493

# S T #

Feuille Fédérale

Berne, le 18 février 1972

124e année

Volume I

N°7 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 44 francs par an: 26 francs pour six mois: étranger: 58 francs par an, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

# S T #

11084

Message du Conseil fédéral à l'Assemblèe fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire (Du 26 janvier 1972) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre avec le présent message un projet d'arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire.

I. La situation initiale L'essor économique du pays, le bien-être du peuple, l'augmentation de la population et d'autres causes ont provoqué, depuis la Seconde Guerre mondiale et notamment ces dernières années, un fort accroissement de la construction.

Le terrain disponible pour la construction et à d'autres fins devient toujours plus rare. La nécessité de l'utiliser économiquement et de planifier son utilisation en tenant compte des prévisions est connue de tous et imperative.

L'aménagement du territoire n'a pas suivi partout le développement effectif de la situation. Certains cantons disposent de lois modernes et efficaces sur les constructions et sur l'aménagement du territoire et les appliquent avec les connaissances et le soin nécessaires. Dans d'autres cantons, le droit de l'aménagement comme tel ou son application laisse à désirer.

La Confédération est en retard avec sa propre législation parce qu'une base constitutionnelle suffisante a longtemps manqué et à cause des difficultés qu'il a fallu surmonter lors de sa création. Elle fait tous les efforts possibles pour combler ce retard. Le Département de justice et police a entrepris les travaux préparatoires en vue de la législation d'exécution déjà avant l'adoption des articles constitutionnels par le peuple et les cantons dans la votation populaire du 14 septembre 1969. Le 27 octobre 1971, une commission d'experts instituée le 19 mars 1970 par ce département et placée sous la direction énergique du Feuille fédérale. 124e année. Vol. I.

33

494

professeur Léo Schürmann, conseiller national, à mis au net le projet de loi sur l'aménagement du territoire qu'elle avait élaboré. Un rapport final explicatif sera livré sous peu. Nous nous prononcerons sans retard sur le projet.

Déjà avant l'institution de la commission d'experts Schürmann, un groupe de travail du Département de l'économie publique, présidé par M. Kurt Kim, ancien conseiller d'Etat, s'efforçait d'éclaircir les questions fondamentales de l'aménagement du territoire et notamment d'acquérir des connaissances quant aux buts de l'aménagement du territoire et aux moyens disponibles pour les atteindre. Il élabora des principes matériels de planification et des propositions pour une organisation adéquate de la planification. Le résultat de ses travaux fut consigné dans un rapport détaillé publié à la fin de 1970.

Il faut enfin mentionner l'étude d'une conception directrice entreprise par l'Institut d'aménagement du territoire de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, qui influença les travaux du groupe Kim comme ceux de la commission d'experts Schurmann.

u. La nécessité de prendre des mesures urgentes Même s'il est mené rondement, l'examen du projet de loi sur l'aménagement du territoire par le Parlement prendra un certain temps. Et nous devrons encore édicter les dispositions d'exécution nécessaires avant de pouvoir mettre la loi en vigueur. La clôture des travaux législatifs de la Confédération ne créera pas immédiatement l'aménagement du territoire auquel on aspire. Les cantons devront concrétiser par leurs propres prescriptions les dispositions fédérales à observer de façon générale et établir les plans nécessaires en se fondant tant sur le droit fédéral que sur le droit cantonal. La Confédération devra accorder aux cantons des délais de plusieurs années pour remplir leurs obligations.

De nombreux signes montrent qu'entretemps l'activité de la construction ne se maintiendra pas seulement au rythme actuel, mais qu'elle s'accélérera encore. Maints propriétaires fonciers voudront ériger les constructions prévues tant que cela est juridiquement encore possible. La spéculation peut se renforcer et s'étendre à des régions épargnées jusqu'à présent.

C'est en termes remarquables que la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage nous a fait part de son grand
souci de voir des sites uniques par leur beauté et leur caractère détruits en quelques années si l'évolution actuelle persiste. Mais il faut aussi protéger d'une construction incontrôlée des régions qui ne comptent pas parmi les beautés naturelles caractéristiques, mais qui servent à. la détente. Les zones de détente proches ou plus lointaines des grandes agglomérations doivent être particulièrement protégées.

Enfin, on peut craindre que la construction ne s'empare dans une mesure accrue de régions qui devraient être maintenues libres en raison du danger qu'y représentent les forces naturelles.

On pourrait se demander si la nouvelle loi sur la protection des eaux n'offre pas une protection suffisante contre des constructions indésirables.

495 Selon son article 20, un permis ne peut être délivré pour la construction de bâtiments et d'installations hors du périmètre du plan directeur des égouts que dans la mesure où le requérant peut démontrer objectivement l'existence d'un besoin. Cette disposition vise les buts de la protection des eaux, mais s'oppose dans une large mesure à la construction en ordre dispersé qui est indésirable du point de vue dé l'aménagement du territoire; elle est donc utile dans une 'certaine mesure à la protection du paysage, au maintien de zones de détente et permet d'empêcher de construire dans des régions menacées par les forces naturelles. Mais il n'y a aucune garantie que les mesures prises en vertu de la loi sur la protection des eaux sauvegarderont suffisamment ces intérêts. L'article 17 prescrit que les plans directeurs d'égouts doivent tenir compte de l'évolution prévisible de la construction; conformément à l'article 19, le périmètre du plan directeur des égouts doit correspondre à la zone de construction. Ainsi les mesures visant à l'élimination des eaux usées doivent être adaptées à une construction ordonnée, sans qu'elles puissent influencer l'aménagement du territoire. Mais il faut contrôler l'activité de la construction comme telle, indépendamment de considérations et de mesures de protection des eaux. Le cas échéant, il faut empêcher d'élever certaines constructions à l'intérieur du périmètre du plan directeur des égouts pour des motifs tenant à la protection du paysage, au maintien de zones de détente ou pour d'autres motifs d'aménagement du territoire; il faudrait surtout veiller à ce qu'aucun nouveau plan directeur des égouts ne soit établi pour des régions où la construction doit être restreinte pour des motifs d'aménagement du territoire. Ces buts dépassent les moyens de la législation sur la protection des eaux. Des mesures d'aménagement du territoire sont indispensables malgré une entrée en vigueur prochaine de la nouvelle loi sur la protection des eaux contre la pollution.

Les dangers de la période transitoire jusqu'à es que la loi sur l'aménagement du territoire produise ses effets rendent des mesures urgentes nécessaires.

Aussi, après avoir consulté un groupe restreint de sa commission d'experts, le Département de justice et police a préparé l'avant-projet ci-après d'arrêté fédéral
urgent et, avec notre autorisation, a ouvert la procédure de consultation le 9 novembre 1971.

Arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 22««<"er de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du

1972,

arrête: Article premier Zones maintenues libres à titre provisoire 1 Les cantons désigneront sans retard, mais au plus tard jusqu'à fin 1972, les zones qui, dans un aménagement à long terme du territoire, ne seront vraisemblablement pas affectées à la colonisation et dont la colonisation et la construction doivent provi-

496 soirement être restreintes ou empêchées en vue de préserver des intérêts publics, notamment ceux exigeant le maintien de zones de détente et de protection (zones maintenues libres à titre provisoire).

2 Les gouvernements cantonaux pourront prendre au besoin des décisions provisionnelles de durée limitée.

Art. 2 Critères 1 Seront notamment déclarés zones maintenues libres à titre provisoire : a. Des-zones de détente continues; b. Des rives de rivières et de lacs, des paysages de montagne et d'autres régions uniques par leur beauté et leur caractère; c. L'aspect des localités, des lieux historiques, ainsi que des monuments naturels et culturels d'importance nationale.

2 II y aura lieu de tenir compte des plans particuliers de la Confédération et des intérêts des autres cantons et des régions frontalières de l'étranger en matière d'aménagement du territoire.

Art. 3 Compétences du Conseil fédéral Les plans des zones maintenues libres à titre provisoire seront portés à la connaissance du Conseil fédéral. 11 pourra exiger la modification de ces plans lorsqu'ils ne seront pas conformes aux exigences du présent arrêté ou du droit fédéral en général.

Art. 4 Effets juridiques 1 Seules les constructions agricoles et forestières et celles qui sont liées à la région pourront être autorisées dans les zones maintenues libres à titre provisoire. Les autres autorisations devront être approuvées par le Département fédéral de justice et police.

a La législation fédérale spéciale est réservée.

Art.5 Délégué pour les questions de l'aménagement du territoire Un délégué du Conseil fédéral pour les questions de l'aménagement du territoire devra préparer-et exécuter les tâches incombant à la Confédération en vertu du présent arrêté et assurer la collaboration des cantons entre eux.

Art. 6 Protection Juridique 1 Les plans prévoiront une procédure de dépôt des plans, d'opposition et de recours.

2 La protection juridique à rencontre des décisions rendues en dernière instance cantonale est réglée selon les dispositions générales sur la justice administrative fédérale, 3 Ont qualité pour recourir au Tribunal fédéral, au Conseil fédéral ou aux autorités cantonales de recours: a. Quiconque est touché par la décision et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée; b. Le Département fédéral de justice et police; c. Les autorités cantonales et communales compétentes ; d. Les associations d'importance nationale qui se vouent de façon prépondérante à des tâches d'aménagement du territoire.

497

Le droit cantonal pourra encore prévoir pour son domaine d'autres cas de qualité pour recourir.

Art. 7 Dispositions finales 1

Le présent arrêté est de portée générale; il est déclaré urgent conformément à l'article 89Ms, 1er alinéa, de la constitution. H entre en vigueur le 1972 et a effet jusqu'au 31 décembre 1975. Le référendum facultatif selon l'article 89M*, 2e alinéa, de la constitution, est réservé.

2 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution ; il édicté les dispositions d'exécution nécessaires, · .

Nous considérons que des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire sont nécessaires. Mais nous ne sommes pas convaincus que de telles mesures suffiront à elles seules. On examine actuellement s'il ne faudrait pas rendre plus strictes les dispositions sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger. Il faudra aussi mettre la loi .sur la protection des eaux en vigueur dès que possible; elle restreint fortement la construction.

IQ. Résultats de la procédure de consultation La nécessité de prendre un arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire est reconnue dans presque toutes les réponses. L'arrêté proposé est accueilli d'une façon particulièrement favorable par les organisations se vouant à l'aménagement du territoire et a la protection de la nature et du paysage. Les avis des cantons tant du Plateau que des régions de montagne sont aussi en grande majorité positifs. Il en va de même des avis des partis politiques.

Il y a divergence d'opinion sur la question de savoir si l'arrêté doit être applicable à tous les cantons ou seulement à ceux qui ont un aménagement du territoire insuffisant. Divers cantons, notamment parmi ceux du Plateau, signalent qu'ils possèdent des lois modernes en matière de constructions et d'aménagement du territoire qui sont déjà en vigueur ou dont les travaux préparatoires se trouvent à un stade avancé. Quelques-uns demandent à ne pas être soumis au futur arrêté fédéral. Mais la majorité semble partir de l'idée que l'arrêté devra être applicable à tous, au besoin avec les différenciations nécessaires.

Pour le cas où ils seraient soumis à l'arrêté fédéral, divers cantons demandent que le nouveau droit fédéral tienne compte du degré de développement de leur propre aménagement du territoire. Le nouveau droit devrait être conçu de telle façon que leur propre aménagement ne subisse pas un contre-coup ni ne soit gêné dans son développement. C'est notamment l'organisation de la protection juridique, telle qu'elle est envisagée dans l'avant-projet, qui cause des soucis; divers cantons y voient un obstacle à leurs efforts futurs ou craignent

498

même une mise en danger des zones protégées qu'ils ont déjà désignées. Ils désirent que figure dans l'arrêté fédéral une disposition réservant expressément le droit cantonal d'aménagement du territoire plus strict.

Quant à la mesure des obligations imposées aux cantons, quelques réponses attirent l'attention sur des imprécisions. La question est controversée de savoir si l'aménagement proposé doit servir uniquement les intérêts de la protection de la nature et du paysage et du maintien de zones de détente ou encore d'autres intérêts publics. Alors que la majorité des réponses se prononcent en faveur d'une limitation, d'autres approuvent un élargissement. Les auteurs de quelques réponses voudraient créer une obligation des cantons de délimiter les zones d'occupation du territoire restant et ne permettre des constructions que dans la zone dont l'occupation est prévue. D'autres se prononcent en faveur d'une extension moins grande, en ce sens que la future zone agricole devrait aussi être protégée. Quelques organisations estiment indiqué de tenir aussi compte, à côté de la protection de la nature et du paysage, de l'intérêt à une limitation de la construction dans les régions mises en danger par les forces naturelles.

Selon plusieurs réponses, il manque une réglementation de l'état de fait constituant l'expropriation matérielle. Elles demandent si une telle réglementation entre en considération malgré le caractère provisoire des mesures proposées et qui devra payer une indemnité éventuelle.

Quant à l'exécution de l'arrêté fédéral, on doute parfois que le délai fin 1972 soit suffisant pour permettre aux cantons d'exécuter les tâches que leur impose le droit fédéral. Ces doutes sont fondés en partie sur l'idée que les prescriptions cantonales nécessaires doivent être édictées par la voie législative ordinaire et que les zones à protéger en vertu de ces dispositions doivent, être fixées avant la fin de ce délai non seulement en première instance, mais que ces décisions doivent être entrées en force. En raison de la brièveté du délai, plusieurs cantons demandent à être autorisés à édicter les dispositions nécessaires sous forme d'ordonnance du gouvernement. En outre, ils suggèrent que seule la mise des plans à l'enquête publique soit exigée pendant ce délai, que les plans mis à l'enquête publique
produisent déjà leurs effets juridiques sur les zones protégées et que des recours éventuels n'aient pas d'effet suspensif.

Plusieurs cantons estiment qu'il est nécessaire que nous soyons tenus d'intervenir si des cantons laissent passer le terme et que nous désignions au besoin les zones protégées à leur place.

Quelques rares exceptions mises à part, la constitutionnalité d'un arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire n'est pas contestée. Toutefois, quelques réponses émettent des doutes quant à la constitutionnalité de certaines dispositions. C'est ainsi que certaines se demandent en particulier si la Confédération, au lieu d'établir des principes, n'est pas en train de faire elle-même de l'aménagement du territoire et d'empiéter sur les attributions des cantons lorsqu'elle prescrit d'une manière aussi

499

détaillée selon quels critères les zones à maintenir libres doivent être déterminées. Des objections sont également élevées contre la disposition du projet qui prévoit que certaines constructions ne peuvent être autorisées qu'avec l'assentiment de la Confédération; on y voit une violation de la souveraineté des cantons en matière de police.

Nous avons examiné très attentivement ces objections et d'autres encore et repris plusieurs suggestions précieuses. Le résultat de cet examen est concrétisé dans un projet qui diverge du premier sur des points essentiels.

IV. Les problèmes soulevés par le projet d'arrêté Nous ne prétendons nullement que le projet d'arrêté fédéral ne soulèverait aucun problème. De nombreuses questions se posent et quelques-unes sont particulièrement délicates.

1. Aménagement du territoire et propriété foncière

Tout aménagement du territoire par l'Etat doit empiéter sur la propriété foncière et sur d'autres droits privés. L'intérêt à un aménagement efficace entre en collision avec celui que présente le maintien aussi large que possible du droit de disposition du propriétaire. Les deux intérêts sont dignes de protection.

L'exiguïté du sol disponible réclame une réglementation qui garantisse son utilisation judicieuse. Mais, d'autre part, la garantie de la propriété foncière privée est un des piliers de notre Etat libéral.

Il est particulièrement difficile, en matière d'aménagement du territoire, de faire la part entre l'ordre et la liberté. Il faut peser les deux points de vue en partant d'une appréciation minutieuse. Nous pensons que la bonne solution se trouve à peu près au milieu entre une conception libérale à l'extrême et une conception étatique à l'extrême. Le principe de la proportionnalité vaut aussi ici. La liberté de la propriété foncière ne doit pas être restreinte plus qu'il n'est nécessaire. Mais, d'autre part, toutes les restrictions indispensables doivent être possibles.

2. La limitation à des domaines partiels de l'aménagement

La nécessité d'agir vite oblige à se concentrer sur l'essentiel. D'emblée, il est exclu de résoudre dans un arrêté fédéral urgent toutes les questions qui seront réglées dans une future loi sur l'aménagement du territoire et d'ouvrir ainsi la porte à un aménagement général et accéléré du territoire. L'arrêté doit se contenter d'un aménagement partiel qui sera lui-même limité.

Nous dûmes abandonner notre idée primitive d'insérer dans l'arrêté les dispositions prévues dans le projet de la commission Schürmann au sujet des plans directeurs partiels d'occupation du territoire et d'obliger ainsi les cantons à délimiter les zones d'occupation du territoire d'avec celles qui ne doivent pas

500

être occupées par des construction; en effet, cela serait irréalisable dans le peu de temps à disposition. Le présent projet se limite à obliger les cantons à désigner les territoires qui, pour des motifs importants d'intérêt public, ne doivent provisoirement pas être occupés ou ne doivent l'être que dans une mesure restreinte.

Mais c'est précisément cette limitation qui pose des problèmes. Un aménagement partiel anticipé a le désavantage qu'il ne peut pas être accordé avec les autres aménagements partiels qui ne pourront.être réalisés que plus tard.

Tous les aménagements partiels devraient cependant être en harmonie et s'intégrer sans contradiction dans un aménagement général ultérieur.

Ces difficultés ne sont pas déterminantes. Les aménagements partiels ont un caractère provisoire et ils pourront plus tard être corrigés dans une large mesure. C'est en particulier le cas lorsque les dispositions prévues dans le présent arrêté se maintiennent dans le cadre du projet de future loi sur l'aménagement du territoire.

3. Prise en considération des diversités cantonales ; Les diversités du développement des droits cantonaux d'aménagement du territoire causent des difficultés particulières lors de l'élaboration du présent arrêté fédéral. Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, il y a des cantons qui possèdent d'excellentes lois d'aménagement du territoire et qui les appliquent correctement. D'autres ne disposent pas des bases légales pour organiser un aménagement du territoire convenable ou n'utilisent pas suffisamment les possibilités dont ils disposent. Certains cantons peuvent combler facilement leur retard, d'autres ne le peuvent que plus difficilement.

Le droit fédéral en matière d'aménagement du territoire doit s'en tenir au principe de l'égalité de traitement. Ce principe permet de traiter différemment les divers cantons, dans la mesure où une telle différence de traitement apparaît justifiée par des situations différentes. Toutefois, des motifs d'ordre politique et psychologique commandent une organisation largement unifiée du droit fédéral. Il n'est pas facile, d'une part, d'encourager, au moyen de l'arrêté fédéral proposé, l'aménagement retardé du territoire de certains cantons juste assez pour que cela ne soit pas exagéré, sans que cela constitue d'autre part une rétrogradation pour les
cantons pourvus d'un aménagement du territoire progressiste et sans que cela les gêne dans leurs efforts vers d'autres progrès.

La Confédération doit aussi éviter d'obliger des cantons progressistes à prendre des mesures qui n'auraient aucun rapport raisonnable avec le but à atteindre ou qui seraient même superfétatoires. Bien que des dispositions uniformes soient souhaitables, la Confédération ne pourra pas renoncer à certaines différenciations.

V. Les caractéristiques du projet d'arrêté Le projet vise à influencer provisoirement le développement de l'occupation de régions déterminées où la construction incontrôlée serait contraire à des intérêts publics spéciaux.

501

Ce but doit être atteint, d'une part en obligeant les cantons à déclarer zones protégées des territoires choisis et délimités selon des critères déterminés et, d'autre part, en obligeant les autorités cantonales et communales compétentes en matière de police des constructions à n'autoriser dans ces zones que des constructions déterminées qui soient en harmonie avec le but de leur protection.

Deux procédures différentes sont envisagées pour garantir l'accomplissement correct de ces obligations : En premier lieu, une procédure d'approbation qui doit permettre à la Confédération de contrôler au sens de l'article 102, 1er alinéa, chiffre 2, de la constitution, la concordance des plans cantonaux avec le droit fédéral et, en second lieu, une procédure de recours qui doit accorder aux personnes qui ont des droits sur les terrains inclus dans ces zones, la protection nécessaire contre des restrictions illicites de leurs intérêts.

La procédure d'approbation s'étend aussi aux zones protégées que les cantons ont désignées antérieurement en application du droit cantonal et doit permettre d'examiner si ces aménagements répondent aux exigences du présent arrêté. On pourra renoncer à la procédure de recours lorsque les zones protégées ont déjà été désignées antérieurement par des décisions entrées en force; dans ces cas-là, en effet, le droit fédéral n'impose aucune nouvelle charge aux propriétaires. De cette façon et en réservant le droit cantonal plus strict, l'arrêté fédéral tient compte des différences de développement du droit cantonal en matière d'aménagement du territoire.

Pour des motifs de droit constitutionnel, le projet ne contient aucune disposition qui exclurait l'expropriation matérielle. Malgré le caractère provisoire de l'arrêté, il peut arriver dans de rares cas que l'inclusion d'une parcelle frappe son propriétaire si durement qu'il doive en être indemnisé, comme cela arrive exceptionnellement lorsqu'une parcelle est incluse dans une zone réservée en vertru de la loi sur les routes nationales. Contrairement à la future loi sur l'aménagement du territoire, le présent arrêté ne dira pas quand il y aura expropriation matérielle; il laissera ce soin à la jurisprudence.

Un délégué à l'aménagement du territoire sera chargé d'exécuter les tâches qui incombent à la Confédération; il aura une commission
consultative à sa disposition. Les cantons disposeront d'un délai fin février 1973 pour désigner les zones protégées. Afin de leur permettre d'observer ce délai, ils sont d'une part autorisés à édicter les dispositions nécessaires par voie d'ordonnances gouvernementales; d'autre part, l'arrêté dispose que les zones protégées déploient leurs effets juridiques dès la mise à l'enquête publique et que le délai est considéré comme observé si les plans sont mis à l'enquête publique avant qu'il ne soit échu. Le projet d'arrêté contient une disposition selon laquelle seuls ont effet suspensif les recours auxquels l'autorité de recours a accordé cet effet par une décision spéciale; cela permet d'éviter dans la mesure du possible que les effets juridiques des plans mis à l'enquête publique ne soient interrompus par le dépôt d'un recours.

502

Contrairement à plusieurs suggestions, le projet ne contient aucune disposition permettant à une autorité fédérale d'agir en lieu et place d'un canton qui ne désignerait pas à temps ses zones protégées. Nous partons de l'idée que les cantons rempliront leurs obligations de droit fédéral et qu'il n'y a pas motif à méfiance. Une autorisation particulière paraît superflue aussi du fait que l'article 102, 1er alinéa, chiffre 2, de la constitution nous autorise et nous oblige à «veiller à l'observation de la constitution, des lois et arrêtés de la Confédération . . . » et à prendre les décisions nécessaires de notre propre chef ou sur plainte. Ce droit constitutionnel de surveillance contient aussi la compétence d'agir au besoin en lieu et place d'un canton défaillant.

Vï. Les diverses dispositions Article premier Contrairement au projet soumis à la procédure de consultation, qui parlait d'une façon générale de la sauvegarde des intérêts publics, le projet ci-joint limite le mandat des cantons à la protection d'intérêts publics déterminés. La protection du paysage, qui doit être comprise dans un sens large, est au premier plan. Le paysage ne doit pas être protégé uniquement pour lui-même dans l'intérêt du maintien de beautés naturelles. Cette disposition entend rendre possible, dans l'intérêt de la protection du patrimoine national, la protection, des régions où la construction incontrôlée serait à même de porter atteinte à un aspect d'une localité, à un site historique ou à un monument naturel ou culturel. Mais il faut pouvoir aussi protéger des régions qui ne sont pas l'objet de la protection de la nature et du paysage, lorsqu'elles doivent être maintenues libres pour permettre à la population de se détendre. Enfin, il faut pouvoir englober dans les zones protégées des territoires qui ne doivent pas être occupés en raison des dangers que les forces naturelles y créent pour l'homme. Nous pensons en premier lieu aux endroits menacés par les avalanches.

Comme la construction ne doit pas être complètement exclue dans ces régions, mais simplement restreinte, le nouveau projet, contrairement à l'ancien, ne parle plus de zones maintenues libres mais de zones protégées.

Article 2 Cette disposition indique les critères d'après lesquels les zones protégées doivent être désignées. Le 1er alinéa énumère de
façon exhaustive ce qui doit être inclus dans une zone protégée. Il va de soi que les cantons peuvent inclure d'autres régions dans les zones protégées. Le 2e alinéa attire expressément leur attention sur cette possibilité, car ce n'est pas sans raison que la crainte a été exprimée dans la procédure de consultation que la désignation des zones protégées, ne pousse la spéculation à se porter sur d'autres régions.

Pour éviter des travaux inutiles, le 3e alinéa libère les cantons de l'obligation de désigner les zones protégées dans la mesure où les dispositions

503

sur la protection des eaux permettent d'atteindre les buts visés par le présent arrêté. C'est dans la procédure d'approbation selon l'article 6 qu'il sera décidé si tel est le cas.

Au 4e alinéa, l'obligation des cantons, prévue dans le projet primitif, de tenir compte des plans établis par la Confédération, a été atténuée en une.

obligation de coordination. Cela signifie que les cantons ne doivent pas adapter dans tous les cas leurs plans à ceux de la Confédération, mais que la Confédération doit aussi tenir compte des plans cantonaux. Il ne serait somme toute juridiquement pas nécessaire de le dire, car cela découle de l'article 22<'uater, 3e alinéa, de la constitution.

Article 3 L'article 3 prévoit la possibilité de déclarer zones protégées au sens du présent arrêté celles qui l'ont déjà été sur la base du droit cantonal, lorsqu'elles répondent aux exigences du droit fédéral. C'est au cours de la procédure visée à l'article 6 qu'on examinera si tel est le cas.

Article 4 Cette disposition n'est pas une norme imposant des obligations aux particuliers ; aussi n'est-il pas nécessaire de la renforcer par une sanction pénale de droit fédéra). C'est une norme attributive de compétence, une instruction de service, qui fonde une tâche des autorités compétentes en matière de police des constructions et en fixe les détails. Ces autorités ne doivent pas délivrer d'autorisations de construire pour certaines catégories de constructions. Si un particulier construit sans autorisation, il viole le droit cantonal de police des constructions et doit subir la sanction prévue par ce droit. La disposition suppose que tous les cantons connaissent une procédure d'autorisation de construire.

Si tel n'était pas le cas, elle devrait être introduire par les dispositions d'exécution du présent arrêté.

Le 1er alinéa contient une disposition valable pour toutes les zones protégées selon laquelle aucune construction ni installation qui serait contraire au but visé par la zone protégée ne peut y être autorisée. C'est ainsi, par exemple, qu'on autorisera peut-être dans les zones d'avalanches la construction d'étables pour l'été et de fenils, mais non de maisons d'habitation. Dans les zones de détente, l'autorité pourra autoriser dès installations de sport et, exceptionnellement, la construction de maisons d'hébergement ;
mais la pratique suivie en matière d'autorisations devra être telle qu'elle garantisse la protection du paysage et qu'elle ne porte pas préjudice au but de la zone, qui est la détente.

Le 2e alinéa contient une disposition spéciale pour les zones protégées en vue de sauvegarder la beauté du paysage: seules peuvent y être autorisées des constructions agricoles et forestières et celles qui sont liées à la région, et encore à la condition qu'elles ne déparent pas le paysage. Comme la situation ne peut pas être embrassée entièrement d'un seul coup d'oeil, le projet primitif

504

entendait donner aux cantons la possibilité d'accorder encore d'autres autorisations avec l'accord de la Confédération. Plusieurs cantons ont vu dans cette disposition une restriction inconstitutionnelle de leur souveraineté en matière de police. Nous ne partageons pas ces scrupules. En vertu de notre compétence d'édicter des dispositions générales en matière d'aménagement du territoire, nous pourrions exclure de telles autorisations simplement en ne les mentionnant pas à l'article 4, 2e alinéa; si nous sommes compétents pour intervenir aussi profondément, nous le sommes aussi pour intervenir moins profondément en admettant des autorisations sous réserve de notre approbation. Malgré cela le nouveau projet prévoit un adoucissement en ce sens que les cantons ne doivent requérir que l'avis de la Confédération; toutefois nous devons nous réserver de prendre des dispositions en vertu de notre droit de surveillance au sens de l'article 102, 1er alinéa, chiffre 2, de la constitution.

Le 3e alinéa réserve la législation fédérale spéciale. Les constructions que la Confédération doit élever en exécution de ses tâches doivent pouvoir être soustraites aux restrictions de l'article 4 pour des motifs d'intérêt public qui peuvent prévaloir (p. ex. certaines constructions militaires).

Articles L'arrêté fédéral attribue des tâches non seulement aux cantons, mais aussi à la Confédération. Pour les remplir, il faut créer les organes nécessaires. Un délégué du Conseil fédéral devra conseiller les cantons lors de la désignation des zones protégées. Il devra veiller à ce que les critères mentionnés à l'article 2 soient observés. II examinera les plans soumis au département compétent et proposera au besoin les mesures découlant de notre obligation de surveillance au sens de l'article 102,1er .alinéa, chiffre 2, de la constitution. Conformément à l'article 103 de la constitution, le délégué devra être subordonné à un département. La question du département entrant en ligne de compte est encore indécise. Elle pourra être résolue dans l'ordonnance d'exécution.

Une commission consultative sera adjointe au délégué; les diverses régions du pays, notamment les cantons montagneux, devront y être représentées équitablement. Bien entendu, des représentants d'organisations se vouant à l'aménagement du territoire seront aussi
appelés à collaborer.

Article 6 Les cantons sont tenus de porter les plans de leurs zones protégées à titre provisoire à la connaissance du département fédéral compétent. Cela doit permettre à la Confédération d'exercer sa tâche constitutionnelle de surveillance.

L'examen doit se limiter à la concordance des plans avec le droit fédéral, notamment avec les principes d'aménagement du territoire énoncés dans le présent arrêté. Dans la mesure où ces principes obligent à atteindre des buts déterminés, nous avons le droit et l'obligation d'examiner si les mesures envisagées par les cantons sont suffisantes. Mais comme l'aménagement du territoire est en premier lieu l'affaire des cantons, un examen plus approfondi de l'opportunité est illégal.

505

Le résultat de l'examen sera communiqué aux cantons sous forme de décision d'approbation. Si aucune objection n'est soulevée, les plans seront mis tels quels à l'enquête publique prévue à l'article 7, sinon ils devront auparavant être modifiés dans le sens demandé. L'examen sera en principe l'affaire du département fédéral compétent, sous réserve des décisions de modification qu'il nous appartient de prendre. Ainsi, les cantons qui désirent exclure l'examen par un tribunal administratif ont la possibilité de charger de leur côté un département de fixer les plans et de prévoir un droit de recours au gouvernement cantonal.

Article 7 Cette disposition veut accorder aux particuliers une protection suffisante de leurs intérêts sans rendre trop difficiles les tâches d'intérêt public des autorités d'aménagement du territoire.

Si une bonne protection juridique est nécessaire quelque part, c'est bien dans le domaine de l'aménagement du territoire. Les mesures d'aménagement peuvent porter de graves préjudices à des intérêts privés importants. C'est le cas pour l'inclusion d'un immeuble dans une zone protégée, même lorsqu'elle n'est fixée que provisoirement. Il faut observer de la retenue lorsqu'il s'agit de décider s'il y a expropriation matérielle, quand on ne veut pas que l'aménagement du territoire constitue une charge financière insupportable pour la communauté.

Un propriétaire foncier ne pourra compter sur une indemnité en raison de l'inclusion d'une parcelle dans une zone protégée à titre provisoire que dans de rares cas exceptionnels. Il est d'autant plus important que les limites des zones protégées soient fixées correctement et que le propriétaire ait la possibilité de se défendre efficacement contre des décisions erronées des offices d'aménagement du territoire.

Une possibilité de recours à une autorité cantonale est nécessaire tant dans l'intérêt du propriétaire que pour décharger les autorités fédérales de recours.

Des décisions objectivement correctes en matière d'aménagement du territoire, qui tiennent compte des intérêts du propriétaire, supposent la connaissance de la situation et notamment la connaissance approfondie des circonstances locales. Ce serait trop exiger des autorités fédérales de recours si le propriétaire touché pouvait s'adresser directement à elles en raison de l'établissement
d'une zone protégée à titre provisoire, sans épuiser les instances cantonales de recours. Les autorités fédérales de recours devraient compter avec un grand nombre de recours et la détermination de l'état de fait dans les cas d'espèce exigerait de longues enquêtes. En intercalant une autorité cantonale de recours, on facilite doublement la tâche des autorités fédérales de recours : d'une part, on réduit le nombre des cas qui leur sont déférés et, d'autre part, on facilite de façon décisive la fixation et le jugement des faits par l'autorité fédérale de recours, lorsque celle-ci peut se fonder, pour son propre examen, sur les développements de fait d'une autorité inférieure connaissant la matière et les lieux.

L'octroi d'un droit de recours n'a de sens que si l'arrêté met le particulier en mesure de motiver son recours en connaissance de cause. Une motivation

506

correcte suppose une information suffisante. Il ne suffit pas d'informer le propriétaire que son fonds a été inclus pour des motifs déterminés dans une zone protégée à titre provisoire. Il doit aussi savoir comment d'autres cas analogues ont été traités. Une information suffisante n'est garantie qu'en cas de mise à l'enquête publique des plans directeurs. Aussi le projet prévoit-il l'obligation pour les cantons de mettre les plans à l'enquête publique.

Les cantons désignent l'autorité cantonale compétente pour trancher les recours. Ils devront décider si le tribunal administratif cantonal est l'autorité qualifiée pour trancher des recours en matière d'aménagement du territoire.

Dans le domaine du droit fédéral, les décisions relatives à des plans, sous réserve de cas exceptionnels, ne peuvent être attaquées que par la voie du recours administratif et non par celle du. recours de droit administratif (art. 99, let. c, OJ). Les cantons peuvent instituer le gouvernement comme autorité de recours si, dans leurs dispositions d'exécution, ils chargent un département de fixer les zones protégées provisoires.

On peut prendre la responsabilité de libérer les cantons qui déclarent zones protégées selon le droit fédéral de telles zones déjà entrées en force en vertu du droit cantonal, de l'obligation de mettre les plans à l'enquête publique et de prévoir une procédure de recours, à la condition que la zone protégée selon le droit fédéral ne constitue pas une atteinte plus grave aux droits des particuliers.

Dans ce cas, la situation juridique du propriétaire n'est pas aggravée; il n'est pas touché pai" la zone protégée à titre provisoire au sens du présent arrêté et on peut même se demander s'il a d'une façon générale, qualité pour recourir.

Par souci de clarté et pour éviter des discussions stériles, le 3e alinéa permet expressément aux cantons de renoncer dans de tels cas à la mise à l'enquête publique des plans et à accorder un droit de recours. Il peut être douteux, dans un cas donné, que les conditions de cette renonciation soient remplies et une décision peut être nécessaire. L'arrêté déclare compétent à cet effet le département fédéral chargé de l'aménagement du territoire.

Articles Pour ce qui est de la protection juridique en droit fédéral, l'article 8 renvoie aux dispositions générales sur la
justice administrative fédérale. Elles se trouvent dans la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, dans la teneur du 20 décembre 1968 (RO 1969 787), et dans la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (RO 1969 757). Le législateur ne devrait pas s'écarter sans motif impérieux de ces dispositions encore nouvelles qui règlent le droit de recours de façon étendue. De toute façon, la réglementation générale de la protection juridique est difficilement compréhensible pour le citoyen et elle serait encore plus compliquée et moins claire si des dispositions spéciales y dérogeaient. Contrairement à diverses propositions faites au cours de la procédure de consultation, il n'est pas non plus recommandable de décrire autrement, dans le présent arrêté, une réglementation matériellement identique:

507

D'une part, il apparaît impossible de régler une matière juridique compliquée en quelques simples phrases. D'autre part, en cas de rédaction divergente, on se demanderait si elle vise la même chose ou si on a voulu des modifications.

Conformément à la pratique législative dominante en d'autres domaines, il apparaît préférable de se contenter ici aussi d'un renvoi, bien que les renvois ne doivent pas être trop nombreux dans les actes législatifs.

Toutefois, sur un point, il est indispensable de déroger à la réglementation générale. Selon l'article 55 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative, les recours en matière d'aménagement du territoire, qu'il nous appartiendra généralement de trancher, auraient un effet suspensif. Si ces recours ne sont pas fondés, l'effet suspensif devrait être retiré par une décision spéciale dans chaque cas; Dans l'intérêt d'une efficacité rapide des zones protégées, l'effet suspensif doit rester ici l'exception. Aussi une disposition en vertu de laquelle les recours n'ont l'effet suspensif que si l'autorité de recours l'accorde, se justifie-t-elle.

Nous nous sommes demandé si la qualité pour recourir doit, conformément à la règle générale, être limitée aux personnes qui sont touchées par la décision attaquée et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée ou s'il se justifie - comme dans le projet de loi sur l'aménagement du territoire - de retendre au département fédéral compétent, aux autorités cantonales et communales compétentes et aux organisations d'importance nationale qui se vouent a l'aménagement du territoire. En raison du caractère provisoire des mesures fondées sur le présent arrêté, nous estimons qu'une telle extension n'est pas nécessaire ni indiquée. Elle augmenterait le nombre des recours et retarderait leur solution. Ces autorités et organisations auront toujours la possibilité, en cas d'atteinte grave à des intérêts publics importants résultant d'une fausse application du droit fédéral, de nous adresser une «dénonciation»; au besoin, nous interviendrons en vertu de notre droit de surveillance.

Article 9 Une des tâches les plus importantes du délégué à l'aménagement du territoire sera de conseiller les cantons, soit personnellement, soit par l'entremise de ses collaborateurs. Cela facilitera notamment
la tâche des cantons qui n'ont pas d'office de l'aménagement du territoire. Dans ces conditions, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire de prévoir une disposition permettant de subventionner les travaux des cantons. En raison de l'activité de la Confédération comme conseillère, les dépenses des cantons devraient rester dans des limites supportables.

Des dépenses importantes pourraient se produire dans les rares cas exceptionnels dans lesquels la création de zones protégées constituerait une expropriation matérielle malgré son caractère provisoire. Comme l'aménagement du territoire, la protection du paysage, le maintien de zones de détente et la protection assurée par la police des constructions contre les dangers des for-

508 ces naturelles sont en principe des tâches cantonales, une indemnité éventuelle pour cause d'expropriation matérielle serait due par le canton. Dans ce cas, une aide de la Confédération pourrait être nécessaire. C'est pourquoi l'article 9, 2e alinéa, autorise la Confédération à accorder des subventions pour ces indemnités.

Article 10 Cette disposition fixe aux cantons un délai fin février 1973 pour désigner les zones protégées à titre provisoire et précise que les plans doivent être mis à l'enquête publique jusqu'à ce moment-là.

Comme les plans doivent être mis à l'enquête publique avec les modifications que nous pourrions demander, la Confédération doit avoir l'occasion de les examiner avant cette date. Aussi la remise des plans au département compétent, prescrite à l'articie 6, doit-elle avoir lieu fin novembre 1972 au plus tard. Le même délai vaut pour les requêtes en reconnaissance d'aménagements existants et en libération de l'obligation de mettre les plans à l'enquête publique.

Le délai de trois mois pour l'examen des plans et des requêtes devrait suffire si le délégué se tient constamment au courant des travaux des cantons. Une étroite collaboration est indispensable dès le début.

Article H Cette disposition vise à éviter les difficultés qui pourraient résulter du principe de la force dérogatoire du droit fédéral. Le droit cantonal doit rester applicable quand il prévoit un aménagement du territoire plus poussé que le présent arrêté.

Article 12 Dans leurs observations, divers cantons signalent avec raison l'impossibilité d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires à temps par la voie législative ordinaire. C'est pourquoi l'arrêté autorise les cantons à les édicter .sous forme d'ordonnance gouvernementale. Les cantons devront faire usage de cette autorisation lorsque la voie législative ordinaire ne garantit pas le respect des délais.

Les gouvernements cantonaux ont en outre le droit de prendre des ordonnances provisionnelles. Cela pourrait être, par exemple, des instructions prescrivant aux autorités de la police des constructions de ne plus accorder d'autorisation pour certaines constructions dans des régions qui seront vraisemblablement déclarées zones protégées à titre provisoire. De telles décisions pourraient se révéler nécessaires si la tendance d'obtenir encore des
autorisations avant la fixation des zones protégées devait se faire jour et contrer ainsi les effets juridiques de l'article 4.

Article. 13 Les questions qui se posent lors de la fixation des zones protégées ne peuvent pas toutes être résolues à l'échelon législatif. H sera nécessaire que nous édictions une ordonnance d'exécution. Nous devrons en particulier désigner le

509 département auquel le délégué à l'aménagement du territoire sera subordonné.

Il faudra de même décrire plus en détails la procédure de communication et d'approbation prévue à l'article 6.

Article 14 Le présent arrêté contient des règles de droit au sens de l'article 5 de la loi du 5 mars 1962 sur la procédure de l'Assemblée fédérale, ainsi que sur la forme, la publication et l'entrée en vigueur des actes législatifs (loi sur les rapports entre les conseils; RO 1962 811). Aussi est-il de portée générale. Il doit être déclaré urgent en raison de la nécessité d'agir vite. Ainsi que nous l'exposerons ci-dessous, il est conforme à la constitution. Aussi est-il soumis au référendum facultatif et non au référendum obligatoire. Sa durée d'application doit être limitée, mais elle doit être relativement longue, car la loi sur l'aménagement du territoire ne produira pas tous ses effets dès son entrée en vigueur.

VIL La base constitutionnelle Dans son préambule, le projet mentionne l'article 22iuater de la constitution à titre de base constitutionnelle. Cette disposition autorise la Confédération à édicter par la voie législative des principes applicables aux plans d'aménagement. Les plans d'aménagement doivent être établis par les cantons; ils doivent assurer une utilisation judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire. La Confédération doit encourager et coordonner les efforts des cantons et collaborer avec eux.

La délimitation entre les principes applicables aux plans d'aménagement que la Confédération doit édicter et l'établissement des plans qui ressortit aux cantons, cause quelques difficultés. En édictant les principes, la Confédération pose des limites à l'établissement des plans par les cantons. La planification consiste à fixer certains buts, ainsi qu'à déterminer les moyens appropriés et adéquats pour les atteindre. Des décisions quant aux buts et aux moyens sont prises aussi bien lors du choix des principes que de l'établissement des plans.

La constitution confère à la Confédération des attributions législatives.

L'application des normes est en principe l'affaire des cantons. Sont réservées les mesures fédérales d'encouragement et de coordination, notre obligation de surveiller l'application du droit fédéral selon l'article 102,1er alinéa, chiffre 2, de la constitution et les décisions des autorités fédérales de recours.

Les attributions législatives fédérales ne sont pas exclusives, mais concurrentes. La Confédération peut édicter la législation de principe:
elle doit édicter les normes les plus générales, les principes de base. A côté de cela, la constitution prévoit une compétence législative des cantons : il leur appartient d'édicter des normes plus concrètes, plus détaillées.

La différence entre des dispositions plus générales et d'autres plus concrètes est relative et ne permet pas de les délimiter facilement. La volonté du constituant est que la Confédération laisse un large champ d'action aux cantons, Faillit fédérale, 124° année. Vol. I.

34

510

II est incontestable que le législateur fédéral peut obliger les cantons, dans les limites de ses attributions législatives en matière de plans d'aménagement, à créer une réglementation sur les zones d'utilisation du sol. Ces attributions comprennent aussi le droit d'exiger la désignation des zones protégées telles qu'elles sont prévues ici et d'ordonner qu'elles soient délimitées selon des critères déterminés. L'importance des zones protégées dépendant de leurs effets juridiques, la Confédération doit aussi pouvoir les déterminer. Enfin, la Confédération a le droit d'instituer les organes nécessaires pour exécuter les tâches qui lui incombent et de fixer la procédure.

Nous sommes d'avis que le présent projet d'arrêté fédéral reste dans les limites des attributions constitutionnelles de la Confédération.

Nous vous proposons d'adopter le projet d'arrêté ci-joint et vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 26 janvier 1972 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Celio B040S

Le chancelier de la Confédération, Huber

511 (Projet)

Arrêté fédéral

instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 22«uater de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 26 janvier 1972 *>, arrête: Zones protégées à titre provisoire Article premier Désignation Aux fins de satisfaire aux exigences de la protection des sites, de maintenir des zones suffisantes de détente ou d'assurer la protection de régions menacées par les forces naturelles, les cantons désigneront sans retard les territoires dont il importe de limiter ou d'empêcher provisoirement l'occupation et l'utilisation pour la construction (zones protégées à titre provisoire).

Art. 2 Critères 1

Seront déclarés zones protégées à titre provisoire:

a. Des rives de rivières et de lacs; b. Des paysages de montagne et d'autres régions uniques par leur beauté et leur caractère; «FF 19721493

512 c. L'aspect de localités ainsi que des lieux historiques, des monuments naturels et culturels d'importance nationale ou régionale; d. Des zones de détente à proximité des agglomérations ou dans les environs ; e. Des régions menacées par les forces naturelles.

2

Les cantons peuvent établir des dispositions restrictives pour d'autres régions qui, dans le cadre de l'aménagement du territoire, ne sont probablement pas destinées à être occupées ou dans lesquelles l'implantation prématurée de constructions pourrait influer défavorablement sur l'aménagement du territoire.

3

II sera possible de renoncer à désigner des zones protégées a titre provisoire si les législations fédérale et cantonale sur la protection des eaux garantissent que le but visé par le présent arrêté sera atteint par leur application, 4

En désignant les zones protégées à titre provisoire, on veillera à assurer la coordination entre cette mesure et les plans établis par la Confédération conformément à sa propre législation ainsi que les plans des autres cantons et des zones frontalières de l'étranger.

Art. 3 Reconnaissance de plans d'aménagement ayant force obligatoire S'ils satisfont aux exigences des articles premier et 2, les plans d'aménagement ayant force obligatoire au moment de l'entrée en vigueur du présent arrêté peuvent être reconnus comme désignant des zones protégées à titre provisoire.

Art. 4 Effets juridiques 1

Les constructions et les installations qui empêchent d'atteindre les buts visés par l'aménagement du territoire ne seront pas autorisées dans les zones protégées à titre provisoire.

2

Seules les constructions agricoles et forestières et d'autres constructions qui sont en rapport avec l'affectation dé la zone peuvent être autorisées dans les régions protégées en vue de sauvegarder la beauté et le caractère du paysage, si elles ne portent pas atteinte à l'aspect du site. Lorsque le requérant prouve un besoin objectivement fondé, d'autres constructions pourront être autorisées après que l'avis de la Confédération aura été pris, sous réserve des mesures prévues par l'article 102, 1er alinéa, chiffre 2, de la constitution.

3

La législation spéciale de la Confédération est réservée.

513 Délégué à l'aménagement du territoire et commission consultative Art. 5 1 Un délégué du Conseil fédéral à l'aménagement du territoire est chargé de préparer et d'exécuter les tâches incombant à Ja Confédération en vertu du présent arrêté, ainsi que d'assurer la collaboration entre les cantons, 2 Le Conseil fédéral nomme une commission consultative de onze à quinze membres, dans laquelle les différentes régions du pays sont équitablement représentées ; cette commission est chargée d'assister 3e délégué.

Procédure

Art. 6 Communication et approbation La désignation des zones protégées à titre provisoire sera portée à la connaissance du département fédéral compétent. Le département approuve les plans lorsqu'ils satisfont aux exigences du présent arrêté et du droit fédéral en général. Dans le cas contraire, Je Conseil fédéral peut en exiger la modification.

Art. 7

Dépôt des plans et droit de recours en matière cantonale 1

Les cantons mettront à l'enquête publique les plans des zones protégées à titre provisoire qui ont été approuvés par la Confédération. Ces plans prennent force obligatoire au moment de leur mise à l'enquête publique.

2 Le droit cantonal prévoira un droit de recours à une autorité cantonale supérieure. Le recours n'aura effet suspensif que si l'autorité de recours le décide.

3 Le Conseil fédéral peut consentir une exemption de l'obligation de mettre les plans à l'enquête publique et d'accorder un droit de recours, lorsque la désignation de la zone protégée déterminée par le canton en vertu du présent arrêté ne porte pas plus gravement atteinte aux droits de particuliers qu'une mesure exécutoire fondée sur le droit cantonal et touchant le même territoire.

Art. 8

Protection juridique assurée par le droit fédéral 1

Les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance ou par les services fédéraux peuvent être attaquées selon les dispositions générales sur la justice administrative fédérale.

514 2

Dans tous les cas, l'utilisation d'un moyen de recours n'a d'effet suspensif que si l'autorité de recours le décide.

Mesures d'encouragement

Art. 9 1

La Confédération encourage l'aménagement des zones protégées à titre provisoire en donnant des conseils aux autorités compétentes.

2

Lorsque, par exception, une mesure d'aménagement fondée sur le présent arrêté constitue une expropriation de fait, la Confédération peut contribuer à l'indemnité versée par le canton.

Délai

Art. 10 Les zones protégées à titre provisoire seront désignées au plus tard jusqu'à la fin de janvier 1973. Ce délai est considéré comme respecté lorsque les plans sont mis à l'enquête publique jusqu'à cette date.

1

3

Les plans seront portés à la connaissance du département, fédéral compétent jusqu'à la fin de novembre 1972 au plus tard. Les requêtes tendant à la reconnaissance de plans d'aménagement exécutoires et à l'exemption de l'obligation de mettre les plans à l'enquête publique et d'accorder le droit de recours devront être présentées dans le même délai.

Réserve en faveur du droit cantonal

Art. 11 Les dispositions de droit cantonal qui permettent un aménagement plus étendu ne sont pas touchées par le présent arrêté.

Exécution

Art. 12

^

Par les cantons 1

Dans la mesure où l'exécution du présent arrêté exige des dispositions cantonales d'application, les gouvernements cantonaux pourront les édicter par voie d'ordonnance. Elles devront être approuvées par le Conseil fédéral.

2

nelles.

Les gouvernements cantonaux pourront prendre des décisions provision-

515

Art. 13 Par la Confédération Le Conseil fédéral veille à l'observation du présent arrêté. Il édicté les dispositions d'exécution.

Disposition finale

Art. 14 Le présent arrêté est de portée générale; il est déclaré urgent conformément à l'article 89Mi!, 1er alinéa, de la constitution.

2 II entre en vigueur le 1972 et a effet jusqu'au 31 décembre 1975. Le référendum facultatif selon l'article 89Ms, 2e alinéa, de la constitution est réservé.

1

20403

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet d'arrêté fédéral instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire (Du 26 janvier 1972)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1972

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

07

Cahier Numero Geschäftsnummer

11084

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

18.02.1972

Date Data Seite

493-515

Page Pagina Ref. No

10 100 106

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.