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6688 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'attribution de l'office des assurances sociales au département de l'intérieur (Du 3 septembre 1954)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté de l'Assemblée fédérale attribuant l'office des assurances sociales au département de l'intérieur.

Depuis plusieurs années, il est question de répartir de manière nouvelle les divisions de l'administration fédérale entre les divers départements, afin de décharger ceux d'entre eux dont les tâches sont particulièrement nombreuses. Le problème d'une répartition plus égale du travail entre les départements a été évoqué aux chambres le 22 décembre 1949 par un postulat Leupin dont la teneur est la suivante: Le Conseil fédéral est invité à présenter aux chambres un rapport et des propositions sur une réorganisation de l'administration fédérale visant spécialement à une nouvelle répartition du travail entre les conseillers fédéraux.

Le Conseil fédéral avait l'intention de traiter ce postulat en relation avec la revision totale de la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale. Les travaux de revision durent, cependant, être interrompus en 1953, car, à cette époque, la question de l'augmentation du nombre des conseillers fédéraux (ce nombre étant porté de 7 à 9) se posa à nouveau. En effet, un postulat Schmid (Soleure) proposant cette augmentation fut adopté par le Conseil national le 10 juin 1953. En raison de diverses circonstances, le rapport relatif à ce postulat ne paraîtra que

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dans quelque temps. Il est, cependant, urgent de décharger le chef du département de l'économie publique, et l'on ne saurait attendre, pour ce faire, ni la revision totale de la loi sur l'organisation de l'administration fédérale, ni la solution donnée à la question de l'augmentation du nombre des conseillers fédéraux. Il est extrêmement souhaitable que l'allégement ait effet au 1er janvier 1955.

C'est pourquoi nous vous soumettons aujourd'hui, à titre de première mesure devant assurer une meilleure répartition du travail entre les départements, un arrêté fédéral transférant l'office fédéral des assurances sociales au département de l'intérieur.

II

Avant de traiter du transfert de l'office fédéral des assurances sociales, nous désirons donner un aperçu de l'organisation et des tâches du département de l'économie publique. Ce département comprend, actuellement, les divisions suivantes: 1. Secrétariat général, 2. Division du commerce, 3. Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, 4. Office fédéral des assurances sociales, 5. Division de l'agriculture, 6. Office vétérinaire, 7. Service du contrôle des prix, 8. Délégué aux possibilités de travail et à la défense nationale économique.

Cette énumération à elle seule montre la grande diversité des tâches incombant au département de l'économie publique, tâches qui, dans d'autres pays, et même de petits pays, sont réparties entre plusieurs départements. Les quelques indications que nous allons donner sur l'essentiel du travail des diverses divisions feront ressortir mieux encore à quel point le champ d'activité du département de l'économie publique est vaste.

La secrétariat général assume les fonctions d'un secrétariat de département, fonctions particulièrement nombreuses et variées vu la grandeur du département de l'économie publique. En outre, les mesures de maintien de l'industrie horlogère lui incombent.

La division du commerce traite toutes les questions relatives au commerce extérieur et s'occupe, en particulier, des accords commerciaux. C'est elle, en outre, qui doit établir les taxes des tarifs douaniers et doit collaborer à l'établissement de la nomenclature de ces tarifs. Est également soumise à cette division la section des importations et des exportations

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qui jouit, à divers points de vue, d'une grande indépendance et a la fonction d'un office délivrant les permis et d'un office de contingentement.

L'office de l'industrie, des arts et métiers et du travail a pour tâche de prendre toutes les mesures nécessaires pour encourager et pour protéger l'industrie, les arts et métiers et le commerce. Il a dans ses attributions le droit du travail, le placement, l'assurance-chômage et l'aide aux chômeurs, l'émigration, la formation professionnelle, la statistique sociale et les tâches découlant de l'affiliation de la Suisse à l'Organisation internationale du travail.

La compétence de l'office des assurances sociales s'étend au vaste domaine des assurances sociales (assurance-maladie et tuberculose, assurance-maternité, assurance-accidents, assurance-vieillesse et survivants, assurance-invalidité). En outre, c'est de cet office que dépendent le régime des allocations aux militaires pour perte de gain et la protection de la famille. Les conventions internationales en matière d'assurances sociales prennent, d'autre part, une importance toujours plus grande. Enfin, l'office des assurances sociales doit s'occuper des problèmes d'assurances sociales qui se posent au sein de l'Organisation internationale du travail.

La division de l'agriculture s'occupe des questions relatives à l'agriculture et aux activités accessoires à caractère agricole, de l'enseignement agricole et des problèmes découlant de l'affiliation de la Suisse à l'Organisation internationale de l'agriculture et de l'alimentation. Les diverses stations d'essais et d'analyses agricoles ainsi que l'office des améliorations foncières sont soumis à cette division.

L'office vétérinaire doit prendre les mesures de protection et de lutte contre les maladies des animaux, les mesures de police contre les épizooties et les mesures de police relatives aux denrées alimentaires en ce qui concerne la viande et les préparations de viande. L'institut vaccinal de Baie est soumis à l'office vétérinaire.

Le service de contrôle des prix traite des questions de contrôle et de surveillance officiels des prix, et en particulier du contrôle des loyers.

Il incombe au délégué aux possibilités de travail et à la défense nationale économique d'étudier, de coordonner et d'exécuter les mesures propres à prévenir les crises et
à créer des possibilités de travail. Les deux sections spéciales qui lui sont subordonnées sont la centrale des possibilités de travail et le bureau pour la construction de logements. Le délégué s'occupe enfin des mesures tendant à prévenir les conséquences économiques de conflits internationaux.

Les tâches du département de l'économie publique, telles que nous venons de les esquisser, doivent être considérées comme beaucoup trop nombreuses pour un seul département. Il ne faut pas oublier que, dans tous les domaines cités, il ne s'agit pas seulement de liquider des besognes

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administratives courantes, mais aussi de faire des travaux législatifs très importants ; il arrive, dès lors, fort souvent, que le département doit traiter plusieurs grands projets de loi en même temps. En outre, les tâches des diverses divisions ne font que gagner en importance et croître avec les années.

Il faut se demander quelle est la division que l'on peut le mieux détacher du département de l'économie publique, sans porter gravement atteinte à l'ensemble.

Nous estimons que c'est l'office des assurances sociales qui peut le plus facilement être soumis à un autre département. Les tâches de cet office, en effet, forment un tout en soi. Même si de nombreuses questions d'ordre économique se posent en matière d'assurances sociales (cotisations, rentes, problèmes du financement des assurances sociales, etc.), les différentes branches d'assurance constituent des systèmes complets qui, du point de vue de l'organisation, peuvent être détachés relativement facilement du département de l'économie publique. Il y a une autre raison encore qui dispose en faveur de cette séparation: les questions relatives aux assurances sociales prenant de plus en plus d'importance, la charge que représente l'office pour le département s'accroît sans cesse, comme on a pu le voir au cours de ces dernières années.

Un aperçu du développement de l'office des assurances sociales et de son champ d'activité va prouver ce que nous venons d'affirmer.

III

Après l'adoption de la loi du 13 juin 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, le Conseil fédéral, par un message du 29 octobre 1912, proposa aux chambres de créer un « office fédéral des assurances sociales». Le 19 décembre 1912, les chambres adoptèrent un «arrêté fédéral créant un office fédéral des assurances sociales». Cet arrêté fut déclaré urgent, et entra aussitôt en vigueur. Le nouvel office était, à l'époque, une division du «département du commerce, de l'industrie et de l'agriculture».

Depuis l'adoption de la loi de 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, les assurances sociales suisses se sont développées dans une forte mesure, et, par conséquent, le champ d'activité de l'office des assurances sociales a été s'élargissant.

A cet égard, l'évolution de l'assurance-maladie suisse depuis la création de l'office est particulièrement caractéristique. En effet, si l'on comptait, en 1914, 453 caisses reconnues groupant 361 621 assurés, il y avait, en 1952, 1159 caisses reconnues auxquelles 3,3 millions d'assurés étaient affiliés. Une branche nouvelle d'assurance: l'assurance-tuberculose est venue s'ajouter à l'assurance-maladie; en 1932, elle englobait 186707 assurés, alors qu'en 1952 les personnes assurées pour des prestations spéciales en cas de tuberculose étaient au nombre de 3 millions.

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Sur le plan législatif, les travaux relatifs à la révision totale de la loi de 1911 (titre: assurance-maladie) et à l'institution de l'assurance-maternité doivent actuellement être poursuivis.

L'assurance-accidents a aussi pris une grande extension depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1911. En 1919, il y avait 33 787 entreprises soumises à l'assurance obligatoire, le montant total des salaires assurés s'élevant à environ 994 millions de francs; en 1953, les entreprises assurées étaient au nombre de 60 283, et les salaires assurés dépassaient 6,6 milliards de francs.

De nouvelles tâches législatives ont été imposées à l'office par la loi sur l'agriculture, qui prévoit l'assurance obligatoire des travailleurs agricoles, et par la loi sur la navigation maritime qui insère dans la législation ordinaire le principe de l'assurance-maladie et accidents obligatoire des équipages des navires. Le projet de loi sur le travail contient également le principe de l'assurance-accidents obligatoire du personnel des entreprises non soumises à la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents.

Le grand domaine de l'assurance-vieillesse et survivants fédérale, branche d'assurances sociales la plus développée en Suisse à côté de l'assurance-maladie et tuberculose, est entièrement nouveau. Bien que l'assurance-vieillesse et survivants fonctionne de manière absolument satisfaisante depuis 1948, de nouveaux problèmes d'ordre législatif et financier ne cessent de se poser; ils ont déjà rendu nécessaires deux revisions. Ces prochaines années, la question du financement de la deuxième étape revêtira particulièrement d'importance.

Quelques chiffres montreront l'extension de l'assurance-vieillesse et survivants: en 1953, les cotisations des assurés se sont élevées à 570 millions de francs; cette même année, les caisses de compensation ont versé des rentes pour 260 millions de francs. Le nombre des affiliés était de 645 000 et celui des rentiers d'environ 490 000.

Les allocations pour perte de gain aux militaires, instituées durant la deuxième guerre mondiale en vertu des pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral, ont été prévues de manière définitive par la loi du 25 septembre 1952; l'office des assurances sociales a ainsi, de manière définitive, une nouvelle tâche dans ce domaine. En cette matière aussi,
les problèmes ne sont pas tous résolus. En tout cas, lorsque le fonds actuel sera épuisé, la question du financement de cette institution sociale se posera.

Depuis l'adoption, en 1945, de l'article 34 quinquies de la constitution, relatif à la protection de la famille, les problèmes de la protection de la famille et des caisses de compensation pour allocations familiales se posent de manière aiguë sur le plan fédéral. Jusqu'ici, le problème des allocations familiales a été résolu pour l'agriculture par la loi du 20 juin 1952 fixant le régime des allocations familiales aux travailleurs agricoles et aux pay-

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sans de la montagne. Dans un avenir proche, cependant, se posera la question de la généralisation des allocations familiales et de l'élaboration d'une loi fédérale à ce propos.

A cela s'ajoute le fait que, depuis bientôt trois décennies, l'assuranceinvalidité est prévue par la constitution sans que jusqu'ici cette assurance ait été instituée. Dès lors, il est nécessaire de préparer également l'institution de l'assurance-invalidité.

En sus de ces diverses questions de législation et d'organisation se pose le problème d'une meilleure coordination des branches d'assurances sociales. La diversité actuelle des systèmes de prestations devra, tôt ou tard, disparaître, des directives uniformes étant établies. A cette occasion, d'importants problèmes d'ordre législatif et financier devront être résolus.

IV

Les explications qui précèdent prouvent que le département de l'économie publique serait fortement déchargé si l'office des assurances sociales ne dépendait plus de lui; c'est pourquoi nous avons décidé, avant toute autre mesure, de proposer le transfert de cet office à un autre département.

A quel département convient-il d'attribuer l'office des assurances sociales ? Nous croyons que, vu ses tâches, seul le département de l'intérieur entre en considération. C'est cette solution qui est la plus indiquée à l'heure actuelle. Dans nombre de cantons, les assurances sociales dépendent du département de l'intérieur. Le service fédéral de l'hygiène publique, qui est en rapports étroits avec la section de l'assurance-maladie et tuberculose, fait déjà partie du département de l'intérieur. C'est ce département aussi qui s'occupe actuellement de l'aide aux infirmes, un des aspects de l'assurance-invalidité. Enfin, M. Stampfli, ancien conseiller fédéral, dans un rapport du 30 avril 1948 qu'il a rédigé pour le Conseil fédéral au sujet de l'allégement des tâches des divers chefs de départements, conclut également au rattachement.de l'office fédéral des assurances sociales au département de l'intérieur. Cette solution ne préjuge pas de manière défavorable, ni n'empêche de façon quelconque, une répartition ultérieure des tâches du Conseil fédéral. Nous estimons donc qu'elle peut intervenir dès maintenant sans difficultés.

Le "projet d'arrêté appelle les remarques suivantes: La répartition des affaires du Conseil fédéral entre les divers départements est prévue par la loi du 26 mars 1914 sur l'organisation de l'administration fédérale. L'article 34 de cette loi définit le champ d'activité du département de l'économie publique. Sous chiffre II, l'office des assusances sociales est mentionné comme faisant partie du département de l'économie publique.

372 Conformément à l'article 27 de la loi sur l'organisation de l'administration fédérale, c'est l'Assemblée fédérale qui est compétente pour modifier la répartition des affaires entre les départements telle qu'elle est prévue dans cette loi; un arrêté de l'Assemblée fédérale est donc nécessaire. Il convient de faire usage de cette disposition. Nous sommes d'avis qu'il faudra modifier ledit article 34 lors de la revision totale de la loi du 26 mars 1914. D'ici là, la question du transfert de l'office des assurances sociales au département de l'intérieur sera réglée par un arrêté de l'Assemblée fédérale.

Le texte de l'article 34, chiffre II, qui enumero les tâches de l'office des assurances sociales, ne correspond plus à la situation actuelle. Comme nous l'avons montré sous chiffre III, le développement des assurances sociales suisses a provoqué une vaste extension du champ d'activité de l'office fédéral des assurances sociales; cependant, jusqu'ici, la disposition en question n'a pas été adaptée à cette extension. Si nous ne saisissons pas l'occasion du transfert de l'office à un autre département pour procéder à cette adaptation, c'est que nous ne voulons pas anticiper sur la revision totale de la loi sur l'organisation de l'administration fédérale.

Nous vous proposons de prévoir le transfert de l'office des assurances sociales au département de l'intérieur pour le 1er janvier 1955.

Vu les motifs énoncés ci-dessus, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter un arrêté de l'Assemblée fédérale attribuant l'office fédéral des assurances sociales au département de l'intérieur.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 3 septembre 1954.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Rabatte!

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Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

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(Projet)

ARRÊTÉ DE L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE attribuant

l'office fédéral des assurances sociales au département de l'intérieur

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

vu l'article 27 de la loi fédérale du 26 mars 1914 (l) sur l'organisation de l'administration fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 3 septembre 1954, arrête:

Article premier L'office fédéral des assurances sociales est transféré du département de l'économie publique au département de l'intérieur.

Art. 2 Le présent arrêté entre en vigueur le 1er janvier 1955. Le Conseil fédéral est chargé de son exécution.

(!) BS 1, 243.

10282

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'attribution de l'office des assurances sociales au département de l'intérieur (Du 3 septembre 1954)

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09.09.1954

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