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FEUILLE FÉDÉRALE 106eannée

Berne, le 13 mai 1954

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; là francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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RAPPORT du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau (Du 4 mai 1954) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous adresser notre rapport concernant l'initiative populaire pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau.

Cette initiative, appuyée par 59 988 signatures valables, a été déposée à la chancellerie fédérale le 23 février 1953. Elle est rédigée comme suit: Die unterzeichneten, stimmberechtigten Schweizerbürger verlangen auf dem Wege der Volksinitiative, dasa der Artikel 24bis, Absatz 2, der Bundesverfassung wie folgt ergänzt werden soll: Naturschönheiten sind zu schonen und da, wo das allgemeine Interesse an ihnen überwiegt, ungeschmälert zu erhalten.

Übergangsbestimmung : Zur ungeschmälerten Erhaltung des Rheinfalles sowie zum Schütze der Schönheit der Stromlandschaft Rheinfall-Rheinau wird die im Widerspruch zu Artikel 22 dos Wasserrechtsgesetzes am 22. Dezember 1944 erteilte Konzession für den Bau des Kraftwerkes Rheinau aufgehoben. Eine solche Konzession darf nicht wieder erteilt werden.

Les citoyens suisses soussignés, qui possèdent le droit de vote, demandent par voie d'initiative populaire que l'article 24bis, 2e alinéa, de la constitution fédérale soit completò comme suit: La beauté des sites doit être ménagée; elle doit être conservée intacte si un intérêt public majeur l'exige.

Disposition transitoire: Pour maintenir intacte la chute du Rhin et protéger la beauté de cette chute et celle des sites jusqu'à Rheinau, la concession pour la construction de l'usine de Rheinau octroyée le 24 décembre 1944 en violation de l'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation dos forces hydrauliques est annulée. Une nouvelle concession ne pourra pas être octroyée.

Feuille fédérale, 106e année. Vol. I.

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698 I sottoscritti cittadini svizzeri, aventi diritto di voto, chiedono -- in base ftl diritto d'iniziativa popolare -- che l'orticolo 24 MS, capoverso 2, della Costituzione federale venga completato nel modo seguente: !Le bellezze naturali devono essere rispettate e conservate intatte se l'interesse pubblico prevalente lo richieda.

Disposizione transitoria : Per conservare integralmente la cascata del Reno e per protegere la bellezza del paesaggio fluviale tra la cascata e Rheinau è dichiarata nulla ed invalida la concessione impartita il 22 dicembre 1944, in contraddizione all'articolo 22 della Legge federale ·sull'utilizzazione delle forze idrauliche, per la costruzione dell'Officina elettrica di Rheinau. Una concessione per l'utilizzazione di queste forzo idriche non potrà mai più essere impartita.

L'initiative est munie d'une clause de retrait.

Les 5 juin et 19 juin 1953, le Conseil des Etats et le Conseil national ont pris acte de notre rapport du 20 mars 1953 (FF 1953,1, 690) sur l'aboutissement de l'initiative et nous ont invités à présenter un rapport et des propositions sur le fond de la question.

A. Généralités I. L'ÉTAT DE FAIT Comme l'initiative de Rheinau est centrée sur l'usine hydroélectrique actuellement en construction, il convient que nous donnions, pour commencer, des précisions sur l'usine.

1. Les faits antérieurs Le projet d'usine de Rheinau, par son origine, est lié au plan général d'aménagement du Rhin supérieur pour l'utilisation des forces hydrauliques et la navigation. Ce plan général est le fruit des efforts entrepris en 1903 par l'ingénieur Rudolf Gelpke pour permettre la grande navigation sur le Rhin entre Strasbourg et Baie et assurer ainsi à la Suisse une liaison directe avec la mer. Les chambres fédérales votèrent à cet effet une subvention de 190 000 francs, soit de 50 pour cent du devis.

Partant de l'idée qu'il serait techniquement possible d'ouvrir de façon permanente le Rhin à la grande navigation et que cette navigation serait économiquement utile, des milieux suisses et allemands de la région du Rhin supérieur décidèrent de faire établir « dans quelle mesure le Rhin supérieur se prête à la grande navigation, quelles seraient les principales constructions nécessaires et quels en devraient être les emplacements. » Rudolf Gelpke fut chargé de cette étude. Il soumit le résultat de ses recherches à l'association du nord-est de la Suisse pour la navigation du Rhin jusqu'au lac de Constance et à l'association internationale pour le développement de la navigation du Rhin à Constance. Ce résultat était consigné

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dans un projet qui fut publié en 1909 sous le titre « Die Schiffbarmachung des badisch-schweizerischen Rheins ». L'auteur y déclarait que l'usine de Rheinau était « absolument nécessaire » si l'on voulait rendre navigable le Rhin supérieur.

En 1911, la Suisse et le grand-duché de Bade convinrent de stimuler les études en ouvrant un concours international portant sur cette question: « Comment rendre le Rhin navigable entre Bade et le lac de Constance (lac Supérieur) en tenant compte des usines hydroélectriques existantes et des exigences d'une utilisation aussi rationnelle que possible des forces hydrauliques ? » Les frais du concours furent en grande partie couverts par des subventions de la Confédération et de Bade. Dans une note à Bade, le Conseil fédéral constatait expressément qu'il avait promis l'appui financier de la Suisse « d'accord avec les chambres fédérales et les cantons de Zurich, Schaffhouse et Thurgovie ».

Le concours clos en 1920 confirma que la section Baie---lac de Constance ne pourrait être ouverte à la grande navigation que si le Rhin était divisé en paliers, ces paliers devant être combinés avec ceux que nécessite l'utilisation des forces hydrauliques, de façon que l'utilisation rationnelle des forces soit assurée et qu'elle facilite l'ouverture du fleuve à la grande navigation.

La Suisse et Bade firent de ces conclusions le principe directeur de leur collaboration emne de l'exploitation plus complète des forces hydrauliques.

Une commission permanente bado-suisse, instituée en 1919 par la voie diplomatique, commença en septembre 1920 l'étude des projets déposés aux fins d'obtenir les concessions. Pour que la commission pût s'acquitter convenablement de sa tâche, il fut convenu qu'un plan général d'aménagement du Rhin entre Baie et le lac de Constance en vue de l'exploitation des forces hydrauliques et de la navigation serait établi, Bade devait s'occuper de la section Birsfelden--Eglisau (compris) tandis que la Suisse devait traiter la section en amont d'Eglisau. Les travaux furent terminés, pour l'essentiel, en 1926. La commission bado-suisse donna en 1927 son approbation de principe au plan suisse d'aménagement du secteur Eglisau--Schaffhouse. Ce plan et les devis furent communiqués à Bade, qui de son côté, remit à la Suisse les plans et devis pour la section Birsfelden--Eglisau.
Nos rapports de gestion ont, au fur et à mesure, donné aux chambres des informations détaillées sur ces faits. Nous renvoyons en particulier aux sources suivantes: FF 1910, H, 532 s.; 1913, II, 225 s.; 1921, II, 245; rapport de gestion 1921, p. 266; 1922, p. 279; 1925, p. 217; 1926, p. 234; 1927, p. 208 ; voir en outre le message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 20 octobre 1917 (ÏT 1917, IV, 301) concernant une revision de la constitution fédérale (législation sur la navigation).

En 1929, la Suisse et l'Allemagne conclurent une convention aux termes de laquelle les parties étaient « d'accord que l'établissement d'une

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voie de grande navigation de Baie au lac de Constance doit être recherché, en liaison avec la régularisation du Rhin entre Strasbourg/Kehl et Istein ».

Lors de l'ouverture des négociations qui aboutirent à cette convention, il existait un plan général pour l'aménagement du Rhin supérieur en vue de l'exploitation des forces hydrauliques et de la navigation. Ce plan prévoyait 14 paliers. Les projets relatifs à ces divers paliers furent soumis, en Suisse, à un nouvel examen tenant compte des améliorations intervenues depuis 1926, puis groupés. Le résultat de ces travaux fut communiqué à l'Allemagne en automne 1941, puis publié en 1942 sous la forme d'une communication n° 35 du service fédéral des eaux. Le titre était : « projet d'aménagement de la voie navigable Baie--lac de Constance ». Actuellement, huit des paliers prévus par le plan général sont aménagés. Les usines de Birsfelden et Rheinau sont en construction. Deux paliers (Säckingen et Koblenz-Kadelburg) sont déjà l'objet de demandes de concessions; les pourparlers sont en cours. Dans l'intérêt de la protection des sites, il est prescrit que les paliers de la chute du Rhin et d'Emishofen ne doivent pas servir à l'utilisation des forces hydrauliques.

2. L'octroi de la concession de Rheinau La première demande de concession pour une usine à Rheinau remonte à 1861. Elle fut rejetée par le gouvernement du canton de Zurich qui entendait que la construction d'une usine plus grande ne soit pas gênée plus tard.

En 1893, la ville de Zurich sollicita l'octroi d'une concession. Le projet présenté incita le Conseil d'Etat à demander au Conseil fédéral d'entreprendre auprès du grand-duché de Bade des démarches pour qu'il donne son approbation au projet. Les négociations entre les deux Etats se terminèrent, les 2 et 3 juin 1896, par la signature, à Rheinau, d'un protocole concernant l'utilisation des forces hydrauliques du Rhin près de Rheinau, Ce protocole fut approuvé par Zurich le 30 juin et par Bade le 14 octobre 1896, puis publié au recueil des lois du canton de Zurich (vol. 26, p. 80 s.). La ville de Zurich déposa ensuite un nouveau projet, mais elle le retira et remit les dossiers à la ville de Winterthour, En 1902, une concession fut demandée par la ville de Winterthour, la société anonyme pour l'industrie de raluminium, à Neuhausen, et la société
anonyme d'électricité Schuckert & Co., à Nuremberg. Les requérants déposèrent un projet prévoyant, pour la première fois, l'extension du remous du Rhin non plus seulement jusqu'à la frontière entre Schaffhouse et Zurich, à Nohl, mais jusqu'au pied de la chute du Rhin. Ce fait incita à modifier et à compléter, avec le concours du canton de Schaffhouse, le protocole conclu à Rheinau en 1896 entre le canton de Zurich et Bade, A cet effet, des négociations internationales eurent lieu à Winterthour du 26 au 28 octobre 1904 entre des représentants des gouvernements des cantons de Zurich et Schaffhouse, du Conseil fédéral et du gouvernement

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de Bade. Ces négociations aboutirent à la signature d'un nouveau protocole concernant l'utilisation des forces hydrauliques du Rhin près de Rheinau. Il ressort d'une note adressée le 10 janvier 1954 par le Conseil fédéral au gouvernement badois que ce protocole des 26/28 octobre 1904 fut approuvé par le Conseil fédéral comme par les gouvernements de Zurich et Schaffhouse. Par note du 10 juillet 1906, le ministère badois des affaires étrangères fit savoir au Conseil fédéral que le gouvernement de Bade avait également approuvé le protocole. Cet accord, avec les déclarations d'approbation, est publié dans le volume XXVII du recueil des lois du canton de Zurich (p. 447 s.). Les parties y déclarent accepter l'extension du remous jusqu'à la chute du Rhin ». L'accord pose en outre les principes à suivre lors de l'octroi ou en cas de retrait de la concession.

En novembre 1905, les autorités fuient saisies d'un projet tenant compte du protocole de Winterthour. Le canton de Zurich établit ensuite, en 1907 et 1908, un projet de concession, auquel le canton de Schaffhouse donna son adhésion en faisant une déclaration -- importante -- dans laquelle il disait qu'il s'en tenait au protocole de Winterthour de 1904, qu'il avait entre-temps étudié plus à fond la question de l'influence qu'aurait sur le site de la chute du Rhin l'extension du remous jusque dans le bassin de la chute et qu'il était « tout à fait tranquillisé sur ce point ».

En septembre 1909, le Conseil fédéral transmit le projet intercantonal au gouvernement de Bade avec cette remarque : « Après l'entrée en vigueur du nouvel article 245&s de la constitution fédérale suisse, il appartient à la Confédération d'accorder la concession pour les eaux frontières et d'exercer la haute surveillance sur la construction et l'exploitation de l'usine ». C'est pourquoi le Conseil fédéral proposait de convoquer une conférence générale pour établir des projets de concession de même teneur exigés par les intérêts des deux Etats. En mars 1910, le gouvernement de Bade remit à cet effet au Conseil fédéral un projet d'acte de concession badoise.

Les pourparlers furent toutefois ajournés, les requérants ne manifestant pas, alors, un grand intérêt pour l'obtention d'une concession à bref délai.

Les préparatifs pour l'ouverture du concours international qui devait
provoquer le dépôt de projets concernant les travaux à exécuter pour rendre navigable le Rhin supérieur avaient commencé entre-temps. C'est pourquoi il parut indiqué d'attendre le résultat de ce concours. La première guerre mondiale imposa un nouvel ajournement. Les études relatives au plan général d'aménagement du Rhin supérieur en vue de l'utilisation des forces hydrauliques et de la navigation ne purent, d'autre part, être terminées qu'en 1927.

Les choses restèrent en l'état jusqu'après la signature de la convention germano-suisse de 1929 sur la régularisation du Rhin entre Strasbourg/Kehl et Istein, convention dans laquelle le Conseil fédéral, en vue de favoriser l'établissement d'une voie de grande navigation, consentait « à mener

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conjointement avec le gouvernement badoia, et sur la base des principes adoptés jusqu'à présent, les pourparlers concernant l'octroi de nouvelles concessions de forces motrices entre Baie et le lac de Constance, et à les accélérer dans la mesure du possible ».

Le 7 juin 1929, la demande de concession de Winterthour et consorts fut renouvelée et un nouveau projet déposé. Dans la suite, les « Forces motrices du nord-est de la Suisse S. A. », à Baden, se joignirent à la requête. La demande de concession fut publiée dans les cantons de Zurich et Schaffhouse, ainsi que dans le pays de Bade,, en automne 1931. Au vu des oppositions formées, les requérants mirent au point un projet complémentaire, qu'ils soumirent à l'examen des autorités en 1937.

Les préavis négatifs des organes consultatifs institués par la Confédération et les cantons pour la protection des sites engagèrent les autorités à demander encore une fois des propositions nouvelles aux requérants. Ceux-ci présentèrent en décembre 1939 un projet transactionnel. 'Dé nombreux pourparlers eurent ensuite lieu avec les milieux s'occupant de la protection des sites. Ils furent conduits dans le cadre plus général des études en vue de l'aménagement de la voie navigable Baie--lac de Constance.

Le fruit de ces longs pourparlers fut le projet complémentaire IX, du 18 juin 1942. Ce projet servit aux autorités suisses et badoises de base technique pour la mise au point en commun de projets de concessions établis sur le modèle des concessions accordées pour les usines de Schwörstadt, Dogern et Rekingen. Les projets de concessions furent discutés à Lucerne du 29 juin au 1er juillet 1943 lors de la XVIe session de la commission permanente internationale pour l'aménagement du Rhin supérieur.

Quelques retouches y furent apportées. Les pourparlers bado-suisses prévus par l'article 6 de la convention de 1929 étaient ainsi terminés en ce- qui concerne le projet de Kheinau.

Le Conseil fédéral a accordé le 22 décembre 1944, « d'entente avec le gouvernement de Bade », la « concession pour la construction d'une usine hydroélectrique sur le Rhin à Rheinau ». La concession était octroyée à la ville de Winterthour, aux « Forces motrices du nord-est de la Suisse S.A.» à Baden, à la société anonyme pour l'industrie de l'aluminium à Chippis et à la société anonyme «
Siemens- Schuckert-Werke », à Berlin, à l'intention d'une société anonyme à constituer. Consultés, les gouvernements de Zurich et Schaffhouse avaient donné préalablement leur assentiment. Les requérants ont déclaré accepter la concession.

Par suite des circonstances de la guerre et de l'après-guerre, ce ne fut que le 14 novembre 1947 que le gouvernement badois accorda sa concession. La teneur de cette concession, octroyée « d'entente avec les autorités suisses compétentes » correspondait dans une large mesure à celle de la concession suisse.

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Les deux concessions furent mises en vigueur le 1er février 1948 après qu'il eut été constaté, par un échange de déclarations, qu'elles étaient octroyées sur le vu de plans parfaitement concordants et qu'elles correspondaient entièrement l'une à l'autre sur tous les points pour lesquels la convention bado-suisse du 10 mai 1879 exigeait un accord. Les deux actes de concession sont reproduits en annexe au présent rapport.

3. Le projet d'usine de Rheinau L'usine de Rheinau doit servir à l'utilisation des forces hydrauliques du Rhin en aval de la chute, dans la section comprise entre le bassin de la chute à Neuhausen et un point situé à quelque 2,5 kilomètres en aval du pont dit « Sahnenbrucke » à Rheinau. Le débit utilisable est de 400 m3/sec.

La concession implique en outre le. droit d'utiliser la chute qui résulterait plus tard d'une régularisation de la section Rüdlingen-Rheinau, La section à utiliser est soumise sur une longueur de 0,920 kilomètre à la souveraineté zurichoise et schaffhousoise (bassin de la chute du Rhin-Nohl). Sur 1,4 kilomètre (Nbhl-Dachsen), elle est soumise à la seule souveraineté du canton de Zurich. Les autres parties dé la section -- 9,960' kilomètres -- relèvent, par parts égales, de la souveraineté allemande et zurichoise. La section à exploiter est ainsi située sur sol suisse et allemand, de sorte que l'énergie produite par l'usine de Rheinau reviendra pour 59 pour cent à la Suisse et pour 41 pour cent à Bade.

Le projet approuvé prévoit, pour l'utilisation des forces hydrauliques, les installations suivantes: 1. Un barrage sur le Rhin, à quelque 500 m en amont de l'île du couvent de Rheinau; 2. Une centrale avec turbines s'appuyant contre la berge sur la rive gauche au droit du barrage; 3. Une galerie de dérivation, double, restituant l'eau au Rhin à quelque 1400 m en aval du pont dit « Sahnenbrücke » à Rheinau.

Les installations sont conçues de telle façon que l'aménagement d'une voie navigable ne soit pas empêché. Une écluse avec avant-port et un tunnel spécial au sud de la galerie sont prévus à cet effet. La construction des installations nécessaires à la navigation n'est cependant pas l'affaire de l'entreprise.

Les exigences de la protection des sites doivent être prises en considération.

Le plan annexé au présent rapport montre l'emplacement de toutes ces
constructions.

Le devis des frais de construction de l'usine, sans les installations nécessaires à la navigation, est de 91 millions de francs. On a calculé que la production d'énergie sera, dans une année moyenne, de 103 millions de kWh en hiver et de 112 millions en été, ce qui ferait 215 millions par an.

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4. Le commencement et l'état d'avancement des travaux L'entrée en vigueur des concessions permettait de mettre au point le projet de construction et de commencer les travaux le 23 janvier 1952.

L'article 36 de la concession disposait que les travaux devaient commencer sérieusement avant l'expiration d'un délai de trois ans.

Les travaux de mise au point du projet révélèrent qu'il serait judicieux de ne pas installer le bâtiment des machines à l'endroit prévu dans le projet du 18 juin 1942. Cette modification, approuvée par la commission zurichoise pour la protection des sites, reçut l'agrément de la Suisse et de Bade, qui imposèrent quelques dispositions protectrices (cf. l'annexe 2 au présent rapport). Le délai imparti pour commencer les travaux fut prolongé d'une année, c'est-à-dire jusqu'au 1er février 1952, les conditions requises par l'article 36, chiifre 3, de la concession étant remplies. En été 1951, le projet de construction fut mis à l'enquête publique. Le Conseil fédéral lui donna son approbation, d'entente avec le gouvernement de Bade, le 26 décembre 1951.

La société anonyme de l'usine hydroélectrique de Rheinau fut constituée le 19 janvier 1952, et les travaux commencèrent. Le 24 juin 1952, la concession fut transférée à l'usine hydroélectrique de Rheinau S.A., avec tous les droits et obligations.

Une fois la concession transférée, la société anonyme de l'usine hydroélectrique de Rheinau commença à adjuger les principaux travaux. A fin janvier 1954, les dépenses de construction et les commandes pour les chantiers et les machines s'élevaient à quelque 52 millions de francs, ce qui fait plus de la moitié du total des frais de construction prévus dans le devis.

Les travaux se poursuivent conformément au programme approuvé par les autorités suisses et badoises. La mise en exploitation de l'usine est prévue pour l'automne 1956.

5. Les oppositions suscitées par la construction de l'usine Dans ce chapitre, nous ne parlerons que des oppositions formées après l'octroi de la concession. Celles qui avaient été formées antérieurement ont été prises en considération au cours de la procédure de concession ouverte conjointement par la Suisse et Bade, Le mouvement actuel a été déclenché à Schaffhouse en janvier 1951, c'est-à-dire six ans après l'octroi de la concession suisse. Des résolutions
attaquant le projet d'usine furent votées dans de nombreuses assemblées.

La question de Rheinau donna lieu à de longs débats dans les conseils législatifs de Schaffhouse et de Zurich. Le Conseil fédéral reçut, entre autres requêtes, une pétition portant près de 160 000 signatures.

Le projet d'usine suscita aussi des interventions aux chambres fédérales.

Dans la session d'été 1951, le conseiller national Grendelmeier développa son

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interpellation du 27 mars 1951, dans laquelle il demandait au Conseil fédéral si, étant donnée la modification de la situation et afin de protéger les beautés naturelles de Rheinau et de la chute du Rhin, il ne serait pas disposé à revoir et à annuler sa décision du 22 décembre 1944 et celle du 26 janvier 1951 qui concernent la prorogation du délai pour commencer les travaux. Dans la même session, le conseiller national Seherrer, de Schaffhouse, demanda au Conseil fédéral, dans un postulat, de revoir toute l'affaire de Rheinau et de faire rapport sur le résultat de ce nouvel examen. Le Conseil fédéral répondit de façon très détaillée à ces deux interventions. Il accepta le postulat Scherrer sous une forme modifiée, selon laquelle il reverrait l'affaire avec les autorités badoises, le concessionnaire et les milieux qui s'occupent de la protection des sites, les cantons de Zurich et de Schaffhouse, pour tenter d'arriver à une entente. (Bulletin sténographique CN 1951, p. 544 s.).

Une conférence convoquée à cet effet le 21 juillet 1951 révéla clairement que l'entente envisagée par le postulat était impossible.

Le 30 janvier 1952, le conseiller national Grendelmeier développa une motion invitant le Conseil fédéral à retirer la concession et, jusqu'à ce que la motion fût traitée, à interdire provisoirement la construction, le délai pour commencer les travaux étant en même temps prolongé provisoirement. Se fondant sur des explications détaillées, le Conseil fédéral proposa de rejeter la motion. Le Conseil national adopta cette proposition par 87 voix contre 29 (Bulletin sténographique CN 1952, p. 58 s.).

Lors de la discussion de la motion Grendelmeier au Conseil national, le voeu fut exprimé de voir le Conseil fédéral intervenir à nouveau en faveur d'une conciliation. Le même voeu se fit entendre au Grand conseil du canton de Zurich et dans le public.

Le Conseil fédéral a fait ce qu'on demandait de lui. Le 3 avril 1952 se tint à Zurich une conférence générale sous la présidence du chef du département des postes et des chemins de fer. Cette conférence n'eut cependant pas pour résultat de résoudre le problème.

A la suite d'une initiative populaire, le peuple schaffhousois adopta, le 20 avril 1952, une loi complétant la loi cantonale sur les eaux. Cette loi complémentaire dispose que l'utilisation de
la chute du Rhin ne doit pas dépasser la mesure actuelle et que le Rhin entre la chute et la frontière cantonale à Nohl ne devra pas être mis en remous. Le peuple schaffhousois approuva en même temps un arrêté du Grand conseil chargeant le Conseil d'Etat d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour qu'il retire la concession accordée pour l'usine de Rheinau. Le Conseil d'Etat s'est acquitté de ce mandat le 24 avril 1952.

Statuant sur un recours formé par la ville de Winterthour et consorts contre la loi qui complète la loi schaffhousoise sur les eaux, le Conseil fédéral, après avoir réglé avec le Tribunal fédéral la question de sa compétence, constata, le 19 mai 1953, que la nouvelle loi était nulle parce que contraire

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aux articles 7 et 38, 3e alinéa, de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques. Cette décision du Conseil fédéral fut publiée dans la feuille officielle du canton de Schaffhouse, année 1953, n° 23, page 568.

Dans une décision du 24 juin 1952 concernant le transfert de la concession de Rheinau à l'usine hydroélectrique de Rheinau S.A., le Conseil fédéral répondit négativement à la demande de retrait de la concession formulée par le gouvernement schaffhousois Il décida : « 1. La concession accordée le 22 décembre 1944 pour la construction d'une usine hydroélectrique sur le Rhin a Rheinau est maintenue et transférée, avec tous les droits et obligations, à l'usine hydroélectrique de Rheinau S A., avec siège à Winterthour. Est réservé à la ville de Winterthour le droit d'entrer dans la société jusqu'au 30 septembre 1952 conformément aux conventions qu'elle a conclues avec les forces motrices du nord-est de la Suisse S. A., à Baden, et la société anonyme pour l'industrie de: l'aluminium à Chippis.

2. Cette décision sera maintenue même si une votation populaire dans le canton de Zurich devait avoir le même résultat que celle qui a eu lieu d'ans le canton de Schaffhouse. » Dans la/ suite fut lancée, lors d'une assemblée populaire tenue à Rheinau en août 1952, une initiative concernant la revision de la constitution fédérale. Cette initiative a été déposée à la chancellerie fédérale le 23 février 1953 conjointement avec une autre, relative a l'octroi de concessions pour l'utilisation de forces hydrauliques. Le lancement d'une initiative en vue de protéger les sites entre la chute du Rhin, et Rheinau constitue un moyen inhabituel, comme le reconnaissent les promoteurs même de l'initiative.

Nous ne voulons pas clore ce chapitre sans avoir noté que de nombreuses manifestations ont eu lieu en faveur de la construction de l'usine de Rheinau, notamment à Saint-Gall et dans le reste de la Suisse orientale et que de multiples résolutions et requêtes ont été adressées dans ce sens au Conseil fédéral.

IL CONSIDÉRATIONS JURIDIQUES 1. L'initiative tend à compléter l'article 24bis, 2e alinéa, de la constitution, où il est dit que la législation fédérale édictera les dispositions générales nécessaires pour sauvegarder l'intérêt public et pour assurer l'utilisation rationnelle des forces hydrauliques
et que ces dispositions tiendront compte, dans la mesure du possible, des intérêts de la navigation intérieure. Le complément qu'il s'agirait d'apporter serait le suivant : « La beauté des sites doit être ménagée; elle doit être conservée intacte si un intérêt public majeur l'exige. »

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A ce nouveau texte -- que nous appellerons la « disposition principale » -- serait ajoutée, suivant l'initiative, une disposition transitoire ainsi rédigée : « Pour maintenir intacte la chute du Rhin et protéger la beauté de cette chute et celle des sites jusqu'à Rheinau, la concession pour la construction de l'usine de Rheinau octroyée le 22 décembre 1944 en violation de l'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques est annulée. Une nouvelle concession ne pourra pas être octroyée. » L'initiative tend ainsi à l'insertion d'une disposition générale sur la protection des sites lors de l'utilisation de forces hydrauliques et à l'annulation de la concession de Rheinau.

2. L'initiative étant rédigée dans les trois langues nationales, il convient d'examiner tout d'abord quel est le texte déterminant- Le texte allemand a été déclaré déterminant. Les deux autres textes concordent manifestement avec l'allemand, sauf sur un point. Un doute ne peut exister qu'au sujet du passage de la disposition transitoire qui, en allemand, est rédigé comme suit : « . . . wird die im Widerspruch zu Artikel 22 des Wasserrechtsgesetzes am 22. Dezember 1944 erteilte Konzession iur den Bau des Kraftwerkes Rheinau aufgehoben. Eine solche Konzession darf nicht wieder erteilt werden. » Ce texte signifie-t-il que l'annulation aura effet au jour de l'adoption de l'initiative ou au jour de l'octroi de la concession ? Les deux interprétations sont possibles. La comparaison avec les textes français et italien donne la clef. Le texte français use, pour le mot « aufgehoben », du terme « annulée », tandis que l'italien emploie les mots « dichiarata nulla ed invalida ». Ces deux textes, surtout l'italien, montrent qu'il s'agit d'une déclaration de nullité, c'est-à-dire d'une annulation ayant effet au jour de l'octroi de la concession. Le texte allemand se prête aisément à cette interprétation, qui, supposant la concordance des trois textes, doit être considérée comme la bonne. Tel semble être aussi l'avis général. La conclusion en est que l'annulation n'exercerait pas son effet pour l'avenir seulement, mais aurait un effet rétroactif. Ce fait jouera un grand rôle quand nous examinerons la portée de la disposition transitoire.

3. L'initiative de Rheinau se fonde sur les trois dispositions constitutionnelles
ci-après: Art. 11S. La constitution fédérale peut être revisée en tout temps, totalement ou partiellement.

Art. 121. La revision partielle peut avoir lieu soit par la voie de l'initiative populaire, aoit dans les formes statuées pour la législation fédérale (1er al.).

L'initiative populaire consiste en une demande présentée par 50 000 citoyens suisses ayant le droit do vote et réclamant l'adoption d'un nouvel article constitutionnel ou l'abrogation ou la modification d'articles déterminés dé la constitution en vigueur (2e al.).

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Si, par la voie de l'initiative populaire, plusieurs dispositions différentes sont présentées pour être revisées ou pour être introdxûtes dans la constitutione fédérale, chacune d'elles doit former l'objet d'une demande d'initiative distincte (3 al.).

Lorsque la demande revêt la forme d'un projet rédigé de toutes pièces et que l'Assemblée fédérale lui donne son approbation, le projet sera soumis à l'adoption ou au rejet du peuple et des cantons. Si l'Assemblée fédérale n'est pas d'accord, elle peut élaborer un projet distinct ou recommander au peuple le rejet du projet proposé et soumettre à la votation son contre-projet ou sa proposition de rejet en même temps que le projet émané de l'initiative populaire (6e al.).

Cette dernière disposition montre que l'Assemblée fédérale doit décider si elle adhère au projet ou le rejette. Dans l'un et l'autre cas, le projet doit être soumis à la votation du peuple et des cantons, votation que, pour simplifier, nous appellerons dans la suite « votation populaire ». L'Assemblée fédérale peut recommander au peuple et aux cantons l'acceptation ou le rejet de l'initiative. Dans ce second cas, elle peut opposer un contre-projet.

Le peuple et les cantons doivent alors décider s'ils veulent adopter le projet (qui sera alors inséré dans la constitution) ou le rejeter. Si l'Assemblée fédérale établit un contre-projet, le peuple et les cantons doivent aussi se déterminer à son égard. Une revision de la constitution nécessite la double majorité des citoyens qui prennent part à la votation et des cantons (art. 123, 1er al., Cst.).

Comme on a contesté que l'initiative soit valable et qu'elle puisse être soumise à la votation populaire, nous devons commencer par traiter ce point.

B. La validité de l'initiative (L'initiative peut-elle être soumise à la votation populaire?)

I. GÉNÉRALITÉS 1. On a allégué que l'initiative de Rheinau n'était pas valable, qu'elle ne répondait pas à certaines exigences de forme et que sa disposition transitoire n'était pas conforme au droit, une telle disposition ne pouvant avoir sa place dans la constitution. C'est pourquoi, disait-on, l'Assemblée fédérale a l'obligation de déclarer nulle cette initiative, qui ne pourra ainsi pas être soumise à la votation populaire.

C'est dans ce sens que s'est prononcée, notamment, la commission fédérale de l'économie hydraulique, qui est l'organe consultatif du Conseil fédéral, lors de sa séance du 17 novembre 1953. Cette manière de voir se fondait sur un rapport du juge fédéral Corrodi, membre de la commission.

Dans un mémoire adressé au Conseil fédéral, le 25 janvier 1954, le comité d'action de la Suisse orientale pour l'usine de Rheinau et la navigation sur le Rhin supérieur a, de son côté, déclaré que l'Assemblée fédérale devrait écarter l'initiative. Le comité invoquait une consultation rédigée

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le 12 novembre 1953 par M. Nageli, ancien juge fédéral, pour le parti radical suisse et la thèse soutenue par le professeur Liver dans une conférence faite devant l'union des consommateurs d'énergie.

L'idée selon laquelle l'initiative doit être soumise à la votation populaire est défendue en particulier par les promoteurs de l'initiative. Ceux-ci s'appuient sur une consultation du professeur Giacometti, du 24 septembre 1953.

En raison de sa grande importance politique, le problème a aussi suscité de très vives discussions dans les journaux.

2. L'initiative doit-elle être déclarée valable et par conséquent soumise à la votation populaire ? C'est là une pure question de droit, qu'il faut résoudre selon le droit, et non pas suivant des considérations politiques.

Et cela est vrai tant pour la question de l'aboutissement valable de l'initiative que pour celle de savoir ce qui peut trouver place dans la constitution.

Politique est en revanche la question des dispositions qu'il convient d'insérer ou de ne pas insérer dans la constitution, autrement dit le point de savoir si l'initiative dont il s'agit doit être acceptée ou rejetée.

3. Le problème de la compétence pour statuer sur la validité de l'initiative a une importance capitale pour le sort de celle-ci. La compétence appartient-elle à l'Assemblée fédérale ou au peuple et aux cantons ? Pour se déterminer, il importe de distinguer deux questions mieux qu'on ne l'a fait jusqu'ici.

Premièrement, il s'agit d'établir si l'initiative remplit les conditions constitutionnelles et légales exigées pour que le peuple et les cantons puissent être appelés à se prononcer sur la revision de la constitution.

Ce ne peut être que l'affaire de l'Assemblée fédérale, car c'est à elle qu'il appartient, en vertu de l'article 121, 6e alinéa, de la constitution de se déterminer à l'égard de l'initiative et d'en recommander au peuple et aux cantons le rejet ou l'adoption. Pour le faire, l'Assemblée fédérale doit établir préalablement s'il y a une initiative au sens de l'article 121 de la constitution et si les conditions de validité posées par cet article et par la loi sont remplies ou pas. Telle est d'ailleurs la pratique constante de l'Assemblée fédérale.

La seconde question est de savoir ce que le peuple et les cantons peuvent, par leur vote, faire entrer dans la
constitution. Manifestement, c'est à eux, et non pas à l'Assemblée fédérale, qu'il appartient de se prononcer sur ce point. Sinon, le principal attribut de la souveraineté serait exercé -- au moins en grande partie -- par l'Assemblée fédérale, et non pas par le peuple et les cantons. Cela signifierait que l'Assemblée fédérale pourrait décider définitivement si une revision de la constitution peut avoir lieu ou pas, mais que le peuple et les cantons, même à une forte majorité,

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ne pourraient pas décider l'insertion dans la constitution d'une disposition si l'Assemblée fédérale n'y a pas donné son assentiment, c'est-à-dire si les deux conseils n'ont pu s'entendre sur la nouvelle disposition. Il en serait ainsi non seulement pour les revisions de la constitution par la voie de l'initiative, mais aussi pour celles qui se font dans les formes de la législation.

Aucune revision constitutionnelle ne serait donc possible sans l'assentiment de l'Assemblée fédérale. Or la constitution veut précisément qu'une revision puisse avoir lieu, le cas échéant, contre la volonté de l'Assemblée fédérale.

Et c'est pourquoi une petite minorité de citoyens doit pouvoir olbtenir que le peuple et les cantons soient appelés à se prononcer sur une proposition de revision, quel que soit l'avis de l'Assemblée fédérale. Comme le disait le conseiller national Locher lors de l'institution de l'initiative populaire, cette minorité de citoyens doit avoir le droit d'en appeler à l'autorité qui est la plus élevée dans une république démocratique, c'est-à-dire au souverain, au peuple. Pour cette raison, on ne saurait reconnaître à l'Assemblée fédérale le pouvoir de décider ce qui peut être introduit dans la constitution; autrement, le peuple et les cantons seraient dépouillés d'une grande partie des attributs de la souveraineté et l'institution démocratique de l'initiative serait réduite à rien. Jusqu'à présent, l'Assemblée fédérale n'a d'ailleurs jamais revendiqué un tel pouvoir.

La conclusion en est que l'Assemblée fédérale n'a pas à décider si la disposition transitoire peut ou ne peut pas être insérée dans la constitution.

C'est le peuple et les cantons qui doivent se prononcer.

II. L'ABOUTISSEMENT VALABLE DE L'INITIATIVE 1, Aux termes de l'article 121, chiffre 2, de la constitution, l'initiative populaire « consiste en une demande, présentée par 50 000 citoyens suisses ayant le droit de vote et réclamant l'adoption d'un nouvel article constitutionnel ou l'abrogation ou la modification d'articles déterminés de la constitution ». Pour l'initiative de Rheinau, les conseils législatifs ont déjà eu l'occasion de constater que plus de 50 000 citoyens avaient signé la demande, dans le délai de six mois (prévu par l'art. 5 de la loi du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes
d'initiative), n est hors de doute que l'initiative tend à la modification d'un article déterminé de la constitution, puisqu'elle vise à l'adjonction d'une disposition à l'article 24 bis, 2e alinéa, de la constitution.

On allègue, il est vrai, que la disposition proposée ne peut être l'objet d'une initiative parce qu'elle ne peut être insérée dans la constitution.

L'argument n'a pas de valeur, car -- nous l'avons dit -- le peuple et les cantons ont seuls le droit de décider ce qui peut être introduit dans la constitution.

2. Un autre argument employé pour prouver que l'initiative n'a pas abouti valablement est le fait qu'elle ne respecterait pas le principe de

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l'unité de la matière,. Si, par la voie de l/initiative populaire, plusieurs dispositions différentes doivent être présentées pour être introduites dans la constitution, il faut en effet que chacune d'elles forme l'objet d'une demande distincte (art. 121, 3e al., Cst.). On s'accorde à reconnaître que cette unité de la matière est une condition de validité.

Au sujet de l'initiative de Bheinau, il est précisément allégué que la disposition principale et la disposition transitoire portent sur des matières différentes. Lee deux dispositions, est-il dit, n'ont pas de lien logique entre elles. La seconde n'est pas une disposition transitoire attachée à la disposition principale ; elle concerne au contraire l'article 22 de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques. De plus, la disposition principale et la transitoire contiennent des règles de nature différente et de degré différent. La première est créatrice de droit, tandis que la seconde concerne l'application d'un droit. C'est pourquoi, conclut-on, l'Assemblée fédérale doit faire de l'initiative deux initiatives distinctes et, si elle ne le peut, déclarer nulle l'initiative dans son ensemble.

Ces considérations ne résistent cependant pas à l'examen. La constitution exige cette unité de la matière pour que le citoyen puisse, lors de la votation, exprimer sa volonté réelle. Il ne pourrait le faire si deux matières étaient associées qui n'auraient aucun lien véritable entre elles. Le citoyen ne doit pas être obligé, pour accepter une partie de l'initiative, d'en accepter également une autre, qui n'a pas de rapport avec la première. Mais la constitution n'entend pas exclure purement et simplement toute initiative pouvant créer une telle situation pour le citoyen. Ce manque de liberté ne peut-il pas exister --- à un degré moindre --- pour toute initiative comportant plus d'une question ou dont l'unique question peut se subdiviser ?

Et ces possibilités-là sont presque innombrables. On ne peut guère éviter que le citoyen soit contraint de décider s'il veut accepter une disposition dont la partie principale rencontre son adhésion, mais dont un point secondaire lui déplaît. Ce que la constitution entend empêcher, c'est simplement la combinaison, matériellement injustifiée, d'objets différents. Dans ce cas seulement, le citoyen peut demander qu'un
dilemme lui soit épargné.

S'il en allait autrement, le droit d'initiative n'aurait pas de valeur pratique.

Un lien logique suffit certainement. Ce lien existe par exemple quand une disposition est la condition logique d'une autre. Mais cela n'est pas nécessaire. H peut y avoir aussi un simple rapport pratique, comme dans le cas où ime mesure est l'instrument nécessaire à l'exécution d'une autre.

Tel sera le cas lorsqu'une initiative prévoit simultanément la création d'un établissement et les ressources nécessaires à son entretien. Les auteurs sont d'accord sur ce point (cf. Burckhardt, Kommentar zur Bundesverfassung, p. 815; Giaeometti, Bundesstaatsrecht, p. 731 s., et Revue suisse de jurisprudence, volume 32, p. 935; Fleiner, Bundesstaatsrecht, p. 396, n° 9).

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Nous n'avons pas lieu, croyons-nous, de chercher à prouver qu'un lien existe généralement entre la disposition principale et la transitoire.

Etant liées l'une à l'autre, il est normal qu'elles soient contenues dans le même acte. On ne saurait non plus soutenir que la disposition transitoire n'est en réalité pas une disposition transitoire attachée à la disposition principale. La première ne règle-t-elle pas l'application de la seconde dans le temps, puisqu'elle signifie que la disposition principale doit s'appliquer rétroactivement à une concession accordée avant son entrée en vigueur ? Certes, la loi contient déjà un article correspondant mot pour mot à la disposition principale prévue par l'initiative comme règle constitutionnelle indépendante, dont l'application dans le temps peut être réglée sans égard à la règle légale. Au reste, déclarer aujourd'hui que la règle légale s'applique rétroactivement à la concession de Kheinau n'aurait aucun sens, étant donné que cette règle était déjà en vigueur lors de l'octroi, de la concession.

D'ailleurs, l'unité de la matière serait respectée même si les deux dispositions étaient indépendantes l'une de l'autre, puisque la disposition transitoire a exactement le même but que la disposition principale: la protection des sites.

Il nous restera à prouver ailleurs que les deux dispositions ne diffèrent pas l'une de l'autre par leur nature et leur degré. Etant toutes deux des textes constitutionnels, elles sont de même nature et de même degré. Le fait que l'une d'elle a une portée générale, tandis que l'autre vise un cas particulier, ne change rien à l'affaire.

Dans sa pratique, l'Assemblée fédérale ne s'est pas montrée sévère quant au principe de l'unité de la matière (cf. Büeler, Das Volksinitiativrecht, thèse, Zurich 1925, p. 68 s.). C'est ainsi qu'elle avait admis l'unité de la matière pour l'initiative concernant la suppression de la justice militaire, rejetée le 30 janvier 1921. Or cette initiative réclamait non seulement la suppression de la justice militaire, mais aussi certaines restrictions touchant les peines disciplinaires. L'initiative concernant le prélèvement sur la fortune, déposée en 1920, fut soumise a la votation populaire quand bien même elle réclamait, outre la mesure fiscale constituée par le prélèvement, quelques mesures de politique
économique (par ex. l'émission de certains papier s-valeurs). Nous rappellerons également l'initiative de 1920 concernant l'augmentation du nombre des conseillers fédéraux de sept à neuf et l'élection, du Conseil fédéral par le peuple. Elle aussi fut soumise en bloc à la votation populaire (cf. FF 1940, II, 611). Dans la discussion de cette question, on invoqua le fait .que les deux points de l'initiative avaient déjà été soumis ensemble à la votation populaire à la suite d'une initiative de 1900. A signaler aussi que l'initiative relative à la lutte contre la crise économique a été soumise globalement à la votation populaire bien qu'elle se rapportât à plusieurs domaines de la vie économique (vota-

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tion populaire du 2 juin 1935; FF 1935,1, 275). Nous précisons que l'Assemblée fédérale n'a scindé une initiative que dans un seul cas, celui de l'initiative de 1920 contre l'infiltration étrangère, qui demandait à la fois que la naturalisation fût rendue plus difficile et que la police des étrangers fût exercée avec plus de sévérité. Cette initiative fut scindée en deux parties, qui furent soumises séparément à la votation populaire (FF 1921, III, 572).

En revanche, aucune initiative n'a encore été déclarée irrecevable. Le Conseil fédéral a, au contraire, considéré qu'il ne serait pas conforme à l'esprit de notre démocratie de prononcer la nullité d'une initiative. Ainsi, l'unité de la matière a toujours été admise, hormis le cas où il y a eu scission.

L'initiative de Rheinau respecte manifestement le principe de l'unité de la matière.

Nous devons ajouter qu'on ne saurait scinder l'initiative, en dissociant la disposition transitoire de la disposition principale. L'article 8 de la loi de 1892 prescrit en effet que le projet doit être soumis à la votation populaire « tel qu'il est formulé >>. Il n'est d'ailleurs pas indifférent que plusieurs questions soient soumises chacune pour elle à l'acceptation ou au rejet du peuple et des cantons ou qu'elles soient soumises ensemble à cette acceptation ou à ce rejet (par ex. développement de l'utilisation des forces hydrauliques et perception d'un impôt spécial). L'initiative de Rheinau ne demande que la votation en bloc. Aussi la votation doit-elle porter sur le projet dans son ensemble. Cela est conforme à l'opinion qui prédomine dans la doctrine (1). Comme nous l'avons dit, l'Assemblée fédérale n'a fait qu'une fois une exception, sur la proposition du Conseil fédéral (?).

Admettre l'unité de la matière, c'est rejeter l'objection selon laquelle il serait illicite et illogique de mettre la disposition transitoire en vigueur en même temps que la disposition principale. L'entrée en vigueur simultanée est la règle générale (3).

Ce n'est pas le lieu de discuter si une disposition constitutionnelle peut régler un cas particulier ou si elle doit avoir une portée générale. Cette question est en effet sans pertinence pour l'aboutissement valable de l'initiative, car elle ne porte que sur ce qui peut trouver place dans la constitution. Nous le traiterons ailleurs
(p. 28). Ce que nous venons de dire s'applique aussi à ces deux questions: Une disposition constitutionnelle peut-elle indiquer des motifs ? Une disposition légale (art. 22 de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques) peut-elle être érigée en disposition constitutionnelle ?

(») Par exemple Burckhardt, Kommentar, page 816, Fleiner, Bundesataatsrecht, page397, Giacometti,Bundeastaatsrecht,page 733et Lampert,Bundesstaaterecht,page87, lettre d.

O FF 1920, IV, 208/209.

(2) Voir par exemple les dispositions transitoires de la constitution et celles du code civil, du code des obligations et du code pénal.

Feuille fédérale. 106e année. Vol. I.

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III. L'ADMISSIBILITÉ JURIDIQUE DE LA DISPOSITION TRANSITOIRE (Les limites « matérielles » d'une révision de la constitution) Pour ce qui est de la disposition principale, il est clair qu'elle pourrait être insérée dans la constitution si le peuple et les cantons l'adoptaient.

Pour la disposition transitoire, cette simple possibilité est déjà contestée.

Une partie des adversaires de l'initiative considèrent en effet que même le peuple et les cantons ne sont pas entièrement libres de faire entrer dans la constitution ce qui leur plaît. Il y a au contraire, disent-ils, certains principes auxquels aucune majorité ne peut passer outre. Ces principes sont appelés les limites « matérielles » d'une revision de la constitution. Il s'agit notamment de l'égalité devant la loi, de la garantie de la propriété, de la séparation des pouvoirs et des obligations découlant du droit des gens.

Selon les adversaires de l'initiative, la disposition transitoire serait contraire à ces trois principes et au droit des gens. De pareilles dispositions ne pouvant aucunement trouver place dans la constitution, les conseils législatifs ont, disent-ils, le devoir de ne pas soumettre l'initiative de Rheinau à la votation populaire.

La thèse contraire consiste à nier qu'une revision de la constitution puisse être limitée quant à son objet. Le peuple et les cantons, disent les défenseurs de cette thèse, sont entièrement libres d'insérer dans la constitution ce qu'ils tiennent pour juste et sage. Une limitation ne peut exister pour le souverain, qui est l'autorité suprême dans notre ordre juridique.

L'initiative de Rheinau a déclenché un débat politique qui a pris un tour déjà très vif et qui porte en premier lieu sur cette question générale: Le droit du peuple et des cantons de décider une revision de la constitution est-il limité ou illimité quant à son objet ? La question a une portée de principe pour les initiatives en général, et non pas seulement pour le cas qui nous occupe aujourd'hui. Ce n'est qu'au cas où l'on reconnaîtrait une limitation des droits du peuple et des cantons qu'il y a,urait Heu de déterminer ces limites et de constater si l'initiative les déborde ou pas.

On peut concevoir deux sortes de limites « matérielles » : celles qui sont imposées par des règles supérieures à la constitution (droit des gens)
et celles qui sont établies par la constitution elle-même.

1. Lee limites imposées par le droit des gens à une revision de la constitution II peut se faire que la possibilité de reviser une disposition déterminée de la constitution soit limitée matériellement par une volonté supérieure à celle de la constitution. Le constituant est certainement tenu de respecter pareilles limites. Si leur observation est une condition de validité, la consti-

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tution ne peut être revisée valablement d'une manière qui n'en tienne pas compte.

Dans les Etats fédératifs, la constitution de l'Etat central établit habituellement ces limites pour les constitutions des Etats fédérés. Tel est le cas en Suisse pour les constitutions cantonales. Aux termes de l'article 6 de la constitution fédérale, ces constitutions ne doivent rien renfermer de contraire aux dispositions de la constitution fédérale. Elles doivent assurer l'exercice des droits politiques d'après les formes républicaines (représentatives ou démocratiques), avoir été acceptées par le peuple et pouvoir être revisées lorsque la majorité absolue des citoyens le demande.

La constitution fédérale ne connaît en revanche pas de telles limites, car il n'y a, en droit positif, aucun pouvoir supérieur à celui du peuple et des cantons, aucun pouvoir habilité à édicter des règles obligatoires pour eux. Une limite n'existerait que si la Suisse faisait partie d'un Etat plus grand qui aurait fixé les bornes dans lesquelles la constitution fédérale suisse pourrait être revisée valablement. Or la Suisse n'appartient pas à un pareil super-Etat. Les principes généraux du droit des gens n'ont pas sur le droit constitutionnel des divers Etats une primauté qui priverait ceux-ci du pouvoir d'insérer dans leur constitution une disposition non conforme au droit des gens.

Le professeur Burckhardt, l'éminent commentateur de notre constitution, écrit ce qui suit (1) : « Chaque Etat étant maître de son droit, il n'existe, à proprement parler, en droit des gens aucun ordre juridique à caractère légal et étatique, et non plus aucun ordre juridique à caractère conventionnel, statutaire. L'Etat ne peut aliéner au profit d'une autorité instituée d'entente avec un autre Etat la disposition de ses droits subjectifs et le pouvoir de décider quelles sont ses obligations. » Cette manière de voir est aussi celle d'autres auteurs ( 2 ).

Partant de l'idée que la loi postérieure prune la loi antérieure, le Tribunal fédéral s'est, lui aussi, prononcé clairement dans le sens ci-dessus. Sa conclusion a été la suivante: Conformément à cette maxime, le traité récent abroge ipso jure les dispositions de la loi antérieure et, inversement, la loi récente paralyse l'application en Suisse d'un traité plus ancien (ATF 59, II, 337 s.). Une disposition
constitutionnelle postérieure doit, à plus forte raison, primer un traité conclu antérieurement avec un Etat étranger. On ne saurait ainsi soutenir que le droit des gens s'oppose à ce que la disposition transitoire soit insérée dans la constitution. Il resterait cependant à savoir si la Suisse n'encourrait pas une responsabilité internationale en annulant la concession octroyée. Cette question ne jouera un rôle que lorsqu'il s'agira de déterminer si la disposition transitoire doit être adoptée ou rejetée.

(1) Organisation der Rechtsgemein&chaft, page 359.

( 2 ) Par exemple le professeur Giaeometti (dans sa consultation), en opposition à M. Nägoli, ancien juge fédéral.

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S'il e&t vrai qu'un Etat peut insérer dans sa constitution des dispositions incompatibles avec le droit des gens, cette insertion doit pouvoir être réclamée par la voie de l'initiative, étant donné que l'article 121, 2e alinéa, de la constitution permet de demander l'adoption de toute disposition pouvant trouver place dans la constitution.

Il n'en reste pas moins que notre droit public ne prévoit pas une initiative tendant directement à annuler des engagements internationaux.

L'initiative de Rheinau ne réclame pas directement l'annulation de tels engagements. Son unique but est une revision de la constitution. Elle est donc, à n'en pas douter, une initiative constitutionnelle. Le fait que la disposition proposée par une initiative aurait un effet indirect sur des engagements découlant d'un traité international ne suffit pas pour donner à la demande le caractère d'une initiative portant sur un tel traité.

S'il en était autrement, il aurait fallu, dans le passé, déclarer nulle mainte initiative. La justesse de cette conception ressort du dernier alinéa de l'article constitutionnel sur l'adhésion de la Suisse à la Société des Nations.

Cet alinéa était rédigé comme suit : « L'article 121 de la constitution fédérale concernant l'initiative populaire est aussi applicable aux décisions relatives .à la ^dénonciation du pacte ou à la sortie de la société. » II est évident que cette disposition n'entendait pas créer, pour un cas spécial, une sorte d'initiative en matière de traités internationaux. Elle se bornait à déclarer l'institution de l'initiative applicable à des affaires réglées par un traité international. Le fait qu'on avait tenu pour nécessaire de préciser la cbose par une disposition expresse ne signifie aucunement que l'institution de l'initiative n'eût pas été applicable aux traités internationaux sans cette disposition. Le texte en question n'a été inséré dans l'arrêté que par souci de clarté. Il s'agissait en effet d'empêcher que l'avantdernier alinéa, qui prévoyait la votation populaire pour la dénonciation du pacte ou la sortie de la Société des Nations, soit compris comme fermant la voie de l'initiative.

Nous concluons donc qu'une initiative constitutionnelle .peut aussi avoir pour objet une révision portant atteinte à des engagements internationaux de la Suisse.

2. Les limites
imposées par la constitution elle-même Les arguments les plus importants qui sont avancés pour contester la possibilité de soumettre l'initiative à la votation populaire se fondent sur la thèse que la constitution trace elle-même certaines limites concernant l'objet d'une revision constitutionnelle. Il s'agit de ce qu'on a appelé «les limites fixées à titre autonome par la constitution ».

Les adversaires de l'initiative reconnaissent, eux aussi, que la constitution ne contient aucune disposition expresse dans ^ce sens. Mais ils sou-

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tiennent qu'il serait conforme à son esprit de considérer comme intangibles certains principes constitutionnels, de sorte que ceux-ci ne pourraient pas même être abandonnés par l'effet d'une revision, ni même souffrir une simple exception. On déclare qu'il s'agit-là de droits inhérents à la constitution, et l'on appelle « limite négative de la revision » la restriction résultant de l'interdiction de toucher à ces droits. La constitution prévoit-elle implicitement de telles limites ? C'est ce que nous allons examiner.

Comme seule Y interprétation de la constitution peut indiquer la juste solution, nous tenons à rappeler tout d'abord les principes applicables à cette interprétation. Il est couramment admis, croyons-nous, que les principes généraux établis pour l'interprétation de règles objectives ne sont applicables que dans la mesure où la nature particulière du droit constitutionnel ne conduit pas à une autre conclusion. C'est pourquoi l'on considère notamment comme illicite l'argumentation a contrario. Une autre restriction découle de la structure federative de notre Etat, laquelle structure fait de la constitution une sorte de pacte d'alliance. Il en résulte que l'élément historique doit jouer pour l'interprétation de la constitution un plus grand rôle que pour l'interprétation des lois. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a déclaré, il est vrai, que la genèse d'une loi n'avait pas grande importance pour l'interprétation (1). Il précisait que la teneur de La loi, la logique et le but jouaient un rôle plus grand et qu'il fallait aussi tenir compte des circonstances du moment et du développement de la technique. Si le Tribunal fédéral, en matière législative, soutient cette opinion -- qui est contestée -- il déclare avec raison qu'elle n'est pas fondée en matière constitutionnelle (arrêt non publié du 14 septembre 1923). A ne vouloir considérer, dans le domarne constitutionnel, que la teneur des dispositions et les circonstances du moment, on arriverait par exemple, comme le relève le Tribunal fédéral, à instituer le suffrage féminin simplement en interprétant l'article 74 de la constitution. La tentative en a d'ailleurs été faite. Le Conseil fédéral et les conseils législatifs ont refusé d'entrer dans cette voie ( 2 ).

Entrent ainsi en ligne de compte pour l'interprétation de la constitution:
le texte, l'histoire, le but des dispositions, de même que la jurisprudence et les opinions qui ont cours dans la doctrine.

Il est évident que, parmi ces différents moyens d'interprétation, la teneur de la constitution joue le rôle principal, étant donné qu'une interprétation par analogie et une interprétation extensive sont l'une et l'autre inadmissibles. Pour prouver que les limites alléguées existent, il faudrait donc pouvoir se référer à une disposition constitutionnelle. Or, il est reconnu qu'une telle disposition fait défaut. La seule disposition traitant de cette H ATF 78, I, page 30.

(") Cf. le rapport du 2 février 1951 (FF 1951, I, 357 s.); Bulletin sténographique GN 1951, 512.

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question est l'article 118, où il est dit: « La constitution fédérale peut être revisée en tout temps, totalement ou partiellement ». Ce texte est trop simple et trop clair pour contenir l'indice d'une limite matérielle. Considéré pour lui-même, il infirme au contraire la thèse des limites matérielles.

En étudiant l'histoire de la constitution, on ne trouve non plus aucun fait qui puisse étayer l'idée des limites matérielles. La seule restriction envisagée figurait à l'article 2, 2e alinéa, de la première constitution helvétique du 12 avril 1798, où il était dit: « La forme du gouvernement, quelques modifications qu'elle puisse éprouver, sera toujours une démocratie représentative. » Les projets relatifs à la constitution actuelle ne prévoyaient déjà plus cette restriction. Le projet de mai 1833 envisageait au contraire la possibilité d'une revision partielle ou complète, mais seulement après six ans à compter de l'adoption de la constitution (art. 104). Le texte mis au point en 1848 ne contenait plus la restriction.

Les documents relatifs à l'élaboration de la constitution de 1848 ne contiennent aucun indice d'une volonté de tracer des limites matérielles.

Dans la commission constitutionnelle nommée le 16 août 1847, il fut déclaré, au contraire, qu'on ne devait pas attacher trop de poids à la garantie des constitutions cantonales, étant donné que la majorité des citoyens doivent pouvoir, en vertu de la souveraineté populaire, modifier en tout temps et à leur guise la constitution. Dans la démocratie pure, il y a, ajoutait-on, un absolutisme aussi bien que dans la monarchie illimitée, avec cette seule différence -- mais essentielle -- que la volonté sans tempérament de modifier le droit de telle ou telle façon ou de créer telle ou telle institution du droit public n'est pas le fait d'individus ou de classes, mais celui de l'ensemble du peuple. A cette assertion il fut répondu qu'on s'accorderait certainement à reconnaître que le souverain a la liberté de modifier la constitution en tout temps et comme il l'entend, à la seule condition que cela ne se fasse pas d'une manière déréglée (art. 26 du procès-verbal). L'avis fut aussi exprimé, à ce propos, que le peuple, dans un Etat démocratique, règle les institutions publiques suivant ses besoins ou ses lumières. C'est là la conséquence d'une volonté
qui n'est limitée en rien. Il est nécessaire, ajoutait-on, de faciliter la revision, l'expérience prouvant que la plupart des révolutions étaient dues précisément au fait que la voie de la modification de la constitution était semée de trop d'obstacles.

L'histoire montre ainsi qu'on n'a voulu tracer aucune limite matérielle, de quelque genre que ce soit, à la revision de la constitution.

La conclusion doit en être que les dispositions sur la revision de la constitution ont été conçues de façon à exclure toute limitation quant à l'objet, pour que la souveraineté populaire puisse s'exercer sans entraves.

Si une, restriction matérielle a été voulue, c'est celle qui consiste à prévoir

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qu'aucune règle ne pourra jamais empêcher de reviser librement la constitution. C'est là une conséquence de la théorie de Rousseau, selon laquelle le pouvoir constituant ne peut renoncer valablement à ses attributions.

La pratique des autorités politiques de la Confédération a toujours refusé d'admettre des restrictions matérielles du droit de reviser la constitution.

Sur la proposition du Conseil fédéral, l'Assemblée fédérale a constaté que de telles restrictions n'existent pas et s'est en outre opposée à ce qu'il en soit institué.

C'est probablement en 1894, lors de la discussion de l'initiative douanière, que l'Assemblée fédérale a dû pour la première fois se demander si une initiative pouvait être soustraite à la votation populaire parce que débordant les limites matérielles de la constitution. Une proposition Gobât, motivée de façon très détaillée, tendait à ce que l'initiative ne fût pas soumise à la votation. Cette proposition fut déclarée contraire à la constitution, sur quoi son auteur le retira (1).

La question se posa de nouveau lors de l'entrée de la Suisse dans la Société des Nations. Dans son message du 4 août 1919, à la rédaction duquel le professeur Max Huber avait participé, le Conseil fédéral déclarait ce qui suit : « En matière de législation constitutionnelle, il existe des limites de forme; il n'y en a point en ce qui concerne le fond » (2).

Cette manière de voir est exprimée dans une série d'autres messages.

Ainsi le message du 17 mars 1947 concernant la réunion des deux Baies (3), le second messa,ge sur le même objet du 14 octobre 1947 (4), avec avis de droit du professeur Max Huber et du juge fédéral Fazy, et le message du 14 octobre 1946 concernant la réforme économique et les droits du travail (5).

Le Conseil fédéral a examiné cette question d'une façon particulièrement attentive dans son message du 16 novembre 1948 concernant la revision de la loi du 27 janvier 1892 sur le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale (6). Un postulat de la commission du Conseil national avait soulevé la question de savoir s'il ne serait pas possible de trouver une solution permettant aux conseils législatifs de classer les initiatives devenues sans objet sans qu'il soit besoin d'organiser une votation
du peuple. On se demandait alors si l'on ne pourrait pas se fonder, par analogie, sur les règles concernant la validité d'une initiative. Le Conseil fédéral répondit qu'il était impossible de déclarer non valable une initiative devenue sans objet et motivait en outre sa manière de voir comme il suit : « L'initiative est non (!) Salis, Droit fédéral suisse, H, n° 362.

(2) FF 1919, IV, 661.

(3) FF 1947, I, 1082.

(4) FF 1947, III, 297.

(s) FF 1946, III, 797.

(«) FF 1948, m, 913s.

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seulement l'un de nos droits populaires les plus importants, mais elle se range aussi parmi ceux qui ne souffrent pas de restrictions d'ordre matériel.

Elle ne peut atteindre son but que si ses promoteurs sont absolument libres de fixer son contenu comme ils l'entendent, en s'en remettant au vote du peuple et des cantons pour mettre les choses au point ... Nous croyons donc devoir nous opposer à toute restriction d'ordre matériel du droit d'initiative. » (*) L'Assemblée fédérale s'est aussi opposée à tous les efforts tendant à instituer des restrictions d'ordre matériel pour la revision de la constitution.

En liaison avec l'initiative douanière, le conseiller national Gobât avait proposé, dans une motion, d'examiner s'il n'y avait pas lieu de reviser la constitution, vu son caractère contractuel, à l'effet de fixer les principes généraux de droit public et les dispositions constitutionnelles qui ne peuvent faire l'objet d'une initiative. Cette motion, qui n'avait aucune chance d'être adoptée, fut retirée par son auteur.

Près de trente ans plus tard, en décembre 1921, la même question fut discutée par les deux chambres à la suite du dépôt d'une motion et de certaines expériences faitesf durant la première guerre mondiale. Dans une motion, déposée au Conseil des Etats, M. Brügger demandait notamment qu'il soit permis « de déclarer irrecevables les initiatives déraisonnables ou révolutionnaires, par exemple visant la socialisation des femmes et des enfants, la suppression du mariage et de la famille ou la suppression de la propriété privée » et que l'Assemblée soit chargée de statuer sur la recevabilité des initiatives. Mais la motion fut rejetée par le Conseil des Etats (3), M. Maillefer avait simultanément déposé au Conseil national une motion tendant à la revision de l'article 121 de la constitution << en vue d'empêcher l'abus du droit d'initiative ». Cette motion fut également rejetée (3), A cette pratique constante du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale, qui n'admet aucunement l'existence de limités matérielles, on oppose parfois la jurisprudence du Tribunal fédéral. Cette autorité a, sans doute, déclaré nulles des dispositions constitutionnelles cantonales parce qu'elles violaient le principe de l'égalité devant la loi, celui de la séparation des pouvoirs ou la garantie dé la propriété. Il
a aussi Confirmé les décisions par lesquelles un gouvernement cantonal avait refusé d'organiser la votation populaire réclamée par une initiative cantonale. Dans tous ces cas, le jugement du Tribunal fédéral considérait une violation de la constitution fédérale et non pas le fait qu'une limite matérielle serait tracée par la constitution cantonale. L'article 2 des dispositions transitoires de la constitution fédérale montre clairement que la disposition d'une constitution t1) Page 923.

(2) Bm-ckhardt, Droit fédéral suisse, n° 572, III.

(3) Burckhardt, Droit fédéral suisse, n° 572, IV.

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cantonale, qui est contraire à là constitution fédérale, est nulle dé plein droit, même si elle a été adoptée en votation populaire. Le droit fédéral prime le droit cantonal. C'est pourquoi le Conseil fédéral a, par exemple, constaté la nullité de la loi schaffhousoise du 11 février 1952 complétant celle du 17 janvier 1879 sur lés eaux. L'article 84, lettre a, de la loi d'organisation judiciaire permet en outre d'attaquer devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours de droit public, des décisions ou des arrêtés cantonaux pour violation de droits constitutionnels des citoyens.

Ce qui précède révèle que les arrêts du Tribunal fédéral en matière cantonale ne peuvent pas même servir par analogie à élucider la question de l'admissibilité d'une revision de la constitution fédérale. Il y a en effet entre ces deux domaines des différences fondamentales : La revision d'une constitution cantonale doit respecter les limites imposées par la constitution fédérale, mais la revision de cette dernière n'est limitée -- nous l'avons dit ·-- par aucune borne. Au contraire, il ressort de l'article 113, 3e alinéa, de la constitution fédérale que les lois et les arrêtés de portée générale votés par l'Assemblée fédérale, de même que les traités internationaux approuvés par elle, lient le Tribunal fédéral même s'ils sont contraires à la constitution.

La jurisprudence du Tribunal fédéral n'est ainsi pas en contradiction avec la pratique des autorités politiques de la Confédération.

La doctrine suisse ne manifeste pas la même unité. On peut cependant dire que les auteurs s'accordent aujourd'hui presque tous à reconnaître qu'il n'existe pas de limites matérielles s'opposant à ce que l'insertion de la disposition transitoire soit proposée par la voie de l'initiative. L'opinion dominante conteste même absolument l'existence de limites matérielles.

Burckhardt (1) expose, dans ce sens, ce qui suit: « Une revision de la constitution ne peut pas être limitée quant à son objet, qu'elle soit proposée par l'Assemblée fédérale ou par un certain nombre de citoyens ; il appartient à ceux qui ont qualité pour présenter une proposition, puis au peuple et aux cantons, dé décider quelles matières peuvent trouver place dans la constitution. » S'exprimant sur la question d'une réunion des deux Baie, le professeur Max Huber déclaré
que serait même recevable une initiative tendant à une revision qui aurait une importance capitale pour l'Etat et signifierait la fin de son existence propre (2).

Le professeur Fleiner (3) pense également que l'Assemblée fédérale n'a pas le pouvoir d'écarter un projet d'article constitutionnel proposé par f 1 ) Kommentar, page 815.

( a ) Cité dans ATF 61, I, 172.

(8) Bundesstaatsrecht, page 398.

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une initiative en faisant valoir que son objet n'est pas une matière de la constitution (1).

Le professeur Giacometti ( 2 ) considère en revanche qu'il existe certaines limites. H est d'avis que les dispositions qui créent les organes nécessaires à la revision de la constitution (Assemblée fédérale, corps électoral et cantons) doivent être déclarées intangibles. Sont aussi exclues, à ses yeux, la dissolution de la Confédération ou des cantons et la suppression du referendum et des libertés individuelles inscrites dans la constitution fédérale. Pour le reste, dit-il, le constituant est entièrement libre. Aucune de ces limites n'entre en considération pour l'initiative de Rheinau (3).

D'autres restrictions n'ont été indiquées, à notre connaissance, que par le professeur Liver (dans une conférence), mais sans les motiver d'une façon détaillée, On se réfère parfois, à titre de comparaison, aux règles en vigueur dans d'autres Etats, notamment à celles de la constitution de l'Allemagne occidentale (4). Certaines restrictions y sont en effet apportées à la revision de la constitution. Elles concernent par exemple la forme de l'Etat, qui doit être un Etat fédératif de caractère démocratique et social, et les droits inaliénables de l'individu. A noter cependant qu'il s'agit là de barrières opposées à l'action du parlement. Le « Bundestag » et le « Bundesrat », qui peuvent modifier la constitution par une décision prise à la majorité des deux tiers de leurs membres, ne doivent pas pouvoir violenter la constitution.

Appelé à voter, le peuple peut en revanche décider ce qu'il veut. L'article 73 prévoit que la constitution entière cesse ses effets dès que le peuple en a librement voté une nouvelle.

Nous devons enfin signaler ce qu'il y aurait d'illogique dans le fait que le peuple et les cantons seraient liés par certaines dispositions d'une constitution qu'ils ont eux-mêmes adoptées. Burckhardt pense qu'une (1) II est vrai que Fleiner a fait plus tard des réserves au sujet de la forme de l'Etat et de l'égalité des langues (Mélanges Hauriou, p. 291). En revanche, le professeur Berney parle d'un « droit d'initiative illimité dans son objet » (L'initiative populaire, 1896, p. 369). Se sont exprimés dans le même sens: Borgeaud (Etablissement et revision des constitutions, Paris 1893, p. 395), v. Waldkirch
(Mitwirkung des Volkes bei der Rechtssetzung, thèse Berne, 1918, p. 80), Buppert (Die Unterscheidung von, Verfaasungsinitiative und Gesetzesinitiative, thèse Zurich, 1933, p. 36), Hang (Die Schranken der Verfaseungsrevision, thèse Zurich, 1946) et M. Nägeli, ancien juge fédéral (dans sa consultation).

( 2 ) Bundesstaatsrecht, p. 705.

( a ) H en va de même de la manière de voir du professeur Nef (Materielle Schranken der Verfassungsrevision, dans la Zeitung für Schweiz. Becht 1942, p. 108 s.)- Nawiasky (Aufbau und Begriff der Eidgenossenschaft, 1937, p. 39 s.) et Bauhofer (Eidgenossenschaft, p. 83) admettent que seule la structure federative de l'Etat constitue une restriction pour la revision de la constitution.

( 4 ) « Bonner Grundgesetz » du 23 mai 1949, art. 79, 3e alinéa, combiné avec lès articles 1er et 20.

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constitution ne peut régler elle-même sa validité. « Une loi ou une ordonnance, dit-il, ne peuvent se valider elles-mêmes, c'est-à-dire créer ellesmêmes le titre juridique de leur force obligatoire. Elles ne peuvent pas davantage fixer les conditions de leur validité ou de leur modification. Ces règles doivent être contenues dans des dispositions d'un ordre supérieur. Au-dessus de la loi, il y a la constitution, mais au-dessus de la constitution il n'y a plus rien. Les dispositions qui, dans la constitution, traitent de sa revision sont des dispositions dont l'existence est solidaire de celle de la constitution.

Elles ne peuvent prétendre régir l'entrée en force du nouveau droit constitutionnel, étant donné que leur validité ne repose que sur la constitution en vigueur et qu'elles ne sont qu'un des éléments de cette constitution. » (1) Les dispositions sur la revision de la constitution ne sont en fait pas audessus de la constitution. C'est pourquoi il n'existe pas de droits permanents, qu'une revision de la constitution ne saurait modifier ( 2 ).

Ainsi, même si le peuple et les cantons avaient décidé d'insérer dans la constitution une disposition limitant expressément la revision, ils pourraient revenir sur cette décision, aussi bien que l'individu peut modifier en tout temps une décision qui ne dépend que de lui.

Nous nous sommes ainsi exprimés sur la question de savoir si la constitution limite implicitement le champ de sa revision. Résumant nos considérations, nous constatons ce qui suit: La constitution peut, suivant son texte, être revisée en tout temps.

L'histoire montre qu'on a voulu donner au peuple et aux cantons le pouvoir sans limite qu'exerçait autrefois le souverain dans une monarchie absolue.

La possibilité illimitée de reviser la constitution répond ainsi au but des dispositions réglant la revision. Telle est la manière de voir consacrée de façon claire et constante par la pratique du Conseil fédéral et de l'Assemblée fédérale. Le Tribunal fédéral n'a jamais statué en sens contraire. II n'a d'ailleurs pas à se prononcer sur la recevabilité d'une initiative fédérale.

S'il a déclaré irrecevable une initiative cantonale, il ne s'est fondé pour cela que sur le droit fédéral. Aussi ses arrêts ne peuvent-ils pas même être invoqués par voie d'analogie. Enfin, les auteurs s'accordent,
pour la plupart, à reconnaître qu'il ne saurait y avoir de limitations de la revision quant à son objet. Parmi les auteurs qui admettent l'existence de limites mateli Organisation der Rechtsgemeinschaft, page 208 s.

( 2 ) Giacometti a une autre opinion (Bundesstaatsrecht, p. 701 3.). Il reconnaît le bien-fondé des considérations émises par Burckhardt. Mais il entend faire une exception lorsque le constituant est composé d'une majorité d'organes individuels ou d'organes liés entre eux, et que les organes individuels entrent en activité les uns après les autres; cela vaut pour la Confédération, en ce sens que l'Assemblée fédérale, la peuple et les cantons n'exercent que des fonctions partielles. On peut toutefois objecter que la revision de la constitution aboutit par le fait d'une décision unique prise en votation populaire. Le peuple et les cantons n'interviennent pas successivement, et leur décision est entièrement indépendante de celle de l'Assemblée fédérale.

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rielles, une minorité seulement va jusqu'à reconnaître l'existence de restrictions pouvant jouer un rôle dans le cas de l'initiative de Kheinau. Dernière constatation, il serait tout à fait illogique d'admettre que le peuple et les cantons doivent observer les limites qu'ils ont fixées eux-mêmes. Cela étant, la conclusion qui s'impose est que la constitution ne trace, pas même Implicitement, des limites matérielles pour sa revision.

3. La nécessité d'une disposition constitutionnelle rédigée en termes généraux et de façon abstraite Les adversaires de l'initiative soutiennent, comme dernier argument, que l'initiative est nulle parce que sa disposition transitoire n'est pas rédigée en termes généraux et de façon abstraite. Cette disposition est, disent-ils, non pas une règle de droit maie une décision particulière, un jugement tendant à annuler un acte administratif exécutoire; pour cette raison, la disposition ne peut être insérée dans la constitution, ni faire l'objet d'une initiative valable.

Il faut reconnaître que la clause transitoire ne vise qu'un cas particulier. Elle a pour seul but d'annuler la concession de Rheinau et d'empêcher son renouvellement.

Il est aussi incontestable qu'une telle disposition constitutionnelle est tout à fait inhabituelle et que, de plus, elle viole grandement les principes reconnus d'un ordre juridique juste et sage. Cependant, la conclusion ne saurait être que l'initiative peut être déclarée nulle par l'Assemblée fédérale et soustraite à la votation populaire. Comme nous l'avons dit, il appartient uniquement au peuple et aux cantons de déclarer si la disposition proposée est juste et sage. Mais l'Assemblée fédérale aurait de bonnes raisons pour recommander le rejet de la disposition transitoire dans la votation populaire, Ici, la question est seulement de savoir si une disposition qui n'est pas rédigée en termes généraux peut ou ne peut pas être érigée en disposition constitutionnelle par une décision de la majorité du peuple et des cantons, Deux arguments sont avancés à l'appui d'une réponse négative. Le premier de ces arguments se fonde sur la constitution elle-même. Le voici: L'article 121, qui règle la revision de la constitution, dit qu'elle peut aussi avoir lieu dans les formes établies par la législation fédérale; il en résulte que seules des dispositions
rédigées en termes généraux et de façon abstraite peuvent figurer dans la constitution. Par « constitution » et « loi » on comprend en effet un corps de règles de droit ayant une portée générale et applicables à tous les faits semblables, et non pas un ensemble de décisions administratives ou de jugements (1).

( x ) Telle est notamment l'opinion de M. Nägeli, ancien juge fédéral (dans sa consultation), ainsi que du professeur Nef,

725 Argumenter de cette manière, c'est .alléguer que la constitution trace elle-même les limites matérielles de sa revision. Ces limites doivent être considérées comme « matérielles » parce qu'elles consistent à indiquer ce, qui peut être introduit dans la constitution, et non pas les formes à observer pour cette introduction. Or nous avons exposé que la constitution ne trace aucune limite de ce genre. Elle n'interdit pas non plus l'insertion d'une décision particulière.

Le second argument consiste à dire que la disposition transitoire est nulle parce qu'il lui manque le caractère d'une règle de droit, une telle règle devant être une notion invariable, sans rapport avec un cas particulier (1).

Nous avons déjà dit qu'il n'existe pas de prescriptions édictées par un pouvoir supérieur àTEtat, de prescriptions que le peuple et les cantons ne sauraient modifier. Le fait qu'une disposition constitutionnelle ne doit pas traiter un cas particulier ne découle pas des nécessités de la logique.

Certes, on entend habituellement par « règle de droit » une disposition formulée en termes généraux, car seule une telle disposition peut satisfaire aux exigences de l'égalité devant la loi et, partant, de la justice. Mais c'est là une chose qu'on peut seulement désirer, qui ne répond à aucune prescription du droit ou exigence de la logique. C'est pourquoi le peuple et les cantons doivent pouvoir décider une exception -- par exemple en considération d'importants intérêts publics -- et établir, sous la forme d'une disposition constitutionnelle, une règle obligatoire visant un cas particulier. La question sera alors de savoir dans quel sens les intérêts bien compris de la collectivité --- parmi lesquels ceux de la justice et de la sécurité juridique occupent une place particulière --- doivent faire pencher la balance.

C'est dans ce sens aussi que se prononcent la plupart des auteurs7 Burckhardt (Organisation der Rechtsg&meinschaft, p. 266) s'exprime d'une façon particulièrement claire quand il dit : « Le législateur peut, lui aussi, statuer le droit dans un cas particulier, H en sera ainsi, par exemple, lorsque, sans invoquer une règle en vigueur, il décide: L'entreprise reçoit le droit d'expropriation; le prochain condamné à mort sera gracié, etc. Ce sont là des mesures individuelles, mais qui ne sont pas des jugements,
des décisions particulières, parce qu'elles créent un droit nouveau. Celui qui décide, pour un cas particulier et unique, une mesure ne répondant pas encore à une règle obligatoire, une mesure apportant, au contraire, quelque chose de nouveau dans l'ordre juridique, celui-là crée du droit, mais d'une façon abusive, puisqu'il ne fait pas de ce nouveau droit une règle générale, formulée abstraitement, et se borne à créer un droit pour un cas particulier. » ( 2 ) f 1 ) Telle paraît être l'opinion du professeur Liver.

(s) Se sont exprimés dans le même sens: le professeur Giacometti (dans sa consultation), le professeur Berney et M, Bora. Le professeur Kägi déclare aussi qu'une telle disposition peut, semble-t-il, se justifier comme une véritable exception.

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Si l'on jette un regard sur la pratique des autorités, on constate que la constitution contient déjà des dispositions qui ne sont pas formulées sous une forme générale et abstraite et qu'une telle forme n'a jamais été considérée comme une condition imperative pour l'insertion d'une disposition, dans la constitution.

Dans son rapport sur l'initiative concernant la franc-maçonnerie (FF 1936, II, 519), le Conseil fédéral a, par exemple, exposé que la différence à faire entre la législation et l'exécution ne devait et ne pouvait pas « empêcher le législateur d'insérer dans la constitution une disposition qui lui paraît importante pour le bien de l'Etat, alors même que, du point de vue de la forme juridique, elle ne paraîtrait pas relever de la constitution, par exemple, parce qu'elle ne serait pas d'applicabilité générale ».

La même conception apparaît déjà dans le message du 4 août 1919 concernant l'accession de la Suisse à la Société des Nations (FF 1919, IV, 661). On y lit cette remarque: « La Société des Nations étant, par sa nature même, quelque chose d'unique, il ne peut s'agir que de l'attitude à prendre à l'égard du pacte du 28 avril 1919 et non de l'élaboration d'une disposition constitutionnelle générale concernant la Société des Nations. » Une telle disposition fut ensuite insérée dans la constitution.

D'autres dispositions constitutionnelles encore sont dépourvues de ce caractère général et abstrait. Nous mentionnons ici l'arrêté fédéral du 6 avril 1939 ouvrant au Conseil fédéral un crédit pour renforcer la défense nationale et combattre le chômage. Les différents arrêtés sur le régime financier contiennent, eux aussi, des dispositions visant des cas particuliers.

Dans son avis de droit, Giacometti signale que la seconde initiative pour le retour à la démocratie directe (FF 1948, II, 924) avait réclamé l'abrogation de tous les arrêtés fédéraux urgents édictés avant l'adoption de l'article 89 bis de la constitution. Cette initiative demandait ainsi, exactement comme celle de Rheinau, l'abrogation d'actes administratifs particuliers.

Dans ces circonstances, on doit reconnaître qu'il serait licite d'insérer la disposition transitoire dans la constitution, quand bien même elle consiste uniquement en une décision portant sur un cas déterminé. Nous exposerons ailleurs (p. 39) que ce fait-là
serait une raison de plus pour amener le peuple et les cantons à rejeter l'initiative.

IV. REMARQUES RÉCAPITULATIVES 1. Les considérations qui précèdent auront prouvé, croyons-nous, que la constitution -- comme son article 118 le dit expressément -- peut être revisée en tout temps et totalement et qu'il n'y a par conséquent aucune disposition disant ce qui peut ou ne peut pas faire l'objet d'un texte constitutionnel.

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II n'existe en particulier, au-dessus de la constitution, aucune disposition qui pourrait faire juridiquement obstacle à l'insertion d'un texte constitutionnel. Les principes du droit des gens et les engagements découlant d'une convention internationale ne sont pas non plus des obstacles absolus pour le constituant.

La constitution n'a fixé, ni expressément ni tacitement, des limites matérielles à sa revision. Au reste, le constituant ne serait pas lié par une règle constitutionnelle -- fût-elle expresse -- qui interdirait de toucher à certains principes de la constitution. Il ne peut en effet pas se lier lui-même.

Il a au contraire le pouvoir de reviser en tout temps les dispositions qu'il a établies au sujet de la révision de la constitution et de faire tomber ainsi tous les obstacles.

H est faux de soutenir que seule une disposition formulée d'une manière abstraite et générale puisse trouver place dans la constitution. Et il n'est logiquement pas impossible de régler un cas particulier dans la constitution.

Celle-ci contient d'ailleurs déjà des dispositions réglant des cas semblables.

2. Si l'on n'admet pas l'existence de telles limites, il est toutefois clair que l'Assemblée fédérale ne saurait en aucune façon déclarer que l'initiative de Rheinau est nulle et ne sera pas soumise à la votation populaire. En prenant une telle décision, elle outrepasserait d'ailleurs les limites de sa compétence constitutionnelle, étant donné que seuls le peuple et les cantons ont qualité pour décider ce qui peut ou ne peut pas être inséré dans la constitution. L'initiative a précisément été instituée pour que le peuple et les cantons puissent se prononcer sans dépendre de l'Assemblée fédérale.

L'institution perdrait sa valeur si cette autorité pouvait déclarer la nullité d'une initiative pour des raisons de fond.

3. Contre ces considérations on a objecté que la constitution subirait une perte d'autorité si sa revision ne devait pas respecter certaines limites matérielles et que l'initiative populaire, sage institution de la démocratie, risquerait de devenir ainsi un instrument dangereux de l'agitation politique.

On a encore objecté que la thèse que nous avons soutenue ci-dessus représentait un danger pour une saine interprétation de la notion de constitution.

D'aucuns ont parlé d'un déclin du droit,
d'une menace de crise pour l'Etat régi par le droit, d'une opposition entre le principe démocratique et le principe libéral.

Toutes ces objections, en tant qu'elles n'ont pas pour seules fina le rejet de l'initiative dans la votation populaire, s'expliquent par la crainte de voir les citoyens subir des influences démagogiques et prendre une décision qui pourrait ébranler les fondements sur lesquels reposent l'Etat et ses institutions démocratiques. Et c'est pourquoi on voudrait que l'Assemblée fédérale prévienne ce danger en ne donnant pas au peuple et aux cantons la possibilité de manifester leur volonté. Même si ces craintes étaient

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fondées, il serait peu judicieux de chercher à sauver la démocratie en enlevant au peuple et aux cantons la possibilité de se prononcer sur une importante question constitutionnelle. La démocratie n'est-elle pas une forme d'organisation politique qui a pour base la confiance dans la sagesse et la bonne volonté dea citoyens ?

Ces considérations nous amènent à conclure que l'initiative de Rheinau doit être soumise à la voîation du peuple et des cantons.

C. Que penser de l'initiative quant au fond ?

Après avoir constaté que l'initiative a abouti et doit être soumise à la votation populaire, il y a lieu d'examiner si elle doit .être acceptée ou rejetée. L'Assemblée fédérale doit se prononcer sur ce point et recommander au peuple et aux cantons l'une ou l'autre solution (art. 121, 4e al. Cst).

Si elle recommande le rejet, elle peut, nous l'avons dit, élaborer un contreprojet qui sera soumis à la votation populaire en même temps que l'initiative (art. 121, 6« al.).

I. LA DISPOSITION PKESTCIPALE L'article 24 bis, 2e alinéa, de la constitution est rédigé en ces termes : La législation fédérale édictera les dispositions nécessaires pour sauvegarder l'intérêt public et pour assurer l'utilisation rationnelle des forces hydranliqnôs. Cea dispositions tiendront compte, dans la mesure du possible, des intérêts de la navigation intérieure.

L'initiative tend à compléter cette disposition par le texte suivant: La beauté des sites doit être ménagée, elle doit être conservée intacte si un intérêt public majeur l'exige.

Cette dernière disposition correspond mot pour mot avec le premier alinéa de l'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques, lequel article existe depuis 1916 déjà et comprend un 2e alinéa disant : «Les usines ne doivent pas déparer ou doivent déparer le moins possible le paysage». La loi fédérale du 20 juin 1930 sur l'expropriation contient, à l'article 9, une disposition semblable. Le 1er alinéa de cet article dit que « la beauté des sites doit être conservée dans la mesure du possible », tandis que le 2e alinéa est pareil au 2e alinéa de l'article 21 de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques, avec cette seule différence qu'il emploie le terme « ouvrages » et non pas le mot « usines ».

Si la disposition principale de l'initiative était acceptée, il en résulterait simplement qu'une disposition légale en vigueur (art. 22, 1er al., de la loi sur les forces hydrauliques) serait érigée en disposition constitutionnelle de même teneur. Le seul effet en serait que l'abrogation ou la modification de la disposition deviendrait plus difficile, puisqu'elle nécessiterait une revi-

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sion de la constitution. Mais tel n'est pas du tout le but de l'initiative, car il n'y a aucunement lieu de craindre qu'une revision de la loi n'abroge la disposition sur la protection de la nature ou n'en restreigne la portée. Et si ce danger existait, une revision de la constitution n'aurait, semble-t-il, que peu de chances d'être adoptée dans la votation populaire.

Comme le montre la disposition principale, l'initiative veut renforcer la protection de la nature et obliger, d'une façon toute générale, les autorités compétentes à ne plus permettre l'utilisation de forces hydrauliques dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Il serait cependant faux de croire que ce but pourrait être atteint par l'acceptation de la disposition principale.

La disposition transitoire, elle non plus, ne suffirait d'ailleurs pas, étant donné que ses effets sont limités à un seul cas, celui de la concession de Rheinau. Si l'on veut atteindre vraiment le but, on ne peut le faire qu'en modifiant les termes de façon à dire clairement qu'une concession doit être refusée dès qu'elle pourrait porter une faible atteinte à la beauté des sites.

Pour cela, il suffirait de modifier l'article 22,1er alinéa, de la loi, sans recourir à une revision de la constitution.

Il ressort de ce qui précède que la disposition proposée ne prévient qu'un danger inexistant. Le seul but réel -- le renforcement de la protection des sites -- n'est en revanche aucunement atteint, le texte applicable demeurant le même. Nous concluons que l'insertion de la disposition principale dans la constitution n'a pas non plus de sens pour le citoyen soucieux de voir renforcer la protection des sites. Cette disposition doit donc être rejetée.

L'Assemblée fédérale doit-elle établir un contre-projet? Si le seul but était de renforcer la protection de la nature dans le domaine des concessions hydrauliques, un contre-projet ne serait, objectivement, pas indiqué. La voie normale à suivre pour cela consisterait à modifier la loi. Cette voie serait plus simple et conduirait à un résultat tout aussi certain puisque les dispositions d'une loi fédérale sont obligatoires pour l'administration et le Tribunal fédéral au même degré que les textes constitutionnels (art. 113, 3e al. Cst). Une disposition légale a même un effet mieux assuré, car il est clair qu'elle est
directement applicable aux cas particuliers, tandis qu'on peut se demander si une disposition constitutionnelle n'a pas besoin d'une loi d'exécution pour trouver son application.

On n'aurait de bonnes raisons d'insérer dans la constitution une disposition sur la protection des sites que si cette idée de protection devait être consacrée par la constitution en vue de cas qui ne seraient pas seulement des cas de concession hydraulique ou d'expropriation. Pour qu'un contreprojet puisse entrer en considération, il faudrait que ce soit là le but. Mais il faudrait alors se demander si un contre-projet conçu d'une façon si large serait juridiquement admissible. L'article 10 de la loi de 1892 dit en effet qu'il doit s'agir d'un contre-projet «portant sur la même matière eonstiFeuille fédérale. 106° année. Vol. I.

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tutionnelle». En d'autres termes, le contre-projet doit aussi respecter la règle de l'unité de la matière.

Même si l'on tient ces conditions pour remplies, il reste à examiner si une extension de la protection juridique de la nature est désirable ou pas.

Si l'on conclut affirmativement, il faut alors se demander si la Confédération doit prendre la chose en .main en revendiquant la compétence qu'ont actuellement les cantons. Dans ce cas, il s'agirait encore de savoir si l'initiative de Rheinau doit être l'occasion de ce nouvel aménagement du droit.

Nous déborderions les limites de ce rapport en traitant à fond cette question. Il convient toutefois de mentionner ici les efforts entrepris, autrefois déjà, en vue d'une législation sur la protection de la nature et du paysage.

En 1925, -le conseiller national Gelpke réclamait « une protection durable des eaux, de la propriété foncière et du paysage ». Un postulat Oldani, déposé au Conseil national en 1931, priait le Conseil fédéral d'examiner s'il ne conviendrait pas de déposer un projet de loi sur la protection des sites, projet dont les dispositions larges permettraient de faire cesser certains abus.

Une année plus tard, les deux principaux groupements s'occupant de la protection des sites votèrent une résolution, dite « résolution d'Olten », qui avait le même objet. Le département de l'intérieur pria alors les gouvernements cantonaux de faire connaître leur manière de voir (1933). Neuf cantons se prononcèrent pour l'élaboration d'une loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, tandis que seize émettaient un avis contraire. Sur mandat de la ligue suisse pour la protection de la nature et de la ligue suisse pour la protection du patrimoine national, M. Balsiger, juge à la cour suprême du canton de Zurich, rédigea, la même année, un projet d'article qui devait être inséré dans la constitution, comme article 23bis, entre l'article 23 et l'actuel article 23bis. Cette disposition avait la teneur suivante : La protection du paysage et de la nature est du ressort des cantons et des communes.

Sur la proposition d'un canton intéressé, la Confédération peut cependant prendre sous sa protection des sites et des points de vue, ainsi que des objets naturels et constructions ayant une signification historique, lorsque leur conservation est de
l'intérêt du pays dans son ensemble.

Mémo sons une telle proposition, elle peut interdire toute publicité visible dans le ciel ou déparant le paysage le long des voies ferrées et édicter des dispositions uniformes sur la propreté des eaux et suc les grèves.

Un projet de loi d'exécution prévoyait notamment que le Conseil fédéral aurait à nommer une commission pour la protection de la nature et du paysage et que cette commission serait appelée à présenter des propositions, à donner des avis et à exercer une surveillance. L'idée d'une législation fédérale sur la protection de la nature fut cependant abandonnée

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dans la suite. Une commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage fut en revanche instituée en 1936, à titre d'organe consultatif à disposition du Conseil fédéral.

Depuis lors l'idée de la protection de la nature a gagné beaucoup de terrain et déborde largement le domaine restreint de l'utilisation des forces hydrauliques. S'il était proposé, un article constitutionnel sur la protection de la nature en général aurait, semble-t-il, beaucoup plus de chances d'être accepté que jadis. On sait cependant, par expérience, que l'adoption d'un tel article prendrait un temps considérable. Cela nécessiterait de longs débats aux chambres fédérales, précédés d'échanges de vues avec les autorités cantonales et les groupements s'occupant de la protection de la nature et des sites. H est manifeste qu'on ne saurait lier cette affaire à l'initiative de Rheiriau sans différer d'une manière inadmissible la décision sur l'initiative.

Pour cette raison, nous croyons devoir recommander aux chambres de ne pas opposer de contre-projet à l'initiative.

II. LA DISPOSITION TRANSITOIRE 1. L'artici« 22 de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques a-t-il été violé î La disposition transitoire indique elle-même la raison qui l'inspire.

Cette raison est que la concession pour l'usine de Rheinau aurait été octroyée « en violation » de l'article 22 de la loi. Pour maintenir intacte la chute du Rhin et protéger la beauté de cette chute et celle des sites jusqu'à Rheinau, elle prévoit par conséquent l'annulation de la concession.

Nous avons réfuté déjà plusieurs fois l'assertion selon laquelle la concession de Rheinau aurait été accordée en violation de l'article 22 de la loi.

Nous l'avons fait d'une manière particulièrement fouillée dans les considérants de notre décision du 24 juin 1952, décision qui, publiée sous forme imprimée, a été largement répandue. Nous pouvons nous borner, pour l'essentiel, à renvoyer à ce qui est dit aux pages 713 et suivantes (en parti·culier 716 à 721) de cette brochure. Au sujet de l'assertion selon laquelle l'article 22 de la loi aurait été violé, il convient cependant de préciser ce qui suit: Aux termes de l'article 39 de la loi, l'autorité qui doit statuer sur une demande de concession tient compte de l'intérêt public de l'utilisation rationnelle des cours d'eau et des
intérêts existants. Cette disposition contient un ordre pour l'autorité concédante. Comme disait Burckhardt dans un avis de droit rédigé en 1934, pour le service des eaux, elle est « une maxime qui va de soi et à laquelle toute collectivité doit obéir ». L'article 39

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donne à la décision de l'autorité concédante le caractère d'une décision fondée sur l'appréciation. La protection de la nature, prévue par l'article 22, est une des considérations dont l'autorité concédante devra tenir équitablement compte. Si, dans un cas particulier, l'intérêt général que présente la protection des beautés naturelles est prépondérant, ces beautés doivent demeurer ntactes. On doit en revanche pouvoir porter atteinte aux beautés naturelles ilorsque leur conservation ne présente pas un intérêt majeur ou que, par suite des mesures prises pour les ménager, cet intérêt a perdu assez de poids pour ne plus primer l'intérêt public qu'offre, suivant la constitution et la loi, l'exploitation des forces hydrauliques ni certains intérêts particuliers existant en l'espèce. Le Conseil fédéral n'a statué, dans les limites de son pouvoir d'appréciation, qu'après avoir examiné à fond tout le problème. Les intérêts à prendre en considération en vertu de l'article 39 de la loi avaient fait l'objet d'études très poussées, s'étendant sur plusieurs années. La principale préoccupation était de protéger la beauté des sites conformément aux termes et à l'esprit de l'article 22, de la loi.

Le Conseil fédéral pouvait se fonder, pour cela, sur les avis donnés par les cantons de Zurich et Schaffhouse, ainsi que par les commissions fédérales et cantonales pour la protection de la nature et du paysage.

Lorsque les projets de concession eurent été remaniés avec la participation constante des groupements cantonaux et fédéraux s'occupant de la protection de la nature et des sites et améliorés conformément à leurs voeux, les gouvernements des cantons de Zurich et Schaffhouse donnèrent, par décisions des 3 et 2 avril 1941, leur consentement de principe à l'octroi d'une concession pour la construction d'une usine à Eheinau. us posèrent quelques conditions, qui furent remplies ultérieurement.

La commission zurichoise pour la protection de la nature et du paysage maintint, il est vrai, son opposition de principe, mais reconnut que les diverses modifications apportées aux projets avaient sensiblement atténué les atteintes que la construction de l'usine porterait au paysage.

Elle a, de même, donné son plein assentiment au projet concernant le palier amont de la chute du Ehin, tout en se montrant opposée aux variantes
qui proposent l'aménagement d'un canal navigable contournant la partie du Rhin comprise entre Rheinau et Schaffhouse. Quant à la commission fédérale, elle adressa au département de l'intérieur le 30 mai 1943 un rapport dans lequel elle ne maintenait plus son opposition de principe. Elle ajoutait : « Nous reconnaissons volontiers et avec satisfaction que nous nous trouvons aujourd'hui en présence d'une situation bien différente et améliorée conformément aux exigences de la protection des sites. » En sus de ces contacts officiels avec les commissions fédérale et cantonales, les autorités fédérales s'appliquèrent à renseigner de façon continue la ligue pour la protection du patrimoine national sur l'état des travaux de mise au point des projets. Pour assurer la liaison, la ligue avait même

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constitué une délégation composée de deux de ses membres particulièrement en vue. Cette délégation et les représentants du service des eaux se réunirent en 1940 et 1941 pour conférer et pour visiter les lieux entre Rheinau et Schaffhouse, On expliqua de façon répétée aux représentants de la ligue pourquoi l'octroi de la concession était inévitable. Au printemps 1941, la ligue fut informée des résultats des études qu'elle avait demandées.

Dès lors, il ne fut plus question d'une opposition venant de cette direction.

La décision par laquelle le Conseil fédéral a accordé la concession de Rheinau le 22 décembre 1944 est définitive, aux termes de l'article 72 de la loi. Notons que le Conseil fédéral était compétent, en vertu des articles 7 et 38, 3e alinéa, de la loi, pour octroyer la concession. Pour cette raison déjà, on ne saurait soutenir que la concession a été accordée en violation de l'article 22 de la loi, car toute décision prise en dernier ressort par une autorité publique doit être tenue pour légitime. Le Conseil fédéral aurait pris une décision légitime même s'il n'avait pas appliqué correctement l'article 22, Dans un de ses arrêts, le Tribunal fédéral a en effet constaté ce qui suit: «Le régime juridique institué dans une concession hydraulique au sujet de l'utilisation du droit d'eau est obligatoire, même sur ses points secondaires, pour la collectivité concédante. Il n'est par conséquent pas licite de l'abolir dans la suite, en alléguant que le régime considéré comme conforme au droit lors de l'octroi de la concession s'est révélé contraire au droit ou que l'autorité concédante a outrepassé sa compétence en accordant la concession ( 1 ).i> II est d'ailleurs hors de doute que le Conseil fédéral n'a pas violé l'article 22 de la loi en accordant la concession de Rheinau. Cela ressort tout particulièrement des nombreuses dispositions insérées dans la concession en vue de protéger les beautés naturelles et le paysage (art. 5, 6, 11, etc.).

La première phrase de l'article 5 correspond même mot pour mot avec le deuxième alinéa de l'article 22 de la loi. Quant à la 2e phrase, elle est calquée sur l'article 9, 1er alinéa, de la loi fédérale sur l'expropriation, où il est dit que « la beauté des sites doit être conservée dans la mesure du possible ».

Les dispositions insérées dans la concession
pour protéger la nature pourvoient à ce que ce qui est réellement une beauté naturelle -- la chute du Rhin et le paysage de l'île du couvent de Rheinau -- ne soit pas altéré.

L'utilisation de l'eau dans l'usine de Rheinau n'enlèvera pas la moindre quantité d'eau à la chute du Rhin. La mise en remous du Rhin à Rheinau aura pour seul effet de réduire l'amplitude des variations des niveaux dans la cuvette située au pied de la chute du Rhin. Le changement interviendra dans les limites des variations actuelles entre les hautes et les basses eaux. En été, dans la saison où le spectacle de la chute est particulièrement beau à cause de l'abondance des eaux, le remous n'atteindra pas la cuvette et ne diminuera donc pas la hauteur de la chute.

(*) ATF I, 211, Glaris contre Sernf-Niederbach S.A.

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H est faux de prétendre que le Rhin n'aura plus de courant entre sa chute et Rheinau. La concession dispose en effet que l'eau qui parvient à l'usine doit être rendue au fleuve dans la mesure de son arrivée, sans que le régime d'écoulement du fleuve en soit modifié (art. 6, 5e al.):. Elle prescrit en outre que les rives de cette section du fleuve, inaccessibles à l'heure actuelle, seront aménagées de façon que les promeneurs puissent y circuler (art. 11, 6e al.).

L'usine ne nuira pas à l'île du couvent. Les installations proprement dites, c'est-à-dire le barrage principal et la centrale, seront situés environ 500 mètres en amont de l'île. Le barrage sera du type en vannes secteurs, sans superstructure inesthétique. La centrale sera placée dans la courbe du Rhin de telle façon qu'on ne la verra presque pas de l'île. Les installations ne nuiront pas non plus à la vue du site, dans sa partie la plus belle. Les deux barrages auxiliaires, conçus pour assurer toute l'année un niveau moyen de l'eau dans la boucle du Rhin, aideront aussi à conserver la beauté des lieux.

Dans l'intérêt de la protection des eaux, l'entreprise devra en outre créer les.

ouvrages nécessaires à la purification des eaux usées provenant de la localité de Rheinau et de l'asile d'aliénés construit sur l'île.

A côté de ces dispositions concrètes destinées à protéger, à différents égards, les sites entre la chute du Rhin et Rheinau, la concession contient ' une disposition conçue en termes généraux selon laquelle les questions relatives à l'architecture des bâtiments, à la conformation des rives, à la disposition des routes, des murs, des installations de couplages, des transformateurs, des conduites, des dépôts de déblais, à l'exécution des défrichements, des plantations et des enduits seront traitées en étroite collaboration avec les experts compétents, allemands et suisses, pour la protection de la nature (art. 5,4e al.).

Ce qui précède montre clairement, croyons-nous, que le Conseil fédéral n'a violé ni en fait ni en droit l'article 22 de la loi quand il a accordé la concession de Rheinau. Aussi le Conseil fédéral doit-il, une fois de plus, contester énergiquement l'assertion contenue dans la disposition transitoire de l'initiative, assertion selon laquelle il aurait accordé la concession en violation de l'article 22. Il y
a là une façon illicite de chercher à influencer les citoyens appelés à voter.

2. La violation de l'égalité devant la loi de la garantie de la propriété et du principe de la séparation des pouvoirs Après avoir constaté que le peuple et les cantons, dans l'exercice de leur fonction de constituant, peuvent reviser la constitution sans devoir observer des limites matérielles, il faut reconnaître, par voie de conséquence, qu'ils peuvent porter atteinte aux principes de l'égalité devant la loi, de la garantie dé la propriété et de la séparation des pouvoirs et décider des dérogations à ces principes. Toute différente est la question de savoir s'il

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est recommandable de s'écarter desdits principes. Cette question appelle les remarques que voici: a. D'une façon générale, il est clair, croyons-nous, que ces trois principes constituent les assises de notre Etat. Celui-ci subirait déjà une modification essentielle si l'un, d'eux était aboli.

Ce que nous venons de dire vaut surtout pour le principe de l'égalité devant la loi, consacré par l'article 4 de la constitution. Il n'est pas seulement un des fleurons de notre constitution. Il en est aussi la pierre angulaire, comme il est celle de toute, constitution qui entend créer un ordre juste.

Sans l'égalité devant la loi, il n'y a pas de justice ni de démocratie. II. s'agit non pas d'une égalité absolue, synonyme de nivellement, mais d'une égalité de traitement relative, supposant des conditions, égales. Son contraire, est l'arbitraire, qui est la négation du droit.

La garantie de la propriété n'est énoncée dans aucune disposition de la constitution fédérale. Seules les. constitutions: cantonales contiennent des dispositions à son sujet. Il est cependant hors de doute que. la constitution fédérale garantit tacitement la propriété privée. C'est sur cette garantie que repose la reconnaissance des droits privés en général. La reconnaissance des droits acquis et l'interdiction d'édicter des règles de droit avec effet rétroactif ne sont que les conséquences de ce principe.

Le principe de la séparation des pouvoirs, enfin, exige que les trois pouvoirs de l'Etat -- législatif, exécutif et judiciaire -- soient confiés à des organes différents. Ce principe libéral, né des idées de Montesquieu, a. pour but d'empêcher une concentration de puissance qui serait dangereuse pour la démocratie. Il n'est, lui non plus, pas énoncé dans la constitution. Mais on s'accorde à reconnaître qu'il est à la base, de l'organisation de l'Etat fédéral.

La disposition transitoire de l'initiative viole-t-elle ce principe ? C'est là une question très controversée. Les adversaires de l'initiative répondent affirmativement. Us fondent en partie leur opposition sur le fait que ce principe ne serait pas respecté. Les tenants de cette thèse peuvent invoquer la consultation de l'ancien juge fédéral Nägeli et l'avis exprimé par le professeur Liver. Dans sa consultation, le professeur Giacometti soutient en revanche que la disposition
transitoire ne viole aucun de ces principes.

Un examen plus attentif révèle ce qui suit : b. Le rapport d& la disposition transitoire avec le principe de l'égalité devant la loi. Comme nous l'avons dit, ce principe requiert que tous les citoyens soient traités d'une façon égale, à conditions égales. Cette exigence ne peut être satisfaite que par une disposition qui doit s'appliquer à tous les cas du même genre, c'est-à-dire une disposition générale. Une disposition individuelle, contenant une règle spéciale pour un certain cas, viole forcé-

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ment le principe de l'égalité. Elle n'aurait en effet aucun sens si elle n'entendait pas instituer une règle dérogeant à l'ordre généra).

Comme cette conclusion est déjà dictée par la logique, nous pouvons nous contenter de l'étayer par les avis suivants.

Dans son ouvrage intitulé Organisation der Rechtsgemeinschaft, le professeur Burckhardt déclare ce qui suit: Le législateur qui ne statue que pour un cas particulier, sans énoncer d'une manière abstraite le principe de sa décision, abuse de sa fonction et viole les règles fondamentales d'un Etat régi par le droit (p. 256). Cette façon de légiférer est certainement contraire à l'idée d'un droit considéré comme obéissant à des principes. C'est le comportement contradictoire d'un maître agissant comme bon lui semble, d'un maître qui, sans respecter des principes, prend des décisions auxquelles il prétend quand même donner force obligatoire (p. 266). Des mesures particulières instituant un droit nouveau constituent dos exceptions aux règles abstraites du droit objectif et sont en contradiction avec l'idée de l'Etat régi par le droit. On retrouve ici l'ancienne pratique des privilèges, dispenses, exemptions et grâces de toute sorte (p. 267, note 78).

$ Le professeur Burckhardt avait exprimé des idées semblables dans son commentaire (p. 28).

Dans un arrêt rendu dans les premières années de son activité, le Tribunal fédéral (ATP 6, p. 172 s.) avait déjà déclaré ce qui suit: Le principe énoncé à l'article 4 de la. constitution fédérale, selon lequel tous les Suisses sont égaux devant la loi, est déterminant aussi bien pour l'activité administrative ou judiciaire que pour l'activité législative des autorités publiques. Il exige non seulement que la loi soit appliquée de la même manière à tous les citoyens, mais aussi que ceux-ci soient traités de la même manière par le législateur. La valeur et la portée du principe de l'égalité considérée dans ce dernier sens sont déterminées et limitées par le fait que cette égalité est une exigence de la justice qui relève de l'Etat.

Il ressort de ce qui précède qu'une disposition constitutionnelle de caractère individuel n'est pas compatible avec le principe de l'égalité devant la loi.

D'un autre côté, il semble incontesté que la disposition transitoire ne contienne pas une règle générale, applicable à tous les cas semblables, mais qu'elle n'ait pour objet qu'un cas particulier: la concession de Rheinau. On est donc forcé de conclure qu'elle viole le principe de 1'égah'té devant la loi.

Dans sa consultation, le professeur Giacometti conteste cette violation en soutenant que la concession aurait pu être rapportée déjà en vertu de l'article 43 de la loi. On ne saurait non plus parler d'arbitraire, dit-il, puisque des considérations fondées sur l'intérêt public pourraient fort bien justifier l'annulation.

Raisonner de cette façon, c'est confondre deux choses qui diffèrent sur un point essentiel. Dans les deux cas, il s'agit d'un droit auquel la loi (art. 43) reconnaît expressément le caractère de « droit acquis » et que l'Etat supprime en invoquant l'intérêt public. Mais dans le premier cas, l'article 43 prévoit le retrait contre indemnité seulement, tandis que dans

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le second le texte de l'initiative est muet sur ce point. La mesure visée par l'initiative consisterait donc en une expropriation sans indemnité, en dérogation à la règle générale.

Giacometti soutient, il est vrai, que l'initiative tend au retrait de la concession conformément à l'article 43 de la loi, c'est-à-dire à un retrait contre indemnité. Les promoteurs de l'initiative, dit-il, n'ont pas voulu une expropriation sans indemnité; il s'agit d'une sorte d'expropriation, si bien qu'il faudrait verser une indemnité conformément à la législation sur l'expropriation.

Dans sa consultation, l'ancien juge fédéral Nägeli, soutient la thèse contraire et expose de façon convaincante que le texte de l'initiative implique l'annulation, et non pas le retrait, de la concession. Or s'il y a annulation, il ne peut y avoir indemnité, étant donné qu'il n'y a pas de droit acquis. Une déclaration contraire expresse des promoteurs de l'initiative n'y changerait rien. La concession ayant été valablement obtenue (comme l'a prouvé le Conseil fédéral dans sa décision du 24 juin 1952), le fait que l'annulation serait illicite ne changerait non plus rien à l'affaire. Une indemnité fondée sur la législation en matière d'expropriation ne peut non plus être demandée, étant donné qu'une telle indemnité ne peut être allouée que dans une procédure d'expropriation. Une prestation de l'Etat à l'entreprise entrerait tout au plus en considération comme compensation pour une inégalité de traitement.

Au reste, même si l'on reconnaissait l'obligation de verser une indemnité pleine et entière, il subsisterait l'inégalité de traitement résultant du fait que la question de savoir si les conditions d'une grave atteinte aux clroits privés sont remplies ou pas ne serait pas tranchée, dans le cas de Rheinau, par l'autorité qui statue dans tous les autres cas. Cette remarque s'applique aussi au cas d'une expropriation hors des formes prévues pour l'expropriation.

Le principe de l'égalité devant la loi serait ainsi violé par la disposition transitoire.

c. Si une concession obtenue valablement, c'est-à-dire un droit acquis (art. 43, 1er al., de la loi), était retirée sans indemnité, il est clair que la garantie de la propriété ne serait pas respectée. Le fait que le retrait du droit serait appelé « annulation de la concession » ne saurait
rien y changer.

S'exprimant sur cette question, le professeur Burckhardt expose ce qui suit (Organisation der Rechtsgemeinschaft, p. 104 s.) : Si le concessionnaire a inclus dans ses plans et calculs commerciaux, d'après sa valeur, le pouvoir concédé, comme d'autres droits subjectifs lui appartenant, l'Etat ne peut pas le lui retirer sans toucher à ses droits patrimoniaux et sans mettre en question le principe fondamental du droit privé, à savoir la libre disposition du droit acquis.

Si, contrairement à l'assurance donnée au début, il lui retire ce pouvoir en vertu d'une

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législation modifiée, il met eu question le principe, même de la sécurité du droit civil.

En effet, suivant le droit valable jusqu'alors, le pouvoir concédé représentait pour le concessionnaire (d'aprèa sa valeur) un élément de son patrimoine qui devrait bénéficier, en principe, de la protection assurée par le droit privé'.

Dans un arrêt de 1944, le Tribunal fédéral (ATF 70, I, 215) a. déclaré ce qui suit: Le Tribunal fédéral a toujours admis que la protection constitutionnelle contre les empiétements de l'Etat sur les droits patrimoniaux individuels ne se limitait pas aux droits privés, mais pouvait s'étendre aux droits patrimoniaux fondés sur le droit public. Ainsi, le droit d'utiliser des forces hydrauliques en vertu d'une, concession de droit public a été considéré invariablement comme un droit acquis bénéficiant de la garantie assurée à la propriété.

Partant de cette considération, la jurisprudence a reconnu de manière constante à des droits patrimoniaux fondés sur le droit public la garantie assurée à la propriété.

d. La disposition transitoire porte aussi atteinte -- et de deux manières -- au. principe de la séparation, des pouvoirs. Elle viole, premièrement,, ce principe en attribuant à l'autorité législative, dans un cas particulier, un pouvoir de décision appartenant normalement, de l'avis général, à l'administration ou au juge. S'il est vrai que le peuple et les cantons pourraient prendre eette décision, il est tout aussi vrai qu'ils ne devraient pas la prendre, parce que cela serait contraire au sage principe de la séparation dea pouvoirs. La disposition transitoire implique en outre une atteinte à l'indépendance de l'administration, étant donné qu'elle tend à abroger une décision prise par cette dernière. C'est là aussi une chose que le principe de la séparation des pouvoirs tend à empêcher. Certes, ledit principe n'interdit pas au législateur d'établir une règle qui empêchera dans l'avenir de prendre une telle décision. Mais ce qui importe, c'est que le législateur ne touche pas à des décisions que l'administration a prises dans les limites de sa compétence et qui sont passées en force.

Telle est aussi la manière de voir de M. Nägeli, ancien juge fédéral, qui considère même qu'une telle annulation individuelle d'une décision administrative par la voie d'une revision constitutionnelle est chose impossible.

Le professeur Giacometti objecte, à tort, que le constituant annulerait la concession non pas dans l'exercice d'une fonction judiciaire, en admettant un recours, mais en vertu d'une initiative constitutionnelle. Il y aurait néanmoins annulation d'une décision administrative, ce à quoi s'oppose le principe de la séparation des pouvoirs, quelle que soit la forme de cette annulation. Le principe de la séparation des pouvoirs serait violé même si l'on considérait, avec Giacometti, que le constituant agirait en l'occurrence en qualité d'autorité administrative suprême. Certes, il pourrait intervenir de cette façon, mais, il se mettrait, en contradiction avec le principe suivant lequel le. pouvoir législatif ne doit pas exercer des fonctions

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appartenant normalement à l'administration, ni porter atteinte à l'indépendance de cette dernière.

Notre conclusion est que la disposition transitoire viole les principes de l'égalité devant la loi, de la garantie de la propriété et de la séparation des pouvoirs, 3, La violation d'engagements découlant du droit des gens

Bien que tout Etat puisse établir, pour son territoire et son peuple,, des dispositions obligatoires inconciliables avec le droit des gens, ses engagements découlant de ce droit subsistent. En établissant de telles dispositions, il agit contrairement au droit des gens et engage sa responsabilité. On doit dès lors se demander si l'adoption de la disposition transitoire de l'initiative de Bheinau ne signifierait pas une violation d'engagements découlant du droit des gens. Pour répondre, il faut savoir si la Suisse est tenue envers le pays de Bade-Wurtemberg de ne pas retirer la concession sans son assentiment.

Le professeur Guggenheim (dans une consultation adressée le 12 mai 1952 au département des postes et des chemins de fer) et l'ancien juge fédéral Nägeli répondent affirmativement à la question. Le Conseil fédéral s'est, lui aussi, exprimé, de cette façon dans sa décision du 24 juin 1952.

Dans leurs consultations, le professeur Giacometti et le professeiir Ruck émettent un avis contraire. L'examen de cette question nous conduit aux constatations que voici: a. Dans une consultation adressée le 29 mars 1952 au département des postes et des chemins de fer, le département de justice et police a déclaré qu'un tel engagement de droit international découle de la convention avec l'Allemagne du 2S mars 1929 concernant la régularisation du Rhin entre Strasbourg/Kehl et Istein. Par le 3e alinéa de l'article 6 de cette convention, la Suisse a notamment promis de mener, conjointement avec le gouvernement badois, les pourparlers concernant l'octroi de nouvelles concessions de forces motrices, de « les accélérer dans la mesure du possible », et de « faciliter la construction d'usines hydroélectriques >K Si l'on n'y voit pas la promesse d'accorder une concession précisément pour l'usine de Rheinau, on doit y voir au moins l'engagement de ne pas retirer une concession sans l'assentiment de l'autre Etat. C'est à tort que Giacometti prétend que s'il n'y a eu aucun engagement d'accorder la concession de Rheinau, il n'y a pas non plus l'engagement de ne pas retirer la concession accordée.

Le retrait d'une concession ne peut, ni en fait ni en droit, être assimilé au refus d'une concession. Tant qu'aucune concession n'avait été accordée, le Conseil fédéral avait le choix entre plusieurs possibilités. Si, au contraire,
le Conseil fédéral a accordé une concession et a ainsi satisfait à sa promesse,, il n'est plus libre d'annuler unilatéralement son acte. Cela constituerait une violation de la parole donnée. Ainsi que l'expose l'ancien juge fédéral

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Nägeli, l'autre partie contractante peut compter, en vertu des règles de la bonne foi, que la concession « subsistera conformément aux conditions qu'elle fixe, parce qu'une révocation rendrait sa propre concession caduque en fait sinon en droit et empêcherait ainsi d'utiliser les forces hydrauliques conformément à ce qui y est prévu ». L'engagement conventionnel serait aussi manifestement violé si le retrait avait lieu, sans le consentement de l'autre Etat, avant l'achèvement de l'usine.

Il est en outre incontestable que la convention a été valablement conclue, car elle a été approuvée par l'Assemblée fédérale et soumise au referendum facultatif conformément à l'article 89, 3e alinéa, de la constitution (FF 1929, III, 679).

L'annulation de la concession sans l'assentiment de l'Allemagne' violerait ainsi des engagements découlant du droit des gens, b. La volonté des deux Etats de s'engager réciproquemsnt à ne pas retirer la concession accordée appert encore plus nettement de l'acte de concession et de l'échange de notes. Dans sa consultation susindiqués, le département de justice et police exposait ce qui suit: La nécessité pour les deux Etats de délivrer conjointement une concession touchant un cours d'eau frontière résulte de la nature des choses. Aucun d'eux ne peut utiliser le cours d'eau pour lui seul sans léser les droits de l'autre Etat. C'est pourquoi la convention de 1879 prévoyait déjà une action en commun. L'acte de concession se fonde en eoet aussi sur l'article 5 de cette convention et dispose que le Conseil fédéral accorde la concession « d'entente avec le gouvernement badois ». Le retrait d'une concession, pas plus que son octroi, ne peut être décidé unilatéralement par un Etat sans que les droits de l'autre Etat en souffrent. Lors de l'octroi de concessions antérieures délivrées d'un commun accord en vertu de l'article 5 de la convention de 1879, un arrangement exprès a chaque fois été conclu dans ce sens. C'est ainsi qu'une entente provisoire a été conclue dans un protocole du 20 décembre 1890, signé par les représentants des deux Etats, au sujet de la convention de la même date relative à l'usine de Rheinfelden. Cette entente fut ensuite confirmée par un échange de notes des 31 mai et 15 juin 1891. Les deux notes contenaient à l'article 10 la disposition suivante: «Le retrait ou
la restriction de la concession ne pourra en tout cas être décidé par l'un des gouvernements intéressés que si l'intérêt public le commande impérieusement et seulement après entente avec le gouvernement de l'autre Etat. Pour sauvegarder le mieux possible leurs intérêts réciproques, les deux gouvernements s entendront avant de statuer sur des demandes de prorogation de délais présentées en vue de prévenir l'extinction de la concession (en raison de la non-exécution des installations en temps utile, de la suspension de l'exploitation, etc.). » « Si la concession accordée par l'autorité d'un des Etats s'éteint par suite du temps écoulé ou de son retrait exprès, les deux gouvernements s'entendront sur les mesures à prendre, notamment sur l'octroi éventuel d'une nouvelle concession, en tenant compte le mieux possible des intérêts touchés sur le territoire de l'un et l'autre Etat par la construction ou du maintien des installations. » Pour l'octroi de la concession de Rheinau, le texte des deux concessions fut mis en harmonie; chaque concession renvoie à l'autre. La validité de la concession accordée en premier lieu dépendait de l'octroi de la seconde; les textes des deux concessions furent échangés par des notes diplomatiques. II en ressort que l'on voulait lier les concessions l'une à l'autre, au moins dans la procédure d'octroi. Elles furent toutes deux accordées, d'un commun accord, pour la durée de 80 ans (art. 2), Elles prévoient toutes

741 deux que les deux Etats doivent s'entendre au sujet d'un retrait; l'article 36, 2e alinéa, des deux actes est en eoet ainsi rédigé: « Si l'entreprise contrevient sur des points essentiels et malgré une mise en demeure aux clauses de la concession, elle pourra être déclarée déchue de ses droits. Avant de prononcer la déchéance, le gouvernement en question s'entendra avec le gouvernement de l'autre pays.»

Dans d'autres questions importantes, par exemple le retour (art. 25) et le rachat (art. 26, ch. 1 et 2), les droits du pays de Bade sont reconnus.

En revanche, ni les actes de concession ni l'échange de notes ne mentionnent une possibilité de rachat pour des raisons d'intérêt public. Il est cependant évident que l'article 43, 2e alinéa, de la loi règle néanmoins les rapports entre l'autorité et les concessionnaires, car la concession accordée par le Conseil fédéral --- comme toutes les concessions suisses -- relève du droit fédéral. Les droits et les obligations de la Suisse envers le pays de Bade sont en revanche régis uniquement par les accords internationaux. L'article 36, 2e alinéa, des deux concessions, indique que chaque Etat doit s'entendre avec l'autre au sujet d'un retrait unilatérial. Cela ne veut pas dire qu'un Etat doive simplement aviser l'autre de son intention de retirer la concession. Il en va ici comme de l'octroi des concessions. Les deux Etats ne pouvant octroyer la concession que d'un commun accord, on doit admettre que l'un d'eux ne peut prononcer le retrait que d'entente avec l'autre. Il devrait en être ainsi, semble-t-il, même lorsque les deux Etats ne sont pas convenus de dispositions particulières. Il ressort déjà de la convention qu'il s'agit de deux concessions interdépendantes accordées pour une durée déterminée. Plusieurs protocoles, notamment celui de Eheinau des 2/3 juin 1896 concernant l'utilisation des forces hydrauliques du Rhin près de Rheinau (art. IV), constatent que la révocation d'une concession avant son échéance n'est admissible que si l'intérêt public la commande impérieusement, et seulement avec le consentement du gouvernement de l'autre Etat.

Le professeur Giacometti a toutefois contesté la force obligatoire de l'accord représenté par cet échange de notes ; le Conseil fédéral n'était pas compétent, dit-il, pour conclure un accord dérogeant à l'article 43, 2e alinéa, de la loi; il aurait dû demander l'assentiment de l'Assemblée fédérale.

Cette manière de voir est erronée pour deux raisons.

Premièrement, il est généralement admis que seules les conventions imposant de nouvelles obligations à la Suisse doivent être approuvées par l'Assemblée fédérale. Les conventions relatives à la simple exécution d'un engagement contracté antérieurement sont valables
sans cette approbation (!). L'échange de notes précité a uniquement trait à l'exécution d'engagements découlant des conventions de 1879 (art. 3) et 1929 (art. 6).

(*) Cf. dans ce sens la Jurisprudence dea autorités administratives, nos 26 et 1941, n° 7, Giacometti, Bundesstaatsrecht, page 818; Guggenheim, Lehrbuch des Völkerrechts, pages 67 s. ; Burckhardt, Kommentar, page 675.

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Le professeur Burckhardt cite ce cas comme type d'un accord qui ne crée pas de nouvelles obligations et qui peut dès lors être valablement conclu pa,r le Conseil fédéral. Selon la manière de voir qui avait cours et la pratique suivie jusqu'à présent, l'accord était donc valable sans l'approbation des chambres.

Hais elle ne l'était pas pour une autre raison encore. Le Conseil fédéral ·a accordé la concession de Rheinau en se fondant sur un pouvoir qui lui a été expressément conféré par les articles 7 et 38, 3e alinéa, de la loi. Selon l'opinion dominante, le Conseil fédéral peut, si le droit interne l'y autorise, conclure lui-même un accord relevant du droit des gens (1).

Dans son rapport du 11 août 1922 « sur la politique qu'il a suivie jusqu'à maintenant dans la question du Rhin », le Conseil fédéral rappelait qu'il s'était réservé, avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques, de solliciter des conseils législatifs l'autorisation de conclure ou modifier sans approbation particulière les traités de ce genre qui n'ont pas une importance fondamentale. Lors de la mise en vigueur de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques, l'article 7 lui donna la compétence, pour les cours d'eau touchant à la frontière nationale, « après avoir entendu les cantons intéressés, de constituer les droits d'utilisation ou d'autoriser la communauté qui «n dispose à les mettre en valeur ellemême ». Cette disposition implique l'autorisation de conclure valablement avec un Etat voisin des accords indispensables pour l'octroi de concessions.

En acceptant la disposition transitoire, .notre pays violerait ainsi des engagements contractés dans un traité international, au cas où l'Allemagne ne consentirait pas à l'annulation anticipée de la concession.

Jusqu'à présent, un tel assentiment n'a pu être obtenu du pays de Bade-Wurtemberg. Après un échange de vues avec le gouvernement de ce pays, le ministère de l'intérieur fit même remarquer que des dispositions d'ordre financier ont déjà été prises de façon que l'usine de Rheinau puisse être mise en service en temps utile, conformément au programme de construction. Les intérêts de l'industrie électro-chimique badoise commandent qu'il en soit ainsi. Le retrait de la concession ou un simple ajournement des travaux de construction, était-il
ajouté, seraient contraires à la lettre et à l'esprit des conventions de 1879 et de 1929. Ces engagements découlant du droit des gens ne pourraient pas même être annulés ou limités par une re vision de la constitution.

c. Abstraction faite d'un engagement spécial né d'un accord international, l'opinion dominante considère que les concessions octroyées d'un commun accord -dans des termes à peu près semblables créent entre les (*) Se sont par exemple prononcés dans ce sens: Guggenheim (Lehrbuch, p. 68), avec renvoi à Schindler (Journal suisse de jurisprudence 1934/35, p. 311s.), et Piecard (Der Abschluss internationaler Verträge., thèse Zurich, 1938, p. 183 s.), contrairement à Giacometti (Journal suisse de jurisprudence, 1934/35, p. 36.9 s.)-

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deux Etats voisins une sorte de communauté qui empêche l'un d'eux de prendre unilatéralement une décision qui causerait un préjudice à l'autre.

Les professeurs Guggenheim et Sauser-Hall se sont prononcés dans ce sens, en visant spécialement la concession de Kheinau. Lie professeur Sauser-Hall avait émis cet avis dans un cours fait à l'Académie de droit international, à La Haye, en été 1953.

4. La question de l'indemnité

Chacun sait que l'annulation de la concession de Rheinau causerait des dommages fort importants, de sorte qu'on doit se demander qui devrait les supporter. Nous devons traiter cette question avec une certaine discrétion afin de ne pas causer de préjudice aux intérêts de la Confédération en cas de litige. Cette discrétion s'impose notamment en matière juridique.

Aussi devons-nous nous contenter des remarques suivantes: La question de l'indemnité à verser au concessionnaire au cas où l'initiative serait adoptée et où une entente serait impossible devrait être tranchée par le juge suisse, qui aurait à décider si une indemnité est due et, dans l'affirmative, quel sera son montant. Si l'article 43 de la loi était applicable, une indemnité pleine et entière devrait être versée. Il en serait de même si les règles de la loi sur l'expropriation devaient servir de base (art. 16). Selon l'article 19 de cette loi, « doivent être pris en considération, pour la fixation de l'indemnité, tous préjudices subis par l'exproprié du chef de la suppression ou de la diminution de ses droits ». Cette indemnité comprend la pleine valeur vénale du droit exproprié et le montant de tous autres préjudices subis par l'exproprié, en tant qu'ils peuvent être prévus, dans le cours normal des choses, comme conséquences de l'expropriation.

L'article 20, 1er alinéa, dispose que « l'estimation de la valeur vénale doit tenir compte dans une juste mesure de la possibilité de mieux utiliser l'immeuble », tandis que, dans le domaine du droit privé, l'article 97, 1er alinéa, du code des obligations prévoit que le débiteur qui n'exécute pas un contrat « est tenu de réparer le dommage en résultant, à .moins qu'il ne prouve qu'aucune faute ne lui est imputable ». Le créancier peut réclamer ou bien des dommages-intérêts ou bien la réparation du dommage effectif (art. 109, 1er al). Des règles analogues seraient applicables dans les cas de prestations à faire à titre d'indemnité pour une inégalité de traitement.

Pour donner une idée approximative de la somme à laquelle il y aurait lieu d'estimer le dommage effectif, nous relevons que la société anonyme pour l'usine de Eheinau avait engagé jusqu'à fin janvier 1954 près de 52 millions de francs, A ce montant s'ajouteraient les frais de grands travaux de consolidation, démolition et remise en état.
Pour ce qui est des dommages-intérêts qu'il y aurait lieu de payer au pays de Bade-Wurtemberg, nous nous bornons à relever que ce pays a déjà annoncé qu'il réclamerait une indemnité en cas de retrait de la concession.

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II a en outre laissé clairement entendre que cette indemnité ne serait pas limitée au montant des taxes de concession et des redevances non perçues, mais qu'elle devrait aussi comprendre la réparation du dommage économique subi par le pays.

5. Autres conséquences Du point de vue économique, le retrait de la concession obligerait de se passer d'une usine dont on attend, quand elle sera terminée, une production de l'ordre de 215 millions de kWh, revenant pour 59 pour cent à la Suisse et pour 41 pour cent à Bade. Dans son rapport, la commission fédérale de l'économie hydraulique a signalé que cela aurait de graves effets sur le programme de production d'énergie, pour la Suisse orientale ainsi que pour la région badoise. Elle pense qu'il pourrait en résulter des conséquences fatales pour la société anonyme de l'industrie de l'aluminium, laquelle est intéressée à la part allemande d'énergie.

Il est clair que le retrait de la concession susciterait des discussions désagréables avec notre voisin du nord. La collaboration dans le domaine de l'utilisation des forces hydrauliques et de la navigation intérieure, qui s'était heureusement développée au cours du demi-siècle écoulé, en subirait un fâcheux contre-coup.

La liquidation de l'oeuvre entreprise et la remise en état des lieux nécessiteraient, elles aussi, de grands travaux et de grosses dépenses et rencontreraient une série de difficultés tant d'ordre juridique que technique. Rappelons à ce propos les droits de retour et de rachat réservés aux cantons de Zurich et Schaffhouse et au pays de Bade, ainsi que le droit de copropriété sur toute l'usine que ces collectivités ferait valoir en cas de retour. Etant donnés les effets qu'un retrait exercerait sur les installations construites en Allemagne, il serait nécessaire de chercher à s'entendre avec ce pays. Cette obligation résulte déjà de l'article 5, 2e alinéa, de la convention de 1879, qui dit: Dans ce but, les deux gouvernements s'engagent à pourvoir à ce qu'on n'établisse ni ne modifie notablement des ouvrages de cette nature, ni, en général, des travaux qui pourraient exercer une influence sensible sur l'écoulement des eaux, dans le fleuve ou sur ses rives, pour autant que celles-ci se trouveraient en-dessous du plus haut niveau connu des eaux (zones d'inondation), avant que l'on ait communiqué à l'autorité compétente de l'autre Etat, pour sauvegarder les intérêts en jeu, les plans de l'ouvrage projeté, afin d'amener, si possible, une entente.

Le Conseil fédéral ne pourrait pas non plus ordonner un arrêt des travaux.

Nous constatons tout d'abord qu'il ne pourrait prendre une telle décision -- même à titre temporaire -- sous la forme d'une ordonnance provisionnelle. Certes, un recours peut avoir un effet suspensif en vertu d'une ordonnance provisionnelle du Conseil fédéral (ou du département qui instruit la cause). Cela est prévu par l'article 128 de la loi d'organisation

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judiciaire. La mesure provisionnelle a pour but d'empêcher que l'état de fait ne soit modifié au détriment d'une partie avant que l'autorité n'ait statué sur le recours. Elle ne peut cependant être ordonnée que dans le cas où le Conseil fédéral est saisi d'un recours formé contre la décision d'une autorité inférieure. Dans les autres cas, l'article 128 n'est pas applicable, pas môme par analogie. Or, en l'occurrence, aucun recours n'a été formé.

Il n'existe non plus aucune règle générale suivant laquelle le Conseil fédéral ou l'Assemblée fédérale pourrait, sans autorisation légale, toucher à la liberté des citoyens et aux droits acquis dès que cela leur paraîtrait nécessaire pour maintenir un état de fait ou défendre l'intérêt de la collectivité, en particulier pour prévenir une lésion de l'intérêt public. Nous n'avons sans doute pas besoin d'insister sur le fait que ni le Conseil fédéral ni l'Assemblée fédérale ne revendiquent ni ne voudront revendiquer un pouvoir si général, propre aux dictatures. Dans un Etat régi par le droit, les conditions dans lesquelles le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif peuvent toucher aux droits des citoyens sont indiquées par la constitution et la loi. Cela vaut pour le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale.

Quand un droit d'eau a été concédé, il ne saurait être question de le retirer par la voie d'une revision. Il est vrai que l'octroi d'une concession est une décision administrative et qu'une telle décision peut -- au moins en principe -- faire en tout temps l'objet d'une revision, les actes de ce genre, à l'inverse des jugements civils, n'ayant en règle générale pas l'autorité de la chose jugée. Mais, de l'avis général, les concessions, en particulier les concessions hydrauliques, font précisément exception à la règle.

Nous renvoyons à ce qui est dit à la page 737 s.

Dans certaines conditions, il peut être porté atteinte à un droit acquis.

Cela se fait généralement par la voie de l'expropriation, mais il faut pour cela que les conditions matérielles soient remplies et qu'une certaine procédure soit suivie. Aucune de ces exigences n'est remplie en l'espèce. En outre, l'expropriation ne peut se faire que contre pleine et entière indemnité.

Les conditions dans lesquelles une concession hydraulique peut être retirée sont énoncées à l'article 43, 2e
alinéa. Même si l'on devait considérer que la disposition donne aussi au Conseil fédéral le pouvoir d'ordonner la suspension des travaux, il faudrait admettre que cette décision doit être dictée par l'intérêt public. L'autorité qui la prend doit tenir compte de tous les inconvénients qui en découlent. Or la conséquence d'une décision semblable serait ^'obligation de payer une pleine et entière indemnité.

Même si l'on tenait la condition de l'intérêt public pour remplie, il faudrait se rappeler que la Suisse, comme nous l'avons dit plusieurs fois, est obligée, par le droit des gens, de ne pas modifier les clauses de la concession sans l'assentiment de l'Allemagne. Cela vaut en particulier pour la prolongation du délai de mise en service de l'usine et pour la durée de la concession.

Feuille fédérale. 106e année. Vol. I.

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Enjoindre à l'entreprise, sans l'assentiment de l'Allemagne, d'arrêter temporairement les travaux constituerait déjà une violation de l'obligation découlant de la convention. Jusqu'à présent, l'Allemagne n'a jamais donné cet assentiment. Au contraire, le pays de Bade-Wurtemberg a, de façon répétée, fait savoir clairement qu'il ne pourrait acquiescer en aucun cas à pareille mesure.

On ne saurait enfin soutenir que le droit d'initiative implique pour le Conseil fédéral ou l'Assemblée fédérale le pouvoir d'ordonner l'arrêt des travaux. Pour que ce pouvoir existe, il faudrait que la constitution ou un texte de droit fédéral le prévoie. Or ils ne le font pas.

Il pourrait fort bien se faire que, après l'achèvement de l'usine, un rétablissement des lieux dans leur état primitif soit plus difficile, voire impossible. Le fait que l'avancement des travaux pourrait influencer le résultat de la votation ne peut autoriser ni le Conseil fédéral ni l'Assemblée fédérale à ordonner l'arrêt des constructions. Nous considérons qu'une décision fondée sur l'article 43, 2e alinéa, de la loi ne saurait entrer en considération, car elle ne répondrait à aucun intérêt public majeur.

6. Les intérêts en jeu Ce que nous avons exposé montre, croyons-nous, qu'une série d'inconvénients sérieux serait la conséquence inéluctable de l'acceptation de la disposition transitoire. Les inconvénients purement économiques seraient déjà extraordinaires. Nous pensons aux nombreux millions qu'il faudrait verser à titre d'indemnités, au surcroît d'énergie dont serait privée l'économie du nord-est de la Suisse, aux conséquences fâcheuses pouvant résulter du fait que l'aménagement de la voie navigable serait rendu plus difficile, à l'évolution défavorable de nos relations avec l'Allemagne, sans compter d'autres difficultés de fait.

Bien plus grave et bien plus redoutable serait cependant le fait que l'insertion de la disposition transitoire dans la constitution nuirait au crédit moral dont jouit la Suisse en sa qualité d'Etat obéissant au droit, de démocratie, de membre de la communauté internationale et de partie à des conventions. Il est certain que cette disposition est en contradiction avec les grands principes de l'égalité devant la loi, de la garantie de la propriété et de la séparation des pouvoirs et qu'elle obligerait les autorités
à ne pas s'acquitter d'un engagement issu d'une convention internationale.

Nous devons reconnaître que la disposition transitoire n'entend supprimer directement aucun de ces trois principes. Il ne s'agirait que d'en exclure l'application dans un cas particulier. Nous devons aussi reconnaître qu'il n'est guère possible de les appliquer avec toutes leurs conséquences, Dans le cas qui nous occupe, il y aurait cependant une atteinte grave à ces principes, atteinte qui aurait des suites tout aussi graves. Si le peuple

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et les cantons, simplement parce qu'ils contestent la sagesse d'une décision, décidaient de supprimer un droit accordé valablement par le Conseil fédéral en vertu de la compétence exclusive que lui attribuent la constitution et la loi, la confiance qu'inspirent notre Etat régi par le droit et ses autorités serait sérieusement ébranlée. La sécurité du droit serait, par la force des choses, fortement compromise. Ce qui se serait passé en matière de concessions hydrauliques pourrait se produire dans n'importe quel autre domaine du droit. Le fait qu'une autorité avait agi dans les limites de sa compétence exclusive ne mettrait pas les droits acquis de bonne foi à l'abri d'une suppression ultérieure, avec ou sans indemnité, Oa ne saurait comparer cette suppression au retrait de la concession selon l'article 43 de la loi, étant donné que la loi met l'octroi et le retrait de la concession dans la même main, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. A cela s'ajoute que l'article 43 prévoit expressément une indemnité.

La consultation de M. Nägeli, ancien juge fédéral, insiste sur le fait que la décision en question aurait des conséquences particulièrement graves dans le domaine des droits d'eau. Nous en extrayons ce passage: Précisément dans le domaine des forces hydrauliques, los inconvénients seraient très graves. L» construction d'usines hydroélectriques, que la Confédération a le devoir constitutionnel d'encourager, implique de fortes dépenses. C'est pourquoi il faut que le droit concédé soit sûr et que le concessionnaire ait la certitude qne son droit ne lui sera pas retiré, si ce n'est dans les cas spécialement prévus par la loi et dans les conditions déterminées par celle-ci. Si l'entreprise se sentait sous la menace d'une décision populaire annulant la concession accordée par l'autorité compétente, l'esprit d'initiative serait forcément paralysé dans ce domaine. Et il serait fort à craindre que des forces hydrauliques no demeurent inutilisées même quand leur exploitation, avec quelques précautions, ne nuirait à aucun intérêt constaté par un examen objectif , ..

A cela s'ajouteraient les graves inconvénients qui résulteraient de l'inobservation d'engagements nés d'une convention internationale. Ils se manifesteraient dans une forte diminution de la grande confiance dont la Suisse jouit aujourd'hui dans le monde entier comme partie à des conventions. Il y a là un capital dont on ne saurait assez apprécier la valeur.

A ces inconvénients s'oppose l'intérêt que présente la sauvegardé des beautés nationales. Mais le principe de cette sauvegarde n'est pas en jeu.

Le Conseil fédéral reconnaît la haute signification des valeurs morales que défend le mouvement pour la protection de la nature et du paysage. Il est permis de se demander si cette protection ne pourrait pas être assise sur une plus large base, sous la forme d'un article spécial de la constitution fédérale. Dans le cas de la concession de Eheinau, il ne s'agit que d'une question d'appréciation: savoir si, dans un cas particulier -- mais très important -- l'atteinte portée au paysage serait, malgré des précautions qui ont coûté un supplément de frais de dix millions de francs, assez grave pour que la protection de la nature prime toute autre considération. Avant d'accorder la concession, le Conseil fédéral a examiné à fond tout le problème. Il a abouti à une conclusion, négative. H est convaincu, aujourd'hui

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encore, que sa décision était juste. Mais il ne s'agit plus maintenant de savoir si une concession doit être octroyée ou refusée. La question -- toute différente -- qui se pose aujourd'hui est celle de l'annulation d'une concession accordée. Les conséquences de cette décision sont beaucoup plus étendues. L'annulation ne serait rien de moins que la suppression d'un droit acquis par un concessionnaire qui avait mis sa confiance dans notre Etat régi par le droit et l'inobservation, dans un cas important, d'un engagement international. Tels seraient les effets de l'acceptation d'une disposition constitutionnelle qui, par ses termes et son contenu, serait en contradiction avec les principes fondamentaux de tout Etat obéissant au droit.

Quel que soit le prix qu'on puisse attacher à la protection de la nature (dans le cas particulier, la chute du Rhin n'est pas menacée), cette protection ne saurait justifier, en l'occurrence, une innovation portant atteinte aux fondements de notre Etat et de notre démocratie. Le plus chaud partisan de l'idée de protection de la nature et du paysage, s'il sait voir les choses dans leur ensemble, devra reconnaître qu'il n'est pas indiqué de toucher à ces fondements pour faire triompher dans le cas particulier l'idée qui lui est chère.

Nous arrivons ainsi, pour la disposition transitoire, à la même conclusion que pour la disposition principale: une proposition de rejet, sans contre-projet, s'impose.

Pour ces motifs, nous vous recommandons de soumettre l'initiative à la votation du peuple et des cantons, sans contre-projet, en leur en proposant le rejet.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 4 mai 1954.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le, président de la Confédération, Rubatici Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

74a (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL sur

l'initiative populaire pour la protection, des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative du 23 février 1953 pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau; ainsi que le rapport du Conseil fédéral du 4 mai 1954; vu les articles 121 et suivants de la constitution et les articles 8 et suivants de la loi du 27 janvier 1892/5 octobre 1950 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, arrête : Article premier L'initiative pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau sera soumise au vote du peuple et des cantons.

Cette demande a la teneur suivante: Les citoyens suisses soussignée, qui possèdent le droit de vote, demandent par voie d'initiative populaire que l'article 24U>M, 2° alinéa, d.e la constitution fédérale soit complété comme suit: La beauté des sites doit être ménagée; elle doit être conservée intacte si n ri intérêt public majeur l'exige.

Disposition transitoire: Pour maintenir intacte la chute du Rhin et protéger la beauté de cette chute et celle des sites jusqu'à Rheinau, la concession pour la construction de l'usine de Rheinau octroyée le 24 décembre 1944 en violation de l'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques est annulée. Une nouvelle concession ne pourra pas être octroyée.

Art. 2 Le peuple et les cantons sont invités à rejeter l'initiative.

Art. 3 Le Conseil fédéral est chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté.

10105

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PALIER de RHEINAU

Annexe 1

751

Traduction

Annexe 2

PROTOCOLE concernant

l'utilisation de la force hydraulique du Rhin près de Rheinau établi à Rheinau les 2/3 juin 1896 (*) Sont présents: pour le gouvernement grand-ducal badois :

MM. Karl Schenkel, conseiller privé, directeur ministériel au ministère grand-ducal de l'intérieur; Max Honsell, directeur des travaux publics à la direction supérieure des eaux et routes; pour le Conseil fédéral suisse : MM. Albert von Morlot, inspecteur en chef fédéral des travaux publics ; Johann Coaz, inspecteur général fédéral des forêts; pour le canton de Zurich : MM. Konrad Bleuler-Hüni, conseiller d'Etat, directeur des travaux publics ; Heinrich Nageli, conseiller d'Etat, suppléant du directeur des finances ; Gottfried Schmid, ingénieur cantonal.

A participé en outre du côté zurichois : M. Ruedi, inspecteur en chef des forêts, membre de la commission cantonale de la pêche.

Les négociations ont lieu à la demande du Conseil d'Etat zurichois, par l'intermédiaire du Conseil fédéral suisse. Elles ont pour but de fixer les conditions pour mettre en valeur la force hydraulique du Rhin sur la section bado-zurichoise près de Rheinau.

Après une visite du secteur fluvial en question et sur la base du résultat des négociations, il a été arrêté ce qui suit: I

Les intérêts de la police des eaux, de la pêche, de la navigation et du flottage que l'on invoque pour s'opposer à la construction d'une usine (!) Voir le texte original au recueil officiel des lois du canton de Zurich, vol, XXVI, pages 80/87.

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hydroélectrique près de l'asile d'aliénés de Bheinau ne sont pas d'une importance telle qu'il faille envisager d'emblée un refus de la concession. Les intérêts de la police des eaux n'ont, au cours des négociations, pas été pris en.

considération d'une façon détaillée, les représentants gouvernementaux s'accordant à reconnaître qu'il sera possible d'en tenir suffisamment compte dans la procédure de concession. En revanche, il a paru désirable que, lors de l'établissement du projet définitif, les intérêts de la pêche et de la, navigation soient sauvegardés comme suit: a. Dans l'intérêt de la pêche, il y aura lieu d'établir une échelle à poissons dans le barrage et de maintenir ou d'aménager, dans la partie du Rhin comprise entre l'entrée et la sortie du canal de l'usine, un courant d'eau empruntant le lit naturel. Même en période d'étiage, ce courant d'eau aura un débit de 15 m3/sec. au minimum, de façon que les poissons puissent encore y circuler pendant cette période. Dans eette partie du fleuve, ainsi que 100 m environ en amont de l'entrée et en aval de la sortie du canal, l'exercice de la pêche devrait être absolument interdit. Ceux qui y possèdent des droits de pêche devront être dédommagés en conséquence.

b. Dans l'intérêt de la navigation, il y aura lieu de construire une écluse assurant le libre passage des bateaux qui naviguent normalement sur cette section.

c. Bien que le flottage sur la section comprise entre la chute du Rhin et Balm soit actuellement nul, l'entreprise devrait être tenue d'établir les installations nécessaires au libre passage des radeaux si, les conditions ayant changé, une reprise du flottage devait répondre aux besoins de l'économie nationale.

II

En ce qui concerne la procédure à suivre en vue d'obtenir la concession pour l'établissement et l'exploitation de l'usine hydraulique de Bheinau, il est convenu qu'une demande de concession doit être déposée auprès des autorités compétentes du grand-duché de Bade et du canton de Zurich, elle doit être accompagnée des descriptions, dessins et autres pièces justificatives, conformément aux prescriptions en vigueur dans chacun des deux pays. Si les autorités des deux pays autorisent la construction de l'usine, les conditions de la concession devront être fixées d'une manière concordante, sur la base d'un accord préalable entre les autorités compétentes des deux pays et sur tous les points qui touchent les intérêts des deux pays et qui dès lors doivent faire l'objet d'une réglementation concordante.

III

II est en outre convenu que chacun des deux gouvernements a en principe le droit d'exiger que la moitié de la force hydraulique exploitée dans l'usine de Rheinau soit employée sur le territoire de son pays.

753

Les représentants du canton de Zurich ont toutefois exprimé le voeu que l'ensemble de la force exploitée à Bheinau soit employée dans le canton, étant donné le besoin qui s'y fait déjà sentir.

Les représentants du gouvernement grand-ducal ont reconnu que, dans les circonstances actuelles du moins, il n'y a pas lieu d'envisager l'emploi sur territoire badois de la moitié entière de la force exploitée dans l'usine de Rheinau et que, tant qu'un tel besoin ne se fera pas sentir, la part badoise devrait être employée sur le territoire du canton de Zurich.

Ils pensent toutefois qu'il y aurait lieu d'accorder à leur gouvernement, pour la renonciation à l'emploi de cette force, une compensation équitable.

Pour ce faire, un accord à conclure ultérieurement au sujet d'une autre section du Rhin bado-suisse, où les forces hydrauliques de toute la largeur du fleuve seraient exploitées d'une manière semblable pourrait disposer que cette quantité supérieure à la moitié qui, dans le cas de Rheinau, sera attribuée au canton de Zurich, sera mise à la disposition de Bade, conformément à l'accroissement de ses besoins. Au cas où cela ne serait pas possible, le gouvernement badois se contenterait probablement de demander du gouvernement zurichois le paiement d'une indemnité pour la mise à disposition de la quantité supérieure à la moitié de la force exploitée à Rheinau ; cette indemnité correspondrait aux avantages dont le grand-duché de Bade se sera privé en renonçant à l'emploi de cette partie de la force. Sous réserve de sa fixation plus précise par voie de négociations, cette indemnité devra être payée sous la forme d'une annuité fixe par cheval brut.

Les représentants du gouvernement zurichois déclarent, d'une façon générale, acquiescer à ce qui précède. Ils considèrent toutefois comme invraisemblable qu'une indemnité puisse Être offerte sous forme de cession d'une force de même valeur en un autre endroit, de sorte que seule une indemnité en argent pourra entrer en ligne de compte. Il semble désirable que le montant de cette indemnité soit fixé dans les limites de la loi zurichoise sur les eaux, qui dispose que les concessionnaires doivent payer à l'Etat une redevance annuelle de 3 à 4 francs par cheval.

L'accord s'est fait également sur les points suivants: a. Si, dans le délai de cinq ans à partir de l'octroi
de la concession, une demande méritant d'être prise en considération est présentée en vue d'exploiter la force dans la région badoise voisine de l'usine de Rheinau, l'entreprise concessionnaire devra mettre la moitié de la force exploitée à la disposition des preneurs d'énergie badois, aux conditions appliquées en territoire suisse dans des circonstances semblables.

6. Si, dans le délai susmentionné, l'énergie provenant de l'usine de Rheinau n'est pas requise pour être employée sur territoire badois, elle restera, sans restriction aucune, à la disposition du gouvernement du canton de Zurich, pour une durée de vingt ans.

754

Pendant ce temps, le canton de Zurich paiera à l'Etat de Bade, pour la moitié de la force produite par l'usine de Rheinau et non employée en territoire badois, une indemnité qui sera fixée dans un accord à intervenir.

c. Sera considéré comme date d'octroi de la concession le jour auquel la concession badoise aura été notifiée au concessionnaire ou, si la concession devenait caduque par suite d'expiration du délai fixé pour l'achèvement des travaux, le jour auquel la décision renouvelant la concession aura été notifiée au concessionnaire.

Au cas où, pendant les cinq années suivant l'octroi de la concession, la moitié de la force revenant au Pays de Bade serait utilisée temporairement, avec l'approbation de son gouvernement, sur le territoire du canton de Zurich, l'indemnité prévue sous lettre 6 devrait être aussi payée pour la force ainsi employée sur territoire suisse.

d. Après vingt-cinq années à compter de l'octroi de la concession, le gouvernement badois aura le droit, si un besoin d'énergie se fait sentir dans la région voisine de l'usine de Rheinau, d'exiger que la partie de l'énergie supérieure à la moitié du total et qui, conformément aux dispositions précédentes, aura pu être d'abord employée sur territoire suisse, soit mise à disposition des preneurs badois aux conditions arrêtées en Suisse dans des circonstances semblables.

Le concessionnaire est tenu d'établir les installations pour la fourniture de l'énergie en territoire badois dans le délai de deux ans à compter du moment où la demande en aura été faite.

e. Si la force déjà exploitée autre part sur le Rhin bado-suisse et d'une façon semblable venait à être mise à la disposition du gouvernement badois dans une mesure dépassant la moitié du total de la force employée, ce gouvernement renoncerait, jusqu'à concurrence du surplus, à exercer son droit d'utiliser la moitié de la force de Rheinau.

IV

Les représentants du gouvernement grand-ducal déclarent que, selon la loi badoise sur les eaux de 1876, l'autorisation d'utiliser un cours d'eau public ne peut être accordée qu'à titre révocable. Lors de l'octroi de l'autorisation pour la construction de l'usine de Rheinau la promesse sera faite que, avant l'expiration d'une période convenable pour exploiter et amortir complètement l'entreprise (80 années environ), l'autorisation ne sera révoquée ou restreinte que pour des considérations impérieuses d'intérêt publie et que, dans ce cas, une entente préalable devra intervenir avec le gouvernement du canton de Zurich.

755

Les représentants des deux gouvernements ont reconnu que les déclarations et constatations qui précèdent ne seront obligatoires qu'à la condition que les autorités supérieures compétentes donnent ultérieurement leur approbation.

Les délégués du gouvernement grand-ducal: Schenkel, directeur ministériel.

Honsell, directeur général des travaux publics.

Les délégués du Conseil fédéral suisse: A. von Morlot, inspecteur en chef des travaux publics.

J. Coaz, inspecteur général des forêts.

Les délégués du Conseil d'Etat du canton de Zurich: C. Blculei'-Hiini, directeur des travaux publics.

Nägcli, suppléant au chef de la direction des finances.

Schmid, ingénieur cantonal.

Le Conseil d'Etat du canton de Zurich a approuvé le 30 juin 1896 l'accord figurant dans le protocole ci-dessus.

Dans une note du 14 octobre 1896, le ministère grand-ducal badois des affaires étrangères a fait savoir au Conseil fédéral suisse que le gouvernement grand-ducal déclare approuver le contenu d.u protocole de Rheinau du 2/3 juin. Le gouvernement grand-ducal fait toutefois dépendre cette approbation de la condition suivante concernant le chiffre III, lettre a, du protocole : Au cas où une période de plus de deux ans viendrait à s'écouler entre l'octroi de la concession et l'achèvement de l'usine, la force correspondant à la moitié relevant du territoire badois, devra, sur demande motivée, être mise à la disposition des intéressés établis sur territoire badois pendant trois ans au moins à partir du moment où il aura été reconnu que l'usine a été exécutée conformément aux conditions des concessions.

En ce qui concerne la redevance annuelle qui, selon le chiffre III ö du protocole, devra être payée pour la force non employée en territoire badois, le gouvernement grand-ducal a fait savoir qu'il est actuellement de l'avis qu'elle devra être fixée à cinq marks par unité de puissance brute.

Le Conseil d'Etat du canton de Zurich a déclaré donner son accord tant en ce qui concerne la réserve mentionnée au premier alinéa que le calcul de la redevance suivant la proposition susmentionnée. Il en a donné connaissance le 12 décembre 1896 au Conseil fédéral, à l'intention du gouvernement grand-ducal.

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Traduction

Annexe 3

PROTOCOLE concernant l'utilisation de la force hydraulique du Rhin près de Rheinau établi à Winterthour, les 26/28 octobre 1904

Sont présents: pour h Conseil fédéral suisse : MM. Scherb, député au Conseil des Etats.

von Morlot, inspecteur en chef des travaux publics.

Dr Fankhauser, Ier adjoint à l'inspecteur général des forêts: pour le gouvernement du canton de Zurich : MM. Kern, conseiller d'Etat, directeur des travaux publics, Bleuler, conseiller d'Etat, suppléant du directeur des travaux publics, Ernst, conseiller d'Etat, directeur des finances, Dr Klöti, secrétaire de la direction des travaux publics, Schmid, ingénieur cantonal, Raths, ingénieur du service des eaux; pour le canton de Sckaffhouse : MM. Keller, conseiller d'Etat, directeur des travaux publics, Rahm, conseiller d'Etat, suppléant du directeur des travaux publics, Spahn, inspecteur du service des aménagements hydrauliques; pour le gouvernement grand-ducal de Sade : MM. Honsell, conseiller privé, directeur général des travaux publics, Sträub, conseiller d'Etat privé supérieur, Baron von Babo, conseiller technique, Hamm, ingénieur en chef forestier, Keim, conseiller privé, Montigny, inspecteur des eaux et routes.

Lors de l'examen des questions techniques, les représentants des auteurs des demandes de concession ont été invités à fournir des renseignements. Ces représentants étaient:

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pour la ville, de Wintertkour : MM. Geilinger, maire, Deutsch, conseiller municipal, Ziegler, avocat, Müller, secrétaire municipal, Affeltranger, ingénieur municipal; pour la société anonyme de l'industrie de l'aluminium : le colonel Huber; pour la société anonyme de l'électricité, ci-devant Schuclcert d- de : M. Natalis, directeur.

M. Scherb préside ; M. Klöti est chargé du procès-verbal.

Les gouvernements intéressés ont ouvert des nouveaux pourparlers, étant donné qu'après les négociations des 2 et 3 juin 1896, le groupe susmentionné a sollicité l'octroi de la concession et qu'à la suite des pourparlers des 10 et 11 novembre 1902 ils ont présenté un nouveau projet qui touche aux droits de souveraineté du canton de Schah'house. En conséquence, les représentants desdits gouvernements se sont réunis pour traiter les questions concernant, conjointement, les Etats intéressés. Le cours des pourparlers et le résultat auquel ils ont abouti sont relatés ci-après : Les représentants badois ont commencé par déclarer que la convention du 2/3 juin 1896 ne pouvait être maintenue intégralement, vu les changements subis entre-temps par la situation de fait et, partiellement par celle de droit. Lors de la conclusion de ladite convention, il n'était question, dirent-ils, que d'une production de 4000 chevaux, alors que le projet actuel en prévoit une de 18 000 chevaux. Autrefois, le besoin d'énergie en territoire badois était faible, tandis que maintenant on envisage d'employer sur ce territoire toute la part de force revenant au grand-duché en vertu de la loi badoise sur les eaux de 1899, une autorisation de police peut être maintenant accordée pour une certaine durée.

I. Questions techniques 1. Les délégués déclarèrent en général approuver le nouveau projet présenté, en ce qui concerne en particulier l'extension du remous jusqu'à la chute du Rhin; étaient réservés le règlement des oppositions et certaines modifications à apporter au projet lors de la fixation des conditions de la concession.

2. Les représentants de Zurich et de Schaffhouse déclarèrent ne pas s'opposer à ce que le petit bras du Rhin soit remblayé. Les représentants badois répondirent qu'ils ne pourraient approuver cette partie du projet que si l'impossibilité de déposer autre part sans frais excessifs les déblais

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provenant du canal était prouvée et qu'à la condition que l'entreprise prenne des mesures suffisantes pour la protection de la rive droite du Rhin.

Les représentants des auteurs des demandes de concession purent s'exprimer séance tenante sur ce point. Les représentants gouvernementaux estimèrent que la preuve exigée n'était pas fournie. Les auteurs des demandes déclarèrent alors qu'ils étaient prêts à présenter un nouveau projet suivant lequel le petit bras du Rhin demeurerait ouvert.

Ce nouveau projet devra être présenté aux gouvernements des trois.

Etats et à l'inspection fédérale des travaux publics. Les auteurs des demandes seront tenus de dessiner sur le plan la rigole par laquelle s'écoulera la quantité minimum d'eau (15 m 3 ) passant par le barrage et l'échelle àpoissons.

Pour le cas où le petit bras du Rhin ne serait pas remblayé, les concessionnaires seront obligés d'y laisser passer constamment 1,5 à 2,0 m3.

Cette quantité est comprise dans les 15 m 3 susmentionnés.

3. Les représentants de Zurich demeurèrent d'avis qu'il convient, selon le voeu de la commune de Rheinau, d'exiger du concessionnaire la construction d'une passerelle pour piétons reliant la rive gauche du Rhin à la rive droite; ils pourront s'entendre directement avec la commune de Rheinau.

Les représentants badois réservèrent leur avis à ce sujet.

4. En ce qui concerne l'écluse de navigation, rien n'est changé à l'accord du 2/3 juin 1896 (ch. I, lettre b, du protocole).

5. Les représentants suisses déclarèrent acquiescer à la demande badois& de prolonger le barrage en ajoutant une ouverture de 12 m sur la rive gauche.

6. Les représentants des Etats intéressés acceptèrent tous la proposition badoise de faire subir au projet les modifications suivantes: a. Le déversoir près de la chambre des turbines doit être construit comme un déversoir de fond d'une hauteur d'environ 1,5 m. A cet effet, il faudra construire une paroi fixe à la place de la partie supérieure des organes de fermeture; b. La paroi séparant le déversoir et la chambre des turbines sera renforcée de 2 à 4 m; c. Les appareils hydrauliques de levage des vannes d'entrée devant la chambre des turbines ne devront être installés que lorsque les turbines auront été montées.

7. En ce qui concerne les mesures à prendre pour assurer la circulation, des poissons,
il est renvoyé à l'expertise annexée au présent protocole.

La zone d'interdiction de pêcher prévue au chiffre I du protocole du 2/3 juin 1896 sera prolongée à l'amont et à l'aval sur une distance de 100 m. Le canal et le petit bras du Rhin sont compris dans cette zone.

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II. Questions administratives et économiques 1. Les représentants des Etats intéressés s'accordèrent à reconnaître que, pour la répartition de la force entre leurs territoires, il ne doit être fait aucune distinction entre la force constante et la force inconstante.

Par modification du chiffre III du protocole du 2/3 juin 1896, il fut convenu en principe que la force sera répartie entre la Suisse (Zurich et Schaffhou.se) et Bade en proportion des droits de souveraineté exercés par les pays intéressés sur la section en question. Cette proportion sera fixée dans un accord ultérieur. Il fut admis que chaque pays pourra percevoir les redevances annuelles selon sa législation pour la part de force qui lui revient, à condition toutefois que cette législation ne traite pas les cours d'eau frontières plus défavorablement que les autres cours d'eau.

Les dispositions sous chiffre III, lettre a à l (inclusivement) du protocole du 2/3 juin 1896 sont rapportées.

2. La durée de la concession sera fixée, d'un commun accord, à 80 années au plus.

Suivant les dispositions légales, Zurich se réserve le droit de rachat, Bade la révocation contre indemnité. L'usage de l'une ou de l'autre de ces facultés devra être précédé d'une entente entre tous les Etats intéressés.

De même, une entente devra intervenir lors de l'expiration de la durée de la concession, ainsi que dans le cas où celle-ci viendrait à s'éteindre pour d'autres raisons, afin d'arrêter les mesures à prendre, en particulier pour l'octroi éventuel d'une nouvelle concession.

3. La concession sera accordée aux trois requérants pour l'exercice en commun et solidaire des droits concédés.

Tout changement dans la composition de l'entreprise par suite de sortie d'associés ou d'entrée de nouveaux et tout transfert de concession devront faire l'objet d'une approbation concertée des gouvernements intéressés.

L'entreprise est tenue d'établir son siège principal dans le canton de Zurich et de se faire inscrire dans le registre suisse du commerce.

Le gouvernement badois se réserve d'imposer à l'entreprise, conformément à l'article 21 du code allemand de procédure civile, l'obligation d'établir une succursale sur le territoire badois, ou de prescrire que, à part le for habituel en Suisse, elle fera élection d'un domicile en pays badois, conformément à l'article
17, 3e alinéa, du code allemand de procédure civile. L'entreprise élira un domicile dans le canton de Schaffhouse.

L'entreprise est tenue de permettre en tout temps aux commissaires délégués par les gouvernements intéressés d'examiner la gestion des affaires, de les convoquer aux séances des organes de la société et d'assister aux discussions.

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Sera imposée aux concessionnaires l'obligation de fournir toutes les pièces justificatives concernant la nature juridique des liens existant entre eux ainsi que sur les dispositions prises quant au pouvoir de représentation.

lu. Dispositions finales Les représentants des gouvernements intéressés constatent d'un commun accord que les présentes déclarations et constatations ne sont obligatoires qu'à la condition que les autorités supérieures compétentes donnent ultérieurement leur assentiment.

Le protocole a été établi en 4 exemplaires à l'intention des gouvernements intéressés.

Les gouvernements se communiqueront leurs décisions par écrit.

Après approbation par les gouvernements intéressés, le gouvernement du canton de Zurich communiquera aux auteurs des demandes de concession les charges qui leurs seront imposées conformément au présent protocole.

Les représentants du Conseil fédéral suisse : Scherb ; A. von Morlot ; Bankhäuser.

Les représentants du gouvernement du canton de Zurich : Kern; Ch. Bleuler-Hüni; H. Ernst; Schmid; J. Raths; Dr E. Klöti.

Les représentants du gouvernement de Schaffhouse : Rahm; J. Keller; J. Spann.

Les représentants du gouvernement grand-ducal badois : Honsell; von Babo; Montigny; Sträub; Hamm; Keim.

Suit, comme annexe, le rapport d'expertise concernant la pêche, devenu sans objet.

Par décision du 22 décembre 1904, le Conseil d'Etat du canton de Zurich a donné son approbation aux déclarations et constatations insérées dans le présent protocole.

Par lettre du 7 janvier 1905, le Conseil d'Etat du canton de Schaffhouse a déclaré qu'il a approuvé en principe le contenu du protocole, mais qu'il se réserve d'étudier les effets du remous dans la cuvette de la chute du

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Rhin quand les plans définitifs auront été présentés et de fixer, suivant le résultat, la teneur de la concession.

Par lettre du 10 janvier 1905, le Conseil fédéral a fait savoir qu'il a donné son approbation au protocole.

Par note du 10 juillet 1906, le ministère badois grand-ducal des affaires étrangères a informé le Conseil fédéral que le gouvernement badois a donné son approbation aux accords qui avaient été conclus provisoirement au sujet de la construction d'une usine hydraulique près de P^heinau, accords qui découlent du protocole du 2/3 juin 1896 et du présent protocole.

Feuille fédérale. 106« année. Vol. I.

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Annexe 4

Traduction du texte original allemand

CONCESSION pour l'usine hydraulique de Rheinau à construire sur le Rhin (Du 22 décembre 1944)

Conformément à l'article 24bis de la constitution fédérale, aux articles 7 et 38, alinéa 3, de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques et à l'article 5 de la convention entre la Suisse et le Grand-duché de Bade du 10 mai 1879 relative à la navigation sur le Rhin, de Neuhausen jusqu'en aval de Baie; d'entente avec le gouvernement badois et après avoir entendu les gouvernements des cantons de Zürich et de Schaffhouse, il est concédé à la ville de Winterthour, à la S, A, des forces motrices du nord-est suisse, Baden (Argovie), à la S. A. de l'industrie de l'aluminium, Chippis, à la S. A. Siemens-Schuckertwerke, Berlin-Siemensstadt (désignées ci-après sous le nom d'« entreprise »), à l'intention d'une société anonyme à créer, le droit de construire et d'exploiter une usine hydraulique sur le Rhin, près de Rheinau, aux conditions suivantes: I

OBJET ET ÉTENDUE DE LA CONCESSION Article premier Etendue du droit d'eau La concession comprend, sous réserve des dispositions de l'article 6, chiffre 1, l'utilisation d'un débit de 400 m3/sec. et de la chute du fleuve

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comprise entre la cuvette de la chute du Rhin à Neuhausen et la limite supérieure de la section du Rhin, à régulariser entre Rüdlingen et Rheinau (débouché du garage aval de l'écluse), y compris la chute qui pourra être récupérée plue tard, lors de la régularisation Rudlingen-Rheinau (cf.

art. 2a).

Les débits seront déterminés d'après les jaugeages officiels.

Art. 2 Durée de la concession La présente concession est accordée pour 80 ans, à compter de la mise en service de l'usine.

Art. 2a Rapports avec la régularisation du Rhin entre Rüdlingen et Rheinan 1 La section du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau sera rendue navigable par régularisation. La chute créée par l'abaissement du plan d'eau sera utilisée dans l'usine de Rheinau, autant que cela sera jugé économique par les autorités compétentes. A cet effet, l'entreprise fera approfondir à ses frais, lors de la régularisation, le ht du Rhin, dès la limite supérieure de la régularisation, c'est-à-dire entre le débouché du garage aval de l'écluse et le barrage auxiliaire inférieur, pour adapter ce tronçon fluvial aux conditions nouvelles.

2

L'entreprise devra prendre à sa charge une partie des frais de la régularisation du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau. Cette contribution sera déterminée par les autorités compétentes suivant la valeur du gain en énergie que l'usine de Rheinau retirera de la régularisation et après que l'entreprise aura été entendue.

L'évaluation de ce gain en énergie se fera sur la base du prix de revient de l'énergie annuelle moyenne pouvant être produite dans l'usine de Rheinau, prix pour le calcul duquel il ne sera tenu compte que du coût des ouvrages hydroélectriques de l'usine.

De la part des frais de régularisation ainsi calculée, on retranchera les dépenses de l'entreprise pour l'adaptation du tronçon du Rhin compris entre le débouché du garage aval de l'écluse et le barrage auxiliaire inférieur ainsi que les frais supplémentaires causés par l'obligation d'implanter les ouvrages à une plus grande profondeur, conformément aux dispositions de l'article 3, chiffre 2.

·~:\';:

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II

CONSTRUCTION ET EXPLOITATION Art. 3

Ouvrages 1

L'entreprise est autorisée à exécuter, à l'effet d'utiliser la force motrice du Rhin, les ouvrages prévus au projet du 18 juin 1942, notamment: 1. Un barrage dans le Rhin à 400 m environ en amont de l'île du couvent de Rheinau.

2. Une galerie d'amenée avec prise d'eau sur la rive gauche du Rhin, en amont du barrage, 3. Un bâtiment des machines avec turbines sur la rive gauche du Rhin, à 1400 m environ en aval du pont dit « Salmenbriicke » à Rheinau, et restitution de l'eau au Rhin près du bâtiment des machines.

4. Deux barrages auxiliaires dans le Rhin, dont l'un à 400 m environ en amont et l'autre à 1200 m environ en aval du pont dit « Salmenbriicke » à Rheinau.

5. Un plan incliné pour pontons et des échelles à poissons au droit du barrage principal et des barrages auxiliaires.

3

L'altitude du plafond des ouvrages sera fixée compte tenu de l'approfondissement ultérieur du lit du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau (cf.

art. 2a), Art. 4 Exécution et entretien des ouvrages 1

Les ouvrages et installations seront exécutés conformément aux plans et calculs à présenter par l'entreprise et suivant un programme des travaux.

Les plans et calculs et le programme des travaux devront recevoir l'approbation des autorités des deux pays riverains. L'entreprise fournira tous les renseignements et données complémentaires que les autorités pourraient être appelées à lui demander. Elle ne pourra s'écarter du projet approuvé que d'entente et qu'avec l'autorisation des autorités, 2 Aucun ouvrage ne pourra être commencé avant que les autorités n'aient approuvé les plans de détail et les calculs statiques nécessaires. Il en est de même pour les échafaudages érigés 'à l'intérieur de la zone des crues.

3 Tous les ouvrages mentionnés à l'article 3, ainsi que les autres ouvrages qui d'après la présente concession doivent être construits par l'entreprise, seront exécutes suivant les règles de l'art et constamment maintenus en bon état. En cas de dommages, ils seront de même réparés avec soin.

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Lors de l'exécution des travaux, les intérêts publics et privés seront respectés autant que possible.

5 Les dispositions qui précèdent sont aussi valables pour les travaux à exécuter conjointement avec la régularisation du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau.

Art. 5 Protection des sites 1

Tous les ouvrages seront exécutés de façon à ne pas déparer ou à déparer le moins possible le paysage. La beauté des sites sera ménagée.

Elle sera conservée intacte si un intérêt public majeur l'exige.

Les intérêts et les besoins de l'asile de Rheinau seront sauvegardés dans la mesure du possible pendant la construction et l'exploitation de l'usine.

2 Le niveau futur du plan d'eau dans le gros, le moyen et le petit Rhin aux abords de l'île du couvent est fixé uniformément à la cote 352,50 (nouvel horizon suisse R.P.N. 373,60). Par conséquent, la crête du barrage auxiliaire supérieur sera arasée à la cote 352,50.

La digue entre le moyen et le petit Rhin ainsi que toutes les parties du lit du fleuve qui surpasseraient la cote 352,30 seront ramenées à cette altitude.

3 L'altitude de la crête du barrage auxiliaire inférieur est fixée à la cote 349,50. Le tronçon fluvial compris entre les deux barrages auxiliaires sera aménagé de façon que la future largeur du plan d'eau ne soit en aucun endroit inférieure à 75 m, au besoin au moyen de dragages.

4 Les questions relatives à l'architecture des bâtiments, à la conformation des rives, à la disposition des routes, des murs, des installations de couplage, des transformateurs, des conduites, des dépôts de déblais, à l'exécution des défrichements, des plantations, des enduits seront traitées en étroite collaboration avec les experts compétents suisses et allemands pour la protection de la nature.

Avant l'exécution des travaux, l'entreprise examinera s'il est possible de munir le barrage principal d'organes de fermeture qui dépareraient moins le site que ne le ferait le système à vannes envisagé. Les autorités concédantes pourront exiger de tels organes de fermeture si les frais en sont supportables pour l'entreprise.

6 Les autorités compétentes se réservent le droit d'exiger, au besoin, d'autres mesures pour sauvegarder la beauté de l'endroit, en tant qu'il n'en résulte pas pour l'entreprise une charge contraire à l'équité.

Elles pourront demander l'exécution de modèles réduits pour des parties ou des objets déterminés.

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Art. 6 Construction et exploitation du barrage principal et des barrages auxiliaires 1

En vue de sauvegarder le plus possible les beautés naturelles de la chute du Rhin, les niveaux à observer dans la cuvette de la chute du Rhin pour les différents débits du fleuve ne seront fixés qu'après la mise en service de l'usine.

Le Conseil fédéral suisse, après avoir entendu les cantons de Zurich et de Schaffhouse, fixera, sur la base des essais de mise en eau à effectuer pour des niveaux d'eau dans la cuvette de la chute du Rhin compris entre les cotes 358,00 et 359,00, les niveaux maximums admissibles dans la dite cuvette. Ces niveaux seront déterminants pour toute la durée de la concession. Il est entendu qu'en hiver des niveaux pourront être plus élevés qu'en été.

Les cotes de retenue, à observer au barrage principal seront fixées d'entente avec l'autorité concédante allemande au plus tard 5 ans après la mise en service de l'usine. Elles devront correspondre aux niveaux d'eau fixés par le Conseil fédéral pour la cuvette de la chute du Rhin. La révision de ces cotes demeure réservée.

L'entreprise ne pourra pas prétendre à une indemnité dans le cas où les niveaux d'eau à observer dans la cuvette de la chute du Rhin seraient fixés au-dessous de la cote 359,00 m.

2 Le barrage principal sera aménagé pour un niveau de retenue maximum à la cote 359,00 (nouvel horizon suisse R.P.N. 373,60). Il aura des dimensions permettant d'évacuer une crue de 1250 m3/sec. sans causer de remous dommageable, même si l'un des pertuis demeurait fermé.

Des essais sur modèles pourront être exigés afin de pouvoir se rendre compte des effets hydrauliques des barrages, du déversoir, etc.

Les vannes devront pouvoir être levées de façon que leur arête inférieure atteigne au moins la cote 360,20.

3 Les vannes devront pouvoir être actionnées par deux sources d'énergie indépendantes l'une de l'autre. En outre, elles devront pouvoir être manoeuvrées à bras d'homme.

4 Dans le cas où le sous-sol du lit en aval du barrage principal ne serait pas suffisamment résistant, on prévoira la construction d'un radier. L'état du plafond en amont et en aval du barrage principal sera examiné de temps en temps suivant les indications des autorités techniques ; le résultat de cet examen leur sera communiqué.

6 Les travaux à exécuter dans la boucle du Rhin (barrages auxiliaires, dragages, etc.) pourront être entrepris au plus tard au moment de la mise en service de l'usine ; mais ils devront être achevés deux ans après cette

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date. Jusqu'au moment de l'achèvement des barrages auxiliaires, la boucle du Rhin sera alimentée en eau d'après les instructions spéciales des autorités compétentes. L'entreprise répondra de tout dommage qui se produirait au cours de cette période transitoire.

8 L'eau qui parvient à l'usine de Rheinau doit être rendue au fleuve dans la mesure de son arrivée, sans que le régime d'écoulement du fleuve en soit modifié. Pour toute opération qui troublerait ce régime, telle que l'exécution de réparations à l'usine, l'entreprise requerra l'autorisation des autorités compétentes et informera en temps utile les usiniers d'aval des mesures autorisées. L'entreprise répond de toute conséquence dommageable.

En vue de prévenir des fluctuations de niveau lors d'une interruption subite dans la livraison du courant, les autorités pourront exiger l'installation de résistances hydrauliques.

7 Les autorités se réservent le droit d'édicter, après avoir entendu l'entreprise, un règlement pour la manoeuvre des organes de fermeture du barrage. Elles pourront exiger l'installation d'appareils enregistreurs indiquant dans la centrale la position des vannes du barrage.

8 Lors de travaux à effectuer au barrage, l'entreprise ne pourra pas, sauf autorisation des autorités compétentes, mettre hors de service plus d'un pertuis à la fois, et cela seulement dans la période comprise entre le 1er octobre et le 1er mai. De tels travaux devront toujours être accélérés dans la mesure du possible.

8 La boucle du Rhin sera alimentée en permanence et à partir du barrage principal d'une quantité d'eau d'au moins 5 m3/sec. Si des inconvénients d'ordre hygiénique ou d'autre nature devaient se présenter dans les retenues des deux barrages auxiliaires, les autorités pourront exiger l'écoulement temporaire de plus grandes quantités d'eau pour effectuer des chasses.

Art. 6« Contrôle des niveaux d'eau Les limnimètres et limnigraphes nécessaires au contrôle de l'usine seront établis par l'entreprise à des endroits convenables d'après les instructions et sous la surveillance des autorités. L'entreprise en supportera les frais de construction et en assurera le service et l'entretien.

2 Dès l'octroi de la concession, l'entreprise devra : a. Construire une station Hmnigraphique dans la cuvette de la chute du Rhin et une autre en aval du lieu de la restitution de l'eau au Rhin et en assurer le service et l'entretien; b. Observer les niveaux d'eau en des endroits convenables, d'après les instructions des autorités.

1

768 3

Les livrets d'observation et les diagrammes originaux seront conservés et des doubles envoyés aux autorités.

Art. 7 Dérivation de petites quantités d'eau L'entreprise devra tolérer, sur la section utilisée du Rhin, le prélèvement de petites quantités d'eau dont auraient besoin des tiers ; l'entreprise n'a pas droit à une indemnité.

Art. 8 Réception des ouvrages et mise en service de l'usine 1

L'usine ne pourra être mise en service, partiellement ou totalement, que lorsque les autorités compétentes auront jugé suffisante à tous égards la capacité de résistance des ouvrages, en particulier du barrage principal, de la galerie d'amenée, du bâtiment des turbines et de son raccordement à la rive, de toutes les digues, murs de rive et installations de drainage ainsi que de tous les organes de fermeture et les dispositifs de manoeuvre auront fourni la preuve d'un bon fonctionnement, Le programme de la mise en eau initiale de la retenue sera soumis aux autorités pour approbation.

2 La date de la mise en service sera déterminée par le moment où une unité commencera de fournir régulièrement du courant.

III

POLICE DES EAUX ET COMMUNICATIONS

Art. 9 Protection des rives 1

L'entreprise entretiendra selon les indications des autorités les deux rives du Rhin dans toute leur étendue, à savoir : dans la région du remous jusqu'à la chute du Rhin et à partir du barrage jusqu'à 1000 m en aval de la restitution de l'eau, ou, après l'exécution de la régularisa/tien du Rhin entre Rudlingen et Rheinau, jusqu'à 3800 m en amont du pont de Rüdlingen. Elle les protégera par des mesures spéciales contre les attaques de l'eau, là où des dommages pourraient se produire ou se seraient produits après la mise en service de l'usine. La même obligation s'applique aux affluents, dans la mesure où ils sont touchés par le remous.

2 Dans le cas où les rives sont endommagées d'une manière illicite, l'entreprise est en droit d'actionner de son propre chef l'auteur du dommage, selon les dispositions du code civil.

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Art. 10 Incorporation des rives au domaine public L'entreprise devra acquérir tous les terrains en bordure du Rhin qui seront submergés par le relèvement du plan d'eau, ou sur lesquels seront établies les défenses des rives, y compris les digues, en tant qu'ils n'appartiennent pas déjà au domaine public et devra les céder gratuitement et francs de toute charge aux cantons de Zurich et de Schaffhouse et au pays de Bade suivant leur appartenance territoriale.

Cependant, ces Etats devront pouvoir disposer partout d'une bande de terrain insubmersible même en plus hautes eaux navigables (3,00 m à l'échelle de Baie, état du fond du lit de l'année 1920, correspondant à un débit du Rhin de 2480 m3/sec.) et mesurant horizontalement au moins 2 m de largeur. L'entreprise sera autorisée à circuler en tout temps sur cette bande de terrain ou à l'utiliser comme voie d'accès pour l'entretien des rives. Le terrain à céder sera borné suivant les prescriptions légales.

Art. 11 Maintien des communications et protection des terrains Le bac de Nohl et ses accès seront adaptés aux nouvelles conditions, à charge de l'entreprise; celle-ci paiera annuellement une indemnité pour le renchérissement du service d'exploitation et tous autres inconvénients.

Cependant, si le gouvernement du canton de Zurich trouvait plus rationnel de remplacer ce bac par une passerelle ou par un pont, l'entreprise serait tenue de verser une contribution aux frais de construction correspondant aux frais d'adaptation du bac majoré du montant capitalisé des frais d'exploitation supplémentaires.

2 Les canaux naturels ou artificiels débouchant dans le Rhin seront adaptés aux nouvelles conditions suivant les prescriptions des autorités.

En particulier, tous les ruisseaux alimentés par des eaux de surface ou souterraines seront captés et dérivés de façon à empêcher la formation de marécages. Cependant, on tiendra compte des possibilités d'irrigation et d'assèchement. L'entreprise devra parer aux dommages qui seraient causés par le relèvement ou l'abaissement de la nappe des eaux souterraines ou allouer des dommages-intérêts suivant les ordres des autorités.

3 Avant le commencement et pendant l'exécution des travaux, ainsi qu'après la mise en service de l'usine, l'entreprise fera déterminer, selon les ordres des autorités et par les spécialistes qu'elles auront désignés, les conditions des eaux souterraines dans les régions influencées par l'usine.

4 Un déversement convenable sera assuré aux canalisations et aux «goûts débouchant dans le Rhin ; les fosses à purin et les fosses d'aisance touchées par le remous seront aménagées en conséquence.

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L'entreprise prendra à sa charge toutes les dépenses nécessaires pour adapter aux conditions nouvelles créées par la construction et l'exploitation de l'usine les installations servant à la clarification et à l'évacuation des eaux d'égouts qui existaient déjà au début des travaux de construction de l'usine ou pour lesquelles les autorités cantonales avaient déjà approuvé, à cette date, les projets d'exécution.

L'entreprise devra aussi supporter, pour le service et l'entretien de telles installations, les frais supplémentaires occasionnés par la construction et l'exploitation de l'usine.

5 L'entreprise devra remplacer, selon les ordres des autorités compétentes, les bains et les baignoires pour chevaux touchés par la construction et l'exploitation de l'usine, 6 L'entreprise remplacera les chemins et les débarcadères qui auront été submergés et défendra par des clôtures l'accès des endroits dangereux le long des rives. En outre, à la demande des autorités et suivant leurs indications, l'entreprise fera établir des sentiers publics en bordure de la retenue ou remettre en état les sentiers existants.

Les chemins existant sur les hauts-bords du Rhin devront rester reliés dans le périmètre de la centrale.

7 La communication directe entre les asiles de Vieux et NouveauRheinau ne devra pas être interrompue pendant la durée des travaux.

Art. 12 Utilisation du domaine public L'entreprise assumera à ses frais pendant toute la durée des travaux l'entretien des routes et des ponts fortement utilisés pour la construction des ouvrages; après l'achèvement des travaux, elle remettra ces routes et ponts en bon état.

L'entreprise prendra à sa charge tous les frais que le remous occasionnera aux ponts conduisant au château de Wörth et à ceux de Eheinau ainsi qu'à la conduite forcée de l'usine hydraulique de la commune de Neuhausen et éventuellement, dans le cas de sa reconstruction, à la nouvelle usine hydraulique.

Avant la mise en eau de la retenue, l'entreprise fera procéder, sous la surveillance des autorités, à un relevé minutieux de l'état des piles et des culées des ponts et des supports de la conduite forcée et exécuter toutes les réparations nécessaires. L'entretien et le renouvellement des piles, des culées et des supports seront à charge de l'entreprise, 1

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Si, du fait de l'aménagement de l'usine, les autorités estiment nécessaire de faire sur le territoire des communes intéressées un remaniement

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parcellaire des biens-fonds attenants à ceux de l'entreprise et de modifier la disposition des chemins et sentiers donnant accès auxdits biens-fonds, l'entreprise en supportera tous les frais. Elle devra également prendre à sa charge la totalité des frais de la mensuration et du bornage des terrains, ainsi que de la mise au net du registre foncier, nécessités par la construction des ouvrages et installations.

3 Les déblais et gravois ne pourront être déversés dans le lit du fleuve sans la permission des autorités compétentes. Les autorités se réservent le droit d'édicter des prescriptions sur le dépôt des matériaux, l'enlèvement des matières flottantes et de la végétation aquatique.

Les amas de matières flottantes se formant dans les retenues seront évacués vers l'aval ou enlevés de façon convenable.

4

L'entreprise fera enlever les dépôts d'alluvions nuisibles, dans les sections du fleuve mentionnées à l'article 9 et d'après les prescriptions des autorités ; elle s'entendra avec celles-ci sur l'emploi des matériaux extraits.

Art. 13 .

Modification des ouvrages Si les autorités des deux pays riverains estiment que, dans l'intérêt public, les ouvrages et installations doivent être modifiés ou complétés, du point de vue de la police des constructions ou de la police des eaux, l'entreprise exécutera, à ses frais, les mesures ordonnées à cet effet.

IV

NAVIGATION ET PÊCHE

Art. 14 Navigation existante Les installations existantes servant à la petite navigation seront adaptées aux nouvelles conditions.

1

2 La boucle du Rhin comprise entre la prise d'eau au barrage de Rheinau et la restitution sera aménagée suivant les plans du 18 juin 1942 et maintenue ouverte à la petite navigation.

La digue entre le gros Rhin et le Rhin moyen sera arasée de façon qu'elle n'entrave pas la petite navigation.

Pour permettre aux bateaux de passer du petit au gros Rhin en empruntant le Rhin moyen, on pratiquera un passage marqué en permanence, d'au moins 3 m de largeur et dont le fond sera à la cote 352,00.

772 3

Les barrages auxiliaires devront pouvoir évacuer une crue du Rhin de 1250 m3/sec. sans produire de remous dommageable.

4 Le barrage principal et les barrages auxiliaires seront pourvus chacun d'une rampe à pontons à établir suivant les prescriptions des autorités et dont les accès seront aisés et nettement signalés.

5 Pendant la journée, c'est-à-dire dès une heure avant le lever jusqu'à une heure après le coucher du soleil,-le personnel de l'usine aidera gratuitement, s'il en est requis, à faire franchir la rampe aux bateaux, 0 Les autorités concédantes se réservent de demander à l'entreprise, sur la base des expériences faites en cours d'exploitation qu'elle se charge d'autres mesures dans l'intérêt de la navigation dans la boucle du Rhin.

Art. 15 Navigation future L'entreprise est tenue de tolérer le prélèvement de l'eau nécessaire à l'alimentation des ouvrages de navigation. Elle n'a pas droit à une indemnité de ce fait.

2 L'entreprise devra fournir gratuitement le courant électrique nécessaire à la manoeuvre et à l'éclairage des ouvrages de navigation.

3 L'entreprise devra acquérir, suivant les ordres des deux gouvernements, les terrains nécessaires pour établir les ouvrages de navigation (écluses, garages, canaux, tunnel, etc.), et les céder à leur prix d'achat non augmenté d'intérêts en faveur de la navigation. Jusqu'au moment de la cession, elle pourra disposer de ce terrain librement, sans toutefois pouvoir y ériger des constructions permanentes.

4 L'entreprise devra tolérer tout raccordement à ses installations et leur utilisation à cette fin lorsque des ouvrages pour la navigation devront emprunter ses installations. Elle aura droit à une indemnité équitable pour les entraves importantes causées de ce fait à l'exploitation de l'usine et pour les autres dommages importants.

5 L'entreprise devra, à ses propres frais, assurer l'exploitation, l'entretien et le renouvellement des ouvrages de navigation dans la section dont elle a l'entretien des rives, à l'exception des ouvrages de navigation du palier de la chute du Rhin.

Les dépenses qui seront probablement nécessaires à cet effet jusqu'à l'expiration de la concession devront être remboursées à l'entreprise dans la mesure où la valeur qu'elles représentent au moment de la mise en service des ouvrages de navigation excède un montant de 650 000 francs ; ce remboursement s'opérera sous forme d'une indemnité unique à charge du compte de construction de la voie navigable.

1

773

Les deux gouvernements riverains se réservent la faculté d'exiger de l'entreprise, au lieu des prestations prévues au 1er alinéa, une contribution unique de 650 000 francs aux frais de construction des ouvrages de navigation.

Le montant de 650 000 francs correspond au niveau des prix qui avaient cours en Suisse en 1937 ; il devra être modifié en fonction du niveau des prix valable à l'échéance de la prestation. Les deux gouvernements se réservent la faculté de fixer cette prestation en se fondant sur un montant de 390 000 reichsmarks au lieu de 650 000 francs. Ce montant en reichsmarks correspond à l'indice allemand du coût des constructions pour 1937 ; il devra être modifié en fonction de l'indice valable à l'échéance de la prestation. Le montant en espèces pourra être exigé soit en francs suisses ou en reichsmarks, soit en partie en francs et en partie en marks.

6

Dans les prestations relatives à l'exploitation, à l'entretien et au renouvellement des ouvrages de navigation, il faut comprendre le service des écluses qui sera assuré gratuitement de jour, pendant toute l'année, y compris les dimanches et jours fériés et, suivant les prescriptions spéciales des autorités compétentes, aussi de nuit.

Les autorités édicteront en outre des prescriptions spéciales et un règlement de police pour l'exploitation et le service des ouvrages de navigation, 7

Les dispositions de l'article 33 de la concession sont aussi valables pour l'exploitation, l'entretien et le renouvellement des ouvrages de navigation, dans la mesure des obligations de l'entreprise, spécifiées aux chiffres 5 et 6 du présent article.

Art. 16 Pêche 1

Pour permettre aux poissons de circuler librement, le barrage principal et les barrages auxiliaires seront pourvus chacun d'une échelle à poissons suivant les indications des autorités compétentes. L'aménagement de ces échelles se fera d'entente avec les gouvernements des cantons de Zurich et de Schaffhouse, avec possibilité d'exiger éventuellement l'installation d'ascenseurs à poissons au lieu des échelles prévues.

3

Les échelles à poissons ne pourront être mises temporairement hors de service qu'en basses eaux extraordinaires et qu'avec une autorisation préalable des autorités de surveillance des deux pays riverains.

3 Les échelles à poissons ainsi que leurs entrées et sorties devront être débarrassées en permanence de toutes matières ou corps flottants.

774 4

L'accès aux échelles à poissons doit être fermé à toutes les personnes qui n'y ont pas droit ; les agents préposés au contrôle de la pêche y auront en tout temps libre accès.

5 Sans autorisation spéciale des autorités de surveillance, il est interdit de pêcher dans les échelles à poissons et dans les dépendances de l'usine ainsi qu'en amont et en aval des barrages dans les sections frappées d'interdiction.

Les autorités de surveillance détermineront ces sections après la mise en service de l'usine et les désigneront par des panneaux indicateurs, Les parties de rives atteintes par le remous devront être aménagées en vue de la pêche suivant les indications des autorités cantonales compétentes (déroder, aménager dés accès, des frayères, etc.).

6 L'entreprise est tenue de déverser chaque année dans la retenue, suivant les indications des autorités compétentes, une quantité d'alevins et de verser une contribution équitable pour leur élevage artificiel, si cela est nécessaire.

7 Dans le cas où les autorités compétentes renonceraient à obliger l'entreprise à installer des échelles à poissons en raison des conditions spéciales, l'entreprise devra participer dans une juste mesure à l'exploitation piscicole du palier. Cette participation pourra consister en une indemnité unique, ou en une indemnité annuelle, ou alors en une combinaison de ces deux formes d'indemnité. Le mode d'indemnité sera arrêté par les autorités compétentes, après que l'entreprise aura été entendue.

8 Les autorités compétentes se réservent le droit d'ordonner d'autres mesures, à la charge de l'entreprise, pour la protection de la pêche, et cela aussi après l'achèvement et la mise en exploitation de l'usine.

V

DISPOSITIONS D'ORDRE ÉCONOMIQUE

Art. 17 Répartition de la force La force hydraulique du Rhin mise en valeur par l'entreprise sera répartie provisoirement à raison de 59 pour cent pour la Suisse et de 41 pour cent pour le pays de Bade. Ces parts seront déterminées à nouveau dès que les niveaux d'eau à observer dans la cuvette de la chute du Rhin auront été fixés définitivement, conformément aux dispositions de l'article 6, chiffre 1. Lorsque la régularisation du Rhin entre Rudhngen et Rheinau, prévue à l'article 2 a, sera terminée, les parts de force seront fixées définitivement.

1

775 2

L'entreprise mettra à ses frais à la disposition de la Confédération et des cantons de Zurich et de Schaffhouse toute la documentation permettant de calculer et de déterminer la force hydraulique entrant en ligne de compte ; les autorités pourront effectuer dans l'usine ou à proximité de celle-ci des mesurages de la force hydraulique et de l'énergie électrique produite, selon leur choix et aussi souvent qu'elles l'estimeront nécessaire.

Art. 18 Comptabilité. Prix de vente de l'énergie L'entreprise remettra au département fédéral compétent ainsi qu'aux départements des travaux publics des cantons de Zurich et de Schaffhouse, chaque année, en trois exemplaires: Les comptes d'exploitation, le rapport de gestion, le compte de profits et pertes, le bilan, les pièces justificatives relatives aux amortissements, aux réserves et à l'emploi du bénéfice net, la justification sur la production et l'emploi de l'énergie, les tarifs généraux et spéciaux, les contrats de délimitation de zones et tous autres contrats semblables (cf. les art, 27 et 33 de la présente concession).

2 Le Conseil fédéral pourra demander à l'entreprise qu'elle réduise les prix de l'énergie livrée en Suisse, si, toutes choses égales d'ailleurs, l'énergie livrée à l'étranger est vendue meilleur marché ; les prix pourront être réduits jusqu'à concurrence du prix le plus bas appliqué à l'énergie vendue à l'étranger dans des conditions semblables.

3 Le Conseil fédéral, d'entente avec le gouvernement badois et après avoir entendu l'entreprise, pourra demander en outre à cette dernière qu'elle réduise les prix de l'énergie livrée en Suisse, si le bénéfice net de l'entreprise au cours des 5 années précédentes excède en moyenne 8 pour cent du capital-actions versé de la société. Les prix ne devront cependant pas être réduits de façon que le bénéfice net n'atteigne plus la norme mentionnée dans la phrase précédente. Par bénéfice net, il faut entendre les parts de bénéfice (dividendes et tantièmes) accordées aux actionnaires et aux organes de la société.

Art. 19 1

Redevance et taxe de concession En contre-partie des droits à l'utilisation des forces hydrauliques qui lui ont été concédés, l'entreprise payera aux cantons de Zurich et de Schaffhouse une taxe unique de concession, ainsi qu'une redevance annuelle, conformément aux dispositions de la législation suisse en vigueur.

Le montant de la redevance sera réduit dans la mesure où un impôt spécial serait prélevé sur les forces hydrauliques ou sur l'énergie produite.

776

Art. 20 Participation à l'entreprise Les cantons de Zurich et de Schaffhouse et le Pays de Bade auront le droit de participer directement ou indirectement à la société en proportion de leur part à la force hydraulique, au plus tard lors de la souscription des actions. Cette participation ne devra pas dépasser la moitié de la part de capital revenant à chaque pays en proportion de sa part à la force hydraulique brute.

Art. 21 Administration de l'entreprise 1

Le conseil d'administration sera composé de ressortissants suisses et de ressortissants allemands en proportion de la part des deux pays à la force hydraulique utilisable.

2 L'entreprise fera en sorte que chacune des deux personnes désignées par les gouvernements des deux pays riverains puisse faire partie du conseil d'administration en qualité de membre jouissant de tous ses droits.

3 Au lieu du membre du conseil d'administration mentionné sous chiffre 2, la Suisse et le pays de Bade pourront nommer chacun un commissaire qui aura le droit de participer aux séances du conseil d'administration et de ses délégués.

Art. 22 Domicile La société anonyme à créer sera constituée selon la législation suisse et établira son siège social dans le canton de Zurich.

1

Art. 23 Douane et défense nationale L'entreprise se conformera aux prescriptions que les autorités compétentes édicteront en matière de douane et de défense nationale et elle exécutera à ses frais les installations nécessaires à cet effet.

Art. 24 Main-d'oeuvre ; emploi de produits indigènes 1

Pour construire et exploiter son usine, l'entreprise engagera de la main-d'oeuvre et du personnel de nationalité suisse en proportion de la part suisse à la force hydraulique.

777 2

En tant que cela pourra se justifier économiquement, les commandes de fournitures seront attribuées à des maisons et à de la maind'oeuvre suisses en proportion de la part suisse à la force hydraulique concédée.

Art. 25 Retour 1

A l'expiration de la concession, les cantons de Zurich et de Schaffhouse pourront reprendre en commun avec le pays de Bade, francs de toute charge, les biens-fonds avec leurs accessoires de l'entreprise, ses droits sur des biens-fonds appartenant à des tiers et les ouvrages et installations établis sur le domaine public, en tant que ceux-ci servent: a, A l'exploitation de l'usine hydraulique; b. A la production et au transport de l'énergie électrique.

Ces trois Etats pourront également reprendre dans les mêmes conditions les bâtiments d'administration et les maisons d'habitation pour le personnel de service (biens-fonds et accessoires y compris).

Les biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés à la lettre a seront repris gratuitement. Si les Etats reprennent les biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés à la lettre a, ils seront tenus, à la demande de l'entreprise, de reprendre aussi les autres biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés ci-dessus, contre paiement de l'indemnité prévue.

2 En cas de retour, tous les ouvrages et installations -- à l'exception des installations servant au transport de l'énergie à partir du bâtiment de l'appareillage -- deviendront, par quotes-parts idéales, en proportion de la force hydraulique concédée par chaque Etat, la copropriété des cantons de Zurich et de Schaffhouse et du pays de Bade (art. 17). Chaque Etat reprendra à son compte les installations servant au transport de l'énergie électrique, établies sur son territoire ou nécessaires au transport de l'énergie jusqu'à son territoire.

3

L'entreprise est tenue de faire immatriculer le droit d'eau conformément à l'article 59 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques et les autres droits réels et bien-fonds sur un feuillet collectif, au sens de l'article 947 du code civil suisse. Le droit de retour y sera mentionné selon les instructions des autorités préposées à la surveillance du registre foncier.

S'il est impossible d'établir un feuillet collectif ou d'y inscrire certains biens-fonds, ou si un bien-fonds immatriculé sur le feuillet collectif doit plus tard en être séparé, il faudra mentionner le droit de retour sur les feuillets particuliers entrant en ligne de compte.

Feuille fédérale. 106« année. Vol. I.

57

778

Art. 26 Rachat Après une durée d'exploitation de 40, 50, 60 ou 70 ans, les cantons de Zurich et de Schaffhouse et le pays de Bade pourront, moyennant un avertissement préalable de cinq ans, acquérir, franche de toute charge, l'usine entière, en proportion de leurs quotes-parts de force, comme cela est prévu à l'article 25, 2e alinéa. Le pris: de rachat sera égal à la moyenne arithmétique de la valeur d'établissement et de la valeur commerciale.

La valeur d'établissement des installations fixes relevant du génie civil, exception faite des bâtiments d'administration et des maisons d'habitation pour le personnel de service, sera égale au montant total des frais de construction, sous déduction d'un amortissement de 1 pour cent par an à compter du début de la 11e année d'exploitation. Pour les agrandissements et renouvellements effectués après l'achèvement de l'usine, la valeur d'établissement sera égale au coût effectif des travaux, sous déduction d'un amortissement de 1 pour cent pour chaque année d'exploitation de l'usine à compter de l'expiration des dix années qui suivront l'agrandissement ou le renouvellement. Pour les installations mécaniques et électriques -- y compris les moteurs hydrauliques et les installations mobiles destinées à la retenue des eaux, à la prise d'eau, aux canaux d'amenée et de fuite ---. ainsi que pour les installations de distribution de force, les bâtiments d'administration et les maisons d'habitation pour le personnel de service, on fixera un montant équitable, correspondant à la valeur réelle au moment du rachat. En cas de contestation, ce montant sera fixé à dire d'experts.

La valeur commerciale sera égale à 20 fois le bénéfice moyen des 5 années d'exploitation précédant le rachat, sous déduction, pour la détermination du bénéfice de chaque année, des prélèvements nécessaires et usuels dans les entreprises de ce genre.

2

Les cantons de Zurich et de Schaffhouse ainsi que le pays de Bade auront la faculté et, si l'entreprise le demande, l'obligation de reprendre et de maintenir les contrats de livraison d'énergie en cours. Cette obligation n'existera cependant que pour les contrats de livraison non préjudiciables à l'entreprise.

Art. 27 Justification des frais de construction 1

L'entreprise fournira aux autorités, dans les deux ans à compter de l'achèvement de l'usine, la justification détaillée des frais de construction permettant de calculer le prix de rachat (art. 26) et le montant du bénéfice net (art. 18) et aux autorités d'exercer leur droit de surveillance (art. 33).

779

Elle devra donner connaissance, d'une façon analogue, des frais de construction, des agrandissements et renouvellements éventuels impliquant des travaux du génie civil. Les ouvrages et installations, pour lesquels ces pièces justificatives ne seront pas présentées dans les deux ans succédant à leur achèvement, ne seront pas pris en considération pour la détermination du prix de rachat.

2 Les dépenses faites pour l'obtention des concessions, les frais de constitution de la société concessionnaire, les frais d'émission, les pertes au change et les frais d'organisation ne seront compris, dans les frais de construction, qu'en tant qu'ils seront dûment justifiés.

Art. 28 Etat des ouvrages Au cas où l'usine serait rachetée par les Etats ou leur ferait retour, tous les ouvrages et installations devront être en bon état d'entretien et de fonctionnement.

VI

DISPOSITIONS FINALES

Art. 29 Responsabilité civile et procès 1

L'entreprise sera responsable de tout dommage ou préjudice avéré causé aux droits de tiers du fait de l'exécution des travaux ou de l'exploitation de l'usine. Si un tel préjudice est causé à une usine hydraulique, il devra être compensé par la fourniture gratuite de courant ou d'une autre manière.

2 L'entreprise dédommagera les deux Etats riverains de toute action qui pourrait leur être intentée par des tiers et se chargera à ses frais et risques de la conduite des procès y relatifs.

Art. 30 Etat du lit du Rhin Pour déterminer l'état du lit du Rhin avant son aménagement, l'entreprise fera exécuter à ses frais et suivant les prescriptions des autorités les levés nécessaires de profils en long et en travers sur toute l'étendue du tronçon fluvial utilisé par l'usine, et cela avant le relèvement du plan d'eau. Les autorités pourront exiger que les levés soient répétés de temps en temps après la mise en eau du palier (cf. art. 6, chiffre 4, de la présente concession).

1

780 2

Les dispositions précitées sont valables pour les affluents dans la mesure où ils sont touchés par le remous.

Art. 31 Expropriation L'entreprise est autorisée, conformément aux articles 46 et 47 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques, à exproprier les biensfonds et les droits réels nécessaires à la construction et à l'exploitation de son usine, ainsi que les droits d'utilisation qui s'y opposent.

Art. 32 Plans 1

Les ouvrages terminés, l'entreprise remettra aux autorités le nombre nécessaire d'exemplaires des plans d'exécution définitifs de l'ensemble de l'usine, à savoir: 1. Plan général au 1:25000.

2. Plan de situation au 1:5000 (plan cadastral) avec cotes d'altitude.

3. Barrages, prise d'eau, galerie d'amenée centrale et bief d'amont: situation au 1:500 ou 1:1000 et coupes au 1:200.

4. Profil en long du Rhin au 1: ---- avec plans d'eau naturels et relevés correspondants aux niveaux d'eau suivants, de Baie (état du plafond en 1920) : 0,0 m (débit Baie = 525 m3/sec. ou débit Nohl = 1,0 m (débit Baie = 1020 m3/sec. ou débit Nohl = 2,0 m (débit Baie = 1670 m3/see. ou débit Nohl = 3,0 m (débit Baie = 2480 m3/sec. ou débit Nohl = -" 5. Profil en long de l'ensemble de l'usine 1 :

mesurés à l'échelle 170 m3/sec.)

320 m3/sec.)

600 m8/sec.)

890 m3/sec.)

.

6. Plans inclinés pour pontons, situation et coupes 1:200.

8

Tous changements ou agrandissements de l'usine devront être reportés sur ces plans aux frais de l'entreprise; au besoin, de nouveaux plans seront établis.

3

Toutes les cotes seront rapportées aux nivellements des deux Etats, avec indication des points de rattachement.

781.

Art. 33 Surveillance Les autorités compétentes veilleront à ce que l'usine hydraulique et les installations qui s'y rapportent soient établies, entretenues et exploitées conformément aux conditions de la présente concession et aux prescriptions de police et a ce que ces conditions et prescriptions ne soient pas enfreintes.

2 En cas d'inobservation, les autorités donneront au concessionnaire les ordres qu'exigera la situation, sans préjudice d'une action pénale éventuelle et de l'obligation incombant à l'entreprise de réparer le dommage causé.

3 L'entreprise satisfera aux ordres donnés par l'autorité de surveillance administrative ou technique, faute de quoi les mesures nécessaires pourront être prises à ses frais.

4 Les fonctionnaires chargés de la surveillance (police des eaux, de la pêche et de la navigation, travaux hydrométriques, contrôle de l'énergie produite et utilisée, inspectorat des fabriques, etc.) auront en tout temps libre accès aux ouvrages et installations de l'usine.

6 La surveillance exercée par les autorités ne déchargera aucunement l'entreprise de sa responsabilité en cas d'accidents ou de faits analogues; 6 L'entreprise remettra 3 exemplaires de l'acte constitutif de l'a société anonyme, de ses statuts et du compte de construction, au département fédéral compétent et aux gouvernements des cantons de Zurich et de Schaffhousë (cf. les art. 18 et 27 de la présente concession).

1

Art. 34 Frais de la procédure de concession et de surveillance L'entreprise supportera tous les frais résultant de la procédure de concession, de même que les frais de surveillance des autorités, de l'examen des ouvrages au point de vue de leur capacité de résistance et de leur bienfacture conformément aux dispositions de l'article 8, ainsi que du calcul de la redevance.

Art. 35 Transfert de la concession La concession ne pourra être transférée à d'autres personnes sans l'agrément des autorités des deux pays riverains. Cet agrément ne sera pas refusé si le nouvel acquéreur satisfait à toutes les exigences de la concession et si aucune raison d'intérêt public ne s'y oppose.

782

Art. 36 Déchéance et extinction de la concession 1

La concession pour l'ensemble des ouvrages s'éteint par l'expiration de sa durée. Elle s'éteint également si, à dater du jour de la notification de l'acte de concession à l'entreprise: a. Les travaux de construction ne sont pas commencés sérieusement dans un délai de 3 ans; o. L'usine n'est pas aménagée pour un débit de 400 m3/sec. et mise en service au moins partiellement dans un délai de 7 ans.

En outre, la concession s'éteint: c. Par renonciation expresse de l'entreprise; d. Si, après l'acbèvement et la mise en service de l'usine, l'exploitation est interrompue pendant 3 ans et que l'entreprise ne la reprenne pas dans le délai d'un an qui lui aura été imparti par les autorités.

2

Si l'entreprise contrevient sur des points essentiels et malgré une mise en demeure aux clauses de la concession, elle pourra être déclarée déchue de ses droits. Avant de prononcer la déchéance, le gouvernement en question s'entendra avec le gouvernement de l'autre pays.

3

Dans les cas mentionnés sous a, b et c, les délais seront prolongés si l'entreprise a été empêchée de les observer par des circonstances dont elle est irresponsable et qu'il n'était pas en son pouvoir de modifier par des moyens économiquement supportables.

4

A l'extinction de la concession, l'entreprise sera tenue de rétablir les ouvrages et installations dans un état répondant aux besoins publics.

Les ordres nécessaires à cet effet lui seront donnés par les autorités compétentes.

Art. 37 Entrée en vigueur de la concession 1

La présente concession entrera en vigueur après que les gouvernements de la Confédération suisse et du pays de Bade se seront communiqués le texte des actes de concession octroyés pour leur territoire respectif et qu'ils auront constaté, par échange de déclarations, que ces actes ont été octroyés sur la base de plans identiques et que leurs dispositions concordent en tous points où cela est nécessaire, conformément à la convention du 10 mai 1879.

3 Les deux gouvernements se réservent de faire dépendre la mise en vigueur de la présente concession de la liquidation préalable des oppositions

783

les plus importantes faites à son octroi, y compris celles de droit privé, si les autorités compétentes les considèrent comme fondées.

Berne, le 22 décembre 1944.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Stampili Le chancelier de la Confédération, Leimgriiber

Mise en vigueur Vu que la concordance des concessions badoise et suisse a été constatée, vu que les oppositions faites à l'octroi de cette concession sont liquidées, la présente concession entrera en vigueur le 1er février 1948. Les délais ne commenceront toutefois à courir qu'à partir du jour de la notification de l'acte de concession.

Berne, le 20 janvier 1948.

Département fédéral des postes et des chemins de fer:

Celio

Notification Le présent acte de concession a été notifié d'un commun accord entre les autorités compétentes des deux pays riverains en date du 1er février 1948.

Berne, le lei février 1948.

Service fédéral des eaux: Kuntschen

784

Annexa 5

Traduction du texte original allemand

ACTE DE CONCESSION ET D'AUTORISATION de

construire une usine hydraulique sur le Rhin près de Rheinau (14 novembre 1947) (*)

Conformément à l'article 5 de la convention entre le pays de Bade et la Suisse du 10 mai 1879 relative à la navigation sur le Khin, de Neuhausen jusqu'en aval de Baie et, vu les §§ 1, 40 et s. de la loi sur les eaux du 8 avril 1913, les §§ 34 et s. de l'ordonnance d'exécution y relative du 12 avril 1913 ainsi que les §§ 16 et s. de la loi d'empire et des §§ 10 et s.

de l'ordonnance d'exécution; d'entente avec les autorités compétentes suisses et en accord avec le ministère badois des finances, il est concédé à la ville de Winterthour, à la S. A. des forces motrices du nord-est suisse, Baden (Argovie), à la S. A. de l'industrie de l'aluminium, Cbippis, à la S. A. Siemens-Schuckertwerke, Berlin-Siemensstadt (désignées ci-après sous le nom d'« entreprise »), à l'intention d'une société anonyme à créer, le droit de construire et d'exploiter une usine hydraulique sur le Rhin, près de Rheinau, aux conditions suivantes: I OBJET ET ÉTENDUE DE LA CONCESSION Article premier Etendue du droit d'eau La concession comprend, sous réserve des dispositions de l'article 6, chiffre 1, l'utilisation d'un débit de 400 m3/sec. et de la chute du fleuve f 1 ) Date de l'entrée en vigueur: 1er février 1948.

785 comprise entre la cuvette de la chute du Rhin à Neuhausen et la limite supérieure de la section du Rhin, à régulariser entre Rüdlingen et Rheinau (débouché du garage aval de l'écluse), y compris la chute qui pourra être récupérée plus tard, lors de la régularisation Rudlingen-Rheinau (cf.

art. 2a).

Les débits seront déterminés d'après les jaugeages officiels.

Art. 2

Durée de la concession La présente concession est accordée ppur 80 ans, à compter de la mise en service de l'usine.

Art. 2a Rapports avec la régularisation du Rhin entre Bildungen et Rhcinau 1 La section du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau sera rendue navigable par régularisation. La chute créée par l'abaissement du plan d'eau sera utilisée dans l'usine de Rheinau, autant que cela sera jugé économique par les autorités compétentes. A cet effet, l'entreprise fera approfondir à ses frais, lors de la régularisation, le lit du Rhin, dès la limite supérieure de la régularisation, c'est-à-dire entre le débouché du garage aval de l'écluse et le barrage auxiliaire inférieur, pour adapter ce tronçon fluvial aux conditions nouvelles.

2

L'entreprise devra prendre à sa charge une partie des frais de la régularisation du Rhin entre Rüdlingen et Rheinau. Cette contribution sera déterminée par les autorités compétentes suivant la valeur du gain en énergie que l'usine de Rheinau retirera de la régularisation et après que l'entreprise aura été entendue.

L'évaluation de ce gain en énergie se fera sur la base du prix de revient de l'énergie annuelle moyenne pouvant être produite dans l'usine de Rheinau, prix pour le calcul duquel il ne sera tenu compte que du coût des ouvrages hydroélectriques de l'usine.

De la part des frais de régularisation ainsi calculée, on retranchera les dépenses de l'entreprise pour l'adaptation du tronçon du Rhin compris entre le débouché du garage aval de l'écluse et le barrage auxiliaire inférieur ainsi que les frais supplémentaires causés par l'obligation d'implanter les ouvrages à une plus grande profondeur, conformément aux dispositions de l'article 3, chiffre 2.

786

II

CONSTRUCTION ET EXPLOITATION

Art. 3 Ouvrages 1

L'entreprise est autorisée à exécuter, à l'effet d'utiliser la force motrice du Rhin, les ouvrages prévus au projet du 18 juin 1942, notamment: 1. Un barrage dans le Rhin à 400 m environ en amont de l'île du couvent de Rheinau.

2. Une galerie d'amenée avec prise d'eau sur la rive gauche du Rhin, en amont du barrage, 3. Un bâtiment des machines avec turbines sur la rive gauche du Rhin, à 1400 m environ en aval du pont dit « Sahnenbrücke » à Rheinau, et restitution de l'eau au Rhin près du bâtiment des machines.

4. Deux barrages auxiliaires dans le Rhin, dont l'un à 400 m environ en amont et l'autre à 1200 m environ en aval du pont dit « Salmenbrucke » à Rheinau.

5. Un plan incliné pour pontons et des échelles à poissons au droit du barrage principal et des barrages auxiliaires.

2 L'altitude du plafond des ouvrages sera fixée en tenant compte de l'approfondissement ultérieur du lit du Rhin entre Rudlingen et Rheinau (cf. art. 2a).

Art, 4 Exécution et entretien des ouvrages 1

Les ouvrages et installations seront exécutés conformément aux plans et calculs à présenter par l'entreprise et suivant un programme des travaux.

Les plans et calculs et le programme des travaux devront recevoir l'approbation des autorités des deux pays riverains. L'entreprise fournira tous les renseignements et données complémentaires que les autorités pourraient être appelées à lui demander. Elle ne pourra s'écarter du projet approuvé que d'entente et qu'avec l'autorisation des autorités.

2 Aucun ouvrage ne pourra être commencé avant que les autorités n'aient approuvé les plans de détail et les calculs statiques nécessaires. Il en est de même pour les échafaudages érigés à l'intérieur de la zone des crues.

3 Tous les ouvrages mentionnés à l'article 3, ainsi que les autres ouvrages qui d'après la présente concession doivent être construits par l'entreprise, seront exécutés suivant les règles de l'art et constamment maintenus en bon état. En cas de dommages, ils seront de même réparés avec soin.

787 4

Lors de l'exécution des travaux, les intérêts publics et privés seront respectés autant que possible.

6 Les dispositions qui précèdent sont aussi valables pour les travaux à exécuter conjointement avec la régularisation du Rhin entre Rudlingen et Rheinau.

Art, 5 Protection des sites Tous les ouvrages seront exécutés de façon à ne pas déparer ou à déparer le moins possible le paysage. La beauté des sites sera ménagée.

Elle sera conservée intacte si un intérêt public majeur l'exige.

Les intérêts et les besoins de l'asile de Rheinau seront sauvegardés dans la mesure du possible pendant la construction et l'exploitation de l'usine.

2 Le niveau futur du plan d'eau dans le gros, le moyen et le petit Rhin aux abords de l'île du couvent est fixé uniformément à la cote 352,50 (nouvel horizon suisse R.P.N. 373,60). Par conséquent, la crête du barrage auxiliaire supérieur sera arasée à la cote 352,50.

La digue entre le moyen et le petit Rhin ainsi que toutes les parties du lit du fleuve qui surpasseraient la cote 352,30 seront ramenées à cette altitude.

3 L'altitude de la crête du barrage auxiliaire inférieur est fixée à la cote 349,50. Le tronçon fluvial compris entre les deux barrages auxiliaires sera aménagé de façon que la future largeur du plan d'eau ne soit en aucun endroit inférieure à 75 m, au besoin au moyen de dragages.

4 Les questions relatives à l'architecture des bâtiments, à la conformation des rives, à la disposition des routes, des murs, des installations dé couplage, des transformateurs, des conduites, des dépôts de déblais, à l'exécution des défrichements, des plantations et des enduits seront traitées en étroite collaboration avec les experts compétents, allemands et suisses, pour la protection de la nature.

Avant l'exécution des travaux, l'entreprise examinera s'il est possible de munir le barrage principal d'organes de fermeture qui dépareraient moins le site que ne le ferait le système à vannes envisagé. Les autorités concédantes pourront exiger de tels organes de fermeture si les frais en sont supportables pour l'entreprise.

5 Les autorités compétentes se réservent le droit d'exiger, au besoin, d'autres mesures pour sauvegarder la beauté de l'endroit, en tant qu'il n'en résulte pas pour l'entreprise une charge contraire à l'équité.

Elles pourront demander l'exécution de modèles réduits pour des parties ou des objets déterminés.

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Art. 6 Construction et exploitation du barrage principal et des barrages auxiliaires 1

En vue de sauvegarder le plus possible les beautés naturelles de la chute du Ehin, le Conseil fédéral suisse, d'entente avec le pays de Bade, fixera après la mise en service de l'usine et sur la base des essais de mise en eau à effectuer pour des niveaux d'eau dans la cuvette de la chute du Ehin, compris entre les cotes 358,00 et 359,00, les niveaux maximums admissibles dans la dite cuvette pour les différents débits du fleuve. Ces niveaux seront déterminants pour toute la durée de la concession. Il est entendu qu'en hiver des niveaux pourront être plus élevés qu'en été.

Les cotes de retenue, à observer au barrage principal, seront fixées d'entente avec l'autorité concédante suisse au plus tard 5 ans après la mise en service de l'usine. Elles devront correspondre aux niveaux d'eau fixés par le Conseil fédéral pour la cuvette de la chute du Ehin. La révision de ces cotes demeure réservée.

L'entreprise ne pourra pas prétendre à une indemnité dans le cas où les niveaux d'eau à observer dans la cuvette de la chute du Ehin seraient fixés au-dessous de la cote 359,00 m.

a

Le barrage principal sera aménagé pour un niveau de retenue maximum à la cote 359,00 (nouvel horizon suisse R.P.N. 373,60), II aura des dimensions permettant d'évacuer une crue de 1250 ms/sec. sans causer de remous dommageable, même si l'un des pertuis demeurait fermé.

Des essais sur modèles pourront être exigés afin de pouvoir se rendre compte des effets hydrauliques des barrages, du déversoir, etc.

Les vannes devront pouvoir être levées de façon que leur arête inférieure atteigne au moins la cote 360,20 (nouvel horizon suisse E.P.N.

373.60).

3 Les vannes devront pouvoir être actionnées par deux sources d'énergie indépendantes l'une de l'autre. En outre, elles devront pouvoir être manoeuvrées à bras d'homme.

4

Dans le cas où le sous-sol du lit en aval du barrage principal ne serait pas suffisamment résistant, on prévoira la construction d'un radier. L'état du plafond en amont et en aval du barrage principal sera examiné de temps en temps suivant les indications des autorités techniques ; le résultat de cet examen leur sera communiqué.

5

Les travaux à exécuter dans la boucle du Rhin (barrages auxiliaires, dragages, etc.) pourront être entrepris au plus tard au moment de la mise en service de l'usine; mais ils devront être achevés deux ans après cette date. Jusqu'au moment de l'achèvement des barrages auxiliaires, la boucle

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du Rhin sera alimentée en eau d'après les instructions spéciales des autorités compétentes. L'entreprise répondra de tout dommage qui se produirait au cours de cette période transitoire.

6

L'eau qui parvient à l'usine de Rheinau doit être rendue au fleuve dans la mesure de son arrivée, sans que le régime d'écoulement du fleuve en soit modifié. Pour toute opération qui troublerait ce régime, telle que l'exécution de réparations à l'usine, l'entreprise requerra l'autorisation des autorités compétentes et informera en temps utile les usiniers d'aval des mesures autorisées. L'entreprise répond de toute conséquence dommageable.

En vue de prévenir des fluctuations de niveau lors d'une interruption subite dans la livraison du courant, les autorités pourront exiger l'installation de résistances hydrauliques.

7

Les autorités se réservent le droit d'édicter, après avoir entendu l'entreprise, un règlement pour la manoeuvre des organes de fermeture du barrage. Elles pourront exiger l'installation d'appareils enregistreurs indiquant dans la centrale la position des vannes du barrage.

8

Lors de travaux à effectuer au barrage, l'entreprise ne pourra pas, sauf autorisation des autorités compétentes, mettre hors de service plus d'un pertuis à la fois, et cela seulement dans la période comprise entre le 1er octobre et le 1er mai. De tels travaux devront toujours être accélérés dans la mesure du possible.

9

La boucle du Rhin sera alimentée en permanence et à partir du barrage principal d'une quantité d'eau d'au moins 5 m3/sec. Si des inconvénients d'ordre hygiénique ou d'autre nature devaient se présenter dans les retenues des deux barrages auxiliaires, les autorités pourront exiger l'écoulement temporaire de plus grandes quantités d'eau pour effectuer des chasses.

Art. 6 a Contrôle des niveaux d'eau Les limnimètres et limnigrapb.es nécessaires au contrôle de l'usine seront établis par l'entreprise à des endroits convenables d'après les instructions et sous la surveillance des autorités. L'entreprise en supportera les frais de construction et en assurera le service et l'entretien.

2 Dès l'octroi de la concession, l'entreprise devra: a. Construire une station limnigrapbique dans la cuvette de la chute du Rhin et une autre en aval du lieu de la restitution de l'eau au Rhin et en assurer le service et l'entretien; b. Observer les niveaux d'eau en des endroits convenables, d'après les instructions des autorités.

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790 3

Les livrets d'observation et les diagrammes originaux seront conservés et des doubles envoyés aux autorités, Art. 7

Dérivation de petites quantités d'eau L'entreprise devra tolérer, sur la section utilisée du Rhin, le prélèvement de petites quantités d'eau dont auraient besoin des tiers; l'entreprise n'a pas droit à une indemnité.

Art. 8 Réception des ouvrages et mise en service de l'usine 1

L'usine ne pourra être mise en service, partiellement ou totalement, que lorsque les autorités compétentes auront jugé suffisante à tous égards la capacité de résistance des ouvrages, en particulier du barrage principal, de la galerie d'amenée, du bâtiment des turbines et de son raccordement à la rive, de toutes les digues, murs de rive et installations de drainage ainsi que de tous les organes de fermeture et les dispositifs de manoeuvre auront fourni la preuve d'un bon fonctionnement.

Le programme de la mise en eau initiale de la retenue sera soumis aux autorités pour approbation.

2 La date de la mise en service sera déterminée par le moment où une unité commencera de fournir régulièrement du courant.

III

POLICE DES EAUX ET COMMUNICATIONS

Art. 9 Protection des rives 1

L'entreprise entretiendra selon les indications des autorités les deux rives du Rhin dans toute leur étendue, à savoir: dans la région du remous jusqu'à la chute du Rhin et à partir du barrage jusqu'à 1000 m en aval de la restitution de l'eau, ou, après l'exécution de la régularisation du Rhin entre Rudlingen et Rheinau, jusqu'à 3800 m en amont du pont de Rüdlingen. Elle les protégera par des mesures spéciales contre les attaques de l'eau, là où des dommages pourraient se produire ou se seraient produits après la mise en service de l'usine. La même obligation s'applique aux affluents, dans la mesure où ils sont touchés par le remous.

2 Dans le cas où les rives sont endommagées d'une manière illicite, l'entreprise est en droit d'actionner de son propre chef l'auteur du dommage, selon les dispositions du droit civil.

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Art. 10 Incorporation des rives au domaine public L'entreprise devra acquérir tous les terrains en bordure du Rhin qui seront submergés par le relèvement du plan d'eau, ou sur lesquels seront établies les défenses des rives, y compris les digues, en tant qu'ils n'appartiennent pas déjà au domaine public, et devra les céder gratuitement et francs de toute charge au pays de Bade et aux cantons de Zurich et de Schaffhouse suivant leur appartenance territoriale.

Cependant, ces Etats devront pouvoir disposer partout d'une bande de terrain insubmersible même en plus hautes eaux navigables (3,00 m à l'échelle de Baie, état du fond du Ht de l'année 1920, correspondant à un débit du Rhin de 2480 m3/sec.) et mesurant horizontalement au moins 2 m de largeur. L'entreprise sera autorisée à circuler en tout temps sur cette bande de terrain ou à l'utiliser comme voie d'accès pour l'entretien des rives. Le terrain à céder sera borné suivant les prescriptions légales.

Art. 11 Maintien des communications et protection des terrains 1 Le bac de Nohl et ses accès seront adaptés aux nouvelles conditions, à charge de l'entreprise; celle-ci paiera annuellement une indemnité pour le renchérissement du service d'exploitation et tous autres inconvénients.

Cependant, si le gouvernement du canton de Zurich trouvait plus rationnel de remplacer ce bac par une passerelle ou par un pont, l'entreprise serait tenue de verser une contribution aux frais de construction correspondant aux frais d'adaptation du bac, majorée du montant capitalisé des frais d'exploitation supplémentaires.

2 Les canaux naturels ou artificiels débouchant dans le Rhin seront adaptés aux nouvelles conditions suivant les prescriptions des autorités.

En particulier, tous les ruisseaux alimentés par des eaux de surface ou souterraines seront captés et dérivés de façon à empêcher la formation de marécages. Cependant, on tiendra compte des possibilités d'irrigation et d'assèchement. L'entreprise devra parer aux dommages qui seraient causés par le relèvement ou l'abaissement de la nappe des eaux souterraines ou allouer des dommages-intérêts suivant les ordres des autorités.

3 Avant le commencement et pendant l'exécution des travaux, ainsi qu'après la mise en service de l'usine, l'entreprise fera déterminer, selon les ordres des autorités et par les spécialistes qu'elles auront désignés, les conditions des eaux souterraines dans les régions influencées par l'usine.

* Un déversement convenable sera assuré aux canalisations et aux égouts débouchant dans le Rhin; les fosses à purin et les fosses d'aisance touchées par le remous seront aménagées en conséquence.

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L'entreprise prendra à sa charge toutes les dépenses nécessaires pour adapter aux conditions nouvelles créées par la construction et l'exploitation de l'usine les installations servant à la clarification et à l'évacuation des eaux d'égouts qui existaient déjà au début des travaux de construction de l'usine ou pour lesquelles les autorités compétentes avaient déjà approuvé, à cette date, les projets d'exécution.

L'entreprise devra aussi supporter, pour le service et l'entretien de telles installations, les frais supplémentaires occasionnés par la construction et l'exploitation de l'usine.

5 L'entreprise devra remplacer, selon les ordres des autorités compétentes, les bains et les baignoires pour chevaux touchés par la construction et l'exploitation de l'usine.

6 L'entreprise remplacera les chemins et les débarcadères qui auront été submergés et défendra par des clôtures l'accès des endroits dangereux le long des rives. En outre, à la demande des autorités et suivant leurs indications, l'entreprise fera établir des sentiers publics en bordure de la retenue ou remettre en état les sentiers existants.

Les chemins existant sur les hauts-bords du Rhin devront rester reliés dans le périmètre de la centrale.

7 La communication directe entre les asiles de Vieux et NouveauEheinau ne devra pas être interrompue pendant la durée des travaux.

Art. 12 Utilisation du domaine public L'entreprise assumera à ses frais pendant toute la durée des travaux l'entretien des routes et des ponts fortement utilisés pour la construction des ouvrages; après l'achèvement des travaux, elle remettra ces routes et ponts en bon état.

L'entreprise prendra à sa charge tous les frais que le remous occasionnera aux ponts conduisant au château de Wörth et à ceux de Rheinau ainsi qu'à la conduite forcée de l'usine hydraulique de la commune de Neuhausen et éventuellement, dans le cas de sa reconstruction, à la nouvelle usine hydraulique.

Avant la mise en eau de la retenue, l'entreprise fera procéder, sous la surveillance des autorités, à un relevé minutieux de l'état des piles et des culées des ponts et des supports de la conduite forcée et exécuter toutes les réparations nécessaires. L'entretien et le renouvellement des piles, des culées et des supports seront à charge de l'entreprise.

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Si, du fait de l'aménagement de l'usine, les autorités estiment nécessaire de faire sur le territoire des communes intéressées un remaniement

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parcellaire des biens-fonds attenants à ceux de l'entreprise et de modifier la disposition des chemins et sentiers donnant accès auxdits biens-fonds, l'entreprise en supportera tous les frais. Elle devra également prendre à sa charge la totalité des frais de la mensuration et du bornage des terrains, ainsi que de la mise au net du registre foncier, nécessités par la construction des ouvrages et installations.

s Les déblais et gravois ne pourront être déversés dans le lit du fleuve sans la permission des autorités compétentes. Les autorités se réservent le droit d'édicter des prescriptions sur le dépôt des matériaux, l'enlèvement des matières flottantes et de la végétation aquatique.

Les amas de matières flottantes se formant dans les retenues seront évacués vers l'aval ou enlevés de façon convenable.

4 L'entreprise fera enlever les dépôts d'alluvions nuisibles, dans les sections du fleuve mentionnées à l'article 9 et d'après les prescriptions des autorités ; elle s'entendra avec celles-ci sur l'emploi des matériaux extraits.

Art. 13

Modification des ouvrages Si les autorités des deux pays riverains estiment que, dans l'intérêt public, les ouvrages et installations doivent être modifiés ou complétés, du point de vue de la police des constructions ou de la police des eaux, l'entreprise exécutera, à ses frais, les mesures ordonnées à cet effet.

IV NAVIGATION ET PÊCHE Art. 14

Navigation existante Les installations existantes servant à la petite navigation seront adaptées aux nouvelles conditions.

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La boucle du "Rhin comprise entre la prise d'eau au barrage de Kheinau et la restitution sera aménagée suivant les plans du 18 juin 1942 et maintenue ouverte à la petite navigation.

La digue entre le gros Rhin et le Rhin moyen sera arasée de façon qu'elle n'entrave pas la petite navigation.

Pour permettre aux bateaux de passer du petit au gros Rhin en empruntant le Rhin moyen, on pratiquera un passage marqué en permanence, d'au moins 3 m de largeur et dont le fond sera à la cote 352,00.

Feuille, fédérale. 106e armée. Vol. I.

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Les barrages auxiliaires devront pouvoir évacuer une crue du Rhin de 1250 ms/sec. sans produire de remous dommageable.

4 Le barrage principal et les barrages auxiliaires seront pourvus chacun d'une rampe à pontons à établir suivant les prescriptions des autorités et dont les accès seront aisés et nettement signalés.

s Pendant la journée, c'est-à-dire dès une heure avant le lever jusqu'à une heure après le coucher du soleil, le personnel de l'usine aidera gratuitement, s'il en est requis, à faire franchir la rampe aux bateaux.

6 Les autorités concédantes se réservent de demander à l'entreprise, sur la base des expériences faites en cours d'exploitation, qu'elle se charge d'autres mesures dans l'intérêt de la navigation dans la boucle du Rhin.

Art. 15 Navigation future 1 L'entreprise est tenue de tolérer le prélèvement de l'eau nécessaire à l'alimentation des ouvrages de navigation. Elle n'a pas droit à une indemnité de ce fait.

3 L'entreprise devra fournir gratuitement le courant électrique nécessaire à la manoeuvre et à l'éclairage des ouvrages de navigation.

s L'entreprise devra acquérir, suivant les ordres des deux gouvernements, les terrains nécessaires pour établir les ouvrages de navigation (écluses, garages, canaux, tunnel, etc.), et les céder à leur prix d'achat non augmenté d'intérêts en faveur de la navigation. Jusqu'au moment de la cession, elle pourra disposer de ce ' terrain librement, sans toutefois pouvoir y ériger des constructions permanentes.

* L'entreprise devra tolérer tout raccordement à ses installations et leur utilisation à cette fin lorsque des ouvrages pour la navigation devront emprunter ses installations. Elle aura droit à une indemnité équitable pour les entraves importantes causées de ce fait à l'exploitation de l'usine et pour les autres dommages importants.

5 L'entreprise devra, à ses propres frais, assurer l'exploitation, l'entretien et le renouvellement des ouvrages de navigation dans la section dont elle a l'entretien des rives, à l'exception des ouvrages de navigation du palier de la chute du Rhin.

Les dépenses qui seront probablement nécessaires à cet effet jusqu'à l'expiration de la concession devront être remboursées à l'entreprise dans la mesure où la valeur qu'elles représentent au moment de la mise en service des ouvrages de navigation excède un montant de 390 000 reichsmarks ; ce remboursement s'opérera sous forme d'une indemnité unique à charge du compte de construction de la voie navigable.

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Les deux gouvernements riverains se réservent la faculté d'exiger de l'entreprise, au lieu des prestations prévues au 1er alinéa, une contribution unique de 390 000 reichsmarks aux frais de construction des ouvrages de navigation, Le montant de 390 000 reichsmarks correspond à l'indice du coût des constructions valable en Allemagne en 1937 ; il devra être modifié en fonction de l'indice valable à l'échéance de la prestation. Les deux gouvernements se réservent la faculté de fixer cette prestation en se fondant sur un montant de 650 000 francs au heu du montant de 390 000 reichsmarks.

Ce montant en francs correspond au niveau des prix qui avaient cours en Suisse en 1937; il devra être modifié en fonction de l'indice valable à l'échéance de la prestation. Le montant en espèces pourra être exigé soit en reichsmarks ou francs suisses soit en partie en marks et en partie en francs.

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Dans les prestations relatives à l'exploitation, à l'entretien et au renouvellement des ouvrages de navigation, il faut comprendre le service des écluses, qui sera assuré gratuitement de jour, pendant toute l'année, y compris les dimanches et jours fériés et, suivant les prescriptions spéciales des autorités compétentes, aussi de nuit.

Les autorités édicteront en outre des prescriptions spéciales et un règlement de police pour l'exploitation et le service des ouvrages de navigation.

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Les dispositions de l'article 33 de la concession sont aussi valables pour l'exploitation, l'entretien et le renouvellement des ouvrages de navigation, dans la mesure des obligations de l'entreprise, spécifiées aux chiffres 5 et 6 du présent article.

Art. 16 Pêche 1

Pour permettre aux poissons de circuler librement, le barrage principal et les barrages auxiliaires seront pourvus chacun d'une échelle à poissons suivant les indications des autorités compétentes. L'aménagement de ces échelles se fera d'entente avec le gouvernement du pays de Bade, avec possibilité d'exiger éventuellement l'installation d'ascenseurs à poissons au heu des échelles prévues.

z Les échelles à poissons ne pourront être mises temporairement hors de service qu'en basses eaux extraordinaires et qu'avec une autorisation préalable des autorités de surveillance des deux pays riverains.

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Les échelles à poissons ainsi que leurs entrées et sorties devront être débarrassées en permanence de toutes matières ou corps flottants.

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L'accès aux échelles à poissons doit être fermé à toutes les personnes qui n'y ont pas droit; les agents préposés au contrôle de la pêche y auront en tout temps libre accès.

5 Sans autorisation spéciale des autorités de surveillance, il est interdit de pêcher dans les échelles à poissons et dans les dépendances de l'usine ainsi qu'en amont et en aval des barrages dans les sections frappées d'interdiction.

Les autorités de surveillance détermineront ces sections après la mise en service de l'usine et les désigneront par des panneaux indicateurs.

Les parties de rives atteintes par le remous devront être aménagées en vue de la pêche suivant les indications des autorités compétentes (déroder, aménager des accès, des frayères, etc.).

6 L'entreprise est tenue de déverser chaque année dans la retenue, suivant les indications des autorités compétentes, une quantité d'alevins et de verser une contribution équitable pour leur élevage artificiel, si cela est nécessaire.

7 Dans le cas où les autorités compétentes renonceraient à obliger l'entreprise à installer des échelles à poissons en raison des conditions spéciales, l'entreprise devra participer dans une juste mesure à l'exploitation piscicole du palier. Cette participation pourra consister en une indemnité unique, ou en une indemnité annuelle, ou alors en une combinaison de ces deux formes d'indemnité. Le mode d'indemnité sera arrêté par les autorités compétentes, après que l'entreprise aura été entendue.

8 Les autorités compétentes se réservent le droit d'ordonner d'autres mesures, à la charge de l'entreprise, pour la protection de la pêche, et cela aussi après l'achèvement et la mise en exploitation de l'usine.

V

DISPOSITIONS D'ORDRE ÉCONOMIQUE

Art. 17 Répartition de la ïorce La force hydraulique du Rhin mise en valeur par l'entreprise sera répartie provisoirement à raison de 59 pour cent pour la Suisse et de 41 pour cent pour le pays de Bade. Ces parts seront déterminées à nouveau dès que les niveaux d'eau à, observer dans la cuvette de la chute du Rhin auront été fixés définitivement, conformément aux dispositions de l'article 6, chiffre 1. Lorsque la régularisation du Rhin entre Rudlingen et Rheinau, prévue à l'article 2 a, sera terminée, les parts de force seront fixées définitivement.

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L'entreprise mettra à ses frais à la disposition des autorités compétentes toute la documentation permettant de calculer et de déterminer la force hydraulique entrant en ligne de compte; les autorités pourront effectuer dans l'usine ou à proximité de celle-ci des mesurages de la force hydraulique et do l'énergie électrique produite, selon leur choix et aussi souvent qu'elles l'estimeront nécessaire.

Art. 18 Comptabilité. Prix de vente de l'énergie 1 L'entreprise remettra au ministère badois des finances, chaque année, en trois exemplaires: Les comptes d'exploitation, le rapport de gestion, le compte de profits et pertes, le bilan, les pièces justificatives relatives aux amortissements, aux réserves et à l'emploi du bénéfice net, la justification sur la production et l'emploi de l'énergie, les tarifs généraux et spéciaux, les contrats de délimitation de zones et tous autres contrats semblables (ef. les art. 27 et 33 de la présente concession).

2 Le Ministère badois des finances pourra demander à l'entreprise qu'elle réduise les prix de l'énergie livrée en Suisse, ei, toutes choses égales d'ailleurs, l'énergie livrée à l'étranger est vendue meilleur marché ; les prix pourront être réduits jusqu'à concurrence du prix le plus bas appliqué à l'énergie vendue à l'étranger dans des conditions semblables.

3 Le ministère badois des finances, d'entente avec le Conseil fédéral et après avoir entendu l'entreprise, pourra demander en outre à cette dernière qu'elle réduise les prix de l'énergie livrée en Suisse, si le bénéfice net de l'entreprise au cours des 5 années précédentes excède en moyenne 8 pour cent du capital-actions versé de la société. Les prix ne devront cependant pas être réduits de façon que le bénéfice net n'atteigne plus la norme mentionnée dans la phrase précédente. Par bénéfice net, il faut entendre les parts de bénéfice (dividendes et tantièmes) accordées aux actionnaires et aux organes de la société.

Art. 19 Redevance et taxe de concession En contre-partie des droits à l'utilisation des forces hydrauliques qui lui ont été concédés, l'entreprise payera à l'Etat de Bade une taxe unique de concession, ainsi qu'une redevance annuelle, qui seront fixées par le ministère des finances dans les limites des dispositions de la législation suisse en vigueur au 1er février 1925. Si des dispositions plus sévères devaient être édictées en Suisse pendant la durée de la concession, celles-ci seront aussi déterminantes comme limite supérieure de la prestation due à l'Etat de Bade.

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Le montant de la redevance sera réduit dans la mesure où un impôt spécial serait prélevé sur les forces hydrauliques ou sur l'énergie produite.

Art. 20 Participation à l'entreprise Le paya de Bade et les cantons de Zurich, et de Schaffhouse auront le droit de participer directement ou indirectement à la société en proportion de leur part à la force hydraulique, au plua tard lors de la souscription des actions. Cette participation ne devra pas dépasser la moitié de la part de capital revenant à chaque pays en proportion de sa part à la force hydraulique brute.

Art. 21 Administration de l'entreprise 1 Le conseil d'administration sera composé de ressortissants allemands et de ressortissants suisses en proportion de la part des deux pays à la force hydraulique utilisable.

2 L'entreprise fera en sorte que chacune des deux personnes désignées par les gouvernements des deux pays riverains puisse faire partie du conseil d'administration en qualité de membre jouissant de tous ses droits.

3 Au heu du membre du conseil d'administration mentionné sous chiffre 2, le pays de Bade et la Suisse pourront nommer chacun un commissaire qui aura le droit de participer aux séances du conseil d'administration et de ses délégués.

Art. 22 Domicile 1 La société anonyme à créer élira dans le pays de Bade un domicile judiciaire conformément au § 17, al. 3, du code de procédure civile allemand.

Art. 23 Douane L'entreprise se conformera aux prescriptions que les autorités compétentes édicteront en matière de douane et elle exécutera à ses frais les installations nécessaires à cet effet.

Art. 24 Main-d'oeuvre; emploi de produits indigènes 1 Pour construire et exploiter son usine, l'entreprise engagera de la main-d'oeuvre et du personnel de nationalité allemande en proportion de la part allemande à la force hydraulique.

799 2

En tant que cela pourra se justifier économiquement, les commandes de fournitures seront attribuées à des maisons et à de la maind'oeuvre allemande en proportion de la part allemande à la force hydraulique concédée.

Art. 25 Retour 1

A l'expiration de la concession, le pays de Bade pourra reprendre en commun avec les cantons de Zurich, et de Schaffhouse, francs de toute charge, les biens-fonds avec leurs accessoires de l'entreprise, ses droits sur des biens-fonds appartenant à des tiers et les ouvrages et installations établis sur le domaine public, en tant que ceux-ci servent: a. A l'exploitation de l'usine hydraulique; 6. A la production-et au transport de l'énergie électrique.

Ces trois Etats pourront également reprendre dans les mêmes conditions les bâtiments d'administration et les maisons d'habitation pour le personnel de service (biens-fonds et accessoires y compris).

Les biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés à la lettre o seront repris gratuitement. Si les Etats reprennent les biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés à la lettre a, ils seront tenus, à la demande de l'entreprise, de reprendre aussi les autres biens-fonds, droits, ouvrages et installations mentionnés ci-deasus, contre paiement de l'indemnité prévue.

2 En cas de retour, tous les ouvrages et installations -- à l'exception des installations servant au transport de l'énergie à partir du bâtiment de l'appareillage -- deviendront, par quotes-parts idéales, en proportion de la force hydraulique concédée par chaque Etat, la copropriété du pays de Bade et des cantons de Zurich et de Schaffhouse (art. 17). Chaque Etat reprendra à son compte les installations servant au transport de l'énergie électrique, établies sur son territoire ou nécessaires au transport de l'énergie jusqu'à son territoire.

3 L'entreprise est tenue d'autoriser l'inscription d'une annotation au registre foncier en vue de garantir le droit de retour décrit ci-dessus.

Art. 26 Bâchât Après une durée d'exploitation de 40, 50, 60 ou 70 ans, le pays de Bade et les cantons de Zurich et de Schaffhouse pourront, moyennant un avertissement préalable de cinq ans, acquérir, franche de toute charge, l'usine entière, en proportion de leurs quotes-parts de force, comme cela

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est prévu à l'article 25, 2e alinéa. La prix de rachat sera égal à la moyenne arithmétique de la valeur d'établissement et de la valeur commerciale.

La valeur d'établissement des installations fixes relevant du génie civil, exception faite des bâtiments d'administration et des maisons d'habitation pour le personnel de service, sera égale au montant total des frais de construction, sous déduction d'un amortissement de 1 pour cent par an à compter du début de la 11e année d'exploitation. Pour les agrandissements et renouvellements effectués après l'achèvement de l'usine, la valeur d'établissement sera égale au coût effectif des travaux, sous déduction d'un amortissement de 1 pour cent chaque année d'exploitation de l'usine à compter de l'expiration des dix années qui suivront l'agrandissement ou le renouvellement. Pour les installations mécaniques et électriques -- y compris les moteurs hydrauliques et les installations mobiles destinées à la retenue des eaux, à la prise d'eau, aux canaux d'amenée et de fuite ·-- ainsi que pour les installations de distribution de force, les bâtiments d'administration et les maisons d'habitation pour le personnel de service, on fixera un montant équitable, correspondant à la valeur réelle au moment du rachat. En cas de contestation, ce montant sera fixé à dire d'experts.

La valeur commerciale sera égale à 20 fois le bénéfice moyen des 5 années d'exploitation précédant le rachat, sous déduction, pour la détermination du bénéfice de chaque année, des prélèvements nécessaires et usuels dans les entreprises de ce genre.

2

Le pays de Bade ainsi que les cantons de Zurich et de Schaffhouse auront la faculté et, si l'entreprise le demande, l'obligation de reprendre et de maintenir les contrats de livraison d'énergie en cours. Cette obligation n'existera cependant que pour les contrats de livraison non préjudiciables à l'entreprise.

3

L'entreprise est tenue d'autoriser l'inscription d'une annotation au registre foncier en vue de garantir le droit de rachat décrit ci-dessus.

Art. 27 Justification des frais de construction 1

L'entreprise fournira aux autorités, dans les deux ans à compter de l'achèvement de l'usine, la justification détaillée des frais de construction permettant de calculer le prix de rachat (art. 26) et le montant du bénéfice net (art. 18) et aux autorités d'exercer leur droit de surveillance (art. 33).

Elle devra donner connaissance, d'une façon analogue, des frais de construction des agrandissements et renouvellements éventuels impliquant des travaux du génie civil. Les ouvrages et installations, pour lesquels ces pièces justificatives ne seront pas présentées dans les deux ans succédant à leur

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achèvement, ne seront pas pris en considération pour la détermination du prix de rachat.

2

Les dépenses faites pour l'obtention des concessions, les frais de constitution de la société concessionnaire, les frais d'émission, les pertes au change et les frais d'organisation ne seront compris, dans les frais de construction, qu'en tant qu'ils seront dûment justifiés.

Art. 28 Etat des ouvrages Au cas où l'usine serait rachetée par les Etats ou leur ferait retour, tous les ouvrages et installations devront être en bon état d'entretien et de fonctionnement.

VI

DISPOSITIONS FINALES

Art. 29 Responsabilité civile et procès 1

L'entreprise sera responsable de tout dommage ou préjudice avéré causé aux droits de tiers du fait de l'exécution des travaux ou de l'exploitation de l'usine. Si un tel préjudice est causé à une usine hydraulique, ü devra être compensé par la fourniture gratuite de courant ou d'une autre manière.

2 L'entreprise dédommagera les deux Etats riverains de toute action qui pourrait leur être intentée par des tiers et se chargera à ses frais et risques de la conduite des procès y relatifs.

Art. 30 Etat du lit du Rhin 1

Pour déterminer l'état du lit du Rhin avant son aménagement, l'entreprise fera exécuter à ses frais et suivant les prescriptions des autorités les levés nécessaires de profils en long et en travers sur toute l'étendue du tronçon fluvial utilisé par l'usine, et cela avant le relèvement du plan d'eau. Les autorités pourront exiger que les levés soient répétés de temps en temps après la mise en eau du palier (cf. art. 6, chiffre 4:, de la présente concession).

2 Les dispositions précitées sont valables pour les affluents dans la mesure où ils sont touchés par le remous.

802

Art. 31 Expropriation L'entreprise aura la faculté de requérir une décision pour exproprier les biens-fonds et les droits réels nécessaires à la construction de son usine, conformément à la loi badoise sur l'expropriation et au § 35 de la loi badoise sur les eaux.

Art. 32 Plans 1 Les ouvrages terminés, l'entreprise remettra aux autorités le nombre nécessaire d'exemplaires des plans d'exécution définitifs de l'ensemble de l'usine, à savoir: 1. Plan général au 1:25000.

2. Plan de situation au 1:5000 (plan cadastral) avec cotes d'altitude.

3. Barrages, prise d'eau, galerie d'amenée centrale et bief d'amont: situation au 1:500 ou 1:1000 et coupes au 1:200.

4. Profil en long du Rhin au 1 :

100

avec plans d'eau naturels et rele-

vés correspondants aux niveaux d'eau suivants, mesurés à l'échelle de Baie (état du plafond en 1920) : 0,0 m (débit Baie = 525 m3/sec. ou débit Nohl = 170 m3/sec.)

1,0 m (débit Baie = 1020 m3/sec. ou débit Nohl = 320 m3/sec.)

2,0 m (débit Baie = 1670 m3/sec. ou débit Nohl = 600 m3/sec.)

3,0 m (débit Baie = 2480 ms/sec. ou débit Nohl = 890 m3/sec.)2000 5. Profil en long de l'ensemble de l'usine 1 : y^r6. Plans inclinés pour pontons, situation et coupes 1:200.

2 Tous changements ou agrandissements de l'usine devront être reportés sur ces plans aux frais de l'entreprise; au besoin, de nouveaux plans seront établis.

3 Toutes les cotes seront rapportées aux nivellements des deux Etats, avec indication des points de rattachement.

Art. 33 Surveillance 1 Les autorités compétentes veilleront à ce que l'usine hydraulique et les installations qui s'y rapportent soient établies, entretenues et exploitées conformément aux conditions de la présente concession et aux prescriptions de police et à ce que ces conditions et prescriptions ne soient pas enfreintes.

803 2

En cas d'inobservation, les autorités donneront au concessionnaire les ordres qu'exigera la situation, sans préjudice d'une action pénale éventuelle et de l'obligation incombant à l'entreprise de réparer le dommage causé.

3 L'entreprise satisfera aux ordres donnés par l'autorité de surveillance administrative ou technique, faute de quoi les mesures nécessaires pourront être prises à ses frais.

4 Les fonctionnaires chargés de la surveillance (police des eaux, de la pêche et de la navigation, travaux hydrométriques, contrôle de l'énergie produite et utilisée, inspectorat des fabriques, etc.) auront en tout temps libre accès aux ouvrages et installations de l'usine.

5 La surveillance exercée par les autorités ne déchargera aucunement l'entreprise de sa responsabilité en cas d'accidents ou de faits analogues.

6 L'entreprise remettra 3 exemplaires de l'acte constitutif de la société anonyme, de ses statuts et du compte de construction au ministère badois des finances (cf. les art. 18 et 27 de la présente concession).

Art. 34 Frais de procédure et de surveillance L'entreprise supportera tous les frais résultant de la procédure, de même que les frais de surveillance des autorités, de l'examen des ouvrages au point de vue de leur capacité de résistance et de leur bienfacture conformément aux dispositions de l'article 8, ainsi que du calcul de la redevance.

Art. 35 Transfert de la concession La concession ne pourra être transférée à d'autres personnes sans l'agrément des autorités des deux pays riverains. Cet agrément ne sera pas refusé si le nouvel acquéreur satisfait à toutes les exigences de la concession et si aucune raison d'intérêt public ne s'y oppose.

Art. 36 Déchéance et extinction de la concession 1 La concession pour l'ensemble des ouvrages s'éteint par l'expiration de sa durée. Elle s'éteint également si, à dater du jour de la notification de l'acte de concession à l'entreprise: a. Les travaux de construction ne sont pas commencés sérieusement dans un délai de 3 ans; b. L'usine n'est pas aménagée pour un débit de 400 m3/sec. et mise en service au moins partiellement dans un délai de 7 ans.

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En outre, la concession s'éteint: c. Par renonciation expresse de l'entreprise; d. Si, après l'achèvement et la mise en service de l'usine, l'exploitation est interrompue pendant 3 ans et que l'entreprise ne la reprenne pas dans le délai d'un an qui lui aura été imparti par les autorités.

2 Si l'entreprise contrevient sur des points essentiels et malgré une mise en demeure aux clauses de la concession, elle pourra être déclarée déchue de ses droits. Avant de prononcer la déchéance, le gouvernement en question s'entendra avec le gouvernement de l'autre pays.

8 Dans les cas mentionnés sous a, b et c, les délais seront prolongés si l'entreprise a été empêchée de les observer par des circonstances dont elle est irresponsable et qu'il n'était pas en son pouvoir de modifier par des moyens économiquement supportables.

4 A l'extinction de la concession, l'entreprise sera tenue de rétablir les ouvrages et installations dans un état répondant aux besoins publics.

Les ordres nécessaires à cet effet lui seront donnés par les autorités compétentes.

Art, 37 Entrée en vigueur de la concession 1

La présente concession entrera en vigueur après que les gouvernements du pays de Bade et de la Confédération suisse se seront communiqués le texte des actes de concession octroyés pour leur territoire respectif et qu'ils auront constaté, par échange de déclarations, que ces actes ont été octroyés sur la base de plans identiques et que leurs dispositions concordent en tous points où cela est nécessaire, conformément à la convention du 10 mai 1879.

2 Les deux gouvernements se réservent de faire dépendre la mise en vigueur de la présente concession de la liquidation préalable des oppositions les plus importantes faites à son octroi, y compris celles de droit privé, si les autorités compétentes les considèrent comme fondées.

La présente décision a été rendue par le Landratsamt de Waldshut le 14 novembre 1947 et a acquis force légale après que les oppositions furent liquidées et que le ministère badois des finances eut, par arrêt du 3 janvier 1948, n° 16 128, écarté le recours qui avait été formé.

Waldshut, le 6 août 1948.

Landsratsamt : 10105

Bect

805

Annexe 6

Usine de KUeinau Approbation du projet modifié du 29 octobre 1949

Traduction

Berne, le 27 janvier 1951 A la Commission pour l'acquisition de la concession pour une usine, hydraulique à Kheinau WIJJTERTHOUR Stadthaiisstrasae 39

Monsieur le Président, Messieurs, En application de l'article 4, chiffre 1, de la concession du 22 décembre 1944 pour la construction d'une usine hydraulique sur le Rhin à Eheinau, et d'entente avec les autorités badoises compétentes et les cantons intéressés de Zurich et de Schaffhouse, nous approuvons par la présente le projet de 1949, transmis le 29 octobre 1949 au service fédéral des eaux, et modifiant celui du 18 juin 1942.

I. En conséquence, l'entreprise est autorisée en dérogation de l'article 3, chiffres 2 et 3, de la concession du 22 décembre 1944, à exécuter les ouvrages suivants: 1. Une centrale avec turbines s'appuyant contre la berge sur la rive gauche du Rhin, au droit du barrage.

2. Un canal de dérivation sous forme d'une galerie, restituant l'eau dans le Rhin à environ 1400 m en aval du pont-route, dit « Salmenbrucke » à Rheinau.

II. L'entreprise devra observer les clauses suivantes: 1. La cote de la crête du barrage auxiliaire inférieur, fixée à 349,50 par l'article 5, chiffre 3, de la concession du 22 décembre 1944, sera surélevée de 50 cm, à la cote 350,00.

2. La galerie d'amenée, prévue conformément aux dispositions de l'article 8, chiffre 1 de la concession, sera remplacée par une galerie de dérivation.

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3. Au sens de l'article 11, chiffre 6, de la concession, un chemin de rive public sera aménagé en bordure du barrage et de l'usine et la continuité du chemin sur le haut bord du Rhin assurée au droit du débouché de la galerie de fuite.

III. L'entreprise a en outre l'obligation: 1. De déplacer le bâtiment des machines contre la rive et de réduire autant que poserbte- les dimensions du bâtiment en supprimant tous les locaux annexes, d'apporter grand soin, au point de vue de l'architecture, à la forme du bâtiment des machines, et de présenter le projet définitif, avant le début des travaux, à la commission pour la protection de la nature et des sites du canton de Zurich pour préavis et au Conseil d'Etat du canton de Zurich pour approbation.

2. De présenter un plan général d'aménagement de la rive gauche du Rhin, avec dispositif de plantation, avant le commencement des travaux, à la commission pour la protection de la nature et des sites du canton de Zurich pour préavis et au Conseil d'Etat du canton de Zurich pour approbation. Ce plan s'étendra au tronçon partant de la forêt (le long de la route Marthalen-Rheinau) jusqu'à Vue du couvent. Il s'agira d'étudier si le reboisement ne peut pas s'étendre jusqu'à la centrale.

3. De mieux ordonner la rive gauche directement en aval du barrage, spécialement sa jonction au barrage même en évitant le grand rétrécissement du fleuve au pied du barrage.

4. D'assurer au barrage ou par un autre moyen l'écoulement minimum de 5 m3/sec. nécessaire à alimenter la boucle du Rhin, débit prévu à l'article 6, chiffre 9, de la concession du 22 décembre 1944.

5. D'étudier si l'ouverture de purge du barrage auxiliaire inférieur ne pourrait pas être aménagée, à l'instar des autres ouvertures, également en forme de barrage en toit.

6. D'étudier si, au barrage principal, la crête de l'arrière-bec plongeant dans le bief aval ne pourrait pas être arrasée en dessous du niveau normal de l'eau.

7. De prendre les dispositions nécessaires, au sens de l'article 14 de la concession du 22 décembre 1944, pour éviter que le franchissement des rampes par les bateaux n'entraîne une trop grande perte de temps.

807

8. D'établir en exécution de l'article 5, chiffre 5, 2e alinéa de la concession du 22 décembre 1944 des plans et modèles à une échelle suffisante pour pouvoir juger de l'esthétique du barrage, de l'emplacement et de la forme de la centrale ainsi que de l'aménagement de la rive gauche, de la berge du Rhin à partir de la forêt située en amont de l'usine jusqu'à l'île du couvent et de les soumettre à l'approbation du Conseil d'Etat du canton de Zurich.

9. D'exécuter toutes les dispositions que prendraient le Conseil d'Etat du canton de Zurich, en vertu des chiffres 1 à 8 ci-dessus.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre considération distinguée.

Département fédéral des postes et des chemins de fer: (signé) Escher

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RAPPORT du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative populaire pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau (Du 4 mai 1954)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1954

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

19

Cahier Numero Geschäftsnummer

6556

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

13.05.1954

Date Data Seite

697-807

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10 093 493

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