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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger (Du 6 septembre 1972)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger.

1 Introduction L'article 45 Ma de la constitution fédérale autorise la Confédération à édicter, compte tenu de la situation particulière des Suisses de l'étranger, des dispositions en vue de déterminer leurs droits et leurs obligations, notamment quant à l'exercice des droits politiques et à l'accomplissement des obligations militaires, ainsi qu'en matière d'assistance. Aux fins d'améliorer le statut des Suisses de l'étranger dans ce dernier domaine, le projet ci-joint dispose que la Confédération se chargera, avec certaines restrictions, de leur assistance. Les cantons d'origine continueront à assumer toutes les dépenses d'assistance que la Suisse est tenue de rembourser à un autre Etat en vertu d'une convention d'assistance. U incombera à l'autorité compétente selon le droit cantonal de prendre soin des Suisses de l'étranger rentrés au pays. La Confédération remboursera cependant aux cantons les frais d'assistance pour les trois premiers mois, à condition que l'assisté ait résidé pendant trois ans au moins à l'étranger.

Cette réglementation doit permettre d'éviter les inégalités de traitement qui se produisent dans l'assistance des Suisses de l'étranger tombés dans le besoin el qui donnent constamment lieu à des critiques; elle accélérera aussi le règlement des demandes de secours.

541 2 Situation initiale A la fin de 1971, 313 709 ressortissants suisses - dont 150 522 doublesnationaux - étaient immatriculés auprès des représentations diplomatiques et consulaires de la Suisse à l'étranger. Ce nombre se répartissait entre 140 pays.

Bien que les conditions de vie se soient améliorées dans maint pays au cours de ces dernières années et que l'aménagement des assurances sociales ait apporté des allégements importants à nombre de nos compatriotes, il n'en reste pas moins que, pour diverses raisons, certains d'entre eux sont toujours en butte aux difficultés de l'existence et doivent avoir recours à l'aide de la collectivité.

Selon le droit des gens, il n'existe aucune obligation d'assister des étrangers. Aucun Etat étranger n'est dès lors tenu de secourir des Suisses nécessiteux se trouvant sur son territoire, s'il ne s'est pas engagé expressément à le faire. De même, l'Etat d'origine n'a, en vertu du droit des gens, aucune obligation générale d'assister ses ressortissants à l'étranger. Les traités d'établissement ou les arrangements particuliers en matière d'assistance que la Suisse a conclus avec divers Etats, notamment avec les pays voisins, prévoient pour les ressortissants des deux parties contractantes une égalité de traitement plus ou moins limitée dans le temps et quant au cercle de personnes qui doivent en bénéficier. Des conventions d'assistance proprement dites n'ont pu être conclues jusqu'ici qu'avec la France et la République fédérale d'Allemagne. Selon ces conventions, le pays de résidence doit au besoin assister, à l'égal des nationaux, les ressortissants de l'autre Etat vivant sur son territoire. Les frais d'assistance sont à la charge du pays de résidence pendant un temps déterminé, en règle générale pendant trente jours, alors que les dépenses ultérieures doivent être remboursées par le pays d'origine.

Selon le droit suisse, l'assistance publique est du ressort des cantons. Certes, la Confédération a fait d'importantes prestations, depuis la Première Guerre mondiale, en faveur des Suisses de l'étranger qui étaient tombés dans le besoin par suite de faits de guerre ou de bouleversements politiques. Ces prestations ne constituaient cependant pas, à proprement parler, une assistance au sens habituel; il s'agissait plutôt de mesures constructives destinées à soutenir
des personnes qui avaient perdu leurs moyens d'existence par suite d'événements extraordinaires. L'oeuvre de secours fondée sur l'arrêté fédéral du 13 juin 1957 concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939 à 1945 est, pour l'essentiel, achevée. Le paiement des rentes et prestations complémentaires qu'une commission spéciale a accordées en vertu de cet arrêté est assuré par le capital de couverture nécessaire. Quant à ceux de nos compatriotes qui tombent dans le besoin par suite de nouveaux faits de guerre ou de récentes mesures coercitives générales de caractère politique et qui doivent de ce fait quitter leur patrie d'adoption, la Confédération peut leur accorder une aide temporaire. Les crédits nécessaires sont ouverts chaque année par la voie du budget. Ce n'est pas en vertu d'une obligation

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juridique découlant de la constitution que la Confédération se charge de cette tâche; elle le fait pour tenir compte de la situation difficile des intéressés. Son aide vise à épargner à ces compatriotes nécessiteux, qui, dans des circonstances normales, auraient pu se suffire par leurs propres moyens, le recours à l'assistance publique. Ces dernières années, le nombre des Suisses de l'étranger auxquels il a fallu venir en aide de cette façon a fortement diminué.

De cette aide extraordinaire, il faut distinguer l'assistance ordinaire des Suisses de l'étranger. Bien que les cantons et les communes ne soient pas tenus en vertu du droit des gens, comme nous l'avons vu, d'assister des Suisses vivant à. l'étranger, ils sont fréquemment amenés à accorder un soutien pécuniaire à des compatriotes tombés dans le besoin pour différentes raisons, telles que l'âge, la maladie, des crises économiques, le chômage, etc., ou à leur donner la possibilité de rentrer au pays. Des raisons d'humanité commandent de venir en aide à nos compatriotes à l'étranger, s'ils ne peuvent obtenir l'aide indispensable ni de l'Etat de résidence, ni de sources privées.

L'énumération des possibilités d'aide offertes à nos compatriotes à l'étranger serait incomplète si l'on omettait de mentionner les institutions sociales suisses privées (sociétés d'entraide, homes, hôpitaux) qui assistent à leurs frais des Suisses de l'étranger. Leur nombre peut être évalué à plus de 150. Ce sont surtout des compatriotes tombés dans le besoin par suite de l'âge ou de la maladie et appartenant à une communauté déterminée, mais aussi des Suisses de passage, qui bénéficient de l'aide de ces institutions. Les ressources nécessaires sont fournies en majeure partie par les Suisses de l'étranger eux-mêmes. Elles proviennent en outre de donations, de legs, etc. La Confédération et les cantons accordent sur demande des subventions annuelles aux institutions suisses qui hébergent ou assistent des Suisses de l'étranger nécessiteux. L'administration fédérale dispose actuellement, à cet effet, d'un crédit annuel de 85 000 francs.

Quant aux prestations des cantons, elles se sont élevées en 1971 à 63 900 francs.

L'année dernière, 57 institutions de ce genre ont reçu une contribution des pouvoirs publics.

Il y a lieu de citer en outre, comme oeuvre d'entraide,
le «Fonds de solidarité des Suisses à l'étranger», qui compte actuellement 13 671 membres. Il a pour but de grouper les Suisses de l'étranger en une coopérative d'entraide destinée à intervenir en cas de perte des moyens d'existence résultant de la guerre, de troubles civils ou de mesures coercitives générales de caractère politique. Jusqu'à la fin de mai 1971, ce fonds a alloué des indemnités forfaitaires pour un total de 3,980 millions de francs à 363 sociétaires. La fortune de la coopérative est alimentée par les prestations statutaires ou bénévoles des membres et par des contributions de tiers. Par arrêté fédéral du 22 juin 1962, la Confédération a accordé une garantie complémentaire au Fonds de solidarité. Cette garantie a été mise à contribution pour 1,084 million de francs.

Le Fonds de solidarité a remboursé jusqu'à ce jour 284 000 francs. Le solde se monte donc encore à 800 000 francs.

543 21 Genèse du projet

L'assistance des Suisses de l'étranger par les cantons et les communes présente souvent des inconvénients, car les bénéficiaires sont traités différemment selon le canton dont ils sont originaires. Il n'est pas rare que deux membres de la même communauté suisse à l'étranger reçoivent des secours calculés diversement en raison de leur lieu d'origine. De telles inégalités de traitement sont considérées comme injustes par nos compatriotes à l'étranger, qui se sentent Suisses avant tout, plutôt que ressortissants d'un canton ou d'une commune déterminé. Bien que la Division fédérale de la police, qui sert d'intermédiaire pour l'octroi de secours à des personnes domiciliées hors de Suisse, s'efforce d'atténuer ces différences, celles-ci ne peuvent être évitées complètement en raison de la structure de l'assistance cantonale et parce que les cantons ne peuvent pas être obligés à verser des secours à l'étranger.

Avant la Seconde Guerre mondiale déjà, mais surtout au cours des années d'après-guerre, on a réclamé une plus forte intervention de la Confédération dans l'assistance des Suisses de l'étranger. Une motion Moeckli, déposée en 1956, et transformée en postulat, demanda à la Confédération d'allouer des contributions pécuniaires en vue de favoriser l'extension du concordat sur l'assistance au domicile. Dans notre réponse, nous exposâmes que la solution préconisée ne constituait pas un moyen adéquat de développer le concordat.

Toutefois, reprenant une idée émise par certaines autorités cantonales, nous déclarâmes que, si les cantons cherchaient un allégement sur le plan financier, il serait plus indiqué que la Confédération se charge de l'assistance des ressortissants suisses à l'étranger.

Le 20 septembre 1957, la Conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique nous adressa une requête tendant à ce que la Confédération assume à l'avenir l'assistance des Suisses de l'étranger. De même, les représentants des sociétés suisses à l'étranger relevèrent à de nombreuses reprises qu'il était désirable d'unifier les principes régissant l'assistance de ces compatriotes. La Confédération ne disposait cependant pas, à l'époque, de la base juridique nécessaire.

Le 16 octobre 1966, le peuple et les cantons acceptèrent le nouvel article 45 Ms de la constitution. La Confédération était ainsi mise en
mesure de régler notamment l'assistance des Suisses de l'étranger. Nous nous référons, pour le détail, au message du 2 juillet 1965 à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 45bis sur les Suisses de l'étranger (FF 1965 II 401).

La Conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique nous demanda derechef, le 28 août 1967, que la Confédération se charge de l'assistance des Suisses de l'étranger. Elle fit observer que cette démarche des cantons n'était pas dictée en premier lieu par des considérations financières, mais par le souci de voir traiter de façon uniforme les cas d'assistance de ressortissants suisses vivant à l'étranger, ce qui n'est pas le cas sous le régime actuel. Il est souvent impossible à une commune ou à un canton de montagne d'envoyer

544 des sommes considérables à Pétranger, alors que cela ne pose guère de problèmes à une commune urbaine d'une certaine importance. Le principe moderne qui a trouvé sa réalisation dans le concordat sur l'assistance au lieu de domicile, et selon lequel l'appréciation d'un cas d'assistance et la fixation des prestations sont fondées sur les conditions existant au lieu de domicile, devrait aussi s'appliquer à nos compatriotes à l'étranger. Cet objectif ne pourrait cependant être atteint que si la Confédération se chargeait de l'assistance des Suisses de l'étranger.

La Commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique se prononça également, dans une requête qu'elle adressa au Département politique fédéral le 31 juillet 1968, en faveur de la reprise par la Confédération de l'assistance des Suisses de l'étranger. Elle proposa d'accorder une certaine priorité à cette question lors de l'élaboration des lois d'exécution de l'article 45M* de la constitution.

Le 12 août 1972, nous autorisâmes le Département fédéral de justice et police à instituer une commission d'experts ayant pour tâche .d'examiner un avant-projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger, préparé par la Division de la police. La commission, présidée par M. O. Schüren, directeur de la Division de la police, commença son activité le 16 septembre 1970.

En faisaient partie, en qualité d'experts, les personnes suivantes : - D. Monnet, secrétaire général du Département de la prévoyance sociale et des assurances du canton de Vaud, Lausanne; - J.-Ph. Monnier, chef du Service cantonal de l'assistance, Neuchâtel; - M. Ney, directeur du Secrétariat des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique, Berne; - H. Richner, chef de l'Office cantonal des oeuvres sociales, Aarau; - H. Schoch, secrétaire de direction de la Direction des oeuvres sociales du canton de Zurich, Zurich; - W. Thomet, chef du service juridique de la Direction des oeuvres sociales du canton de Berne, Berne; et, en tant que représentants de la Confédération, - M. Leippert, Département politique fédéral; - Ch. Minger, Département fédéral des finances et des douanes; - H. Mumenthaler, 1 Diyision fédérale de - R. Bmggeli, J La commission d'experts s'est acquittée de son mandat au cours de huit séances d'une journée chacune.

22 Questions de principe

221 Reprise de l'assistance par la Confédération Les différences existant dans l'assis lance appellent une réglementation de droit fédéral. Cette réglementation permettra de tenir compte, d'une manière équitable, de la situation particulière de nos compatriotes à l'étranger, qui se

545 distingue fondamentalement de celle des ressortissants suisses vivant dans le pays. L'égalité devant la loi est l'un des principes essentiels de notre ordre juridique. Elle doit aussi être assurée aux citoyens qui ne peuvent guère défendre leurs intérêts et pour qui personne n'intervient efficacement. C'est pourquoi le compatriote tombé dans l'indigence à l'étranger devrait recevoir l'aide dont il a besoin pour subsister à son lieu de résidence et non pas celle qui est habituellement accordée dans son canton d'origine. Comme les cantons ne peuvent être tenus de verser des secours à des personnes se trouvant à l'étranger et qu'ils sont libres de fixer à leur gré leurs prestations bénévoles, une solution satisfaisante de ce problème n'est possible qu'au niveau fédéral. En revanche, le désir d'alléger les charges d'assistance des cantons ne peut avoir, dans cet ordre d'idées, qu'une importance secondaire.

L'intervention de la Confédération se justifie également parce que la sauvegardé des intérêts des ressortissants suisses à l'étranger est une tâche qui lui incombe et que l'assistance en fait aussi partie. En outre, si la Confédération ne légifère pas sur l'assistance des Suisses de l'étranger, elle rencontre des difficultés lorsqu'il s'agit de régler l'assistance par des conventions avec d'autres Etats. Des raisons pratiques parlent également en faveur de la reprise par la Confédération de l'assistance des Suisses de l'étranger. Les cantons et les communes doivent se fonder sur les rapports des représentations suisses ou des sociétés à l'étranger pour statuer sur les demandes de secours qui leur sont soumises. Ces représentations sont toutefois des organes de la Confédération et les sociétés suisses leur sont étroitement liées. A maintes reprises, des divergences de vues sont apparues entre des représentations suisses à l'étranger et des services cantonaux d'assistance au sujet de la nécessité ou de l'étendue d'une aide. Il s'imposait dès lors d'unifier les dispositions applicables et le règlement des cas.

222 Charges des cantons En étudiant les grandes lignes des dispositions d'exécution entrant en ligne de compte, on s'est demandé s'il fallait que la Confédération assume intégralement les charges d'assistance ou si les cantons devaient y participer. On a songé à un partage des frais puisqu'il
ne s'agit pas en premier lieu de décharger les cantons, mais d'assurer à nos compatriotes à l'étranger une aide déterminée selon des critères uniformes. Une telle solution se heurte cependant à des difficultés juridiques et pratiques. Ainsi, il ressort d'un avis de droit rédigé par la Division de la justice que, faute de base constitutionnelle, la Confédération ne peut obliger les cantons à participer à des secours versés à leurs ressortissants vivant à l'étranger. On a aussi étudié une solution prévoyant que les cantons se chargeraient volontairement d'une partie des frais d'assistance, par exemple de la moitié. Mais si certains cantons demeuraient à l'écart, le but de l'aide fédérale, qui est d'assister d'une manière uniforme tous les ressortissants suisses à l'étranger, ne serait pas atteint. Il en irait de même avec une simple loi de subventionnement.

546 On a finalement trouvé une solution conforme à la situation constitutionnelle et aux conditions légales: elle consisterait à laisser aux cantons les obligations qui leur incombent en vertu des conventions d'assistance avec la France et la République fédérale d'Allemagne. La Confédération, pour sa part, devrait assumer toutes les autres dépenses résultant de l'assistance des Suisses de l'étranger, y compris certaines contributions pour la réinstallation de compatriotes rentrés au pays.

223 Champ d'application de la loi A l'origine, on était parti de l'idée que la future loi devait donner à la Confédération la compétence d'aider en cas de besoin non seulement les compatriotes établis à l'étranger, mais aussi ceux qui y séjournent temporairement, par exemple des hommes d'affaires, des étudiants et des touristes qui, pour une raison quelconque, se trouvent dans l'embarras et s'adressent à la représentation diplomatique ou consulaire la plus proche. Des doutes étant apparus au sein de la commission d'experts au sujet de la constitutionnalité d'une telle disposition, la question a été soumise à la Division de la justice. Dans son avis de droit, cJle-ci est arrivée à la conclusion qu'il ne faut entendre par «Suisses de l'étranger» (en allemand: «Auslandschweizer») au sens de l'article 45&(s de la constitution que les citoyens suisses domiciliés à l'étranger, et non pas des personnes y faisant un voyage ou un séjour temporaire. C'est précisément la définition de ce terme qui avait donné lieu à la procédure de conciliation lors des délibérations parlementaires sur l'article 45bie de la constitution.

Comme la nouvelle loi ne peut se fonder que sur cet article constitutionnel et qu'elle fait dès lors partie intégrante du futur statut des Suisses de l'étranger, une disposition prévoyant l'octroi de secours d'urgence à des ressortissants suisses domiciliés en Suisse et tombés dans le besoin au cours d'un séjour temporaire à l'étranger, n'y aurait, pas sa place. Il n'a pas été possible de trouver d'autre compétence législative de la Confédération pouvant servir de base constitutionnelle en l'occurrence. De l'avis de la Division de la justice, l'article 102, chiffre 8, de la constitution n'entre pas en ligne de compte, car l'Assemblée fédérale ne saurait s'appuyer, pour édicter une loi ou un arrêté fédéral,
sur une compétence attribuée au Conseil fédéral. Une référence à l'article 85, chiffre 6, de la constitution est également exclue. En effet, les secours d'urgence accordés à des Suisses séjournant passagèrement à l'étranger ne constituent pas des «mesures pour la sûreté extérieure, ainsi que pour le maintien de l'indépendance et de la neutralité de la Suisse»; cette disposition n'autoriserait donc pas l'Assemblée fédérale à régler à titre durable de telles matières.

Dans ces conditions, l'assistance des Suisses de l'étranger doit se limiter aux Suisses de l'étranger au sens propre du terme. Il y a lieu de considérer comme Suisses de l'étranger au sens de la loi les ressortissants suisses qui ont ·leur domicile à l'étranger ou qui y résident depuis plus de trois mois. Quant à l'aide en faveur de ressortissants suisses séjournant temporairement à l'étranger, c'est-à-dire pour trois mois au plus, elle ne fait l'objet d'aucune disposition

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légale et devrait donc être réglée séparément. Nous partageons l'opinion de la commission d'experts, qui estime que cette restriction du champ d'application de la loi n'est pas entièrement satisfaisante. Une autre interprétation de la notion de «Suisses de l'étranger» ne serait cependant guère compatible avec le texte de l'article 45bis de la constitution ni avec l'a signification qui lui a été donnée lors des travaux parlementaires (cf. BO CN 1966, p. 5, col. de gauche, 137; BO CE p. 13 et 14, 55 et 56).

23 Résultat de la procédure de consultation Le Département fédéral de justice et police a soumis pour avis, le 31 janvier 1972, l'avant-projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger avec un rapport complémentaire aux gouvernements cantonaux, au Département politique fédéral à l'intention de nos représentations diplomatiques à l'étranger, à la Commission des Suisses à l'étranger de la Nouvelle Société Helvétique, ainsi qu'à plusieurs autres organisations particulièrement intéressées. Les trente-deux organismes et autorités consultés officiellement ont pour ainsi dire -tous répondu. Vingt-quatre cantons en particulier nous ont fait parvenir leurs avis.

On peut résumer ainsi les réponses reçues : On approuve en général la reprise de l'assistance par la Confédération.

Dans l'ensemble, on considère que le projet est équilibré, facilement compréhensible et d'une inspiration progressiste. Les opinions divergent cependant sur deux points du projet, qui donnent lieu parfois à de fortes critiques: les charges financières des cantons (art. 1er, 2e al.) et le champ d'application de la loi (art. 2).

Certains cantons, tels que Bénie, Lucerne, Fribourg, le Valais et Neuchâtel, demandent que la Confédération prenne également à sa charge les frais occasionnés par l'assistance des Suisses en France et dans la République fédérale d'Allemagne en vertu des conventions d'assistance conclues avec ces deux pays.

De l'avis de ces cantons, la solution proposée est désavantageuse pour les cantons dont les finances sont faibles et qui ont une forte émigration, de sorte qu'ils auraient à assister un nombre relativement élevé de ressortissants en France et en Allemagne. En outre, cette réglementation aurait fréquemment pour effet que le canton d'origine et la Confédération devraient fournir simultanément
des secours aux ressortissants suisses en France. Il conviendrait d'éviter ce double emploi. L'article 45his de la constitution autorise la Confédération à régler complètement l'assistance aux Suisses de l'étranger et à en supporter les frais. Au reste, le «Groupement romand des institutions d'assistance publique et privée» fait valoir que l'article 45Ms ne contient aucune disposition obligeant les cantons à participer aux frais d'assistance des Suisses à l'étranger. La Commission des Suisses à l'étranger serait favorable à une reprise intégrale des frais par la Confédération. La «Conférence suisse des institutions d'assistance publique» aurait aussi préféré cette solution. Elle considère toutefois que la solu-

548 tion proposée constitue un bon compromis. La majorité des cantons et des organisations consultées approuve expressément ou tacitement la réglementation établie à l'article premier, 2e alinéa, du projet de loi.

D'autre part, les cantons de Neuchâtel et de Genève, de même que la Conférence des institutions d'assistance publique et, tout particulièrement, les représentations suisses à l'étranger regrettent que la loi ne soit pas applicable aux ressortissants suisses qui tombent dans le besoin pendant un séjour temporaire à l'étranger. Ils estiment que l'article 45bt* a un champ d'application trop étroit en matière d'assistance. Il ne suffit pas, d'après eux, de ne réglementer l'assistance qu'au profit des Suisses à l'étranger au sens restreint du terme. En acceptant le nouvel article constitutionnel, le peuple et les cantons ont témoigné de leur volonté d'établir des dispositions permettant de régler d'une manière générale l'assistance de tous les Suisses à l'étranger et non pas seulement de ceux qui y résident durablement. Le projet de loi ne permet pas d'accorder un traitement égal à tous les Suisses à l'étranger. Le Groupement romand soutient la même opinion. La Conférence des institutions d'assistance publique reconnaît en revanche que l'article 2 de la loi créerait une situation claire. La grande majorité des cantons et des organisations consultées approuve également la réglementation proposée. On demande en revanche une réglementation particulière sur le plan fédéral pour l'assistance aux ressortissants suisses séjournant temporairement à l'étranger.

Enfin, des modifications ou des compléments ont été proposés pour certains articles. La Conférence des institutions d'assistance publique propose par exemple que les décisions de la Division de la police soient motivées par écrit et qu'elles indiquent les voies de recours disponibles. Il conviendrait de renoncer à demander le remboursement des montants accordés pour la formation d'une personne après sa 20e année. Quelques cantons proposent de porter à quinze ans le délai pendant lequel le remboursement de l'aide accordée peut être réclamé. Enfin, le canton de Saint-Gall et la Conférence des institutions d'assistance publique proposent de renoncer à prévoir le recours au Département foderai de justice et pulice contre les décisions de la Division
de la police et d'instituer une commission de recours indépendante de l'administration.

Nous avons étudié attentivement ces propositions et en avons tenu compte dans toute la mesure du possible. Diverses propositions ne pourront toutefois être prises en considération que dans l'ordonnance.

3 Partie spéciale 31 Principes Comme nous l'avons déjà dit, la nouvelle réglementation sur l'assistance des ressortissants suisses tombés dans le besoin à l'étranger ne vise pas en premier lieu à décharger financièrement les cantons, mais elle a pour but d'établir un régime aussi uniforme que possible en faveur de nos compatriotes à

549 l'étranger, quel que soit le canton dont ils sont originaires. La solution proposée tient compte de cet objectif, quand bien même les cantons devront continuer à prendre en charge les frais d'assistance de leurs ressortissants en France et dans la République fédérale d'Allemagne conformément aux accords conclus avec ces deux pays. Toute différence dans le traitement de nos ressortissants est écartée par le principe du «traitement national» établi dans les deux conventions, principe selon lequel l'Etat de résidence détermine la nature de l'assistance et la mesure dans laquelle elle est accordée de la même façon que pour ses propres ressortissants. Au surplus, l'article 45M* de la constitution n'oblige pas la Confédération à supporter tous les frais d'assistance des Suisses de l'étranger.

Nous aurions été favorables à une réglementation légale plus étendue qui aurait permis d'assister aussi les ressortissants suisses séjournant temporairement à l'étranger. Il n'est cependant pas possible, pour les raisons d'ordre constitutionnel dont nous avons déjà parlé, de donner suite à cette demande, si désirable que cela puisse être. Nous avons dès lors l'intention d'autoriser la Division de la police à accorder, sous certaines conditions, des avances remboursables aux ressortissants suisses tombés dans le besoin au cours d'un séjour temporaire à l'étranger.

La Division de la police devra veiller à l'encaissement des montants remboursables. La Confédération répondra des créances dont le montant ne pourrait être encaissé. Le crédit nécessaire sera inscrit chaque année dans le budget de la Confédération et devra être accordé par le Parlement. Cette réglementation, dont le détail devra encore être étudié, compléterait le règlement consulaire du 24 novembre 1967 (RO 1967 2039), fondé sur l'article 102, chiffre 8, de la constitution (RS 10Ï) et en vertu duquel les représentations suisses à l'étranger sont tenues de venir en aide aux Suisses de passage lorsqu'ils tombent dans le besoin.

32 Commentaire des diverses dispositions

Titre La loi vise avant tout à accorder une assistance pécuniaire aux Suisses tombés dans le besoin à l'étranger ou à les rapatrier. Il a donc semblé indiqué de retenir, pour le titre allemand de la loi, la formule «Bundesgesetz über Fürsorgeleistungen an Auslandschweizer» au lieu de la désignation primitivement prévue: «Bundesgesetz über die Fürsorge für Auslandschweizer», qui aurait une portée plus étendue. Cette modification ne concerne pas le texte français.

Chapitre premier: Champ d'application (art. 1er à 4) Ce chapitre contient quelques principes importants. L'article premier, 1er alinéa, statue l'obligation de la Confédération d'assister les Suisses de l'étranger qui se trouvent dans le besoin. Le 2e alinéa de cet article dispose, à titre d'exception, que les cantons sont tenus d'assumer les dépenses dont un Etat étranger peut réclamer le remboursement à la Suisse en vertu d'une convention d'assistance.

FiuUIt fédérait. 124* année. Vol. II.

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II s'agit en l'occurrence des conventions d'assistance conclues avec la France et la République fédérale d'Allemagne, auxquelles le projet de loi ne porte pas atteinte. Notons à ce propos qu'il ne faut pas s'attendre que d'autres conventions d'assistance reposant sur le principe du remboursement réciproque des frais soient conclues à l'avenir. L'article 2 délimite le cercle des personnes qui ont droit à l'assistance. D'après cette disposition, la loi ne s'applique pas aux ressortissants suisses qui font un bref séjour à l'étranger (touristes, hommes d'affaires ou autres personnes conservant leur domicile en Suisse). On entend par «domicile» le lieu où le ressortissant suisse réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 à 26 CC). On considère en outre comme domicile au sens de la loi un séjour de plus de trois mois à l'étranger, toute la durée du séjour à l'étranger étant prise en considération et non seulement le séjour dans un pays déterminé. Ce n'est pas l'immatriculation · qui est déterminante pour l'acquisition du domicile, mais le séjour effectif à l'étranger. Nous renvoyons au surplus au chiffre 31. La disposition de l'article 3 aux termes de laquelle la Confédération assume les frais d'assistance pendant trois mois au plus à compter de la date de retour d'un Suisse de l'étranger ne constitue pas seulement une concession faite aux autorités compétentes pour l'assistance selon le droit cantonal; elle tend avant tout à faciliter le transfert du cas à l'autorité responsable de l'assistance en Suisse. On entend par «retour» le retour définitif en Suisse.

Il ne s'agit donc pas de simples voyages durant les vacances ou pendant un séjour de cure. En outre, pour que la Confédération prenne les frais d'assistance en charge, il est nécessaire que l'assisté ait séjourné pendant trois ans au moins à l'étranger. La Confédération supporte en pareil cas les frais d'assistance, peu importe que le Suisse de l'étranger soit rentré au pays de son propre chef ou sous la pression des circonstances. Pendant le délai de trois mois, la Confédération reconnaît non seulement les frais effectifs, mais aussi toutes les dépenses engagées par le canton en faveur de l'assisté, selon les principes en vigueur en matière d'aide sociale.

Selon le 2e alinéa de l'article 3, cette disposition ne s'applique pas aux personnes
qui, au moment de leur retour en Suisse, étaient assistées aux frais d'un canton. II s'agit là des cas relevant des conventions d'assistance conclues avec la France et la République fédérale d'Allemagne, cas dans lesquels le canton doit continuer à supporter les frais après le retour dé l'assisté. D'autre part, la Confédération assumera les frais pendant les trois premiers mois du séjour en Suisse même lorsque l'intéressé n'a pas dû être assisté pendant son séjour à l'étranger.

Selon un principe généralement reconnu, l'assistance doit déjà intervenir au moment où une personne est menacée de tomber dans le besoin. L'article 4, 1er alinéa, autorise par conséquent la Confédération à prendre ou à soutenir des mesures propres à préserver des Suisses de l'étranger de l'indigence. Il peut s'agir d'une aide matérielle ou morale dans des cas d'espèce ou de mesures de caractère général, telles que l'information des Suisses de l'étranger sur des dangers particuliers qui les menacent dans leur santé ou sur le plan matériel,

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la protection des mères et des enfants, l'éducation et l'instruction de la jeunesse, des propositions en vue de mesures légales de rééducation ou de protection en liaison avec l'autorité compétente, la remise de vêtements, de denrées alimentaires ou de médicaments à des Suisses de l'étranger ne disposant que de ressources modestes. L'article 4, 2e alinéa, ne constitue pas une innovation.

Jusqu'ici la Confédération a déjà alloué dans certaines conditions des subventions à des institutions suisses, telles que les sociétés de secours, les asiles et les hôpitaux.

Chapitre II: Conditions d'octroi des secours (art. 5 à 7) Ce chapitre détermine les conditions auxquelles des prestations d'assistance peuvent être accordées, refusées ou retirées. Selon l'article 5, des secours ne doivent être versés que s'il n'est pas possible de remédier à temps, d'une autre manière, à l'indigence. La loi ne doit pas paralyser la volonté d'une personne de se tirer d'affaire elle-même. Nul ne peut renoncer à mettre à contribution ses propres forces, lès ressources dont il dispose ou d'autres possibilités qui s'offrent à lui, pour s'en remettre à la collectivité du soin de lui assurer une existence décente. Il incombera aux organes de l'assistance d'examiner dans chaque cas, avant l'octroi d'une aide, si le requérant n'est pas en mesure de surmonter lui-même ses difficultés, s'il a des parents qui pourraient lui venir en aide ou s'il n'y a pas lieu de recouru- à d'autres institutions publiques ou privées. Au nombre de celles-ci, il faut compter les assurances sociales et, le cas échéant, l'assistance du pays de résidence. Si les circonstances l'exigent, l'aide nécessaire sera accordée à titre d'avance moyennant promesse de remboursement ou cession de droits existant à l'égard de tiers. Pour les doubles-nationaux (art. 6), il faut examiner quelle nationalité est prépondérante. Les circonstances particulières de chaque cas permettront de déterminer si c'est la nationalité suisse qui prédomine. La possession d'un passeport suisse ne constitue pas à elle seule une preuve suffisante de la prépondérance de la nationalité suisse. On trouvera plus de détails à ce sujet dans notre ordonnance. L'article 7 énonce les états de fait qui peuvent entraîner le refus ou la suppression de l'assistance.

Cette disposition se révélera probablement
utile comme mesure préventive, mais elle ne sera sans doute que rarement appliquée dans la pratique.

Chapitre III: Prestations d'assistance (art. 8 à 12) Les dispositions de ce chapitre fixent les limites dans lesquelles les prestations d'assistance sont accordées. La nature et l'étendue de l'assistance se déterminent en principe selon les exigences de chaque cas et, comme l'article 8 le dit expressément, selon les conditions particulières du pays de résidence, compte tenu des besoins vitaux d'un Suisse habitant ce pays. On ne saurait donc se fonder uniquement sur la pratique suisse. Le coût de la vie au lieu de résidence de l'assisté est décisif. L'aide doit permettre au bénéficiaire de mener une existence décente selon l'acception donnée en Suisse à ce terme, L'ar-

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ticle 8, 2e alinéa, dispose dès lors qu'une aide supplémentaire de la Confédération peut être accordée aux Suisses de l'étranger qui reçoivent des prestations d'assistance de leur pays de résidence, lorsque celles-ci sont insuffisantes selon les conceptions suisses. Cette disposition s'applique aussi aux ressortissants suisses en France et dans la République fédérale d'Allemagne, D'après l'article 9, l'octroi de l'aide peut être subordonnée à des conditions et à des obligations, qui peuvent consister dans le dépôt de sûretés. L'article 10 interdit de céder ou de mettre en gage les secours promis. Cette interdiction tend à empêcher que des tiers ne puissent élever des prétentions à l'égard de la Confédération. Le Suisse de l'étranger étant soumis à la souveraineté de l'Etat dans lequel il vit, les autorités suisses ne peuvent pas le contraindre à rentrer au pays. Elles peuvent et doivent cependant l'inviter à le faire si cette mesure est dans son véritable intérêt ou dans celui de sa famille (art. 11). Des considérations financières ne sauraient jouer un rôle primordial à cet égard. Il convient de renoncer au rapatriement lorsqu'il constituerait une mesure trop rigoureuse pour l'assisté ou sa famille (séjours prolongés à l'étranger, séparation des proches). Le retour au pays peut être facilité par le paiement des frais de voyage. Si l'assisté refuse de rentrer en Suisse, alors que ce serait dans son intérêt ou dans celui de ses proches, l'autorité peut refuser de lui verser des secours à l'étranger. Les frais de voyage pour le retour en Suisse ne sont pris en charge qu'en cas d'indigence et seulement si Je rapatriement est nécessaire pour l'assistance. La Division de la police informe le canton compétent du rapatriement prévu. Les frais de sépulture (art. 12) sont considérés comme le dernier secours accordé à un indigent décédé; ils sont assumés par la Confédération en tant que la famille ou le pays de résidence n'y pourvoit pas. Par «sépulture décente», on entend un ensevelissement simple ou une incinération tels qu'on les conçoit en Suisse.

Les frais indispensables seront reconnus.

Chapitre IV: Procédure (art. 13 à 18) Les articles 13 à 18 règlent la procédure à suivre pour l'obtention d'une aide, l'examen de la demande et la décision. En ce qui concerne la présentation de la demande, l'article
13 dispose seulement que l'indigent doit s'adresser à la représentation diplomatique ou consulaire suisse dont il relève. Il peut le faire verbalement ou par écrit. Le requérant ou son représentant légal est toutefois tenu de remplir et de signer une requête à la demande de la représentation suisse. L'intéressé peut se faire représenter par un mandataire. Selon l'article 14, 1er alinéa, la Division de la police est compétente pour prendre la décision. Elle peut cependant autoriser les représentations suisses à allouer de leur propre chef certaines prestations d'assistance (art. 14, 3e al.), notamment de petites aides casuelles, selon des directives particulières. En confiant à une seule et même autorité le droit de statuer sur les demandes, on assure un traitement égal à tu us les bénéficiaires de l'assistance, ce qui est le principal objectif de la loi. Le fait d'attribuer aux représentations suisses la compétence d'ac. corder l'aide indispensable dans les cas urgents tout en avisant la Division de

553 la police (art. 14, 2e al.) ne change rien à ce principe. L'article 15 ne contient rien de fondamentalement nouveau, car les sociétés suisses d'entraide à l'étranger ont déjà été appelées dans certains cas à collaborer à l'assistance de Suisses de l'étranger. Il appartient aux représentations suisses de décider si et quand il y a lieu de faire usage de cette possibilité. Les sociétés d'entraide sont toutefois libres de prêter ou de refuser leur concours. Selon l'article 16, il incombe à l'autorité compétente en vertu du droit cantonal de prendre soin des Suisses de l'étranger indigents après leur retour au pays, même si les frais sont à la charge de la Confédération (art. 3). La Confédération ne dispose pas du personnel nécessaire pour se charger de cette tâche. En outre, l'assistance en Suisse est du ressort des cantons selon la constitution. A la demande des organes de l'assistance, les services de la Confédération, des cantons et des communes sont tenus de prêter gratuitement leur concours pour élucider les cas et fournir des renseignements, dans la mesure où l'application de la loi l'exige (art. 17).

Chapitre V: Obligations d'entretien et aliments; remboursement des prestations (art 18 à 20) Ce chapitre règle l'exécution de l'obligation d'entretien et de la dette alimentaire relevant du droit de la famille, ainsi que l'obligation de rembourser les prestations d'assistance reçues. Etant donné qu'une procédure tendant à faire valoir, à l'étranger, l'obligation d'entretien ou la dette alimentaire a un résultat problématique suivant le droit applicable, c'est plutôt pour mémoire que l'avant-projet en parle à l'article 18. Dans la pratique, la Division de la police essaiera de s'entendre à l'amiable avec le débiteur sur le montant de la contribution qu'il devrait verser. Si c'est le droit suisse qui est applicable, les prétentions se déterminent selon les dispositions du code civil et la jurisprudence.

L'article 19 définit les conditions dans lesquelles les prestations doivent être remboursées. Les cas cités aux alinéas 1 à 5 répondent aux exigences d'une pratique progressiste en matière d'assistance. C'est ainsi qu'une personne ayant été assistée ne sera invitée à rembourser des prestations reçues que lorsque sa situation économique se sera améliorée à tel point que son entretien et celui de
sa famille seront convenablement assurés. Il faudra en particulier laisser aux assistés la possibilité de faire face à certains besoins qu'ils n'avaient pu satisfaire durant leur indigence, ainsi que de contracter les assurances usuelles. On ne réclamera pas le remboursement des prestations d'assistance qu'une personne a reçues avant l'âge de vingt ans révolus, par exemple les frais d'instruction ou de réadaptation. En revanche, les prestations qu'une personne a obtenues en faisant sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes doivent être restituées intégralement. Les héritiers ne sont tenus de rembourser les prestations d'assistance dont a bénéficié le défunt que dans la mesure où ils tirent profit de la succession. Un remboursement n'entre dès lors en ligne de compte que lorsque la succession présente un solde actif après paiement de toutes les dettes et des frais de sépulture et de succession, mais sans qu'il soit tenu compte de la créance en matière d'assistance. Des circonstances particulières justifiant

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une renonciation partielle ou totale au remboursement (art. 19, 5e al.) pourraient par exemple exister lorsque l'héritier tenu au remboursement vit luimême dans des conditions modestes et lorsque la créance ne dépasse pas un certain montant. Le délai de dix ans après lequel le remboursement d'une prestation d'assistance ne peut plus être réclamé (art. 20) a un caractère absolu.

Toute créance en vertu d'une prestation d'assistance se prescrit par dix ans, à moins qu'elle n'ait été établie par contrat ou par décision de la Division de la police.

Chapitre VI: Recours (art. 21) L'article 21 règle le contentieux. L'intéressé peut recourir contre les décisions des autorités d'assistance, en invoquant la violation d'une prescription déterminée ou l'inopportunité. Sont compétents pour statuer: 1. Sur les recours contre des décisions des représentations suisses, la Division de la police; 2. Sur les recours contre des décisions et prononcés de la Division de la police, le Département de justice et police; 3. Sur les recours de droit administratif contre des prononcés du Département de justice et police relatifs à la révocation intégrale ou partielle de décisions accordant un avantage pécuniaire ainsi qu'au remboursement de prestations pécuniaires payées, le Tribunal fédéral.

. Au surplus, les dispositions de la loi fédérale du 20 décembre 1968 (RO 1969 757) sur la procédure administrative sont applicables. Les cantons et les communes ont aussi qualité pour recourir lorsqu'ils sont touchés par la décision attaquée ou ont un intérêt digne d'être sauvegardé à ce que cette décision soit abrogée ou modifiée (art. 48 PA).

Chapitre VII: Dispositions transitoires et finales (art. 22 à 25) L'article 22 contient des dispositions transitoires concernant les cas d'assistance pendants au moment de l'entrée en vigueur de la loi. En vertu de cette disposition, la Confédération se charge des frais y relatifs. Les prestations d'assistance déjà accordées à ce moment-là, c'est-à-dire les montants déjà versés, sont à la charge de la collectivité à laquelle il incombait jusqu'alors de les assumer. L'arrêté fédéral du 13 juin 1957, qui est cité à l'article 23, 1er alinéa, est exclusivement applicable, comme son titre l'indique, aux Suisses de l'étranger et aux rapatriés victimes de la guerre 1939-1945. Il ne peut donc pas
être abrogé par Ja présente loi. L'article 23, 2e alinéa, nous donne la compétence d'adopter des dispositions spéciales au cas où des groupes importants de Suisses de l'étranger tomberaient dans le besoin par suite de circonstances extraordinaires (événements de guerre, mesures coercitives générales de caractère politique, etc.) et seraient obligés de rentrer en Suisse,. En pareil

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cas, nous pourrions, par exemple, ordonner l'organisation de convois pour le retour en Suisse des intéressés et déroger aux délais mention nés à l'article 3, 1er alinéa, pour la prise en charge des frais d'assistance par la Confédération.

Cette réglementation spéciale ne viserait cependant que les prestations d'assistance proprement dites. L'article 24 nous charge d'exécuter la loi et d'édicter les dispositions d'application nécessaires. L'article 25 nous autorise à fixer la date de son entrée en vigueur.

4 Conséquences quant aux finances et au personnel 11 est difficile d'évaluer les conséquences financières de la loi. Selon une statistique que la Conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique a fait établir en dernier lieu en 1965, les dépenses des cantons pour l'assistance de ressortissants suisses à l'étranger se sont élevées à 1,8 million de francs par an. Pour 1971, les besoins sont estimés à environ 2,4 millions de francs. Sur ce montant, quelque 1,2 million de francs concerne les secours versés à des Suisses en France et en Allemagne conformément aux conventions d'assistance conclues avec ces deux pays, dépenses qui demeurent à la charge des cantons.

La Confédération aurait dès lors à payer également 1,2 million de francs environ. A cette somme s'ajouteraient les frais à rembourser aux cantons pour la réinstallation de Suisses de l'étranger rentrés au pays, conformément à l'article 3 de la loi. Bien que ces dépenses ne puissent être supputées avec quelque exactitude, on peut admettre que les charges qui en résulteront n'excéderont guère 200 000 francs par an. La reprise par la Confédération de l'assistance des Suisses de l'étranger n'exigera probablement que l'engagement de deux collaborateurs supplémentaires au maximum à la Division de la police, si les conditions restent les mêmes.

5 Constitutionnalité Le projet de loi se fonde sur l'article 45w' de la constitution, qui autorise la Confédération à édicter, compte tenu de la situation particulière des Suisses à l'étranger, des dispositions en vue de déterminer leurs droits et obligations, en particulier en matière d'assistance.

6 Conclusion Le projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger est le résultat d'études et de discussions approfondies. Ses grandes lignes sont claires et tiennent compte des
requêtes présentées à diverses reprises, depuis des années, par les organisations de Suisses de l'étranger et la Conférence des directeurs cantonaux de l'assistance publique. Le but essentiel visé par la loi est l'égalité de traitement entre les Suisses de l'étranger indigents et l'uniformisation de la pratique. L'adoption d'une réglementation fédérale apportera des allégements aux cantons sur le plan financier. Pour la Confédération, il s'agira de tâches

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et de charges supplémentaires, qu'il se justifie cependant d'accepter, eu égard aux avantages qui résulteront du nouveau système d'assistance pour les Suisses de l'étranger, avantages qui ne peuvent être obtenus d'une autre manière. En acceptant le nouvel article 45Ms de la constitution, le peuple suisse a démontré qu'il entendait remédier aux inconvénients de la réglementation actuelle et confier à la Confédération l'assistance des Suisses de l'étranger.

Pour les raisons que nous venons d'exposer, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet ci-joint de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 6 septembre 1972 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Celio 3076S

Le chancelier de la Confédération, Huber

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(Projet)

Loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 45M* de la constitution ; vu le message du Conseil fédéral du 6 septembre 19721', arrête : Chapitre premier: Champ d'application Article premier En général La Confédération accorde, conformément à la présente loi, des prestations d'assistance aux Suisses de l'étranger qui se trouvent dans le besoin.

a Les dépenses que la Suisse doit rembourser à un autre Etat en vertu d'une convention d'assistance sont à la charge de la collectivité compétente du canton d'origine.

Art. 2 Définition Les Suisses de l'étranger au sens de la présente loi sont des ressortissants suisses qui ont leur domicile à l'étranger ou qui y résident depuis plus de trois mois.

Art. 3 1

Assistance en cas de retour en Suisse Si des Suisses de l'étranger ayant résidé à l'étranger durant trois ans au moins doivent être assistés après leur retour en Suisse, la Confédération assume les frais pendant trois mois au plus à compter de la date de retour. Les prestations d'assistance se déterminent en pareil cas selon les dispositions du canton de résidence.

1

«FF 1972II 540

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Cette disposition n'est pas applicable aux personnes qui, au moment de leur retour en Suisse, étaient assistées aux frais d'un canton.

Art. 4

Mesures préventives La Confédération peut, dans des cas spéciaux, prendre ou soutenir des mesures propres à préserver des Suisses de l'étranger de l'indigence.

2 Elle peut encourager des organismes qui viennent en aide à des Suisses de l'étranger et notamment leur allouer des subventions.

1

Chapitre II: Conditions d'octroi des secours Art. 5

Principe Des prestations d'assistance ne sont allouées qu'aux Suisses de l'étranger qui ne peuvent subvenir dans une mesure suffisante à leur entretien par leurs propres moyens ou par une aide de source privée ou de l'Etat de résidence.

Art. 6

Doubles-nationaux Les doubles-nationaux dont la nationalité étrangère est prépondérante n« sont, en règle générale, pas mis au bénéfice d'une aide.

Art. 7

Motifs d'exclusion L'assistance peut être refusée ou supprimée : a. Si le requérant a gravement lésé les intérêts publics suisses ; b. S'il obtient ou tente d'obtenir des prestations d'assistance en faisant sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes; c. S'il refuse de renseigner les organes de l'assistance sur sa situation personnelle ou de les autoriser à prendre des informations;

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d. S'il ne remplit pas les conditions ou obligations qui lui sont imposées, n'annonce pas des modifications essentielles de sa situation ou ne fait manifestement pas les efforts pouvant être exigés de lui pour améliorer celle-ci ; e. S'il utilise abusivement les secours.

Chapitre lu: Prestations d'assistance Art. 8

Nature et étendue des prestations 1

La nature et l'étendue de l'assistance se déterminent selon les conditions particulières du pays de résidence, compte tenu des besoins vitaux d'un Suisse habitant ce pays.

3

Sous réserve de ce principe, une aide supplémentaire peut être accordée aux Suisses de l'étranger qui reçoivent des prestations d'assistance de leur pays de résidence.

Art. 9 Conditions et obligations Les prestations d'assistance peuvent être liées à des conditions et obligations.

Art. 10 Cession et mise en gage Les secours promis ne peuvent être ni cédés ni mis en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle et de nul effet.

Art. 11 Retour en Suisse 1

La personne qui a besoin d'aide peut être invitée à rentrer en Suisse si cette mesure est dans son véritable intérêt ou dans celui de sa famille. En pareil cas, la Confédération se charge des frais de rapatriement au lieu d'accorder à l'intéressé des secours à l'étranger.

a

La Confédération peut aussi se charger des frais de rapatriement lorsque l'intéressé prend de son propre chef la décision de rentrer en Suisse.

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Art. 12 Frais de sépulture La Confédération peut assumer les frais résultant d'une sépulture décente des Suisses de l'étranger indigents, décédés à l'étranger, en tant que leur famille ou le pays de résidence n'y pourvoient pas.

Chapitre IV: Procédure Art. 13 Demande de secours 1

Toute personne qui, à l'étranger, entend demander une aide de la Confédération doit s'adresser à la représentation diplomatique ou consulaire suisse dont elle relève.

3 La représentation suisse examine et complète la demande et la transmet, avec un rapport et une proposition, à la Division de la police du Département fédéral de justice et police (Division de la police).

Art. 14 Décision .

1

La Division de la police statue sur les demandes qui lui sont soumises et délivre une garantie pour l'aide qu'elle accorde.

2 Dans les cas urgents, la représentation suisse accorde l'aide indispensable ; elle en informe la Division de la police.

3 La Division de la police peut en outre autoriser les représentations suisses à allouer de leur propre chef d'autres prestations d'assistance.

4 Les décisions négatives doivent être motivées par écrit et indiquer les voies de droit.

Art. 15 Collaboration des sociétés d'entraide Les représentations suisses peuvent recourir à la collaboration des sociétés suisses d'entraide à l'étranger.

Art. 16 Aide après le retour en Suisse Tl incombe à l'autorité compétente en vertu du droit cantonal de prendre soin des Suisses de l'étranger indigents rentrés au pays, même si les frais sont à la charge de la Confédération.

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Art. 17 Entraide administrative Les services de la Confédération, des cantons et des communes sont tenus de prêter gratuitement leur concours pour élucider les cas.

Chapitre V: Obligations d'entretien et aliments; remboursement des prestations Art. 18 Obligation d'entretien et dette alimentaire En cas d'obligation d'entretien et de dette alimentaire relevant du droit de la famille, l'action tendant à leur exécution est réservée.

Art. 19 Remboursement 1

Les prestations d'assistance doivent être remboursées lorsque l'assisté n'a plus besoin d'aide et que son entretien et celui de sa famille apparaissent suffisamment assurés.

2 Le remboursement des prestations d'assistance qu'une personne a reçues avant l'âge de vingt ans révolus ou, par la suite, en vue de sa formation n'est pas réclamé.

3 Celui qui a obtenu, pour lui-même ou pour autrui, des prestations d'assistance en faisant sciemment des déclarations inexactes ou incomplètes, est tenu de les restituer dans tous les cas.

4 Les héritiers sont tenus de rembourser les prestations d'assistance dont a bénéficié le défunt, dans la mesure où ils tirent profit de la succession.

s La Division de la police statue sur le remboursement des prestations. Elle peut renoncer entièrement ou partiellement à exiger le remboursement si les circonstances le justifient.

Art. 20 Délai de remboursement; créances sans intérêt Le remboursement d'une prestation d'assistance ne peut plus être réclamé dix ans après qu'elle a été allouée, à moins que la créance n'ait été établie contractuellement ou par décision de la Division de la police. Les créances découlant de l'obligation de rembourser les prestations ne portent pas intérêt.

562

Chapitre VI: Recours Art. 21 Les décisions des représentations suisses sont susceptibles de recours à la Division de la police; les décisions et prononcés de la Division de la police le sont au Département fédéral de justice et police; celui-ci statue définitivement, à moins que le recours de droit administratif au Tribunal fédéral ne soit ouvert.

Chapitre VII: Dispositions transitoires et finales Art. 22 Dispositions transitoires Dès la date d'entrée en vigueur de la présente loi, la Confédération se charge des cas d'assistance pendants, sous réserve de l'article premier, 2e alinéa.

2 Les instructions et garanties données précédemment et encore valables demeurent en vigueur; elles seront toutefois adaptées le plus tôt possible aux dispositions de la présente loi.

3 Les prestations d'assistance déjà accordées au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi sont à la charge de la collectivité à laquelle il incombait jusque-là de les assumer.

1

Art. 23 Aide extraordinaire La présente loi ne porte pas atteinte aux dispositions de l'arrêté fédéral du 13 juin 1957 concernant une aide extraordinaire aux Suisses à l'étranger et rapatriés victimes de la guerre de 1939-1945.

a Si des groupes importants de Suisses de l'étranger tombent dans le besoin par suite de circonstances extraordinaires, le Conseil fédéral est autorisé à déroger aux délais mentionnés à l'article 3, 1er alinéa.

1

Art. 24 Exécution Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution. Il édicté les dispositions d'application nécessaires.

Art. 25 Entrée en vigueur La présente loi est soumise au référendum facultatif.

2 Le Conseil fédéral fixe la date de son entrée en vigueur.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi fédérale sur l'assistance des Suisses de l'étranger (Du 6 septembre 1972)

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