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FEUILLE FÉDÉRALE 106e année

Berne, le 15 juillet 1954

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté approuvant la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Du 9 juillet 1954) Monsieur le Président et Messieurs, Les expériences de ces dernières années ont démontré que le problème des réfugiés à l'étranger ne saurait être résolu sans une aide internationale organisée sur une large base. Les fonds considérables qui sont nécessaires à cet effet exigent la collaboration de tous les Etats disposés à prêter leur appui. La Suisse ne s'est jamais soustraite au devoir de coopérer dans ce domaine; elle a contribué, dans la mesure de ses moyens, à soulager la détresse matérielle des réfugiés.

L'assistance matérielle ne suffit cependant pas pour résoudre le problème des réfugiés. Elle ne devrait avoir, en règle générale, qu'un caractère temporaire. Il faut qu'une aide constructive permette au réfugié de reprendre pied quelque part et d'organiser lui-même son existence dans les limites d'un régime raisonnable. Aussi, une réglementation appropriée de ses droits et de ses obligations dans le pays de résidence revêt-elle une importance déterminante.

Il appartient en premier lieu au pays d'asile d'arrêter les conditions du séjour des réfugiés. Tout comme il décide librement s'il veut donner asile à un étranger persécuté, il peut fixer les conditions auxquelles il accorde la protection sollicitée. Jusqu'ici, le statut des réfugiés dépendait de l'attitude de principe que l'Etat dans lequel ils se trouvaient adoptait à leur égard; mais il était également déterminé, dans une mesure tout aussi importante, par la situation économique et l'ordre juridique de cet Etat. Toutefois, les Etats, y compris ceux qui pratiquent une politique Feuille fédérale. 106« année. Vol. II.

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libérale dans le domaine des réfugiés, hésitent souvent à fixer légalement les droits de ces derniers. Dans maints pays, il n'existe même aucune disposition légale spécialement applicable aux réfugiés. L'établissement de prescriptions de droit positif définissant le statut des réfugiés répond indubitablement à un besoin général.

Pour régler la question de façon satisfaisante, il est nécessaire de conclure des conventions internationales par lesquelles les Etats s'engagent à accorder aux réfugiés certains droits minimums. Si les réfugiés sont traités d'une manière fondamentalement différente d'un pays à l'autre, il peut en résulter des charges disproportionnées pour l'Etat qui se montre particulièrement généreux à leur égard; cela empêche une répartition équitable des réfugiés entre divers Etats. Par ailleurs, les réfugiés seront moins tentés de quitter un pays où ils auraient pu rester pour se rendre dans un autre, si leur statut est à peu près le même partout.

Les efforts déployés en vue de régler la situation juridique des réfugiés par des conventions internationales remontent à la période qui a immédiatement suivi la première guerre mondiale. Des arrangements furent tout d'abord conclus au sujet de la création et de la reconnaissance de pièces d'identité devant permettre aux réfugiés de se rendre dans d'autres pays.

Des conventions d'un caractère plus général furent également élaborées; elles tendaient à fixer le statut des réfugiés d'une manière plus ou moins étendue: Toutes les recommandations et conventions adoptées entre 1922 et 1938 ne concernaient cependant que des groupes déterminés de réfugiés dont l'opinion mondiale se préoccupait à l'époque. Aucun de ces accords ne réglait de façon quelque peu complète les droits et les obligations de tous les réfugiés. La convention du 10 février 1938 relative aux réfugiés d'Allemagne, qui allait le plus loin à cet égard, ne fut signée que par sept Etats et ratifiée par trois.

Après la guerre, la tâche la plus urgente consistait de nouveau à procurer aux réfugiés un document de voyage leur permettant de se déplacer à l'étranger et surtout de quitter les pays où un asile temporaire leur avait été accordé, pour émigrer dans des Etats d'outre-mer. Sur l'initiative du directeur du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, un accord fut signé à
Londres, le 15 octobre 1946, au sujet de la délivrance d'un titre de voyage aux réfugiés. Cet accord combla certes diverses lacunes que présentaient les anciennes conventions. Mais le titre de voyage ne pouvait être délivré qu'aux personnes relevant de la compétence dudit comité et, plus tard, de celle de l'Organisation internationale pour les réfugiés. Des progrès sensibles avaient tout de même été accomplis par la conclusion dudit accord, et le titre de voyage jouit bientôt d'un grand crédit dans la plupart des pays du monde. Néanmoins, cette réglementation, qui ne visait que la délivrance et la reconnaissance d'un titre de voyage, ne pouvait suffire. Une codification du statut des réfugiés manquait encore.

51 L'assemblée générale des 'Nations Unies chargea le conseil économique et social d'étudier la question. Ce dernier institua un petit comité d'experts qui, avec le concours du service de l'Organisation internationale pour les réfugiés dont relevait la protection juridique et politique des réfugiés, élabora un premier projet au cours de plusieurs semaines de délibérations à Lake Success. Le comité d'experts se réunit une deuxième fois à Genève en été 1950 et examina surtout les observations que son projet avait appelées de la part des différents gouvernements. La Suisse était représentée à cette conférence par un observateur. L'assemblée générale des Nations Unies décida alors de soumettre le projet mis au point à une conférence diplomatique qui devrait être convoquée à Genève et à laquelle seraient invités à participer tous les Etats qui s'intéressaient au problème des réfugiés, qu'ils fussent membres des Nations Unies ou non.

La conférence diplomatique eut lieu à Genève du 2 au 25 juillet 1951.

Vingt-six Etats y étaient représentés par des plénipotentiaires et deux par des observateurs. En outre, le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, de même qu'un grand nombre d'organisations internationales privées s'occupant de questions relatives aux réfugiés, prirent part aux délibérations. Le projet soumis par le comité d'experts fut discuté de façon détaillée et modifié encore sur plusieurs points. Il fut finalement adopté à l'unanimité par les délégués présents. Les vingt Etats suivants ont, jusqu'ici, signé la convention : Autriche, Belgique, Colombie, Danemark, Israël, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Suède, Suisse, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Yougoslavie, Turquie, Grèce, République fédérale d'Allemagne, Brésil, France, Italie et Vatican.

La convention doit être ratifiée et les instruments de ratification déposés au secrétariat général des Nations Unies. Selon l'article 43, la convention devait entrer en vigueur le quatre-vingt-dixième jour qui suivrait la date du dépôt du sixième instrument de ratification ou d'adhésion.

Six Etats, la Belgique, le Danemark, la République fédérale d'Allemagne, le Luxembourg, la Norvège et l'Australie, ayant procédé à ce dépôt, la convention est entrée en vigueur le 22 avril 1954.

Estimant que la Suisse devrait
également ratifier la convention sous certaines réserves, nous nous permettons de vous soumettre une proposition dans ce sens.

La ratification de la convention par la Suisse ne modifiera toutefois pas sensiblement le statut des réfugiés dans notre pays. Ces derniers jouissent déjà, dans une large mesure, des droits accordés par la convention. C'est tout particulièrement le cas pour les réfugiés qui ont été admis à séjourner durablement en Suisse et qui sont au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Cependant, quelques-unes des dispositions de la convention écarteront certaines difficultés auxquelles se heurtent les réfugiés. Notamment

52 les dispositions sur le statut personnel des réfugiés (art. 12) et sur le droit d'ester en justice (art. 16) leur faciliteront l'accomplissement de certains actes juridiques ou la défense de leurs droits par voie judiciaire. On accorde ainsi aux réfugiés un statut dont l'absence a souvent été ressentie comme une lacune, qui ne pouvait cependant pas être comblée aisément par des prescriptions de droit positif.

Il n'est pas possible d'approuver sans réserve toutes les dispositions de la convention. L'article 42 donne aux Etats contractants la faculté de formuler des réserves à certaines dispositions, à l'exception de celles qui y sont expressément citées. La Suisse doit faire usage de ce droit. Nous reviendrons sur la question en commentant les différentes prescriptions de l'accord. Cependant, il sied de n'utiliser que dans une mesure très restreinte la possibilité de formuler des réserves ; il faut seulement le faire pour les dispositions qui, autrement, créeraient des difficultés insurmontables. Il est évident qu'une telle convention ne doit pas avoir pour effet de nous ravir, par exemple, toute influence sur le marché du travail, ni le droit de prendre les mesures indispensables à la sécurité de notre Etat. Mais même dans les domaines où une réserve est inévitable, cela n'exclut pas que la pratique s'inspire autant que possible de l'esprit des dispositions visées et que les répercussions de la réserve demeurent limitées au strict nécessaire. Si, par exemple, nous devons assimiler les réfugiés aux autres étrangers en ce qui concerne la prise d'un emploi, rien n'empêche de leur accorder tout de même, selon les circonstances, un traitement plus favorable; il en est d'ailleurs souvent ainsi à l'heure actuelle. Nous ne devons cependant pas nous lier à cet égard, car il ne serait pas possible, en cas de nouvel afflux massif de réfugiés, de permettre à ces derniers de travailler sans restriction aucune.

Le réfugié pourra se prévaloir des dispositions de la convention, dès qu'elle sera ratifiée. Il aura la possibilité de recourir, en cas de besoin,.

aux moyens que la législation suisse met à sa disposition pour défendre ses droits. Le réfugié ne pouvant faire appel à la protection de la représentation 'diplomatique bu consulaire de son pays d'origine, l'article 35 accorde au haut-commissaire pour,
les réfugiés nommé par les Nations Unies le droit d'intervenir en sa faveur. La tâche principale du haut-commissaire consiste d'ailleurs à assurer, autant que faire se peut, une protection juridique et politique aux réfugiés. Mais les Etats contractants s'engagent par là à donner à un organisme international la possibilité de s'immiscer dans leurs affaires internes relatives au traitement des étrangers, comme les missions diplomatiques étrangères peuvent le faire en faveur de leurs nationaux. Le haut-commissaire ne dispose cependant d'aucun moyen de coercition pour influer sur la décision de l'Etat contractant. Il n'a pas davantage la compétence de juger si, dans un cas concret, les dispositions de la convention ont été appliquées correctement ou non. L'article 38 prévoit uniquement que les différends entre les parties contractantes relatifs à l'interprétation ou à l'application de l'accord peuvent être déférés à la

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Cour internationale de justice à La Haye. Cette disposition n'a cependant guère qu'une valeur théorique, car il est peu probable qu'un Etat contractant saisisse ladite cour d'une plainte au sujet du traitement des réfugiés dans un autre Etat. Bien que le haut-commissaire ne puisse donc ni s'adresser à la cour de La Haye, ni exiger l'application de la convention dans un cas particulier, sa collaboration telle qu'elle est prévue à l'article 35 est importante. L'administration^ qui traite le problème des réfugiés dans son ensemble, de même que les cas individuels, avec le plus grand soin et en tenant spécialement compte des considérations humanitaires, peut, elle aussi, avoir intérêt à connaître l'opinion du haut-commissaire sur telle ou telle question. Ces contacts permettent également de renseigner le hautcommissaire et, par son entremise, de larges milieux internationaux sur la situation particulière de notre pays, sur ce que nous faisons et pouvons faire en faveur des réfugiés. Enfin, il arrive qu'un réfugié ait de la peine à s'accommoder de la situation nouvelle dans laquelle sa fuite l'a placé ; en pareil cas, le haut-commissaire -- l'expérience a également été faite avec les institutions d'aide privées -- sera parfois mieux à même qu'une autorité de faire comprendre cette situation à l'intéressé et de l'amener à s'y adapter.

Des rapports confiants avec le haut-commissariat semblent donc devoir servir la cause des réfugiés. Nous croyons dès lors n'avoir pas lieu de formuler une réserve à l'article 35.

Après ces considérations générales, nous examinerons brièvement les différentes dispositions de la convention et commenterons les réserves qui doivent être faites.

LES DIFFÉRENTES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION Article premier. La définition du réfugié est plus étendue que celle qui figurait dans les conventions antérieures. Elle va, en particulier, plus loin que la définition sur laquelle l'Organisation internationale pour les réfugiés avait fondé son activité. Elle correspond pour l'essentiel à la notion du réfugié telle qu'elle existe en droit suisse (cf. art. 21 du règlement d'exécution, du 1er mars 1949, de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers).

La définition contient toutefois une limitation dans le temps; en effet, seules les personnes qui ont dû fuir par suite d'événements
survenus avant le 1er janvier 1951 sont considérées comme réfugiés. Si donc de nouveaux bouleversements politiques dans un pays quelconque obligeaient des gens à s'enfuir, ces derniers ne relèveraient pas de la convention. En revanche, la définition n'exclut pas les personnes qui, bien que cherchant maintenant seulement un refuge dans un des Etats contractants, ont fui par suite d'événements politiques survenus avant le 1er janvier 1951.

Au moment de la signature ou de la ratification de la convention, les Etats contractants doivent faire une déclaration précisant s'ils entendent,

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par de tels événements, seulement ceux qui sont survenus en Europe ou au contraire ceux qui se sont produits dans le monde entier. Cette disposition représente un compromis entre les pays qui ne voulaient expressément voir appliquer la convention qu'aux réfugiés européens, et ceux qui -- nommés « universalistes » à la conférence -- entendaient par principe assurer à l'accord un champ d'application plus étendu. Pour notre pays, la question ne revêt guère qu'une importance théorique, car il est peu probable que de nombreux réfugiés non européens cherchent asile en Suisse par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951. Même si, exceptionnellement, il en venait l'un ou l'autre, il n'y aurait sans doute aucun motif de les traiter différemment et de ne pas leur accorder le statut fixé par la convention. Nous vous prions dès lors de vouloir bien nous autoriser à déclarer, lors du dépôt de l'instrument de ratification, que la Suisse adhère à la version la plus large.

La définition qui figure à l'article premier est fort compliquée. Elle a surtout donné lieu à de longues discussions à l'assemblée générale des Nations Unies, qui ne s'est occupée, quant au fond, que de cette définition.

Le compromis trouvé par l'assemblée générale fut repris, dans les grandes lignes, à la conférence diplomatique de Genève. Quelques amendements furent toutefois adoptés. La délégation suisse put se borner à constater que notre pays s'était de tout temps prononcé en faveur d'une large définition et surtout qu'il ne saurait approuver une discrimination à l'égard de certains groupes de réfugiés. La définition telle qu'elle a finalement été rédigée englobe en fait la plupart des catégories de réfugiés qui ont besoin d'une convention internationale réglant leur statut.

Les articles 2 à 6 énoncent des principes qui vont de soi ou définissent des expressions employées dans la convention. Particulièrement important est l'article 2, qui sert de contrepoids aux droits accordés aux réfugiés dans la convention. Il rappelle à ces derniers qu'ils doivent, dans le pays où ils se trouvent, se conformer aux lois et règlements, ainsi qu'aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public.

Article 7. Le réfugié est souvent désavantagé au regard d'autres étrangers, étant donné que divers traités conclus par le pays d'asile avec
d'autres Etats posent le principe de la réciprocité (réciprocité contractuelle ou diplomatique) ou que, selon les lois du pays de résidence, les étrangers ne peuvent bénéficier de certains avantages que si leur pays d'origine octroie aux ressortissants du pays de résidence des avantages équivalents ou semblables (réciprocité législative). Pour les réfugiés, qui n'ont plus de patrie, la réciprocité ne saurait fonctionner. Il est dès lors compréhensible qu'ils aient demandé à en être dispensés. La conférence ne s'est ralliée à ces considérations que pour la réciprocité législative, mais non pas pour la réciprocité contractuelle. Si donc deux Etats parties à la convention concluent un accord sur le traitement de leurs ressortissants respectifs

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en y insérant une clause de réciprocité, les réfugiés qui résident dans l'un ou l'autre de ces pays ne peuvent invoquer cette clause, ni se prévaloir des droits accordés aux ressortissants des deux Etats contractants.

La réciprocité législative ne joue pas un grand rôle pour notre pays.

Elle n'est prévue que dans quelques dispositions légales. La réciprocité contractuelle, qui aurait eu certaines conséquences, étant de toute façon exclue, la prescription de l'article 7 peut être approuvée sans hésitation.

Article 8. Cette disposition se fonde sur les expériences faites pendant la dernière guerre. Les réfugiés qui, au début de celle-ci, n'avaient pas encore perdu formellement leur nationalité, furent traités dans de nombreux pays belligérants comme des étrangers ennemis. Il en résulta des conséquences trop rigoureuses et des injustices. Aussi la convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre prévitelle déjà que des mesures ne devaient pas être prises à l'égard des réfugiés exclusivement sur la base de leur appartenance juridique à leur Etat d'origine. En Suisse, la question a joué un rôle en ce qui concerne le blocage des avoirs allemands. Lorsque les réfugiés d'Allemagne n'avaient pas été dénationalisés, ce qui n'était pas toujours facile à déterminer, leurs biens tombaient également, en principe, sous le coup des dispositions relatives audit blocage. Toutefois, on s'efforça de tenir compte des circonstances particulières de ces cas, et des mesures furent prises afin d'éviter des conséquences trop rigoureuses. C'est ce que prévoit la deuxième phrase de l'article 8 pour .les Etats qui ne peuvent d'emblée faire une exception en faveur des réfugiés en général.

'L'article 9 rappelle que les dispositions de la convention n'ont pas pour effet d'empêcher des Etats contractants de prendre exceptionnellement, dans des circonstances graves, des mesures provisoires dans l'intérêt de la sécurité nationale. Il faut surtout entendre par là qu'on ne saurait contester à aucun pays le droit de placer des réfugiés, en cas d'afflux massif soudain, dans des camps et des homes pendant l'examen de leurs ' cas, en attendant qu'une autre solution soit trouvée ou que le maintien ultérieur de cette mesure se révèle indispensable. Il est évident que si, comme au
cours de la dernière guerre, une foule de fugitifs franchissaient notre frontière, la Suisse ne pourrait pas renoncer à créer des centres pour leur hébergement collectif pendant une période plus ou moins longue; en tout état de cause, il faudrait alors prendre, du moins temporairement, des mesures de contrôle particulières qui devraient demeurer en vigueur aussi longtemps que la situation l'exigerait.

Les articles 10 et 11 ne semblent pas être d'une grande portée pratique pour notre pays.

En revanche, l'article 12 modifie, de façon importante, les dispositions en vigueur du droit civil. Nous en avons déjà parlé au début du présent

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message. En vertu du 1er alinéa, la réglementation qui, selon l'article la de la> loi de 1891 sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour, n'est valable que pour les apatrides, sera également applicable aux réfugiés, même s'ils ne sont pas apatrides.

En soumettant le statut personnel de tout réfugié, apatride ou non, à la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile, à la loi du pays de sa résidence, la convention dérogera donc, en matière de statut personnel de réfugiés possédant une nationalité, aux règles de notre droit international privé dans la mesure où elles prévoient l'application de la loi nationale de l'étranger. Comme l'article 12, ainsi que cela ressort de son 2e alinéa, vise le statut personnel au sens large, cette dérogation touchera notamment au droit des personnes, par exemple à la capacité civile et à la déclaration d'absence, ainsi qu'au droit de famille, particulièrement à la filiation, au mariage et au divorce. En ce qui concerne la capacité civile, il ressort de l'article 7 & de la loi de 1891 que les étrangers domiciliés en Suisse et qui possèdent une nationalité sont soumis à leur loi nationale.

D'après l'article 12 de la convention, les réfugiés domiciliés en Suisse, qu'ils soient apatrides ou non, seront donc régis, quant à leur capacité civile, par la loi suisse. Selon les articles 8 et 32 de la loi de 1891, la déclaration d'absence d'étrangers domiciliés en Suisse ressortit à la législation et à la juridiction du pays d'origine. En vertu de l'article 12 de la convention, la déclaration d'absence de réfugiés ayant eu leur dernier domicile en Suisse pourra être prononcée en Suisse conformément au droit suisse, même s'il s'agit de réfugiés ayant conservé leur nationalité étrangère. En matière de filiation, de reconnaissance volontaire ou d'adjudication d'enfants naturels et d'adoption, les articles 8 et 32 de la loi soumettent les étrangers domiciliés en Suisse à leur loi nationale. La convention déroge, là aussi, à cette règle en prévoyant l'application de la loi suisse même aux réfugiés non apatrides domiciliés en Suisse. En matière de mariage, la convention déroge notamment aux articles 7c et 7e de la loi: à l'article 7c en ce sens que la validité du mariage d'un réfugié non apatride sera régie, en ce qui concerne ce réfugié, par la loi
suisse et non par sa loi nationale ; à l'article le (2e et 3e al.), puisque ledit* réfugié n'aura pas à produire de déclaration de son pays d'origine attestant qu'il reconnaîtra le mariage de son ressortissant. Enfin, pour pouvoir divorcer en Suisse, le réfugié qui habite la Suisse n'aura pas à établir, même s'il a gardé sa nationalité étrangère, que les lois ou la jurisprudence de son pays d'origine admettent la cause de divorce invoquée et reconnaissent la juridiction suisse. La convention déroge donc aussi à la réglementation de l'article -7 h de la loi.

Le 2e alinéa dispose que les droits acquis sont reconnus. Le délégué suisse déclara ne pouvoir y souscrire que dans la mesure où ces droits ne sont pas contraires à l'ordre public. Or la notion de l'ordre public a, en droit anglo-saxon, une autre signification qu'en droit suisse. On restreignit

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alors la portée de cette disposition aux seuls droits qui auraient été reconnus comme acquis si l'intéressé n'était devenu un réfugié.

Les articles 13 et 14 correspondent par leurs effets au régime valable actuellement en Suisse. Aujourd'hui déjà, les réfugiés ne sont en tout cas pas traités d'une manière moins favorable que les autres étrangers en ce qui concerne l'acquisition de la propriété mobilière et immobilière, ainsi que la protection de la propriété intellectuelle.

Sur proposition de la délégation suisse, le droit des réfugiés de se livrer à une activité au sein de groupements politiques a été expressément exclu à l'article 15; en effet, l'article 21, 3e alinéa, du règlement d'exécution de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers interdit par principe aux réfugiés l'exercice de toute activité politique en Suisse.

"L'article 16, 1er alinéa, énonce, en faveur des réfugiés, le principe du libre et facile accès devant les tribunaux des Etats parties à la convention.

Dans ses 2e et 3e alinéas, cet article précise les modalités pratiques de ce principe, selon que le réfugié plaide devant les tribunaux de l'Etat où il a sa résidence habituelle ou devant ceux d'un Etat tiers, mais qui est également partie à la convention. Dans l'Etat de résidence, il jouira, en ce qui concerne notamment l'assistance judiciaire et l'exemption de la caution judicatum salvi, des mêmes droits qu'un ressortissant de cet Etat. En Suisse, les réfugiés qui y résident seront donc traités, à cet égard, comme des Suisses et les réfugiés résidant dans un Etat étranger comme des ressortissants de cet Etat. Si, par exemple, l'Etat de résidence est partie à la convention de La Haye du 17 juillet 1905 relative à la procédure civile, le réfugié demandeur au procès pourra invoquer cette dernière convention et bénéficier de l'exemption de la caution judicatum salvi au même titre qu'un national de cet Etat.

L'article 17 revêt une importance particulière pour les réfugiés. Ils ne peuvent mener une vie quelque peu normale que s'ils ont la possibilité de travailler, d'exercer une activité. L'une des tâches essentielles des autorités du pays d'asile doit dès lors consister à procurer une occupation aux réfugiés. Mais cela n'est souvent possible que dans une mesure limitée, ou même pas du tout. Un petit pays aux ressources
restreintes, dont l'économie dépend largement du marché international, ne peut, à volonté, créer des occasions de travail ni offrir des emplois aux réfugiés. Malgré toute la compréhension témoignée à ces derniers en raison de leur situation particulière, il faudra s'efforcer d'assurer en premier lieu un gagne-pain à la population du pays. On ne saurait simplement intégrer les réfugiés dans la vie économique au détriment de la main-d'oeuvre indigène.

Nous nous voyons dès lors amenés à formuler une réserve à l'article 17, dans ce sens que, pour l'exercice d'une activité lucrative, les réfugiés bénéficient en principe du même traitement que les autres travailleurs étrangers

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occupés en Suisse. Les réfugiés ont donc le droit d'exercer une activité lucrative aux mêmes conditions que d'autres étrangers dans les mêmes circonstances. Si les autorités étaient liées par une disposition conventionnelle, un nouvel afflux de réfugiés cherchant asile en Suisse ne manquerait pas d'avoir, selon la situation, des conséquences fatales.

Cependant, cette question n'a que peu d'importance à l'heure actuelle, car il est pratiquement possible à tous les réfugiés de trouver du travail.

Ceux qui sont venus en Suisse avant ou pendant la guerre ont, pour la plupart, obtenu l'autorisation d'établissement, de sorte qu'ils peuvent exercer sans restriction n'importe quelle activité lucrative sur le territoire du canton qui a accordé cette autorisation. Les réfugiés arrivés plus tard, surtout après 1948, dans notre pays ont généralement reçu la permission de prendre un emploi dans les limites de leur autorisation de police des étrangers. Les permis de travail sollicités sont accordés de façon libérale, souvent même en dépit de la concurrence qui en résulte pour les travailleurs du pays. Les autorités compétentes de la Confédération et des cantons continueront de faire preuve de bienveillance à l'égard des réfugiés dans ce domaine; même en l'absence d'une obligation juridique, elles s'efforceront d'appliquer les dispositions de l'article 17 dans la plus large mesure possible. En revanche, la Suisse ne saurait prendre d'engagement à cet égard ni pour l'avenir ni concernant les réfugiés qui ne peuvent s'établir à demeure sur son territoire.

Les dispositions des articles 18 et 19 sur l'exercice d'une profession libérale ne suscitent aucune objection. Elles correspondent à la réglementation suisse en vigueur.

De même, les articles 20 et 21 sur la situation des réfugiés en cas de rationnement de certains produits et en matière de location d'appartements ne donnent lieu à aucune observation. Pendant la guerre, les réfugiés touchaient exactement les mêmes rations que la population civile du pays.

Nul ne contestera que les réfugiés doivent recevoir, comme le prescrit l'article 22, le même enseignement primaire que la jeunesse du pays. Nous pouvons également nous engager à donner aux réfugiés la possibilité de poursuivre leurs études à l'instar d'autres étrangers. Il n'en résulte aucune obligation
d'assumer les frais y afférents, ni de remettre aux réfugiés les taxes habituellement perçues des étrangers. Jusqu'ici, nous nous sommes déjà montrés très larges envers les réfugiés dans ce domaine. Un nombre appréciable d'entre eux ont pu étudier à des universités suisses grâce à l'aide des institutions privées et de la division de police. La pratique suisse va donc au-delà des exigences imposées par le 2e alinéa.

'L'article 23 ne signifie pas que les réfugiés doivent être assistés de la même façon que les nationaux indigents. Le système selon lequel les réfu-

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giés sont, en règle générale, assistés par des institutions privées auxquelles la Confédération alloue une subvention dans les cas particuliers (cf. arrêté fédéral du 26 avril 1951 sur la participation de la Confédération aux frais d'assistance de réfugiés) est absolument conforme à cette prescription.

L'office central suisse d'aide aux réfugiés et les institutions qui y sont affiliées ont confirmé expressément qu'ils continueraient, dans la mesure de leurs moyens, de prendre soin des réfugiés et de contribuer à leur assistance dans les limites dudit arrêté.

Trois réserves doivent être faites au sujet de l'article 24. La convention oblige les Etats contractants à accorder aux réfugiés le même traitement qu'aux nationaux en ce qui concerne les apprentissages et la formation professionnelle. Nous ne saurions souscrire une telle obligation, car le nombre des places d'apprentissage est limité en cas de ralentissement de l'activité économique. On ne peut accorder aux réfugiés que les droits dont bénéficient les étrangers en général.

Une autre réserve concerne l'assurance-vieillesse et survivants. Les réfugiés ne peuvent être assimilés aux citoyens suisses ; en effet, la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants ne connaît pratiquement aucun délai d'attente pour les ressortissants suisses, de sorte que les réfugiés auraient droit à une rente ordinaire minimum après avoir payé une cotisation minimum de 12 francs pendant un an seulement. En revanche, il est possible d'améliorer la situation des réfugiés dans les limites des concessions qui sont faites par la Suisse, lors de la conclusion d'accords de réciprocité en matière d'assurance-vieillesse et survivants, en faveur des ressortissants de l'autre Etat contractant. Ainsi, les réfugiés ou leurs survivants ayant également la qualité de réfugiés toucheront les rentes ordinaires de l'assurance-vieillesse et survivants, tant qu'ils résideront en Suisse, si, lors de la réalisation de l'événement assuré, les conditions suivantes sont remplies : a. Avoir payé des cotisations à l'assurance suisse pendant au total dix années entières au moins, ou b. Avoir habité en Suisse pendant dix années au moins -- dont cinq années immédiatement et de façon ininterrompue avant la réalisation de l'événement assuré --- et avoir payé des cotisations à l'assurance
suisse pendant au total une année entière au moins.

En outre, la prescription de l'article 40 de la loi sur l'assurance-vieillesse et survivants, selon laquelle les rentes ordinaires des étrangers et des apatrides sont réduites d'un tiers, ne s'applique pas aux réfugiés.

Si, après l'accomplissement de l'événement assuré, les réfugiés n'ont pas droit aux rentes ordinaires, et s'ils habitent en Suisse, ils obtiennent, outre le remboursement de leurs cotisations selon l'article 5 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 14 mars 1952, la restitution des cotisations d'employeurs éventuelles.

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En revanche, les réfugiés demeurent privés du bénéfice des rentes transitoires. Mentionnons cependant que ceux qui n'ont pas droit à une rente et qui habitent en Suisse depuis 10 années au moins peuvent également toucher, le cas échéant, les prestations prévues par les arrêtés fédéraux des 8 octobre 1948 et 5 octobre 1950 concernant l'aide complémentaire à la vieillesse et aux survivants.

Une réserve est également nécessaire au sujet de l'assurance-chômage.

Comme les autres étrangers, les réfugiés ne peuvent être assurés que si aucune prescription de police des étrangers ne s'oppose à leur placement.

Ce n'est le cas, en règle générale, que pour les étrangers établis. Les réfugiés peuvent donc s'assurer contre le chômage s'ils sont au bénéfice d'une autorisation d'établissement ; la plupart de ceux qui sont venus en Suisse avant et pendant la guerre possèdent un tel permis. Aux autres réfugiés sont applicables les mêmes règles qu'aux étrangers en général.

A l'heure actuelle, l'aide 'administrative mentionnée à l'article 25 est, pour l'essentiel, déjà accordée aux réfugiés. La Suisse n'aurait guère intérêt à confier cette tâche à une organisation internationale, comme la France par exemple l'avait fait jusqu'à une époque récente.

'L'article 26 n'empêche pas les Etats contractants de prendre les mesures provisoires prévues à l'article 9, ce qui, en réalité, limite la liberté de circulation des réfugiés. Cette disposition ne saurait pas être invoquée non plus contre une mesure d'internement, qui, restreint également la liberté de mouvement du réfugié, lorsque ladite mesure aurait aussi pu être prise à l'égard d'un autre étranger non soumis au statut des réfugiés.

L'article 14, 2e alinéa, de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers n'est donc pas touché par cette disposition de là convention.

En revanche, l'article 26 est plus ou moins en contradiction avec l'article 21, 4e alinéa, du règlement d'exécution, du 1er mars 1949, de la, loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. Cette dernière disposition permet au ministère public de la Confédération d'ordonner des restrictions à la liberté de mouvement des réfugiés placés sous son contrôle, dans la mesure où la sûreté intérieure ou extérieure du pays paraît l'exiger. Bien que de telles restrictions ne doivent être décrétées
que dans des cas très rares, on ne saurait y renoncer purement et simplement. Il paraît donc nécessaire de faire une réserve à cette prescription de la convention, réserve qui sera toutefois sans effets pour la majorité des réfugiés. Si l'on y renonçait, il faudrait prononcer · l'internement, selon les prescriptions sur la police des étrangers, des réfugiés dont le ministère public fédéral juge indispensable de limiter la liberté de mouvement; l'article 26 n'exclut pas Une telle mesure, puisqu'elle peut également être prise, dans les mêmes circonstances, à l'égard des étrangers en général. Elle ne serait cependant pas avantageuse pour les réfugiés qui tombent exceptionnellement sous le coup de l'article 21,

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4e alinéa, du règlement d'exécution. Au contraire, ces derniers ont intérêt à pouvoir demeurer au bénéfice d'une autorisation régulière de résidence.

Les articles 27 et 28 correspondent à la réglementation actuelle. Toutefois, le titre de voyage délivré à des réfugiés en vertu de l'accord de Londres du 15 octobre 1946 devra être légèrement modifié dans le sens du modèle annexé à la convention. Au demeurant, cette réglementation s'est révélée judicieuse. Elle peut être approuvée sans inconvénient.

Les dispositions des articles 29 et 30 sont conformes au régime en vigueur dans notre pays. Les charges fiscales sont les mêmes pour les citoyens suisses et les étrangers; en ce qui concerne le transfert d'avoirs, les réfugiés ne sont soumis en Suisse à aucune restriction particulière.

Le 1er alinéa de l'article 31 prescrit que, sous certaines conditions, les réfugiés ne doivent pas être punis pour passage illégal de la frontière. Cette disposition concorde d'ailleurs, à peu de chose près, avec celle de l'article 23, 2e alinéa, de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. La con.vention est toutefois d'une portée plus étendue; elle excepte également de l'application de sanctions pénales les réfugiés qui séjournent illégalement dans le pays, à condition qu'ils se présentent sans délai aux autorités compétentes. Il appartient à celles-ci d'apprécier si les explications données par le réfugié pour son séjour irrégulier sont acceptables. Bien que cette réserve en restreigne sensiblement la portée, ladite prescription va au-delà de ce qui est prévu par le droit suisse en vigueur, qui n'exempte pas de sanctions les réfugiés séjournant de façon irrégulière sur notre territoire.

Les conséquences de cette disposition ne sont toutefois pas très importantes, car elle n'exercera ses effets qu'au moment de l'entrée en vigueur de la convention. Seules les personnes qui, à ce moment-là, se présenteront sans délai aux autorités pourront se prévaloir de l'article 31. Il ne doit d'ailleurs plus guère y avoir, dans notre pays, de réfugiés, répondant à la définition énoncée dans la convention, qui n'ont pas annoncé leur présence, aux autorités.

Le 2e alinéa vise à empêcher que les réfugiés qui s'annoncent aux autorités ne fassent l'objet, pendant un délai excessif, de mesures restreignant leur liberté de
mouvement. La vérification des déclarations faites par un réfugié nouvellement arrivé dans le pays dure toutefois un certain temps, pendant lequel il est souvent nécessaire de limiter plus ou moins la liberté de mouvement de l'intéressé. Mais de telles mesures restrictives resteront en vigueur le moins longtemps possible ; elles doivent en tout cas être abolies lorsque le réfugié est reconnu comme tel et que ses conditions de résidence sont réglées. Est applicable alors l'article 26, au sujet duquel une réserve doit toutefois être formulée pour quelques cas exceptionnels.

^'article 32 limite la possibilité d'expulser des réfugiés aux cas dans lesquels des faits graves sont mis à la charge des intéressés. Comme l'expul-

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sion peut être prononcée pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public et que cette dernière notion souffre une interprétation très différente suivant le droit des divers Etats, nous estimons que la convention ne prive pas les autorités suisses de la faculté d'expulser des réfugiés en vertu des dispositions de la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. -- Les prescriptions relatives à la procédure d'expulsion et de recours correspondent aux dispositions suisses.

^L'article 33 revêt une importance particulière. C'est la première fois qu'une convention internationale impose l'obligation de ne refouler aucun réfugié dans un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Toutefois, la conférence unanime ' déclara qu'il allait de soi que cet article était seulement applicable dans des circonstances normales et qu'en cas d'afflux massif de réfugiés chaque Etat pouvait prendre les mesurés qui s'imposent. Le 2e alinéa contient en outre une restriction à l'égard des réfugiés qui compromettent la sécurité du pays ou qui ont été condamnés pour un délit particulièrement grave.

Mais les autorités suisses ne se résoudront certainement pas à refouler un réfugié, même si l'état de fait visé au 2e alinéa est réalisé et que cette mesure soit permise d'après la convention.

L'article 34 contient une recommandation que les autorités fédérales ne peuvent suivre que dans une mesure très limitée. Les cantons et les communes sont en premier lieu compétents dans ce domaine. Toutefois, les autorités fédérales, pour leur part, ne mettront aucun obstacle à l'assimilation des réfugiés qui peuvent demeurer en Suisse. Si l'intéressé est suffisamment assimilé, l'octroi de l'autorisation fédérale de naturalisation peut entrer en ligne de compte. Mais la question de savoir si une naturalisation est réellement possible et si des facilités peuvent être accordées au réfugié au sujet des taxes, dépend de la décision de la commune et du can· ton. Etant donné toutefois que l'article 34 entraîne, pour les Etats contractants, non pas une obligation concrète, mais simplement l'obligation générale de faciliter, dans la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés,
et qu'elle leur laisse ainsi une grande liberté d'appréciation, une réserve n'est pas nécessaire en l'occurrence.

Nous avons déjà parlé, dans la partie générale du message, de la collaboration, prévue à l'article 35, avec le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés ou avec une autre institution qui lui succéderait.

La Suisse n'a aucun motif de refuser cette coopération et de ne pas donner au haut-commissaire la possibilité de défendre la cause des réfugiés auprès de ses autorités. Nous sommes aussi disposés à fournir au haut-commissaire, au sens du 2e alinéa, toutes les indications dont il a besoin ; à noter, cependant, qu'il n'existe actuellement aucune statistique complète des réfugiés en Suisse. Comme les autres étrangers, les réfugiés sont soumis

63 au contrôle des cantons. Les autorités fédérales n'ont, en règle générale, plus à s'occuper d'eux que s'ils sont tenus de préparer leur départ de Suisse ou s'ils doivent être assistés. Les cantons ont organisé leur contrôle non pas afin de pouvoir déterminer si un étranger est réfugié ou non, mais d'après le genije de l'autorisation de résidence accordée. Une enquête auprès des cantons ne révélerait donc pas non plus le nombre exact des réfugiés qui se trouvent encore en Suisse. Le haut-commissariat a déjà été informé de cette situation à une époque antérieure.

Enfin, la clause de l'article 41 n'est pas importante pour nous. EMe a été insérée dans la convention sur le désir de la délégation canadienne.

La délégation des Etats-Unis a appuyé cette proposition, bien que ce pays n'ait guère l'intention de signer la convention et de la ratifier. Les délégations de l'Allemagne et de l'Autriche, Etats pour lesquels une telle clause aurait peut-être pu présenter de l'intérêt, ont déclaré qu'ils n'en avaient pas besoin. Selon le droit suisse, les obligations assumées par la Confédération en vertu d'un traité international sont valables de plein droit sans que les cantons doivent, de leur côté, approuver le traité ou prendre des mesures particulières d'ordre législatif. , Lès autres dispositions, à 'l'exception des articles 42 et 43 déjà commentés dans l'introduction, ne donnent lieu à aucune remarque spéciale.

Disons en résumé que les dispositions de la convention correspondent pour une large part au droit suisse en vigueur. Quelques-unes de ses prescriptions le modifieront sans qu'il en résulte des difficultés; des réserves sont nécessaires au sujet d'autres clauses qui porteraient atteinte à d'importants intérêts de l'Etat. L'approbation de la convention est conforme à la politique pratiquée par le Conseil fédéral en matière d'asile et approuvée par les chambres. Nous avons donc l'honneur de vous recommander d'adopter le projet d'arrêté ci-joint et de nous autoriser à notifier au secrétaire général des Nations Unies la ratification de la convention par la Suisse, sous les réserves expressément prévues.

Aux termes de l'article 44, la convention peut être dénoncée en tout temps. La dénonciation prend effet un an après la date à laquelle elle a été reçue par le secrétariat général des Nations
Unie's. Etant donné que la convention, conclue pour une durée indéterminée, peut être dénoncée à tout moment, son approbation n'est pas soumise au referendum.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 juillet 1954.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Rubattel Le vice-chancelier, F. Weber 10198

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ARRÊTÉ FÉDÉRAL approuvant

la convention internationale relative au statut des réfugiés

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 5, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 9 juillet 1954, arrête: Article unique 1. La convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés avec le champ d'application visé à l'article premier, section B, chiffre 1, lettre b, est approuvée sous les réserves suivantes: Ad article 17: En ce qui concerne l'exercice d'une activité lucrative, les réfugiés sont assimilés, en droit, aux étrangers en général.

Ad article 24, 7er alinéa, lettres a, et b, et 3e alinéa: Sont applicables aux réfugiés les prescriptions régissant les étrangers en général en matière de formation professionnelle et d'apprentissage, d'assurancechômage et d'assurance-vieillesse et survivants. Pour l'assurancevieillesse et survivants, les réfugiés résidant en Suisse (y compris leurs survivants si ces derniers sont considérés comme réfugiés) ont cependant déjà droit aux rentes ordinaires de vieillesse ou de survivants après avoir payé des cotisations pendant au total une année entière au moins, à condition qu'ils aient habité en Suisse pendant dix années -- dont cinq années immédiatement et de façon ininterrompue avant la réalisation de l'événement assuré. En outre, la réduction des rentes à raison d'un tiers prescrite, pour les étrangers et les apatrides, à l'article 40 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants n'est pas applicable aux réfugiés. Les réfugiés habitant en Suisse qui, après la réalisation de l'événement assuré, n'ont pas droit à une rente de

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vieillesse ou de survivants obtiennent, outre le remboursement de leurs cotisations conformément à l'ordonnance du Conseil fédéral du 14 mars 1952, la restitution des cotisations d'employeurs éventuelles.

Ad article 26: Si des motifs de sécurité l'exigent, la liberté de mouvement des réfugiés peut également être restreinte lorsque leurs conditions de résidence sont réglées.

2. Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier la convention avec ces réserves.

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Feuille fédérale. 106« année. Vol. II.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté approuvant la convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (Du 9 juillet 1954)

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1954

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15.07.1954

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