06.071 Message concernant une Convention de double imposition avec la République Algérienne Démocratique et Populaire du 13 septembre 2006

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral approuvant une Convention de double imposition en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 3 juin 2006 avec la République Algérienne Démocratique et Populaire, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 septembre 2006

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-1025

7553

Condensé Une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été signée à Alger le 3 juin 2006 avec la République Algérienne Démocratique et Populaire.

Outre l'élimination des doubles impositions, cette Convention offre également une certaine protection institutionnelle aux personnes qui ont des relations fiscales avec les deux Etats et plus particulièrement aux entreprises qui procèdent à des investissements. Elle favorise les nouveaux investissements et garantit en outre que des mesures fiscales ne limiteront pas la compétitivité des entreprises suisses par rapport à leurs concurrentes d'autres Etats industrialisés.

La Convention suit en grande partie le Modèle de convention de l'OCDE ainsi que la pratique conventionnelle suisse. Les solutions préconisées par la Suisse en ce qui concerne l'imposition des dividendes, des intérêts et des redevances ont pu être, en grande partie, introduites dans la Convention. Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette Convention.

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Message 1

Présentation de la Convention

1.1

Contexte, déroulement et résultat des négociations

Grâce à la hausse conjuguée des prix du pétrole et du gaz naturel, les réserves de change algériennes se sont considérablement accrues ces dernières années. De manière générale, la situation macroéconomique algérienne peut être jugée plutôt favorable. Les réformes entamées devraient se poursuivre en vue de surmonter certaines difficultés structurelles de l'économie algérienne, dont la diversification paraît un objectif incontournable. Dans cette perspective, plusieurs projets importants sont en cours en vue de moderniser les infrastructures, réduire le chômage et relancer la production industrielle. Un essor des relations économiques de ce pays avec ses principaux partenaires est donc à attendre.

Les relations économiques entre la Suisse et la République Algérienne Démocratique et Populaire se concentrent sur le commerce et se développent de façon positive pour ce qui est des importations et des exportations. L'Algérie était en 2003, avec l'Iran, le troisième fournisseur de pétrole brut et de produits pétroliers de la Suisse. Les exportations suisses (machines, produits chimiques et pharmaceutiques, aliments) vers ce pays ont totalisé durant la même période presque 192 millions francs suisses (3e rang en Afrique).

Un certain nombre d'accords économiques lient déjà la Suisse et l'Algérie. Le plus récent, l'accord de promotion et protection des investissements signé le 30 novembre 2004, est en vigueur depuis le 15 août 2005.

A l'occasion de la visite officielle en Suisse du Président algérien Abdelaziz Bouteflika en 2004, le souhait de conclure rapidement une convention en vue d'éviter les doubles impositions a été exprimé de part et d'autre. Une ronde de négociations a pu avoir lieu consécutivement à Berne en août 2005, laquelle a abouti à l'apposition des paraphes sur un projet de convention.

Après que les cantons et les milieux économiques intéressés ont déclaré approuver la Convention, la présente Convention et le protocole qui l'accompagne ont été signés à Alger le 3 juin 2006.

1.2

Appréciation

La Convention institue la sécurité du droit et garantit aux investisseurs suisses d'importants dégrèvements des impôts algériens. Elle répond à une attente de l'économie suisse et pose des conditions cadres favorables à un moment où l'Algérie s'apprête à lancer des travaux importants concernant ses infrastructures. De façon plus générale, elle devrait favoriser le développement ultérieur des relations économiques bilatérales entre la Suisse et la République Algérienne Démocratique et Populaire et elle contribue à combler une lacune dans le réseau conventionnel suisse en Afrique du Nord.

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2

Commentaire des dispositions de la Convention

La Convention suit en grande partie, tant sur le plan formel que matériel, le Modèle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que la pratique conventionnelle suisse en la matière. C'est pourquoi nous nous contenterons de commenter les principales différences par rapport à ce modèle et de signaler les particularités de la Convention par rapport à la pratique conventionnelle suisse.

Art. 2

Impôts visés

La Convention s'applique aux impôts sur le revenu et sur la fortune puisque l'Algérie connaît une imposition de la fortune (impôt sur le patrimoine).

L'impôt anticipé suisse sur les gains de loterie est exclu du champ d'application matériel de la Convention conformément à la pratique suisse.

Art. 4

Résident

Comme dans d'autres conventions suisses de double imposition, l'énumération des critères concernant la résidence s'étend au lieu de constitution de la société, lequel est connu dans les deux Etats.

Art. 5

Etablissement stable

Le par. 2 mentionne, sur demande algérienne, dans le catalogue des exemples illustratifs d'un établissement stable, un «magasin de vente» afin de faciliter l'application de la convention aux autorités fiscales locales. Dans ce cas, un établissement stable est toujours réalisé. Cette requête a été jugée acceptable du point de vue suisse.

Dans le cadre d'un compromis lié à la question du régime d'imposition des services (cf. ci-après), la durée des chantiers de construction et de montage, ainsi que l'insertion des activités de surveillance y relatives, sera considérée comme constituant un établissement stable après une période de six mois.

En raison de la politique conventionnelle suivie par l'Algérie dans ce domaine, l'imposition des services rendus localement dans un Etat contractant pendant une période totale de plus de six mois au cours d'une période de douze mois a dû être acceptée comme condition sine qua non. En contrepartie, l'Algérie a accepté de faire tomber dans les activités auxiliaires (let. f) du par. 3) les chantiers de montage liés à la livraison de machines ou d'équipements produits par une entreprise suisse. Par souci de cohérence, l'imposition des personnes indépendantes (art. 14) obéira aux mêmes règles s'agissant de la fourniture de services.

La let. e) du par. 3 énumère les activités de nature préparatoire ou auxiliaire conformément à la politique conventionnelle suisse.

Art. 7

Bénéfices des entreprises

La Convention suit le principe fixé dans le Modèle de convention de l'OCDE d'après lequel un établissement stable ne peut être imposé que sur des bénéfices qui lui sont imputables.

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Le ch. 1, par. a), du protocole précise qu'on ne peut attribuer à l'établissement stable que la part de la rémunération correspondant à sa contribution effective et à ses fonctions. La let. b) de cette même disposition précise, eu égard au par. 3 de l'art. 7, que les dépenses prouvées comme fictives ne sont pas considérées comme un paiement déductible au titre d'un service effectivement rendu en vue de déterminer les bénéfices d'un établissement stable. Cette précision qui vise des cas d'abus peut être considérée comme justifiée. Elle a également évité de devoir reprendre la proposition algérienne originelle qui restreignait la possibilité de déduire les sommes autres que les frais encourus payés par l'établissement stable au siège central.

Art. 9

Entreprises associées

Comme dans de nombreuses conventions suisses de double imposition en vigueur, l'art. 9 de la convention avec l'Algérie se limite au premier paragraphe du texte du Modèle de convention de l'OCDE. Il prévoit que les autorités fiscales d'un Etat contractant peuvent rectifier la comptabilité d'une entreprise, si par suite de relations spéciales avec une entreprise associée de l'autre Etat, ses livres comptables ne font pas apparaître les bénéfices qu'elle aurait réalisés en traitant aux conditions du marché.

Art. 10

Dividendes

Pour les participations (et en exceptant les sociétés de personnes), le taux de l'impôt en faveur de l'Etat de la source est limité à 5 % lorsque la participation est égale au moins à 20 % du capital de la société qui verse les dividendes. Dans tous les autres cas, il ne peut dépasser 15 %.

Art. 11

Intérêts

Le par. 2 limite à 10 % l'impôt à la source perçu sur les intérêts.

Sont exonérés de l'impôt à la source d'après le par. 3 les intérêts qui sont versés au titre de la vente à crédit d'équipement industriel, commercial ou scientifique, des marchandises livrées par une entreprise à une autre entreprise ainsi que de prêt de n'importe quelle nature consenti par une banque. Il en va de même pour les emprunts, obligations ou autres engagements similaires d'un Etat contractant ou d'une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, pour les prêts accordés, garantis ou assurés par un Etat contractant, une de ses subdivisions politiques, collectivités locales ou institutions agissant pour leur compte ainsi que pour les intérêts payés à un Etat contractant, une de ses subdivisions politiques, collectivités locales ou à la Banque centrale de cet Etat.

Art. 12

Redevances

Le par. 2 limite à 10 % le taux de l'impôt à la source prélevé sur les redevances. Ce taux est courant dans les conventions conclues par la Suisse avec des pays peu industrialisés.

La notion de «redevances» définie au par. 3 ne comprend pas les rémunérations provenant du leasing. Celles-ci sont régies par l'art. 7 de la convention (ch. 2 du protocole).

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Art. 13

Gains en capital

Le par. 4 prévoit à l'instar d'autres conventions suisses de double imposition que les gains provenant de l'aliénation de participations à des sociétés dont la fortune est, directement ou indirectement, principalement composée de biens immobiliers, sont imposables dans l'État contractant dans lequel se trouvent les biens immobiliers.

L'article sur les méthodes pour éviter les doubles impositions (art. 23) précise que la Suisse ne doit exonérer de tels gains qu'après justification de l'imposition en Algérie.

Art. 14

Professions indépendantes

Comme indiqué dans les commentaires de l'art. 5, les requêtes algériennes visant l'imposition dans l'Etat de la source des services rendus localement par des indépendants ont pu être réduites à l'imposition des services qui y sont rendus pendant au moins 183 jours au cours d'une année civile.

Art. 18 et 19

Pensions

Conformément à la pratique conventionnelle suisse, le ch. 3 du protocole indique expressément que les art. 18 et 19 de la Convention s'appliquent également, s'agissant des pensions, aux prestations en capital.

Art. 21

Autres revenus

Cet article institue une règle d'attribution pour l'imposition des autres revenus en faveur de l'Etat de résidence, conformément à la politique défendue par la Suisse dans ce domaine.

Art. 23

Elimination des doubles impositions

La République Algérienne Démocratique et Populaire applique la méthode de l'imputation pour éviter la double imposition. La méthode de l'exonération sous réserve de la progressivité figure également pour le cas où la Suisse dispose d'un droit exclusif d'imposition.

La Suisse applique comme d'habitude la méthode de l'exemption avec réserve de progressivité et accorde l'imputation forfaitaire pour les dividendes, les intérêts et les redevances. Enfin, les dispositions de la Convention prévoient que les entreprises suisses bénéficient du même dégrèvement pour les dividendes de source algérienne que pour les dividendes de source suisse.

Art. 24

Non-discrimination

La clause de non-discrimination s'étend à tous les impôts des Etats contractants, sans égard au champ d'application matériel de la Convention.

Art. 26

Echange de renseignements

La clause qui figure dans la Convention correspond à celle qui a déjà été convenue avec plusieurs Etats non membres de l'OCDE. L'échange de renseignements est limité aux renseignements nécessaires à la bonne application de la Convention (petite clause d'échange de renseignements).

7558

Art. 28

Entrée en vigueur

La Convention entre en vigueur à la date de réception de la dernière des notifications confirmant l'achèvement des procédures internes de ratification. Ses dispositions seront applicables dès le 1er janvier qui suit cette date. L'Accord du 17 mars 1972 entre le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire et le Conseil fédéral suisse pour éviter la double imposition des revenus provenant de l'exercice de la navigation aérienne sera suspendu tant que les dispositions de la Convention seront applicables.

3

Conséquences financières

Dans toute convention de double imposition, les deux Etats contractants renoncent à certaines recettes fiscales. Pour la Suisse, les pertes qui en découlent résultent du remboursement partiel de l'impôt anticipé et de l'imputation de l'impôt à la source retenu par la République Algérienne Démocratique et Populaire sur les dividendes, les intérêts et les redevances conformément aux art. 10, 11 et 12. Les investissements algériens en Suisse étant peu significatifs, les remboursements ne devraient pas se traduire par un important manque à gagner. L'imputation forfaitaire d'impôt introduite par l'arrêté du Conseil fédéral du 22 août 1967 entraînera une certaine diminution des recettes des fiscs suisses. Cette baisse des recettes fiscales dont l'ampleur ne peut être estimée faute de statistiques appropriées sera compensée en partie: en effet, alors qu'il fallait autoriser jusqu'ici la déduction des impôts algériens de l'assiette fiscale, le montant brut des revenus provenant de la République Algérienne Démocratique et Populaire sera désormais imposable en Suisse. Il s'ensuivra une augmentation générale du revenu imposable.

La présente Convention contient des règles qui garantissent une solide protection contre la double imposition économique bilatérale entre la Suisse et la République Algérienne Démocratique et Populaire. Elles permettent d'éliminer, sur le plan fiscal, les éventuels désavantages concurrentiels par rapport aux autres Etats ayant conclu une convention de double imposition avec l'Algérie. Dans l'ensemble, la Convention contient des avantages importants en faveur du développement des relations économiques bilatérales; elle contribuera à promouvoir les investissements directs suisses en Algérie. Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette Convention. Par ailleurs, on rappellera que les conventions de double imposition sont conclues avant tout dans l'intérêt des contribuables et qu'elles favorisent la coopération économique, qui constitue l'un des buts principaux de la politique suisse en matière de commerce extérieur.

4

Constitutionnalité

La Convention signée le 3 juin 2006 avec la République Algérienne Démocratique et Populaire se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (Cst.), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver cette convention en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst. La Convention est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois.

Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à 7559

l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les conventions qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujettes au référendum facultatif en matière de traités internationaux à partir du 1er août 2003. Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement, on considère qu'une disposition inscrite dans un traité international fixe des règles de droit lorsqu'elle prévoit des dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. La Convention contient des règles qui peuvent être jugée conformes à la politique conventionnelle suisse. Elle ne crée pas de nouvel engagement qui puisse être considéré comme important pour la Suisse au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. par rapport à ce qui a déjà été convenu avec d'autres Etats.

Conformément à la pratique développée par le Conseil fédéral dans son message du 19 septembre 2003 relatif à la convention de double imposition avec Israël, l'arrêté fédéral sur la Convention entre la Suisse et la République Algérienne Démocratique et Populaire ne sera par conséquent pas sujet au référendum facultatif en matière de traités internationaux prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3 Cst.

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