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Feuille Fédérale

Berne, le 26 mai 1972

124e année

Volume I

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la création d'une mission diplomatique au Bangla Desh (Du 3 mai 1972)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, En adoptant la loi du 9 mars 1967 concernant la création de nouvelles missions diplomatiques, vous nous avez autorisés à créer des missions diplomatiques dans les pays qui ont accédé à l'indépendance dans les années 1966 à 1970 inclusivement et que nous avons reconnus. Cette loi nous a permis de développer régulièrement le réseau des représentations diplomatiques suisses à l'étranger, conformément au principe de l'universalité de nos relations extérieures. Elle ne nous donne pas, en revanche, la compétence de créer une mission diplomatique permanente dans le nouvel Etat du Bangla Desh. C'est pour remédier à cette absence de base légale dans le cas particulier que nous avons l'honneur de vous adresser le présent message.

La République populaire du Bangla Desh, ancienne province orientale de la République Islamique du Pakistan, a été proclamée par un gouvernement en exil le 17 avril 1971. Ce n'est que huit mois plus tard, à la suite du conflit armé survenu entre l'Inde et le Pakistan, qu'un gouvernement bengalais put s'installer à Dacca. Quelques semaines s'écoulèrent encore avant que le Cheik Mujibur Rahman fût libéré par les autorités pakistanaises et pût rentrer dans son pays pour y prendre la tête de l'exécutif. Le 12 mars 1972, les troupes indiennes se sont retirées du territoire bengalais. D'une superficie de 143 000 km2, le Bangla Desh compte 75 millions d'habitants environ, qui en font l'une des régions les plus peuplées du monde. Les épreuves qu'il a subies ont placé le pays dans une situation intérieure difficile. A cela s'ajoute une position délicate sur le plan extérieur, du fait que le nouvel Etat doit tenir compte des multiples influences politiques qui s'exercent dans le sous-continent.

Feuille fédérale. 124e année. Vol. I.

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1194 Jusqu'à ce jour, plus de cinquante Etats - toutes les grandes puissances, à l'exception de la Chine - ont reconnu la République populaire du Bangla Desh. Nous l'avons fait par télégramme adressé le 13 mars 1972 au président du nouvel Etat. En prenant cette décision, nous avons tenu .compte de ses conséquences éventuelles à l'égard des mandats de puissance protectrice dont la Suisse est chargée en Inde et au Pakistan ; nous nous sommes en outre laissé guider par des considérations relatives à la défense des intérêts de notre pays.

Nous avons également estimé qu'une présence suisse officielle devait se manifester à Dacca et c'est pourquoi une mission temporaire, composée du consul généra) de Suisse à Hambourg en qualité de délégué du Département politique fédéral, avec titre d'ambassadeur, et d'un vice-consul a été envoyée au Bangla Desh. Cette mission avait pour tâche d'établir les premiers contacts avec les autorités bengalaises, de poser les jalons de futures relations diplomatiques et d'examiner les possibilités de créer éventuellement une mission diplomatique permanente à Dacca. De son côté, le nouvel Etat a déjà sollicité notre agrément à la nomination d'un ambassadeur en Suisse, requête que nous avons favorablement accueillie dans notre séance du 22 mars 1972.

Sur le plan économique, les possibilités du nouvel Etat sont encore très réduites. Le jute et les produits à base de jute représentent la principale ressource agricole et industrielle du pays. La plupart des autres produits agricoles, notamment le riz pourtant largement cultivé, ainsi que les produits industriels doivent être importés. Nous ne disposons pas de chiffres précis sur les échanges de marchandises entre la Suisse et le Bangla Desh, car les statistiques établies jusqu'ici ne se référaient qu'à l'ensemble du Pakistan, sans distinguer la province orientale de la province occidentale. On peut néanmoins relever que nos importations de jute et de produits à base de jute en provenance du Pakistan se sont élevées, en 1970, à 7,5 millions de francs, sur un montant total d'importations de 18,4 millions de francs. Dans la même année, nos exportations vers ce pays ont atteint un montant total de 77,3 millions de francs, dont 33,3 millions pour des livraisons d'insecticides, probablement utilisés en majeure partie dans les plantations
de jute de la province orientale, et 2,5 millions pour des livraisons de colorants, employés dans l'industrie lainière du Pakistan occidental et dans l'industrie du cuir au Pakistan oriental. Pour le reste, nos exportations se composaient avant tout de machines, de produits pharmaceutiques et de produits horlogers.

Le premier crédit de transfert accordé en 1964 au gouvernement pakistanais par un consortium de banques suisses a entraîné des livraisons pour un montant de 43 millions de francs, destinés à l'équipement de deux fabriques de machinesoutils, l'une au Pakistan occidental et l'autre au Pakistan oriental. Le supplément de 20 millions octroyé en 1967 a financé des exportations de biens d'investissement à raison de 17,3 millions de francs pour la province occidentale et de 2,2 millions de francs pour la province orientale. Le deuxième crédit de transfert, mis en 1970 à la disposition du Pakistan moitié par la Confédération et moitié par un consortium bancaire, doit permettre des livraisons d'un mon-

1195 tant total de 50 millions de francs. Ce crédit a été utilisé jusqu'ici pour un montant de 3,8 millions, au profit du Pakistan occidental. Nous avons fait savoir au gouvernement d'Islamabad que nous nous réservions de partager le solde du crédit entre le Pakistan et le Bangla Desh, Notre attitude définitive à ce sujet sera ultérieurement déterminée, notamment selon les besoins et les possibilités de remboursement du nouvel Etat.

Il n'est pas facile de prévoir l'évolution de nos échanges commerciaux avec le Bangla Desh, Cette évolution dépendra surtout de la manière dont le gouvernement de Dacca organisera l'économie du pays et du sens dans lequel il orientera son commerce extérieur. Nous devons donc suivre, avec attention, les initiatives qui seront prises dans ce domaine.

Il n'existe, pour le moment, aucun projet de coopération technique au Bangla Desh et ce n'est que de façon indirecte, par la formation de spécialistes pakistanais dans la province occidentale ou en Suisse, que ce pays a bénéficié de l'aide de la Confédération. Nous demeurons cependant prêts à étudier les demandes d'aide technique que le nouvel Etat voudra nous adresser.

Les ressortissants suisses établis dans l'ancien Pakistan oriental, au nombre d'une douzaine seulement avant le déclenchement des hostilités en décembre 1971, ont tous été évacués; certains sont sans doute revenus après le cessez-lefeu. Mais, d'autre part, les Suisses chargés d'une mission humanitaire ont été les premiers à pouvoir pénétrer dans le nouvel Etat du Bangla Desh. Dans ce domaine, le Comité international de la Croix-Rouge et la Croix-Rouge suisse ont fait oeuvre de pionniers. On note que la direction de l'UNEPRO (United Nations East Pakistan Relief Opération), devenue l'UNROD (United Nations Relief Opération Dacca) au moment où le Bangla Desh se sépara définitivement du Pakistan, est confiée à l'un de nos compatriotes. A deux reprises, M. Winspeare Guicciardi, envoyé en mission spéciale par le Secrétaire général de l'ONU, a sollicité auprès de la Confédération la mise à sa disposition d'un avion suisse.

Après avoir réussi à introduire au Bangla Desh de nombreuses équipes de Croix-Rouges nationales, le .Comité international de la Croix-Rouge se dégage de cette opération pour la transférer à la Ligue des Sociétés de la CroixRouge; il concentre
maintenant ses activités sur l'assistance aux minorités.

Par contre, les délégations du Comité international de la Croix-Rouge, qui, en Inde et au Pakistan, assument pleinement leur mission aux termes des Conventions de Genève, ont déjà et vont avoir beaucoup à faire au Bangla Desh également pour assurer, dans ce même cadre conventionnel, non seulement l'échange de prisonniers de guerre entre l'Inde et le Pakistan, mais aussi l'échange de populations civiles entre le Pakistan et le Bangla Desh. A cet égard, la création d'une mission officielle de la puissance dépositaire des Conventions de Genève, c'est-à-dire de notre pays, pourrait apparaître bientôt souhaitable au Bangla Desh.

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De son côté, la Croix-Rouge suisse a entrepris à Dacca une tâche très importante, sans doute appelée à prendre davantage d'ampleur encore. Elle s'est en effet engagée à remettre en fonction l'un des principaux établissements hospitaliers de la capitale, le «Holy Family Hospital». Pour le moment, l'équipe suisse sur place est peu nombreuse, mais il est prévu qu'elle augmentera et des chirurgiens ainsi que des médecins suisses seront probablement sollicités de se rendre à Dacca pour opérer et traiter les blessés militaires ou civils qu'il serait imprudent de transporter en Suisse. Un projet dans ce sens est actuellement à l'étude.

Enfin, de nombreux représentants suisses d'autres organisations d'entraide, suisses ou internationales, se trouvent déjà au Bangla Desh ou comptent s'y rendre prochainement. Pour les uns et pour les autres ne manqueront pas de se poser, tôt ou tard, des problèmes dont la solution pourra être facilitée par l'existence sur place d'une représentation suisse officielle.

Dans ces conditions, on doit admettre que, pour des raisons politiques et pratiques, l'ouverture de relations diplomatiques avec le Bangla Desh devra être complétée par la création rapide d'une représentation diplomatique dans la capitale du nouvel Etat. Cette mission ne sera pas nécessairement dirigée par un ambassadeur résident ; elle pourra l'être aussi par un chargé d'affaires intérimaire et, dans ce cas, nous accréditerions au Bangla Desh un ambassadeur résidant dans un Etat de la région. Nous prendrons une décision sur ce point compte tenu de tous les éléments d'appréciation dont nous disposerons le moment venu.

La création d'une mission diplomatique au Bangla Desh entraîne certaines conséquences financières. Nous nous efforcerons toutefois de maintenir les dépenses relatives à cette création dans des limites raisonnables. Il convient de noter, à ce propos, que la faiblesse des effectifs disponibles au sein du Département politique fédéral limitera d'elle-même les dépenses de personnel.

Partant des considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous recommander l'adoption du projet de loi ci-joint. Conformément à l'article 85, chiffre 3, de la constitution, son objet est de la compétence des chambres.

Nous saisissons cette occasion pour vous présenter, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 3 mai 1972 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Celio aus«

Le chancelier de la Confédération, Huber

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(Projet)

Loi fédérale concernant la création d'une mission diplomatique au Bangla Desh L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 3, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 3 mai 1972 y, arrête: Article premier Le Conseil fédéral est autorisé à créer une mission diplomatique au Bangla Desh.

Art. 2 Le Conseil fédéral fixera la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

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