1010 # S T #

11387

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une modification partielle de la loi fédérale du 26 septembre 1958 sur la garantie contre les risques à l'exportation (Du 13 septembre 1972)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de modification des articles 6 et 11 de la loi fédérale du 26 septembre 1958 SUT la garantie contre les risques à l'exportation.

Devant l'insécurité qui règne depuis un certain temps dans le système monétaire international et les difficultés qui en découlent pour le commerce mondial, on s'est inévitablement demandé comment l'industrie d'exportation pourrait se protéger contre les risques monétaires. Par le postulat Eisenring du 8 mars 1972, nous avons été invités à examiner s'il fallait introduire une assurance contre les risques monétaires et, le cas échéant, à rechercher une solution dans le cadre de la garantie contre les risques à l'exportation.

La couverture des risques monétaires est déjà prévue dans la loi fédérale du 26 septembre 1958 sur la garantie contre les risques à l'exportation, mais elle n'a qu'une faible portée pratique, car les pertes consécutives à la dépréciation de monnaies étrangères sont généralement épongées par le bénéfice net de l'exportateur, qui n'est pas couvert par la garantie. Afin de combler cette lacune et de donner à l'industrie suisse d'exportation la possibilité de se protéger réellement contre les risques monétaires, nous vous proposons d'abroger la «clause du prix de revient» qui figure aux articles 6 et 11 de la loi fédérale.

II Aujourd'hui déjà, la garantie contre les risques à l'exportation est accordée pour des affaires dans lesquelles l'acheteur subordonne la commande à sa conclusion en monnaie étrangère. Mais le risque de change n'était couvert que

1011 pour les monnaies régulièrement utilisées dans le commerce extérieur suisse.

Pour toutes les opérations effectuées dans d'autres monnaies, notamment celles des pays en développement, le risque de change était exclu de la garantie; cela ne faisait pas de difficultés, car l'article 4 de la loi fédérale permet expressément d'exclure certains risques de la couverture. Dans son propre intérêt, notre industrie met tout en oeuvre pour conclure ses contrats de livraison en francs suisses.

Cela ressort aussi du fait que les livraisons garanties en monnaie étrangère, avec couverture du risque de change, ne représentaient, à la fin de juin 1972, que 7 pour cent environ de l'engagement global contracté par la Confédération en vertu de la garantie contre les risques à l'exportation.

Néanmoins, les risques monétaires constituent pour notre industrie d'exportation, qui dépend étroitement du commerce mondial, une charge particulièrement sensible. On s'en rend compte si l'on songe que les exportations représentent environ 75 pour cent de la production dans l'industrie des machines, 80 à 90 pour cent dans l'industrie chimique, quelque 95 pour cent dans l'horlogerie, plus de 90 pour cent pour les broderies et environ 40 pour cent pour les tissus de coton et de laine. Cependant, l'acheteur étranger refuse fréquemment de conclure un contrat libellé en francs suisses. C'est surtout le cas pour les exportations vers les Etats-Unis, le Canada et de nombreux pays d'Amérique latine, avec lesquels les affaires se déroulent presque exclusivement en dollars; même dans les livraisons vers les pays de la Communauté économique européenne et la Grande-Bretagne, l'exportateur, pour réaliser une affaire, doit très souvent en accepter le paiement dans la monnaie du pays intéressé. Dans tous ces cas, il court par conséquent le risque qu'une dévaluation officielle ou de fait de la monnaie étrangère en cause ne l'empêche de toucher l'entière contre-valeur en francs suisses de sa livraison ou de sa prestation.

Quatre pays européens (la Belgique, la République fédérale d'Allemagne, la France et l'Autriche) ont déjà pris des mesures pour mettre leurs exportateurs à l'abri des risques relatifs à certaines monnaies étrangères. Dans les quatre cas, cela a nécessité l'adoption de lois spéciales, car les prescriptions en vigueur sur
la garantie contre les risques à l'exportation n'englobent pas la couverture des risques monétaires. Ces lois spéciales peuvent être ramenées au dénominateur commun suivant: ne sont en principe garanties que les pertes sur les monnaies étrangères négociées dans les bourses officielles du pays exportateur concerné, c'est-à-dire le dollar, la livre sterling, le franc suisse, les monnaies de la CEE et, en partie, le yen. Le dommage n'est réalisé que si, au moment du paiement, le cours est tombé de plus de 2 ou 3 pour cent par rapport au cours garanti ; en d'autres termes, les premiers 2 ou 3 pour cent d'une perte de change correspondent à une franchise supportée par l'exportateur. Cependant, les pertes excédant 2 ou 3 pour cent sont pleinement indemnisées. En revanche, si l'exportateur reçoit un montant dépassant, après conversion en sa monnaie nationale, 102 ou 103 pour cent de la valeur de sa livraison, il doit remettre ce gain de change à l'institution de garantie. Enfin, la garantie du

1012 cours ne s'étend qu'aux paiements dont l'échéance tombe plus d'un à deux ans après la signature du contrat.

Contrairement à la législation des quatre pays mentionnés, la garantie suisse contre les risques à l'exportation permet dès aujourd'hui de couvrir les risques monétaires en vertu des dispositions suivantes: d'après l'article 4, lettre a, de la loi fédérale du 26 septembre 1958, la garantie couvre en partie, sous réserve d'une décision contraire dans des cas particuliers, les pertes causées par des événements et des circonstances tels que la dépréciation de monnaies étrangères, les difficultés de transfert et les moratoires. Selon l'article 3, 1er alinéa, lettre a, de l'ordonnance du 15 janvier 1969, sont réputés risques particuliers au sens des articles premier, 2 et 4 de la loi, les mesures ou les événements économiques survenus à l'étranger, tels que dévaluations ou autres détériorations de monnaies étrangères.

Avec les dispositions actuellement en vigueur, une véritable protection contre les risques monétaires est cependant rendue impossible par la clause du prix de revient fixée dans les articles 6 et 11 de la loi. Selon l'article 6, la somme à verser du fait de la garantie et un paiement éventuel du débiteur ne doivent pas, additionnés, dépasser le prix de revient de l'exportateur. Pour sa part, l'article 11 dispose que la Confédération s'acquitte, en couverture de la perte prouvée, de la prestation qui lui incombe en vertu de la décision de garantie; celle-ci ne doit toutefois pas dépasser, pour l'exportateur, le découvert du prix de revient, après déduction des paiements éventuels. L'ordonnance du 15 janvier 1969 contient des prescriptions d'application conformes à ce principe. Le bénéfice net de l'exportateur est privé de toute couverture. Avec des marges de bénéfice normales, les pertes sur les monnaies étrangères sont donc généralement épongées en tout ou en partie par le bénéfice net de l'exportateur et ne sont pas couvertes par la garantie ou ne le sont que partiellement. La couverture du risque monétaire, déjà prévue en principe, ne peut donc, le plus souvent, devenir effective que si la clause du prix de revient formulée aux articles 6 et 11 est abrogée. C'est pourquoi nous vous proposons de modifier ces deux articles selon le projet de loi fédérale ci-joint. L'adoption
d'une loi spéciale n'est pas nécessaire.

La suppression de ladite clause a pour effet d'améliorer la garantie, Bon seulement pour les risques monétaires, mais pour tous les risques couverts en vertu de la loi, à l'exception du risque de fabrication. Mais, la Suisse étant le seul pays dont les prescriptions légales sur la garantie contre les risques à l'exportation limitent la couverture au prix de revient de l'exportateur, il s'agit simplement de rapprocher notre système des possibilités de couverture offertes à la concurrence étrangère. Toutefois, une égalité complète ne sera pas atteinte, car la Suisse, depuis longtemps déjà, n'accorde qu'une couverture de 65 à 70 pour cent pour les livraisons dans les pays industrialisés et de 70 à 75 pour cent pour les exportations vers les pays en développement, alors que nos principaux concurrents garantissent les exportations vers tous les pays à des taux de 85 à 95 pour cent, voire de 100 pour cent dans certains cas. Dans ces circonstances,

1013 l'abrogation de la clause du prix de revient ne risque guère d'inciter l'industrie suisse d'exportation à accroître ses livraisons dans des pays aux finances précaires et de conduire ainsi à un essor inopportun. Comme il n'existe pas, a priori, de droit à l'octroi de la garantie, les organes d'exécution peuvent, pour chaque demande, tenir compte au besoin de la situation économique du pays destinataire et des conditions de l'affaire, en abaissant le taux de la garantie ou en la refusant.

On peut se demander si une amélioration de la garantie contre les risques à l'exportation n'est pas inopportune du point de vue de la politique conjoncturelle. Tel n'est pas le cas, à notre avis, du fait que l'application de la loi garantit de manière suffisante la prise en considération de la situation conjoncturelle, et qu'il s'agit uniquement de ne pas trop défavoriser l'industrie suisse d'exportation par rapport à ses concurrentes. En outre, le nouveau régime devrait d'exportation par rapport à ses concurrentes. En outre, le nouveau régime devrait surtout s'appliquer aux opérations à long terme. Il n'y a pas lieu de s'attendre à une expansion inopportune, par le simple fait que, selon les expériences faites ces dernières années, la garantie contre les risques à l'exportation n'est mise à contribution que pour environ 8 pour cent des exportations globales de la Suisse. En outre, le fait que le financement bancaire, aujourd'hui nécessaire pour la plupart des exportations à moyen et long terme, est considérablement aggravé par la clause du prix de revient - car la banque ne peut pas savoir, au moment de la promesse de financement, quel sera le degré de couverture en cas de dommage - parle également en faveur de la modification que nous vous proposons. Enfin, celle-ci simplifiera également la pratique administrative, notamment en cas de perte.

ni Dans l'application de l'assurance contre le risque monétaire, nous envisageons, sur le modèle des lois spéciales en vigueur à l'étranger, de faire supporter une franchise à l'exportateur. Des indemnités pour pertes de change ne seront versées que lorsque celles-ci dépasseront 3 pour cent du mentant de la livraison et excéderont 1000 francs. On évitera ainsi, en règle générale, de créer un droit de couverture pour les pertes résultant de fluctuations des cours entre les marges internationales. Selon les expériences que l'on fera dans ce domaine, il sera peut-être nécessaire de procéder à certaines adaptations dans le sens d'une aggravation. Comme jusqu'ici, seules les monnaies régulièrement utilisées dans le commerce extérieur suisse seront couvertes. Ce régime spécial applicable aux risques monétaires représente une aggravation des prescriptions de l'article 6, chiffre 4, lettre a, de l'ordonnance du 15 janvier 1969, selon lesquelles une indemnité ne peut, d'une manière générale, être versée que si elle dépasse 1 pour cent du montant de la livraison indiquée dans la décision de garantie et excède au moins 1000 francs. A la suite de l'amendement législatif que nous vous proposons, il faudra également apporter à l'ordonnance les adaptations et compléments correspondants.

1014

L'obligation faite par les lois spéciales étrangères de remettre les gains de change constitue la contrepartie de la disposition selon laquelle les pertes de change dépassant 2 ou 3 pour cent sont couvertes à 100 pour cent par la garantie.

Mais comme nous ne couvrons que le pourcentage de la perte fixé pour tous les risques couverts dans la décision de garantie (depuis un certain temps 65 à 70 %, ou 70 à 75 % selon la catégorie de pays), la remise obligatoire des gains de change n'est pas justifiée.

Le délai d'attente fixé dans les lois spéciales mentionnées, selon lequel les pertes de change ne sont couvertes que pour les paiements échéant un ou deux ans après la conclusion du contrat, a déjà provoqué, dans les pays en cause, de vives critiques de la part des milieux industriels. Les dispositions suisses d'application ne prévoient pas de délais de ce genre, car ils entraîneraient un traitement tout à fait inégal des différentes branches de notre industrie d'exportation.

D'autre part, l'exportateur est tenu, selon l'article 10 de la loi, de prendre toutes mesures commandées par les circonstances afin d'éviter une perte. Parmi ces précautions figure notamment, selon l'article 16 de l'ordonnance, la vente à terme des devises étrangères issues de l'opération. En cas de perte, on peut en effet sans difficulté vérifier ultérieurement si une vente à terme était possible à la date donnée el si l'exportateur a rempli ses obligations.

D'après les lois spéciales étrangères mentionnées, le taux de change de la monnaie étrangère en monnaie nationale, tel qu'il est fixé dans la décision de garantie, est garanti dans tous les cas. La garantie ne couvre donc pas seulement les pertes dues à la dévaluation de la monnaie étrangère, mais également celles qui découlent d'une réévaluation de la monnaie nationale. Au contraire, l'article 4, lettre a, de la loi fédérale du 26 septembre 1958 limite expressément la couverture aux pertes dues à une détérioration des monnaies étrangères. Les pertes causées par une réévaluation du franc suisse demeurent donc exclues de la couverture. Il en est de même de celles qui résultent de mesures suisses telles qu'embargo sur l'exportation, etc.

Une consultation des organisations économiques intéressées par la garantie contre les risques à l'exportation a montré que l'abrogation de la clause du prix de revient répond à un besoin et que le projet d'amendement législatif est généralement bien accueilli.

IV

Les expériences faites au cours des 38 années d'existence de la garantie contre les risques à l'exportation doivent être considérées comme tout à fait satisfaisantes. Le total des demandes approuvées se chiffrait, à la fin de 1971, par un montant garanti de 19,7 milliards de francs, ce qui correspond à une valeur de factures de 31,6 milliards et à une somme de salaire d'environ 12 milliards de francs. Déduction faite des engagements de la Confédération de 3,7 milliards de francs à la fin de 1971, Je total des garanties liquidées se monte ainsi à la somme de 16 milliards, ce qui correspond à environ 26,4 milliards de

1015

francs de factures. Depuis 1934, 11 millions de francs nets ont été versés à titre d'indemnités. Non seulement les pertes ont été entièrement couvertes par les recettes provenant des émoluments, mais il a été possible de constituer en outre une réserve d'environ 144 millions de francs. Le fort degré d'endettement extérieur et les goulots d'étranglement financiers auxquels se heurtent de nombreux pays en développement laissent toutefois présager une augmentation des pertes.

On peut considérer que le résultat atteint jusqu'ici atteste la prudence des exportateurs et le soin des organes d'exécution.

Vu les considérations qui précèdent, nous estimons que la possibilité devrait être offerte à l'industrie suisse d'exportation, compte tenu de sa dépendance à l'égard du commerce mondial et de l'insécurité qui règne dans le système monétaire international, de s'assurer contre les risques monétaires. Une telle assurance ne peut cependant devenir efficace que si l'on supprime la clause du prix de revient. Nous vous demandons donc d'approuver le projet de loi cijoint modifiant les articles 6 et 11 de la loi fédérale du 26 septembre 1958 sur la garantie contre les risques à l'exportation.

Nous vous proposons en outre de classer le postulat Eisenring du 8 mars 1972.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 13 septembre 1972 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Celio 20825

Le chancelier de la Confédération, Huber

1016

(Projet)

Loi fédérale sur la garantie contre les risques à l'exportation Modification du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 13 septembre 1972", arrête:

La loi fédérale du 26 septembre 1958 2> sur la garantie contre les risques à l'exportation est modifiée comme il suit :

Art. 6 La garantie doit être fixée dans chaque cas particulier et s'applique au maximum à 85 pour cent du montant de la livraison, plus d'éventuels intérêts Ht» rr&fMt

Art. H Si la créance reste en souffrance et si un dommage est déclaré, la Confédération s'acquitte, en couverture de la perte prouvée pu du paiement en retard, de la prestation qui lui incombe en vertu de la dcOisiun de garantie.

II 1

Les articles 6 et 11 de la loi fédérale du 26 septembre 1958 restent applicables aux garanties accordées avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

3 .La présente loi est soumise au référendum facultatif.

3 Le Conseil fédéral fixe son entrée en vigueur>

20825

« FF 1972 II 1010 » RO 1959 409

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une modification partielle de la loi fédérale du 26 septembre 1958 sur la garantie contre les risques à l'exportation (Du 13 septembre 1972)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1972

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

42

Cahier Numero Geschäftsnummer

11387

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

13.10.1972

Date Data Seite

1010-1016

Page Pagina Ref. No

10 100 331

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.