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FEUILLE FÉDÉRALE 106e année

Berne, le 15 avril 1954

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 28 francs par an; 15 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail (Du 9 avril 1954)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de loi sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail.

I. LA NÉCESSITE D'UNE LOI FÉDÉRALE La crise économique mondiale des années « trente » a fortement ébranlé la conception d'une évolution harmonieuse de l'économie, partagée jusqu'alors par la plupart des nations. S'il est vrai que la Suisse a été beaucoup moins fortement éprouvée par cette crise que nombre de pays d'Europe et d'outre-mer, il n'en reste pas moins qu'à certains moments plus de cent mille ouvriers et employés ont été sans travail. On ne l'a pas encore oublié.

Bien que notre économie ait surmonté les conséquences de cette longue dépression, la crainte subsiste que notre pays ne soit de nouveau victime quelque jour de perturbations analogues. Elle subsiste non seulement chez les ouvriers et les employés --- les premiers touchés par les conséquences matérielles et psychologiques d'un chômage massif -- mais aussi dans les autres milieux de la population: l'industrie, le commerce, l'artisanat, les professions libérales, qui redoutent une diminution grave de la demande de biens et de services. C'est pourquoi, depuis les temps difficiles des années « trente », on ne cesse de demander que l'Etat prenne certaines mesures en vue de prévenir et de combattre les crises économiques.

Tant en Suisse qu'à l'étranger, le public est aujourd'hui persuadé que Feuille fédérale. 106e aimée. Vol. I.

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tout Etat soucieux du bien commun a le devoir de pratiquer une politique économique propre à stabiliser l'emploi à longue échéance. Sur ce point fondamental, tous les avis convergent, encore que les conceptions varient quant à la nature et à l'ampleur des interventions propres à prévenir les crises ou à les combattre.

Il est ainsi unanimement reconnu que l'Etat doit avoir la faculté d'influencer et de régulariser la marche de l'économie. Telle est l'origine de l'article Slquinquies de la constitution fédérale: il a été adopté par le peuple et les cantons le 6 juillet 1947, en même temps que d'autres dispositions constitutionnelles d'ordre économique. Cet article donne mandat à la Confédération de prendre conjointement avec les cantons et l'économie privée des mesures tendant à provenir des crises économiques et, au besoin, à combattre le chômage. Il enjoint en outre à la Confédération d'édicter des dispositions sur les moyens de procurer du travail.

Jusqu'à présent, un seul acte législatif a été rendu en application, de l'article 'àlquinquies de la constitution; il s'agit de la loi du 3 octobre 1951 sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée; cette loi doit inciter les entreprises à adopter, en matière d'investissements et de dépenses de toute sorte, un comportement compatible avec les exigences d'une saine politique de l'emploi et à créer des réserves en prévision de crises. Au surplus, la loi du 6 avril 1939 sur la garantie contre les risques à l'exportation offre à la Confédération un moyen très efficace d'user de la politique commerciale pour équilibrer le degré d'occupation. Mentionnons encore que le crédit de 327,7 millions de francs ouvert au Conseil fédéral par l'arrêté fédéral du 6 avril 1939 sur le renforcement de la défense nationale et la lutte contre le chômage accuse un petit solde pour le financement de mesures de lutte contre le chômage. Abstraction faite de la législation, dont il vient d'être question, le droit régissant la création de possibilités de travail repose encore essentiellement sur notre arrêté du 29 juillet 1942 réglant la création de possibilités de travail pendant la crise consécutive à la guerre. Cet arrêté, pris en vertu des pouvoirs extraordinaires, ainsi que l'arrêté d'exécution du 6 août 1943, contiennent des dispositions détaillées sur la
préparation et l'exécution de la lutte contre le chômage, sur l'organisation et les pouvoirs des autorités compétentes en la matière, sur la nature et la détermination de l'aide fédérale, sur les conditions et les modalités auxquelles elle est subordonnée, sur la participation financière des cantons, ainsi que sur diverses mesures spéciales tendant à procurer du travail.

Au même titre que les autres actes législatifs pris en vertu des pouvoirs extraordinaires, les deux arrêtés précités auraient normalement dû cesser d'avoir effet à la fin de 1952, Leur abolition aurait toutefois privé de son fondement juridique le plus important la politique de l'emploi de la Confédération. Les autorités fédérales auraient été empêchées non seulement d'exécuter des mesures propres à créer du travail lorsque le chômage

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menace ou sévit déjà, mais aussi de se préparer à prévenir la crise et à procurer du travail, précautions dont la plupart devraient être prises lorsque les affaires sont encore florissantes. C'est pourquoi, en vertu de l'article 2 de l'arrêté fédéral du 18 décembre 1950 supprimant les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral et de l'article Slquinquies de la constitution fédérale, les chambres ont adopté au cours de leur session d'automne 1952 un arrêté fédéral soumis au referendum qui prorogeait la validité de notre arrêté de 1942 jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi d'exécution, fondée sur l'article 3lquinquies de la constitution, mais jusqu'au 31 décembre 1954 au plus tard. Comme une nouvelle prorogation ne saurait être recommandée une dizaine d'années après la fin de la guerre, il est nécessaire de mettre sur pied une loi fédérale octroyant à la Confédération les attributions qui lui sont indispensables pour équilibrer le marché de l'emploi au-delà du 31 décembre de cette année.

II. LES MESURES PRISES JUSQU'A MAINTENAIT PAR LA CONFEDERATION POUR MAINTENIR L'EMPLOI a. Jusqu'à la guerre de Corée Alors que la grande crise économique mondiale sévissait, les opinions divergeaient fortement au sujet des interventions de l'Etat propres à lutter contre le chômage. Les mesures prises par la Confédération pour créer du travail ont été plus ou moins improvisées. Cependant, l'Etat ne s'est pas borné à subventionner les travaux de chômage ; il a pris en charge une partie des frais de fabrication pour permettre aux entreprises d'accepter et d'exécuter certaines commandes étrangères et de conserver ainsi à leur service les ouvriers et les employés menacés par le chômage. La garantie des risques à l'exportation, par laquelle la Confédération couvre depuis 1934 une grande partie des risques de nature politique qu'impliquent les affaires avec l'étranger, tend au même but. Par la suite, la Confédération a encore pris diverses mesures destinées à protéger l'industrie horlogère, l'hôtellerie, le commerce de détail, l'industrie de la broderie et d'autres branches menacées dans leur existence.

A la suite des expériences faites au cours des années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, la Confédération a progressivement renforcé le caractère préventif de ce que l'on peut appeler sa politique de l'emploi.
L'additif constitutionnel du 6 avril 1939 sur le renforcement de la défense nationale et la lutte contre le chômage en fournit un premier exemple; cette conception nouvelle ressort plus nettement encore de notre arrêté du 29 juillet 1942 réglant la création de possibilités de travail pendant la crise consécutive à la guerre et de l'arrêté d'exécution du 6 août 1943, Ils donnaient pour la première fois à la Confédération la possibilité de combattre et la crise consécutive à la pénurie de matières premières que l'on redoutait

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alors, et le fléchissement sensible de l'emploi que l'on prévoyait à l'issue de la guerre.

Cette dépression nous a cependant été épargnée, de sorte que l'on a pu renoncer à la plupart des mesures envisagées par ces deux arrêtés.

Mais si ce fléchissement de l'activité ne s'est pas produit, ce n'est pas seulement à la providence et à l'évolution de la situation internationale qu'on le doit. Les interventions de la Confédération ont notablement contribué à ce résultat. Bien que les mesures qu'elle a prises à la fin de la guerre et au cours des années qui ont suivi pour maintenir l'emploi aient été exposées dans notre rapport intermédiaire à l'Assemblée fédérale sur les mesures propres à créer des possibilités de travail, du 12 juin 1950, il n'est pas mutile de rappeler l'évolution économique d'alors. Pour faciliter le passage de l'économie de guerre à l'économie de paix, l'autorité fédérale a renoncé à annuler immédiatement les commandes militaires. Contrairement à ce qui s'était passé au lendemain de la première guerre mondiale, le service technique militaire a été invité à ramener progressivement les commandes au volume présumé du temps de paix. Nombre d'entreprises, qui ne disposaient pas de commandes suffisantes pour maintenir l'emploi au même niveau, ayant décidé, en prévision d'une reprise des affaires, de constituer des stocks pour conserver leur main-d'oeuvre, la Confédération leur accorda des avances qui devaient leur permettre de supporter les charges extraordinaires que cette initiative impliquait. Mais elle s'est appliquée au premier chef à rétablir des relations économiques normales avec les pays victimes de la guerre: une série de crédits accordés à des gouvernements étrangers leur a permis de passer des commandes à l'industrie suisse; de cette manière, notre pays, dont l'appareil de production était demeuré intact, a pu participer à l'oeuvre de reconstruction. Parallèlement, pour permettre à diverses branches travaillant pour le marché intérieur de faire face à des difficultés momentanées, la Confédération a alloué des subventions destinées à faciliter la construction de logements, la modernisation et l'agrandissement d'installations industrielles, la rénovation d'hôtels, d'établissements de cure, l'assainissement d'étables, la réadaption professionnelle d'employés et d'ouvriers et
leur transfert de professions où il y avait pléthore de main-d'oeuvre dans celles qui souffraient d'une pénurie, etc.

La Confédération a donc contribué efficacement à assurer, dans les meilleures conditions possibles, le passage de l'économie de guerre à l'économie de paix. Elle n'est pas davantage demeurée passive en face des dangers de surexpansion économique et d'inflation qui se sont manifestés de 1946 à 1948. Comme il n'apparaissait pas possible, pour toutes sortes de raisons, de réduire le volume des exportations, nous nous sommes efforcés avant tout de tempérer la demande intérieure; à plusieurs reprises, nous avons invité très instamment les milieux économiques à tenir mieux compte du déséquilibre entre l'offre et la demande, à limiter raisonnablement leurs immobilisations de capitaux et leurs commandes. Des. appels analogues

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ont été adressée aux cantons --- et communes -- pour attirer leur attention sur la nécessité de différer autant que possible les dépenses, de construction notamment, qui n'avaient pas un caractère d'urgence. Dans la mesure où les dispositions légales le permettaient, nous avons réduit, voire suspendu les subventions qui menaçaient d'accentuer le « boom » d'indésirable manière. En outre, nous avons engagé les administrations fédérales et les entreprises en régie -- y compris les chemins de fer fédéraux -- à donner le bon exemple et à participer ainsi à une stabilisation de l'emploi à longue échéance.

Aux fins de freiner l'accroissement de la demande dans la mesure où il était provoqué par les ventes à l'étranger, la banque nationale, en plein accord avec nous, a décidé de limiter la conversion de dollars d'exportation en francs suisses ; c'est également dans cette intention que la Confédération a pris en charge une partie de l'or que le développement des exportations et une balance des paiements active faisaient affluer en Suisse. Simultanément, nous avons tendu -- exception faite pour les produits agricoles -- à faire tomber les entraves qui freinaient encore les importations; cette initiative visait à augmenter l'offre et à contrebattre la hausse des prix.

Pour les mêmes raisons, rious avons facilité et encouragé l'engagement de travailleurs étrangers dans les branches qu'une pénurie de main-d'oeuvre mettait dans l'impossibilité de faire face à la demande. Enfin, il convient de rappeler la « déclaration commune des associations économiques centrales sur la politique des prix et des salaires » signée par les principales organisations d'employeurs et de travailleurs en 1948. Par cette déclaration, elles s'engageaient à empêcher toute augmentation générale des salaires et des prix. La validité de cet accord a été prolongée jusqu'à la fin de 1949. Bien qu'il ait été conclu de plein gré, les autorités fédérales ont contribué d'efficace manière à son aboutissement.

Au cours de la seconde moitié de 1948, on a noté les premiers signes d'un ralentissement de l'activité; il s'est nettement accentué en 1949, encore qu'il n'ait pas entraîné des conséquences graves pour l'emploi.

Les discriminations auxquelles les pays qui souffraient d'une pénurie de devises soumettaient les produits suisses causaient
des soucis croissants à nos exportateurs. En outre, les dévaluations en chaîne auxquelles nombre de pays européens ont procédé au cours de l'automne 1949 ont aggravé les difficultés. Les producteurs suisses avaient de plus en plus de peine à s'assurer leur place sur les marchés internationaux, tandis que nos concurrents à monnaie faible intensifiaient avec succès leurs efforts pour prendre pied sur le marché suisse. C'est dire que la Suisse a accueilli avec satisfaction les tentatives faites par l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), fondée au printemps 1948, pour atténuer les entraves qui s'opposaient au développement des échanges internationaux de biens et de services. Malheureusement, il fallut se rendre assez rapidement à l'évidence que le système multilatéral de compensation ne constituait pas

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un moyen d'abaisser efficacement les barrières faisant obstacle à la circulation des personnes et des biens, ni un moyen de faciliter le trafic des paiements. C'est pourquoi notre pays a participé très activement aux pourparlers engagés au sein de l'OECE aux fins de créer une Union européenne de paiements. La Suisse étant parvenue à faire insérer dans les statuts de cette organisation diverses clauses importantes pour nous, elle n'avait aucune raison de ne pas adhérer à l'Union. Il est toutefois apparu d'emblée que la Confédération ne pourrait pas refuser d'ouvrir des crédits à la nouvelle institution; elle les a accordés en s'inspirant des raisons qui l'avaient incitée à consentir, au lendemain de la guerre, des avances à divers Etats. Il était d'ailleurs évident que les difficultés auxquelles se heurtaient nos exportations et le tourisme ne pouvaient pas être surmontées d'autre manière.

b. De la guerre de Corée à aujourd'hui Les premiers signes d'une reprise ont été notés dès 1949 aux Etats-Unis et dès le premier semestre 1950 en Europe. L'éclatement de la guerre de Corée, les mesures qu'elle a provoquées, ses répercussions sur la demande mondiale ont rapidement transformé cette reprise en un « boom »: En d'autres termes, on se trouvait de nouveau en face des problèmes qui avaient caractérisé la période 1946-48. Comme alors, il s'agissait de prévenir un enflement malsain de l'appareil économique et une montée excessive des prix. La situation était cependant différente sous certains aspects. En particulier, la pénurie de biens qui, au lendemain des hostilités, s'étendait à un grand nombre de matières premières, de denrées alimentaires et de produits finis, ne touchait plus que quelques marchandises essentielles pour la conduite de la guerre. L'approvisionnement, sauf quelques exceptions, ne laissant guère à désirer dans l'ensemble, on pouvait admettre que le renchérissement serait d'emblée limité. Il fallait cependant empêcher qu'une hausse excessive des prix de revient ne réduisît trop fortement notre capacité de concurrence. C'est pourquoi nous invitâmes une fois encore les milieux économiques, les cantons, les communes et les entreprises publiques à différer autant que possible leurs achats et commandes. Sans renouveler pour autant l'accord dit de stabilisation, les associations de salariés
et les entrepreneurs de l'industrie, du commerce et de l'artisanat firent preuve de discipline en matière de prix et de salaires. Nombre de prescriptions relatives au contrôle des prix, encore en vigueur de 1946 à 1948, avaient été abrogées depuis; l'approvisionnement étant satisfaisant dans l'ensemble, nous avons estimé qu'il n'était pas nécessaire de les rétablir. Dans la mesure où le renchérissement le justifiait, les prix ont fait l'objet d'accords volontaires; nous songeons, par exemple, à celui que le département fédéral de l'économie publique a passé avec les associations de l'industrie textile.

Nous nous sommes tout particulièrement préoccupés des répercussions que pouvait avoir sur le degré général de l'emploi l'évolution dans le bâti-

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ment. Cette dernière impliquait le danger d'une montée trop forte des prix, génératrice de difficultés ultérieures. Donnant suite à une suggestion du Conseil fédéral, les banques et sociétés d'assurance se déclarèrent prêtes à prendre, en matière de crédit, des mesures appropriées pour réduire le volume des constructions. Le 1er août 1951 entra en vigueur un « gentlemen's agreement » passé entre les banques, les sociétés d'assurance, les caisses de pensions et autres organismes; il visait à maintenir dans des limites normales les crédits octroyés pour la construction de logements et les constructions industrielles et à empêcher que les investissements ne prissent une ampleur malsaine.

Au cours de la même année, les chambres ont mis au point la loi déjà mentionnée sur la constitution de réserves de crise par l'économie privée.

La plupart des cantons ayant accepté de faciliter l'accumulation de ces fonds, un nombre d'entreprises que l'on peut tenir pour satisfaisant a fait usage des possibilités offertes par la nouvelle loi. A la fin de 1953, elles avaient affecté 160 millions de francs aux réserves de crise. Si l'on ajoute à cette somme les ristournes fiscales que ces maisons pourront demander un jour à la Confédération, aux cantons et aux communes, elles disposent déjà de plus de 200 millions de francs pour amortir le premier choc d'une dépression. Il convient de ne pas perdre de vue que le rôle de ces réserves ne se limite pas seulement aux périodes de crise; en phase de prospérité ou de surexpansion, elles contribuent, puisqu'elles sont retirées partiellement du circuit monétaire, à tempérer la demande et l'activité.

Rappelons en passant que, pendant le « boom » qui a suivi la guerre de Corée, le Conseil fédéral, comme il l'avait fait au lendemain du second conflit mondial, s'est abstenu (mais dans la mesure seulement où il l'a jugé opportun) d'entraver les importations et l'engagement de travailleurs étrangers. Nous avons contribué de cette manière à freiner le renchérissement. En bref, ensuite des interventions de la Confédération et de la réserve dont les entrepreneurs et les associations de travailleurs ont fait preuve -- les uns en ce qui concerne les prix, les autres pour ce qui a trait aux salaires -- les prix, de 1950 à 1952, sont montés moins rapidement en Suisse que dans la plupart
des pays, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Suède et en Belgique notamment. Ainsi, la disparité entre les prix suisses et étrangers, que les dévaluations de 1949 avaient dangereusement accentuée, a pu être corrigée en grande partie.

En 1952, on a enregistré un assez net ralentissement de l'activité. Les prix fléchissaient et il fallait vendre davantage pour obtenir le même rendement. Bien que, dans l'ensemble, l'emploi soit demeuré satisfaisant et que la pénurie de main-d'oeuvre ait subsisté dans maintes branches, divers secteurs, le textile notamment, traversèrent une phase difficile et nombre d'entreprises se virent dans l'obligation de réduire la durée normale du travail. Pour maintenir l'emploi là où il baissait, la Confédération est inter-

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venue à diverses reprises. Elle a soumis à une surveillance les prix des textiles importés afin de mettre un terme aux livraisons effectuées à des prix extraordinairement bas par divers pays qui, malgré les contingents stipulés dans les accords commerciaux, n'avaient pas acheté pendant des années, ou qu'en très minime quantité, des produits textiles suisses. En outre, l'adaptation des droits de douane qui frappent les bas de nylon (et qui ne tenaient pas compte du très faible poids des filés synthétiques) a également servi à maintenir l'emploi dans la fabrication des bas, menacée par de fortes importations.

III. REMARQUES FONDAMENTALES SUR LA LÉGISLATION FÉDÉRALE EN MATIÈRE DE POLITIQUE DE L'EMPLOI a. Mesures propres à prévenir les crises Notre aperçu des nombreux moyens auxquels la Confédération a recouru ces dernières années pour chercher à régulariser le cours de la conjoncture donne une idée de la variété et de la multiplicité des possibilités d'intervention de l'Etat sur le marché du travail. Pour discipliner l'activité et prévenir des crises, il peut être appelé tout aussi bien à exercer une influence sur le commerce extérieur en ouvrant des crédits à l'étranger, en accordant des garanties contre les risques à l'exportation, en stimulant la conclusion d'accords internationaux sur la libération des échanges, en mettant fin aux importations à caractère de dumping, etc., qu'à endiguer une poussée inflationniste à l'intérieur en facilitant l'admission de la main-d'oeuvre étrangère et en ajournant l'exécution de travaux et de commandes qui ne sont pas urgents. D'autre part, personne ne saurait prétendre que les possibilités d'influencer la marche de l'économie se limiteront nécessairement à celles que l'on connaît; la création de réserves de crise avec privilège fiscal, par exemple, a ouvert des voies qu'on ne soupçonnait pas hier.

Tout cela démontre que les efforts visant à stabiliser l'emploi ne ressortissent pas à un secteur particulier de notre politique économique, mais exigent, selon les cas, des interventions dans les domaines les plus divers -- interventions dont personne ne peut prédire à longue échéance la nature et la portée. Dans ces conditions, il apparaît impossible de grouper en un seul code les dispositions légales que requièrent les circonstances. On ne pourrait envisager la
chose que si la loi ne contenait que quelques principes généraux et octroyait pour le reste au Conseil fédéral des pouvoirs étendus lui permettant de prendre, selon les exigences du moment, toutes les mesures qui s'imposent dans un secteur quelconque de notre économie. Personne ne songeant à une telle solution en temps de paix, il n'est pas question de codifier une fois pour toutes les mesures tendant à prévenir les crises en édictant une loi d'application de nature générale reposant sur l'article 31 quinquies de la constitution.

545 Comme par le passé, nous ne manquerons cependant pas de prendre les mesures propres à empêcher les crises et le chômage. Si, à cet effet, nous ne pouvons pas nous fonder sur des dispositions en vigueur, nous devrons proposer à l'Assemblée fédérale, dans chaque cas particulier, d'édicter de nouvelles prescriptions, comme nous l'avons fait lorsqu'il s'est agi de régler la constitution de réserves de crise avec privilège fiscal. Le projet de loi que nous vous soumettons offre, lui aussi, la possibilité de décréter certaines mesures qui peuvent contribuer sous une forme ou sous une autre à prévenir les crises de manière efficace, A ce propos, nous attirons notamment l'attention sur l'article 2, selon lequel la Confédération cherchera, conjointement avec les cantons, à adapter le plus possible au marché du travail l'adjudication et l'exécution de travaux et commandes des administrations et entreprises publiques; à moins que d'importants intérêts ne s'y opposent, ils devront être ajournés en période de prospérité pour alimenter le marché du travail en phase de dépression. L'article 3 vise un but analogue; il prescrit à la Confédération de subordonner si possible le subventionnement des travaux et commandes fondé sur la législation fédérale aux besoins d'une politique tendant à régulariser l'activité économique.

L'article 4 du projet nous paraît aussi pouvoir produire quelques effets à titre préventif: il y est question de l'allocation à des universités et autres institutions scientifiques de subventions destinées à encourager des recherches scientifiques et techniques subsidiaires dans la mesure où les résultats de ces recherches peuvent contribuer à combattre les crises et à procurer du travail; il est prévu que la Confédération a aussi la faculté, à titre exceptionnel, de faire exécuter elle-même des recherches de cette nature. Le projet énonce aussi catégoriquement la ferme volonté de la Confédération de ne négliger aucune mesure préparatoire dont l'application peut être envisagée. En effet, l'article premier, 2e alinéa, précise que chaque fois que seront prises des mesures d'ordre économique et financier, il y a lieu de tenir compte autant que possible des exigences découlant de la nécessité, non seulement de combattre la dépression et de procurer du travail, mais aussi de prévenir les crises. Au
surplus, le délégué aux possibilités de travail est chargé d'examiner de façon continue tous les moyens propres à prévenir les crises et de coordonner les décisions que requièrent les circonstances (art. 13 du projet). Ces dispositions cherchent à indiquer comment doit être conçue une politique visant à régulariser l'activité économique à titre préventif. Dans l'état actuel des choses, il n'apparaît pas possible de dépasser les limites définies par les prescriptions auxquelles nous venons de nous arrêter.

b. Les difficultés de légiférer à titre préventif sur la création de possibilités de travail Notre arrêté du 29 juillet 1942 réglant la création de possibilités de travail pendant la crise consécutive à la guerre a permis jusqu'à présent

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à la Confédération d'intervenir en phase de prospérité aussi bien pour prévenir une crise ultérieure que pour préparer à longue échéance la création de possibilités de travail. Cet arrêté, de même que l'arrêté d'exécution du 6 août 1943, lui fournissent aussi nombre de moyens efficaces d'agir immédiatement en cas de crise menaçante et d'ordonner à bref délai des mesures propres à procurer du travail lorsque le chômage apparaît. La Confédération ayant disposé de cet instrument pendant près de douze ans, on pourrait penser que la solution la plus simple consisterait à reprendre dans la nouvelle loi les principes dont s'est inspirée la législation de 1942/43 et à réunir dans un seul et même acte législatif les attributions nous autorisant à intervenir, à peu près sous la même forme que jusqu'à maintenant, aussi bien lorsque les affaires sont norisantes qu'en cas de régression économique. Aussi, sous l'effet du fléchissement du degré d'occupation qui s'est manifesté en 1949, avons-nous annoncé dans notre rapport intermédiaire du 12 juin 1950 que nous n'avions pas l'intention de préparer une loi dérogeant sensiblement à la réglementation en vigueur. Peu après la publication de ce rapport, l'activité économique s'est de nouveau intensifiée, ce qui a obligé la Confédération à donner une tout autre orientation à sa politique de l'emploi, de sorte que la mise au point de la nouvelle loi est devenue moins pressante qu'on ne le pensait quelques mois auparavant.

Ce répit, qui a été le bienvenu, nous a permis de reprendre de fond en comble l'étude d'une matière très complexe, posant maints problèmes délicats.

Or il est apparu qu'en raison de la situation économique très favorable dont jouit notre pays, une réglementation générale que l'on se proposerait de calquer sur celle qui est fondée sur le droit extraordinaire ne serait pas opportune. Pour pratiquer une judicieuse politique de l'emploi, il faut pouvoir se fonder sur des éléments précis. Pour déterminer les moyens pouvant contribuer à régulariser l'activité, les pouvoirs publics doivent avoir une idée exacte des causes, de la nature et de la gravité d'une dépression. Notre arrêté de juillet 1942 est un produit de son temps; il devait permettre de faire face à des dangers bien définis : à cette époque, on craignait d'abord qu'une pénurie de matières
premières ne provoquât une grave stagnation économique; on redoutait aussi que la fin des hostilités ne fût suivie d'une crise. Si la paix peut être maintenue, il ne faut plus s'attendre à des dépressions ayant de telles origines. Mais on n'a pas plus de raisons d'admettre qu'une nouvelle crise se manifestera nécessairement sous la même forme que dans 1'entre-deux-guerres. Il est vrai que l'industrie d'exportation et la branche du bâtiment seront les secteurs les plus exposés, comme ce fut le cas il y a vingt ans. Mais on ne saurait prévoir lequel des deux sera atteint; en supposant que l'un et l'autre soient victimes d'un fléchissement, on ne peut pas dire non plus où il apparaîtrait en premier lieu. Pour atténuer les effets d'un sensible recul de nos exportations, il s'agira de savoir si cette régression est due à une baisse de la demande

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à l'échelle mondiale ou aux difficultés de paiement que rencontrent certains pays, si elle affecte l'industrie d'exportation dans son ensemble ou seulement quelques secteurs bien déterminés, avec quelle intensité le ralentissement se transmet éventuellement à la branche du bâtiment et si celle-ci est en état d'y faire face. Au sein même de cette branche, la crise peut avoir différentes origines. Le fléchissement peut être la conséquence d'une diminution des constructions industrielles et artisanales, d'une réduction du volume des travaux publics ou d'un marasme dans la construction de logements, d'une véritable saturation des besoins, de difficultés en matière de financement ou encore, notamment en ce qui concerne les logements, d'une hausse excessive des frais de construction. On peut envisager aussi, dans tous les secteurs, des dépressions partielles dues à une radicale modification de certaines habitudes de consommation ou à l'apparition de nouveaux articles qui en supplantent d'autres sur le marché.

Si l'on voulait, en période de plein emploi, légiférer sur la lutte contre les crises en s'inspirant de la réglementation du temps de guerre, si, en d'autres termes, l'on se proposait de définir d'avance dans une loi les mesures qui ne pourraient être prises qu'au moment où le chômage menacerait, il faudrait investir la Confédération de pouvoirs lui permettant d'intervenir dans toutes les circonstances que nous avons énuroérées et lui fournir en outre les moyens de combattre bien d'autres manifestations de la dépression. Pour résoudre ce problème, on pourrait tenter d'établir dans la loi un inventaire aussi complet que possible de toutes les mesures de lutte contre le chômage; au moment voulu, il appartiendrait au Conseil fédéral de choisir celles qui lui paraissent les plus appropriées à telle ou telle situation.

Pour pouvoir vraiment affronter un chômage menaçant ou qui sévit déjà, il faudrait prévoir une gamme de possibilités et de moyens d'intervention correspondant pour le moins à la multiplicité des origines des crises et de leurs manifestations.

On s'imagine facilement les difficultés que présenterait l'élaboration d'un projet de loi qui devrait définir de façon précise et par anticipation toute une série de mesures dont chacune a un caractère particulier et ses propres répercussions
d'ordre économique et financier, d'autant plus que l'on ignore absolument quand et dans quelles conditions il s'agirait de les appliquer.

Il est tout à fait concevable qu'une dépression se présente sous une forme insoupçonnée et qu'il faille, pour la combattre, recourir à des moyens que le législateur ne saurait prévoir aujourd'hui. C'est dire qu'une nomenclature, si détaillée soit-elle, des mesures de lutte contre la crise et le chômage risque de se révéler insuffisante au moment même où l'Etat devrait intervenir.

Ces difficultés ont été évitées lorsque la réglementation de 1942/43 fondée sur les pouvoirs extraordinaires a été édictée, pour la simple raison que l'on a renoncé à dresser un inventaire limitatif, mais inévitablement

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incomplet, des mesures propres à combattre les crises et le chômage pour se borner à désigner d'une façon générale les domaines dans lesquels l'Etat est autorisé à prendre des dispositions relevant de la politique de l'emploi.

Il fallait se demander si l'élaboration de la nouvelle loi ne pouvait pas s'inspirer de ce même procédé. II aurait suffi en l'occurrence d'énoncer quelques principes généraux et de désigner au surplus l'autorité fédérale qui serait appelée, au besoin, à prendre des mesures préparatoires en vue de procurer du travail lorsque le chômage menace et à ranimer l'activité économique en cas de marasme. Selon ce système, l'exécutif serait incontestablement le mieux à même d'agir rapidement et d'édicter les mesures requises.

Une législation sur la création de possibilités de travail ainsi conçue était tout à fait judicieuse en période de guerre, alors que les difficultés d'approvisionnement risquaient constamment d'entraîner une régression de l'emploi. Dans les conditions actuelles, en revanche, qui ne comportent encore aucun élément pouvant troubler gravement la prospérité dont bénéficie le pays, une réglementation se rapprochant de celle du temps de guerre n'est ni nécessaire ni conforme aux principes législatifs ancrés dans la constitution, parce que trop de questions d'une réelle importance seraient soustraites aux conseils législatifs et résolues par l'autorité executive qui devrait être investie à cet effet de pouvoirs étendus à titre préventif. C'est vraisemblablement au Conseil fédéral seul que devrait être confié le soin de déterminer quand il convient de déclencher la lutte contre le chômage.

C'est encore à lui qu'il incomberait, si la situation l'exigeait, d'adopter et d'édicter les mesures qui s'imposeraient. Bref, il aurait à prendre des décisions qui sont normalement du ressort de l'Assemblée fédérale.

A ce propos, faisons aussi remarquer que la définition et la délimitation de semblables attributions, dont la nécessité ne se fera sentir qu'ultérieurement, soulèveraient de très grosses difficultés. Sous le régime économique qui est le nôtre, l'un des moyens essentiels dont disposent les autorités pour maintenir l'emploi et stimuler l'activité, abstraction faite des mesures relevant de la politique commerciale et financière, réside dans le subventionnement de travaux
publics et privés. L'exécution, par l'économie privée, les communes ou les cantons, de travaux et commandes supplémentaires ne peut être intensifiée que si les taux des subsides fédéraux sont fixés et gradués de telle façon que les subventions soient à la fois suffisantes et supportables. En effet, des taux trop faibles n'inciteraient pas l'économie privée, les cantons et les communes à consacrer des sommes assez élevées à la création de possibilités de travail; inversement, des subventions excessives, sans compter qu'elles grèveraient par trop les finances de la Confédération, aboutiraient pratiquement au même résultat. Tant que l'on ignore l'origine et les manifestations de la crise, l'ampleur du chômage et la capacité de résistance de l'économie, il n'est assurément pas facile de fixer avec sûreté des taux maximums appropriés. Des remarques ana-

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logues s'imposent en ce qui concerne la répartition des charges entre la Confédération et les cantons. Si l'on voulait régler la matière dès maintenant, il faudrait vraisemblablement tabler sur la capacité financière actuelle des cantons; comparée à celle de la Confédération, elle est encore jugée assez favorable dans l'ensemble. Tel qu'il serait établi, le mode de répartition risquerait toutefois de ne plus être utilisable en phase de dépression ; il se peut fort bien en effet que la situation financière de la Confédération ou des cantons subisse de profondes modifications d'ici là. Il importe davantage, à nos yeux, de répartir les charges en fonction des ressources que la Confédération et les cantons pourront respectivement affecter, le moment venu, à la stabilisation de l'emploi. Dans ce domaine également, l'Assemblée fédérale, ignorant tout des circonstances qui pourraient justifier l'intervention de l'Etat, se trouverait placée devant un problème des plus délicats.

c. Disjonction de la législation sur la création de possibilités de travail Comme, on l'a vu, ni une loi impliquant l'établissement d'une nomenclature détaillée (mais condamnée à demeurer incomplète) des mesures propres à créer du travail, ni une « loi-cadre » conférant certaines attributions générales à la Confédération n'offrent une solution satisfaisante, que l'on considère les choses sous leur aspect matériel, juridique ou politique.

Il faut donc renoncer à suivre la voie dans laquelle on s'était engagé sous le régime des pouvoirs extraordinaires. Ainsi, au lieu de régler en une seule et même loi la préparation et l'exécution des mesures visant à créer des possibilités de travail, une disjonction de la législation relative à la lutte contre les crises s'impose. Pour le moment, la loi doit se limiter aux mesures qui doivent être prises en période de prospérité, c'est-à-dire à quelques dispositions de nature à contribuer à prévenir les crises (cf. page 545), à faciliter la lutte contre une dépression et à préparer la création proprement dite de possibilités de travail. Les autres interventions, celles qui ne deviendront nécessaires que quand la menace d'une crise se précisera ou que l'on enregistrera du chômage en dépit des précautions qui auront été prises serviront à maintenir les emplois ou à en créer de nouveaux. Elles ne
seront décrétées que lorsqu'on connaîtra les causes et la nature de la dépression suffisamment bien pour apprécier ce qu'il convient de faire.

Bien que la phase de surexpansion appartienne au passé, le degré d'occupation est toujours satisfaisant. Dans ces conditions, on peut donc prendre la responsabilité de différer encore les dispositions relatives à la création de possibilités de travail.

A première vue, la disjonction que nous préconisons peut paraître incompatible avec la conception que l'on se fait des lois d'exécution appelées par l'article 31 quinquies de la constitution. Certes, nous n'ignorons pas que les masses travailleuses, qui n'ont pas oublié la grande crise des années « trente », aspirent à être protégées aussi efficacement que possible contre

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un retour offensif du chômage. Elles seraient certainement rassurées si le législateur fédéral créait maintenant déjà la base légale qui permettrait de prendre des mesures en cas de crise. Ce désir des travailleurs est parfaitement légitime. C'est pourquoi nous avons longuement hésité avant de proposer de procéder en deux étapes. Nous pensons donc que --- conjointement avec la disposition imperative de l'article 31 quinquies de la constitution -- la nouvelle loi, qui définit de manière détaillée la responsabilité des autorités en matière de lutte contre les crises et de création de possibilités de travail, doit donner aux travailleurs particulièrement menacés par les fléchissements de l'activité l'assurance que, le moment venu, la Confédération ne négligera rien pour protéger lés employés et les ouvriers contre le chômage. Les chambres fédérales ont jusqu'à maintenant approuvé à l'unanimité nos rapports intermédiaires sur les mesures proprés à créer des possibilités de travail et tous les milieux de la population et tous les partis sont persuadés de la nécessité sociale et politique de combattre efficacement les crises. Il n'y a donc pas lieu de douter qu'en cas de dépression toutes les dispositions requises par la création de possibilités de travail seront prises en temps utile.

d. Des garanties contre une dépression économique brutale On peut se rallier aux arguments que nous avançons pour justifier l'élaboration en deux étapes de la législation sur la création de possibilités de travail, mais douter que cette solution permette dans tous les cas, si une crise survenait inopinément, de prendre à temps toutes les mesures de défense et de créer assez vite des possibilités supplémentaires de travail.

Il convient cependant de faire observer qu'une crise est toujours précédée de signes avant-coureurs qui ne sauraient échapper à l'attention des organes chargés de suivre l'évolution économique. Il y a dès lors tout lieu de penser que l'Assemblée fédérale sera généralement à même d'édicter assez tôt les dispositions propres à combattre la dépression et à en corriger les conséquences.

Du reste, nous ne sommes pas privés des moyens d'intervenir provisoirement, c'est-à-dire jusqu'au moment où les chambres prendront les décisions que les événements requièrent. Si le degré d'occupation fléchit, les ouvriers
étrangers au bénéfice d'un permis de travail temporaire peuvent être congédiés. Au surplus -- indépendamment de toute autre mesure -- nous avons la faculté, conformément à l'article 5 de la loi du 3 octobre 1951, de libérer les réserves de crise accumulées par l'économie privée. A l'heure actuelle, elles dépassent 200 millions de francs, compte tenu des ristournes fiscales y afférentes. Elles sont donc propres à conjurer, du moins pendant un certain temps, un fléchissement de l'activité. A titre de mesure transitoire, nous pouvons encore recourir au fonds des remboursements alimenté

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par les prélèvements opérés sur le produit de l'impôt sur les bénéfices ds guerre conformément à notre arrêté du 19 juillet 1944 (120 millions en chiffre rond). Nous pouvons également tirer parti du solde des crédits qui nous ont été octroyés au titre de la création de possibilités de travail en vertu de l'arrêté fédéral du 6 avril 1939 concernant le renforcement de la défense nationale et la lutte contre le chômage (30 millions environ, dont plus de 20 millions doivent être toutefois affectés à des fins déjà spécifiées).

Ainsi donc, y compris les réserves de crise constituées par l'économie privée et les ristournes fiscales y afférentes, nous pouvons d'ores et déjà, sans autorisation spéciale de l'Assemblée fédérale, mobiliser plus de 360 millions de francs pour maintenir le niveau de l'emploi. Il faut également tenir compte des possibilités, non négligeables, que la politique commerciale nous offre d'influencer le cours de l'activité. En bref, à la condition toutefois que la crise ne s'étende pas d'une manière extraordinairement rapide, nous disposons de moyens suffisants pour corriger les conséquences d'une dépression jusqu'au moment où entrera en vigueur la législation ordinaire sur la création de possibilités de travail, législation que les chambres peuvent, le cas échéant, déclarer urgente conformément à l'article SQbis de la constitution. Cet article prévoyant l'usage du referendum, on peut donc envisager sans crainte, lorsque le temps presse effectivement, le recours à cette solution et donner dès lors la préférence à notre proposition de disjonction.

On doit toutefois envisager l'éventualité d'une crise s'aggravant si rapidement et si fortement que les moyens à notre disposition se révèlent insuffisants pour la combattre, même temporairement, et qu'il faille ainsi prendre sans délai d'autres mesures, c'est-à-dire sans attendre que les chambres soient à même de voter un arrêté fédéral urgent. Divers gouvernements cantonaux et associations de travailleurs appelés à se prononcer sur le projet ont évoqué cette hypothèse. Us ont donné à entendre que, quelque évidentes que leur paraissent les raisons qui militent en faveur d'une disjonction de la législation envisagée, cette solution appelle de sérieuses réserves. Nous tenons cependant à préciser que tous les cantons et toutes les associations
économiques centrales ont fini, quoique avec certaines réserves, par acquiescer à notre proposition. Plusieurs des mémoires qui nous ont été soumis souhaitent entre autres expressément que la loi sur les mesures préparatoires soit complétée par une clause qui, au cas d'un fléchissement brusque et violent de l'activité, donne au Conseil fédéral la compétence de prendre les mesures qu'il juge nécessaires sans attendre que la loi sur la création de possibilités de travail soit entrée en vigueur.

Seuls les événements montreront si une telle garantie est effectivement nécessaire. Dans le domaine qui nous occupe ici, les prévisions sont impossibles. Mais si l'on songe que notre prospérité dépend largement des exportations et que celles-ci sont très sensibles aux restrictions à l'importation et aux majorations des droits de douane décrétées à l'étranger, que

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dans maintes branches (en particulier dans l'horlogerie, très vulnérable aux crises) les commandes sont passées à très court terme et qu'enfin la concentration géographique de plusieurs de nos industries d'exportation les plus importantes est fort accentuée, on ne peut nier le danger de dépressions inopinées et lourdes de conséquences. Si donc il faut admettre sérieusement que la Confédération, après avoir prévu une législation en deux étapes, puisse être empêchée de combattre rapidement un chômage grandissant à l'aide des seules mesures de caractère préliminaire, la simple prévoyance doit nous engager à compléter la loi de manière appropriée pour éliminer cette éventualité.

Pour ces raisons, nous avons inséré dans notre projet un article 12 qui précise notamment : « Lorsqu'une branche ou une région quelconque est inopinément frappée par un sérieux fléchissement de l'emploi auquel l'économie privée et les cantons ne parviennent pas à remédier eux-mêmes, le Conseil fédéral est autorisé, à condition qu'une intervention immédiate de la Confédération s'impose, à entreprendre l'exécution de mesures de lutte contre le chômage en accordant son aide financière à cet effet. » Cette définition de la compétence octroyée au Conseil fédéral indique sans conteste qu'il se borne à demander la possibilité de prendre sans tarder les mesures que peut appeler la brusque irruption d'une crise. Il ne recourra à cette clause de nécessité qu'en cas d'extrême urgence, quand l'économie privée et les cantons seront de toute évidence hors d'état de surmonter eux-mêmes les difficultés. Il va sans dire qu'avant de faire usage de cette compétence, le Conseil fédéral mettra préalablement en oeuvre -- dans la mesure où ils lui paraîtront appropriés --- les moyens dont il dispose déjà et que nous avons énumérés plue haut.

Il va sans dire que des arrêtés que nous prendrions en vertu de l'article 12 du projet ne remplaceraient nullement la législation ordinaire, qui est du ressort de l'Assemblée fédérale. Ils auraient uniquement pour but d'empêcher que, selon les circonstances, l'application de mesures propres à créer du travail ne subisse des retards lourds de conséquences. C'est pourquoi le deuxième alinéa de cet article précise que le Conseil fédéral est tenu d'inviter aussi rapidement que possible l'Assemblée fédérale à établir,
sous la forme d'une loi fédérale ou d'un arrêté fédéral de portée générale, les prescriptions régissant les mesures dont il a entrepris l'exécution. En d'autres termes, nos décisions devraient être soumises dans le plus bref délai possible aux chambres; ces dernières, en tant qu'elles les approuvent, doivent les sanctionner sans tarder. De toute façon, nos arrêtés ne resteraient en vigueur qu'une année au plus (art. 12, 5e al.). Noua sommes donc en mesure d'admettre que cette clause dite de nécessité tient compte à la fois des réserves exprimées par les associations de travailleurs au sujet d'une disjonction de la loi et de celles que soulève dans de larges milieux l'octroi d'attributions spéciales au pouvoir exécutif.

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IV. LE PROJET DE LOI Après avoir exposé en détail les idées dont on s'est inspiré pour élaborer le projet de loi sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail, nous pourrons formuler brièvement les commentaires qu'appelle le texte même du projet. Ses dispositions ne font en quelque sorte que récapituler les nombreuses mesures préparatoires qui ont été prises au cours des dernières années de prospérité avec l'approbation générale et que l'on ne saurait négliger à l'avenir si l'on veut que la Confédération soit à même de faire face à une dépression.

a. Règles fondamentales et mesures de caractère général Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, les préparatifs auxquels la loi envisagée servira de fondement juridique ne constituent qu'une partie, toutefois capitale, de l'ensemble des mesures que même un Etat dont le régime économique repose sur la libre concurrence et l'initiative privée peut prendre pour se préserver des conséquences d'une dépression.

Il importe cependant que ces préparatifs soient complétés et étayés par tous les autres moyens qu'offre la politique économique dans la plus large acception du terme; il apparaît donc indispensable que, dans ce domaine, les autorités tiennent compte autant que possible des exigences d'une politique tendant à prévenir les crises, à les combattre et à procurer du travail. Il est superflu d'insister sur la nécessité de soutenir en l'occurrence les efforts que déploie l'économie privée pour procurer elle-même du travail en suffisance. Nous avons cherché à énoncer ces principes aux premier et deuxième alinéas de l'article premier.

Le volume considérable des travaux et commandes dont disposent la Confédération, les cantons et les communes leur permet d'agir directement et efficacement sur le degré d'occupation. En faisant preuve de circonspection dans l'adjudication de ces travaux et commandes en période de prospérité, ils peuvent contribuer à freiner la surexpansion et les tendances inflationnistes qui en découlent tout en constituant une réserve de travail en prévision d'une contraction des affaires ou d'une crise proprement dite. Les expériences faites au cours de ces dernières années ont démontré toutefois que le système consistant à adapter l'exécution de travaux et commandes à la situation économique
n'offrait que des possibilités restreintes. Souvent, les intérêts en jeu, de même que la nécessité de prendre des dispositions imposées par l'accroissement des besoins en matière de trafic, de logement, d'instruction publique, de formation professionnelle, etc., ne permettent pas aux autorités d'appliquer rigoureusement le principe. Cette réserve faite, il n'en demeure pas moins que tout le monde en reconnaît aujourd'hui l'utilité. L'article 2 précise la tâche de la Confédération en matière d'adjudication de travaux et commandes Feuille fédérale. 106e année. Vol. I.

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et fait en sorte que la souveraineté des cantons soit respectée. L'article 3 enjoint à la Confédération de soumettre strictement l'octroi de subventions aux exigences de la politique qui vise à stabiliser l'emploi à longue échéance, à moins que d'importants intérêts nationaux, régionaux ou locaux ne s'opposent à tout ajournement de ces travaux et commandes.

Nous croyons pouvoir renoncer à souligner l'importance que revêtent les recherches scientifiques et techniques pour l'essor de notre économie et, partant, comme moyen de prévenir les crises et de procurer du travail.

Nous avons insisté sur le rôle de ces recherches dans notre message à l'Assemblée fédérale du 26 octobre 1951, proposant de subventionner la fondation «Fonds national de la recherche scientifique» (FF 1951, III, 389).

Il est apparu toujours plus nettement au cours de ces dernières années que les sacrifices consentis par la plupart des Etats étrangers pour encourager les recherches risquent de placer la Suisse dans un état d'infériorité de plus en plus prononcé qu'elle ne parviendrait que très difficilement à surmonter.

C'est la raison pour laquelle tous les milieux intéressés ont été unanimes à estimer que les recherches scientifiques devaient être soutenues plus efficacement dans notre pays. A l'heure actuelle, cette aide supplémentaire doit être fournie principalement par le fonds national suisse de la recherche scientifique. Bien avant la fondation de cette nouvelle institution, soit dès 1944, la Confédération s'est mise à stimuler, quoique modestement, les recherches scientifiques au moyen de subsides prélevés sur les crédits disponibles au titre de la création de possibilités de travail. N'ont toutefois bénéficié de cet appui que les recherches de nature à donner des résultats pratiques dont notre économie peut tirer profit pour se rendre moins vulnérable aux dépressions. Les subsides en question ne pouvaient servir, en revanche, à favoriser les recherches de caractère fondamental. Elles seront désormais encouragées par le fonds national, qui est appelé à soutenir exclusivement les recherches désintéressées, les sciences morales étant placées sur le même pied que les autres. Le fonds n'aura donc pas à s'occuper, si ce n'est que très incidemment, des recherches qui tendent à des fins commerciales. Ces dernières n'en présentent
pas moins un réel intérêt, considérées sous l'angle d'une politique visant à prévenir les crises et à créer des possibilités de travail; aussi se révèle-t-il indispensable de continuer à les favoriser par des subsides prélevés depuis bientôt dix ans sur les crédits destinés au financement de mesures de lutte contre le chômage.

Bien qu'il s'agisse de sommes très modestes (798 000 fr, en 1952 et 759 000 fr.

en 1953), elles se sont révélées extrêmement utiles. L'article 4 de la loi doit en donner la faculté à la Confédération.

Nous avons déjà relevé ailleurs l'importance considérable que revêt, en liaison avec la politique qui tend à stabiliser l'emploi à longue échéance, une étude attentive de l'évolution économique. A cet effet, la Confédération doit disposer des éléments d'appréciation nécessaires et se procurer, avec

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le concours des cantons et des organismes de l'économie privée (art. 5), la documentation permettant de juger l'évolution de la situation économique. Dans les milieux à l'appréciation desquels le projet a été soumis, on s'est demandé s'il ne conviendrait pas de saisir l'occasion offerte pour donner à la Confédération mandat de procéder à des investigations sur l'évolution de la production. Nous estimons que ce n'est pas le moment d'aborder les questions que soulève l'établissement d'un indice de la production. On a renoncé à instituer par la voie légale une statistique de la production. A la suite de cette décision, le département fédéral de l'économie publique a chargé la commission de recherches économiques d'étudier la possibilité de calculer, dans les limites d'une collaboration librement consentie de l'économie privée, un indice de la production. Le bureau fédéral de statistique a entrepris diverses études fort complexes et suggéré, il y a un an, l'établissement trimestriel d'un indice pondéré de la production industrielle. La commission s'est ralliée à ce projet et elle a invité le bureau fédéral de statistique à procéder à des calculs en se fondant sur les informations dont il dispose et à ne demander des renseignements complémentaires que dans la mesure où les milieux industriels sont prêts à les fournir de plein gré. On peut donc admettre que nous disposerons assez prochainement d'un indice de la production et que le voeu exprimé par divers milieux pourra être réalisé sans qu'il soit besoin de légiférer.

En revanche, il nous paraît nécessaire de mentionner expressément dans la loi l'enquête sur les constructions, que le délégué aux possibilités de travail effectue chaque année depuis 1942 selon une méthode constamment améliorée. Cette enquête, qui porte à la fois sur l'activité effective de la branche du bâtiment durant l'année écoulée et sur les projets dont l'exécution est envisagée pour l'année en cours, est devenue une source de précieux renseignements pour apprécier le degré d'occupation de la branche du bâtiment. Elle répond aussi à un intérêt général, vu le rôle que joue ce secteur pour l'évolution économique dans notre pays. Les pouvoirs publics se fondent sur les résultats de ces investigations pour adjuger leurs travaux conformément aux exigences de l'heure; au surplus, l'enquête
facilite sensiblement la tâche des autorités appelées à adapter l'admission de la main-d'oeuvre étrangère aux besoins effectifs .du marché tout en sauvegardant les intérêts des travailleurs indigènes. L'article 5 doit permettre de maintenir cette enquête après l'abrogation de notre arrêté fondé sur les pouvoirs extraordinaires.

b. Mesures préparatoires en vue de procurer du travail Ces mesures sont définies aux articles 6 à 10. Comme nous l'avons relevé de manière détaillée dans notre rapport intermédiaire de 1950 à l'Assemblée fédérale, la politique en matière de création de possibilités de travail doit tendre avant tout à maintenir le degré d'occupation dans l'èco-

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nomie privée de manière à permettre à la main-d'oeuvre d'exercer la profession qu'elle a apprise ou à laquelle elle a été formée. Il convient d'éviter autant que possible de transférer des travailleurs dans une autre activité que la leur, c'est-à-dire de renoncer à une intervention peu satisfaisante du point de vue économique et social, et qui est généralement durement ressentie par ceux qu'elle frappe. Les mesures préparatoires en vue de procurer du travail doivent donc obéir à ce principe (art. 6, 2e al.). Si l'on songe cependant au rôle essentiel que jouent nos exportations, on doit se demander, si la conjoncture s'aggravait fortement à l'échelle mondiale, s'il serait possible, même en mettant en oeuvre tous les moyens à disposition, de maintenir le degré d'occupation de l'économie privée à un niveau suffisamment élevé pour permettre à tous les travailleurs ou à une grande partie d'entre eux de conserver leur activité habituelle. C'est pourquoi nous ne devons pas négliger la création de possibilités de travail subsidiaires. Si cette nécessité s'impose, il sera tenu compte des aptitudes et de la situation personnelle des travailleurs en quête d'emploi (art. 6, 2e al.). Cette exigence pourra être considérée comme satisfaite si les emplois offerts peuvent être tenus pour acceptables au sens de la législation sur l'assurance-chômage.

L'article 8 prévoit une répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. La structure federative de notre Etat exige que les cantons participent aussi activement que possible aux préparatifs servant à procurer du travail, de même qu'à l'exécution éventuelle des mesures envisagées.

C'est là un point qu'il ne nous paraît pas nécessaire de motiver. Le concours des cantons s'impose aussi pour des raisons pratiques. La Confédération se chargera essentiellement de la préparation et de l'exécution des mesures qui ne peuvent être prises que par elle -- en matière de politique commerciale par exemple -- ou qui doivent être appliquées, même avec le concours des cantons, à l'ensemble du territoire pour ne pas fausser le jeu normal de la concurrence (mesures visant à stimuler la modernisation d'hôtels, encouragement des investissements privés, etc.). Il incombe en revanche aux cantons de pousser leurs préparatifs de telle manière qu'ils soient à même de faire face
à un chômage pouvant être combattu par des mesures de caractère régional et d'intervenir chaque fois que l'utilité d'une mesure n'est déterminée que par des considérations d'ordre régional ou que son efficacité n'est assurée que si elle est prise sur le plan régional. Ce dernier point s'applique notamment à la création de possibilités de travail en faveur de la branche du bâtiment, étant donné que les cantons et les communes lui adjugent des commandes beaucoup plus importantes que la Confédération.

L'article 9 enjoint à la Confédération de réunir les mesures préparées dans un programme général de lutte contre le chômage, à l'établissement duquel participent aussi les cantons; le concours des communes et des

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autres collectivités de droit public n'est prévu que dans la mesure où le programme a trait aux travaux et commandes publics. Le pouvoir octroyé à la Confédération de recueillir à cet effet les données statistiques dont elle a besoin lui permettra notamment de renouveler son enquête sur ce qu'il est convenu d'appeler «le programme multiannuel des travaux publics et des commandes des pouvoirs publics à l'industrie et à l'artisanat ».

Jusqu'à présent, cette enquête a été effectuée le plus souvent à intervalles de deux ans. Elle fournit d'utiles indications sur l'état des préparatifs en matière de lutte contre le chômage dans la branche du bâtiment, comme aussi sur la réserve de travaux et commandes que les pouvoirs publics peuvent éventuellement passer à l'industrie et à l'artisanat.

Les efforts tendant à assurer un degré d'emploi suffisant dans la branche du bâtiment en cas de crise doivent aussi permettre d'occuper un certain nombre de chômeurs de l'industrie et de l'artisanat s'il n'existe plus d'autres moyens de leur procurer du travail. C'est dire que les pouvoirs publics seront appelés à compenser le recul des constructions privées en intensifiant considérablement l'adjudication de leurs propres travaux. D'une façon générale, la réserve de travail qu'ils ont constituée en ajournant l'exécution de leurs projets en période de prospérité ne suffira vraisemblablement pas à répondre aux exigences. Pour combattre une crise violente, il sera nécessaire, en outre, de faire exécuter par anticipation des projets de construction dont la réalisation aurait été différée en temps normaux. Toutefois, les besoins qui se manifesteront ultérieurement en matière de constructions ne peuvent être déterminés d'avance que si les organes compétents établissent leurs plans à longue échéance. C'est ainsi qu'au cours de ces dernières années, l'aménagement régional et local s'est affirmé comme l'un des moyens les plus efficaces de compléter les programmes de lutte contre le chômage. Les recherches auxquelles donne lieu l'établissement de plans d'aménagement ont toujours permis de découvrir une foule de projets auxquels on n'aurait songé que longtemps plus tard. Il apparaît indispensable de persévérer dans cette voie, parce que seule une répartition régionale et locale des travaux permettra de prévenir de pénibles
transferts de maind'oeuvre et d'assurer l'existence des petites entreprises du bâtiment.

L'aménagement régional et local revêt encore une importance considérable à un autre titre. Nous avons déjà fait observer que les pouvoirs publics seront obligés, en période de forte dépression, d'intensifier rapidement le volume des travaux à adjuger; la mise au point des projets et le contrôle de leur exécution mettront les services techniques à rude épreuve.

Dans ces conditions, ils seront davantage exposés au risque d'adopter pour certains problèmes des solutions ne répondant pas intégralement aux exigences futures (en matière de trafic ou de colonies d'habitation par ex.)

ou qui pourraient donner lieu à des placements de capitaux se révélant irrationnels par la suite. Seuls des plans d'aménagement régionaux et locaux peuvent écarter ce danger. Pour toutes ces raisons, la Confédération

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les a déjà encouragés pendant la guerre par l'octroi de subventions et décidé en 1949 de les faire bénéficier à nouveau de son aide, une suppression temporaire des subsides à la fin des hostilités ayant presque complètement paralysé l'établissement de ces plans. Nous estimons donc qu'il est capital que la Confédération continue à accorder son appui dans ce domaine pour contribuer ainsi à rendre plus efficace la lutte contre le chômage dans la branche du bâtiment. Tel est l'objet de l'article 10 du projet de loi.

L'expérience a démontré que l'élaboration de grands projets dont la réalisation est de nature à contenir un brusque ralentissement de l'activité dans la branche du bâtiment exige beaucoup de temps ; elle peut s'étendre sur plusieurs mois, voire sur des années. Il s'agit dès lors d'y pourvoir lorsque les affaires sont encore florissantes et de ne pas la différer jusqu'au moment où le chômage commence à se manifester. Pour aider les cantons et les communes à accomplir cet effort, la Confédération devrait être autorisée, ainsi que le prévoit l'article 10, à participer par des subsides aux frais qu'impliqué la mise au point technique de projets de construction et de génie civil. Au troisième alinéa, l'article précité dispose que le subside fédéral doit être restitué si des projets dont l'élaboration a été subventionnée sont exécutés sans que la lutte contre le chômage le requière.

Les expériences faites jusqu'à maintenant permettent d'admettre que le subventionnement des mesures préparatoires au sens de l'article 10 n'exigera que des sommes relativement modestes. Les subsides alloués pour les études relatives à l'aménagement régional et local et l'établissement de projets ont exigé 71 100 francs seulement en 1952 et 74 200 francs en 1953.

c. Mesures de lutte contre le chômage Pendant et immédiatement après la guerre, la Confédération s'est vue contrainte d'aider financièrement certains cantons à procurer du travail aux employés de commerce et aux techniciens. L'octroi de ces subsides a été suspendu en 1947 eu égard à la situation économique favorable, mais il a fallu le réinstituer deux ans plus tard. Si la Confédération s'y est résolue, ce n'est pas essentiellement en raison du nombre de chômeurs appartenant aux professions commerciales et techniques, mais parce qu'elle a été frappée surtout
de constater que le chômage dont sont victimes de nombreux employés se prolonge de façon tout à fait anormale, entraînant de graves conséquences d'ordre financier, moral et social. L'opinion publique s'est beaucoup préoccupée ces derniers temps des difficultés que rencontrent les employés de commerce et les techniciens d'un certain âge en quête d'emploi, même s'ils sont tout à fait qualifiés et en pleine possession de leurs moyens. Maintes suggestions témoignant des meilleures intentions ont été formulées pour éliminer ou atténuer du moins ce regrettable phénomène. Les employés en chômage cherchent eux-mêmes à se défendre contre le mauvais sort, notamment en s'unissant et en exposant leurs soucis.

559 Sur le plan fédéral, ce problème retient depuis des années l'attention du délégué aux possibilités de travail et de l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail. Il n'a pourtant pas été possible jusqu'à présent de trouver une solution vraiment efficace et il faudra du temps pour y parvenir. Nous jugeons qu'il y a lieu de poursuivre provisoirement après l'abrogation de notre arrêté du 29 juillet 1942 les mesures qu'il a permis d'instituer pendant ces dernières années au profit des employés de commerce et des techniciens, d'autant plus qu'elles se sont limitées au strict nécessaire et n'ont impliqué que des dépenses de 100 000 francs environ par an. Logiquement, la disposition prévue (art. 11) n'est pas tout à fait à sa place dans une loi se rapportant exclusivement à la préparation de mesures propres à procurer du travail, abstraction faite de leur exécution.

Nous croyons néanmoins qu'aucune raison majeure ne s'oppose à l'insertion dans le projet de cette disposition de portée restreinte. Cette façon de procéder nous dispense au surplus de soumettre un deuxième projet à l'approbation des chambres.

Les attributions octroyées au Conseil fédéral par l'article 12 pour faire face à un fléchissement grave et inattendu de l'emploi jusqu'au moment où la législation ordinaire pourra entrer en vigueur, ont déjà été analysées de manière suffisante (cf. p. 551) pour que nous puissions renoncer à d'autres commentaires.

d. Organisation En enjoignant à la Confédération de prendre des mesures tendant à prévenir des crises et d'édicter au besoin des dispositions sur les moyens de procurer du travail, l'article 31 quinguies de la constitution lui a imposé une nouvelle obligation de caractère permanent. L'organisation qui a été instituée à cet effet s'étant révélée très judicieuse jusqu'à présent, nous estimons qu'il est utile de sanctionner dans le présent projet la désignation d'un délégué aux possibilités de travail, chargé de pourvoir à l'accomplissement des tâches dévolues à la Confédération (art. 13). H est prévu par ailleurs de former, après consultation des associations économiques centrales, une commission composée de représentants de la Confédération, des cantons et des communes, des milieux scientifiques, des organisations d'employeurs et de travailleurs, à laquelle seraient soumises les questions fondamentales ayant trait à la lutte contre le chômage et à la création de possibilités de travail (art. 14).

Vu les explications qui précèdent, nous vous proposons d'adopter notre projet de loi fédérale sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail.

560 Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 avril 1954.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Rubattel 1011

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

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(Projet)

LOI FÉDÉRALE BUT

les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail

L'Assamblée, fédérale de la Confédération suisse,

vu l'article Slquinquies de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 9 avril 1954, arrête :

I. RÈGLE FONDAMENTALE Article premier La Confédération se prépare de la manière prévue par la présente loi à combattre les crises et a procurer du travail, 2 Chaque fois que seront prises des mesures d'ordre économique et financier, il sera tenu compte autant que possible des exigences d'une politique tendant à prévenir les crises, à les combattre et à procurer du travail.

3 Les efforts que déploie l'économie pour procurer elle-même du travail en suffisance doivent être soutenus, notamment ceux qui visent à renforcer la capacité de concurrence, à se prémunir contre les crises, à maintenir et à créer des débouchés.

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II. MESURES DE CARACTÈRE GÉNÉRAL Art. 2 Adjudication de travaux et commandes publics 1 La Confédération cherchera, conjointement avec les cantons, à adapter le plus possible au marché du travail l'adjudication et l'exécution de travaux et commandes des administrations et entreprises publiques.

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A moins que d'importants intérêts nationaux, régionaux ou locaux ne s'y opposent, les travaux et commandes des administrations et entreprises publiques seront ajournés en période de prospérité, pour être adjugés et exécutés en plus grande quantité lorsque le chômage menace d'apparaître ou sévit déjà.

Art. 3 Subventions fédérales pour l'exécution de travaux et commandes A moins que d'importa,nts intérêts nationaux, régionaux ou locaux ne s'opposent à l'ajournement de travaux ou commandes, les promesses de subventions fondées sur la législation fédérale contiendront une clause selon laquelle l'exécution est subordonnée à l'approbation de la Confédération. Cette approbation ne sera donnée que si le degré d'occupation en Suisse ou dans certaines régions la justifie.

Art. 4 Kecherches La Confédération peut accorder à des universités et autres institutions scientifiques qui ne visent pas directement un but lucratif des subventions destinées à encourager des recherches scientifiques et techniques subsidiaires ou, exceptionnellement, charger elle-même ces établissements d'en exécuter, dans la mesure où les résultats de ces recherches peuvent contribuer à combattre les crises et à procurer du travail. Dans ce domaine, la Confédération se laissera guider par le souci de compléter la formation scientifique de jeunes gens aptes à devenir des savants.

Art. 5 Etude de l'évolution économique La Confédération se procure, avec le concours des cantons et des organismes de l'économie privée, la documentation permettant de juger l'évolution de la situation économique. Elle peut procéder, avec l'aide des cantons, à une enquête annuelle sur les constructions publiques et privées prévues pour l'année en cours et celles qui ont été exécutées durant l'année précédente.

III. MESURES PRÉPARATOIRES EN VUE DE PKOCURER DU TRAVAIL

Art. 6 Règle générale 1 En prévision d'une crise économique qui aurait des conséquences que la capacité de résistance des entreprises et les mesures visant à équilibrer le

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marché de l'emploi seraient impuissantes à surmonter, la Confédération se prépare, avec le concours dea cantons et de l'économie privée, à maintenir et à développer les possibilités de travail existantes, ainsi qu'à en créer de nouvelles.

2 Les mesures préparatoires en vue de procurer du travail doivent autant que possible être conçues de manière à permettre à la main-d'oeuvre d'exercer, dans l'économie privée, la profession qu'elle a apprise ou à laquelle elle s'est formée sans apprentissage régulier. Si la création de possibilités de travail subsidiaires s'impose, il sera tenu compte des aptitudes et de la situation personnelle des travailleurs en quête d'emploi.

Art. 7 Etendue des préparatifs 1 Les préparatifs doivent s'étendre à tous les moyens propres à procurer du travail; ils porteront notamment sur a. Le développement des exportations et du tourisme, ainsi que sur l'encouragement des investissements privés; b. L'utilisation des réserves de travail dont disposent l'économie privée et les particuliers (modernisation d'hôtels, équipement technique de l'agriculture, améliorations foncières par des corporations, assainissement des vieux quartiers, réparation et restauration d'immeubles privés) ; c. L'adjudication, par les pouvoirs publics, de commandes d'appoint à l'industrie et à l'artisanat; d. L'exécution de travaux d'appoint au profit de personnes appartenant à des professions particulièrement vulnérables à la crise et des travailleurs d'un certain âge.

2 Lorsque leur nature le permet, les mesures envisagées seront préparées à longue échéance et de façon aussi complète que possible.

Art. 8 Tâches de la Confédération et des cantons 1 A la Confédération incombe le soin de préparer toutes les mesures de lutte contre le chômage qui ne peuvent être prises que pour l'ensemble du territoire en raison de leur nature ou parce qu'il s'agit de ne pas fausser le jeu normal de la concurrence.

3 En tant que des mesures de caractère régional suffisent pour combattre le chômage, leur préparation incombe en premier heu aux cantons ; sont notamment du ressort des cantons les préparatifs destinés à procurer du travail:

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a. A la branche du bâtiment par la mise au point, à titre préventif, de projets de construction, publics, y compris l'assainissement des vieux quartiers ; b. A l'industrie et à l'artisanat par la constitution d'une réserve de travail dans les administrations et entreprises publiques; c. Au personnel commercial et technique, aux intellectuels et aux artistes, ainsi qu'aux travailleurs d'un certain âge de toutes les professions au moyen de travaux et commandes d'appoint appropriés.

3 La Confédération complète les préparatifs des cantons dans la mesure où le lui permettent les travaux et commandes qu'elle a préparés elle-même.

Art. 9 Programme général 1 La Confédération réunit dans un programme général de lutte contre le chômage les mesures qu'elle-même et les cantons ont préparées. Elle est autorisée à recueillir, en s'adressant aux cantons, les données statistiques qui lui sont nécessaires et à requérir d'autres renseignements.

2 Les communes et les autres collectivités de droit public participeront également à l'établissement du programme général en tant qu'il a trait à la préparation de travaux et commandes publics visés par l'article 7, 1er alinéa, lettres c et d.

Ait. 10 Subventionnement de mesures préparatoires 1 La Confédération peut, par l'octroi de subsides, stimuler les préparatifs servant à procurer du travail en participant notamment, jusqu'à concurrence de 30 pour cent, a. Aux frais d'établissement de plans d'aménagement régionaux et locaux ; b. Aux frais qu'assument les cantons et les communes pour l'élaboration préventive de projets de construction (génie civil et bâtiment, y compris l'assainissement des vieux quartiers), pourvu que l'on envisage de les exécuter au titre de la lutte contre le chômage et qu'ils se prêtent particulièrement à être réalisés comme tels.

2 Si un canton n'assume pas lui-même la charge de la mesure préparatoire, il doit, pour obtenir l'aide fédérale, allouer une subvention au moins égale à la somme demandée à la Confédération.

3 Si des projets dont l'élaboration a été subventionnée au sens du premier alinéa, lettre b, sont exécutés sans que la lutte contre le chômage le requière, la subvention fédérale doit être restituée.

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IV. MESURES DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

Art. 11 En laveur du personnel commercial et technique La Confédération peut participer, à raison d'un tiers au plus, aux frais qu'occasionnent les mesures de lutte contre le chômage en faveur du personnel commercial et technique d'un certain âge qui, victime d'un désoeuvrement prolongé, est occupé temporairement à exécuter des travaux d'appoint dans des administrations publiques ou des bureaux d'entraide de caractère facultatif.

Art. 12 Mise à exécution en cas de fléchissement inopiné de l'emploi 1 Lorsqu'une branche ou une région quelconque est inopinément frappée par un sérieux fléchissement de l'emploi auquel l'économie privée et les cantons ne parviennent pas à remédier eux-mêmes, le Conseil fédéral est autorisé, à condition qu'une intervention immédiate de la Confédération s'impose, à entreprendre l'exécution de mesures de lutte contre le chômage en accordant son aide financière à cet effet.

2 Si le Conseil fédéral fait usage de cette faculté, il est tenu d'inviter aussi rapidement que possible l'Assemblée fédérale à établir, sous la forme d'une loi fédérale ou d'un arrêté fédéral de portée générale, les prescriptions régissant les mesures dont il a entrepris l'exécution.

3 En tant que l'Assemblée fédérale refuse de sanctionner les mesures proposées par le Conseil fédéral, les arrêtés qu'il a rendus cessent d'avoir effet dès que les deux conseils se sont prononcés d'un commun accord.

4 En tant que l'Assemblée fédérale établit, sous la forme d'une loi fédérale ou d'un arrêté fédéral de portée générale, les prescriptions régissant les mesures proposées par le Conseil fédéral, les arrêtés qu'il a rendus cessent d'avoir effet dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale ou de l'arrêté fédéral de portée générale.

5 De toute façon, les arrêtés du Conseil fédéral ne restent en vigueur qu'une année au plus.

V. ORGANISATION

Art. 13 Le délégué aux possibilités de travail 1 Le Conseil fédéral nomme un délégué aux possibilités de travail qui est chargé de pourvoir à l'accomplissement des tâches dévolues à la Confédération dans le domaine de la lutte contre les crises et de la création de possibilités de travail, d'examiner de façon continue tous les moyens

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propres à prévenir les crises et de coordonner les mesures qu'appellent les circonstances.

2 Le délégué et son personnel relèvent du département fédéral de l'économie publique.

Art. 14 Commission des possibilités de travail Le Conseil fédéral nomme une commission des possibilités de travail formée de représentants de la Confédération, des cantons et des communes, des milieux scientifiques, ainsi que des employeurs et des travailleurs. Les questions fondamentales seront soumises à cette commission.

VI. EXÉCUTION ET ENTRÉE EN VIGUEUR

Art. 15 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution de la présente loi. Il édictera les dispositions nécessaires à cet effet.

2 La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1955.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail (Du 9 avril 1954)

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