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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une revision de la constitution dans le domaine de l'économie hydraulique (art. 24bis et24quaterO (Du 13 septembre 1972)

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté fédéral sur le remplacement des articles 24Ms et 24quater, concernant l'utilisation des forces hydrauliques et la protection des eaux contre la pollution, par de nouveaux articles concernant l'économie hydraulique ainsi que le transport et la distribution de l'énergie électrique.

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Bref aperçu général

C'est la motion du conseiller aux Etats Rohner, du 23 juin 1965, adoptée par le Conseil des Etats le 6 octobre 1965 et par le Conseil national le 16 décembre 1965, qui a surtout déterminé l'élaboration des nouveaux articles constitutionnels que nous vous proposons. Cette motion a la teneur suivante: Les tâches de l'économie hydraulique ne peuvent plus être accomplies isolément. La coordination et la vue d'ensemble sont nécessaires. Embrassant la totalité des activités humaines qui s'exercent sur les eaux de surface comme sur les eaux souterraines, l'économie hydraulique forme un tout où concourent, comme nulle part ailleurs, les exigences d'ordre culturel, hygiénique, économique et celles d'une politique de défense. L'emploi et le soin rationnels de nos ressources hydrauliques, qui sont si importantes pour notre peuple, ne sont pas inépuisables et ne peuvent être accrues, posent un problème toujours plus grave. L'unité hydrologique des eaux de surface et souterraines oblige de prendre des mesures qui débordent toujours plus les frontières des cantons, voire celles de la Confédération. Une planification valable pour tous les besoins d'alimentation de nos rivières et de nos lacs

1145 comme aussi pour les eaux souterraines est une nécessité si l'on veut sauvegarde aussi, à longue échéance, des ressources vitales pour notre peuple et l'économie.

Une telle planification constitue dès lors un élément du plan d'aménagement local, régional et national.

Les dernières années, la plupart de nos pays voisins se sont donné de nouvelles lois sur les eaux, complètes et modernes. En Suisse, quelques cantons ont codifié, partiellement au moins, leur législation dans ce domaine. Malgré cela, notre droit manque extraordinairement d'unité. Les attributions constitutionnelles de la Confédération sont limitées à quelques domaines. Un nouvel examen et une répartition naturelle des attributions tenant compte des intérêts légitimes des cantons paraissent indispensables, étant données les perspectives d'avenir relatives à une économie hydraulique englobant un vaste territoire. 11 s'agit en effet de protéger l'intérêt public et d'assurer une utilisation rationnelle de nos eaux de surface ou souterraines et une alimentation toujours suffisante de la population en eau potable et d'usage de qualité irréprochable, Le Conseil fédéral est en conséquence invité à préparer une revision de la constitution aux fins d'étendre la compétence fédérale dans le domaine de l'économie hydraulique et de réglementer de manière plus uniforme la législation sur les eaux.

Le présent message donne suite à la motion Rohner. Le nouvel article 24w« étend la compétence de légiférer dévolue à la Confédération. Celle-ci reçoit la compétence expresse de légiférer dans le domaine de la recherche et de la mise en valeur de données hydrologiques ainsi que dans un certain nombre de nouveaux domaines de l'économie hydraulique: établissement de plans-cadres en matière d'économie hydraulique; conservation quantitative des eaux; approvisionnement en eau et enrichissement artificiel des nappes souterraines; prélèvements d'eau pour les usines à accumulation par pompage, pour les installations de refroidissement et pour les pompes thermiques; irrigation et drainage des sols; sécurité des ouvrages d'accumulation; régularisation, dérivation et autres interventions dans le cycle de l'eau. La législation sur les eaux aura un caractère de plus en plus uniforme, au fur et à mesure que le législateur fédéral édictera des dispositions dans les nouveaux domaines précités. La. Confédération exercera aussi une fonction coordinatrice en statuant sur l'octroi ou l'exercice des droits d'eau dans certains cas, en veillant à l'établissement de plans-cadres en matière d'économie hydraulique, en surveillant l'exécution des prescriptions fédérales par les cantons et en exécutant elle-même ces prescriptions.

Le nouvel article 24Ms permettra au législateur fédéral d'édicter des dispositions garantissant un débit minimum suffisant des rivières, en particulier pour tenir compte de la protection de la nature et du paysage dans le sens demandé par le postulat Welter (du 19 décembre 1961).

Le nouvel article 24suater reproduit, sans aucune modification, le 9e alinéa de l'article 246is actuel relatif au transport et à la distribution de l'énergie électrique. Ces domaines comprenant des éléments étrangers à l'économie hydraulique, il convient de les reprendre dans un article distinct.

1146 Dans notre rapport du 15 mai 1968 concernant les Grandes lignes de la politique gouvernementale pendant la législature 1968-1971 (FF 1968 I 1221), nous avons annoncé que nous préparions un projet de nouvel article constitutionnel concernant l'économie hydraulique pour combler les lacunes qu'accusé la législation sur les eaux. Dans notre rapport du 13 mars 1972 relatif à la législature 1971-1975 (FF 1972 I 1021, voir l'appendice 2), nous avons précisé que ce projet serait probablement publié eo 1972. En vous soumettant le présent projet de nouvelles dispositions constitutionnelles, nous atteignons l'un des objectifs de notre politique gouvernementale.

2 21

Situation initiale

L'économie hydraulique considérée comme un tout et gestion rationnelle des ressources en eau

Dans notre rapport à l'Assemblée fédérale sur notre gestion en 1956 (chapitre: Département des postes et des chemins de fer, Service des eaux, p. 508), nous avons déjà souligné que les eaux de surface et souterraines jouaient un rôle de plus en plus grand. Leur mise à contribution croissante entraîne une raréfaction et des conflits d'intérêts plus fréquents. L'utilisation rationnelle et la bonne gestion des ressources en eau deviennent des problèmes complexes. H faut regarder de plus en plus au-delà des frontières cantonales, et même nationales. Cette évolution exige l'adoption de mesures bien étudiées et des prévisions à longue échéance.

En 1964, l'Office fédéral de l'économie hydraulique a rédigé, en collaboration avec d'autres services fédéraux et quelques institutions intéressées, un «exposé concernant l'utilisation des ressources hydrauliques de la Suisse», pour la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies. Après avoir décrit la situation actuelle, ce document esquissait l'évolution future des problèmes concernant l'eau, insistant notamment sur la nécessité de considérer l'économie hydraulique comme un tout, vu les effets qu'exercent les unes sur les autres leurs diverses utilisations. «Etant donné l'enchevêtrement inextricable entre l'économie hydraulique et le droit des eaux, des conceptions d'ensemble, quant à la première, demandent à être complétées par une réglementation d'ensemble également du droit des eaux, compte tenu de la structure fédéraliste de notre pays.» La Société suisse des juristes a inscrit l'examen des «Aspects juridiques du régime des eaux en Suisse» à l'ordre du jour de son Congrès en 1965. M. Zurbrügg, alors sous-directeur de l'Office fédéral de l'économie hydraulique, a présenté un rapport sur ce sujet. Toute une partie de ce rapport est consacrée à l'économie hydraulique considérée comme un tout. L'époque est révolue où l'on trouvait partout, dans notre pays, de l'eau en si grande abondance qu'il n'y avait encore pratiquement pas de conflits entre les divers modes d'utilisation des ressources. Il n'est plus possible aujourd'hui, dans une économie hydrau-

1147 lique moderne, où tant de facteurs techniques, économiques, esthétiques, politiques et juridiques s'interpénétrent et s'imbriquent, de considérer chaque secteur indépendamment des autres ; toute intervention dans un secteur influe sur l'ensemble du régime des eaux. C'est pourquoi on se rend toujours plus compte que chaque mode d'utilisation de l'eau, comme toute mesure prise dans le domaine de l'économie hydraulique, est une partie d'un tout. Il en résulte qu'il est indispensable de gérer, de façon rationnelle, les ressources existantes qui sont limitées, afin de pouvoir harmoniser les divers intérêts en présence, souvent opposés les uns aux autres. Les difficultés rencontrées autrefois dans le seul domaine de l'utilisation des forces hydrauliques se manifestent aujourd'hui dans l'ensemble de l'économie hydraulique. A l'ancienne notion d'utilisation rationnelle des forces hydrauliques s'ajoute maintenant celle de gestion rationnelle des ressources en eau.

En développant sa motion, le conseiller, aux Etats Rohner a souligné que l'économie hydraulique constitue une unité. Il a rappelé que les ressources du pays en eau, notamment les ressources en eau potable et industrielle, ne sont pas inépuisables. Or il importe de satisfaire au mieux les multiples besoins en eau de la population et de l'économie, tant actuellement qu'à l'avenir. C'est pourquoi la gestion rationnelle de nos ressources en eau est l'un des problèmes les plus urgents que nous ayons à résoudre.

Comme l'a confirmé la procédure préliminaire qui a abouti au projet d'article 24Me, lès milieux intéressés, à quelques rares exceptions près, reconnaissent la nécessité de considérer l'economie hydraulique comme un tout et d'assurer ime gestion rationnelle des ressources en eau.

22 Législation sur les eaux Le droit suisse des eaux offre l'image d'une mosaïque incohérente. Outre les textes constitutionnels et législatifs fédéraux, qui ont vu le jour à des époques et sous divers auspices, il existe sur le plan cantonal d'abondantes réglementations légales, qui diffèrent d'un canton à l'autre.

Actuellement, la constitution confère à la Confédération des attributions dans les domaines suivants de l'économie hydraulique: - travaux publics d'économie hydraulique qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays, au sens de l'article
23 de la constitution, - police des endiguements, article 24 de la constitution, - utilisation des forces hydrauliques, article 24 bts de la constitution, - navigation, article 24UT de la constitution, - protection des eaux contre la pollution, article 24«ua*er de la constitution, - pêche, article 25 de la constitution.

Les dispositions adoptées en matière d'économie hydraulique en vertu de l'article 23 sont pour l'essentiel les arrêtés fédéraux assurant le versement de

1148 subventions en vue de financer la régularisation d'un certain nombre de lacs et la deuxième correction des eaux du Jura, ainsi que les arrêtés fédéraux relatifs à l'entreprise de la Linth.

La loi fédérale du 22 juin 1877 concernant la police des eaux (modifiée à plusieurs reprises) et les règlements d'exécution du 8 mars 1879 et du 9 juillet 1957 (modifié en 1971) visent à prévenir les conséquences nuisibles de l'action des cours d'eau en assurant l'exécution de travaux de protection et leur entretien ainsi qu'en encourageant les efforts des cantons par le versement de subventions. En outre ces dispositions ont pour but d'assurer la sécurité des ouvrages d'accumulation.

La loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques, modifiée en 1952 et 1967, a pour objectifs essentiels de sauvegarder l'intérêt public et d'assurer l'utilisation rationnelle des forces hydrauliques suisses. Son exécution est assurée par un arrêté du Conseil fédéral et par un certain nombre d'ordonnances, de règlements et de circulaires du Conseil fédéral ou du département compétent.

Bien que l'article 24ter ait été accepté en votation populaire le 4 mai 1919, la Confédération n'a pas encore édicté de loi sur les rapports de droit public en matière de navigation intérieure. Aujourd'hui notre législation ne comprend que les textes suivants: d'une part, les prescriptions applicables aux entreprises de navigation titulaires d'une concession fédérale (régale des postes) et, d'autre part, les nombreuses dispositions de droit public, édictées par le Conseil fédéral et le Département des transports et communications et de l'énergie, que réclame l'exercice de la navigation, surtout sur le Rhin, et qu'exigent des conventions internationales ou le droit international en général (compétence accordée par l'art. 66, 2e al., de la loi fédérale du 28 septembre 1923 sur le registre des bateaux). Un projet de loi fédérale sur la navigation intérieure est en préparation.

En ce qui concerne l'aménagement des voies navigables, nous avons, par arrêté du 4 avril 1923, désigné les cours d'eau navigables ou pouvant être rendus navigables (en exécution de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques).

La nouvelle loi fédérale du 6 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, ainsi que trois
nouvelles ordonnances du Conseil fédéral sont entrées en vigueur le 1er juillet 1972, remplaçant la loi fédérale de 1955 et l'ordonnance d'exécution de 1956.

Une revision totale de la loi fédérale du 21 décembre 1888 sur la pêche est en préparation. Le projet de loi sera probablement publié en 1973.

Certaines dispositions du code civil concernent les eaux. Il convient de mentionner ici les dispositions sur les choses sans maître et les biens du domaine public (art. 664 CC), l'éiendue de la propriété foncière (art. 667 CC), les rapports de voisinage (art. 684, 689 et 690 CC), les améliorations du sol (art. 703 CC) ainsi que les sources et les eaux souterraines (art. 704 à 712 CCX

1149 Les cantons ont tous édicté des dispositions sur les eaux, d'une part pour régler des domaines qui relèvent de leurs propres attributions et, d'autre part, pour assurer l'exécution de la législation fédérale. Ces dispositions sont insérées dans un très grand nombre d'actes, en particulier dans les constitutions cantonales, quelques concordats intercantonaux, de nombreuses lois spéciales réglant des secteurs particuliers de l'économie hydraulique et quelques codes des eaux. Des dispositions sur les eaux ont également été insérées dans les lois d'introduction au code civil suisse, dans plusieurs lois sur l'aménagement du territoire, sur les constructions, sur le domaine public, sur la protection de la nature et du paysage, ainsi que dans quelques lois fiscales ou lois sur les finances et dans des codes ruraux. Les lois cantonales sont naturellement complétées par des ordonnances et des règlements. Pour remédier au manque de cohérence de leur législation, certains cantons ont procédé à une codification plus ou moins complète de leur droit des eaux. Mentionnons, dans l'ordre chronologique, la loi zurichoise du 15 décembre 1901 sur les eaux et la protection des eaux (Gesetz über die Gewässer und den Gewässerschutz), revisée et modernisée, la loi bernoise du 3 décembre 1950 sur l'utilisation des eaux, la loi soleuroise du 27 septembre 1959 sur les eaux (Gesetz über die Rechte am Wasser), la loi genevoise du 5 juillet 1961 sur les eaux, la loi nidwaldienne du 30 avril 1967 sur les eaux (Gesetz über die Rechte am Wasser), la loi appenzelloise (AR) du 27 avril 1969 d'introduction au code civil suisse (Einführungsgesetz zum Zivilgesetzbuch: art. 198 à 228) et la loi zougoise du 22 décembre 1969 sur les eaux (Gesetz über die Gewässer). Le canton de Baie-Campagne prépare en ce moment une nouvelle loi sur la police des eaux et l'utilisation des eaux (Gesetz über den Wasserbau und die Nutzung der Gewässer). Quelques cantons ont satisfait à leur besoin de codification en publiant des brochures qui groupent plusieurs actes législatifs relatifs aux eaux; exemples: «Gesetzgebung über die Nutzung und den Schutz der öffentlichen Gewässer» du canton d'Argovie et «Dispositions légales sur les eaux» du canton de Neuchâtel.

Signalons, à titre d'exemple, que la loi 7iirictioise précitée contient des chapitres relatifs
à la police des eaux, à l'utilisation des eaux - utilisation des forces hydrauliques et autres modes d'utilisation des eaux publiques qui dépassent l'usage commun (eau potable et industrielle, irrigation, pompes thermiques, eau de refroidissement, etc.) -, aux constructions aux abords des rives des lacs, à la protection des eaux. Un chapitre est en outre réservé aux prescriptions de police concernant la navigation, le bain, l'abreuvage, le flottage, le prélèvement de sable, gravier et pierres dans le lit des cours d'eau, les distances à observer en matière de construction à partir des rives des cours d'eau, etc.

La loi genevoise touche les domaines de la police des eaux, de l'utilisation des eaux publiques - notamment de l'utilisation des forces hydrauliques, de l'utilisation hydrothermique des eaux, des prélèvements d'eau à des fins industrielles et agricoles et d'eau de consommation, de l'extraction de matériaux -, de l'utilisation des eaux privées et de la protection des eaux.

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La législation est complétée par un assez grand nombre de conventions que notre pays a conclues avec un ou plusieurs Etats étrangers, pour régler les problèmes qui se posent à la frontière nationale dans le domaine de l'économie hydraulique.

23 Situation à l'étranger et sur le plan international A. Situation à l'étranger 'L'Italie dispose, depuis 1933, d'un texte unique de lois sur les eaux et sur les usines électriques (testo unico di leggi sulle acque e sugli impianti elettrici, approuvé par un regio decreto du 11 décembre 1933), qui fait office de code de l'utilisation des eaux.

En République fédérale d'Allemagne, le pouvoir central (Bund) n'a, dans le domaine des eaux, que la compétence d'édicter des dispositions-cadres (Rahmenvorschriften; art. 75, ch. 4, de la loi fondamentale); mais cette compétence s'étend à l'ensemble de l'économie hydraulique. En conséquence, la loi du 27 juillet 1957 sur les eaux (Gesetz zur Ordnung des Wasserhaushalts, dite Wasserhaushaltsgesetz) embrasse toute l'économie hydraulique. Mais elle n'épuise pas la matière; elle laisse subsister une législation complémentaire importante des Länder. Il y a quelques années, le gouvernement allemand, se référant au fait que le grand nombre des dispositions des Länder rend le droit des eaux confus et déplorant le manque d'unité de celui-ci, a soumis au parlement un projet de loi modifiant la loi fondamentale. Selon ce projet, le Bund aurait acquis de son côté la compétence de légiférer en matière d'économie hydraulique (les Länder seraient restés compétents aussi longtemps que et. dans la mesure où le Bund n'aurait pas fait usage de sa compétence, mais l'Etat fédéral aurait eu le droit d'épuiser la matière). Ce projet a été rejeté.

En Autriche, le pouvoir central (Bund) a la compétence générale d'édicter et d'exécuter la législation sur les eaux (cf. art. 10, 1er al., ch, 10 de la loi constitutionnelle). La loi du 8 septembre 1959 sur les eaux ( Wasserrechtsgesetz 1959), qui délègue une partie de l'exécution aux autorités des provinces, est un Véritable code des eaux qui complète et modernise la loi précédente du 19 octobre 1934, en particulier pour mieux tenir compte des rapports entre les différentes utilisations des eaux, ordonner ces utilisations dans une économie hydraulique rationnelle et faire mieux ressortir que
celle-ci constitue un tout.

En Grande-Bretagne, la loi du 31 juillet 1963 sur les ressources en eau (Water Resources Act) a pour objet d'instituer l'appareil administratif nécessaire à une gestion globale de ces ressources. Elle a créé des services des cours d'eau chargés de tous les aspects de la gestion des eaux, par bassins hydrologiques.

En France, la loi du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution codifie de nombreuses règles dispersées dans la législation et introduit une nouvelle organisation de la gestion rationnelle des ressources en eau. La première partie de cette loi est consacrée

1151 à la lutte contre la pollution des eaux et à leur régénération; la seconde, principalement au régime juridique des eaux, à la détermination de zones spéciales d'aménagement des eaux et à l'établissement de plans de répartition des ressources en eau de ces zones ainsi qu'aux dérivations ou aux travaux susceptibles de modifier le régime ou le mode d'écoulement des eaux.

B. Situation sur le plan international

L'économie hydraulique et le droit des eaux ont pris une grande importance sur le plan international, voire sur le plan mondial. De nombreuses organisations internationales traitent de problèmes semblables. Le danger de dispersion des efforts et de doubles emplois est grand; il est difficile de remédier à cette situation, parce que les organisations internationales sont, quant à leur composition, très différentes les unes des autres et qu'elles abordent les problèmes sous des angles divers. Nous n'évoquons ci-après que l'activité des plus importantes d'entre ces organisations.

La Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (ECE) a publié, en 1952 déjà, une étude remarquable sur les «Aspects juridiques de l'aménagement hydro-électrique des fleuves et des lacs d'intérêt commun» préparée par son Comité de l'énergie électrique. Actuellement, un groupe d'experts fait une étude sur les ressources hydro-électriques et leur utilisation. Le Comité des problèmes de l'eau s'occupe des questions relatives à la gestion des ressources en eau et à la lutte contre la pollution des eaux. En 1970, il a organisé un cycle d'étude sur la gestion des bassins fluviaux. Parmi ses tâches actuelles figure la préparation d'un manuel pour l'établissement des bilans des ressources et des besoins en eau.

Plusieurs groupes et comités de Y Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se sont occupés des problèmes que pose la gestion des ressources en eau et de la protection de ces ressources contre la pollution. En ce moment, un Groupe sectoriel sur la gestion de l'eau, rattaché au nouveau Comité de l'environnement, examine divers problèmes relatifs à la gestion des eaux, entre autres celui des incidences de cette gestion sur l'environnement. Un comité spécial traite de questions d'énergie.

En 1968, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une Charte de l'eau. Ce document, qui ne comporte pas d'engagement de droit international, vise à susciter une meilleure compréhension des problèmes que posent les besoins croissants en eau de l'Europe et la conservation quantitative et qualitative des ressources hydrauliques. Il cherche à promouvoir une action commune sur le plan européen. En 1970, le Comité des ministres a adopté une résolution sur la planification générale de la gestion des
ressources en eau. Un projet de convention européenne sur la protection des eaux douces contre la pollution est en préparation.

En 1964, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a institué la Décennie hydrologique internationale (1965 à 1975). Celle-ci a pour objectifs d'accroître les connaissances dans le domaine de

1152 l'hydrologie, de procéder dans le monde entier à des observations hydrologiques exécutées sur des bases comparables, pour permettre une utilisation rationnelle des ressources en eau, et de promouvoir la formation de spécialistes dans ce domaine.

La Conférence des Nations Unies sur l'environnement, qui s'est tenue à Stockholm en juin 1972, a évoqué certains aspects de l'économie hydraulique.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) s'occupe de problèmes d'approvisionnement en eau des populations, spécialement dans les pays en voie de développement, ainsi que de questions concernant la protection des eaux et l'évacuation des eaux usées.

^'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (PAO) collabore à l'établissement de plans d'irrigation et de drainage, d'approvisionnement en eau des populations agricoles, d'estimation des ressources en eau, de régularisation de l'écoulement des eaux.

L'Organisation météorologique mondiale (OMM) s'occupe aujourd'hui non seulement de météorologie, mais aussi de problèmes scientifiques et pratiques concernant l'hydrologie des eaux de surface.

Signalons encore, sur le plan juridique, les travaux de l'International Law Association (ILA). Lors de sa conférence de 1966, tenue à Helsinki, cet organisme non gouvernemental a pris, à l'unanimité, une résolution approuvant les règles établies par son Comité de droit fluvial, dénommées Helsinki Rules on thé Uses of thé Waters of International Rivers. Ces règles sont considérées en partie comme l'expression du droit international en vigueur et en partie comme des recommandations concernant les solutions à apporter aux questions relevant du droit international des eaux. Loin de considérer l'adoption de ces règles comme la fin de ses travaux en matière de droit des eaux, FILA a constitué un nouveau Committee on International Water Resources Law. Six groupes de travail se consacrent à l'étude des problèmes concernant la navigation, les eaux souterraines, la pollution des côtes et des mers intérieures, les relations entre l'eau et d'autres ressources naturelles, l'utilisation et la gestion des ressources en eau dites internationales.

L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (O1SU) a examiné la question du développement progressif de la codification des règles de droit international
relatives aux cours d'eau internationaux. Elle a émis une recommandation demandant à la Commission du droit international de l'ONU d'entreprendre en un premier temps l'étude du droit relatif à l'utilisation des cours d'eau internationaux à d'autres fins que la navigation.

Parmi les nombreuses autres institutions internationales qui s'occupent également de l'économie hydraulique, citons, à titres d'exemples : l'Association internationale des distributions d'eau, la Commission internationale de l'irrigation et du drainage, l'Association internationale de recherches hydrauliques, la Commission internationale des grands barrages, la Conférence mondiale de

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l'énergie, l'Association internationale d'hydrologie scientifique, l'Association internationale des hydrogéologues, l'Union géodésique et géophysique internationale, la Commission internationale du génie rural.

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Appréciation critique de la situation initiale

A l'unité de l'économie hydraulique devrait correspondre une réglementation d'ensemble cohérente, c'est-à-dire un droit des eaux reflétant des conceptions aussi uniformes que possible. Or la législation sur les eaux que nous avons décrite ci-dessus est constituée d'éléments disparates.

L'idée de l'unité naturelle et économique du régime des eaux n'est pas étrangère à la législation fédérale actuelle. Ainsi, l'article 5 de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques attribue au Conseil fédéral, dans finterei public, la tâche de «veiller à ce que les projets d'aménagement ne soient pas conçus et réalisés de façon contraire à l'utilisation rationnelle de la ressource globale en forces hydrauliques». L'article 6 de la même loi vise à éviter que les frontières cantonales n'aient pour conséquence un gaspillage de cette ressource. Le principe de l'unité des ressources en forces, hydrauliques est l'une des bases essentielles de la loi précitée; mais cette loi ne régit qu'un secteur particulier de l'économie hydraulique.

Si l'on ne considère que pour eux-mêmes les différents domaines qu'elle règle, la législation fédérale en vigueur donne, dans l'ensemble, satisfaction.

Mais vue sous d'autres aspects, elle accuse de graves lacunes. D'une part, elle ne permet pas de tenir suffisamment compte du principe de l'unité de l'économie hydraulique. D'autre part, elle ne contient pas de disposition relative à des domaines qui jouent ou joueront un rôle important, à savoir les nouveaux secteurs de l'économie hydraulique pour lesquels nous proposons d'attribuer la compétence de légiférer à la Confédération (cette attribution de compétence est motivée dans le commentaire relatif au nouvel art. 24sis ci-dessous).

La situation est d'autant moins satisfaisante que les législations cantonales sur les eaux manquent d'unité, voire de cohérence. Si, dans certains cantons, la législation est très complète^ dans d'autres, elle est plutôt rudimentaire. Il n'y a guère de coordination sur le plan intercantonal et les réglementations ne concordent généralement pas. La multiplicité des règles, qui sont souvent dispersées dans de nombreux actes rendent leur consultation malaisée, ce qui n'est pas sans exercer de fâcheux effets sur leur application.

Lors même qu'un canton dispose d'une législation
suffisante ainsi que des moyens et du personnel qualifié nécessaires, il peut de moins en moins régler de façon autonome tous ses problèmes dans le domaine de l'économie hydraulique. De plus en plus, il subii les effets d'influences affectant le régime des eaux qui se produisent sur le territoire d'autres cantons riverains. Des mesures d'aménagement sont ou deviendront indispensables sur le plan intercantonal. Or, Feuille fédérale. 124» année. Vol. H.

6S

1154 dans plusieurs domaines, la Confédération n'a pas la compétence de coordonner les activités des cantons lorsque ceux-ci ne parviennent pas à s'entendre dans un délai raisonnable. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'eau de refroidissement, elle ne peut actuellement intervenir que sous l'angle négatif de la protection des eaux contre la pollution, mais non sur le plan de l'utilisation des ressources en eau.

Dans nos rapports avec l'étranger, un droit des eaux si peu unifié que le droit suisse ainsi que le manque d'unité de doctrine et de conception qui caractérise le droit cantonal dans son ensemble sont loin de procurer à notre pays une position favorable lors de négociations. D'autre part, la Confédération pourrait se heurter à certaines difficultés dans l'application des conventions internationales auxquelles elle est partie, qui concernent des objets relevant, en droit interne, des cantons (p. ex. la convention du 30 avril 1966 concernant les prélèvements d'eau opérés dans le lac de Constance, RO 1967 1605).

Le droit étranger ne saurait sans plus servir de modèle pour la législation suisse. Les conditions géographiques, hydrologiques et historiques ainsi que les institutions sont si différentes que seules des solutions tenant compte de ces conditions particulières peuvent permettre d'arriver à des résultats concrets.

Mais l'évolution du droit étranger et les travaux des organisations internationales démontrent que les problèmes concernant les eaux sont partout à l'ordre du jour et que l'on cherche à les résoudre par une gestion rationnelle des ressources en eau, plus centralisée, tenant compte de l'unité de l'économie hydraulique.

En résumé, précisons que les instruments juridiques permettant d'assurer une gestion rationnelle des ressources en eau font encore largement défaut.

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Travaux préliminaires

Les premières études préliminaires faites après l'adoption de la motion Rohner, relatives à la forme et au contenu de la revision constitutionnelle, ont conduit à la rédaction d'un avant-projet d'article 22autnquies de la constitution.

Pour que ces études puissent être poursuivies, le Département fédéral des transports et communications et de l'énergie a nommé, en 1970, une Commission fédérale d'étude pour l'élaboration d'un avant-projet d'article constitutionnel concernant l'économie hydraulique (ci-après la commission). Celle-ci, présidée par l'auteur de la motion, comprenait des représentants de la science, un représentant de la Commission fédérale de l'économie hydraulique et énergétique (son président), des représentants d'associations intéressées, des spécialistes des questions se posant spécialement aux cantons et aux communes, ainsi que des fonctionnaires fédéraux. Elle avait pour mandat de préparer un avantprojet d'article constitutionnel dans le sens demandò par la motion Rohner, de rédiger un rapport explicatif et de faire des propositions quant à la suite à donner à ses travaux.

2155 Pour fournir à la commission une première base de discussion, un groupe de travail, composé de fonctionnaires fédéraux, a remanié l'avant-projet précité d'article 22quinquies et rédigé un bref exposé résumant les principaux problèmes à examiner lors de l'élaboration du nouvel article constitutionnel. Ce groupe de travail est notamment arrivé à la conclusion qu'il ne fallait pas modifier les articles constitutionnels existants dans le domaine de l'économie hydraulique, mais qu'il importait de combler les lacunes constatées en adoptant un nouvel article, à insérer entre les articles relatifs au droit foncier (art, 22ter et 22quater) e t l e s articles actuels réglant l'économie hydraulique (art. 2 3 , 2 4 , La commission s'est acquittée de son mandat en cinq séances plénières.

Le 19 avril 1971, elle a livré le résultat de ses travaux, soit les avant-projets de nouveaux articles 24bis et 24quater, abrogeant et remplaçant les actuels articles 24bis et 24quater, le rapport explicatif y relatif et des propositions visant à ouvrir une procédure de consultation sur la base de ses avant-projets. Contrairement à l'avis du groupe de travail précité, la commission a proposé de ne pas créer un article supplémentaire mais de compléter l'article 24bis actuel, tout en le rédigeant à nouveau, et de régler à l'article 24quater la compétence de légiférer sur le transport et la distribution de l'énergie électrique (reprise textuelle du 9e al. de l'art. 24bis actuel). Les articles proposés par la commission avaient la teneur suivante: Article 24bis (nouveau) 1 Le droit de disposer des eaux superficielles et des eaux souterraines appartient, sous réserve des droits des particuliers, aux titulaires que désigne la législation cantonale.

2 Pour garantir une gestion globale des ressources hydrauliques, en particulier l'utilisation rationnelle et la protection de la quantité et de la qualité des eaux, et pour protéger l'homme et son milieu contre l'action dommageable de l'eau, la Confédération peut, tout en tenant compte des autres intérêts publics, légiférer sur: a. La collecte et la mise en valeur des données hydrologiques; h. L'établissement de plans-cadres d'économie hydraulique; c. La conservation des eaux, y compris leur protection contre la pollution; d. L'approvisionnement en eau potable et en eau industrielle,
ainsi que l'enrichissement artificiel des eaux souterraines ; e. La régularisation des niveaux et des débits des eaux superficielles et des eaux souterraines, la dérivation d'eau et d'autres interventions dans le cycle de l'eau; /. L'utilisation des forces hydrauliques et le prélèvement et l'adduction d'eau pour les usines à accumulation par pompage ; g. Le prélèvement et l'apport de chaleur ; h. La police des endiguements, y compris les corrections de cours d'eau, et la sécurité des ouvrages d'accumulation; /'. Les irrigations et les drainages; k. La dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique.

3 La Confédération a le droit de concéder, après avoir entendu les cantons, les droits d'utilisation dont l'exercice a pour conséquence une modification impor-

1156

tante du niveau, du débit ou de la qualité de l'eau à la frontière nationale. Elle a le même droit lorsque l'exercice a des effets intercantonaux semblables et que les cantons ne peuvent pas se mettre d'accord.

4 L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération.

Article 24 «ullter (nouveau) (actuellement art. 246is, 9e al.)

La Confédération a le droit d'édicter des dispositions législatives sur le transport et la distribution de l'énergie électrique.

Conformément aux propositions de la commission et avec notre autorisation, le Département des transports et communications et de l'énergie a, le 8 juin 1971, ouvert une procédure de consultation qui a duré pratiquement jusqu'à la fin de novembre 1971. Eu égard aux résultats de cette consultation (voir le chap. 5 ci-dessous), le département précité a décidé de s'en tenir à la conception générale des nouvelles dispositions proposées par la commission et de n'apporter que quelques retouches au texte de l'article 2AMs. Il a toutefois estimé qu'il convenait de demander à la commission de se prononcer encore une fois. Celle-ci, ayant pris connaissance des propositions formulées par les milieux intéressés et d'un résumé des avis exprimés, a remanié quelque peu son avant-projet d'article 24Ms, en mai 1972; tout en maintenant sa conception générale, elle a tenu compte d'un certain nombre d'arguments qui lui ont paru convaincants. La Commission fédérale de l'économie hydraulique et énergétique a approuvé les nouveaux avant-projets de la commission. Si l'on excepte une petite modification rédactionnelle, c'est le texte des nouveaux articles 24Ms et 24ïMaier m;s au pOjnt par la commission que nous vous soumettons aujourd'hui (voir le ch. 62).

5

Résultats de la consultation

Les avant-projets de la commission, du 19 avril 1971, ont été soumis à plus de cent autorités, services et organismes différents, notamment aux cantons, aux partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et aux organisations intéressées. Environ quatre-vingts avis ont été remis au Département fédéral des transports et communications et de l'énergie.

Le principe d'une revision de la constitution dans le sens demandé par la motion Rohner est généralement admis. Par contre, les avis divergeaient sur le point de savoir si la solution proposée par la commission donne ou non satisfaction.

La majorité des organismes consultés, dont la Commission fédérale de l'économie hydraulique et énergétique, ont estimé que Favant-projet d'article 24Ms était, dans son ensemble, le résultat d'un compromis bien équilibré entre les exigences du fédéralisme et celles de la centralisation.

Un deuxième groupe a demandé que cette disposition donne à la Confédération une compétence générale, lui permettant de légiférer sur l'ensemble de

1157 l'économie hydraulique. A son avis, un article constitutionnel devrait être conçu de manière assez large pour permettre de résoudre, sans modification, les problèmes actuels et futurs. Il y aurait lieu de craindre, estiment les partisans de cette solution, que l'article proposé, qui contient une liste exhaustive des domaines législatifs attribués à la Confédération, ne satisfasse pas à cette exigence.

Un troisième groupe, qui se compose surtout de cantons riches en eaux, a demandé au contraire de réduire l'étendue des nouvelles attributions de la Confédération. Pour ce groupe, la proposition de la commission va au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour atteindre les buts visés, ïl faudrait soit raccourcir la liste des domaines dans lesquels la Confédération pourra légiférer, soit ne lui donner que la compétence d'édicter des règles générales.

A quelques exceptions près, les problèmes soulevés par les milieux consultés avaient déjà été traités lors des délibérations de la commission. La plupart des modifications proposées avaient été examinées et rejetées par la commission.

Celle-ci a, par la suite, jugé que certains arguments invoqués étaient convaincants (voir le chap. 4 ci-dessus).

Dans le chapitre qui suit, nous nous prononcerons sur différentes propositions formulées par les milieux consultés.

6 Propositions 61 Révision de la constitution Comme il ressort de l'appréciation critique de la situation initiale (chap. 3) et des avis exprimés par les milieux consultés (chap. 5), on estime généralement qu'il est souhaitable et nécessaire, pour assurer une évolution harmonieuse des conditions de vie et de l'économie, de gérer les ressources en eau du pays de façon rationnelle. Il importe, à cet effet, de reviser la constitution aux fins d'étendre la compétence fédérale dans le domaine de l'économie hydraulique et de réglementer de manière plus uniforme la législation sur les eaux.

Nous comprenons bien les arguments de ceux qui ont demandé que l'on octroie à la Confédération une compétence de légiférer dans tout le domaine de l'économie hydraulique, en la forme d'une disposition générale, complétée ou non par une liste indiquant, à titre d'exemples, les principaux secteurs auxquels s'étendrait cette compétence. Toutefois, nous sommes d'avis que les délibérations de la commission et les avis des cantons ont démontré assez clairement qu'une telle solution se heurterait à une forte opposition et ne serait pratiquement pas réalisable. La plupart des spécialistes de l'économie hydraulique admettent d'ailleurs que la liste des domaines particuliers dans lesquels la commission propose d'attribuer à la Confédération la compétence de légiférer est assez étendue pour que l'on puisse faire face à tous les besoins prévisibles à longue échéance.

1158

Etant donné que la liste précitée est exhaustive et qu'elle trace la limite entre les attributions de la Confédération et celles des cantons, nous estimons en revanche qu'en raison des besoins futurs, il est de notre devoir de nous opposer à ce qu'elle soit raccourcie. Il est nécessaire que la Confédération dispose d'un pouvoir de réglementation dans chacun des domaines de l'économie hydraulique qui y sont énumérés non seulement si l'on considère ces domaines séparément, mais aussi si l'on veut pouvoir sauvegarder l'unité de l'économie hydraulique.

Dans certains secteurs, il suffirait aujourd'hui que la Confédération ait une compétence de légiférer limitée aux règles générales. Une telle compétence correspondrait à la situation actuelle en matière d'utilisation des forces hydrauliques. Mais dans d'autres domaines, une telle limitation de la compétence ne serait pas acceptable. Que l'on pense, par exemple, à la protection des eaux contre la pollution - l'article 24«UB((T actuel y relatif donne à la Confédération une compétence générale - ou aux prélèvements d'eau de refroidissement pour les usines thermiques. Enfin, dans d'autres domaines, il est difficile de déterminer, maintenant déjà, si une compétence limitée aux règles générales suffira encore, dans un proche avenir. Un texte qui ne comblerait que les lacunes existantes ne sérail pas l'ucuvre d'un constituant prévoyant. C'est dans ce sens que se sont exprimées la commission et la majorité des milieux consultés.

Il appartiendra au législateur fédéral de tracer de manière plus précise la ligne de partage entre les attributions de la Confédération et celles des cantons, après avoir examiné tous les aspects des nombreux problèmes à résoudre et consulté les cantons et les autres milieux intéressés. Mais, aujourd'hui déjà, il est certain que, eu égard au fédéralisme assez marqué dont on fait preuve dans ce domaine, il ne saurait être question d'unifier complètement la législation.

Les avant-projets élaborés par la commission nous paraissent bien équilibrés et réalistes. Ils constituent un moyen terme heureux entre le fédéralisme et le centralisme qui se sont manifestés tout au long de la procédure préliminaire. C'est pourquoi nous les avons approuvées et vous les soumettons avec une seule modification d'ordre rédactionnel (art. 24Ms, 2e al.,
2e phrase).

62 Teneur des nouveaux articles constitutionnels Vu ce qui précède, nous vous proposons de donner la teneur suivante aux nouveaux articles constitutionnels : Article 24Ms (nouveau) 1 Pour garantir une gestion globale des ressources en eau, en particulier l'utilisation rationnelle et la protection des eaux, sous le rapport de la quantité et de la qualité, ainsi que pour protéger l'homme et son milieu contre l'action dommageable de l'eau, la Confédération, en tenant compte des autres intérêts publics, légifère sur:

1159 a. La recherche et la mise en valeur de données hydrologiques; b. L'établissement de plans-cadres dans le domaine de l'économie hydraulique; c. La conservation des eaux et leur protection contre la pollution, ainsi que leur assainissement; d. L'approvisionnement en eau potable et en eau industrielle, ainsi que l'enrichissement artificiel des nappes d'eaux souterraines; e. L'utilisation des eaux pour la production d'énergie et le refroidissement; /. L'irrigation et le drainage des sols; g. La police des endiguements, y compris les corrections de cuuia d'eau, et la sécurité des ouvrages d'accumulation; h. La régularisation des niveaux et des débits des eaux superficielles et des eaux souterraines, la dérivation d'eau et d'autres interventions dans le cycle de l'eau; i. La limitation des redevances de droit public à payer pour l'utilisation des ressources hydrauliques; k. La dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par Ja force hydraulique.

" Le droit de disposer des eaux publiques, superficielles et souterraines appartient aux cantons ou aux autres titulaires que désigne la législation cantonale.

Si l'octroi ou l'exercice des droits d'eau concerne les rapports internationaux, la Confédération statue conformément à la législation fédérale; il en est de même lorsqu'il s'agit des rapports intercantonaux et que les cantons ne parviennent pas à s'entendre. Les cantons doivent être consultés avant qu'une décision ne soit prise. La législation fédérale réglera le droit de la Confédération de requérir, moyennant une indemnité équitable, les ressources hydrauliques nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui incombent, 3 L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération.

Article 24wileT (nouveau) (actuellement art. 24"ij, 9° al.)

La Confédération peut édicter des dispositions législatives sur le transport et la distribution de l'énergie électrique.

63

Commentaire des nouveaux articles constitutionnels

A. Les nouveaux article« dans le cadre de la constitution a. La systématique La systématique qui découle de la conception des nouvelles dispositions constitutionnelles est la suivante. Le nouvel article 24 Ms remplace les dispositions actuelles concernant l'utilisation des forces hydrauliques et la protection des eaux contre la pollution, savoir les articles 246i5, 1er à 8e alinéas, et 24««a'er actuels, et étend les attributions de la Confédération à d'autres domaines de l'économie hydraulique; cela permet d'insérer le 9e alinéa de l'article 2464s, relatif au transport et à la distribution de l'énergie électrique, dans l'article 24««ater et de mieux tenir compte de la sorte du principe de l'unité delà matière.

L'article 24 n'est pas modifié pour l'instant, car le domaine de la police des endigucmciUs est très étroitement lié à celui de la police des forêts. Lors d'une éventuelle revision du droit forestier ou d'une revision totale de la constitution, les dispositions sur la police des eaux pourraient être biffées dans l'article relatif

1160 aux forêts, également pour mieux respecter le principe de l'unité de la matière; cette modification ne changerait naturellement rien aux rapports entre l'économie hydraulique et l'économie forestière, dont il est indispensable de tenir compte. L'article 24 ier n'a pas pu être incorporé à l'article 24Ws, car il couvre tout le domaine de la navigation, au sens le plus large, notamment l'aménagement des voies navigables et l'exercice de la navigation maritime et intérieure.

Il est clair qu'il n'y a pas de navigation sans eau, mais de nombreuses dispositions relatives à la navigation concernent les transports. Que l'on pense par exemple aux dispositions de caractère économique, à celles qui règlent l'exercice de la profession de batelier ou le transport régulier et périodique de personnes par les entreprises de navigation titulaires d'une concession fédérale. En outre, la navigation maritime dépasse le cadre de l'économie hydraulique suisse.

Il y a lieu de relever que la mention des «intérêts de la navigation intérieure» à l'actuel article 24Ms, 2e alinéa, s'explique principalement par des raisons historiques: l'article 24ter n'existait pas encore au moment de l'adoption de l'article 24 oTM. Une telle mention n'est plus nécessaire aujourd'hui. L'article 25 de la constitution n'a pas été touché: la pêche et la chasse sont, dans cet article, si étroitement liées qu'il n'a pas été jugé opportun de séparer ces matières; toutefois les prescriptions qui pourraient être édictées sur les prélèvements d'eau pour les installations de pisciculture auront 1e nouvel article 24DU comme base constitutionnelle.

b. Les rapports de l'article 24 Ms avec d'autres dispositions constitutionnelles et le postulat Welter Les rapports entre l'article 24 Ms et l'article 245ra*es concernant la protection de la nature et du paysage ont été étudiés principalement lors de l'examen du postulat du conseiller national Welter, du 19 décembre 1961, Ce postulat, adopté le 19 juin 1962, a la teneur suivante: L'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques dispose que les usines ne doivent pas déparer ou doivent déparer le moins possible le paysage.

On constate malheureusement que des usines ont pour effet d'affaiblir très fortement le débit de nombreuses rivières, qu'en été elles sont à sec sur de longues
sections et ne consistent plus qu'en mares peu apparentes.

En tant qu'autorité de surveillance de l'utilisation des forces hydrauliques des cours d'eau publics et privés, le Conseil fédéral est prié d'examiner s'il ne serait pas possible d'édicter des dispositions garantissant un débit normal des rivières et de soumettre un projet aux conseils législatifs.

Dans notre premier avis, nous avons déclaré que, selon le droit positif, il n'était pas possible d'aller au-delà de l'objectif visé par l'article 22 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH). Or il s'agit d'une «disposition générale» qui ne s'est pas révélée suffisamment efficace daus son application pratique. Cela tient essentiellement au fait que le droit de disposer des forces hydrauliques, au sens de l'article 2 LFH, appartient aux cantons.

nei Ce sont eux qui exécutent les dispositions fédérales, qui appliquent l'article 22 LFH. Même lorsque la Confédération octroie les concessions, elle le fait pour le compte et dans l'intérêt des cantons, qui fixent la teneur des dispositions relatives à la protection de la nature et du paysage. La Confédération ne peut revoir les décisions des cantons que si elles outrepassent les limites très largement tracées du pouvoir d'appréciation ou abusent de celui-ci.

Les études entreprises en arrivaient toutes à la conclusion qu'on manque de bases constitutionnelles pour modifier la législation fédérale dans le sens demandé par le postulat Welter. C'est pourquoi, au cours des travaux effectués pour donner suite à la motion Rohner, nous avons examiné si de nouvelles dispositions sur les débits réservés, plus efficaces, pourraient être édictées en application du nouvel article constitutionnel en préparation.

Nos conclusions sont les suivantes: La protection de la nature et du paysage compte sans aucun doute au nombre des «autres intérêts publics »mentionnés au 1er alinéa de l'article 24"**. Dans le domaine auquel elle se rapporte, cette disposition est conçue aussi largement que le permet le principe de l'unité de la matière. Le nouvel article ne donne pas à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions concernant des mesures qui auraient uniquement pour but de protéger la nature, des paysages fluviaux ou lacustres par exemple (pour lui accorder une telle compétence, il faudrait reviser l'art. 24 aexies est.).

Mais le législateur pourra établir des règles pour que les mesures d'économie hydraulique tiennent compte de la protection de la nature, notamment pour que des débits minimums soient fixés lors de l'aménagement des forces hydrauliques (cf. let. c et A de la nouvelle disposition). L'article 24sexles, 1er alinéa, ne donne pas à la Confédération une compétence générale de légiférer en matière de protection de la nature et du paysage. Mais elle doit se préoccuper de la protection de la nature dans les domaines où elle a une compétence spéciale de le faire. En d'autres termes, lorsqu'elle légiférera dans les différents domaines énumérés au 1er alinéa de l'article 24Ms, elle devra tenir compte des intérêts de la protection de la nature et du paysage. Ajoutons, pour répondre aux milieux de
la protection de la nature et du paysage, que les nouvelles dispositions légales pourront, à certaines conditions, être déclarées applicables aux ouvrages existants (voir le commentaire de la let. c ci-dessous). L'article que nous vous proposons donne donc à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions qui vont dans le sens demandé par le postulat Welter.

L'efficacité des dispositions d'application visant à protéger la nature et le paysage, notamment des prescriptions relatives aux débits minimums, dépendra naturellement beaucoup de leur exécution. Sous réserve des affaires de caractère international et, dans certains cas, intercantonal ainsi que du droit de réquisition de la Confédération, le droit de disposer des eaux publiques continuera d'appartenir aux cantons ou aux autres titulaires que désigne la législation cantonale. C'est donc avant tout les cantons qui appliqueront les dispositions fédérales sur les débits réservés. Même si l'on attribuait à la Confédération le

1162 droit d'examiner, à titre préventif, si les obligations imposées dans ce domaine sauvegardent suffisamment les intérêts de la protection de la nature et du paysage, les cantons conserveraient un large pouvoir d'appréciation.

Quant aux rapports de l'article 246is avec les articles 22«uaÉer (concernant l'aménagement du territoire) et 24septies (concernant la protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes), nous vous renvoyons d'une part aux commentaires relatifs à la lettre b et, d'autre part, à ceux qui ont trait aux lettres C et A du 1er alinéa, ci-dessous. Pour le reste, il appartiendra au législateur fédéral de délimiter plus en détail le domaine d'application de l'article 24M* par rapport à ceux des autres dispositions constitutionnelles.

B. Commentaire de l'article 24 Ms

Le projet du nouvel article 24Ms est divisé en trois alinéas: 1er alinéa, compétence de légiférer de la Confédération; 2e alinéa, droit de disposer des eaux publiques; 3e alinéa, exécution des dispositions fédérales.

1" alinéa er

Le 1 alinéa définit la compétence de légiférer de la Confédération, sous réserve des .deux autres alinéas. Il contient une disposition sur les buts de la législation fédérale en matière d'économie hydraulique, puis une liste exhaustive des objets de cette législation.

Selon l'avant-projet du 19 avril 1971, la Confédération avait le droit d'édicter des dispositions fédérales. Pour tenir compte de propositions émanant des milieux consultés, ce droit a été transformé en une obligation.

1. Buts de la législation Pour garantir une gestion globale des ressources en eau, en particulier l'utilisation rationnelle et la protection des eaux sous le rapport de la quantité et de la qualité, ainsi que pour protéger l'homme et son milieu contre l'action dommageable de l'eau, la Confédération, en tenant compte des autres intérêts publics, légifère sur :

Le début du 1er alinéa définit les buts que doit viser la Confédération dans l'exercice de ses attributions; il limite donc le pouvoir de légiférer de la Confédération. Trois idées y sont contenues: - une gestion globale des eaux, - la protection de l'homme et de son milieu contre l'action dommageable de l'eau, - là sauvegarde des autres intérêts publics.

Les deux premières sont des idées principales ; la troisième est une idée secondaire.

1163 Premièrement, la législation concernant l'économie hydraulique doit garantir une gestion globale des ressources en eau selon des règles rationnelles. Le terme «global» ne signifie pas que la Confédération s'occupera de l'économie hydraulique dans tous ses détails, ou qu'elle encouragera l'utilisation de la totalité des ressources en eau, ou encore qu'elle unifiera complètement la législation, comme certains milieux consultés l'ont pensé. Il s'agit de prendre soin du patrimoine national «eau», qui n'est pas inépuisable et que l'on ne peut pas augmenter, notamment en assumili une utilisation rationnelle des eaux et en les protégeant contre les interventions de l'homme, tant sur le plan quantitatif qu'en ce qui concerne la qualité. Ce faisant, il importe de tenir compte de l'unité de l'économie hydraulique.

Deuxièmement, cette législation doit viser à protéger l'homme, bénéficiaire direct ou indirect de toute législation, et son milieu naturel et artificiel contre l'action dommageable des lacs et des cours d'eau, par exemple l'action des crues ou des basses eaux.

Troisièmement, la législation d'exécution devra, en visant à atteindre les objectifs susmentionnés, tenir également compte des autres intérêts publics.

Ceux-ci pourront être d'ordre économique, politique ou esthétique, etc. ; nous avons déjà mentionne les intérêts de la protection de la nature et du paysage (cf. ch. 63, let. A, b, du présent chapitre). La loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques contient par exemple toute une série de dispositions visant à sauvegarder les intérêts de l'économie nationale, à protéger les sites, le poisson, la navigation intérieure, etc. Comme l'ont relevé quelques avis exprimés lors de la consultation, il faut aussi comprendre notamment l'économie forestière et la santé publique sous la désignation d'«autres intérêts publics». La sauvegarde des autres intérêts publics souligne les rapports existant entre l'économie hydraulique et différents domaines. Cette disposition forme et formera, en liaison avec d'autres articles de la constitution, la base constitutionnelle de nombreux actes législatifs dont les objectifs dépassent le cadre de l'économie hydraulique proprement dite.

2. Objets de la législation La Confédération pourra légiférer simultanément ou successivement dans les différents
domaines de l'économie hydraulique énumérés au 1er alinéa. Il va de soi qu'elle pourra aussi établir des règles générales applicables à l'ensemble des domaines mentionnés.

Le législateur décidera, de cas en cas, si les dispositions qu'il édictera s'appliqueront aux eaux publiques seulement ou aux eaux privées également ; en principe, le 1er alinéa, à la différence du 2e alinéa, n'a pas seulement trait aux eaux publiques. A titre d'exemple, signalons que la Confédération a légiféré sur l'utilisation des forces hydrauliques des cours d'eau publics et privés (mais une concession n'est nécessaire que pour l'utilisation des forces hydrauliques des cours d'eau publics). La législation sur la protection des eaux contre la pollution concerne les eaux publiques et privées.

1164 Lettre a La recherche et la mise en valeur de données hydrologiques.

Pour accomplir leurs multiples tâches, ceux qui s'occupent de l'économie hydraulique ont besoin de données hydrologiques sûres. Personne ne songe à contester cette évidence. Le terme d'«hydrologie» doit être compris dans son sens large, comme il est défini par le rapport final d'une «Réunion intergouvernementale d'experts» de la «Décennie hydrologique internationale» (document UJNHSCO/NS/188, du 5 juin 1964): «L'hydrologie est la science des eaux de la terre, de leurs formes d'existence, de leur circulation et distribution sur le globe, de leurs propriétés physiques et chimiques et de leurs interactions avec le milieu physique et biologique sans oublier leurs réponses aux actions humaines. Le domaine de l'hydrologie embrasse l'histoire complète du cycle de l'eau sur la terre.» Les données hydrogéologiques, hydrobiologiques et limnologiques sont donc comprises dans les données hydrologiques.

Dans le domaine de l'hydrologie, l'activité de la Confédération consiste principalement à - faire des observations et recherches systématiques, continues et de longue durée et les mettre en valeur; il s'agit de saisir de façon durable, et toujours mieux, les conditions hydrologiques, en particulier aussi de saisir les effets à longue échéance de mesures d'économie hydraulique déjà exécutées ; - faire des observations et recherches limitées dans le temps, qui serviront de base à des études d'économie hydraulique et à des mesures pratiques, dans la mesure où la Confédération y a un intérêt; - accepter des tâches particulières continues, par exemple pour contrôler des débits réservés, des dérivations ou d'autres valeurs en rapport avec l'aménagement des forces hydrauliques, ou pour rassembler des données dont ont besoin les autorités de surveillance, dans la mesure où la Confédération y a un intérêt; - procéder à des observations et recherches datis la nature pour fournir des données destinées à des études scientifiques et pour contrôler les résultats de recherches scientifiques, dans la mesure où la Confédération y a un intérêt.

Cette activité, exercée par plusieurs services et instituts scientifiques fédéraux, sera encore plus importante à l'avenir. Plus les ressources en eau sont mises à contribution et plus les conflits d'intérêts
deviennent aigus et fréquents, plus les mesures portant sur la quantité et la qualité de l'eau doivent être exactes.

Le nouvel article constitutionnel donnera à la Confédération une base sûre pour établir des règles sur la recherche et la mise en valeur de données hydrologiques (notamment sur la publication de l'annuaire hydrographique de la Suisse ei le service d'annonce des crues), pour les besoins présents et futurs de l'économie hydraulique. La législation statuera notamment l'obligation d'exploiter et d'étendre les réseaux hydrologiques de la Confédération (il faudra les étendre

1165 sur le plan géographique, les compléter pour permettre la recherche et la mise en valeur de données relatives aux- eaux souterraines et saisir d'autres phénomènes) ; nous pensons ici spécialement au réseau de l'Office fédéral de l'économie hydraulique, ainsi qu'aux réseaux de l'Institut suisse de météorologie et de l'Institut pour l'étude de la neige et des avalanches, qui fournissent également des données hydrologiques. Mais lorsque la recherche et la mise en valeur de données hydrologiques ne peuvent être que partiellement considérées comme des tâches de la Confédération, il s'agira d'encouragement et de coordination. Il est entendu que celle-ci ne limitera ni la liberté d'enseignement des institutions concernées ni la liberté de la recherche.

Vu ce qui précède, nous estimons justifié de donner a la Confédération une compétence expresse de légiférer dans le domaine de la recherche et de la mise en valeur des données hydrologiques.

Lettre b L'établissement de plans-cadres dans le domaine de l'économie hydraulique.

Les plans-cadres en matière d'économie hydraulique - parties intégrantes de cette économie - constituent l'un des instruments qui peuvent être mis au service des autorités pour leur faciliter la coordination des mesures d'utilisation et de protection des eaux et la gestion optimale des ressources en eau, qui sont nécessaires pour tenir dûment compte de l'unité de l'économie hydraulique.

Cette expression est une traduction de l'allemand « wasserwirtschaftlicher Rahmenplan». Nous nous en tenons à cette terminologie admise en République fédérale d'Allemagne et en Autriche, pays qui ont déjà de l'expérience dans ce domaine. Quelques cantons ont édicté des dispositions, peu nombreuses, sur l'établissement de plans d'économie hydraulique; le canton de Berne, par exemple, envisage d'établir, pour le territoire cantonal, un «plan général d'aménagement hydraulique».

Un plan-cadre doit comprendre: - l'évaluation des ressources en eau et de leur part utilisable, - l'évaluation des besoins actuels et futurs prévisibles tenant compte des intérêts des divers utilisateurs et de la conservation des eaux, - l'établissement d'un bilan de l'économie hydraulique, montrant si et jusqu'à quel point les besoins peuvent être couverts dans les meilleures conditions par les ressources à disposition; les mesures particulières à prendre et les possibilités qui en découlent doivent également être mentionnées, - la comparaison des possibilités qui résultent du point précédent et l'estimation de leur valeur relative.

Un plan-cadre d'économie hydraulique est donc le résultat d'études approfondies s'étendant à une portion plus ou moins grande de territoire. Il fournit les données nécessaires à une économie hydraulique ordonnée, dont il fixe le cadre. Pour chaque bassin ou portion de bassin fluvial, le plan-cadre indique plusieurs possibilités de couvrir les besoins qui peuvent être comparées les unes

1166 aux autres; mais il n'opère pas de choix. Le plan-cadre n'est donc pas un plan destiné à être directement exécuté.

Les plans particuliers établis pour certains domaines de l'économie hydraulique (p. ex. plan d'approvisionnement en eau, plan d'assainissement des eaux usées, plan de prélèvement d'eau de refroidissement, plan d'aménagement des forces hydrauliques) devront s'insérer dans le plan-cadre. Celui-ci devra tenir compte de l'évolution économique et culturelle; il sera revu périodiquement et, au besoin, modifié.

Les plans de l'aménagement du territoire (définis par. Ja législation d'exécution de l'art. 22«^ater est.) et les plans-cadres de l'aménagement des eaux devront être harmonisés. Les conceptions de l'aménagement du territoire serviront de base aux plans-cadres dans le domaine de l'économie hydraulique. Ces conceptions n'auront toutefois pas dans chaque cas la priorité. Si l'on devait par exemple constater qu'il n'est possible de se procurer l'eau nécessaire, en quantité suffisante et de la qualité requise, qu'à des conditions prohibitives, lesdites conceptions devraient être adaptées aux possibilités de l'économie hydraulique.

Une constante collaboration entre les responsables de l'aménagement du territoire et des plans-cadres est donc indispensable.

Contrairement à l'avis de certains, la base constitutionnelle, que nous vous proposons de créer sous lettre b n'est pas établie par l'article 22^uater de la constitution. Il ressort clairement des travaux d'élaboration de cet article qu'il ne modifie pas la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons dans d'autres domaines que celui de l'aménagement du territoire, notamment en matière de gestion des ressources en eau.

Pour répondre aux avis exprimés par plusieurs cantons, nous tenons à préciser qu'il n'est pas question que la Confédération planifie les divers modes d'utilisation des eaux. L'obligation d'établir les plans-cadres en matière d'économie hydraulique - que le législateur fédéral pourra imposer - incombera en premier lieu aux cantons ainsi qu'aux communes, districts ou régions (cf. 3e al.).

Etant donné que les territoires cantonaux ne sont pas très grands, que les frontières intercantonales tiennent souvent peu compte de l'unité des bassins versants et que les ressources en eau sont inégalement
réparties, il appartiendra à la Confédération d'encourager et de coordonner les efforts des cantons, de leur donner des directives ainsi que d'établir un ou des planscadres globaux qui harmoniseront les plans cantonaux et tiendront également compte des aspects internationaux de ces questions. A cet effet, les instituts scientifiques, les organisations intéressées, voire des personnes privées prêteront aussi leur concours. La conception suisse des plans-cadres à établir dans le domaine de l'économie hydraulique n'en est aujourd'hui qu'au stade des études préliminaires ; elle sera élaborée en étroite collaboration avec les cantons et les organisations compétentes; il en sera de même de la procédure pratique à suivre.

Les plans-cadres n'auront pas un caractère obligatoire pour les citoyens.

Ils constitueront la base de documentation adéquate qui aidera les autorités

1167 à apprécier des projets concrets, établis par elles-mêmes ou par des tiers, et à se prononcer sur ces projets.

Lettre c La conservation des eaux et leur protection contre la pollution, ainsi que leur assainissement.

Cette disposition vise là conservation quantitative et qualitative des eaux ainsi que la conservation du régime du charriage de graviers et de sable; elle s'étend aussi au maintien du cours de l'eau. Il faut non seulement conserver, mais encore améliorer la situation actuelle. Le terme de «conservation» ne doit pas être pris dans son sens absolu.

La législation actuelle concernant la protection de la qualité de l'eau se fonde sur l'article 24 vuater de la constitution ; cette base est reprise dans le nouvel article 24bis avec une modification: le but et l'objet dé la législation fédérale forment un tout à J'article 24a«""7' actuel, alors qu'ils ont été séparés dans le projet du nouvel article 24bts.

En règle générale, les problèmes relatifs à la protection des eaux, sous le rapport de la qualité et de la quantité, constituent un tout. Les mesures à prendre pour protéger la qualité des eaux d'un cours d'eau dépendent également du débit de celui-ci. Si, par exemple, les autres facteurs sont identiques, les mesures seront plus sévères lorsque le débit est faible que s'il est élevé.

D'autre part, l'épuration des eaux n'est efficace que si les cours d'eau qui reçoivent les eaux épurées ont un certain débit minimum et si les conditions de renouvellement de l'eau des lacs sont relativement bonnes.

Mais, souvent, il est nécessaire de prendre des mesures d'économie hydraulique qui n'ont pas directement pour but de protéger les eaux. C'est par exemple le cas lorsque des surfaces rendues étanches par la construction de bâtiments, de places, de routes, etc. empêchent l'infiltration des eaux de pluie dans les eaux souterraines et réduisent ainsi l'ampleur de leur enrichissement naturel.

L'extension croissante de ces surfaces cause également des problèmes dans d'autres domaines de l'économie hydraulique, notamment dans ceux qui sont visés par l'article 24 nature et du paysage et de la pêche se sont demandé si ces dispositions pourraient s'appliquer aussi aux ouvrages existants, afin que l'on puisse corriger certaines décisions prises par le passé. Une réponse affirmative devra sans aucun doute être donnée.

Mais il y aura lieu, dans chaque cas, de peser les différents intérêts publics en présence. En outre, il faut bien se rendre compte que, le plus souvent, en imposant de nouveaux débits minima aux titulaires de concessions, on portera atteinte à leurs droits acquis. Il ne saurait y avoir expropriation, formelle ou

1168 matérielle, que si les conditions habituelles sont remplies; en particulier, une juste indemnité sera due. A titre de contribution à l'examen de ces problèmes complexes, l'Office fédéral de l'économie hydraulique a publié récemment une communication N° 45 sur les «Débits naturels des cours d'eau suisses et leurs débits modifiés par suite de dérivations».

Pour répondre à diverses questions posées dans le cadre de la procédure de consultation, nous ajoutons qu'en vertu de la disposition de la lettre c, combinée avec celle de la lettre g, la Confédération pourra soumettre les corrections de cours d'eau au système de l'autorisation ou de l'approbation fédérale. Elle pourra intervenir dans le domaine de l'exploitation du gravier et du sable, mais seulement sous l'angle de la conservation qualitative et quantitative des eaux. En ce qui concerne la protection des rives des rivières et des lacs, nous vous renvoyons à l'arrêté fédéral du 17 mars 1972 instituant des mesures urgentes en matière d'aménagement du territoire (RO J972 652).

L'article 24 SCPUSS de la constitution vise des objectifs semblables à ceux de la lettre e infine (et leur protection...), mais ces deux dispositions ne se recouvrent pas. La première est plus générale quant à l'objet de la protection; la seconde est plus générale quant à la notion de l'atteinte. L'objet de l'article 24se»*ies est avant tout l'homme et en outre son milieu naturel comme tel (l'eau, l'air, le sol, les animaux, les plantes, etc.), qu'il protège contre les atteintes nuisibles et incommodantes qui sont le fait de Y homme. L'article 24 Ms , lettre c, protège avant tout l'eau, élément du milieu naturel; c'est elle qui est le centre des préoccupations. La notion de protection des eaux contre la pollution s'étend à toutes les altérations des propriétés physiques, chimiques, ou biologiques de l'eau. Ces considérations ne concernent que les rapports entre les deux dispositions constitutionnelles citées; au sens courant, la protection des eaux est une partie de la protection de l'environnement.

Lettre d L'approvisionnement en eau potable et en eau industrielle, aiasi que l'enrichissement artificiel des nappes d'eaux souterraines.

Eu égard à l'accroissement rapide des besoins, il sera nécessaire, également dans le domaine de Y approvisionnement en eau potable et
en eau industrielle, de rationaliser l'utilisation et la répartition des ressources.

Aujourd'hui, la plus grande partie de l'eau potable et industrielle provient des sources, des eaux souterraines et des lacs; la part des eaux souterraines et des lacs augmente fortement, celle de l'eau de source diminue. Pour faire face à l'accroissement de la consommation qui se dessine, il faut de plus en plus recourir à d'autres possibilités, notamment à celles qu'offre l'enrichissement artificiel (ou réalimentation artificielle) des eaux souterraines avec des eaux de surface; vu son importance, cet enrichissement devrait être mentionné dans le texte constitutionnel. Dans un avenir plus lointain se posera la question d'un éventuel approvisionnement des régions déficitaires par des conduites à longues distances (à l'échelle suisse), amenant l'eau de lacs naturels ou de retenues artificielles vers les centres de consommation.

1169 La solution de l'avenir consistera sans doute en une interconnexion des réseaux et une coordination des différentes possibilités existantes. Cette coordination ne pourra pas se faire sans une certaine planification; celle-ci devra tenir compte de l'ensemble de l'économie hydraulique (cf. le commentaire de la let. b).

La législation d'exécution du nouvel article constitutionnel devra, en particulier, définir les fonctions de coordination et de surveillance de la Confédération qui devront permettre d'assurer l'approvisionnement en eau potable et industrielle par une utilisation rationnelle et une juste répartition des ressources.

Cette législation déterminera clairement la forme et les conditions de l'intervention fédérale. Nous partageons l'avis des milieux consultés selon lequel la distribution elle-même continuera à être .exclusivement l'affaire des communes et des régions, dont les services des eaux assumeront la responsabilité des projets et de l'exploitation des installations, conformément au droit cantonal.

L'expression allemande «Trink- und Brauchwasser» signifie, selon les spécialistes, «eau qui a les qualités de l'eau potable et qui est distribuée dans un réseau unique, quel que soit son emploi»; l'eau à usage industriel, qui n'est pas potable, est donc exclue. Pour qu'il soit clairement établi que la Confédération pourra légiférer également dans le domaine de l'approvisionnement en eau industrielle non potable, secteur important de l'économie hydraulique, nous proposons d'utiliser l'expression d'«eau potable et d'eau industrielle» correspondant à l'allemand «mit Trinkwasser und Brauchwasser».

Le législateur fédéral pourra édicter des prescriptions visant à assurer l'approvisionnement en eau pour la lutte contre l'incendie, dans le cadre de l'utilisation rationnelle des ressources en eau; mais la législation sur la police du feu relèvera, comme aujourd'hui, de la législation cantonale.

Des dispositions relatives à l'approvisionnement de secours en eau potable et en eau industrielle pour le temps de guerre peuvent être adoptées sur la base de l'article 31bie, 3e alinéa, lettre e, de la constitution. Les problèmes que pose cet approvisionnement sont à l'étude.

Lettre e L'utilisation des eaux pour la production d'énergie et le refroidissement.

Cette disposition vise principalement l'utilisation des forces hydrauliques, les prélèvements et adductions d'eau pour les usines à accumulation par pompage et pour le refroidissement des centrales thermiques, ainsi que les prélèvements d'eau pour les pompes thermiques.

Bien que l'aménagement des forces hydrauliques approche de sa fin, les problèmes posés par Y utilisation des forces hydrauliques demeurent et demeureront importants. La longue période de l'exploitation n'a fait que débuter. En outre, il faudra régler de nombreuses questions relatives notamment à l'extinction des concessions, à leur renouvellement, au retour des installations aux communautés auxquelles appartient le droit de disposer de la force hydrauFtuUle fédérale, 124« année. Vol. IL

69

1170 lique et à l'exploitation ou à la cessation de l'exploitation par ces communautés.

Il faut donc veiller à conserver la base constitutionnelle que contient l'actuel article 24 M«.

On retrouve la teneur des 1er et 2e alinéas de l'actuel article 24Ms au 1er alinéa du nouvel article 24Ms. S'agissant de l'utilisation des forces hydrauliques, la nouvelle compétence fédérale de légiférer est légèrement plus étendue que l'actuelle; le droit de la Confédération n'est plus limité à la «haute surveillance» et à l'adoption de «dispositions générales». Il est vrai, comme l'ont précisé plusieurs avis, que, considérée pour elle-même, cette extension de compétence ne serait pas justifiée. La législation fédérale en vigueur est süffisante; la Confédération pourrait donc se contenter de la compétence limitée qu'elle a aujourd'hui. Mais, dans le cadre du nouvel article constitutionnel, une telle limitation, qui n'existerait que dans le domaine de l'utilisation des forces hydrauliques, ne se serait pas non plus motivée. L'extension prévue n'aura d'ailleurs guère d'effets pratiques. Bien que la compétence des cantons de légiférer.en cette matière ne soit plus garantie par la constitution fédérale, il y aura encore de la place pour la législation cantonale. La Confédération n'a pas l'intention d'épuiser la matière. Les cantons pourront donc continuer à régler l'utilisation des forces hydrauliques en vertu d'une compétence propre, sous réserve de la législation fédérale; une délégation expresse ne sera pas nécessaire.

Dans la mesure où il concerne l'exécution, le 3e alinéa de l'actuel article 24 est repris, après modification, au 3e alinéa du nouvel article 24Ms.

bis

On retrouve le contenu du 4e alinéa de l'actuel article 24Ms, modifié, au 2 alinéa, 2e phrase, du nouvel article.

e

Le 5e alinéa de l'actuel article 24Ms, réservant aux cantons ou aux ayants droit selon la législation cantonale les droits et redevances à payer pour l'utilisation des forces hydrauliques, ne figure pas explicitement dans le nouvel article constitutionnel; mais cette réserve découle directement du droit de disposer des eaux du 2e alinéa, l re phrase.

Le 6e alinéa de l'actuel article 24 Ms a été introduit au 1er alinéa, lettre /, du nouvel article, sous une forme générale.

Le 7e alinéa de Factuel article 24Ms est remplacé par la lettre k du nouvel article.

Le nouvel article 24bts abroge le 8e alinéa de l'actuel article 24 Ms , selon lequel «dès l'entrée en vigueur du présent article, la future législation fédérale sera réservée dans toutes les nouvelles concessions hydrauliques». Cette disposition était justifiée en 1908. Le constituant d'alors voulait empêcher que les forces hydrauliques ne soient accaparées à des fins spéculatives, que des concessions incompatibles avec l'intérêt général du pays et contraires aux dispositions imperatives de la future loi fédérale ne soient encore rapidement octroyées,

1171 pendant la période intermédiaire s'étendant entre l'adoption de l'article constitutionnel et l'entrée en vigueur de la loi, et que les concessionnaires ne puissent faire échec à l'application de celle-ci en faisant valoir leurs droits acquis. Ce 8e alinéa, directement applicable même lorsque les concessions n'ont pas expressément réservé la future législation fédérale, a eu pour effet de restreindre le caractère de droits acquis des concessions accordées entre le 25 octobre 1908 et le 31 décembre 1917 et de servir de base à l'article 74, 4e alinéa, de la loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH), qui concerne l'applicabilité de la LFH aux droits d'eau constitués pendant cette période intermédiaire. Le 8e alinéa a produit ses effets; il peut aujourd'hui être supprimé. Cette suppression ne modifie pas les situations juridiques existantes, nées entre 1908 et 1918; notamment, elle ne fait pas revivre les dispositions des concessions octroyées à cette époque, devenues nulles à l'entrée en vigueur de la LFH. Le sens de l'article 74, 4e alinéa, donné par l'interprétation historique n'est pas modifié. Les principes généraux continueront d'être appliqués aux modifications ultérieures de la législation fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques. La garantie de la propriété, confirmée par l'article 22teT de la constitution, devra être respectée.

Le 9K alinéa de l'actuel article 24M" devient le nouvel article 24 <""**"".

D'ici peu de temps, l'augmentation de la consommation d'énergie électrique sera presque exclusivement couverte par de nouvelles usines thermonucléaires. Eu égard à cette modification de structure de notre économie électrique, il faudra résoudre, en particulier, le problème de Ja couverture des pointes de charge et celui de l'utilisation de l'énergie excédentaire. L'une des solutions que l'on peut apporter à ces deux problèmes consiste à aménager des usines à accumulation par pompage. La communication N° 46 de l'Office fédéral de l'économie hydraulique, actuellement en impression, intitulée «Possibilités d'accumulation par pompage en Suisse», démontre que le relief et les conditions hydrographiques de notre pays se prêtent particulièrement bien à l'aménagement de telles usines.

Dans ces installations, l'énergie excédentaire ou de moindre
valeur est utilisée pour pomper de l'eau d'un bassin inférieur dans un bassin supérieur, où celle-ci est accumulée jusqu'au moment où - la chute qui existe entre les deux bassins étant mise à profit - elle est turbinée pour produire de l'énergie électrique de haute valeur, réglable à court terme et destinée à couvrir les pointes de charge. Les usines à accumulation par pompage peuvent être combinées avec des usines à accumulation classiques.

Les usines à accumulation par pompage proprement dites n'utilisent pas la force hydraulique naturelle des cours d'eau (chute et débits), à l'exception de celle des petits apports du bassin supérieur, mais un certain débit ou volume d'eau, prélevé dans les eaux stagnantes ou courantes. Le Tribunal fédéralaadmis ce point de vue dans son arrêt «Etzelwerk AG» (ATF 75 I 9).

1172 Dans ce domaine également, il faut veiller à l'utilisation rationnelle des ressources en eau. L'exploitation de telles installations, même lorsqu'il s'agit d'usines à accumulation par pompage proprement dites, peut avoir des effets importants sur le reste de l'économie hydraulique. Lorsqu'un cours d'eau ou lac naturel ou une retenue artificielle est utilisé comme bassin inférieur, il peut en résulter des fluctuations importantes des niveaux et des débits; il faut par conséquent tenir compte des autres intérêts, notamment de ceux de l'approvisionnement en eau potable, de la pêche, de la navigation ou de l'utilisation actuelle des forces hydrauliques.

Il faut également assurer l'utilisation rationnelle des lieux qui se prêtent à l'aménagement de retenues pour les usines de pompage (par analogie avec l'utilisation des forces hydrauliques).

Vu ce qui précède, contrairement à l'avis exprimé par quatre cantons, nous estimons que la Confédération devrait recevoir la compétence d'édicter des règles relatives à cette nouvelle utilisation des eaux (nous avons déjà évoqué cette question dans notre rapport du 23 décembre 1966 sur les perspectives d'approvisionnement de la Suisse en énergie électrique: FF 1966II 949, spécialement aux pages 958 et 966).

La question de Veau de refroidissement est devenue actuelle dans notre pays lorsqu'on a commencé à construire des centrales atomiques pour la production d'électricité. Mais ce problème complexe, qui préoccupe à juste titre l'opinion publique, est celui que posent tous les types de centrales thermiques, classiques et nucléaires. Il dépasse manifestement le cadre cantonal.

La Confédération doit avoir la compétence de légiférer dans ce domaine, sur le plan de l'utilisation des ressources hydrauliques (elle ne peut intervenir aujourd'hui que pour protéger les eaux contre la «pollution thermique» ou lorsque les rapports de la Suisse avec l'étranger sont en cause).

Bien que la capacité de refroidissement de nos eaux, selon le système de refroidissement en circuit ouvert par dérivation et restitution d'eau des cours d'eau (refroidissement par eau courante), soit pratiquement totalement utilisée, , le projet d'article constitutionnel concernant l'économie hydraulique n'arrive pas trop tard. Pendant encore plusieurs décennies, on construira des usines atomiques. Il
faudra utiliser d'autres installations de refroidissement, notamment des tours de refroidissement (humides ou sèches). Celles-ci poseront des problèmes relevant aussi des domaines mentionnés sous lettres c (conservation quantitative des eaux), d (approvisionnement en eau industrielle) et h (dérivation d'eau dans l'atmosphère); il faudra peut-être envisager une réduction de la puissance des usines en période d'étiage. D'autre part, les concessions existantes pour le prélèvement d'eau de refroidissement sont octroyées pour vingt ou trente ans; le problème du renouvellement se posera dans peu de temps.

La législation d'exécution s'appliquera également à l'utilisation en quantités importantes d'eau de refroidissement par l'artisanat et l'industrie.

1173 Le prélèvement de chaleur par les pompes thermiques pour la production d'énergie crée des problèmes inverses de ceux que pose le refroidissement. Les premières pompes ont été construites pendant la Seconde Guerre mondiale.

Au début de 1944, 40 installations étaient en service en Suisse. En 1949, nous avons adressé une circulaire aux gouvernements cantonaux «concernant les installations de thermopompage». L'installation de pompes thermiques a donc précédé de plus de deux décennies la construction des usines atomiques. La question n'est pas d'une actualité brûlante car, d'une part, les cas d'applicacation pratique sont peu importants et, d'autre part, la température de l'eau utilisée ne s'abaisse pas beaucoup. Mais la technique des pompes thermiques peut évoluer. Plusieurs cantons soumettent déjà les prélèvements de chaleur au système de la concession.

Lettre/ L'irrigation et le drainage des sols.

Les installations d'irrigation se multiplient; les méthodes utilisées se diversifient (notamment: canaux d'irrigation, aspersion). La consommation d'eau augmente. D'autre part, les drainages visant à régulariser le régime des eaux dans le sol sont souvent parties intégrantes des améliorations foncières. L'irrigation et les drainages influencent les débits et les niveaux des cours d'eau, des lacs et des eaux souterraines. Inversement, il est important et parfois déterminant pour les travaux de drainage de grande envergure que des niveaux déterminés soient maintenus dans les cours d'eau ou les lacs qui reçoivent les eaux drainées. C'est pourquoi, contrairement à l'avis de quatre cantons, nous estimons qu'il convient d'attribuer à la Confédération le droit de légiférer en cette matière et d'intervenir au titre de l'économie hydraulique (et non seulement par la voie des subventions).

Lettre g La police des endiguements, y compris les corrections de cours d'eau, et la sécurité des ouvrages d'accumulation.

Cette disposition, introduite dans le nouvel article 24Ms pour des raisons de systématique, devra constituer la base constitutionnelle spécifique de la législation fédérale sur la police des eaux après une éventuelle future revision de l'article 24 de la constitution. Elle concerne les endiguements de torrents et les corrections de cours d'eau proprement dites, les corrections de cours d'eau qui ne sont pas, à titre principal, des mesures de défense, les mesures visant à assurer la sécurité des ouvrages d'accumulation et de leurs environs (danger résultant, par exemple, du glissement de flancs de montagnes ou de la chute de glaciers) et, le cas échéant, l'organisation d'un système d'alarme-eau pour alerter ceux qui se trouvent à l'aval des ouvrages. L'expression de «police des endiguements» est reprise de l'article 24. Cette notion comprend toutes les mesures de protection de l'homme contre l'action dommageable des cours d'eau. Bien que cette terminologie ne soit pas satisfaisante, il n'en existe pas de meilleure; elle

1174 correspond, sur le plan fédéral, à une notion reconnue: la police des eaux est la défense contre les dangers découlant des eaux, par la construction d'ouvrages hydrauliques de protection et leur surveillance.

L'exercice de la compétence législative découlant de la lettre g est limité par le début du 1er alinéa relatif aux buts de la législation à édicter. Cette différence entre l'article 24 et le nouvel article 24Ms est plus théorique que pratique.

La nouvelle disposition donnera une base constitutionnelle expresse à la législation concernant la sécurité des ouvrages d'accumulation (cf. loi fédérale du 27 mars 1953 complétant celle qui concerne la police des eaux).

Lettre h La régularisation des niveaux et des débits des eaux superficielles et des eaux souterraines, la dérivation d'eau et d'autres interventions dans le cycle de l'eau.

Les bases constitutionnelles des régularisations des lacs naturels sont actuellement l'article 23 de la constitution lorsqu'il s'agit de travaux publics qui intéressent )a Suisse ou une partie considérable du pays (dans ce domaine, les travaux publics au sens de l'art. 23 est. sont les ouvrages de génie civil et les règlements de manoeuvre desdits ouvrages) et les articles 24ftis et 24 ter de la constitution si les régularisations sont faites dans l'intérêt d'une meilleure utilisation des forces hydrauliques et dans celui de la navigation (cf. l'art. 15 de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques). La disposition de la lettre A du projet est beaucoup plus étendue que celles des articles précités ; elle a donc pour effet d'élargir la base constitutionnelle actuelle. Selon la nouvelle disposition proposée, la Confédération a le droit de légiférer sur les régularisations des lacs pour atteindre les buts mentionnés au début du 1er alinéa. La législation d'exécution devra en particulier lui permettre de coordonner la manoeuvre des ouvrages de régularisation des différents lacs, de manière qu'il n'en résulte pas de dommages à l'aval, surtout à partir du confluent de cours d'eau (cumul des effets des différentes manoeuvres).

L'exploitation des bassins d'accumulation par les entreprises hydroélectriques a une influence importante sur les débits des cours d'eau. La Confédération devrait avoir la compétence d'établir des règles de droit pour que cette exploitation se fasse d'une manière conforme aux objectifs fixés au début du 1er alinéa et pour qu'elle puisse, tout en maintenant l'autonomie de l'économie électrique et sous réserve de la garantie de la propriété, assurer la coordination nécessaire pour éviter des dommages à l'aval (rapports intercantonaux et internationaux), II en est de même de l'exploitation des retenues au fil de l'eau.

Eu égard à l'intensification de l'utilisation des eaux souterraines et aux étroites relations existant entre les eaux de surface et les eaux souterraines, on éprouve de plus en plus le besoin de régulariser également les niveaux et les débits des secondes. Nous vous proposons donc de donner à la Confédération le droit de légifère!' dans le domaine de la régularisation des niveaux et des débits des eaux superficielles et souterraines. Cela va aussi dans le sens du postulat Welter. ·

1175 Afin de donner à la Confédération le droit de légiférer sur toutes les dérivations d'eau - et non seulement sur celles qui sont déjà visées par d'autres lettres de l'énumération donnée par le 1er alinéa - nous proposons de les mentionner expressément sous lettre h~, les dérivations à l'étranger («exportations») y sont comprises.

L'expression «autres interventions dans le cycle de l'eau» a un sens très large. Elle comprend principalement les interventions qui visent à influencer artificiellement les piécipilalioiis, par des procédés scientifiques découverts assez récemment.

Le problème s'est posé il y a une quinzaine d'années déjà, lorsque des hommes d'affaires américains ont cherché à trouver en Suisse des personnes qui utiliseraient leur procédé. Sur proposition de l'Office de l'économie hydraulique, l'ancien Département fédéral des postes et des chemins de fer a chargé un groupe d'experts de préparer un rapport de situation sur le déclenchement artificiel de précipitations. Selon la conclusion de ce rapport, une réglementation de droit fédéral s'impose dans cette matière, qui dépasse manifestement le cadre cantonal, voire national.

L'Institut suisse de météorologie conclut des discussions qui ont eu lieu lors de la session d'avril 1971 du Congrès de l'Organisation météorologique mondiale que, pour notre pays, «la modification artificielle du temps, possible en pratique dans un proche avenir, sera d'un intérêt économique et militaire indéniable. Mais l'homme ne la maîtrise pas encore réellement et, de plus, il est impossible d'en définir toutes les conséquences pratiques sur l'équilibre des climats. Aussi, sur le plan national, une grande prudence s'impose-t-elle, et ... aucune mise en exploitation d'expériences de modification du temps ne devrait être autorisée sans une étude approfondie préalable, faite par des experts, de leurs conséquences économiques, sociales, juridiques et politiques». Il ne serait donc pas juste de dire que cette question n'est pas actuelle, Les particularités de ce domaine de l'économie hydraulique justifient une compétence exclusive de la Confédération. Il ne s'agit pas pour celle-ci de favoriser les modifications artificielles du temps, mais d'édicter les dispositions qui lui permettraient d'intervenir rapidement en cas de besoin.

Comme autre intervention
possible dans le cycle de l'eau, on peut citer la fonte artificielle des glaciers. Il suffit de préciser ici que la question n'est pas actuelle.

Contrairement à l'avis que nous avons émis dans notre message relatif au projet d'article 24sevties sur les atteintes nuisibles ou incommodantes, la réglementation concernant les interventions visant à influencer les précipitations et à faire fondre artificiellement les glaciers relève non de l'article 24seî)*
Lettre i La limitation des redevances de droit public à payer pour l'utilisation des ressources hydrauliques.

1176 Le projet du 19 avril 1971, soumis à la procédure de consultation, ne contenait aucune disposition expresse sur la limitation des droits et redevances à payer pour l'utilisation des ressources hydrauliques. La commission estimait qu'une telle disposition relevait de la législation; elle en concluait qu'il suffirait de dire clairementj dans le message qui vous serait présenté, que la législation existante, limitant les droits et redevances à payer pour l'utilisation des forces hydrauliques (art. 49 s. de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques), serait maintenue, même après l'adoption du nouvel article 24 Ms. Celui-ci serait alors la base constitutionnelle de ladite législation.

Plusieurs organismes consultés ont insisté pour qu'une disposition sur la limitation des redevances de droit public soit introduite dans le nouvel article constitutionnel. Ils ont fait valoir notamment que les charges de nature fiscale ne devraient pas grever d'ime façon excessive l'utilisation des ressources hydrauliques et que l'article qui leur était soumis ne donnait pas, en matière d'utilisation des forces hydrauliques, les mêmes garanties que le 6e alinéa de l'actuel article 24Ms (des assurances données dans le message ne seraient pas suffisantes, car elles n'auraient pas force obligatoire pour le législateur fédéral).

Jugeant cette demande justifiée quant au fond et ne voulant pas remettre en question la base constitutionnelle inscrite dans l'actuel article 246is, la commission a complété son projet. La lettre i, placée dans le contexte du nouvel article 24 Ms, donne à la Confédération la compétence de légiférer sur la limitation des redevances de droit public à payer pour tous les genres d'utilisation des ressources hydrauliques («redevances» est pris au sens large; ce terme comprend les «droits et redevances» mentionnés aux 5e et 6e al. de l'actuel art. 246*5)- Vu les arguments invoqués par les milieux consultés, nous nous sommes ralliés à cette modification.

Lettre k La dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique.

La lettre k remplace le 7e alinéa de l'actuel article 24Ms («la dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique ne pourra s'effectuer qu'avec l'autorisation de la Confédération»). Bien que cette disposition soit un élément étranger
au domaine de l'économie hydraulique (énergie produite par la force hydraulique), elle a été incorporée à l'article 24Ms afin de maintenir le système actuel des autorisations en matière de dérivation d'énergie à l'étranger.

Ce système est le suivant: la dérivation, à l'étranger, d'énergie électrique produite par la force hydraulique est soumise à une autorisation fédérale en vertu de la constitution et de la législation d'application (cette dernière soumet à une autorisation également l'exportation de la force hydraulique suisse sous une autre forme que celle de l'énergie électrique, par exemple par dérivation d'eau ou par transport mécanique); la dérivation, à l'étranger, d'énergie électrique produite par les usines atomiques est soumise à une autorisation fédérale par la loi atomique fondée, notamment, sur l'article 24 a«*««Mies de la constitution, qui octroie à la Confédération une compétence législative générale (non limitée) en

1177 la matière; la dérivation, à l'étranger, d'énergie électrique produite par les usines thermiques classiques n'est pas réglementée faute de base constitutionnelle. Si l'on séparait le texte du 7e alinéa précité des autres dispositions relatives à l'économie hydraulique, on pourrait en déduire, par argumentation a contrario, que désormais seule la dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique suisse est soumise à une autorisation fédérale; ceci, bien qu'on ne précise pas que seule cette énergie est soumise à une telle autorisation. Le système de l'autorisation fédérale pour la dérivation d'énergie électrique produite par les usines atomiques pourrait alors être considéré comme contraire à la constitution.

Cette disposition a été placée à la fin de la liste des objets relevant de la législation fédérale pour qu'elle puisse être aisément supprimée si le droit relatif à l'électricité ou à l'énergie en général devait être revisé dans un avenir plus ou moins proche.

Le lettre k n'est toutefois pas identique au 7e alinéa susmentionné. Celui-ci soumet directement la dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique suisse au système de l'autorisation fédérale; la lettre k donne à la Confédération la compétence de légiférer sur cette matière. (La législation dont il est question existe déjà.)

Le terme «dérivation» a été préféré à celui d'«exportation», car dans certains cas concrets, l'énergie électrique dont la dérivation à l'étranger est soumise à l'autorisation fédérale est bien produite par la force hydraulique suisse, mais sur territoire étranger (Kembs, Rheinfelden, Albbruck-Dogern, Spol-Premadio, Emosson-Châtelard, etc.).

2e alinéa Le 2e alinéa règle la question du droit de disposer des eaux publiques, superficielles et souterraines. Contrairement au 1er alinéa, une s'appliquepas aux eaux dont les particuliers ont le droit de disposer en vertu du code civil suisse. Il est composé de trois phrases. La première énonce la règle générale; les deux autres contiennent les exceptions à cette règle.

l re phrase: Le droit de disposer des eaux publiques, superficielles et souterraines, appartient aux cantons ou aux autres titulaires que désigne la législation cantonale.

La l rc phrase vise à éviter toute équivoque à propos du droit de disposer des eaux qui
font partie du domaine public en vertu du droit cantonal. Il est bon, au moment où l'on attribue de nouveaux pouvoirs à la Confédération, de confirmer ce droit des cantons et de tenir compte ainsi de la situation juridique existante. Le terme de «souveraineté» n'a pas été retenu, parce qu'il prête à confusion. L'expression «droit de disposer» désigne clairement ce qui est important dans la pratique; elle se trouve déjà dans la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH). Est investi du droit de disposer «celui qui a le droit de décider de l'établissement d'installations pour l'utilisation d'un cours d'eau, par opposition au titulaire du droit d'utilisation, qui a le droit

1178 d'utiliser le cours d'eau au moyen d'une installation déterminée» (citation tirée du message du 19 avril 1912 concernant le projet de LFH, FF 1912 II 825).

Cette l re phrase donne aux cantons l'assurance qu'il n'est pas question de créer des «eaux fédérales» et que ce sont eux qui, comme jusqu'ici, tireront tous les avantages de l'utilisation des eaux (redevances et autres prestations, même dans les cas exceptionnels où les droits d'utilisation sont concédés par la Confédération); le législateur fédéral édictera des prescriptions visant à sauvegarder les intérêts publics des cantons qui mettent leurs ressources hydrauliques à la disposition de régions sises en dehors de leur territoire. L'article 24bis réglant les rapports entre la Confédération et les cantons, on pourrait se contenter de dire que le droit de disposer des eaux appartient «aux cantons» ceux-ci étant libres de l'attribuer à d'autres communautés ou à des particuliers (par exemple, certaines législations cantonales attribuent le droit de disposer des forces hydrauliques, en totalité ou en partie, aux districts, aux communes, à des corporations, ou même à des particuliers). La rédaction proposée vise à exprimer clairement que la Confédération n'entend pas exclure d'autres titulaires que les cantons.

Cette l re phrase limite les nouveaux pouvoirs attribués à la Confédération, en ce sens que leur exercice ne devra pas vider le droit de disposer des cantons de ses éléments essentiels. Mais, d'autre part, tous les pouvoirs attribués à la Confédération par le nouvel article 24Ms et la législation d'application constitueront des restrictions de droit public au droit de disposition des cantons, de même que la législation limite l'exercice du droit privé de propriété.

2° phrase: Si l'octroi ou l'exercice de droits d'eau concernent les rapports internationaux, la Confédération statue conformément à la législation fédérale; il en est de même lorsqu'il s'agit de rapports intercantonaux et que Jes cantons ne parviennent pas à s'entendre. Les cantons doivent être entendus avant qu'une décision ne soit prise.

Cette disposition tient compte de la réglementation et de la pratique actuelles en matière d'utilisation des forces hydrauliques. Dans ce domaine, il appartient en principe aux cantons (ou aux communautés désignées par le droit cantonal) d'octroyer les concessions. Toutefois, dans deux hypothèses, la Confédération (le Conseil fédéral) concède les droits d'utilisation; premièrement, lorsqu'il s'agit de mettre en valeur une section de cours d'eau située sur le territoire de plusieurs cantons ou, dans une seule et même usine, plusieurs sections situées dans des cantons différents, dans le cas où les cantons ne peuvent s'entendre; secondement, lorsqu'il s'agit de sections de cours d'eau qui touchent la frontière nationale. Dans tous les cas, le Conseil fédéral statue dans l'intérêt et pour le compte des cantons, après les avoir entendus.

Le projet de la commission du 19 avril 1971 définissait les cas dans lesquels il appartiendrait à la Confédération d'octroyer les concessions : lorsque l'exercice du droit d'utilisation modifie de façon importante le niveau, le débit

1179 ou la qualité de l'eau à la frontière nationale ou a des effets semblables sur leplan intercantonal et que les cantons ne parviennent pas à s'entendre. Cette définition a été critiquée dans plusieurs avis. En particulier, on lui a reproché d'utiliser le critère de «modification importante» qui, par son imprécision, serait inapte à tracer une limite simple et claire entre la compétence de la Confédération et celle des cantons. De plus, elle modifierait sous deux aspects le système en vigueur en matière d'utilisation des forces hydrauliques. La Confédération ne serait plus compétente pour concéder l'utilisation des forces hydrauliques de sections intercantonales ou internationales lorsque cette utilisation aurait des effets peu importants à la frontière cantonale ou nationale; par contre, elle serait compétente pour concéder l'utilisation de forces hydrauliques de sections purement cantonales lorsque cette utilisation a des effets d'une certaine importance à la frontière. Estimant qu'il n'est guère possible de trouver un seul critère de distinction, applicable à tous les modes d'utilisation des eaux, la commission a proposé, le 29 mai 1972, de laisser au législateur fédéral le soin de déterminer les cas dans lesquels il appartiendra à la Confédération de statuer.

Le législateur pourra mieux que le pouvoir constituant tenir compte de la complexité du problème; il pourra choisir des critères de distinction différents pour les divers domaines de l'économie hydraulique. Le système en vigueur en matière d'utilisation des forces hydrauliques pourra être maintenu. La Confédération statuera vraisemblablement sur l'octroi ou l'exercice des droits dans un grand nombre de cas concernant le prélèvement d'eau de refroidissement pour les centrales thermiques (critères différents selon les divers systèmes de refroidissement). Il n'est pas rationnel, dans la situation actuelle, que la Confédération accorde l'autorisation de construire et d'exploiter une installation atomique (art. 4 de la loi fédérale sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique), tandis que les cantons peuvent octroyer ou refuser la concession pour le prélèvement et le déversement de l'eau de refroidissement; il n'y a pas de raison valable de ne pas donner à la Confédération une compétence semblable à celle qu'elle a dans le domaine de
l'utilisation des forces hydrauliques des sections de cours d'eau qui touchent la frontière nationale. Nous ne pouvons qu'approuver la nouvelle solution proposée par la commission.

Dans les cas déterminés par la législation, la Confédération octroiera les concessions; en outre, elle statuera sur l'octroi ou l'exercice des droits qui ne sont pas accordés sous forme dé concession, par exemple lorsque la communauté utilise elle-même ses ressources hydrauliques, en vertu d'une loi. Les intérêts des cantons sont bien sauvegardés: la Confédération ne statuera sur l'octroi ou l'exercice des droits d'eau qu'après avoir entendu les cantons intéressés; elle n'interviendra dans les rapports intercantonaux que si les cantons ne parviennent pas à s'entendre dans un délai raisonnable.

La 2e phrase permettra à la Confédération d'exercer une fonction coordonnatrice par ses décisions sur l'octroi ou l'exercice de droits d'eau. Mais il y aura aussi coordination indirecte lorsque des cantons intéressés à un aménagement intercantonal préféreront s'entendre plutôt que de laisser la Confedera-

1180 tion statuer, ou lorsqu'ils prendront des concessions fédérales pour modèles de leurs propres concessions.

Contrairement à l'avis de certains, cette 2e phrase est indispensable; en son absence, il appartiendrait aux cantons de statuer sur l'octroi ou l'exercice de tous les droits d'eau, même s'ils concernent les rapports internationaux.

3e phrase: La législation fédérale réglera le droit de la Confédération de requérir, moyennant une indemnité équitable, les ressources hydrauliques nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui incombent.

En vertu des articles 12 et suivants de la LFH, la Confédération peut requérir, pour l'accomplissement des tâches qui lui incombent, la force des cours d'eau publics. Le législateur fédéral a estimé qu'il n'était pas convenable que la Confédération doive demander l'octroi d'une concession et dépende ainsi complètement de la volonté de ceux qui disposent des eaux publiques, lorsque l'utilisation des forces hydrauliques est indispensable à l'accomplissement de tâches publiques. Il s'agissait avant tout de permettre aux Chemins de fer fédéraux d'assurer leur approvisionnement en électricité. Mais ce qui est valable pour l'utilisation des forces hydrauliques l'est aussi, mutatis mutandis, pour l'utilisation des ressources hydrauliques en général.

Etant donné que, conformément à la l re phrase du 2e alinéa, le droit de disposer des eaux publiques - compris comme étant le droit de décider si un cours d'eau sera utilisé ou non - appartient aux cantons, une réserve expresse du droit de réquisition de la Confédération est indispensable (cette réserve ne figurait pas dans le projet du 19 avril 1971, parce que la commission donnait au droit de disposition une autre signification, qui n'a pas été admise par de nombreux organismes consultés).

Comme jusqu'ici, la Confédération n'aura le droit de requérir des forces hydrauliques que moyennant le payement des indemnités prévues aux articles 13 et 14 LFH. La législation d'exécution réglera la question des indemnités dues en cas de réquisition des ressources hydrauliques en général.

3e alinéa L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération.

Cet alinéa concerne la répartition des tâches d'exécution entre la Confédération et les cantons. L'exécution des
prescriptions fédérales incombera aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération. Le législateur édictera les dispositions nécessaires. Le 3e alinéa n'est pas indispensable; la répartition de la compétence législative suffirait. La formule proposée, identique à celle de l'article 24sez>ties, 2e alinéa, de la constitution concernant la protection contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, précise que la Confédération n'interviendra dans l'exécution que si cela est nécessaire.

1181

Aucune formule semblable ne figure à l'actuel article 24 de la constitution.

Cependant, le 3° alinéa correspond, quant au fond, au droit positif dans le domaine de la police des eaux. Dans la mesure où il concerne l'exécution, le 3e alinéa de l'actuel article 24"is a un sens analogue à celui du 3e alinéa du nouvel article 24 M*; mais, dans le second, la portée de la réserve de la législation fédérale est plus étendue que dans le premier. Le 3e alinéa du nouvel article 24&is étend la compétence de la Confédération en matière d'exécution des prescriptions fédérales sur la protection des eaux contre la pollution ; il ouvre à la Confédération une possibilité que ne lui donne pas la seconde phrase de l'actuel article 24"vater de la constitution, selon laquelle «l'exécution des dispositions prises est réservée aux cantons, sous la surveillance de la Confédération».

La question de l'opportunité d'une telle extension a déjà été examinée lors des travaux préparatoires relatifs à l'article 24se*>««* précité. On renonça cependant, à l'époque, à modifier l'article 24ÏKBter parce qu'on jugeait plus rationnel de le faire dans le cadre de la revision des bases constitutionnelles de la législation fédérale sur les eaux demandée par la motion Rohner. Aujourd'hui, il n'existe pas de raisons particulières de maintenir, pour le domaine de la protection des eaux contre la pollution, un système spécial de répartition des pouvoirs en matière d'exécution des dispositions fédérales; nous estimons que le 3e alinéa devrait être applicable à toute l'économie hydraulique.

C. Commentaire de l'article 24 «"°*er

La Confédération peut édicter des dispositions législatives sur le transport et la distribution de l'énergie électrique.

Comme nous l'avons déjà dit plus haut (chap. 1 et 6, ch. 63, let. A, a), le nouvel article 24«aater reproduit, sans aucune modification de forme ou de fond, le 9e alinéa de l'actuel article 24 Ms. Pour satisfaire au principe de l'unité de la matière, nous ne proposons pour le moment aucun changement de la teneur de cette disposition. Elle donne à la Confédération le droit de régler les aspects juridiques, techniques et économiques du transport et de la distribution de l'énergie électrique, quelle que soit la source de ladite énergie; en particulier, elle consacre a posteriori (l'art. 24Ms a été adopté le 25 octobre 1908) la constitutionnalité de la loi fédérale du 24 juin 1902 concernant les installations à faible et à fort courant (complétée par ses ordonnances d'exécution).

7

Conséquences financières et influence sur l'effectif du personnel

II n'est pas encore possible de donner des indications quelque peu précises au sujet des conséquences financières qu'auront le nouvel article 246is et ses dispositions d'exécution en ce qui concerne leur influence sur l'effectif du personnel. Il faut attendre pour cela que la législation d'application soit élaborée.

C'est pourquoi nous devons nous limiter à énoncer des considérations de principe. Il faut commencer sérieusement à réexaminer le mode de répartition des

1182 tâches entre la Confédération et les cantons, comme le demandent diverses interventions parlementaires. La revision constitutionnelle proposée en tient compte; elle ne vise pas, en premier lieu, à créer la base permettant l'adoption de nouvelles lois de subventionnement. Par exemple, comme il ressort de notre commentaire du 1er alinéa, lettre d, de l'article 24Ms, la construction, l'exploitation et l'entretien d'ouvrages et d'installations destinés à la distribution de l'eau potable et industrielle continueront d'être l'affaire des autorités locales; la législation fédérale ne s'occupera, dans ce domaine également, que d'assurer 1!'utilisation rationnelle des ressources naturelles en eau, dans le cadre du régime des eaux. Le nouvel article 24 Ms aura toutefois inévitablement pour conséquences qu'il faudra développer l'appareil administratif de la Confédération pour qu'elle puisse accomplir ses nouvelles fonctions, surtout de coordination et de surveillance, et augmenter les dépenses dans le domaine de la recherche, dans l'intérêt du pays.

S

Constitutionnalité

Le projet d'arrêté que nous proposons se fonde sur les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution.

9

Propositions relatives au classement d'une motion et d'un postulat

Nous vous proposons de classer la motion n° 9276 relative à un article constitutionnel concernant l'économie hydraulique (motion Rohner) ainsi que le postulat n° 8410 concernant la protection des sites lors de la construction d'usines hydro-électriques (postulat Welter).

Vu ce qui précède, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté ci-joint.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 13 septembre 1972 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Celio Le chancelier de la Confédération, 20790

Huber

1183 (Projet)

Arrêté fédéral remplaçant deux articles de la constitution qui concernent l'économie hydraulique

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 13 septembre 19721', arrête: I bis

Les articles 24 sitions suivantes: 1

et 24 "

uateT

de la constitution sont remplacés par les dispo-

Art. 24Me (nouveau)

Pour garantir une gestion globale des ressources en eau, en particulier l'utilisation rationnelle et la protection des eaux sous le rapport de la quantité et de la qualité, ainsi que pour protéger l'homme et son milieu contre Faction dommageable de l'eau, la Confédération, en tenant compte des autres intérêts publics, légifère sur: a. La recherche et la mise en valeur de données hydrologiques; b. L'établissement de plans-cadres dans le domaine de l'économie hydraulique ; c. La conservation des eaux et leur protection contre la pollution, ainsi que leur assainissement ; à. L'approvisionnement en eau potable et en eau industrielle, ainsi que l'enrichissement artificiel des nappes d'eaux souterraines; e. L'utilisation des eaux pour la production d'énergie et le refroidissement; /. L'irrigation et le drainage des sols ; g. La police des endiguements, y compris les corrections de cours d'eau, et la sécurité des ouvrages d'accumulation; » FF 1972 H 1144

1184 h. La régularisation des niveaux et des débits des eaux superficielles et des eaux souterraines, ]a dérivation d'eau et d'autres interventions dans le cycle de l'eau ; i. La limitation des redevances de droit public à payer pour l'utilisation des ressources hydrauliques; k. La dérivation, à l'étranger, d'énergie produite par la force hydraulique.

2

Le droit de disposer des eaux publiques, superficielles et souterraines, appartient aux cantons ou aux autres titulaires que désigne la législation cantonale. Si l'octroi ou l'exercice des droits d'eau concerne les rapports internationaux, la Confédération statue conformément à la législation fédérale; il en est de même lorsqu'il s'agit des rapports intercantonaux et que les cantons ne parviennent pas à s'entendre. Les cantons doivent être consultés avant qu'une décision ne soit prise. La législation fédérale réglera le droit de la Confédération de requérir, moyennant une indemnité équitable, les ressources hydrauliques nécessaires à l'accomplissement des tâches qui lui incombent.

3

L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, à moins que la loi ne la réserve à la Confédération, Art, 24water (nouveau) (actuel art. 24 "is, 9e al.)

La Confédération peut édicter des dispositions législatives sur le transport et la distribution de l'énergie électrique.

II 1

Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons.

2

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une revision de la constitution dans le domaine de l'économie hydraulique (art. 24bis et24quater) (Du 13 septembre 1972)

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27.10.1972

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