et de droit pénal de l'Université de Lausanne Institut für Politikwissenschaft der Universität Zürich (Institut de science politique de l'Université de Zurich) Loi sur l'asile du 5 octobre 1979 (RS 142.31) Loi fédérale sur les étrangers Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (RS 142.20) Office cantonal de la population (canton de Genève) Office fédéral des migrations; créé par fusion de l'Office fédéral des réfugiés et de l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration Office fédéral des réfugiés; a fusionné avec l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration le 1er janvier 2005 pour devenir l'Office fédéral des migrations) Organisations non gouvernementales Système de recherches informatisées de police

Rapport 1

Introduction

Mandat et point de la situation Le 22 mars 2004, la sous-commission DFJP/ChF de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'examiner diverses questions concernant les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. Le mandat comportait deux orientations principales.

Premièrement, le CPA a été chargé d'examiner comment les mesures de contrainte sont appliquées par les cantons et les améliorations qu'elles ont apportées dans l'exécution des renvois. Deuxièmement, il a également été chargé d'évaluer leur efficacité du point de vue de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière.

Les mesures de contrainte sont régies par la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE).1 Elles sont entrées en vigueur le 1er février 1995 après avoir été acceptées par le souverain suisse lors du scrutin référendaire du 4 décembre 1994. En raison de l'introduction de ces mesures, il a été nécessaire de compléter la loi sur l'asile du 5 octobre 1979 (LAsi, RS 142.31). La LSEE et la LAsi sont actuellement en révision. Les Chambres fédérales vont vraisemblablement adopter les projets de révision correspondants dans le courant de 2005. Le Conseil fédéral maintient, voire renforce les mesures de contrainte.

Les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ont toujours été politiquement contestées. Ces dispositions légales visent, d'une part, le renforcement de l'exécution des renvois et partant de la lutte contre l'immigration clandestine.

D'autre part, elles ont également pour but de prévenir les abus graves dans le domaine du droit d'asile ainsi que la délinquance des étrangers en situation irrégulière et des requérants d'asile. La détention de phase préparatoire, la détention en vue du refoulement et les périmètres d'assignation et d'exclusion font partie de ces mesures de contrainte. La mesure la plus importante est la détention en vue du refoulement qui peut être prononcée notamment lorsqu'un étranger risque de passer à la clandestinité (donc de se soustraire au refoulement). En effet, nombreux sont les services cantonaux des migrations, qui ont compétence d'ordonner des mesures de contrainte, à utiliser fréquemment la détention en vue du refoulement.

Cette évaluation
aborde, pour la première fois et de manière approfondie, l'application des mesures de contrainte et leur efficacité. Dans la perspective de la révision de la loi sur l'asile et de la nouvelle loi sur les étrangers, l'Office fédéral des réfugiés (ODR; aujourd'hui l'Office fédéral des migrations, ODM) avait certes procédé à une enquête quantitative en 2001 sur le sujet, mais, en raison du manque d'homogénéité des données cantonales, celle-ci n'avait pas permis de tirer des conclusions qualitatives concluantes.2 Il est par ailleurs difficile d'instaurer de la transparence dans ce domaine, étant donné qu'il n'existe pas à l'échelle nationale de statistiques sur les motifs de détention, le nombre de détentions ordonnées ou la 1 2

Loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers, RS 142.20.

Voir le message concernant la loi sur les étrangers, du 8 mars 2002, FF 2002 3469, p. 3523 et suivantes.

2545

catégorie des personnes concernées. L'ODM (avant lui l'ODR) ne relève pas ces données étant donné que ce sont les autorités cantonales qui sont compétentes pour ordonner les mesures de contrainte.

Modèle de causalité, problématique et articulation du rapport A partir du modèle de causalité des mesures de contrainte présenté dans l'illustration 1 ci-après, le CPA a rédigé les questions à la base de la présente enquête.

Illustration 1 Modèle de causalité3 Problèmes initiaux Délinquance d'étrangers Déficits dans en situation irrégulière l'exécution des et de requérants d'asile renvois

A

Acceptation compromise de la politique d'asile et des étrangers

Formulation de la politique

Lois et ordonnances LSEE, loi sur l'asile ordonnances correspondantes directives, circulaires de la Confédération lois cantonales d'introduction

B

Répartition des tâches / ressources financières et personnelles de l'administration (coordination entre les autorités) ODM à l'échelon de la Confédération ; exécution par les services cantonaux des migrations et les polices cantonales

C

Exécution Prestations de l'administration (output) « Délinquants » « Non-délinquants » Mise en place de périmètres détention de phase d'assignation ou d'exclusion préparatoire détention préparatoire détention en vue du détention en vue du refoulement refoulement fouilles / perquisitions fouilles / perquisitions (Dissuasion) Résultat final: exécution du renvoi

D

Changement de comportement des groupes cibles (impact) « Non-délinquants » coopération avec les autorités départ (après détention) départ (risque de détention)

E

« Délinquants » baisse de la délinquance départ pas d'entrée (effet dissuasif)

Contribution à la résolution des problèmes initiaux (outcome) Diminution du nombre d'étrangers en situation irrégulière et de requérants d'asile en Suisse Augmentation de la sécurité pour la population suisse Meilleure acceptation de la politique d'asile et des étrangers

F

3

Effets

Illustration réalisée à partir du modèle de causalité général de politique publique chez Knoepfel, Peter et al. (2001): Analyse et pilotage des politiques publiques, Bâle, p. 272.

2546

Le modèle montre comment la politique des étrangers devrait fonctionner de manière idéale. Ses éléments sont commentés ci-après à partir du contenu du message à l'appui de la loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers (FF 1993 I 301).

Ad A) Problèmes initiaux: Les mesures de contrainte ont été introduites en réaction à un problème qui a fortement préoccupé la population au début des années 90 et grevé de plus en plus l'acceptation de la politique d'asile et des étrangers, à savoir celui des requérants qui, tout en bénéficiant de la protection du droit d'asile, se livraient au trafic de stupéfiants sur les scènes de la drogue. D'autres étrangers se faisaient également remarquer par des actes criminels et un comportement asocial.

Face à l'abus par une minorité de délinquants étrangers de l'hospitalité accordée par la Suisse aux victimes de persécutions politiques, toujours plus de voix se sont élevées pour réclamer un durcissement des mesures légales. S'y ajoutaient de surcroît les difficultés rencontrées par les autorités compétentes dans l'exécution de mesures d'éloignement de requérants et d'étrangers sous le coup d'une décision de renvoi ou d'expulsion exécutoire. Jusque là, la durée de la détention en vue du refoulement était limitée à un mois.

Ad B) Lois et ordonnances: Les mesures de contrainte sont ancrées dans plusieurs articles de la LSEE et de la LAsi (voir annexe 1). L'extension de la détention en vue du refoulement à neuf mois au maximum, la détention en phase préparatoire et la mise en place de périmètres d'assignation et d'exclusion ­ deux instruments nouvellement introduits ­ constituent le noyau des mesures de contrainte. Ces instruments seront brièvement présentés plus loin dans le présent rapport. Outre ces mesures, la loi contient également des dispositions sur la fouille de personnes et la perquisition de logements. En 1995, l'ODR et l'Office fédéral des étrangers (qui ont fusionné pour donner l'actuel ODM) ont adressé une lettre circulaire aux directions cantonales de justice et police avec des explications et recommandations concernant l'application de la loi fédérale sur les mesures de contrainte. Il convient également de mentionner la directive sur le remboursement des frais de départ, d'exécution des renvois et d'identification émise par
l'ODR en 2003. Les cantons ont édités des lois d'introduction portant sur l'exécution des mesures de contrainte. Les dispositions relatives aux mesures de contrainte ont en outre été concrétisées dans de nombreux arrêts du Tribunal fédéral.

Ad C) Répartition des tâches et ressources utilisées: L'exécution des mesures de contrainte est du ressort des cantons. La compétence de prononcer de telles mesures est en règle générale dévolue aux services cantonaux des migrations; dans certains cantons, les mesures de détention sont exécutées avec la collaboration de la police cantonale. La détention doit être contrôlée par une autorité judiciaire cantonale. Au niveau fédéral, la responsabilité des mesures de contrainte incombait à l'ODR qui assumait une fonction de surveillance: il intervenait en cas de violations du droit et rédigeait des avis dans le cadre de consultations sur des arrêts du Tribunal fédéral.

En revanche, il estimait ne pas avoir à intervenir lorsque les juges cantonaux suivaient une autre jurisprudence. L'ODM participe aux frais de détention des cantons en versant un forfait journalier par personne détenue relevant du régime sur l'asile et accorde un soutien à l'exécution. Il est chargé de fournir des papiers d'identité aux étrangers en détention en vue du refoulement ainsi que les billets d'avion nécessaires. En 2003, la Confédération a dépensé 8,45 millions de francs pour la détention en phase préparatoire ou en vue du refoulement. Les frais de détention des étrangers en situation irrégulière en Suisse sont à la charge des cantons.

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Ad D) Prestations de l'administration: Les services cantonaux des migrations ordonnent les détentions en phase préparatoire ou en vue du refoulement ainsi que les périmètres d'exclusion ou d'assignation. Ils pourvoient les places nécessaires à la détention et exécutent les renvois et expulsions. La détention en vue du refoulement est la mesure de contrainte la plus fréquemment ordonnée. Cette mesure exige des efforts importants aux services cantonaux des migrations tant il est vrai que ceux-ci doivent exécuter la procédure de renvoi ou d'expulsion dans les meilleurs délais (ce qui est synonyme de visites répétées aux détenus, de vérifications d'identité, etc.).

Ad E) Changement de comportement des groupes cibles: La détention en vue du refoulement est censée inciter les requérants d'asile délinquants et les étrangers en situation irrégulière qui, en vertu de la législation pénale en vigueur, n'encourraient pas de mesures pénales privatives de liberté, à renoncer à la délinquance (effet dissuasif). En outre, les périmètres d'exclusion ou d'assignation, la détention de phase préparatoire ou en vue du refoulement et le départ volontaire ont pour but d'éviter qu'ils tombent dans la délinquance. La menace de la détention en vue du refoulement et la détention elle-même ont notamment pour but d'inciter les personnes des groupes cibles à décliner leur identité et à collaborer afin de permettre l'exécution du renvoi. Enfin, les étrangers sous le coup d'une décision de renvoi ou d'expulsion doivent être empêchés de se soustraire à un refoulement (risque de passage à la clandestinité). Les mesures de contrainte atteignent leur objectif principal avec le départ des étrangers en situation irrégulière et des requérants d'asile.

Ad F) Contribution à la solution des problèmes initiaux: La menace ou la décision de mesures de contrainte doivent inciter les étrangers séjournant illégalement en Suisse à quitter le pays. L'expulsion et la tenue à l'écart des étrangers en situation irrégulière et des requérants d'asile qui séjournent illégalement en Suisse et qui se font remarquer par un comportement délictueux ont pour objectif d'augmenter la sécurité de la population en Suisse. L'exécution efficace des renvois et le maintien d'un faible niveau de délinquance des étrangers a pour but d'améliorer l'acceptation par la
population suisse de la politique en matière d'asile et à l'égard des étrangers.

Le CPA a formulé les questions à la base de l'enquête à partir de ce modèle de causalité et des problèmes d'exécution mentionnés lors de la procédure de consultation sur la LEtr4 (tels que l'application non cohérente et non uniforme des mesures de contrainte sur le territoire suisse ou le pouvoir d'appréciation des juges trop grand en matière de motifs de détention). Les questions ci-après portent principalement sur la coordination entre les diverses autorités concernées, l'exécution de la loi et l'impact des mesures de contrainte:

4

1.

Quelles mesures de contrainte ont-été appliquées par différents cantons et comment? Existe-t-il des différences marquées d'un canton à l'autre?

2.

Quelles ont été les ressources financières et personnelles engagées? Comment évaluer les mesures de contrainte sous l'angle du rapport coûts/ avantages?

3.

Les mesures, notamment la détention en vue du refoulement, ont-elles permis l'amélioration voulue de l'exécution des renvois? S'accompagnent-elles d'effets secondaires indésirables?

Département fédéral de justice et police (2001): Compte-rendu des résultats de la procédure de consultation relative à l'avant-projet de loi fédérale sur les étrangers (LEtr), Berne, p. 107.

2548

4.

Les mesures ont-elles l'effet voulu en rapport avec la diminution de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière?

S'accompagnent-elles d'effets secondaires indésirables?

Eu égard au fait qu'il s'agit de la mesure de contrainte la plus fréquemment ordonnée, la réponse à ces questions est principalement axée sur la détention en vue du refoulement. Cela étant, le CPA a également analysé l'application de la détention de phase préparatoire. Rarement utilisée, cette mesure n'est que brièvement abordée dans le présent rapport. Les périmètres d'exclusion et d'assignation sont abordés dans le cadre de la réponse à la quatrième question. Les résultats complets et détaillés de l'enquête peuvent être consultés dans le recueil de données, qui sert de base au rapport final.

Le recueil de données comporte en outre la réponse à une question supplémentaire intéressant la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-N. Il s'agit de savoir quelle est l'appréciation des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers dans la doctrine juridique et dans les arrêts du Tribunal fédéral sous l'angle des dispositions en matière de droits de l'homme.

Le rapport final comporte cinq chapitres principaux. Le chapitre 2 porte sur l'application de la détention en vue du refoulement dans les divers cantons choisis, sur son impact sur l'exécution des renvois et sur les coûts générés. Il comporte également des données sur la détention de phase préparatoire. Le chapitre 3 répond aux questions relatives aux améliorations et aux effets secondaires liés à la détention en vue du refoulement. Le chapitre 4 aborde la question de l'impact des mesures de contrainte sur la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière. Le chapitre 5 fait le bilan de l'enquête.

Approche méthodique En se basant sur plusieurs critères5, le CPA a d'abord choisi cinq cantons pour lesquels l'application des mesures de contrainte devait être évaluée pour la période 2001 à 2003. Il s'agit des cantons de Bâle-Campagne, de Genève, de Schaffhouse, du Valais et de Zurich. Il a chargé Thomas Widmer de l'Institut de science politique de l'Université de Zurich (Institut für Politikwissenschaft der Universität Zürich, IPZ) de recueillir les données relatives aux mesures de contrainte ordonnées dans ces cantons, de les analyser sous l'angle statistique et de les présenter sous forme graphique.6 L'IPZ a répertorié tous les cas de détention de phase préparatoire et en vue du refoulement enregistrés dans les
cantons concernés à partir du 1er janvier 2001 (à l'exception de Bâle-Campagne, canton dans lequel seules les données à partir du 1er mai 2001 étaient accessibles en raison du changement du système informatique). Les données ainsi récoltées ont non seulement été évaluées, mais l'existence de liens statistiques a également été vérifiée dans le but de mettre en évidence les facteurs qui influencent le résultat auquel la détention a abouti.

5

6

Les critères suivants ont été fixés: les profils des cantons choisis devaient être différents quant à la fréquence et à la durée des détentions en vue du refoulement prononcées et il devait y avoir aussi bien des cantons alémaniques que romands.

Avec la participation de Swen Hutter. Son rapport «Einflussfaktoren auf das Ergebnis einer Ausschaffungshaft vom 5.10.2004» se trouve à l'annexe 3 du recueil de données.

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Une fois en possession de ces données quantitatives, le CPA a mené 19 entretiens approfondis avec des experts aux niveaux cantonal et fédéral.7 Au cours de ces entretiens, il a entendu des représentants des services ou offices des migrations, des tribunaux et des autorités de police compétents, d'organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées dans les questions liées aux étrangers et à l'asile, un juriste ainsi qu'un aumônier de prison. Ces entretiens avaient pour but de permettre une évaluation correcte des données quantitatives. Ils ont également apporté de nouveaux éléments concernant les mesures de contrainte, notamment sur les améliorations qu'elles ont amenées dans le domaine de l'exécution des renvois et les ressources qu'elles absorbent.

Pour répondre à la question concernant les effets des mesures de contrainte sur la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière, le CPA a confié un mandat au professeur Martin Killias de l'Institut de criminologie et de droit pénal (ICDP) de l'Université de Lausanne. Le rapport de l'expertise est annexé au recueil de données.8 Les méthodes utilisées par l'équipe d'experts de l'ICDP sont décrites de manière détaillée dans le rapport d'expertise; dans le présent rapport, elles ne sont que brièvement exposées au chap. 4 qui présente les résultats principaux de cette expertise.

2

Application des mesures de contrainte par les cantons de 2001 à 2003

L'application des mesures de contrainte par les cantons choisis a été analysée à partir des questions suivantes: Quelles mesures de contrainte ont été appliquées par différents cantons et comment?

Existe-t-il des différences marquées d'un canton à l'autre? Quelles ont été les ressources financières et personnelles engagées? Comment évaluer les mesures de contrainte sous l'angle du rapport coûts/avantages?

Les résultats de l'analyse des données sont résumés à la section 2.1 en fonction du nombre de cas et du régime juridique ainsi que du sexe, de l'âge, de l'origine et du motif de détention de la personne placée en détention en vue du refoulement. La section 2.2 présente les résultats de l'enquête relatifs à la durée, au résultat auquel la détention a abouti et à la fréquence de la détention en vue du refoulement dans le domaine de l'asile. Les deux dernières sections de ce chapitre sont consacrées respectivement au rapport coûts/avantages (section 2.3) et à la détention de phase préparatoire (section 2.4).

7 8

Voir annexe 2 (Liste des personnes entendues).

Voir Schenker S., L. Herrmann, M. Killias (2004): La délinquance parmi les requérants d'asile et les effets des mesures de contrainte/Die Delinquenz unter Asylbewerbern und die Wirkung von Zwangsmassnahmen. Annexe 4 du recueil de données. Ce rapport a été rédigé en partie en français et en partie en allemand.

2550

2.1

Application de la détention en vue du refoulement

Lorsqu'il existe des motifs suffisants aux termes de la loi, l'autorité cantonale compétente peut, en vertu de l'art. 13b LSEE, ordonner la détention d'un étranger sous le coup d'une décision de renvoi ou d'expulsion de première instance en vue de son refoulement. La formulation potestative laisse l'autorité cantonale libre d'ordonner ou non une détention. En vertu de l'art. 13b, al. 1, LSEE, la détention en vue du refoulement peut être ordonnée, notamment lorsque la personne concernée est déjà détenue ou pourrait être placée en détention aux termes de l'art. 13a pour la préparation de la décision sur son droit de séjour ou lorsque des indices concrets font craindre qu'elle se soustraie au refoulement. La durée de la détention ne peut excéder trois mois. Si des obstacles particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, elle peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de six mois au maximum. La légalité et l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les 96 heures au plus tard par une autorité judiciaire (art. 13, al. 2, LSEE). La détention est levée lorsque le motif de la détention n'existe plus ou l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, lorsque la demande de levée de détention est admise ou lorsque la personne détenue doit subir une peine privative de liberté (art. 13c, al. 5, LSEE).

L'application de la détention en vue du refoulement par les cantons choisis est résumée ci-après.

Dans le canton de Bâle-Campagne, l'exécution des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers relève de la compétence de l'Office des migrations (Amt für Migration). Dans ce canton, la détention en vue du refoulement est un instrument utilisé avec fermeté et régulièrement. En principe, tous les étrangers en situation irrégulière ­ par exemple ceux qui se sont vu notifier une décision négative en matière d'asile ou dont le délai de départ fixé par l'Office des migrations a expiré ­ sont placés en détention. Au cours de la période observée (du 1er mai 2001 au 31 décembre 2003), le canton de Bâle-Campagne a ordonné 337 détentions en vue du refoulement. La majorité des personnes qui ont été placées en détention (80 %) étaient soumises au régime juridique régissant l'asile.9 En comparaison
intercantonale, le nombre de cas ressortissant au régime du droit des étrangers (LSEE) est relativement faible (20 %, voir illustration 2). Les personnes détenues sont presque exclusivement des hommes; la part des femmes n'était que de 4 %, soit 13 femmes sur les 337 personnes détenues. Plus de la moitié des personnes placées en détention avaient entre 18 et 29 ans. Les personnes détenues de moins de 18 ans ne représentaient que 9 %, alors que 22 % avaient entre 30 à 39 ans. Les personnes de 40 ans et plus constituaient le plus petit groupe (6 %). La plus grande partie des personnes mises en détention en vue du refoulement provenait de la région Europe ­ Balkans (34 %).10 Avec 23 %, l'Afrique arrive en deuxième position. Elle est suivie par l'Europe de l'Est et le Moyen-Orient représentant 13 % chacun. En considérant les 9

10

Le régime juridique permet de distinguer deux groupes de personnes pouvant faire l'objet de mesures de contrainte. Il s'agit des requérants d'asile et des personnes en situation irrégulière (LSEE). Le groupe des requérants d'asile est constitué de personnes qui n'ont pas d'autorisation de séjour ou d'établissement, mais qui ont présenté une demande d'asile à l'ODR et qui sont soumises aux dispositions régissant l'asile. Leur demande n'a pas encore été traitée ou a été refusée. Le groupe des étrangers en situation irrégulière est constitué de personnes en infraction à la LSEE (sans autorisation de séjour ou d'établissement).

L'origine par région est présentée de manière plus détaillée à l'annexe 2 du recueil de données.

2551

personnes détenues en provenance de la région Europe ­ Balkans et d'Europe de l'Est, on constate que 68 % d'entre elles étaient soumises au régime de l'asile et 32 % à celui de la LSEE. La part des requérants d'asile ayant subi une détention est très élevée pour les ressortissants des régions Asie et Moyen-Orient (89 %) et Afrique (96 %). Dans le canton de Bâle-Campagne, les personnes détenues le sont souvent pour plusieurs motifs légaux. En effet, les dossiers ne mentionnent souvent pas qu'une seule lettre de l'art. 13b, al. 1, LSEE, mais plusieurs. Les motifs les plus souvent invoqués par l'Office des migrations pour les détentions en vue du refoulement ordonnées de 2001 à 2003 sont les suivants: risque de soustraction au refoulement dans plus de la moitié des cas (55 %)11, suivi de l'inobservation de périmètres d'assignation ou d'exclusion (20 %)12 et de menace sérieuse pour d'autres personnes ou mise en danger de leur vie ou de leur intégrité corporelle (18 %).13 Illustration 2 Détention en vue du refoulement: régime juridique, par canton 100% 80% 60% 40% 20% 0% BL (N=337)

GE (N=56)

LSEE

SH (N=48)

VS (N=744)

ZH (N=5767)

Asile

Source: IPZ/CPA

Dans le canton de Genève, l'exécution des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ressortit au domaine de compétence de l'Office cantonal de la population (OCP) et de la police judiciaire. Dans ce canton, la détention en vue du refoulement n'est, par principe, ordonnée que lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen permettant de renvoyer un étranger, notamment pour les personnes dont la demande d'asile a été refusée. L'exécution du renvoi passe tout d'abord par un travail de persuasion et des conseils en vue du retour afin de convaincre les étrangers en situation irrégulière de quitter la Suisse de leur plein gré. Au cours de la période examinée, la détention en vue du refoulement n'a été que rarement prononcée, soit à 56 reprises en tout et pour tout. La moitié de ces cas concerne 2003. En outre, il faut noter que la détention en vue du refoulement se rapporte, dans 68 % des cas, au régime juridique régissant l'asile. De 2001 à 2003, quatre femmes ont été mises en détention. Par tranche d'âge, ce sont les 18­29 ans (28 personnes) et les 30­39 ans (23 personnes) 11 12 13

Art. 13b, al. 1, let. c, LSEE.

Art. 13b, al. 1, let. b, en corrélation avec l'art. 13a, let. b, LSEE.

Art. 13b, al. 1, let. b, en corrélation avec l'art. 13a, let. e, LSEE.

2552

qui ont été le plus souvent placées en détention. Une très grande partie des personnes qui ont été détenues durant la période observée sont originaires du continent africain.

Ainsi, sur les 56 personnes ayant subi une détention, 10 étaient originaires d'Afrique occidentale, 22 d'Afrique du Nord et 6 du reste de l'Afrique. Avec 11 personnes détenues, la région Europe ­ Balkans est aussi une provenance importante. Les 56 personnes ont toutes été placées en détention pour le même motif, soit pour éviter qu'elles puissent se soustraire au refoulement. Cela est étonnant car l'enquête relative à la délinquance des requérants d'asile du canton de Genève (voir par. 4.2.1) a montré que la plus grande partie des hommes qui ont été sous le coup de mesures de contrainte étaient des délinquants. Pour l'OCP, cela découle du fait que, en vertu de la loi et de la jurisprudence genevoise, il doit y avoir des indices concrets faisant craindre un risque de soustraction au refoulement pour pouvoir ordonner une détention en vue du refoulement; pour l'autorité judiciaire, cette forme de détention ne peut en effet avoir de caractère pénal. Par conséquent, dans le canton de Genève, les personnes qui ne respectent pas un périmètre d'assignation ou d'exclusion ne sont pas placées en détention en vertu de l'art. 13b, al. 1, let. b, LSEE, mais elles sont punies de l'emprisonnement comme le prévoit l'art. 23a LSEE.

Dans le canton de Schaffhouse, l'exécution des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ressortit au domaine de compétence de l'Office des étrangers (Ausländeramt). La détention en vue du refoulement est une mesure appliquée avec retenue. Dans le domaine de la LSEE, la détention en vue du refoulement est la plupart du temps ordonnée en cas de violation des dispositions en matière de police des étrangers, de séjour illégal ou de délinquance. Dans le domaine de l'asile, les critères suivants sont examinés: obtention de papiers d'identité possible dans un délai utile, existence d'un risque de soustraction au refoulement et perpétration d'actes délictueux. De 2001 à 2003, 48 détentions en vue du refoulement ont été ordonnées dans le canton de Schaffhouse, dont 60 % à l'encontre de requérants d'asile. Au total, 5 femmes ont été placées en détention. Parmi les 48 personnes détenues, deux avaient moins de
18 ans, plus de la moitié avaient entre 18 et 29 ans, 27 % entre 30 et 39 ans et 10 % appartenaient à la tranche d'âge des 40 ans et plus.

Plus de la moitié des personnes placées en détention étaient originaires de la région Europe-Balkans et d'Europe de l'Est (58 %), 19 % du Moyen-Orient et 17 % d'Asie.

Sur les 28 personnes originaires de la région Europe-Balkans et d'Europe de l'Est et les 17 personnes originaires du Moyen-Orient et d'Asie placées en détention, environ 60 % (soit respectivement 17 et 10 personnes) étaient soumises au régime de l'asile. Durant la même période, seuls 2 Africains, des requérants d'asile, ont été placés en détention. Pour une partie importante des personnes détenues (près de 84 %), ce sont des indices concrets faisant craindre une soustraction au refoulement qui ont motivé la détention alors que la mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle n'a été invoquée que dans 10 % des cas.

Dans le canton du Valais, l'exécution des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ressortit au domaine de compétence du Service de l'état civil et des étrangers. Dans ce canton, la détention en vue du refoulement est un instrument utilisé avec fermeté et régulièrement. Elle est plus souvent appliquée sous le régime de la LSEE que sous celui de l'asile. Cela est en partie lié à la situation géographique du canton qui constitue une étape de transit sur un axe ferroviaire international.

Il arrive fréquemment que les douaniers italiens renvoient vers le Valais les personnes souhaitant immigrer clandestinement en Italie. Les requérants d'asile qui ne veulent pas coopérer ou dont l'identité est douteuse sont placés en détention. Au 2553

cours des trois années d'observation, 744 personnes, dont 54,8 % en situation irrégulière, ont été mises en détention en vue du refoulement dans le canton du Valais. La part des femmes était de 12 %. Comme pour les autres cantons, la majorité des personnes détenues faisait partie de la tranche d'âge des 18­29 ans (65 %). Les 30­ 39 ans représentaient 24 %. Au cours de la période observée, 20 mineurs ont été placés en détention. D'après le Service de l'état civil et des étrangers, des examens médicaux ont révélé que certaines personnes mineures étaient en fait plus âgées que ce qu'elles prétendaient. Cela étant, dans de tels cas, c'est l'âge indiqué initialement qui est saisi pour la statistique. Interrogées à ce sujet, d'autres autorités cantonales ont confirmé cet état de fait. Dans le canton du Valais, les personnes placées en détention en vue du refoulement provenaient des Balkans (33 %), d'Afrique (27 %), d'Europe de l'Est (13 %), d'Asie (10 %) et du Moyen-Orient (7 %). Un peu plus de la moitié des 342 personnes placées en détention originaires de la région EuropeBalkans et d'Europe de l'Est était soumise au régime de l'asile. En revanche, les cas ressortissant au régime de la LSEE prédominaient pour les personnes originaires des autres régions. A l'exception d'un seul cas, la mise en détention a toujours été motivée en invoquant un risque de soustraction au refoulement (art. 13b, al. 1, let. c, LSEE).

Dans le canton de Zurich, l'exécution des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers ressortit au domaine de compétence de l'Office des migrations (Migrationsamt). Dans ce canton, la détention en vue du refoulement est un instrument utilisé de manière ciblée et avec fermeté. Cette mesure est avant tout considérée comme instrument de lutte contre la criminalité urbaine. Le vol, le trafic de stupéfiants et la prostitution sont plus particulièrement visés. Lorsqu'un étranger a été arrêté par la police, l'Office des migrations vérifie si sa présence est indésirable. Si la personne évolue dans certains milieux, si elle est sans ressource ou s'il y a lieu de penser qu'elle ne quittera pas le territoire suisse dans les délais, son séjour est considéré comme indésirable et son renvoi peut être prononcé. Elle est placée en détention en vue de l'exécution de cette décision. En cas d'infraction,
le cas est traité par l'autorité d'instruction. Dans le domaine de l'asile, la détention en vue du refoulement est, en principe, ordonnée lorsque la personne est sous le coup d'une décision de renvoi exécutoire ou qu'elle n'est pas disposée à coopérer aux mesures prises par les autorités. La détention en vue du refoulement est également ordonnée lorsque, bien que disposant des papiers nécessaires, la personne concernée ne quitte pas la Suisse de son plein gré à l'expiration du délai de départ fixé. De 2001 à 2003, 5767 personnes ont été placées en détention en vue du refoulement. Selon les autorités, ce nombre élevé est dû au fait que la ville de Zurich constitue un pôle d'attraction pour les étrangers en situation irrégulière ayant des intentions délictueuses. Les détentions en vue du refoulement ressortissent majoritairement au domaine de la LSEE (74 %).

Un quart des personnes placées en détention de 2001 à 2003 étaient des femmes.

Selon les autorités, cette proportion inhabituellement élevée de femmes s'explique par la grande taille du milieu de la prostitution en ville de Zurich. Près de trois personnes sur cinq placées en détention appartenaient à la tranche d'âge des 18­29 ans. Les 30­39 ans représentaient 26 % et les personnes de 40 ans et plus 12 %. La plus grande partie des personnes détenues étaient originaires de la région EuropeBalkans (31 %) et d'Europe de l'Est (20 %). Cela étant, en comparaison intercantonale, le canton de Zurich comptait une proportion élevée (22 %) de personnes originaires de pays de provenance atypique, en situation irrégulière dans presque tous les cas. Ainsi, un tiers de ces personnes était originaire du Brésil, un autre tiers du reste de l'Amérique du Sud et le dernier d'Europe (à l'exclusion des Balkans et de 2554

l'Europe de l'Est). Les autres personnes concernées provenaient d'Afrique (15 %, dont la moitié d'Afrique occidentale), d'Asie (6 %) et du Moyen-Orient (5 %). Si les requérants d'asile sont principalement africains, les personnes en situation irrégulière sont principalement originaires des Balkans et d'Europe de l'Est. L'existence d'un risque de soustraction au refoulement (art. 13b, al, 1, let. c, LSEE) a été invoqué dans 5425 cas. Près de 4000 d'entre eux n'ont toutefois pas été examinés par le juge de l'arrestation étant donné que, en raison du délai des 96 heures, les personnes en détention n'ont pas dû être déférées devant l'autorité judiciaire. Pour ces cas, c'est l'Office des migrations qui a fixé les motifs de la détention. Les personnes placées en détention en vue du refoulement durant la période examinée l'ont été principalement parce qu'il existait un risque de soustraction au refoulement. Le deuxième motif invoqué est l'art. 13b, al. 1, let. b, LSEE et arrive loin derrière (333 cas, principalement des inobservations de périmètres d'assignation ou d'exclusion ou des comportements délictueux). En outre, l'art. 13b, al. 1, let. a, LSEE a été invoqué dans 9 autres cas. Cet article stipule que les personnes qui se trouvent déjà en détention de phase préparatoire en vertu de l'art. 13a peuvent être mises en détention en vue du refoulement.

Les différences entre les cinq cantons sont très nombreuses. Cela étant, quelques points communs ont pu être identifiés. Ainsi, la détention en vue du refoulement a été, dans les cinq cantons examinés, avant tout ordonnée à l'encontre de la tranche d'âge des 18 à 39 ans et ce sont les hommes qui ont été essentiellement touchés; avec un taux de 25 %, le canton de Zurich est celui dans lequel la part des femmes placées en détention en vue du refoulement a été la plus élevée. Les tranches d'âges, le sexe et, partiellement, les régions de provenance des personnes concernées correspondent à celles de la statistique suisse en matière d'asile. Les cinq cantons présentent certaines similitudes quant aux principaux pays d'origine des personnes placées en détention en vue du refoulement telles que la part très importante des ressortissants de la péninsule balkanique. Dans le canton de Genève, les personnes originaires d'Afrique ont cependant été plus nombreuses que
les ressortissants des Balkans à être détenues alors que, à l'inverse, très peu d'Africains ont été placés en détention dans le canton de Schaffhouse. Dans le canton de Zurich, les ressortissants sud-américains sont représentés de manière plus que proportionnelle. Une comparaison effectuée sur la base du nombre de cas montre que l'éventail est large: il va du «petit» canton de Schaffhouse avec ses 48 cas au canton de Zurich qui en a compté 5767 durant la période sous revue. Cette différence ­ ainsi que le nombre de cas dans les cantons de Bâle-Campagne et du Valais ­ était prévisible, notamment eu égard à l'attribution, par l'ODR, de quotas cantonaux dans le domaine de l'asile. Il est en revanche surprenant de constater que la détention en vue du refoulement n'a été que rarement prononcée dans le canton de Genève. La raison de cet écart par rapport à la moyenne des autres cantons doit être cherchée dans l'esprit différent à la base de la mise en pratique des mesures de contrainte dans ce canton. En effet, dans le domaine de l'asile, le canton de Genève table avant tout sur les conseils en vue du retour et les départs de plein gré. La détention en vue du refoulement est considérée comme moyen de dernier recours. En outre, l'instance judiciaire compétente impose des limites à l'application de cette mesure étant donné qu'elle n'ordonne une détention en vue du refoulement que lorsque la probabilité d'un retour est élevée. Les cantons de Bâle-Campagne, du Valais et de Zurich, qui ont souvent ordonné la mise en détention en vue du refoulement, tiennent également compte des possibilités de retour, mais en interprétant les dispositions légales correspondantes de manière plus large que dans les cantons de Genève et de Schaffhouse. Partant, ils placent égale2555

ment en détention en vue du refoulement des personnes dont le retour, certes possible, est problématique. Quant au canton de Schaffhouse, il applique la détention en vue du refoulement avant tout aux personnes qui peuvent être renvoyées avec une quasi-certitude.

L'existence d'un risque de soustraction au refoulement (art. 13b, al. 1, let. c, LSEE) a été le motif le plus souvent, voire presque exclusivement invoqué par les cantons.

Dans ce domaine également, les pratiques cantonales présentent quelques particularités: Bâle-Campagne et Zurich ont aussi appliqué, et relativement fréquemment, la lettre b de cette même disposition et ordonné la mise en détention pour inobservation de périmètres ou mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle. Dans le canton de Bâle-Campagne, l'inobservation à deux reprises d'un périmètre d'assignation ou d'exclusion est également un motif de mise en détention en vue d'expulsion alors que dans le canton de Genève, un tel cas de figure est sanctionné par l'emprisonnement en vertu de l'art. 23a LSEE. Les pratiques cantonales diffèrent également quant au groupe de personnes principalement visé par la détention en vue du refoulement. Ainsi, dans les cantons de Genève, Bâle-Campagne et Schaffhouse, ce sont principalement des requérants d'asile qui ont été mis en détention dans le cadre de la procédure de renvoi alors que, dans les cantons de Zurich et du Valais, ce sont avant tout les étrangers en situation irrégulière qui ont été placés en détention.

La problématique des différences en matière d'application des mesures de contrainte par les cantons a été abordée lors des entretiens du CPA avec des experts. Pour les autorités cantonales entendues, ces différences ne posent pas de problèmes particuliers. Elles sont le reflet du fédéralisme d'exécution et sont dues à la taille des cantons, à leur environnement politique, à leurs ressources financières et en matière de personnel ainsi qu'aux priorités qu'ils se sont fixées en matière de politique migratoire. En revanche, du point de vue de l'ODM, ce manque d'uniformité est une source de problèmes. Le fédéralisme d'exécution entraîne une perte de contrôle ainsi que des problèmes de coordination, notamment pour l'organisation des départs.

Quant aux experts issus des milieux non gouvernementaux, ils critiquent les
différences en matière d'application des mesures de contrainte. Selon eux, ces disparités provoquent l'incompréhension des personnes visées, voire leur donnent l'impression que l'application des mesures de contrainte est arbitraire et motivée par des sentiments xénophobes, ce qui réduit l'acceptation des décisions.

2.2

Durée et issue de la détention en vue du refoulement

Des caractéristiques telles que les motifs de détention ou la région de provenance des personnes détenues en vue de leur refoulement permettent certes de déterminer l'application par les cantons des mesures de contrainte. Toutefois, la question la plus importante est celle de savoir dans quels cantons la détention en vue du refoulement a le plus fréquemment atteint son objectif principal, à savoir le renvoi des personnes détenues, et cela après quelle durée de détention et pour quel groupe de personnes.

L'analyse globale ainsi que les résultats émanant de cantons ayant fréquemment ordonné des détentions en vue du refoulement ont permis de trouver des liens statistiquement significatifs.

2556

2.2.1

Durée de la détention en vue du refoulement

La durée moyenne est une mesure simple de la durée de la détention: pendant la période sous revue, la détention en vue du refoulement a duré en moyenne 47 jours dans le canton de Bâle-Campagne, 38 jours dans le canton de Genève, 30 jours dans le canton du Valais, 22 jours dans le canton de Zurich et 20 jours dans le canton de Schaffhouse. Considérant les domaines juridiques séparément, il s'avère que le domaine de l'asile présente, en règle générale, une hausse plus considérable de la durée moyenne de détention que celui de la LSEE.14 Il est évident que les moyennes basses sont fortement corrélées avec la fréquence des détentions de courte durée.

C'est ce que permet de constater l'illustration ci-dessous qui présente les durées de détention des cantons selon cinq subdivisions distinctes.15 Illustration 3 Détention en vue du refoulement: durées de détention par canton (LSEE et Asile) 100%

80%

jusqu'à 9 mois

60%

jusqu'à 6 mois

40%

jusqu'à 3 mois

20%

jusqu'à 1 mois jusqu'à 4 jours

0% BL (N =33 7)

G E (N =56 )

SH (N=4 8)

VS (N =74 4)

Z H (N =57 67)

Source: IPZ/CPA

Dans les cantons examinés, de 60 à 80 % des personnes concernées demeurent moins d'un mois en détention. Les détentions durant plus de six mois sont rares (4 % dans le canton de Bâle-Campagne qui en compte le plus), voire nulles (dans le canton de Schaffhouse). Dans quatre cantons, les détentions de très courte durée, c'est-à-dire de 4 jours et moins, sont les plus fréquentes, cela le plus nettement dans 14

15

La durée moyenne de détention dans le domaine de la LSEE et dans celui de l'asile par canton: pour Bâle-Campagne, 15 jours dans le domaine de la LSEE/55 jours dans le domaine de l'asile; pour Genève, 53/31; pour Schaffhouse, 5/31; pour le Valais, 21/40 et pour Zurich, 10/54.

Ces subdivisions ont été délimitées en fonction des dispositions légales régissant la durée de la détention. La première subdivision répertorie les détentions de 4 jours et moins, étant donné que la légalité et l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les 96 heures au plus tard par une autorité judiciaire. La subdivision répertoriant les détentions pouvant aller jusqu'à trois mois s'aligne sur la disposition de l'art. 13b, al. 2, LSEE en vertu de laquelle la détention ne peut dépasser cette durée sans l'accord de l'autorité judiciaire. Avec cet accord, la durée de détention peut ensuite être prolongée de six mois au plus.

2557

les cantons de Schaffhouse et de Zurich. Dans le canton de Genève, les détentions allant de cinq jours à un mois et celles allant de un à trois mois sont un peu plus fréquentes que les détentions de très courte durée. Les cantons de Genève et de Schaffhouse se distinguent par une très faible proportion de détentions durant plus de trois mois. Par rapport à ces deux cantons, les cantons de Bâle-Campagne et du Valais ont ordonné beaucoup de détentions de plus de trois mois. En chiffres absolus, quatorze personnes ont été détenues de six à neuf mois dans le canton de BâleCampagne, une dans le canton de Genève, 17 dans le canton du Valais et 81, dont 62 requérants d'asile, dans le canton de Zurich. En examinant les détentions les plus longues de plus près, on constate que cinq personnes ont été détenues durant neuf mois dans le canton de Bâle-Campagne, 29 l'ont été de huit à neuf mois dans le canton de Zurich et six dans le canton du Valais (dont une personne est allée jusqu'au bout des neuf mois). Dans le canton de Genève, la plus longue détention a duré sept mois. Par ailleurs, pour les cantons de Bâle-Campagne et de Genève, les requérants d'asile sont en général plus nombreux que les étrangers en situation irrégulière pour les cinq subdivisions de détention, alors que pour les autres cantons, cela n'est le cas que pour les durées dépassant un mois. Dans le canton de Zurich, près de 85 % des 3926 personnes placées en détention durant moins de 96 heures étaient des étrangers en situation irrégulière, les requérants d'asile ne représentaient qu'une part de 15 %. Les étrangers en situation irrégulière ont été 640 à avoir subi une détention d'une durée allant de cinq jours à un mois contre 300 requérants d'asile. Pour les autres subdivisions, les personnes ressortissant au domaine de l'asile sont environ deux à quatre fois plus nombreuses que les étrangers en situation irrégulière (313 contre 166 pour la subdivision de un à trois mois, 273 contre 68 pour la subdivision de trois à six mois et 62 contre 19 pour la subdivision de six à neuf mois).16 Comme les différences liées aux valeurs moyennes, les disparités observées d'un canton à l'autre en comparant les détentions ordonnées pour chaque subdivision montrent également que l'application par les cantons de la détention en vue du refoulement n'est pas
uniforme. Les raisons de ces disparités doivent être cherchées non seulement dans l'esprit différent à la base de la pratique en la matière des services des migrations et dans le nombre de renvois exécutés après trois mois de détention, mais également dans la pratique judiciaire et dans l'examen des demandes de prolongation de la détention. En outre, les détentions de très courte durée, c'est-àdire celles qui durent moins de 96 heures, constituent un problème. Dans la mesure où elles n'ont pas été examinées par une autorité judiciaire, on peut se demander si elles ont obéi à un motif légitime.

2.2.2

Issues de la détention en rapport avec la durée de la détention

Pour son enquête, le CPA a réparti les issues de la détention dans les catégories suivantes: renvoi dans le pays d'origine, renvoi dans un Etat tiers, levée de la détention ordonnée par le service des migrations, levée de la détention ordonnée par le juge de l'arrestation ou mise en détention préventive ou pénale. Le recueil de données comporte les informations détaillées à ce sujet. En résumé, il suffit de souligner 16

A ce sujet voir également le tableau de l'annexe 3: Issue de la détention par canton selon la durée de détention et en fonction du régime juridique.

2558

ici que, le renvoi mis à part, la levée de la détention des personnes en situation irrégulière et des requérants d'asile ordonnée par le service des migrations est l'issue la plus fréquente, issue pouvant aboutir au passage à la clandestinité, c'est-à-dire à la soustraction au refoulement, ou à un départ non officiel. Les autres types d'issues sont rares et, pour la plupart, elles ne dépassent guère 1 %. Le tableau ci-dessous présente les résultats sous forme agrégée. Il ne distingue, par canton, que les deux issues principales de la détention en vue du refoulement, soit le renvoi ou le non renvoi, pour les étrangers en situation irrégulière (LSEE), les requérants d'asile (asile) et l'ensemble de ces deux populations (total).

Tableau 1 Issue de la détention en vue du refoulement, par canton Total Renvoi

LSEE

Pas de renvoi

Renvoi

Asile

Pas de renvoi

Renvoi

Pas de renvoi

BL

59 % (n=199)

41 % (n=138)

75 % (n=51)

25 % (n=17)

55 % (n=148

45 % (n=121)

GE

50 % (n=28)

50 % (n=28)

50 % (n=9)

50 % (n=9)

50 % (n=19)

50 % (n=19)

SH

92 % (n=44)

8% (n=4)

100 % (n=19)

0%

86 % (n=25)

14 % (n=4)

VS

77 % (n=570)

23 % (n=174)

87 % (n=356)

13 % (n=52)

64 % (n=214)

36 % (n=122)

ZH

86 % (n=4978)

14 % (n=789)

95 % (n=4025)

5% (n=208)

62 % (n=953)

38 % (n=581)

Moyenne des taux cantonaux

73 %

27 %

81 %

19 %

63 %

37 %

Source: IPZ/CPA

Globalement, il apparaît que les taux de renvoi diffèrent d'un canton à l'autre et vont de 50 % dans le canton de Genève à 92 % dans celui de Schaffhouse. La détention en vue du refoulement s'avère ­ le canton de Genève mis à part ­ plus efficace dans le domaine de la LSEE que dans celui de l'asile. La moyenne des taux cantonaux atteint en effet 81 % de renvois pour ce qui est des étrangers en situation irrégulière.17 Cette proportion importante s'explique principalement par le fait que les étrangers en situation irrégulière disposent de documents de voyage et qu'ils proviennent de pays avec lesquels la Suisse n'a pas de difficultés pour ce qui est de la réadmission de leurs ressortissants. De plus, pour la plupart, les étrangers en situation irrégulière n'ont pas d'intérêt à séjourner en prison, car ils désirent pouvoir se remettre le plus rapidement à la recherche d'une source de rémunération. Dans le domaine de l'asile, le taux de renvoi est un peu plus bas et atteint 63 % en moyenne intercantonale. Avec un taux de renvoi après détention de 86 % dans le domaine de l'asile, le canton de Schaffhouse est le seul à se situer nettement au-dessus de cette 17

Dans le domaine de la LSEE, le taux de renvoi calculé sur l'ensemble de tous les cas des cantons examinés est même plus élevé et atteint 94 % (n = 4460). En revanche, dans le domaine de l'asile, le taux de renvoi calculé sur l'ensemble de tous les cas des cantons est de 62 % (n = 1359). Calculé sur l'ensemble des deux domaines, le taux atteint 84 % (n = 5819).

2559

moyenne. Ce résultat est notamment dû au fait que ce canton ne place généralement en détention que les personnes qui peuvent être renvoyées avec une quasi-certitude.

Les autres cantons placent également en détention des requérants d'asile qui n'ont pas de papiers et dont la vérification de l'identité et l'obtention de documents de voyage posent problème et qui proviennent de pays, africains la plupart du temps, avec lesquels la Suisse n'a pas conclu d'accord sur la réadmission. Le taux peu élevé du canton de Genève est fortement influencé par les nombreux Algériens placés en détention et pour lesquels le consulat avait établi des laissez-passer mais qui s'étaient opposés à leur renvoi en résistant de telle manière qu'aucune compagnie aérienne n'a été disposée à les transporter.

L'analyse des taux de renvoi en fonction de la durée de détention révèle également des écarts importants. Dans les cinq cantons examinés et dans les deux domaines (LSEE et asile), les taux de renvoi diminuent en règle générale au-delà d'un mois de détention. Pour des raisons de simplification, cette tendance est discutée ici à partir des résultats de deux cantons (Schaffhouse et Valais). Les résultats des trois autres cantons peuvent être consultés dans le tableau de l'annexe 3. Dans le canton de Schaffhouse, le taux de renvoi des personnes en situation irrégulière dont la détention a duré jusqu'à quatre jours (17 personnes) et de celles qui ont été détenues durant un mois au maximum (2 personnes) a atteint 100 % dans les deux cas. Dans le canton du Valais, 93 % des personnes en situation irrégulière (soit 168 personnes) ont pu être renvoyées au cours des quatre premiers jours de détention, 92 % (soit 144 personnes) entre le cinquième jour et le premier mois de détention, 67 % (soit 31 personnes) au cours des deux mois suivants, 55 % (soit 12 personnes) au cours des trois mois suivants et encore 33 % (soit 1 personne) au cours des trois derniers mois de détention légale. Les tendances observées en matière de renvoi de requérants d'asile sont les suivantes: Dans le canton de Schaffhouse, 100 % des requérants en détention (soit 13 personnes) ont été renvoyés au cours des quatre premiers jours de détention, 83 % (soit 5 personnes) entre le cinquième jour et le premier mois de détention, 75 % (soit 6 personnes) au cours des
deux mois suivants et 50 % (soit une personne) au cours des trois mois suivants. Dans le canton du Valais, 55 % des requérants qui avaient été placés en détention (soit 59 personnes) ont pu être renvoyés. Le taux monte à 89 % (soit 111 personnes) pour les renvois entre le cinquième jour et le premier mois de détention, puis il diminue à 63 % (soit 35 personnes) au cours des deux mois suivants, à 23 % (soit 8 personnes) au cours des trois mois suivants et à 7 % (soit 1 personne) au cours des trois derniers mois de détention légale. En comparaison, ces taux sont deux fois plus élevés dans le canton de Bâle (14 % ou 2 personnes) et quatre fois plus élevés dans celui de Zurich (29 % ou 18 personnes). En comparaison avec les quatre autres cantons examinés, le taux de renvoi le plus faible (17 % ou 47 personnes) est atteint dans le canton de Zurich durant la période de détention allant de trois à six mois et non pas au cours des trois derniers mois de détention légale. Toujours dans le canton de Zurich, la détention de 226 requérants d'asile a été levée, soit pour garder une certaine réserve et être en mesure de prononcer une nouvelle détention à un moment plus opportun, soit parce que le motif de la détention n'existait plus. La détention des personnes pour lesquelles les chances de renvoi étaient relativement intactes a été prolongée. Ce tri a augmenté la proportion des renvois observée au cours des trois derniers mois de détention légale, sans toutefois permettre de renvoyer plus d'une personne sur trois.

2560

Globalement, force est de constater que des taux de renvoi de plus de 80 % n'ont été atteints que pour les détentions de très courte durée (jusqu'à 96 heures) et de courte durée (de cinq jours à un mois); ils ont été nettement plus bas pour les périodes de détention de plus de trois mois. L'illustration 4 montre que la détention en vue du refoulement est principalement efficace pour les périodes de détention courtes et, en tenant compte du régime juridique, pour les étrangers en situation irrégulière. Les courbes représentent la probabilité d'un renvoi attendue (axe des y) en fonction de la durée de détention (axe des x) calculée à partir des données des cinq cantons observés.

Illustration 4 Détention en vue du refoulement: durée ­ issue 1

Probilité de renvoi

.8

.6

.4

.2 LSEE Asile

0 0

40

80

120

160

200

240

280

durée de la détention en jours Source: IPZ

L'illustration ci-dessus montre que le régime juridique et la durée de la détention influencent la probabilité de renvoi. La probabilité de renvoi diminue fortement avec la prolongation de la durée de la détention. De plus, il est possible de constater qu'elle est, d'une manière générale, plus élevée en ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière que pour les requérants d'asile. En tenant également compte de l'origine des personnes placées en détention en vue du refoulement, on constate que, sur toute la durée, la probabilité de renvoi des personnes en provenance de la péninsule balkanique est toujours plus élevée que celle des ressortissants africains tenus de quitter la Suisse.18 Dans le domaine de l'asile, les taux de renvoi cantonaux en fonction de la durée de la détention montrent que ce sont surtout les détentions courtes qui aboutissent à un renvoi. Lorsque celle-ci se prolonge, le taux de renvoi chute nettement. Certains 18

L'illustration correspondante se trouve à l'annexe 3 du recueil de données, p. 10.

2561

cantons comme Schaffhouse ou Genève, n'ordonnent quasiment pas de longues détentions, ce qui indique que l'interprétation de l'art. 13c, al. 5, let. a, LSEE ­ en vertu duquel la détention doit être levée lorsque le motif de la détention n'existe plus ou lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ­ diffère d'un canton à l'autre. Lorsque l'on examine les longues détentions de plus près, force est de constater qu'elles débouchent sur un renvoi à peine une fois sur trois et que cette proportion peut même tomber à une fois sur dix. On ne peut donc pas s'empêcher de penser que, dans certains cas, la détention en vue du refoulement est aussi utilisée en tant que détention pour insoumission dans le but de faire pression sur les requérants d'asile. Lors des entretiens avec le CPA, les personnes représentant les milieux non gouvernementaux ont également défendu cette interprétation. Dans d'autres cas, le renvoi n'a pas eu lieu étant donné qu'il n'a finalement pas été possible d'obtenir des papiers.

Axée sur le système actuellement en vigueur, la présente analyse statistique ne permet pas de répondre à la question de savoir quels effets une éventuelle prolongation de la durée maximale de la détention en vue du refoulement pourrait avoir sur le taux de renvoi. Certains services des migrations entendus par le CPA espèrent cependant qu'une telle prolongation aura un effet psychologique dissuasif et renforcera la volonté des détenus de coopérer lors de la vérification de leur identité et de l'obtention de papiers. Diverses personnes interrogées ont cependant relevé que le système actuel permet déjà de distinguer très rapidement les personnes disposées à collaborer de celles qui ne le sont pas. La présente enquête confirme cet avis puisqu'elle a permis de montrer que, aussi bien dans le domaine de l'asile que dans celui de la LSEE, les taux de renvoi élevés sont atteints durant les détentions courtes alors que l'actuelle durée maximale de neuf mois de la détention en vue du refoulement n'a pas réussi à motiver certains détenus à coopérer ou à quitter le territoire Suisse.

On peut donc douter que, dans de tels cas, une prolongation de la détention puisse apporter un changement de comportement significatif.

2.2.3

Importance de la détention en vue du refoulement dans le processus d'exécution dans le domaine de l'asile

La confrontation des résultats relatifs à la détention en vue du refoulement avec les sortes et les avis d'exécution de l'ODM permet de montrer leur importance relative.

Cette comparaison n'est effectuée que pour le domaine de l'asile. Le manque d'homogénéité, voire l'absence de données et de références dans le domaine de la LSEE empêche de procéder à une comparaison correspondante. Les données relatives à chaque canton examiné qui figurent dans le tableau 2 ci-après sont tirées des statistiques annuelles de l'ODM. Le tableau ne reprend que les sorties effectives; les exécutions en suspens n'ont pas été prises en compte.

2562

Tableau 2

BL

GE

SH

VS

ZH

236

116

724

137

1213

19 %

10 %

60 %

11 %

100 %

567

277

1439

208

2491

23 %

11 %

58 %

8%

100 %

93

60

314

69

536

17 %

11 %

59 %

13 %

100 %

397

278

1191

114

1980

20 %

14 %

60 %

6%

100 %

1565

1006

4357

737

7665

20 %

13 %

57 %

10 %

100 %

204

112

Part des renvois exécutés après une mise en détention

Nombre de mises en détention en vue du refoulement

Total des sorties

Transfert de compétence au canton et autres sorties (en chiffres absolus et en %)

Départ non officiel (en chiffres absolus et en %)

Renvoi dans le pays d'origine ou dans un Etat tiers (en chiffres absolus et en %)

Départ de plein gré établi (en chiffres absolus et en %)

Sorties et avis d'exécution

Mise en détention en vue du refoulement ayant débouché sur un renvoi (en chiffres absolus et en %)

Sorties et avis d'exécution dans le domaine de l'asile en comparaison avec les détentions en vue du refoulement ordonnées de 2001 à 2003 (BL: 2002 à 2003)19

97 %

55 % 38

19

7%

50 % 29

25

42 %

86 % 336

214

77 %

64 % 1534

953

95 %

62 %

Source: ODR/CPA

Un premier coup d'oeil sur le tableau montre que les pourcentages des différentes formes de sortie varient peu d'un canton à l'autre. Ainsi, le canton de Genève a le taux le plus élevé de départs de plein gré établis (23 %) et le canton de Schaffhouse le plus bas (17 %). Les renvois ­ cette rubrique répertorie les renvois à l'issue d'une détention en vue du refoulement ainsi que ceux qui ont lieu sans détention, mais avec conduite des personnes concernées sous escorte policière jusqu'à l'avion ­ sont assez semblables (leur part oscille entre 10 et 14 %). En comparant les chiffres absolus, il apparaît que, par rapport aux autres cantons, le canton de Genève n'occupe pas la deuxième place en matière de renvois comme cela devrait être le cas selon la clef de répartition de l'ODM20 et comme cela est d'ailleurs le cas pour les 19

20

Explications relatives aux rubriques du tableau: La colonne des départs de plein gré établis répertorie les personnes dont le départ volontaire est établi. La colonne des renvois fait état des personnes qui ont été contraintes de retourner dans leur pays d'origine ou de se rendre dans un Etat tiers. Les personnes dont le lieu de séjour n'est pas connu de la police des étrangers sont mentionnées dans la rubrique des départs non officiels. La colonne des transferts de compétence au canton rassemble les cas dont la réglementation des conditions de résidence a été transférée à la police des étrangers en vertu de la LSEE (en cas de mariage, par exemple). Les autres sorties répertorient notamment les personnes décédées en cours de la procédure d'exécution ou celles dont les demandes ont été rayées du registre en raison du dépôt de plusieurs demandes. Bâle-Campagne sans 2001 étant donné que, dans ce canton, les données relatives à la détention en vue du refoulement ne couvrent pas toute cette 'année.

Selon cette clef de répartition, les cinq cantons examinés se voient attribuer les parts suivantes: BL 3,7 %, GE 5,6 %, SH 1,1 %, VS 3,9 % et ZH 17 %.

2563

autres sorties et avis d'exécution. De toute évidence, le canton de Genève recourt moins au renvoi et, en comparaison avec le canton du Valais, compte un nombre important de départs de plein gré. L'illustration 5 présente les sorties et avis d'exécution du tableau 2 (colonnes 2 à 5) sous forme graphique.

Illustration 5 Sorties et avis d'exécution dans le domaine de l'asile, de 2001 à 2003 (BL: 2002 à 2003) 100% 80%

Transfert de compétence au canton et autres sorties

60%

Départ non officiel

40%

Renvoi dans le pays d'origine ou dans un Etat tiers Départ de plein gré établi

20% 0% BL GE SH VS ZH (N=1213) (N=2491) (N=536) (N=1980) (N=7665)

Source: ODR

Comme cela a déjà été relevé, les renvois dans le pays d'origine ou dans un Etat tiers oscillent entre 10 et 14 %. Une comparaison avec le nombre de personnes qui ont été préalablement placées en détention en vue du refoulement donne des résultats extrêmement contrastés (illustration 6). Les cantons de Bâle-Campagne et de Zurich ont placé en détention en vue du refoulement respectivement 97 et 95 % des personnes qui ont été renvoyées contre 7 % pour le canton de Genève (voir également la dernière colonne du tableau 2).

Illustration 6 Renvois avec et sans détention en vue du refoulement, de 2001 à 2003 (BL: 2002 à 2003) 100% Renvois sans mise préalable en détention en vue du refoulement

80% 60% 40%

Renvois avec mise préalable en détention en vue du refoulement

20% 0% BL (N=116) GE (N=277) SH (N=60) VS (N=278)

Source: CPA

2564

ZH (N=1006)

Dans le canton du Valais et dans le canton de Schaffhouse, respectivement 77 et 42 % des personnes renvoyées ont été préalablement placées en détention. Dans le canton de Zurich, la plupart des personnes tenues de quitter le territoire ont été brièvement mises en détention avant leur départ afin d'éviter qu'elles ne s'y soustraient, réduisant à néant les importants efforts préparatoires des autorités. Seul un petit nombre de personnes renvoyées (5 %) ­ plus particulièrement des familles ­ ont été conduites à l'aéroport sous escorte policière sans avoir dû subir une détention préalable. La situation est comparable dans les cantons de Bâle-Campagne et du Valais. En revanche, dans le canton de Schaffhouse, la part des personnes renvoyées après une mise en détention en vue du refoulement est plus basse (42 %) que celle des personnes renvoyées sans avoir été placées en détention. Il apparaît qu'un nombre relativement important d'étrangers renvoyés le sont sans détention préalable: comme dans le canton de Genève, ils sont simplement conduits à l'aéroport sous escorte policière. Ce résultat montre qu'un usage fréquent de la détention en vue du refoulement n'est pas forcément suivi d'un pourcentage de renvois élevé et que cette forme de détention n'est qu'un instrument de renvoi parmi d'autres.

Eu égard aux différences constatées entre les cantons examinés, il convient de se poser la question de savoir dans quelle mesure la mise en détention en vue du refoulement est nécessaire pour assurer le renvoi des personnes concernées. En effet, la proportion de renvois dans le canton de Genève est très proche de celle du canton de Zurich, respectivement 11 et 13 %. Le canton de Genève a placé seulement 7 % des personnes renvoyées en détention en vue du refoulement alors que, dans le canton de Zurich, cette part atteint 95 %. Au cours des entretiens avec le CPA, les personnes représentant les milieux non gouvernementaux ont remis en cause la nécessité de la détention en vue du refoulement. Ils se sont également montrés très critiques en ce qui concerne les motifs de détention. Ils ont signalé que le canton de Zurich plaçait également des personnes pouvant être facilement renvoyées en détention sans motif et sans que des indices concrets fassent craindre qu'elles puissent se soustraire au refoulement. Etant donné
qu'elles aboutissent à un renvoi dans les 96 heures, ces détentions ne sont examinées par aucune autorité judiciaire.

Le tableau 2 montre également les taux de renvoi différents enregistrés pour les requérants d'asile placés en détention en vue du refoulement (avant-dernière colonne): Dans le canton de Zurich, 62 % des 1534 personnes placées en détention ont été renvoyées alors que les 581 autres (38 %) n'ont pas pu l'être. Dans le canton de Genève, cette proportion atteint 50 %, mais cela ne correspond qu'à dix-neuf personnes. Cela a son importance du point de vue des implications financières. La question du coût des renvois est abordée à la section suivante.

L'illustration 5 et le tableau 2 présentent également la part des départs non officiels.

Les cantons examinés ne se différencient que très peu sur ce point. Le tableau ne permet pas de répondre à la question de savoir si le fait de recourir fréquemment à la détention en vue du refoulement a plutôt tendance à empêcher ou, au contraire, à encourager les requérants d'asile tenus de quitter le territoire à se soustraire au refoulement. Les résultats disponibles ne permettent pas d'affirmer que les différences constatées au niveau des parts des renvois exécutés après une mise en détention sont dues au fait que le risque de passage à la clandestinité est plus élevé dans les zones de concentration urbaine, raison pour laquelle il serait nécessaire de placer les personnes concernées en détention afin de garantir leur renvoi. Comme le canton de Zurich, le canton de Genève est également un canton à forte concentration urbaine.

2565

Leurs taux de renvoi sont comparables, mais leurs politiques en matière de détention sont différentes.

Pour pouvoir mettre en évidence les effets possibles de la pratique en matière de renvoi sur le processus d'exécution de ceux-ci, les effectifs des personnes pour lesquelles la procédure est en cours ont été relevés à fin 2000 et fin 2003 (étrangers admis provisoirement non compris). Les personnes qui se trouvent dans la procédure d'exécution du renvoi sont celles dont la demande d'asile a été refusée et est exécutoire.21 A la base du tableau ci-dessous, il y a l'hypothèse selon laquelle le nombre de personnes dans la procédure d'exécution du renvoi devrait correspondre au nombre théorique selon la clef de réparation des demandes d'asile. Les chiffres effectifs sont comparés à une valeur cible calculée à partir du total des personnes qui se trouvaient dans la procédure au cours des années correspondantes et pour l'ensemble de la Suisse. Ce total est réparti entre les cantons examinés en fonction de la clef de répartition des demandes d'asile.

Tableau 3 Personnes en procédure de renvoi (aux 31.12.2000 et 31.12.2003) Personnes en procédure de renvoi au 31.12.2000

Valeur cible (calculée à partir du total pour l'ensemble de la Suisse)

BL

448

512

GE

1183

SH

Différence entre valeur effective et valeur cible au 31.12.2000

Personnes en procédure de renvoi au 31.12.2003

Valeur cible (calculée à partir du total pour l'ensemble de la Suisse)

Différence entre valeur effective et valeur cible au 31.12.2003

­ 64 (­ 13 %)

638

641

­3 (­ 0,5 %)

774

+ 409 (+ 53 %)

1525

970

+ 555 (+57 %)

72

152

­ 80 (­ 53 %)

142

191

­ 49 (­ 26 %)

VS

419

539

­ 120 (­ 22 %)

554

676

­ 122 (­ 18 %)

ZH

2303

2350

­ 47 (­ 2 %)

3489

2945

+ 544 (+ 18 %)

Source: ODR/CPA

La comparaison entre la deuxième et la cinquième colonne du tableau 3 montre que le nombre de personnes qui se trouvent dans la procédure d'exécution du renvoi a augmenté dans tous les cantons. Il est cependant à noter que le canton de Genève se distingue par des effectifs proportionnellement élevés. Pour chaque canton, les augmentations en chiffres absolus constatées doivent cependant être relativisées en les mettant en regard avec les valeurs cibles calculées à partir de l'effectif des procédures en cours pour toute la Suisse. Ces valeurs ont été introduites par canton dans les troisième et quatrième colonnes du tableau 3. Lorsque la différence est négative 21

La statistique correspondante de l'ODM fait les distinctions suivantes: personnes dont l'exécution du renvoi est interrompue, personnes pour lesquelles l'obtention des papiers est en cours (personnes pour lesquelles une demande d'aide à l'exécution des renvois est en cours auprès de l'ODM), personnes en cours de départ et les cas spéciaux.

2566

(colonnes 4 et 7), cela signifie que le canton concerné n'atteint pas l'effectif de personnes en cours de procédure qui pourrait être le sien sur la base de la clef de répartition. En 2000, c'est le cas pour les cantons de Bâle-Campagne, de Schaffhouse, du Valais et de Zurich. Pour l'ODM, ces cantons remplissent leur mandat d'exécution de ce point de vue. Le canton de Genève présente en revanche un excédent de 409 personnes, ce qui signifie qu'il compte un nombre élevé de cas en suspens. En consultant la septième colonne, force est de constater que, en 2003, le nombre de cas en suspens y a augmenté de 53 à 57 % par rapport à la valeur cible.

Entre-temps, le canton de Zurich compte également plus d'étrangers en cours de procédure d'exécution que ce qui devrait être le cas selon la clef de répartition. Fin 2003, les cantons de Bâle-Campagne et de Schaffhouse se trouvent certes encore en deçà de la valeur cible, mais ils comptent un peu plus de cas en suspens qu'à fin 2000. Seul le canton du Valais a connu une certaine stabilité. La dispersion des résultats ne permet pas de confirmer que la fréquence avec laquelle la détention en vue du refoulement est ordonnée influence l'effectif des personnes se trouvant dans la procédure d'exécution du renvoi. Ainsi, bien qu'ayant fréquemment fait usage de cette mesure, le canton de Zurich a enregistré une augmentation importante par rapport à la valeur cible alors que le canton de Genève ­ dans des conditions initiales défavorables (nombreux cas en suspens) ­ n'a connu qu'une augmentation de 4 % malgré une application très retenue de la détention.

2.3

Coûts de la détention en vue du refoulement

La section 2.2 a permis de se pencher sur les différentes pratiques des cantons en matière de durée de la détention et de comparer les différents taux de renvoi. L'objet de la présente section est de mettre ces résultats en rapport avec les coûts de détention dans les domaines de l'asile et de la LSEE. A cet égard, il convient de mentionner en préambule, que les cinq cantons ont souligné que le facteur coût n'est pas pris en compte lors de la décision de mise en détention en vue du refoulement. A l'exception du canton de Zurich qui ordonnerait plus de mises en détention s'il disposait de plus grandes capacités de détention, les autres cantons examinés ont indiqué qu'ils disposaient d'un nombre de places suffisant pour la mise en détention des personnes concernées et que, le cas échéant, ils pouvaient louer des capacités supplémentaires dans un autre canton. Si les cantons doivent assumer eux-mêmes les frais de détention dans le domaine de la LSEE, l'ODM les indemnise en versant 130 francs par jour et par requérant d'asile détenu.22 Les coûts par jour de détention varient d'un canton à l'autre. Ainsi, le canton de Bâle-Campagne compte 300 francs par jour et celui de Genève 260 francs par jour alors que les cantons de Schaffhouse, du Valais et de Zurich arrivent à un coût de 160 francs par jour et par personne détenue. Une simple comparaison de l'ensemble des frais de détention en vue du refoulement entre les cinq cantons ne serait guère judicieuse étant donné que le coût d'un jour de détention varie quasiment du simple au double selon le canton, et que les cantons n'utilisent pas tous une comptabilité en coûts complets. Pour cette raison, la comparaison est limitée à la part des coûts consentis par les cantons pour la 22

En 2003, les coûts de détention de phase préparatoire et en vue du refoulement supportés par l'ODR de l'époque ont atteint 8,45 millions de francs (y compris les frais de santé durant la détention). Ils se sont montés à 7,59 millions de francs en 2002 et à 6,99 millions de francs en 2001.

2567

détention des personnes qui ont pu être renvoyées et à la part consacrée à la détention des personnes qui n'ont pas pu être renvoyées.

L'objectif de la détention en vue du refoulement est le rapatriement ou le renvoi vers un Etat tiers. Il est possible de partir du principe que les moyens engagés pour une détention en vue du refoulement l'ont été de manière efficace lorsque la détention a débouché sur un renvoi.

Illustration 7 Parts des coûts de détention des cantons en fonction de l'issue de la détention dans les domaines de la LSEE et de l'asile (2001 à 2003) 100% 80% Part des coûts de détention imputables aux personnes non renvoyées

60% 40%

Part des coûts de détention imputables aux personnes renvoyées

20% 0% ZH VS SH GE BL (4, (19 (3, (0.

(0, 7m 5m 16 56 ,9 mio mio mio io.

io.

fr. ) . fr fr.)

. fr . fr .)

.)

.)

Source: IPZ/CPA

La comparaison est la plus favorable pour le canton de Schaffhouse: 67 % de l'ensemble des coûts de détention en vue du refoulement peuvent être imputés aux personnes qui ont pu être renvoyées à l'issue de la détention. Cela s'explique notamment par le fait que, dans ce canton, les détentions sont avant tout de courte durée, donc économiquement plus avantageuses, et que le taux de renvoi y est élevé.

Pour les autres cantons, c'est la part des coûts imputables à la détention des étrangers qui n'ont pas pu être renvoyés qui prédomine, et c'est dans le canton de Genève que cette part est la plus élevée (75 %). Elle atteint 63 % dans le canton de Bâle, 57 % dans le canton de Zurich et 53 % dans le canton du Valais.

L'analyse des coûts par subdivision de durée permet de faire les observations suivantes: Pour les détentions allant jusqu'à trois mois et pour tous les cantons analysés à l'exception de Genève, les coûts de détention imputables aux personnes ayant pu être renvoyées à l'issue de la mesure sont plus élevés que ceux imputables aux personnes dont la détention a été levée. Pour les détentions de plus de trois mois, les coûts de détention imputables aux personnes n'ayant pas pu être renvoyées dominent fortement. Les longues périodes de détention génèrent des coûts élevés comme dans le canton de Zurich, où l'ensemble des coûts de détention des 341 personnes qui ont été détenues de trois à six mois a atteint 8,3 millions de francs. De ce montant, 6,6 millions de francs ont été consacrés à la détention de 226 requérants d'asile et 33 étrangers en situation irrégulière qui n'ont pas pu être renvoyés à l'issue de la détention. En comparaison, la détention des 3926 personnes détenues moins de 96 heures 2568

a coûté 1,7 million de francs, dont 57 000 francs imputables à la détention des personnes n'ayant pas pu être renvoyées. Cela étant, ces chiffres n'englobent pas la part des frais de personnel induits à l'échelon des services des migrations, de la police et des juges. A quelques exceptions près, il n'a pas été possible de les calculer de manière précise dans le cadre de cette enquête. En ce qui concerne le canton de Zurich, l'ensemble des frais judiciaires a été estimé à 500 000 francs pour 800 cas par an.

Le par. 2.2.3 a permis de montrer que les taux de renvoi après détention en vue du refoulement et de renvois sous contrainte policière le jour du renvoi ­ mais sans détention préalable ­ diffèrent fortement d'un canton à l'autre. Au vu de ce constat, il est intéressant de replacer les coûts de détention imputables au domaine de l'asile dans le cadre plus général de celui de tous les renvois. Les comparaisons de coûts ciaprès s'entendent sans les coûts de l'escorte policière jusqu'à l'avion ou à l'établissement de détention en vue du refoulement étant donné qu'ils doivent être pris en charge dans les deux variantes. Les cantons de Genève et de Zurich ont été choisis pour illustrer la comparaison au vu des différences caractérisant leurs pratiques en matière de mesures de contrainte. Partant de l'hypothèse qu'ils ont été calculés au moyen d'une comptabilité en coûts complets et que la différence importante (260 francs dans le canton de Genève et 160 francs dans celui de Zurich) peut être due à la différence de taille des établissements de détention, les coûts par jour de détention n'ont pas été harmonisés. Dans le canton de Genève, 38 requérants d'asile ont effectués 1188 jours de détention durant la période sous revue et seuls dix-neuf d'entre eux ont finalement pu être renvoyés. Ceux-ci compris, le canton de Genève a pu au total renvoyer 277 requérants d'asile. La répartition du total des coûts de détention imputables aux cas relevant du domaine de l'asile sur les requérants d'asile qui ont pu être renvoyés, avec ou sans détention préalable, fait apparaître de grandes différences de coûts. Avec un coût de détention de 260 francs par jour, un requérant d'asile renvoyé coûte en moyenne 1115 francs23 au canton de Genève alors que, avec un coût de détention de 160 francs par jour, le canton de Zurich
dépense en moyenne 13 629 francs24 par requérant d'asile renvoyé. Dans le canton de Bâle-Campagne, ces coûts se situent même au-delà, soit à 31 000 francs, en raison notamment du fait que ce canton comptabilise 300 francs par jour de détention.25 A l'inverse, ce montant est bien en dessous pour le canton de Schaffhouse (2467 francs). Ces différences considérables montrent que le rapport entre la fréquence et la durée avec lesquelles le canton ordonne la mise en détention en vue du refoulement et le total des personnes renvoyées a une forte incidence sur les coûts.

En ce qui concerne la pratique genevoise, il y a certes toujours le risque que, le jour du départ, la police ne trouve pas la personne à renvoyer, provoquant ainsi des frais supplémentaires étant donné qu'il n'est pas possible d'annuler un billet d'avion à si 23 24

25

Canton de Genève: 1188 jours de détention * 260 francs par jour / 277 requérants d'asile renvoyés = coût par requérant d'asile renvoyé.

Canton de Zurich: 85 696 jours de détention (y compris 2433 jours de détention de phase préparatoire) * 160 francs par jour / 1006 requérants d'asile renvoyés = coût par requérant d'asile renvoyé Des différences évidentes apparaissent aussi entre les autres cantons: dans le canton de Bâle-Campagne, les coûts de renvoi se montent à Fr. 31 549 (12199 jours de détention * 300. Fr. / 116 renvois), dans le canton de Schaffhouse, à Fr. 2467 (925*160/60) et dans le canton du Valais, à Fr. 7715 (13404*160/278), toujours y compris la détention de phase préparatoire, puisque quelques renvoyés ont été refoulés directement après la détention de phase préparatoire ou ont été mis en détention en vue du refoulement. Pour le canton de Bâle-Campagne, les chiffres se réfèrent uniquement aux données de 2002 et 2003.

2569

court terme. Les autorités genevoises estiment que ce cas de figure se présente environ 30 fois par année.

La plupart des représentants des autorités cantonales interrogées sont d'avis que l'utilité des mesures de contrainte justifie les efforts parfois importants qu'elles impliquent et les coûts qu'elles occasionnent. Ils estiment cependant que, financièrement, les cantons sortent perdants d'une application résolue de ces mesures. La plus grande part des coûts générés par la détention en vue du refoulement l'est pour des personnes qui ne pourront finalement pas être renvoyées. Lorsqu'un canton place systématiquement en détention en vue du refoulement toutes les personnes pour lesquelles un renvoi paraît techniquement possible, les coûts de détention qu'il doit assumer augmentent avec la durée de celle-ci, sans que le renvoi soit garanti pour autant. De l'avis du représentant de l'un des services des migrations, l'action des pouvoirs publics ne se mesure toutefois pas uniquement à l'aune des coûts, mais également à la crédibilité des autorités fondée sur une application conséquente du droit des étrangers. Pour asseoir cette crédibilité, l'Etat doit parfois engager des moyens de manière économiquement inefficace. Des représentants d'autres cantons soulignent que l'efficacité de la détention en vue du refoulement pourrait être améliorée en l'adaptant aux différentes mentalités et nationalités des requérantes d'asile et des étrangers en situation irrégulière, notamment en élargissant les motifs de mise en détention ou en étendant la durée de détention maximale. Pour le représentant de l'un des cantons, les avantages de la détention ne justifient pas son coût. La détention en vue du refoulement devrait être prononcée de manière plus ciblée. D'autres sont d'avis que même lorsque la détention en vue du refoulement n'a pas directement permis le renvoi d'une personne, elle peut tout de même inciter celle-ci à mettre fin à son séjour en Suisse. Dans l'un des cantons examinés, l'autorité compétente a constaté que la majorité des personnes qui ont été mises en détention finissent par quitter la Suisse. Pour leur part, les personnes interrogées issues des milieux non gouvernementaux estiment que la détention en vue du refoulement est une mesure coûteuse, cela d'autant plus qu'elle est parfois ordonnée à
l'encontre de personnes qui auraient quitté le territoire suisse en tout état de cause. Ils sont en outre d'avis que, dans certains cas, l'assignation à un lieu de séjour serait une mesure moins coûteuse. Certains d'entre eux ont plus particulièrement relevé que les moyens consacrés à la détention pourraient être investis plus efficacement dans d'autres domaines, notamment en faveur des conseils en vue du retour ou de programmes de rapatriement.

2.4

Application de la détention de phase préparatoire

En vertu de l'art. 13a LSEE, l'autorité cantonale peut, pendant la préparation de la décision sur le droit de séjour, ordonner la détention d'un étranger qui ne possède pas d'autorisation régulière de séjour ou d'établissement afin d'assurer le déroulement d'une procédure de renvoi. Cette forme de détention peut notamment être ordonnée lorsque la personne concernée refuse, lors de la procédure d'asile ou de renvoi, de décliner son identité, qu'elle n'observe pas un périmètre d'assignation ou d'exclusion ou une interdiction d'entrer en Suisse. La détention de phase préparatoire peut être ordonnée pour une durée de trois mois au plus.

2570

Les cantons examinés n'appliquent la détention de phase préparatoire que très rarement, voire jamais. Durant la période sous revue, il n'y a eu au total que 58 mises en détention en vertu de l'art. 13a LSEE. Sept d'entre elles ont été ordonnées à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière, les autres à l'encontre de requérants d'asile. Cette forme de détention a été le plus fréquemment ordonnée dans les cantons de Zurich (29 fois) et de Bâle-Campagne (24 fois). Elle n'a jamais été ordonnée dans le canton de Genève, une fois dans le canton de Schaffhouse et quatre fois dans le canton du Valais.26 Dans le canton de Bâle-Campagne, seuls des hommes ont été placés en détention de phase préparatoire alors que dans le canton de Zurich, cette forme de détention a également été ordonnée à l'encontre de quelques femmes. La plupart des personnes placées en détention en vertu de l'art. 13a LSEE étaient âgés de 18 à 39 ans. Dans les deux cantons, le groupe des personnes d'origine africaine était le plus important, suivi du groupe des personnes originaires du Moyen-Orient, d'Europe de l'Est et des Balkans. Dans le canton de Zurich, le motif le plus souvent invoqué (quatre fois sur cinq) était la mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle (art. 13a, let. e, LSEE). Le canton de Bâle-Campagne a invoqué ce motif pour un cas sur quatre. Dans ce canton, le motif le plus souvent invoqué (50 % des cas) est l'inobservation d'un périmètre d'assignation ou d'exclusion (art. 13a, let. b, LSEE). Dans le canton de Bâle-Campagne, la détention de phase préparatoire a en moyenne duré 49 jours contre 85 dans celui de Zurich. En d'autres termes, ce dernier a pratiquement systématiquement épuisé la durée maximale (90 jours) de cette forme de détention qui a abouti à seize levées de la détention, à dix renvois dans le pays d'origine, à deux transferts en détention pénale ainsi qu'à une issue différente.

Dans le canton de Bâle-Campagne, les issues de la détention de phase préparatoire diffèrent de celles dans le canton de Zurich: la majorité des personnes qui avaient été placées en détention de phase préparatoire (15 personnes) ont été placées en détention en vue du refoulement, cinq personnes ont pu être renvoyées directement dans leur pays d'origine et l'office des migrations n'a levé la détention qu'à quatre reprises
(dans trois de ces cas, la détention a duré presque trois mois). Les détentions de phase préparatoire ayant été peu nombreuses, il n'est pas possible d'en tirer des informations statistiquement significatives.

A la question de savoir pourquoi la détention de phase préparatoire n'est guère, voire pas du tout appliquée, un représentant de l'un des cantons examinés a indiqué que durant cette phase de la procédure, le lieu de séjour du requérant d'asile concerné est connu. D'une manière générale, les représentants des autorités cantonales concernées ont souligné que cette forme de détention n'est pas fréquemment ordonnée étant donné qu'il n'y a que très peu de cas auxquels elle peut s'appliquer. La détention de phase préparatoire est principalement ordonnée à l'encontre de personnes qui font l'objet de poursuites pénales sans pouvoir être emprisonnées pour autant. La lettre a de l'art. 13a LSEE, soit le refus d'indiquer son identité, n'a été que rarement appliquée27 tant il est vrai que, pour la plupart, les étrangers donnent une fausse identité et que cela ne peut pas être prouvé. Pour des raisons liées à la protection des données, les autorités ne peuvent en effet pas procéder à des vérifications d'identité auprès des pays d'origine probables avant qu'une décision de renvoi 26

27

Dans trois des quatre cas valaisans, la détention de phase préparatoire a duré moins de quatre jours; eu égard au peu d'importance de cette forme de détention dans ces trois cantons, l'analyse a été limitée aux cas bâlois et zurichois.

Une fois dans le canton de Bâle-Campagne et deux fois dans les cantons du Valais et de Zurich.

2571

exécutoire ait été prononcée. De plus, dans certains cas, la détention en vue du refoulement peut être ordonnée directement (maintien en détention en vue du refoulement d'une personne en situation irrégulière qui dépose une demande d'asile alors qu'elle est déjà détenue à ce titre).

3

Améliorations de l'exécution des renvois et effets secondaires de la détention en vue du refoulement

Les résultats exposés dans le présent chapitre sont tirés de l'analyse du contenu des procès-verbaux des entretiens réalisés par le CPA. Ils concernent les réponses à la troisième des questions à la base de l'enquête: Les mesures, notamment la détention en vue du refoulement, ont-elles permis l'amélioration voulue de l'exécution des renvois? S'accompagnent-elles d'effets secondaires indésirables?

L'amélioration voulue fait l'objet de la section 3.1. La section 3.2 explore d'autres facteurs importants du point de vue de l'exécution. La collaboration entre autorités cantonales et fédérales, autre facteur important, est traitée à la section 3.3. Les effets secondaires, positifs et indésirables, sont abordés à la section 3.4. Le présent chapitre doit être lu dans la perspective des résultats de l'analyse statistique présentés au chapitre 2.

3.1

Amélioration de l'exécution des renvois

Les mesures de contrainte visent une amélioration de l'exécution des renvois. Elles cherchent notamment à assurer le renvoi, à accélérer la procédure et à prévenir les abus dans le domaine de l'asile. Lors des entretiens avec le CPA, les experts ont été interrogés sur la détention en vue du refoulement afin de savoir si elle a permis de réaliser ces améliorations et d'autres encore.

Pour les représentants des autorités de deux cantons, la réponse à la question de savoir si la détention en vue du refoulement a permis d'assurer le renvoi est oui, sans réserve. Placées en détention, les personnes devant être renvoyées ne peuvent se soustraire au renvoi durant le processus d'obtention des papiers et elles peuvent être renvoyées immédiatement à réception de ceux-ci. Pour les représentants d'autres cantons, la garantie du renvoi n'est réalisée que dans certaines conditions.

L'exécution d'un renvoi ne dépend pas uniquement de la mise en détention: la nationalité et le comportement de la personne à renvoyer sont également des facteurs cruciaux. Si la collaboration avec la représentation du pays d'origine échoue, il n'est plus possible de garantir le renvoi. Les représentants des autorités fédérales estiment que la garantie du renvoi est un objectif qui a été partiellement atteint. Par rapport à ce qu'elle était avant l'entrée en vigueur des mesures de contrainte, la situation s'est améliorée. Le problème réside dans le fait qu'il y a actuellement des cas de renvoi plus compliqués qu'auparavant. Les personnes issues des milieux non gouvernementaux supposent également que l'objectif de l'assurance du renvoi a pu être atteint dans une certaine mesure. L'ensemble des avis exprimés montre que l'issue d'une procédure dépend dans une grande mesure de facteurs tiers. Ceux-ci seront abordés à la section suivante.

2572

Outre la garantie du renvoi, la détention en vue du refoulement vise également l'accélération de la procédure de renvoi. L'art. 13b, al. 3, LSEE (obligation de célérité) invite les autorités cantonales à entreprendre les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion sans tarder. De l'avis des représentants des services des migrations de deux cantons, la détention en vue du refoulement ­ lorsqu'elle peut être légitimement ordonnée ­ accélère effectivement la procédure de renvoi: les personnes placées en détention sont en tout temps disponibles pour des renseignements et les communications peuvent leur être transmises directement. Les représentants des services des migrations d'autres cantons et les représentants des autorités fédérales estiment que la détention en vue du refoulement a partiellement contribué à accélérer la procédure, mais que, dans ce domaine également, les mesures de contrainte ne sont pas les seuls facteurs décisifs et que des éléments externes tels que la nationalité des personnes à renvoyer jouent aussi un rôle important.

Aujourd'hui, les personnes devant être renvoyées proviennent de pays pour lesquels la procédure de renvoi s'avère extrêmement complexe. L'une des personnes issues des milieux non gouvernementaux estime que l'accélération de la procédure de renvoi est un objectif qui n'a été que partiellement atteint et que, de ce point de vue, d'autres mesures telles que le soutien à l'exécution accordé par la Confédération seraient plus efficaces que la détention en vue du refoulement.

La prévention des abus dans le domaine de l'asile, et en particulier de la délinquance des étrangers, fait également partie des objectifs des mesures de contrainte. Ce point est traité plus en détail au chapitre 4. A cet égard, il convient simplement de noter que les représentants de certaines autorités estiment que la détention en vue du refoulement a un certain succès dans la lutte contre la délinquance. En tout état de cause, elle permet de mettre les petits délinquants en détention durant un certain temps. En revanche, le représentant d'un autre canton est d'avis que la menace de détention n'a pas d'effet préventif sur la délinquance. Les représentants des autorités fédérales soulignent que le rôle principal dans la prévention de la délinquance est avant tout réservé à
la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion.

Selon l'une des personnes issues des milieux non gouvernementaux, les périmètres d'assignation ou d'exclusion peuvent avoir une certaine efficacité sur la délinquance des étrangers, principalement lorsqu'ils permettent d'éliminer des scènes de la drogue. La délinquance ne peut toutefois qu'être rendue plus difficile, mais pas empêchée.

Bien que, pour la plupart, les représentants des autorités cantonales estiment que les mesures de contrainte ont contribué à améliorer l'exécution des renvois, ils ont simultanément constaté que cet instrument présentait également des points faibles étant donné que les contraintes légales et des conditions extérieures ne permettent pas d'y recourir dans de nombreux cas. Il n'est alors ni possible de garantir le renvoi, ni possible d'accélérer la procédure.

3.2

Cadre de l'exécution des renvois

Les effets souhaités de la détention en vue du refoulement dépendent également du contexte. Une série de conditions extérieures doivent être remplies avant que la mesure produise des effets. Si ces conditions ne sont pas remplies, les mesures de contrainte ne peuvent pas être appliquées ou n'ont pratiquement aucun impact. Au

2573

cours des entretiens, les interlocuteurs du CPA ont plusieurs fois mentionné ces conditions cadres.

Pour que les mesures de contrainte puissent permettre de réaliser les améliorations attendues, les personnes interrogées s'accordent à dire qu'il est indispensable de conclure des accords sur la réadmission avec les pays d'origine des personnes devant être renvoyées ainsi qu'avec des Etats tiers. Entre autres dispositions, ce genre d'accord prévoit que le pays d'origine s'engage à reprendre ses ressortissants sur demande de la Suisse. De l'avis des représentants des autorités fédérales, un tel accord n'offre pas encore la garantie que les renvois se déroulent sans anicroche. De plus, de nombreux pays acceptent de reprendre leurs ressortissants, même en l'absence d'accord sur la réadmission. Ceux-ci ne sont donc pas indispensables. Il est en revanche important que les autorités suisses entretiennent des contacts avec les pays d'origine en question afin qu'il soit possible de trouver des solutions. Les représentants des cantons estiment que la Confédération devrait s'engager plus énergiquement dans ce domaine et, notamment, chercher des solutions en collaboration avec d'autres Etats de destination de requérants d'asile.

Les représentants des autorités ainsi que les autres personnes interrogées ont souligné que les systèmes d'incitation peuvent contribuer à motiver les personnes en situation irrégulière à retourner dans leur pays. Dans ce contexte, les mesures de contrainte servent essentiellement de moyen de pression pour les personnes qui préfèrent séjourner illégalement en Suisse plutôt que de faire appel à l'aide au retour. Cela étant, l'aide au retour ne constitue une mesure appropriée que pour les rapatriements vers des pays d'origine qui permettent d'office à leurs ressortissants renvoyés de rentrer. En outre, l'aide au retour peut également avoir des effets indésirables dans la mesure où elle peut constituer une incitation à émigrer.

Un troisième facteur fréquemment mentionné lors des entretiens, principalement par les représentants des autorités, est le fait qu'un renvoi est quasiment impossible si l'identité des personnes tenues de quitter le territoire national ne peut être établie ou qu'il n'est pas possible d'obtenir des documents de voyage. Or, la détention en vue du refoulement ne
permet souvent pas d'inciter les personnes détenues à coopérer à la vérification de leur identité. Les personnes en provenance de certains pays, notamment d'Afrique, préfèrent souvent accepter une détention à un retour dans leur pays d'origine. Les raisons de cette attitude sont à chercher dans le prix élevé payé pour venir en Suisse et dans le fait qu'ils n'ont aucune perspective s'ils restent chez eux. En outre, le régime de détention est également un facteur décisif quant à la volonté de coopérer. D'après les représentants des autorités cantonales, plus le régime de détention est coulant, moins les personnes détenues sont disposées à coopérer. Les activités proposées avec la possibilité de gagner un peu d'argent, la possibilité de recevoir des visites ou la télévision rendent la détention supportable.

Toutefois, certains cantons ont tout de même fait de bonnes expériences en la matière. La plupart du temps, la disposition à coopérer apparaît rapidement, au début de la détention déjà. Une autre mesure préconisée serait de réduire l'attrait de la Suisse en tant que terre d'asile comme cela a notamment été entrepris dans le cadre du programme d'allégement budgétaire 2003.

Les conditions ci-dessus sont décisives pour le renvoi d'une personne. Les mesures de contrainte n'en deviennent pas pour autant inutiles, au contraire, elles constituent un élément important dans l'éventail des instruments d'exécution. Les personnes interrogées insistent cependant sur le fait qu'à elles seules, elles ne permettent pas de garantir l'exécution des renvois. Les accords sur la réadmission et l'aide au retour 2574

sont deux éléments importants qui, associés à la détention en vue du refoulement, peuvent permettre d'améliorer le taux de renvoi.

3.3

Collaboration entre autorités cantonales et fédérales

Les représentants des cantons examinés ont estimé que, en règle générale, la coordination et la collaboration entre autorités cantonales et fédérales fonctionnent bien.

Plusieurs d'entre eux ont estimé qu'il serait souhaitable d'accorder plus de moyens à la Division Rapatriements de l'ODM, l'expérience ayant montré que certaines procédures à l'échelon fédéral durent trop longtemps. Le représentant d'un service cantonal a cependant souligné que les problèmes qui empêchent de faire avancer la procédure d'exécution ne résultent pas uniquement du travail de l'ODM, mais qu'ils sont principalement dus au désintérêt dont quelques pays font preuve à l'égard de leurs ressortissants.

Les représentants des services de la Confédération ont également été priés d'évaluer la collaboration avec les cantons. Ils ont soulevé plusieurs problèmes. L'un des points faibles constatés concerne le transfert du canton à l'ODM des informations relatives aux personnes détenues. Les autorités fédérales n'ont pas de contrôle sur le déroulement dans les cantons de la détention en vue du refoulement. Ainsi, il arrive parfois que l'ODM parvienne à obtenir des documents de voyage au bout de trois mois d'attente, par exemple, alors que, entre-temps, l'autorité cantonale compétente a déjà levé la détention de la personne concernée, sans en avertir les autorités fédérales. Ce problème est aggravé par le fait que les laissez-passer ne sont valables que pour une durée limitée. Le même problème se pose pour les réservations de places sur les vols. La Division Rapatriements organise des vols spéciaux à destination de certains Etats. Il arrive cependant que, à l'échelon des cantons, des juges, notamment parce qu'ils estiment qu'il n'y a pas de motif suffisant, lèvent la détention de ressortissants de ce pays avant le départ du vol en question. Lorsque des vols spéciaux sont organisés, il est indispensable de maintenir les personnes concernées en détention.

3.4

Effets secondaires de la détention en vue du refoulement

Lors des entretiens, le CPA n'a pas limité la discussion aux effets secondaires non désirés, il a également cherché à se renseigner sur les éventuels effets positifs. Les personnes interrogées ont estimé que le principal effet indirect de la détention en vue du refoulement réside dans la dissuasion: Le risque d'une mise en détention peut inciter les personnes à quitter le territoire. Alors que la plupart des représentants des autorités cantonales et fédérales ont insisté sur l'effet dissuasif de la détention en vue du refoulement, les autres interlocuteurs du CPA sont d'avis que cet effet est surestimé. Il est plus fort pour les personnes qui n'ont encore jamais été en prison. Certains représentants des autorités ont cependant souligné que l'effet dissuasif est affaibli du fait que le renvoi ne peut pas toujours être exécuté à l'issue de la détention. Malgré cela, certains cantons utilisent la détention en vue du refoulement dans un but dissuasif, notamment en plaçant en détention des ressortissants d'un pays déterminé afin d'inciter leurs compatriotes qui sont sous le coup d'une décision de 2575

renvoi, mais qui ne sont pas (encore) en détention, de quitter le territoire suisse de leur plein gré. Les représentants des autorités ont également indiqué que, en plus de la détention en tant que telle, la manière dont un renvoi forcé est exécuté peut également avoir un effet dissuasif sur les personnes concernées. Ils estiment en outre que la durée maximale de la détention joue également un rôle en matière de dissuasion. Le fait d'encourir une période de détention longue, voire indéterminée, est plus dissuasif qu'un court séjour en prison. De l'avis des représentants de certaines autorités, la législation actuelle n'est pas suffisamment dissuasive étant donné que, dans un premier temps, la détention en vue du refoulement ne peut être ordonnée que pour une durée n'excédant pas trois mois et non pas de neuf mois dès le départ.

Mais l'effet dissuasif est également inexistant pour les cas dans lesquels les personnes tenues de quitter le territoire suisse préfèrent accepter une détention à un retour dans leur pays d'origine, soit en raison de la misère qui les y attend, soit parce qu'ils sont soumis à une très forte pression qui les «oblige à réussir».

Un effet secondaire positif également mentionné est l'acceptation de la politique migratoire de la Confédération dans la population. De l'avis des représentants des autorités interrogées, la détention en vue du refoulement en tant qu'instrument de contrainte de la procédure d'exécution des renvois contribue à la bonne image auprès de la population de la politique fédérale en matière de migration et à l'égard des étrangers. D'une part, parce que les personnes indésirables sont renvoyées et d'autre part, parce qu'en recourant à la détention en vue du refoulement, la Confédération montre sa volonté de lutter contre les difficultés qui jalonnent l'exécution de la procédure de renvoi.

Différents facteurs ont également été mentionnés en réponse à la question sur les effets secondaires indésirables de la détention en vue du refoulement. A cet égard, il convient de distinguer les effets secondaires qui concernent les personnes détenues de ceux qui se rapportent aux autorités. Toutes les personnes interrogées, qu'elles représentent des autorités ou non, ont souligné que la détention peut avoir des conséquences négatives sur l'état psychique des personnes
détenues. Actuellement, les détenus suivent souvent un traitement psychologique (pour dépressions ou risques de suicide). Les personnes fréquemment en contact direct avec les détenus dans le cadre de leurs fonctions de conseil ou d'encadrement ont en outre insisté sur le fait que, dans la plupart des cas, les personnes concernées ne savent ni pourquoi elles ont été placées en détention, ni de quoi elles sont coupables, ce qui rend la détention encore plus difficile à supporter. De plus, il y a fréquemment parmi elles des personnes détenues indûment, qui auraient quitté le territoire suisse même si elles n'avaient pas été détenues.

Des personnes issues des milieux non gouvernementaux ont estimé que la promiscuité durant la détention entre délinquants (art. 13a, let. e, LSEE) et personnes sans antécédent judiciaire a un effet négatif. Des personnes qui se comportent convenablement et s'insèrent correctement dans le régime de détention doivent vivre avec des détenus enclins à la violence. Cette situation génère d'importantes tensions entre les détenus, ce qui est également pénible pour le personnel carcéral. A cet égard, une séparation nette des personnes frappées de sanctions pénales de celles sous le coup de mesures administratives apporterait une détente des conditions de détention.

Pour leur part, les représentants des autorités cantonales et judiciaires ont également fait état d'effets négatifs dans le domaine des ressources. Les services concernés, principalement dans les petits cantons, se plaignent des charges administratives importantes liées à l'application des mesures de contrainte. Non seulement le fait 2576

d'ordonner une détention en vue du refoulement, mais encore la détention ellemême absorbent d'importantes ressources humaines et financières.

Les personnes entendues ont également confirmé que les personnes détenues échangent des informations sur la manière de contourner les ordres des autorités. Elles ont toutefois clairement indiqué que les mêmes informations, qui permettent par exemple de contourner un renvoi, circulent également en dehors des établissements de détention.

Un autre effet secondaire négatif de la détention en vue du refoulement est le risque de soustraction au refoulement, risque principalement soupçonné par les personnes interrogées ne représentant pas les autorités. Devant l'imminence d'une détention, les personnes tenues de quitter le territoire échafaudent des stratégies de défense et de contournement afin d'éviter la détention (principalement des stratégies de passage à la clandestinité). Ils tentent d'éviter les autorités et leur mentent, ce qui est source de méfiance réciproque. En outre, l'application de la détention en vue du refoulement criminalise une catégorie de personnes. Etant donné que cette forme de détention peut uniquement être ordonnée à l'encontre d'étrangers, une personne issue des milieux non gouvernementaux estime qu'il y a lieu de craindre que cette catégorie de personnes soit mal perçue par la population et assimilée à des criminels.

Cette déclaration doit être relativisée, comme cela ressort du chapitre suivant.

4

Effets des mesures de contrainte sur la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière

D'une manière générale, les mesures de contrainte ancrées dans la LSEE ont pour but d'améliorer l'exécution des renvois. Cela étant, leur introduction était étroitement liée au fait que des étrangers, abusant de la protection du droit d'asile, se livraient au trafic de stupéfiants et alimentaient les scènes de la drogue. La population était choquée parce que, dans de nombreux cas, les requérants d'asile et les étrangers en situation irrégulière ayant commis des délits n'encouraient guère de mesures pénales privatives de liberté. Le durcissement du droit des étrangers a été décidé dans le but de dissuader ce groupe cible de commettre des délits en les rendant passibles de mesures telles que périmètres d'assignation ou d'exclusion, détention de phase préparatoire ou détention en vue du refoulement. Ce thème a été analysé à partir des questions suivantes: Les mesures ont-elles l'effet voulu en rapport avec la diminution de la délinquance des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière? S'accompagnentelles d'effets secondaires indésirables?

Pour répondre à ces questions, il était essentiel de savoir pour quels délits et à l'encontre de quels groupes de personnes les mesures de contrainte étaient prononcées et si ces mesures avaient un caractère dissuasif. Pour cette partie de l'enquête, il n'a pas non plus été possible de procéder à une analyse sur l'ensemble du territoire suisse. L'étude a été limitée à deux cantons urbains, soit Genève et Zurich. Les experts de l'ICDP ont procédé à des analyses statistiques à partir de données tirées des bases de données des services des migrations et des registres de police de ces deux cantons. Ils ont complété l'étude par des entretiens avec des requérants d'asile et des spécialistes des questions liées aux étrangers et à l'asile. Pour leur analyse, les 2577

experts n'ont retenu que des individus ­ requérants d'asile et étrangers en situation irrégulière ­ de sexe masculin.28 De plus, les requérants d'asile et étrangers en situation irrégulière retenus pour constituer les échantillons à la base de l'étude devaient avoir au moins 16 ans révolus.

Une analyse quantitative de données figurant dans des registres ne parvient jamais à rendre la réalité de la vie dans toute sa complexité. C'est pourquoi les experts de l'ICDP se sont également entretenus personnellement avec 50 requérants d'asile et 50 étrangers en situation irrégulière. Le but de ces discussions était de compléter le volet quantitatif de l'étude par des informations essentiellement qualitatives afin d'en apprendre plus sur le contexte de la délinquance, de l'application des mesures de contrainte et d'autres sanctions et sur la manière dont les requérants d'asile interprètent ces différents aspects. Dans les deux cantons, les experts de l'ICDP ont en outre interrogé de manière anonyme cinq employés par centre de transit. Il s'agissait d'obtenir des informations sur l'impact et sur les effets secondaires indésirables de la part de personnes bien placées pour observer les requérants d'asile.

Le chapitre 4 reprend les résultats principaux de l'expertise. Il est subdivisé en trois sections: La section 4.1 reprend les résultats relatifs à la délinquance et à la détention des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière. Les informations découlant des entretiens avec des requérants d'asile qui concernent cet aspect de l'étude sont également présentées ici. La section 4.2 aborde les effets de la détention en vue du refoulement dans la première partie, les effets de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion dans la deuxième partie et les résultats tirés des entretiens avec des personnes qui s'occupent de requérants d'asile dans la troisième partie. La portée de l'ensemble de ces résultats est discutée à la section 4.3.

4.1

Délinquance et détention de requérants d'asile et d'étrangers en situation irrégulière

4.1.1

Etendue de la délinquance

L'ICDP a tout d'abord établi, à partir d'une liste de requérants d'asile choisis de manière aléatoire dans les cantons de Genève et de Zurich, le nombre d'individus qui, depuis leur arrivée en Suisse, étaient connus des services de police pour être sous le coup d'une dénonciation ou pour avoir été déférés en justice. Pour chaque canton, l'échantillon aléatoire comportait 200 requérants d'asile entrés en Suisse en 2001 ou en 2002. Durant cette période, l'ODR a attribué 2498 requérants au canton de Genève et 7565 au canton de Zurich. En outre, un échantillon aléatoire de 100 étrangers en situation irrégulière a également été formé. Cela toutefois uniquement dans le canton de Zurich étant donné que le canton de Genève ne disposait pas de liste correspondante permettant de former un tel échantillon. Les analyses effectuées à partir des registres de la police ont permis d'estimer la délinquance de ces populations en général et d'apprécier la proportion dans laquelle des mesures de contrainte

28

C'est à dessein que l'enquête a été limitée à l'étude d'échantillons constitués uniquement d'individus de sexe masculin. En effet, les femmes présentent un taux de criminalité nettement inférieur à celui des hommes. Des échantillons mixtes auraient par conséquent dû être plus grands pour obtenir des résultats pertinents, ce que les moyens disponibles ne permettaient pas.

2578

ont été prononcées à l'encontre de requérants d'asile, délinquants ou non, et d'étrangers en situation irrégulière.

Lors de leur entrée en Suisse, les requérants d'asile étaient en moyenne âgés de 25 ans à Zurich et de 26 ans à Genève. Quant à la moyenne d'âge des étrangers en situation irrégulière, elle était de 28 ans. Dans les deux cantons, les requérants d'asile provenaient en majorité des Balkans et d'Europe de l'Est ainsi que d'Afrique de l'Ouest alors que les étrangers en situation irrégulière étaient majoritairement originaires des Balkans et d'Europe de l'Est.

Au moment de l'enquête (été 2004), les registres faisaient apparaître que 42 % des requérants d'asile du canton de Zurich étaient passés à la clandestinité contre 32 % dans le canton de Genève. Dans le canton de Genève, la majorité des requérants est actuellement enregistrée auprès des autorités, contrairement à Zurich, où moins de 30 % des requérants d'asile sont enregistrés. Les départs de plein gré sont relativement rares dans les deux cantons. Quant aux clandestins, les deux tiers ont été expulsés et un tiers reste introuvable.

Les résultats relatifs à la délinquance enregistrés par les polices zurichoise et genevoise parmi les personnes ayant déposé une demande d'asile en 2001 ou 2002 ou se trouvant sur la liste des étrangers en situation irrégulière durant la même période sont plutôt concordants. Abstraction faite de la resquille et des infractions ­ relativement rares chez les requérants d'asile ­ à la législation sur les étrangers, 35 % des requérants d'asile du canton de Zurich et 28 % du canton de Genève sont connus des services de police. Parmi les étrangers en situation irrégulière (canton de Zurich), ils sont 31 % à figurer en tant que délinquants sur les registres de la police. En moyenne pour les deux cantons, 32 % des requérants d'asile sont accusés d'avoir commis au moins un délit. Avec un échantillon aléatoire de 400 personnes pour les deux cantons, l'intervalle de confiance est de +/­ 4,6 %. En d'autres termes, il est possible d'affirmer avec une certitude à 95 % que le taux de délinquance de la population de base (personnes ayant présenté une demande d'asile en 2001 ou 2002) se situe entre 27 % et 37 %.

Dans les deux cantons, la proportion de délinquants parmi les requérants d'asile originaires d'Afrique
(pays du Maghreb compris) est à peu près la même que celle des requérants originaires des Balkans et d'Europe de l'Est ou que celle des requérants originaires de toutes les autres régions du monde, soit de 40 % en comptant les cas de resquille et d'infraction à la LSEE. Dans le canton de Genève comme dans celui de Zurich, environ 16 % des requérants d'asile et 11 % des étrangers en situation irrégulière sont enregistrés pour au moins une infraction liée aux stupéfiants (trafic de stupéfiants ­ principalement de cocaïne ­ pour tous les cas répertoriés dans le canton de Genève et pour un cas sur deux dans le canton de Zurich). A Zurich et à Genève, les requérants d'asile enregistrés pour trafic de cocaïne sont respectivement 6 % et 14 %. Dans le canton de Zurich, 20 % des requérants d'asile et 14 % des étrangers en situation irrégulière sont connus des services de police pour infraction contre le patrimoine, soit bien plus que dans le canton de Genève (1 %). A noter toutefois que, dans le canton de Zurich, bon nombre de ces cas concernent des vols à l'étalage. Les requérants d'asile originaires d'Europe de l'Est sont plus fréquemment enregistrés pour des infractions contre le patrimoine (16 %) que ceux qui sont originaires d'Afrique (11 %) ou de toutes les autres régions du monde (14 %). Les registres de police ne font pratiquement pas état d'autres infractions, notamment de délits

2579

violents, parmi les échantillons analysés.29 En outre, 19 % des requérants d'asile du canton de Zurich étaient inscrits au registre informatisé de police RIPOL aux fins de communication du lieu de séjour, 12 % en vue d'arrestation et 26 % en vue de refoulement. Au total, 57 % des requérants du canton de Zurich étaient inscrits au RIPOL pour l'une de ces raisons, soit nettement plus que dans le canton de Genève où ils n'étaient que 13 %, à savoir 4 % aux fins de communication du lieu de séjour, 2 % en vue d'arrestation et 7 % en vue de refoulement. Les raisons de ces différences de pratique en matière d'inscription au RIPOL ne sont pas connues. Il est également à noter que le taux d'inscription au RIPOL des étrangers en situation irrégulière était également bas (12 %), mais que ce fait peut découler du nombre important de personnes expulsées (66 %).

Toutes les valeurs indiquées ci-dessus se rapportent à toute la durée du séjour en Suisse des personnes enregistrées. La date d'entrée et les dates des inscriptions aux registres de police permettent d'opérer une conversion en taux annuels. Les résultats d'une telle opération montrent que les requérants d'asile enregistrés pour des délits ont été très actifs au cours de leur première année de séjour en Suisse. Une diminution nette du nombre de délits enregistrés peut ensuite être observée au fil du temps dans les deux cantons. Le recul de la délinquance peut notamment s'expliquer du fait que les requérants d'asile enregistrés par la police au cours de la première année ont été refoulés, ont quitté la Suisse volontairement, se sont évanouis dans la nature ou ont cessé de commettre des délits au cours de la deuxième année. En outre, le recul de la délinquance peut également être en partie dû aux effets des mesures policières et pénales sur le comportement des requérants d'asile délinquants.

4.1.2

Détention et périmètres d'assignation ou d'exclusion

L'expertise a révélé que, dans le canton de Zurich, les requérants d'asile et les étrangers en situation irrégulière font plus souvent l'objet de détentions policières, pénales ou ordonnées en vertu du droit des étrangers que dans le canton de Genève, mais que ces détentions ont duré moins longtemps. Il apparaît également que la détention touche les personnes de manière différenciée: Si, par rapport à l'échantillon genevois, les requérants d'asile de l'échantillon zurichois sont moins nombreux à avoir été détenus, ils l'ont en revanche été plus fréquemment. Ainsi, le nombre maximal de détentions subies par un requérant d'asile a été de 23 dans le canton de Zurich alors qu'il n'a été que de quatre dans le canton de Genève. Le nombre moyen de détentions pour les étrangers en situation irrégulière (uniquement calculé pour le canton de Zurich) est très nettement supérieur au nombre moyen de détentions par requérant d'asile.30 A noter que le nombre maximal dénombré pour cette catégorie de personnes a été de quatre. Pour ce qui concerne la durée des détentions, les experts ont relevé que, en moyenne, le nombre de jours de détention par requérant d'asile était de 14 jours (avec un minimum de 0 et un maximum de 900 jours) dans le canton de Genève et d'un peu moins de neuf jours dans le canton de Zurich (avec un minimum de 0 et un maximum de 361 jours). Les étrangers en 29 30

En raison de la petite taille des échantillons, il n'était d'emblée pas envisageable de chercher des données fiables sur les infractions plus graves (et plus rares).

Pour les étrangers en situation irrégulière dans le canton de Zurich, le nombre moyen de détentions s'est élevé à 1,3 contre respectivement 0,4 et 0,6 pour les requérants d'asile dans les cantons de Genève et de Zurich.

2580

situation irrégulière (canton de Zurich uniquement) ont en moyenne subi 36 jours de détention (avec un minimum de 0 et un maximum de 412 jours). Le tableau ci-après donne une vue d'ensemble des détentions par genre.

Tableau 4 Genre de détention subie par les personnes ayant subi au moins une détention (policière, pénale, préventive ou en vertu de la LSEE) Détention policière (moins de 48 heures)

GE requérants d'asile (n = 200) ZH requérants d'asile (n = 200) ZH étrangers en situation irrégulière (n = 100)

5% (n=10) 20 % (n=39) 71 % (n=71)

Détention pénale (exécution d'une peine)

16 % (n=31) 1% (n=2) 1% (n=1)

Détention préventive

3% (n=5) 14 % (n=27) 14 % (n=14)

Détention de phase préparatoire ou détention en vue du refoulement

3% (n=6) 6% (n=12) 28 % (n=28)

Source: ICDP

La détention en vertu de la LSEE est une mesure en général peu appliquée aux requérants d'asile. Cela étant, avec 12 personnes concernées, le canton de Zurich a compté deux fois plus de requérants ayant subi ce genre de détention que le canton de Genève. La détention policière a été beaucoup plus fréquente dans le canton de Zurich (20 %) que dans le canton de Genève (5 %). Cette différence peut en partie s'expliquer par le fait que le service zurichois des migrations a le droit d'ordonner une détention de moins de 48 heures. Près de 16 % des requérants d'asile du canton de Genève avaient déjà subi une détention pénale, alors qu'ils n'ont été que deux dans le canton de Zurich. Ce résultat recouvre les indications que les autorités genevoises ont fournies, lors des entretiens réalisés par le CPA, sur l'application de la détention en vue du refoulement. Quant aux étrangers en situation irrégulière, ils ont été 71 % à avoir subi une détention policière et 28 % à avoir été détenus en vertu de la LSEE.

En ce qui concerne les périmètres d'assignation ou d'exclusion31, il y a lieu de remarquer que, pour les échantillons concernés, seuls des périmètres d'exclusion ont été imposés aux requérants d'asile. Dans le canton de Zurich, 8 % d'entre eux ont été sous le coup d'un ou de deux périmètres d'exclusion. Dans la plupart des cas, ces périmètres englobaient les villes de Zurich et de Winterthur. Dans le canton de Genève, 12 % des requérants d'asile ont été sous le coup d'un ou de deux périmètres d'exclusion, dans la plupart des cas ces périmètres concernaient deux places de la Ville de Genève (Place Cornavin et Place des Volontaires). Aucun étranger en situation irrégulière (canton de Zurich uniquement) n'a été contraint à respecter un périmètre d'assignation ou d'exclusion.

31

Périmètres d'assignation ou d'exclusion selon l'art. 13e LSEE: en vertu de cette disposition, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger qui n'est pas titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement et qui trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics, de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée. Dans son message, le Conseil fédéral a indiqué que cette mesure a pour objectif principal de lutter contre le trafic de stupéfiants.

2581

La nature des délits pour lesquels les personnes concernées ont été détenues ou se sont vu imposer des périmètres d'exclusion n'a pas été examinée à partir de ces échantillons. A cet effet, de nouveaux échantillons ont été formés à partir d'une liste de requérants d'asile et d'étrangers en situation irrégulière ayant été sous le coup de mesures de contrainte. Ces résultats font l'objet de la section 4.2. En guise de conclusion au présent paragraphe, il convient de retenir que la détention en vue du refoulement est une mesure ordonnée principalement à l'encontre des étrangers en situation irrégulière. La détention préventive et la détention policière dans le canton de Zurich et la détention pénale dans le canton de Genève sont plus fréquemment prononcées que la détention en vertu de la LSEE. La détention en vertu du droit des étrangers n'a donc pas ­ ou que très peu ­ tendance à être ordonnée en remplacement d'une sanction pénale.

4.1.3

Avis des requérants d'asile sur la délinquance et les effets des sanctions

Il avait initialement été prévu de compléter les informations de source policière en recueillant l'avis de requérants d'asile. Lors des interviews, il est cependant apparu que les personnes interrogées n'étaient pas disposées à répondre aux questions portant sur leur propre délinquance, par méfiance et en raison de barrières culturelles. Les requérants d'asile interrogés ont toutefois fait état de nombreux comportements délictueux d'autres requérants, fournissant ainsi des informations indirectes.

Sur 100 requérants d'asile interrogés, 76 % des requérants du canton de Genève et 56 % des requérants du canton de Zurich ont indiqué savoir qu'une ou plusieurs personnes de leur cercle de connaissances ou du centre de transit avait déjà fait l'objet d'une sanction pénale. La plupart des requérants d'asile interrogés ont d'ailleurs indiqué connaître plus de cinq personnes dans cette situation. Les requérants d'asile ont été 46 % à Genève et 38 % à Zurich à indiquer que « beaucoup » d'entre eux étaient délinquants. Cela étant, 20 % de ces derniers estiment qu'ils sont également nombreux à être venus en Suisse avec l'intention de commettre des délits.

Sur les 50 requérants d'asile interrogés dans des centres de transit genevois, cinq ont séjourné dans une prison suisse en détention préventive ou en détention pénale. Sur les 50 requérants interrogés dans le canton de Zurich, ils étaient 17 à avoir séjourné en prison: 12 en détention préventive, 4 en détention en vue du refoulement et 1 en détention pénale. Parmi les personnes interrogées dans le canton de Genève, 11 % avaient fait de la prison dans leur pays d'origine alors qu'ils étaient 8 % parmi les requérants d'asile interrogés dans le canton de Zurich; parmi eux, deux personnes ont aussi fait de la prison en Suisse. La durée de détention en Suisse est très variable.

La plupart du temps, il s'agit de détentions de courte durée. Les plus longues détentions ont duré neuf mois pour l'une et un an pour l'autre. La présomption de trafic de stupéfiants a été la raison de détention la plus souvent invoquée. En outre, dans le canton de Zurich, sur 17 personnes ayant subi une détention, elles étaient 10 à estimer que la vie en prison n'était pas trop dure. Seules 3 personnes ont trouvé l'expérience très désagréable. La majorité des personnes entendues ont indiqué préférer être en prison en Suisse qu'en liberté dans leur pays.

2582

4.2

Effets des mesures de contrainte sur la délinquance

Pour pouvoir examiner les éventuels effets de la détention en vue du refoulement et de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion, un échantillon aléatoire a été constitué à partir d'individus qui ont été frappés d'une mesure de contrainte en matière de droit des étrangers (détention et périmètre d'assignation ou d'exclusion) en 2001 ou en 2002.32 Le but était de comparer la délinquance des individus de l'échantillon à partir de deux périodes standardisées et de même durée, l'une précédant et l'autre suivant la prononciation de la mesure de contrainte.

L'échantillon a été comparé avec les données de la police afin de déterminer les individus sous le coup d'une dénonciation ou déférés en justice. Ces échantillons ont été constitués indépendamment de ceux qui sont à la base des résultats présentés à la section 4.1.

4.2.1

Effets de la détention en vue du refoulement

Afin d'analyser les effets de la détention ordonnée en vertu de la LSEE sur la délinquance, l'ICDP a établi trois listes: deux listes par sélection aléatoire pour le canton de Zurich, l'une comptant 100 requérants d'asile et l'autre 100 étrangers en situation irrégulière et une liste pour le canton de Genève. Cette dernière liste n'a pas pu être établie par sélection aléatoire étant donné que, dans ce canton, la détention en vue du refoulement n'est que rarement prononcée (la détention de phase préparatoire ne l'est jamais). La liste genevoise ne compte par conséquent que les 18 personnes qui restent une fois écartés les mineurs, les femmes ainsi que les personnes qui ont été placées en détention préventive dès leur arrivée en Suisse et qui, partant, n'ont pas pu commettre de délits. Les résultats de la liste genevoise ont avant tout une valeur illustrative; l'échantillon est trop petit pour fournir des résultats statistiques significatifs, notamment sur l'évolution de la délinquance. C'est la raison pour laquelle il est, ci-après, avant tout question des résultats concernant le canton de Zurich.

L'âge moyen des détenus était de 25 ans pour les trois listes. Dans le canton de Zurich, les requérants d'asile étaient principalement originaires d'Afrique occidentale, centrale et australe, alors que dans le canton de Genève, ils étaient avant tout originaires d'Afrique du Nord. Les étrangers en situation irrégulière étaient majoritairement originaires d'Europe de l'Est. En été 2004, un tiers des requérants d'asile du canton de Zurich était enregistré, un tiers était passé à la clandestinité et le dernier tiers avait été refoulé. En revanche, 66 % des étrangers en situation irrégulière avaient été refoulés, 18 % étaient enregistrés et 10 % étaient passés à la clandestinité. Dans le canton de Genève, 16 personnes avaient été refoulées, une personne était enregistrée et une personne était passée à la clandestinité. En outre, dans le canton de Zurich, 9 % des requérants d'asile et 1 % des étrangers en situation irrégulière se trouvaient en détention de phase préparatoire. Quelques individus de l'échantillon avaient subi plusieurs détentions ordonnées en vertu du droit des étrangers. La première détention a servi de marque dans le temps pour distinguer les délits commis avant et après la détention. Dans le
canton de Zurich, la première détention a en moyenne duré 103 jours pour les requérants d'asile et 51 jours pour les étrangers en situation irrégulière. A Genève, la durée moyenne observée était de 28 jours.

32

Avec des données plus récentes, on courrait le risque de ne pas pouvoir suivre les effets des mesures durant une année entière.

2583

Les détentions ordonnées en vertu de l'art. 13b, let. b et c, LSEE (respectivement mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle et risque de tentative de soustraction au refoulement) ont été la mesure la plus fréquemment appliquée pour les requérants d'asile et les étrangers en situation irrégulière. Dans le canton de Genève, c'est toujours l'art. 13b, let. c, LSEE qui a été appliqué. Parmi les requérants d'asile du canton de Zurich, 4 personnes avaient également subi une détention pénale alors qu'elles étaient au nombre de 12 dans le canton de Genève.

Les calculs relatifs à l'évolution de la délinquance ont été effectués en tenant compte du fait que, dans le canton de Zurich, 14 requérants et 40 étrangers en situation irrégulière ont été refoulés juste après la détention. Dans le canton de Genève, 16 requérants d'asile ayant été détenus ont été refoulés; 14 d'entre eux l'ont été immédiatement à l'issue de la mesure.

Dans le canton de Genève, l'analyse a montré que, à l'exception d'un cas, la détention en vue du refoulement n'est prononcée qu'à l'encontre de requérants suspectés de délinquance par la police. A Genève, en effet, 94 % des personnes détenues en vertu de la LSEE sont sous le coup de cette mesure. Il est à noter que sur les 18 individus de l'échantillon genevois, 12 requérants d'asile étaient suspectés d'infraction liée aux stupéfiants. En revanche, dans le canton de Zurich, seuls 44 % de tous les requérants d'asile ayant subi une détention ordonnée en vertu du droit des étrangers ont été enregistrés pour au moins un délit par la police. Quant aux étrangers en situation irrégulière, ils étaient 52 % à avoir été enregistrés par la police pour au moins un délit avant de subir une détention ordonnée en vertu de la LSEE. Des 86 requérants d'asile qui n'ont pas été refoulés immédiatement à l'issue de la détention, 35 (41 %) ont à nouveau été enregistrés par la police alors qu'ils sont 36 (60 %) dans le même cas sur les 60 étrangers ressortissant au domaine de la LSEE qui n'ont pas été refoulés tout de suite après la détention. Dans le canton de Genève, les quatre étrangers n'ayant pas été directement refoulés à l'issue de leur détention ont par la suite été enregistrés par la police pour au moins un délit. Ces résultats indiquent que ­ à l'exclusion d'autres formes de détention
et du refoulement ­ les requérants d'asile ne sont pas significativement moins nombreux à commettre des délits après la détention en vue du refoulement. Les étrangers en situation irrégulière sont quant à eux non seulement plus nombreux à commettre des délits après la détention, mais ils commettent également plus de délits (de 1,9 délit avant la détention en vue du refoulement à 2,3 après). Il est cependant possible de constater que le nombre de délits commis annuellement par requérant d'asile délinquant recule de manière significative (de 4,6 avant la détention à 1,8 après, sans la resquille et les infractions à la législation sur les étrangers). Cette dernière diminution peut être mise sur le compte de la détention. Dans le canton de Zurich, les requérants d'asile et les étrangers en situation irrégulière se sont avant tout rendus coupables d'infractions liées aux stupéfiants. Les infractions contre le patrimoine arrivent en deuxième position.

En résumé, l'image de la délinquance des personnes demeurées en Suisse après avoir été détenues en vue de leur refoulement est nuancée. Il apparaît d'une manière générale que la détention en vue du refoulement ne permet pas de diminuer le nombre d'étrangers en situation irrégulière enregistrés pour des délits commis après exécution de la détention. Pour ce qui concerne les requérants d'asile, la diminution observée du nombre des individus connus des services de police n'est pas significative. En revanche, le nombre de délits enregistrés par individu diminue de manière significative après la détention. En d'autres termes, s'il n'y a pas moins de requérants enregistrés après la mesure, les délits deviennent toutefois moins fréquents.

2584

Pour ce groupe de personnes, la détention en vue du refoulement est donc efficace du point de vue du nombre de délits commis par individu. Elle ne l'est en revanche pas pour le nombre de délits commis par les étrangers en situation irrégulière qui, lui, augmente après la mesure. Il n'est pas possible d'établir de manière concluante que la détention en vue du refoulement influence la délinquance en raison du manque d'uniformité des résultats à ce sujet. Cela étant, un tiers des requérants d'asile et deux tiers des étrangers en situation irrégulière du canton de Zurich ainsi qu'une grande majorité des personnes ayant subi une détention dans le canton de Genève ont été refoulés et, partant, ne peuvent plus commettre de délits en Suisse.

4.2.2

Effets de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion

Les 100 individus constituant les échantillons destinés à l'évaluation des effets de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion dans les cantons de Genève et de Zurich sont tous des requérants d'asile étant donné que, pour la période considérée, il n'y avait pratiquement pas d'étrangers en situation irrégulière qui étaient sous le coup de telles mesures. Les deux échantillons ont été constitués aléatoirement à partir de listes répertoriant tous les cas de mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion en 2001 et 2002.

La moyenne d'âge des requérants d'asile s'étant vu infliger la mise en place d'un périmètre dans le canton de Genève est de 31 ans, alors qu'elle est de 25 ans pour les requérants du canton de Zurich. Le continent africain (Afrique du Nord non comprise) représente presque 80 % des requérants ayant été sous le coup d'une mise en place de périmètre dans les deux cantons. En été 2004, 49 % des requérants d'asile du canton de Zurich et 46 % de ceux du canton de Genève étaient considérés comme passés à la clandestinité. Les requérants enregistrés auprès des autorités étaient deux fois plus nombreux dans le canton de Genève (41 %) que dans celui de Zurich (24 %). Près de 20 % des requérants d'asile du canton de Zurich avaient été expulsés contre 10 % dans le canton de Genève.

Les requérants d'asile frappés d'une mesure d'assignation ou d'exclusion de périmètres ne vivent pas tous dans les deux cantons étudiés. A cet égard également, il y a des différences entre Genève et Zurich: Dans le canton de Genève, environ 30 % des requérants d'asile concernés vivent dans ce canton, 11 % sont domiciliés dans le canton de Fribourg, 11 % également dans celui de Vaud et 9 % vivent dans le canton du Valais; les 39 % restants viennent du canton de Neuchâtel et des autres cantons suisses. La situation est différente dans le canton de Zurich puisque 65 % des requérants d'asile sous le coup d'une mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion vivent dans ce canton, les autres étant domiciliés dans les cantons d'Argovie (9 %), de Thurgovie (8 %) et de Saint-Gall (7 %) ou d'autres cantons de Suisse alémanique.

A l'exception de deux assignations à un lieu de séjour (périmètres d'assignation) dans le canton de Zurich, les mises en place de périmètre prononcées ont toujours
été des interdictions de pénétrer dans un lieu déterminé (périmètres d'exclusion).

Dans le canton de Zurich, ces périmètres d'exclusion concernaient principalement les villes de Zurich et de Winterthur ainsi que l'ensemble du canton. Dans le canton de Genève, plus de la moitié des interdictions concernaient la ville de Genève dans son ensemble et un cinquième le secteur de la Place Cornavin et de la Place des 2585

Volontaires. Dans le canton de Zurich, les requérants d'asile sous le coup d'un seul et unique périmètre d'exclusion représentent 78 % de l'échantillon de base alors qu'ils représentent 58 % de l'échantillon de base genevois. Le maximum individuel est de 3 périmètres dans le canton de Zurich et de 5 périmètres dans celui de Genève.

Dans ce canton, 12 % des requérants d'asile ont été punis de prison à une reprise et 5 % à deux reprises pour inobservation du périmètre (art. 23a LSEE). Il n'y a pas eu de telle condamnation dans le canton de Zurich. En revanche, la part des requérants d'asile à l'encontre desquels une détention en vue du refoulement avait été ordonnée y était plus élevée que dans le canton de Genève (11 % en vertu de l'art. 13b, al. 1, let. b, LSEE et 9 % en vertu de l'art. 13b, al. 1, let. c, LSEE pour Zurich contre 2 % selon l'art. 13b, al. 1, let. c, LSEE pour Genève). Les requérants d'asile sous le coup d'un périmètre d'exclusion ont été 11 % dans le canton de Genève contre 1 % dans le canton de Zurich à avoir été placés en détention préventive par un juge d'instruction.

Dans le canton de Zurich, les trois quarts des requérants d'asile ont commis au moins un délit avant d'avoir été frappés de la mise en place de périmètres d'assignation et d'exclusion, alors qu'ils ne sont plus que 51 % après l'application de la mesure. A Genève, 99 % des requérants ayant été sous le coup d'une mise en place de périmètres d'assignation et d'exclusion ont commis au moins un délit avant l'application de la mesure; ce pourcentage baisse à 50 % après la mise en place de la mesure. La mise en place de périmètres est plus fréquemment utilisée à l'encontre des délinquants dans le canton de Genève que dans celui de Zurich. Le recul du nombre de requérants d'asile constaté est significatif dans les deux cantons. Le périmètre d'exclusion est donc une mesure qui a une influence sur le nombre global de délits.

Cela étant, le calcul de la moyenne annuelle des délits commis par les requérants d'asile délinquants avant et après la mise en place de périmètres donne des résultats différents: Dans le canton de Genève, le nombre de délits commis en moyenne annuelle par requérant durant une période maximale allant de deux ans avant à deux ans après la mise en place d'une mesure de périmètre passe de 5,9 à 6,8. Cette
augmentation n'est toutefois statistiquement pas significative. Dans le canton de Zurich, durant la même période, cette moyenne passe de 5,2 à 1,9. Ce recul est statistiquement significatif et peut donc être attribué aux périmètres d'exclusion.

Dans le canton de Genève, les périmètres d'exclusion ont été principalement infligés aux trafiquants de drogue: 93 % des requérants d'asile ayant été frappés d'une telle mesure ont commis au moins une infraction liée aux stupéfiants, alors que dans le canton de Zurich, ils ne sont que 64 % à avoir été dans le même cas. La comparaison de la délinquance de ces populations avant et après l'application de la mesure permet de constater un recul significatif aussi bien du nombre de requérants s'étant rendu coupables d'une infraction liée aux stupéfiants que du nombre de délits lui-même.

La même analyse donne des résultats différents pour les infractions contre le patrimoine. La mise en place de périmètres est inefficace pour ce genre de délits. Il est toutefois à noter que, la plupart du temps, il s'agissait de vols à l'étalage. Dans les deux cantons, le nombre de délits commis par requérant d'asile délinquant contre le patrimoine augmente ­ bien que de manière non significative ­ malgré la mise en place de périmètres. Dans le canton de Zurich, le nombre de requérants d'asile enregistrés pour de tels délits augmente aussi alors qu'il diminue dans le canton de Genève. Ces variations ne sont pas non plus statistiquement significatives. Ces observations s'expliquent d'une part du fait que les requérants d'asile qui ont com2586

mis un délit contre le patrimoine avant la mise en place d'un périmètre d'exclusion (18 % dans le canton de Genève et 11 % dans le canton de Zurich) sont moins nombreux que ceux qui ont commis une infraction liée aux stupéfiants et, d'autre part, du fait que la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion est moins adaptée aux requérants d'asile commettant des délits contre le patrimoine.

Il s'est donc avéré que la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion est une mesure efficace, aussi bien dans le canton de Zurich que dans celui de Genève, qui a permis de réduire le nombre de délits commis. Cela étant, le nombre de délits par requérant d'asile délinquant après la mise en place de périmètres n'a reculé d'une manière générale que dans le canton de Zurich. Dans le canton de Genève, ce recul n'a été observé que pour les infractions liées aux stupéfiants. Pour cette dernière catégorie de délits, la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion a été efficace à deux niveaux et cela aussi bien dans le canton de Genève que dans celui de Zurich: premièrement, il y a eu moins de requérants d'asile enregistrés par la police pour un tel délit après la mise en place de périmètres et, deuxièmement, le nombre de délits liés aux stupéfiants a reculé de manière significative.

Cette mesure a cependant été inefficace pour les infractions contre le patrimoine.

4.2.3

Appréciation des effets des mesures de contrainte

Interrogés par les experts de l'ICDP, les responsables des centres de transit ont brossé une image des effets des mesures de contrainte sur la délinquance des requérants d'asile qui ne recouvre que partiellement les résultats de l'enquête empirique.

En ce qui concerne la détention en vue du refoulement, les responsables genevois ont été presque unanimes à estimer qu'il s'agit d'une mesure inefficace. Ils ont estimé que la punition n'est pas suffisamment importante pour inciter les personnes concernées à quitter la Suisse, qu'un mois de prison ne contrarie guère celui qui se fait 10 000 francs par mois grâce au trafic de cocaïne et que la détention n'a pas d'influence sur le comportement des délinquants. Les responsables zurichois ont également indiqué être persuadés que la détention en vue du refoulement n'est pas un instrument adéquat pour lutter contre la délinquance. Ils ont constaté que, à l'issue de leur détention, les requérants d'asile se rendent compte du fait qu'ils ne peuvent pas être expulsés de Suisse. Ils ont ainsi l'assurance que le système n'a pas de prise sur eux, ce qui équivaut à leur donner un blanc-seing leur permettant de commettre des délits comme bon leur semble: uniquement passibles de détention, ils peuvent commettre des vols sans risquer d'être refoulés.

En ce qui concerne les effets de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion, les responsables des centres de transit ont émis un avis qui diffère des résultats de l'étude. Selon eux, les périmètres d'exclusion sont quasiment inefficaces, ils sont en partie prononcés de manière arbitraire et ne sont souvent pas respectés étant donné que les personnes concernées n'hésitent pas à prendre le risque de faire six mois de prison pour inobservation du périmètre. Sachant que la police ne vérifie pas souvent son respect, ils ne craignent guère cette mesure. De l'avis des responsables interrogés, les personnes concernées ne commettent pas moins de délits, mais cherchent rapidement de nouvelles niches. De plus, sous le coup d'un périmètre d'exclusion, les petits trafiquants se rendent simplement dans une autre ville telle que Berne ou Lausanne pour poursuivre leurs activités illicites. Les responsables des centres de transit estiment que les périmètres d'exclusion ne sont 2587

efficaces que dans de rares cas, lorsque la personne concernée a été entraînée contre son gré à se livrer au trafic de stupéfiants. Il est possible que la mise en place d'un périmètre d'exclusion soit efficace dans un tel cas de figure, mais cela ne concerne qu'un tout petit pourcentage des délinquants. Ils sont d'avis qu'une assignation à un lieu de séjour est plus efficace, à condition cependant que son inobservation soit véritablement punie.

4.3

Portée des résultats

Dans leur rapport, les experts de l'ICDP apprécient les effets des mesures de contrainte de la manière suivante: Eu égard aux entretiens avec des requérants d'asile et des responsables de centres de transit, il faut se poser la question de savoir si les mesures de contrainte permettent vraiment de lutter efficacement contre la délinquance. Il n'en demeure pas moins que les évaluations présentées aux sections 4.1 et 4.2 montrent que, pour ce qui est des individus constituant les échantillons à la base de l'étude, le nombre de délinquants a régressé non seulement après une détention, mais aussi, dans la plupart du temps, après la mise en place d'un périmètre d'exclusion. En outre, d'une manière générale, le nombre de délits par personne délinquante a également reculé de manière significative. Il est à noter que le recul observé a été plus important pour les infractions liées aux stupéfiants que pour les vols et autres délits contre le patrimoine, infractions pour lesquelles des effets contraires ont même été observés dans le canton de Zurich. Il faut toutefois relever que, dans ce canton, les mesures de contrainte ont été moins ciblées à l'encontre des individus délinquants de la population observée, ce qui permettait d'emblée de s'attendre à un effet positif réduit.

Pour les échantillons analysés, les périmètres d'exclusion ont été efficaces dans les deux cantons considérés. Après l'application d'une mesure de contrainte telle que la détention en vue du refoulement, la délinquance recule nettement moins qu'après la mise en place d'un périmètre d'exclusion et cela à Genève comme à Zurich. Force est donc de constater que la mesure nettement moins radicale qui consiste à limiter la mobilité géographique des individus concernés a été plus efficace que la détention.

5

Conclusions

Une enquête de l'ODM sur l'application des mesures de contrainte par l'ensemble des cantons suisses au cours des années 1995 à 2000 a montré que la détention en vue du refoulement a permis de renvoyer environ 80 % des requérants d'asile et des étrangers en situation irrégulière placés en détention. La durée moyenne de la détention était inférieure à 23 jours.33 L'enquête a en outre permis de constater que les mesures de contrainte sont appliquées différemment d'un canton à l'autre. En plus d'affiner les conclusions de l'enquête de l'ODM, la présente analyse met en évidence de nouveaux éléments et de nouvelles interactions.

33

Voir message concernant la LEtr, FF 2002 3523 ss.

2588

Le CPA a examiné l'application des mesures de contrainte par cinq cantons au cours des années 2001 à 2003, principalement dans la perspective de la détention en vue du refoulement qui est l'instrument de contrainte le plus important. L'analyse des données et les entretiens avec des responsables ont confirmé les différences d'application entre les cantons. Ces différences découlent pour une bonne part de la formulation potestative de la loi fédérale qui laisse aux cantons la liberté d'appliquer ou non les mesures de contrainte.

La pratique du canton de Genève en matière d'application de la détention en vue du refoulement peut être qualifiée de restrictive et celle du canton de Schaffhouse de retenue. En revanche, les cantons de Bâle-Campagne, du Valais et de Zurich l'appliquent avec fermeté et régulièrement. Ces attitudes différentes se répercutent dans les statistiques cantonales. Les différences constatées d'un canton à l'autre ne se limitent pas à la fréquence des détentions ordonnées, à la provenance des étrangers concernés et à la durée de la détention, elles s'étendent également à l'issue de la détention. D'une manière générale, il est en revanche possible de constater que la structure d'âges des personnes détenues est sensiblement la même dans tous les cantons examinés et que certaines similitudes ont été observées quant aux pays de provenance, notamment le fait qu'une part importante des personnes détenues sont originaires des Balkans et d'Europe de l'Est. Cela étant, des différences ont été constatées quant aux ressortissants africains, qui sont surtout requérants d'asile: peu d'entre eux ont été détenus dans le canton de Schaffhouse alors qu'ils ont été relativement nombreux dans les cantons de Genève, de Bâle-Campagne et de Zurich. Une autre constatation générale est que dans les cantons du Valais et de Zurich, la part des étrangers en situation irrégulière parmi les personnes placées en détention est plus importante que celle des requérants d'asile. Cette situation est en partie le résultat de facteurs géographiques (étape de transit sur un axe ferroviaire international, zones de concentration urbaine). L'analyse des motifs indiqués montre que les cantons ordonnent la mise en détention exclusivement ou fréquemment pour risque de soustraction au refoulement et que seuls les cantons de
Bâle-Campagne et de Zurich placent les personnes coupables d'inobservation de périmètres d'assignation ou d'exclusion en détention en vue du refoulement. Pour ce qui concerne les motifs, il apparaît qu'une pratique harmonisée en matière d'examen judiciaire de la détention fait défaut à l'échelon cantonal.

Si les représentants des autorités cantonales interrogées estiment que les différences d'application d'un canton à l'autre ne posent pas de problème, force est de constater qu'elles sont synonymes de problèmes de coordination et de pertes d'efficacité au niveau du travail de l'ODM. Les experts interrogés issus des milieux non gouvernementaux critiquent un troisième aspect: pour les personnes touchées, les différences constatées en matière d'application des mesures de contrainte leur donnent l'impression d'être à la merci de décisions arbitraires.

Dans les cantons examinés, 60 à 80 % des personnes concernées demeurent moins d'un mois en détention. Les détentions de plus de six mois sont rares et ne dépassent 4 % dans aucun canton. Les cantons de Genève et de Schaffhouse se distinguent par une très faible proportion de détention durant plus de trois mois. Dans le canton de Genève, cela est principalement dû aux conditions exigées par l'autorité judiciaire et dans le canton de Schaffhouse au fait que la détention est avant tout ordonnée lorsque les chances de renvoi sont relativement intactes, raison pour laquelle il est rarement nécessaire de prolonger la détention. Les autres cantons placent souvent en détention des personnes dont le renvoi est techniquement possible, mais difficile à 2589

réaliser, ce qui a tendance à prolonger la détention. Cela transparaît des différences observées entre les taux de renvoi cantonaux.

Calculé pour l'ensemble des cinq cantons examinés, le taux de renvoi moyen atteint 73 %. Il est donc légèrement inférieur à celui atteint par ces cantons de 1995 à 2000 (76 %).34 Ce recul est peut-être dû aux changements intervenus au niveau de la nationalité des personnes tenues de quitter le territoire et aux problèmes liés à l'absence de papiers d'identité apparus depuis. La ventilation du taux de renvoi en fonction des deux régimes juridiques est instructive. Le taux moyen des cantons examinés atteint 81 % de renvois pour ce qui est des étrangers en situation irrégulière. Le canton de Genève mis à part (50 %), les taux cantonaux oscillent entre 75 et 100 %. Cette proportion importante s'explique principalement par le fait que les étrangers en situation irrégulière disposent la plupart du temps de documents de voyage valables, qu'ils proviennent fréquemment de pays avec lesquels la Suisse a conclu des accords sur la réadmission et qu'ils n'ont pas d'intérêt à séjourner en prison, étant donné qu'ils ne peuvent chercher une source de rémunération lorsqu'ils sont en détention. Dans le domaine de l'asile, le taux de renvoi moyen atteint 63 %.

Seul le canton de Schaffhouse dépasse nettement cette moyenne (86 %), les taux des autres cantons oscillant entre 50 et 64 %. Du point de vue des renvois, la détention en vue du refoulement est par conséquent moins efficace dans le domaine de l'asile que dans celui de la LSEE.

L'examen du rapport entre la durée et l'issue de la détention permet de constater que, sous les deux régimes juridiques, les taux de renvoi élevés sont atteints avec les détentions de très courte (jusqu'à 4 jours) et de courte durée (de cinq jours à un mois). En règle générale, lorsque la détention se prolonge, le taux de renvoi chute très nettement. Ce lien apparaît clairement dans les cantons qui ont souvent ordonné de longues détentions, soit Bâle-Campagne, Valais et Zurich. Dans le domaine de l'asile, le taux de renvoi n'atteint plus que 7 à 29 % pour les très longues détentions (de 6 à 9 mois). Ce faible taux de réussite montre que le but de la détention, qui est d'assurer l'exécution du renvoi, n'a pas pu être atteint malgré la longue durée de la
détention, notamment en raison de l'impossibilité de se procurer des documents de voyage. Force est également de constater que des personnes ont fréquemment été détenues alors que la probabilité de pouvoir les renvoyer était minime, que ce soit pour des raisons juridiques ou matérielles. Les durées de mise en détention très diverses montrent aussi que l'interprétation de l'art. 13c, al. 5, let. a, LSEE ­ en vertu duquel la détention doit être levée lorsque le motif de la détention n'existe plus ou lorsque l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ­ diffère d'un canton à l'autre. Au vu des faibles taux de renvoi atteints à l'issue des détentions de longue durée, il faut se demander si la détention en vue du refoulement n'a pas aussi pris le caractère d'une mesure appliquée en cas d'insoumission dans le but de faire pression sur les personnes visées afin de les pousser à quitter le territoire suisse.

Les résultats des entretiens et l'analyse des données permettent de douter qu'une prolongation de la durée maximale de détention en vue du refoulement puisse avoir un effet psychologique sur les étrangers, détenus ou non, tenus de quitter le territoire suisse, comme certains représentants des autorités cantonales le pensent. La configuration actuelle de cette forme de détention a déjà un effet sur certaines personnes.

34

Analyse secondaire effectuée par le CPA à partir des données de l'enquête que l'ODM a réalisée en 2001 sur l'application des mesures de contrainte dans les cantons.

2590

Comme il ressort des faibles taux de renvoi enregistrés à l'issue des détentions de longue durée, elle est en revanche sans effet sur d'autres. Certains services cantonaux entendus ont constaté que, la plupart du temps, la disposition à coopérer des détenus ­ notamment pour l'obtention de papiers de voyage ­ apparaît déjà au début de la détention. Dans cette perspective, il est possible de s'attendre à ce que la prolongation de la détention ne permette pas d'obtenir une augmentation significative du taux de renvoi. A cet égard, les résultats ont clairement montré qu'un renvoi ne dépend pas seulement de l'application ou du durcissement des mesures de contrainte, mais également d'autres facteurs externes, en partie non influençables.

Dans le domaine de l'asile, il apparaît qu'un usage fréquent de la détention en vue du refoulement ne va pas forcément de pair avec un pourcentage de renvois élevé.

Au cours de la période sous revue, mesuré au total des sorties des cantons (renvoi dans le pays d'origine ou dans un Etat tiers, départ de plein gré, départs non officiels et autres sorties), le nombre de personnes renvoyées oscille entre 10 et 14 %. La part des personnes renvoyées à l'issue d'une détention et le total des personnes renvoyées varient beaucoup d'un canton à l'autre. Ainsi, dans 93 % des cas genevois, la police s'est rendue, le jour du départ, au domicile des personnes sous le coup d'une décision de renvoi et les a escortées jusqu'à l'aéroport; seuls 7 % des personnes renvoyées l'ont été après avoir été placées en détention. Dans le canton de Zurich, seul un petit nombre de personnes renvoyées (5 %) ­ plus particulièrement des familles ­ ont été conduites à l'aéroport sous escorte policière sans avoir dû subir une détention préalable. La plupart des personnes tenues de quitter le territoire ont été mises en détention avant leur départ ­ brièvement la plupart du temps ­ afin d'éviter qu'ils ne s'y soustraient, ce qui aurait réduit à néant les importants efforts préparatoires des autorités. Le coût de cette politique est cependant élevé. La répartition du total des coûts de détention imputables aux cas relevant du domaine de l'asile sur les requérants d'asile qui ont pu être renvoyés, avec ou sans détention préalable est éloquent à ce sujet: le canton de Zurich dépense en moyenne environ 13
500 francs par requérant d'asile renvoyé, soit douze fois plus que le canton de Genève. Le canton de Bâle-Campagne dépense, sous l'angle de la détention, même plus de 31 000 francs par requérant d'asile renvoyé.

Les différences constatées en matière d'application des mesures de contrainte dans le domaine de l'asile ne sauraient expliquer les différences des effectifs cantonaux de personnes dans la procédure d'exécution du renvoi. En l'absence de références portant sur les étrangers en situation irrégulière, l'importance de la détention en vue du refoulement n'a pas pu être examinée en rapport avec ce domaine.

Du point de vue des coûts, il convient de noter que lorsque la détention a duré moins de trois mois, les coûts de détention imputables aux personnes refoulées sont en général plus élevés que ceux imputables aux personnes dont la détention a été levée.

D'un point de vue purement économique, le rapport coûts/avantages ne peut être considéré comme favorable que pour ces courtes détentions. En revanche, force est de constater que les détentions plus longues, ordonnées principalement dans le domaine de l'asile, engendrent des coûts nettement plus élevés pour un taux de renvoi plus faible. Pour tous les cantons examinés, celui de Schaffhouse excepté, la part des coûts imputables aux personnes n'ayant pas pu être renvoyées immédiatement à l'issue de la détention domine. Les autorités sont donc d'avis que la détention en vue du refoulement est une mesure onéreuse. Pour la plupart, elles estiment cependant que l'utilité de la détention en vue du refoulement justifie les coûts qu'elle occasionne. Cela étant, il faut prendre en considération le fait que l'exécution 2591

des mesures ordonnées par les pouvoirs publics est toujours génératrice de coûts.

Pour leur part, les personnes issues des milieux non gouvernementaux estiment que la détention en vue du refoulement est une mesure coûteuse, cela d'autant plus qu'elle est parfois ordonnée à l'encontre de personnes qui auraient quitté le territoire suisse en tout état de cause. A leur avis, l'assignation à un lieu de séjour serait une mesure moins coûteuse dans de nombreux cas et les moyens consacrés à la détention pourraient être investis plus efficacement dans d'autres domaines, notamment en faveur des conseils en vue du retour ou de programmes de rapatriement.

La plupart des représentants cantonaux estiment que la détention en vue du refoulement est un moyen qui contribue à garantir l'exécution des renvois. Eu égard aux différences constatées entre les deux régimes juridiques, cela est plus particulièrement vrai dans le domaine de la LSEE. Dans le domaine de l'asile, cet instrument est moins efficace, soit parce que le renvoi n'est pas systématiquement exécutable, notamment parce que la vérification d'identité dure beaucoup trop longtemps ou que les personnes détenues ne sont pas disposées à coopérer, soit parce que le pays d'origine refuse de reprendre ses ressortissants rapatriés sous contrainte. La détention en vue du refoulement ne permet en effet pas de gérer de tels facteurs. En outre, une partie des requérants d'asile dont la demande a été rejetée ne peuvent pas être placés en détention car les conditions de la détention en vue de l'expulsion ne sont pas réunies (exécution du renvoi impossible pour des raisons juridiques ou matérielles).

Les représentants des autorités cantonales estiment que la détention en vue du refoulement peut accélérer la procédure. Les personnes placées en détention sont en tout temps disponibles, notamment pour des vérifications d'identité. Cela étant, d'autres facteurs importants ont une forte influence sur l'exécution des renvois: l'existence d'accords sur la réadmission ou de systèmes d'incitations tels que l'aide au retour.

Les mesures de contrainte ne constituent qu'un élément de la procédure de renvoi et elles servent de moyen de pression. Les personnes tenues de quitter le territoire suisse sachant que leur application n'est pas toujours suivie d'un renvoi, les effets de
ces mesures sont toutefois limités. Partant, les avis des personnes interrogées divergent quant à leur effet dissuasif. L'incidence sur l'état de santé des détenus a été mentionnée en tant qu'effet secondaire négatif de la détention. Chez certains détenus, elle peut déclencher des dérangements psychiques et des états dépressifs. Pour d'autres détenus, en revanche, la détention ne pose pas de problèmes et n'a pas d'effet dissuasif, notamment en raison des activités qui leur permettent de gagner un peu d'argent.

L'analyse des effets de la détention en vue du refoulement et de la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion sur les requérants d'asile et les étrangers en situation irrégulière dans les cantons de Genève et de Zurich effectuée dans le cadre de l'étude empirique de l'ICDP a permis d'établir des liens statistiquement significatifs. Tandis que dans le canton de Genève, la détention en vertu de la LSEE n'est que rarement ordonnée et que la priorité est accordée à la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion, le canton de Zurich est nettement plus enclin à appliquer la détention en vue du refoulement. Il ressort en outre de l'étude de l'ICDP que le canton de Genève applique cette mesure exclusivement aux délinquants alors que le canton de Zurich l'utilise plutôt pour faire exécuter les ordres des autorités dans le domaine du droit des étrangers.

2592

D'une manière générale, l'effet de ces mesures sur la délinquance des requérants d'asile a été favorable dans les deux cantons. L'analyse sur une période de deux ans avant et après l'application d'une mesure permet de constater dans le domaine de l'asile ­ contrairement aux résultats enregistrés pour les étrangers en situation irrégulière ­ un recul significatif aussi bien du nombre de requérants s'étant rendu coupables d'une infraction que du nombre de délits lui-même, cela principalement pour ce qui concerne les infractions liées aux stupéfiants. L'effet n'est en revanche pas significatif pour les infractions contre le patrimoine. Les résultats de l'enquête indiquent également que la mise en place de périmètres d'assignation ou d'exclusion semble plus efficace dans la lutte contre la délinquance que la mise en détention en vue du refoulement. Etant donné que les mesures d'assignation ou d'exclusion sont moins coûteuses et moins radicales que les mesures privatives de liberté, elles constituent une intéressante solution de rechange à la détention (notamment au début de la procédure d'asile).

2593

Loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers

Annexe 1

du 18 mars 1994

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'art. 69ter de la constitution, vu le message du Conseil fédéral du 22 décembre 19931, arrête: I La loi fédérale du 26 mars 19312 sur le séjour et l'établissement des étrangers est modifiée comme suit: Art. 13a Afin d'assurer le déroulement d'une procédure de renvoi, l'autorité cantonale peut ordonner la détention d'un étranger qui ne possède pas d'autorisation régulière de séjour ou d'établissement en détention pour une durée de trois mois au plus, pendant la préparation de la décision sur son droit de séjour si cette personne:

1 2

a.

Refuse, lors de la procédure d'asile ou de renvoi, de décliner son identité, qu'elle dépose plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ou qu'à réitérées reprises, elle ne donne pas, sans raisons valables, suite à une convocation;

b.

Quitte une région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 13e;

c.

Enfreint une interdiction d'entrée et ne peut être renvoyée immédiatement;

d.

Dépose une demande d'asile après une décision d'expulsion administrative entrée en force en vertu de l'art. 10, al. 1, let. a ou b, ou d'une expulsion judiciaire inconditionnelle;

e.

Menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et que, pour ce motif, elle fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée.

FF 1994 I 301 RS 142.20

2594

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 13b Si une décision de renvoi ou d'expulsion de première instance a été notifiée, l'autorité cantonale compétente peut, aux fins d'en assurer l'exécution, prendre les mesures ci-après:

1

a.

Maintenir la personne concernée en détention lorsque celle-ci est détenue en vertu de l'art. 13a;

b.

La mettre en détention lorsqu'il existe des motifs aux termes de l'art. 13a, let. b, c ou e;

c.

La mettre en détention lorsque des indices concrets font craindre qu'elle entend se soustraire au refoulement, notamment si son comportement jusqu'alors mène à conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités.

La durée de la détention ne peut excéder trois mois; si des obstacles particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, elle peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de six mois au maximum.

2

Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder.

3

Art. 13c La détention est ordonnée par l'autorité du canton qui est compétent pour l'exécution du renvoi ou de l'expulsion.

1

La légalité et l'adéquation de la détention doivent être examinées dans les 96 heures au plus tard par une autorité judiciaire au terme d'une procédure orale.

2

Lorsqu'elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l'autorité judiciaire tient compte, outre des motifs de détention, en particulier de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention. Il est exclu d'ordonner la mise en détention de phase préparatoire ou en vue du refoulement à l'encontre d'enfants et d'adolescents de moins de quinze ans révolus.

3

L'étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L'autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d'une procédure orale. Une nouvelle demande de levée de détention peut être présentée après un délai d'un mois si la personne est détenue en vertu de l'art. 13a et de deux mois lorsqu'elle est détenue en vertu de l'art. 13b.

4

5

La détention est levée dans les cas suivants: a.

Le motif de la détention n'existe plus ou l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles;

b.

La demande de levée de détention est admise;

c.

La personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

L'autorité compétente doit prendre sans retard une décision quant au droit de séjour de l'étranger en détention.

6

2595

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 13d Les cantons veillent à ce qu'une personne désignée par le détenu et se trouvant en Suisse soit prévenue et que l'intéressé puisse s'entretenir et correspondre avec son mandataire.

1

La détention doit avoir lieu dans des locaux adéquats. Il faut éviter de regrouper les personnes à renvoyer avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. Les personnes arrêtées doivent pouvoir dans la mesure du possible, s'occuper de manière appropriée.

2

Art. 13e L'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger qui n'est pas titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement et qui trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics, notamment en vue de lutter contre le trafic illégal de stupéfiants, de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans aune région déterminée.

1

La compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui doit exécuter le renvoi ou l'expulsion. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région3.

2

Ces mesures peuvent faire l'objet d'un recours auprès d'une autorité judiciaire cantonale. Le recours n'a pas d'effet suspensif.

3

Art. 14 L'autorité cantonale peut refouler dans un Etat désigné par ses soins un étranger lorsque celui-ci:

1

a.

A laissé expirer le délai imparti pour son départ;

b.

Peut être renvoyé ou expulsé immédiatement;

c.

Se trouve en détention en vertu de l'art. 13b et que la décision de renvoi ou d'expulsion est entrée en force.

Si la personne a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs Etats, elle sera refoulée dans le pays de son choix.

2

Durant une procédure de renvoi ou d'expulsion, l'autorité cantonale peut soumettre à la fouille un étranger et ses biens pour mettre en sûreté des documents de voyage ou d'identité. La fouille ne peut être effectuée que par une personne du même sexe.

3

Si une décision de première instance a été rendue, l'autorité judiciaire peut ordonner la perquisition d'un appartement ou d'autres locaux lorsqu'il est présumé qu'un étranger faisant l'objet d'une décision de renvoi ou d'expulsion s'y trouve caché.

4

3

Rectifié par la Commission de rédaction de l'Ass. féd. (art. 58 LParl).

2596

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 14a, al. 1 Si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée, l'Office fédéral des réfugiés décide d'admettre provisoirement l'étranger.

1

Art. 14b, al. 1 et 2 L'admission provisoire peut être proposée par l'Office fédéral des étrangers, le Ministère public de la Confédération ou l'autorité cantonale de police des étrangers.

1

L'admission provisoire doit être levée lorsque l'exécution est licite, qu'il est possible à l'étranger de se rendre légalement dans un Etat tiers ou de retourner dans son pays d'origine ou dans le pays de sa dernière résidence et qu'on peut raisonnablement l'exiger de lui. Cette mesure prend fin lorsque l'étranger quitte la Suisse de son plein gré ou obtient une autorisation de séjour.

2

Art. 14d Abrogé Art. 14e La Confédération peut financer en tout ou en partie la construction et l'installation d'établissements cantonaux de détention affectés exclusivement à l'exécution de la détention de phase préparatoire et de celle en vue du refoulement. Pour la procédure, les dispositions des par. 2 et 5 à 8 de la loi fédérale du 5 octobre 19844 sur les prestations de la Confédération dans le domaine de l'exécution des peines et des mesures s'appliquent par analogie.

1

La Confédération participe à raison d'un forfait journalier aux frais d'exploitation des cantons pour l'exécution de la détention de phase préparatoire et de celle en vue du refoulement. Le forfait est alloué pour:

2

a.

Les requérants d'asile;

b.

Les réfugiés et étrangers dont la détention est en relation avec la levée d'une admission provisoire;

c.

Les personnes dont la détention a été ordonnée en relation avec une décision de renvoi de l'Office fédéral des réfugiés;

d.

Les réfugiés qui sont expulsés en vertu de l'art. 44 de la loi sur l'asile du 5 octobre 19795.

Art. 15, al. 4, première phrase L'Office fédéral des réfugiés est compétent pour ordonner des mesures d'admission provisoire, à moins que cette tâche n'incombe aux cantons en vertu de la présente loi. ...

4

4 5

RS 341 RS 142.31

2597

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 20, al. 1bis Abrogé Art. 23a Quiconque n'observe pas les mesures ordonnées en vertu de l'art. 13e sera puni d'une peine d'emprisonnement d'un an au plus, des arrêts6, s'il s'avère que l'exécution du renvoi ou de l'expulsion est impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

Art. 24, al. 1, première phrase La poursuite et le jugement des infractions prévues aux art. 23 et 23a sont du ressort des cantons. ...

1

II La loi sur l'asile du 5 octobre 19797 est modifiée comme suit: Art. 12b, titre médian, al. 1, let. b, et al. 5 Obligation de collaborer et perquisition Quiconque demande l'asile est tenu de collaborer à la constatation des faits. Le requérant doit en particulier:

1

b.

Remettre ses documents de voyage et ses pièces d'identité dès son arrivée au centre d'enregistrement;

Si le requérant est hébergé dans un centre d'enregistrement ou dans un logement collectif, l'autorité compétente peut fouiller sa personne et ses biens, afin de mettre en sûreté des documents de voyage, des pièces d'identité ou des objets dangereux.

La fouille ne peut être effectuée que par une personne du même sexe.

5

Art. 17a, al. 1, let. b et d, ainsi que al. 2 1

La décision de renvoi mentionne: b.

La date et l'heure auxquelles le requérant doit avoir quitté le territoire suisse.

En cas de décision prévoyant l'admission provisoire, la date est fixée au moment où cette mesure est levée;

d.

Le cas échéant, la désignation des Etats dans lesquels le requérant ne doit pas être renvoyé.

Lorsque des décisions sont prises en vertu de l'art. 16, al. 1 et 2, l'exécution immédiate peut être ordonnée.

2

6 7

Rectifié par la Commission de rédaction de l'Ass. féd. (art. 58 LParl).

RS 142.31

2598

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 18, al. 1 et 3 1 Si l'exécution du renvoi n'est pas possible, est illicite ou ne peut pas être raisonnablement exigée, l'office fédéral règle les conditions de résidence conformément aux dispositions légales sur l'admission provisoire des étrangers.

S'il s'avère que le renvoi ne peut pas être exécuté malgré l'usage de moyens de contrainte, le canton demande à l'office fédéral d'ordonner l'admission provisoire.

3

Art. 47, titre médian, al. 1, 2 et 2bis Effet suspensif et exécution immédiate Si le renvoi peut être exécuté immédiatement, l'étranger peut déposer dans les 24 heures une demande de restitution de l'effet suspensif. Il doit être informé de ses droits.

1

L'autorité compétente doit traiter dans les 48 heures les demandes de restitution de l'effet suspensif.

2

2bis Le recourant peut être arrêté pendant une durée maximale de 72 heures par l'autorité compétente jusqu'à ce qu'une décision soit prise au sujet de sa demande.

III Dispositions finales Art. 1

Exécution

Les cantons édictent les dispositions d'introduction nécessaires à l'exécution de la présente loi.

1

Jusqu'à leur promulgation, mais pendant deux ans au maximum, les gouvernements cantonaux sont compétents pour édicter les dispositions nécessaires.

2

Art. 2

Dispositions transitoires

Les procédures pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi sont régies par le nouveau droit. Est toutefois exclue toute décision prévoyant une détention en phase préparatoire, une détention en vue du refoulement ou une fouille sur la base de faits intervenus avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

2599

Mesures de contrainte en matière de droit des étrangers. LF

Art. 3

Référendum et entrée en vigueur

1

La présente loi est sujette au référendum.

2

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

Conseil national, 18 mars 1994

Conseil des Etats, 18 mars 1994

La présidente: Gret Haller Le secrétaire: Anliker

Le président: Jagmetti Le secrétaire: Lanz

Résultat de la votation populaire et entrée en vigueur 1

La présente loi a été acceptée par le peuple le 4 décembre 19948.

2

Elle entre en vigueur le 1er février 1995.

20 janvier 1995

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Villiger Le chancelier de la Confédération, Couchepin

8

FF 1995 I 290

2600

Annexe 2

Liste des personnes entendues Arn Urs

Office fédéral des migrations, Domaine de direction et retour, Berne

Arnold Stephan

Chef de la Division Droit et affaires internationales, Office fédéral des réfugiés, Berne

Bétrisey André

Chef de la section «Etrangers et passeports», SEE, Sion

Biland Sabine

Schweizerisches Rotes Kreuz (SRK) Kanton Zürich, Transitbereich Flughafen Zürich

Caduff Pius

Chef de la Division Rapatriements, Office fédéral des migrations, Berne

Crisinel Pierre

Chef de la section Police judiciaire, Genève

Dalla Valle Remo

Abteilungsleiter, Abteilung Ausschaffungshaft, Flughafengefängnis Zürich, Zürich

Ducrest Bernard

Vice-directeur, chef du Service de l'asile, Service cantonal de la population, Genève

Fournier Jean-Bernard

Juge, Tribunal cantonal, Sion

Gianadda Françoise

Directrice du Service de l'état civil et des étrangers (SEE), Sion

Göttl Johan

Mitarbeiter Anlaufstelle für Asylsuchende, Pratteln

Guidon Daniel

Inspecteur chef de la Brigade des enquêtes administratives de la Police judiciaire, Genève

Hauri Max, Dr.

Stellvertretender Gerichtspräsident, Bezirksgericht Kanton Zürich, Zürich

Iselin Hanspeter

Dienststellenleiter, Amt für Migration, Baselland

Jacobsen Bertrand

Schweizerisches Rotes Kreuz (SRK) Kanton Zürich, Transitbereich Flughafen Zürich

Meier Peter

Präsident, Abteilung Verfassungs- und Verwaltungsrecht des Kantonsgericht, Baselland

Müller Thomas, Dr.

Bezirksrichter, Bezirksgericht Kanton Zürich, Zürich

Nideröst Peter

Rechtsanwalt, Zürich

Olschewski Dirk

Bundesamt für Migration, SB Recht, Bern

Pavlovic Sinisa

Sachbearbeiter, Kantonales Ausländeramt, Bereich Vollzug, Schaffhausen

Plüss Martin

Leiter des Durchgangszentrum Leutschenbach, Zürich

Rendl Renata

Amtsvorsteherin, Kantonales Ausländeramt, Schaffhausen

Richard Cédric

Chef de section «Bureau de l'asile», SEE, Sion

2601

Robert David M.

Président de la Commission cantonale de recours en matière de police des étrangers, Genève

Rohner Ernst

Leiter Flughafengefängnis Zürich, Zürich

Schäppi Peter, Dr.

Bezirksrichter, Bezirksgericht Kanton Zürich, Zürich

Schertenleib Jürg

Leiter Recht, Verfahren, Länder, Schweizerische Flüchtlingshilfe, Bern

Schwarz Urs

Abteilungschef Asyl und Massnahmen, Migrationsamt des Kantons Zürich, Zürich

Sulzberger Ernst

Vizepräsident, Kantonsgericht, Schaffhausen

Vogt Walter

Abteilung Untersuchungshaft und Strafvollzug, Flughafengefängnis Zürich, Zürich

Weber Emanuel

Gefängnisseelsorger Kanton Basel-Landschaft, Emmen

2602

2603

VS

SH

GE

BL

Asile

LSEE

Asile

LSEE

Asile

LSEE

Asile

LSEE

Régime juridique

45 % (n=48)

Pas de renvoi

7 % (n=12) 55 % (n=59)

Pas de renvoi

Renvoi

93 % (n=168)

(n=0)

100 % (n=13)

(n=0)

100 % (n=17)

Renvoi

Pas de renvoi

Renvoi

Pas de renvoi

Renvoi

55 % (n=6) 45 % (n=5)

Renvoi

Pas de renvoi

75 % (n=3) 25 % (n=1)

Renvoi

Pas de renvoi

43 % (n=34) 57 % (n= 45)

Renvoi

Pas de renvoi

56 % (n=18) 44 % (n=14)

Renvoi

jusqu'à 4 jours

Pas de renvoi

Issue

11 % (n=14)

89 % (n=111)

8 % (n=13)

92 % (n=144)

17 % (n=1)

83 % (n=5)

(n=0 )

100 % (n=2)

29 % (n=4)

71 % (n=10)

25 % (n=1)

75 % (n=3)

8 % (n=6)

92 % (n=69)

11 % (n=3)

89 % (n=25)

jusqu'à 1 mois

37,5 % (n=21)

62,5 % (n=35)

33 % (n=15)

67 % (n=31)

25 % (n=2)

75 % (n=6)

(n=0)

(n=0)

75 % (n=9)

25 % (n=3)

62,5 %(n=5)

37,5 % (n=3)

51 % (n=35)

49 % (n=33)

(n= 0)

100 % (n=8)

jusqu'à 3 mois

76 % (n=26)

24 % (n=8)

45 % (n=10)

55 % (n=12)

50 % (n=1)

50 % (n=1)

(n=0)

(n=0)

100 % (n=1)

(n=0)

100 % (n=1)

(n=0)

70 % (n=23)

30 % (n=10)

(n=0)

(n=0)

jusqu'à 6 mois

Issue de la détention par canton selon la durée de détention et en fonction du régime juridique

93 % (n=13)

7 % (n=1)

67 % (n=2)

33 % (n=1)

(n=0)

(n=0)

(n=0)

(n=0)

(n= 0)

(n=0)

100 % (n=1)

(n=0)

86 % (n=12)

14 % (n=2)

(n=0)

(n=0)

jusqu'à 9 mois

Annexe 3

Asile

LSEE

2604

Source: CPA/IPZ

ZH

Régime juridique

87 % (n=510) 13 % (n=76)

Pas de renvoi

3 % (n=93)

97 % (n=3247)

jusqu'à 4 jours

Renvoi

Pas de renvoi

Renvoi

Issue

19 % (n=57)

81 % (n=243)

6 % (n=36)

94 % (n=604)

jusqu'à 1 mois

57 % (n=178)

43 % (n=135)

22 % (n=36)

78 % (n=130)

jusqu'à 3 mois

83 % (n=226)

17 % (n=47)

49 % (n=33)

51 % (n=35)

jusqu'à 6 mois

71 % (n=44)

29 % (n=18)

53 % (n=10)

47 % (n=9)

jusqu'à 9 mois

Réalisation de l'évaluation: Andreas Tobler (direction du projet) avec la participation de: Myriam Thalmann (projet) Christoph Bättig (esquisse de projet) Hedwig Heinis (secrétariat) Rapport des experts externes: Prof. Martin Killias, ICDP, Lausanne Sylvia Schenker ICDP, Lausanne Leslie Herrmann, ICDP, Lausanne Recueil et analyse des données: Thomas Widmer, IPZ, Zurich Swen Hutter, IPZ, Zurich

Le CPA remercie les autorités des cantons examinés de leur disponibilité et d'avoir accepté de participer à cette enquête malgré la charge de travail supplémentaire qui y était liée. Il adresse également ses remerciements à l'ODM pour la collaboration fructueuse ainsi qu'à toutes les personnes interrogées pour leur participation aux entretiens et leurs informations. Le CPA remercie en outre l'équipe d'experts de l'ICDP pour son rapport d'expertise ainsi que les expert de l'IPZ pour leur enquête.

Langue originale du rapport: allemand

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