02.063 Le rôle du Conseil fédéral et de l'administration fédérale en relation avec la crise de Swissair Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 19 septembre 2002

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La Commission de gestion du Conseil des Etats vous soumet son rapport sur le rôle du Conseil fédéral et de l'administration fédérale dans la crise de Swissair. Elle vous propose d'en prendre connaissance.

19 septembre 2002

Au nom de la commission: Le président, Michel Béguelin

2003-0137

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Résumé Les conséquences pour la Confédération de la crise de la compagnie aérienne Swissair en général et de l'interruption passagère du service de vol les 2 et 3 octobre 2001 en particulier ont amené la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) à entamer une enquête. La CdG-E a axé son examen sur les éventuelles responsabilités de la Confédération, sur la surveillance que celle-ci exerce dans le domaine de l'aviation civile, sur son rôle en sa qualité d'actionnaire et membre du conseil d'administration de SAirGroup ainsi que sur le comportement du Conseil fédéral et de l'administration fédérale dans le cadre de la crise Swissair.

Par ce rapport, la CdG-E veut également contribuer à une réflexion critique sur la crise Swissair qui a abouti à un engagement financier de la Confédération pour un montant total de 2050 millions de francs. Les investigations de la CdG-E doivent cependant être clairement distinguées des procédures visant à établir les responsabilités civiles ou pénales en rapport avec la crise Swissair.

Dans le domaine de l'aviation civile, les travaux de la CdG-E ont montré que, en matière de contrôle de la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation, le droit suisse n'est pas clair et devrait être précisé. L'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) en a fait une interprétation restrictive et n'a accordé qu'une importance secondaire au contrôle de la capacité économique. L'OFAC ne s'est pas préoccupé de manière suffisamment approfondie et systématique de la situation économique des entreprises de transport aérien tout au long de la durée de validité de leurs autorisations d'exploitation. Cette interprétation restrictive résulte du fait que l'OFAC accordait la plus grande priorité aux conditions opérationnelles et techniques du transport aérien et qu'il ne considérait la capacité économique que dans l'optique de la sécurité des vols. L'entrée en vigueur le 1er juin 2002 de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien élimine ce manque de clarté. Le règlement CEE 2407/92 précise en effet clairement quand et sur la base de quels documents les autorités de surveillance doivent évaluer la solidité économique des entreprises aériennes. La CdG-E s'étonne que le droit suisse n'ait pas repris ces prescriptions claires plus tôt. Une telle
précision aurait été non seulement possible, mais encore nécessaire lorsque la Suisse a repris les prescriptions communautaires à l'occasion de la révision du droit aérien de 1998.

En décembre 2000, ni les dispositions légales et réglementaires, ni les circonstances n'auraient permis à l'OFAC de refuser de renouveler l'autorisation d'exploitation de Swissair. L'OFAC aurait cependant pu renouveler l'autorisation sous réserve, pour une durée limitée, c'est-à-dire jusqu'à ce que SAirGroup ait fourni des informations plus détaillées sur les comptes définitifs de l'exercice 2000 et sur les perspectives financières relatives à l'exercice 2001. Durant cette année-là, en se fondant sur divers indices, l'OFAC partait également du principe que la compagnie Swissair disposait de la capacité économique nécessaire malgré la crise qu'elle traversait. Bien qu'ayant connaissance de la situation difficile dans laquelle SAirGroup se trouvait depuis 2001, l'OFAC a estimé que, à aucun moment, il n'y a eu d'indices permettant de penser que les conditions requises pour une exploitation

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sûre n'étaient plus garanties. Les responsables de SAirGroup se sont toujours montrés confiants quant aux perspectives à court et moyen termes. Ils ont également indiqué disposer d'une ligne de crédit d'un milliard de francs octroyée par un consortium de banques pour garantir les liquidités. La CdG-E est d'avis que, étant donné les circonstances du moment et en raison de l'absence de critères et de procédures clairement définis, il aurait été difficile, tant juridiquement que politiquement, de justifier le retrait de l'autorisation d'exploitation. Lorsque les problèmes de Swissair se sont dangereusement aggravés fin septembre 2001, il n'aurait pas été possible pour des raisons économiques de procéder à un retrait sans délai de l'autorisation dans la mesure où il n'appartient pas à une autorité de surveillance de provoquer une immobilisation chaotique du service de vol d'une entreprise.

L'entreprise concernée et ses clients doivent pouvoir prévoir le retrait de l'autorisation d'exploitation de manière à ce que la flotte puisse être immobilisée dans des conditions réglées.

En ce qui concerne le rôle de la Confédération en sa qualité d'actionnaire de SAirGroup, la CdG-E constate que le Conseil fédéral avait conscience de la précarité de la situation de SAirGroup au printemps 2001 déjà. Il avait ainsi pris des mesures pour garantir l'exercice des droits que la Confédération détient en sa qualité d'actionnaire. L'Administration fédérale des finances a préparé les décisions du Conseil fédéral en vue de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001 et, après l'assemblée, a accompagné l'ouverture de la procédure de contrôle spécial (art. 697a et ss. CO) avec beaucoup de professionnalisme. Ce faisant, le Conseil fédéral a pris les mesures qui s'imposaient en vue d'établir les éventuelles responsabilités des organes de SAirGroup. Pour le reste, l'influence de la Confédération en sa qualité d'actionnaire était faible. Il en va de même pour ce qui est de son influence en sa qualité de membre du conseil d'administration de SAirGroup, fonction qu'elle a exercée jusqu'au printemps 1999. De l'avis des représentants de la Confédération de l'époque, l'influence et les possibilités de contrôle effectives des membres du conseil d'administration n'appartenant pas au comité restreint du conseil d'administration
étaient insuffisantes. C'est d'ailleurs ce qui les a incités à demander la restructuration du conseil. Conséquence de la révision de la loi fédérale sur l'aviation de 1998, la Confédération ne disposait plus de représentants au sein du conseil d'administration de SAirGroup depuis le printemps 1999. Une responsabilité de la Confédération en sa qualité de membre du conseil d'administration en vertu du droit sur les sociétés anonymes pourrait tout au plus découler des décisions du conseil liées à la «stratégie du chasseur» suivie par SAirGroup. En l'état actuel, l'effondrement de Swissair est avant tout mis en rapport avec l'échec de cette stratégie. Il ne sera cependant possible de se prononcer sur ce point que lorsque les résultats du contrôle spécial étendu seront connus. Le commissaire au sursis concordataire, qui mène l'enquête sur les éventuelles responsabilités des organes de SAirGroup, publiera les résultats du contrôle spécial étendu en automne 2002.

Bien qu'une analyse soigneuse de la situation financière effectuée au printemps 2001 ait montré la précarité de la situation de SAirGroup, le Conseil fédéral n'a pas élaboré de scénarii en prévision d'un éventuel échec de la restructuration et du refinancement ou en cas d'insolvabilité du groupe. Le Conseil fédéral attribuait

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pourtant une grande importance à Swissair et à l'aéroport de Zurich du point de vue de la politique économique et de la politique des transports. Le Conseil fédéral et l'administration fédérale partaient également du principe que SAirGroup parviendrait à résoudre ses problèmes sans intervention de l'Etat. Les communiqués optimistes des responsables de SAirGroup ont conforté le Conseil fédéral dans cette opinion. Au mois d'avril 2001 déjà, ces responsables annonçaient que les liquidités du groupe étaient assurées grâce à une ligne de crédit pour un montant d'un milliard de francs accordée par un consortium de banques. En outre, les informations données par SAirGroup mi-juillet et fin août 2001 au sujet des plans de restructuration l'ont été sur un fond d'optimisme. Il n'y aurait pas eu de raison justifiée de douter de la solvabilité de SAirGroup puisque, jusqu'à fin septembre 2001, le groupe remboursait encore les crédits à leur échéance.

En septembre 2001, la crise du groupe Swissair s'est aggravée de manière dramatique. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont certes accéléré la crise de SAirGroup, mais son avenir était déjà sérieusement compromis avant cette date fatidique. Ce n'est que le 17 septembre 2001 que les dirigeants de SAirGroup se sont tournés vers la Confédération pour demander un soutien sous forme de garanties de l'Etat pour un montant d'un milliard de francs. Les représentants de la Confédération ont par la suite eu de la peine à définir leur rôle en relation avec la crise de liquidités de SAirGroup qui prenait un tour dramatique. La Confédération s'est de plus en plus vue poussée dans un rôle réactif, plutôt qu'un rôle actif. Jusque vers fin septembre 2001, SAirGroup a discuté avec des représentants de la Confédération et des milieux de l'économie afin de trouver des solutions permettant d'assainir l'ensemble du groupe. Il a toutefois fallu attendre fin septembre 2001 pour disposer de résultats précis sur l'ampleur d'un tel assainissement. Il est alors apparu qu'une telle opération aurait coûté au moins 8 milliards de francs et n'aurait donc pas pu être financée. Le 30 septembre 2001, lorsqu'ils ont rencontré le Conseil fédéral, les représentants de SAirGroup n'ont eu d'autre choix que d'annoncer l'insolvabilité du groupe. La question qui s'est alors
posée à la Confédération était de décider s'il fallait participer à un projet élaboré par les grandes banques et SAirGroup et qui prévoyait la reprise par Crossair du service de vol de Swissair. Le Conseil fédéral a proposé de libérer des moyens financiers pour assurer le service de vol de Swissair en rachetant les actions Crossair en possession de SAirGroup. Le 1er octobre 2001, il est toutefois apparu que les grandes banques prévoyaient une telle transaction sans l'aide de la Confédération, sans pour autant être disposées à financer le service de vol de Swissair lors de la phase de transition.

Elles s'étaient accommodées d'une immobilisation de la flotte de Swissair. Le 1er octobre 2001, le Conseil fédéral a évalué à leur juste mesure le risque d'interruption imminente du service de vol de Swissair et ses conséquences très graves et en a averti le public. À cette occasion, il a aussi publiquement souligné les responsabilités des grandes banques et de SAirGroup.

Le 2 octobre 2001, les événements se sont encore accélérés. Diverses circonstances (annonce du sursis concordataire, problèmes de liquidités, raisons de sécurité) ont amené les dirigeants de SAirGroup à interrompre le service de vol de Swissair.

L'examen effectué par la CdG-E n'a pas révélé de responsabilité des organes de la Confédération en ce qui concerne l'immobilisation de la flotte Swissair. Au con-

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traire, ceux-ci se sont efforcés de trouver des solutions et, les 1er et 2 octobre 2001, se sont engagés avec énergie pour éviter que les avions de Swissair restent cloués au sol. Ainsi, la Confédération était disposée à assurer transitoirement le maintien du service de vol au moyen d'un crédit relais de 125 millions de francs, à condition toutefois que les deux grandes banques en fassent de même. L'UBS n'était pas disposée à participer à cette opération.

La gestion de la crise telle qu'elle a été assurée par les organes de la Confédération après le 2 octobre 2001 et lors de la création d'une compagnie aérienne nationale redimensionnée a été très professionnelle. L'engagement personnel très important du chef du Département fédéral des finances (DFF) a joué un rôle considérable à cet égard. Le rôle moteur assumé par le Conseil fédéral et l'institution de la task force «pont aérien» dirigée par le directeur de l'Administration fédérale des finances ont permis d'éviter une nouvelle immobilisation de la flotte Swissair fin octobre 2001.

Bien que le Conseil fédéral ne pouvait guère prévoir l'issue fatale de la crise Swissair, il aurait dû préparer, au début de l'année 2001 déjà, divers scénarii dans l'hypothèse d'un éventuel échec de la restructuration de SAirGroup. Au vu de la situation critique de SAirGroup, de tels scénarii auraient été indispensables dès lors que le Conseil fédéral estimait que l'existence d'une compagnie aérienne nationale était d'intérêt public. De tels scénarii et des décisions sous réserve auraient permis au Conseil fédéral d'intervenir plus efficacement et de manière plus ciblée dans le cadre de la crise Swissair lorsque celle-ci s'est emballée en septembre 2001. La CdG-E regrette que la Confédération se soit laissée entraîner dans une situation l'obligeant ensuite à intervenir de manière réactive.

Du point de vue de la CdG-E, la Confédération doit principalement tirer des enseignements dans les domaines de la surveillance et de la détection précoce des crises.

En ce qui concerne la surveillance exercée sur l'aviation civile, il est indispensable de créer des conditions et d'acquérir les compétences permettant d'évaluer la capacité économique des entreprises de transport aérien, conformément aux dispositions du droit communautaire qui sont également en vigueur en Suisse
depuis le 1er juin 2002. Cette réglementation fixe des exigences élevées en matière de surveillance de la capacité économique des entreprises titulaires d'une autorisation d'exploitation. Le Conseil fédéral doit en outre préciser les critères et les étapes de la procédure de retrait d'une autorisation d'exploitation. Pour ce qui est de la détection précoce des événements importants du point de vue politique, la Confédération doit préparer ses décisions sur la base des scénarii élaborés le plus en amont possible. En outre, l'administration fédérale et le Conseil fédéral doivent faire preuve d'une plus grande sensibilité en matière de détection précoce de défis et crises politiques potentiels. Cette identification précoce est essentielle en relation avec les entreprises qui jouent un rôle important pour l'ensemble du système économique suisse. Etant donné qu'une intervention adéquate est tout aussi décisive que la détection précoce, la Confédération doit, dans le cadre de ses compétences, inciter les organes responsables des milieux économiques à signaler les développements négatifs suffisamment tôt. La Confédération peut y contribuer notamment en renforçant les dispositions relatives à la présentation des comptes et au contrôle des

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entreprises. Dans le domaine de l'aviation civile, les entreprises de transport aérien doivent être tenues d'annoncer les éventuelles difficultés financières à l'autorité de surveillance.

Se fondant sur des constatations qu'elle a faites dans le cadre de ses investigations, la CdG-E invite le Conseil fédéral à se pencher sur un certain nombre de problématiques liées au droit aérien (compétences en matière de concessions de routes, limitation de la durée de validité des autorisations d'exploitation) et à la problématique de l'assainissement (défense des intérêts dans le processus d'assainissement au moyen de dispositions légales, orientation plus favorable aux assainissements de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite). Le Conseil fédéral est également invité à formuler une nouvelle politique des transports aériens. Finalement, la CdGE recommande au Conseil fédéral de soutenir les efforts internationaux des transporteurs aériens qui visent à protéger les passagers contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol d'une compagnie aérienne.

Après ses réflexions critiques au sujet de la crise Swissair, la CdG-E a l'impression que le sauvetage de SAirGroup n'aurait pu être réalisé qu'au prix de mesures d'assainissement radicales qui auraient dû être prises au printemps 2001 au plus tard.

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Rapport 1

Contexte et objet de l'examen

1.1

La crise Swissair en tant que motif d'examen

L'aggravation de la crise que la compagnie aérienne nationale Swissair a connue en automne 2001, dont la partie la plus visible a été l'immobilisation passagère de sa flotte, a amené la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) à entamer un examen. Les problèmes de Swissair avaient cependant commencé avant cette immobilisation. Le début précis et l'appréciation des difficultés financières de Swissair font l'objet d'opinions diverses. Dans l'état actuel des connaissances, il semblerait que la crise trouve son origine dans la stratégie appelée «hunter strategy» ou stratégie du chasseur1. Le but de cette stratégie était de permettre à Swissair, Sabena et Austrian Airlines de devenir un partenaire intéressant pour une compagnie aérienne américaine. La petite taille des marchés indigènes suisse, belge et autrichien laissait à penser qu'un tel partenariat ne pourrait devenir réalité qu'en collaboration avec d'autres compagnies européennes, que ce soit au moyen d'alliances ou de participations. Ce sont ces participations qui ont été fatales à Swissair.

Vu de l'extérieur, les résultats record du groupe Swissair (SAirGroup) en 19972 et 19983 n'incitaient pas au pessimisme. Au cours du printemps 2000, le conseil d'administration de SAirGroup a été alarmé par la dégradation rapide de la marge bénéficiaire de la compagnie allemande LTU. L'aggravation des résultats d'exploitation des compagnies françaises et de la compagnie belge Sabena s'annonçait à la même époque. Lors de la conférence de presse à l'occasion du rapport semestriel 2000, SAirGroup avait pronostiqué un bénéfice de 200 millions de francs pour l'ensemble de l'exercice 2000. Au cours du deuxième semestre 2000, la situation des participations françaises a cependant empiré de manière dramatique. Le 2 avril 2001, SAirGroup a annoncé que l'exercice 2000 clôturait sur une perte consolidée de 2885 millions de francs. Le groupe a effectué un changement de stratégie et de direction en janvier 2001 déjà. La perte massive de l'exercice 2000 découlait principalement des pertes sur les participations étrangères, plus particulièrement en France, en Belgique et en Allemagne. L'échec de la stratégie du chasseur a entraîné la démission de presque tous les membres du conseil d'administration de SAirGroup.

Ces événements du printemps 2001 ont également
incité le Conseil fédéral à exercer les droits que la Confédération détient en sa qualité d'actionnaire. Lors de l'assemblée générale du 25 avril 2001, la Confédération a proposé l'institution d'un contrôle spécial selon les art. 697a et suivants du Code des obligations (CO)4.

1 2 3 4

Cette stratégie a été décidée en janvier 1998 par le conseil d'administration de SAirGroup sur proposition de la direction du groupe.

Le bénéfice de SAirGroup s'était élevé à 324 millions de francs.

Le bénéfice de SAirGroup s'était élevé à 361 millions de francs.

Le Tribunal du district de Zurich a traité cette proposition le 20 juillet 2001 et a défini les questions sur lesquelles l'examen spécial pouvait porter.

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La nouvelle direction de SAirGroup a par la suite tenté d'arrêter l'hémorragie due au drainage des moyens financiers par les participations étrangères. Le 12 juillet 2001, elle présentait un plan de restructuration. À cette époque, les problèmes financiers de SAirGroup devenaient de plus en plus évidents. Une révision intermédiaire au 30 juin 2001, demandée par la nouvelle équipe de direction, confirmait la gravité de la situation. Après la régularisation de diverses évaluations problématiques entreprises lors de l'établissement des comptes 2000, les fonds propres5, déjà très justes, ont encore dû être réduits de près d'un demi-milliard de francs. Mi-2001, ceux-ci se trouvaient ainsi ramenés à seulement 2 % environ de la somme du bilan. Le 30 août 2001, SAirGroup a présenté ce résultat semestriel arrêté au 30 juin 2001 accompagné d'une série de mesures ­ dont la vente planifiée de Swissport et de Nuance Trading ­ destinées à assurer l'avenir à long terme de la compagnie aérienne.

SAirGroup et sa filiale Swissair se trouvaient donc déjà dans une situation difficile avant les attentats terroristes perpétrés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 et leurs répercussions sur l'ensemble de la branche du transport aérien. Dans le courant du mois de septembre 2001, la situation financière de SAirGroup s'est rapidement aggravée. Pour cette raison, SAirGroup a, dans le cadre de sa restructuration, planifié une recapitalisation ainsi qu'une intégration complète de Swissair et de Crossair dans une nouvelle entité6. Cependant, les plans prévoyant l'assainissement et le refinancement du groupe dans son ensemble ont dû être abandonnés en raison des besoins financiers très élevés et des problèmes aigus de liquidités intervenus entretemps. Les scénarii pessimistes de planification des liquidités ont poussé SAirGroup à demander au Conseil fédéral de lui octroyer des garanties et des crédits. Le sauvetage de la compagnie aérienne nationale a fait l'objet de discussions avec les banques, les milieux économiques et le Conseil fédéral. Le 1er octobre 2001, l'UBS et le Credit Suisse Group (CSG) ont présenté un plan de reprise du service aérien de Swissair par Crossair. SAirGroup est entré en matière sur l'offre des banques et leur a vendu sa participation de 70 % au capital de Crossair. Le groupe a, en même temps, annoncé
un sursis concordataire pour diverses parties de l'entreprise. Il était prévu que Crossair reprendrait des parties du service aérien de Swissair au plus tard lors de l'entrée en vigueur de l'horaire d'hiver, soit avant le 28 octobre 2001.

Le 2 octobre 2001, la direction de SAirGroup décidait l'immobilisation au sol de la flotte de Swissair (parfois appelée «grounding» de Swissair). Cette immobilisation a plongé tout le pays dans la stupeur et écorné l'image d'une Suisse gage de qualité et de sérieux. Quelque 19 000 passagers répartis sur 262 vols ont été touchés par l'immobilisation de la flotte du 2 octobre 2001. Les avions de Swissair sont également restés au sol le 3 octobre 2001. Les divers milieux concernés ont tout de suite commencé par se rejeter mutuellement les responsabilités de cette situation. La discussion sur les responsabilités perdure aujourd'hui encore. Cette immobilisation a également soulevé la question de la responsabilité des autorités de surveillance de la Confédération. La CdG-E a abordé cette question à partir du 10 octobre 2001 déjà.

C'est dans cette situation que le Conseil fédéral s'est décidé à octroyer un crédit afin de maintenir le service aérien de Swissair jusqu'au moment où celui-ci pourrait être repris par Crossair. Ainsi, le Conseil fédéral, avec l'accord de la Délégation des 5 6

De 1999 à 2000, les fonds propres du groupe étaient déjà passés de 4181 millions de francs (23,4 % de la somme du bilan) à 1160 millions de francs (5,7 % du bilan).

Ce modèle baptisé «Swiss Air Lines» a été présenté aux médias le 24 septembre 2001.

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finances, octroyait un crédit de 450 millions de francs le 3 octobre 2001. Ce n'est qu'à partir de ce moment, c'est-à-dire au début du mois d'octobre ­ après la période de fébrilité qui a régné durant toute la fin du mois de septembre ­ que la complexité des problèmes et des questions en rapport avec la débâcle de Swissair a commencé à apparaître. Les plans de sauvetage des deux grandes banques sous-estimaient les charges financières et les délais nécessaires pour assurer le transfert du service aérien de Swissair vers Crossair. Avec un crédit supplémentaire d'un milliard de francs, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé de maintenir le service aérien de Swissair durant l'horaire d'hiver 2001/2002. Ils ont aussi décidé de participer au capital de la nouvelle compagnie aérienne fondée sur la compagnie Crossair à raison de 600 millions de francs. Le soutien de la Confédération, des cantons et des milieux économiques a permis à la nouvelle compagnie aérienne «Swiss International Air Lines SA» («Swiss») d'entamer son exploitation7.

1.2

Cadre et objet de l'examen de la CdG-E

Les commissions de gestion exercent la haute surveillance parlementaire sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération8. Ainsi, le comportement des organes fédéraux constitue l'objet de la haute surveillance ; les commissions de gestion sont habilitées à l'examiner du point de vue de sa légalité, de son opportunité et de son efficacité.

La CdG-E a effectué la présente enquête en se concentrant sur le rôle joué par les organes fédéraux. Elle s'est surtout attachée à répondre à la question de savoir si les autorités fédérales compétentes ont correctement exercé leurs obligations en matière de surveillance dans le domaine de l'aviation civile. Il s'agit principalement de la pratique en matière de surveillance et d'autorisation de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC). Dans le contexte de la crise Swissair, la question de la régularité du renouvellement de l'autorisation d'exploitation ­ accordée par l'OFAC en 2000 ­ a été soulevée à plusieurs reprises. Cette question concerne en particulier l'une des conditions auxquelles elle peut être accordée: avoir la capacité économique nécessaire et présenter une gestion financière et une comptabilité fiables. Ces points font l'objet d'un contrôle dans le cadre de la procédure d'octroi d'autorisations d'exploitation. La CdG-E a donc examiné si l'OFAC a respecté l'obligation de contrôle qui lui incombe selon l'art. 27, al. 2, let. c, de la loi fédérale sur l'aviation (LA)9 en relation avec l'art. 103, al. 1, let. i, de l'ordonnance sur l'aviation (OS-

7

8 9

La Confédération a débloqué 1450 millions de francs pour le financement du programme de vols réduit de Swissair jusqu'à fin mars 2002. Selon les informations actuellement disponibles, il semblerait que seuls 1200 millions de francs seront nécessaires. Les cantons, les sociétés exploitant les aéroports et les banques ont, au titre d'opération de relais, assuré le financement du fonctionnement des entreprises liées au service aérien pour un montant d'environ 150 millions de francs. Jusqu'en juillet 2002, la nouvelle compagnie aérienne a été dotée de nouveaux fonds propres pour un montant de 2551 millions de francs (part de la Confédération: 600 millions de francs, part des cantons: 342 millions de francs, part de l'économie: 1609 millions de francs).

Voir art. 169 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101) et les art. 47ter et ss.

de la loi sur les rapports entre les conseils du 23 mars 1962 (RS 171.11).

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation, RS 748.0

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Av)10. En outre, la CdG-E a clarifié diverses questions fondamentales en relation avec la surveillance en matière d'aviation, en particulier celle de savoir si l'effectif et l'organisation de l'OFAC lui permettent d'assumer correctement les fonctions de surveillance qui lui sont confiées. Cet examen de fond a également pour but d'évaluer la surveillance suisse en matière d'aviation dans le contexte international et d'éliminer les points faibles dans la perspective de l'évolution à venir.

La manière dont la Confédération a exercé ses droits en sa qualité d'actionnaire constitue également un objet du présent examen. En détenant environ 3 % du capital-actions de SAirGroup, la Confédération était un actionnaire minoritaire qualifié.

La crise Swissair soulève un certain nombre de questions sur la manière avec laquelle la Confédération a assumé ses droits en la matière.

Hormis les questions relatives aux obligations en matière de surveillance et aux droits des actionnaires, les éventuelles responsabilités des organes fédéraux dans les événements liés à la crise Swissair ont également fait l'objet du présent examen parlementaire. Les recherches de la CdG-E éclairent en particulier le rôle du Conseil fédéral et de l'administration durant la crise Swissair (principalement durant la période allant de fin 2000 à fin octobre 2001). Les investigations ont également eu pour objectif d'établir si, d'une manière ou d'une autre, la Confédération porte une part de responsabilité dans l'immobilisation passagère de la flotte de Swissair. Le rapport montre comment les autorités fédérales se sont comportées durant la crise et comment la CdG-E évalue la manière avec laquelle la Confédération a géré la crise.

Evidemment, outre la gestion des crises, il est également important de se poser la question de la détection précoce des problèmes susceptibles d'entraîner des conséquences lourdes pour l'économie et la politique de l'ensemble de la Suisse.

D'une manière générale, la haute surveillance sur les autorités fédérales exclut l'évaluation de la responsabilité d'organes privés, à moins que ceux-ci exécutent des tâches publiques. Les responsabilités des organes de SAirGroup sont évaluées par le commissaire au sursis concordataire de SAirGroup dans le cadre du contrôle spécial étendu (pour de plus amples explications à
ce sujet voir ch. 1.3.1). Il est donc indispensable de faire clairement la distinction entre l'enquête de la CdG-E et les investigations axées sur la responsabilité d'organes du secteur privé. La CdG-E s'est tout de même entretenue avec des représentants des principales organisations privées concernées (SAirGroup, UBS, CSG et Crossair), non pas pour déterminer des responsabilités, mais pour mieux comprendre les circonstances de l'immobilisation passagère de la flotte de Swissair et pour replacer l'action des autorités fédérales dans le contexte des procédures externes à la Confédération. Au vu de l'intérêt public et de l'importance de l'engagement financier de la Confédération, la CdG-E estime légitime d'examiner de près les circonstances qui ont mené à la paralysie de la flotte. Il est indispensable de conduire une réflexion critique au sujet du déroulement et de l'issue de la crise Swissair en raison de la dimension politique de celle-ci.

Il va de soi que cet examen ne préjuge aucunement des responsabilités pénales ou civiles.

En résumé, les responsabilités de la Confédération en relation avec les événements liés à la crise Swissair constituent l'objet de l'examen de la CdG-E. Ces responsabilités doivent être recherchées en particulier dans les obligations que la Confédération doit remplir en matière de surveillance et dans l'accompagnement du dossier 10

Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation, RS 748.01.

4894

«Swissair» par les organes fédéraux. En outre, le déroulement et l'issue de cette crise, qui est à l'origine d'un engagement important de la part de la Confédération, doivent être analysées de manière critique.

Il faut relever ici que certaines répétitions sont indispensables tant pour faciliter la lecture du présent rapport que pour établir le lien entre différentes problématiques et leur contexte.

1.3

Délimitation par rapport à d'autres examens

La délimitation par rapport à d'autres examens est, d'une part, importante pour éviter les redondances. D'autre part, les références à d'autres examens permettent de montrer que certaines questions qui ne sont pas de la compétence de la haute surveillance parlementaire et qui n'entrent par conséquent pas dans le cadre du présent examen, ont été, seront ou pourraient être examinées au moyen d'autres procédures.

1.3.1

L'enquête sur les responsabilités des organes de SAirGroup effectuée par le commissaire au sursis concordataire

En plus de la procédure de concordat, le commissaire au sursis concordataire mène une enquête sur les responsabilités des organes de SAirGroup. L'enquête du commissaire au sursis ressort du contrôle spécial institué par décision de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001. Le sursis concordataire provisoire11 obtenu le 5 octobre 2001 par diverses sociétés de SAirGroup12 a considérablement modifié la situation juridique, la poursuite de la procédure de contrôle spécial ayant ainsi perdu sa raison d'être. Le commissaire au sursis et les parties qui avaient requis le contrôle spécial (Confédération, le canton de Zurich et l'avocat Hans-Jacob Heitz) se sont alors mis d'accord pour abandonner la procédure de contrôle spécial. En lieu et place, décision a été prise que le commissaire, avec l'autorisation du juge du concordat, enquêterait sur les responsabilités dans l'affaire Swissair en tenant compte et en intégrant les résultats déjà acquis par la société chargée d'effectuer le contrôle spécial (Ernst & Young SA). Cette manière de faire a, entre autres, permis d'élargir l'objet de l'enquête et de l'étendre à de nouvelles questions (portant notamment sur la période qui a suivi l'assemblée générale du 25 avril 2001). Elle a également ouvert l'accès à tous les documents de la société. En d'autres termes, la nouvelle procédure a permis de créer les conditions permettant au commissaire au sursis d'examiner les responsabilités des organes de la société dans le détail. Pour réaliser cette enquête, le commissaire au sursis a confié à Ernst & Young SA le mandat de rédiger un rapport factuel. Lors de l'assemblée des créanciers du 26 juin 2002, le commissaire au sursis a présenté son premier rapport intermédiaire et informé sur de possibles irrégularités dans le bilan de SAirGroup, en particulier en ce qui concerne l'obligation d'établir des comptes consolidés.

11 12

Le juge du concordat a accordé définitivement le sursis concordataire début décembre 2001.

SAirGroup, Swissair, SAirLines et Flightlease ont obtenu le sursis concordataire le 5 octobre 2001. Cargologic et Swisscargo l'ont obtenu le 8 octobre 2001.

4895

L'enquête du commissaire au sursis porte sur les domaines et les thèmes suivants: ­

Stratégie du chasseur: développement, adoption, mise en oeuvre, surveillance, effets de la stratégie

­

Acquisitions dans le domaine du transport aérien et dans les domaines adjacents: bases et processus décisionnels, organisation et application de l'obligation d'établir des comptes consolidés, structures, financement et surveillance

­

Gouvernement d'entreprise de 1996 à 2001: organisation et exercice des fonctions de direction et de contrôle par le conseil d'administration et par la direction du groupe, collaboration et communication entre le conseil d'administration et la direction du groupe

­

Structures et financement du groupe, notamment en ce qui concerne le «cash pooling»

­

Comptes annuels et obligation d'établir des comptes consolidés: analyse approfondie des comptes consolidés 1999 et 2000 ainsi que des comptes intermédiaires au 30 juin 2001

­

Activités de l'organe de révision et des réviseurs des comptes de groupe

­

Informations données lors de l'assemblée générale du 25 avril 2001: répondre à la question de savoir si les réponses et les explications complémentaires correspondaient à la situation effective

­

Exercice 2001: concepts d'assainissement de SAirGroup, flux financiers (remboursement des dettes), politique d'information, crédits, opérations hors bilan, recours à des consultants, projet «Phoenix», préparation du sursis concordataire

­

Interruption du service aérien le 2 octobre 2001: liquidités disponibles, bases de décision, chronologie, mesures prises pour éviter l'interruption du service aérien

Le commissaire au sursis achèvera son enquête en automne 2002. Le rapport portera sur la gestion des organes de SAirGroup. En se basant sur ce rapport, les organes compétents du concordat ou de la faillite et, de manière subsidiaire, les créanciers devront décider s'il convient d'entamer une action en responsabilité.

Les compétences du Parlement en matière de haute surveillance décrites plus haut ne permettent pas à la CdG-E de contrôler les domaines examinés par le commissaire au sursis concordataire. Elle n'a donc procédé à aucune analyse approfondie des problématiques spécifiques abordées par celui-ci. La commission s'est en revanche régulièrement tenue informée des investigations du commissaire au sursis avec qui elle a également eu des entretiens de coordination.

4896

1.3.2

Autres procédures et investigations

Enquête pénale du ministère public III du canton de Zurich Alors que les investigations du commissaire au sursis concordataire sont axées sur les responsabilités civiles, le ministère public III du canton de Zurich ­ compétent pour les délits économiques ­ cherche à établir s'il y a eu des infractions relevant du droit pénal. Le ministère public avait déjà commencé ses investigations en février/mars 2001 dans le cadre d'une procédure d'enquête préliminaire. Au début de l'été 2001, après avoir enregistré des plaintes supplémentaires et après que les soupçons se soient renforcés, une instruction a été ouverte et a relayé la procédure préliminaire. Par la suite, diverses plaintes pénales ont encore été déposées par des personnes privées et par des corporations de droit public (notamment les cantons de Genève et de Neuchâtel). L'enquête du ministère public porte sur les charges de faux dans les titres, gestion déloyale et faux renseignements sur des entreprises commerciales. Selon les indications du ministère public, cette enquête pénale va sans doute prendre au moins trois ans avant d'aboutir, ce qui est regrettable du point de vue de la CdG-E.

Procédures à l'étranger Outre ces procédures sur le territoire national, SAirGroup et ses filiales sont également confrontés à des plaintes à l'étranger. À cet égard, il est possible de mentionner les exigences d'Air Littoral (France, 24 millions d'euros). Le 29 mai 2002, en première instance, le registre du commerce de Montpellier a condamné solidairement SAirGroup, SAirLines et Mario A. Corti à verser 15 millions d'euros pour le nonpaiement, après l'immobilisation de la flotte de Swissair, de la dernière tranche de 100 millions de francs français sur les 850 millions de francs français convenus le 30 juin 2001. La société Holco-Air Lib a réclamé des dommages et intérêts à Mario A. Corti et Emmanuel Menu (Sabena) pour un montant de 152 millions d'euros. En France encore, environ 240 millions d'euros sont exigés dans le cadre de procédures de recouvrement relevant du droit du travail. En Belgique, l'enjeu des procédures ouvertes à l'encontre de SAirGroup et de SAirLines se monte à environ 2 milliards d'euros et celles contre Flightlease SA à 320 millions d'euros. Le Portugal et la TAP réclament environ 170 millions d'euros.

En outre, une commission d'enquête
parlementaire belge s'est fixée pour objectif d'analyser la faillite de la Sabena. Dans ce cadre, la gestion de SAirGroup ­ qui détenait 49,5 % du capital de la Sabena dès 1995 ­ sera aussi examinée de plus près.

Travaux de la Délégation des finances concernant les plans sociaux Diverses problématiques sur lesquelles la Délégation des finances des Chambres fédérales s'était déjà penchée n'ont pas été reprises dans l'examen de la CdG-E. Les 2 et 22 octobre 2001, la Délégation des finances a traité la demande de crédit du Conseil fédéral pour le maintien du service aérien. Elle a également exercé la haute surveillance sur l'utilisation des crédits débloqués à cet effet. Elle a en outre suivi les développements dans le domaine du financement des plans sociaux. Elle a notamment contrôlé la légalité des versements destinés à la mise en oeuvre de plans

4897

sociaux à l'étranger13. La Délégation des finances a admis la nécessité et la justification de ces versements pour le maintien du service de vol. Dans le cas contraire, les avions de Swissair auraient été menacés de saisie. La Délégation des finances a cependant regretté que le Conseil fédéral ne l'ait pas informé au sujet des plans sociaux, pas plus d'ailleurs que les autres organes du Parlement. Pour ce qui est des frais de réduction des effectifs en personnel en Suisse, la Délégation des finances estime que la solution du Conseil fédéral14 était justifiée puisqu'elle a permis d'éviter de perdre des millions de francs de recettes en raison de grèves. Un tel manque à gagner aurait rendu impossible le maintien du service de vol jusqu'à la fin de l'horaire d'hiver. La Délégation des finances a estimé que cette solution pouvait être admise du point de vue juridique. Cependant, elle a une nouvelle fois été irritée par la politique d'information du Conseil fédéral. Pour des raisons de coordination, et parce que cette problématique est de la compétence de la Délégation des finances, la CdG-E a renoncé à de plus amples investigations en ce qui concerne les plans sociaux.

Examen des accidents d'avion et de la sécurité aérienne La CdG-E s'est accessoirement préoccupée des effets des accidents de deux avions Crossair, le 10 janvier 2000 près de Nassenwil et le 24 novembre 2001 près de Bassersdorf. Les rapports finaux du Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation (BEAA) n'étaient pas encore disponibles lorsque la CdG-E a achevé son examen.

Elle a demandé à être informée en détail du calendrier du rapport final portant sur l'accident du 10 janvier 2000. En effet, des soupçons selon lesquels la procédure aurait été ralentie intentionnellement avaient été exprimés15. Les retards découlent en particulier de la complexité des analyses techniques et du cumul d'accidents importants qui se sont produits dans un intervalle rapproché (l'accident intervenu le 24 novembre 2001, la collision du 1er juillet 2002 près d'Überlingen). Le 23 août 2002, le BEAA a informé le public sur les résultats intermédiaires de l'enquête. Le rapport final est attendu pour la fin de l'automne 2002.

La CdG-E a également constaté que la sécurité aérienne fait actuellement l'objet de diverses discussions aux niveaux national et
international. La sécurité du trafic aérien est une question d'actualité. La récente et tragique collision aérienne dans le ciel de l'Allemagne du Sud le 1er juillet 2002 a soulevé diverses questions concernant la sécurité et la surveillance aérienne. À ce sujet, l'OFAC a procédé à une analyse de la situation auprès de Skyguide16 et ordonné des mesures provisionnelles.

La collision aérienne au-dessus d'Überlingen fait l'objet d'une enquête par l'office allemand chargé des enquêtes sur les accidents d'avions (Bundesstelle für Flugunfalluntersuchung). Pour ce qui est des justices allemande et suisse, le ministère 13

14

15 16

Voir le rapport du 26 février 2002 de la Délégation des finances aux commissions des finances du Conseil national et du Conseil des Etats concernant la haute surveillance sur les finances de la Confédération en 2001, FF 2002 4233.

L'accord dit d'encouragement prévoit que la moitié de la partie du crédit de 1000 millions de francs non utilisée en raison de la réduction des coûts ou de l'augmentation de recettes découlant des bonnes prestations du personnel (mais 50 millions de francs au plus) sera utilisée pour financer les frais de réduction des effectifs en personnel non couverts.

Voir heure des questions, réponse à la question 01.5264 (Neirynck), BO 2001 N 1778.

Skyguide assure pour le compte de la Confédération le service de la navigation aérienne dans le ciel helvétique et dans certaines parties de l'espace aérien des pays limitrophes qui lui sont confiées.

4898

public de Constance et celui du district de Bülach ont également ouvert une enquête.

En raison de ces événements, Eurocontrol ­ l'organisation européenne pour la sécurité aérienne ­ va pour sa part analyser minutieusement les standards et les procédures de sécurité. En outre, le chef du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) a décidé de soumettre l'ensemble de la sécurité aérienne suisse à un examen qui sera effectué par des experts étrangers. Cet examen portera également sur la surveillance exercée par l'OFAC sur les entreprises de transport aérien, sur la surveillance exercée par le DETEC sur l'OFAC ainsi que sur le travail du BEAA.

L'entière prise en compte de la problématique de la sécurité aérienne aurait dépassé le cadre du présent examen. La CdG-E va cependant accompagner étroitement l'examen externe commandé par le DETEC portant sur la sécurité aérienne suisse et, lorsque les conclusions seront connues, se penchera de manière approfondie sur les mesures qu'il conviendra de prendre. Certains aspects de la surveillance en matière de sécurité exercée par l'OFAC seront toutefois déjà abordés et évalués aux sections 3.3 et 3.10.

2

Procédure et mesures d'examen

Le 10 octobre 2001 déjà, la CdG-E a réagi à l'immobilisation de la flotte Swissair des 2 et 3 octobre 2001 et a entrepris de clarifier la question de l'exercice de la surveillance exercée par les organes fédéraux dans l'affaire Swissair. Le 24 octobre 2001, la commission a chargé sa sous-commission DFI/DETEC de procéder à cet examen. La sous-commission est composée des députés au Conseil des Etats Hansruedi Stadler (président de la sous-commission), Christiane Langenberger, Françoise Saudan, Michel Béguelin (président de la CdG-E), Hans Hofmann et Filippo Lombardi. Pour la réalisation de son examen, la sous-commission a bénéficié du soutien du secrétariat des commissions de gestion17 et de deux experts externes18. La souscommission et la CdG-E ont consacré respectivement 18 séances de souscommission et 6 séances plénières à la réalisation du présent examen. A ces séances, il faut en outre ajouter une série de discussions avec les experts et d'entretiens d'information. La sous-commission a également fait abondamment usage de son droit de prendre connaissance de documents. Les principales mesures d'examen peuvent être décrites de la manière suivante (mesures classées par ordre chronologique): ­

17

18

Le 19 octobre 2001, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E a soumis un important catalogue de questions au DETEC et au DFF. Ces questions portaient surtout sur l'évaluation de la capacité économique selon l'art. 27, al. 2, let. c, LA lors de l'examen de la demande d'autorisation d'exploitation, sur les instruments et ressources permettant à l'OFAC d'assumer ses tâches en matière de surveillance, sur l'obligation de renseigner et d'anOutre les tâches habituelles du secrétariat, le secrétaire suppléant des CdG (Martin Albrecht) et un stagiaire (Christoph Leuenberger) se sont chargés de l'examen matériel.

La chancellerie permanente du secrétariat (Franziska Kübli et Natalia Agra) a assuré l'exécution des tâches administratives.

Regula Dettling-Ott, privatdocent, docteur en droit et avocate ainsi que Philippe Rochat, docteur en droit, directeur exécutif du Air Transport Action Group.

4899

noncer selon l'art. 107 OSAv et sur la situation financière de Swissair telle que les organes de la Confédération en avaient connaissance et conscience.

­

Le 5 novembre 2001, la sous-commission a entendu des représentants du DFF, du DETEC et de l'OFAC. Cette séance a notamment permis d'obtenir des précisions sur la pratique de l'OFAC en ce qui concerne l'application de l'art. 27, al. 2, let. c, LA ainsi que sur la chronologie des interventions de la Confédération dans le dossier Swissair. Les causes possibles de l'interruption du service aérien de Swissair le 2 octobre 2001 ont également été abordées à cette occasion.

­

Les 16 et 17 novembre 2001, les premiers résultats des investigations ont été repris lors des débats qui ont eu lieu à l'occasion de la session extraordinaire des Chambres fédérales consacrée à la crise de Swissair.

­

Le 13 décembre 2001, la sous-commission a décidé d'étendre l'objet de l'examen. La focalisation de la pratique de l'OFAC en matière d'autorisation et de surveillance sur les aspects liés à la sécurité, ainsi que les accidents et incidents de Crossair ont incité la sous-commission à aborder également le domaine de la surveillance en matière de sécurité.

­

Le 14 décembre 2001, la sous-commission a adressé un nouveau catalogue de questions au DFF et au DETEC. Celui-ci concernait les contrôles de l'OFAC auprès de Swissair et de Crossair, les accidents d'avions Crossair du 10 janvier 2000 près de Nassenwil et du 24 novembre 2001 près de Bassersdorf, les différences entre Swissair et Crossair quant aux normes de sécurité, les causes de l'immobilisation de la flotte, les imbrications entre l'OFAC, le BEAA et les compagnies de transport aérien, le rôle joué par la Confédération en tant qu'actionnaire, etc. En outre, la sous-commission a demandé à consulter certains documents.

­

Pour pouvoir mieux éclairer les circonstances qui ont conduit à la paralysie des avions Swissair les 2 et 3 octobre 2001, la sous-commission a entendu des représentants de SAirGroup (le 14 février 2002), ainsi que de l'UBS et du Crédit Suisse (le 4 mars 2002). Ces entretiens ont porté sur les circonstances qui, de l'avis des personnes concernées, sont à l'origine de l'immobilisation. SAirGroup et l'UBS ont par la suite rendu publics dans des communiqués de presse détaillés les points de vue qu'ils avaient défendus devant la sous-commission.

­

La CdG-E a poursuivi ses investigations même si, le 14 mars 2002, le Conseil national a, lors de la première phase, donné suite à une initiative parlementaire du groupe démocrate-chrétien demandant l'institution d'une commission d'enquête parlementaire (CEP) sur l'affaire Swissair. La CdG-E a pris la décision correspondante le 5 avril 2002. Elle a en effet estimé qu'il n'aurait pas été compris que l'enquête soit arrêtée pendant plusieurs mois, c'est-à-dire jusqu'à la décision définitive des Chambres fédérales quant à l'institution d'une CEP. Cette décision s'est avérée juste puisque, lors de la deuxième phase (session d'été 2002), le Conseil national n'a pas voulu instituer de CEP et a refusé d'entrer en matière sur l'initiative parlementaire correspondante.

4900

­

Le 4 avril 2002, la sous-commission DFI/DETEC a fait le point sur les investigations réalisées jusque-là. Elle a constaté que des auditions complémentaires et la remise de documents supplémentaires étaient indispensables pour pouvoir répondre à un certain nombre de questions demeurées encore ouvertes. En outre, il a été décidé que le recours à des experts externes serait nécessaire pour clarifier un certain nombre de questions relatives au droit aérien (ce besoin s'était déjà fait sentir début février 2002 lorsque la souscommission avait entamé l'évaluation des informations).

­

Le 15 avril 2002, la sous-commission s'est entretenue avec le président de la Confédération Kaspar Villiger, qui a présenté une chronologie détaillée des événements et des interventions de la Confédération en faveur de Swissair et de la nouvelle compagnie aérienne.

­

Le 25 avril 2002, la sous-commission a demandé au président de la Confédération et chef du DFF que lui soit remis, pour examen, une série de documents relatifs à l'accompagnement du dossier Swissair par la Confédération.

­

Les 25 et 30 avril ainsi que le 15 mai 2002, à l'occasion de discussions informelles, des représentants de la sous-commission se sont entretenus avec le commissaire au sursis concordataire de SAirGroup, l'ancien président de la direction générale de la Banque cantonale zurichoise et le président de la Commission fédérale des banques. Ces discussions ont porté sur la coordination des investigations de la CdG-E avec le contrôle spécial étendu. Elles ont également permis d'échanger des informations et de discuter de diverses questions techniques.

­

Le 15 mai 2002, la CdG-E a chargé deux experts d'analyser divers aspects relatifs à la surveillance de l'aviation civile.

­

Le 3 juin 2002, la sous-commission a adressé des questions complémentaires au président de la Confédération, au Crédit Suisse, à l'UBS et à SAirGroup. La sous-commission demandait des précisions, abordait des contradictions et posait des questions ouvertes.

­

Le 19 juin 2002, la sous-commission a entendu le directeur général de Crossair et actuel directeur général de la nouvelle compagnie aérienne «Swiss». Il a donné son avis sur l'interruption du service aérien, sur les plans de sauvetage de Swissair, sur la gestion de la crise, sur la création et l'avenir de la nouvelle compagnie aérienne «Swiss» ainsi que sur d'autres questions.

­

Le 27 juin 2002, la sous-commission s'est entretenue avec des représentants du Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) au sujet de la détection précoce des crises dans les milieux économiques.

­

Le 15 juillet 2002, les experts ont remis un projet de rapport. La souscommission a discuté des conclusions de ce document le 15 août 2002 avec le chef du DETEC et le directeur de l'OFAC.

­

Le 15 août 2002 également, la sous-commission a eu une discussion avec le président et délégué du conseil d'administration de Crossair de l'époque.

Les différentes questions au coeur de l'examen de la CdG-E ont été abordées.

4901

­

La sous-commission a une nouvelle fois entendu le directeur de l'Administration fédérale des finances (AFF) le 16 août 2002.

­

Le 20 août 2002, les représentants de la sous-commission se sont une nouvelle fois entretenus de manière informelle avec le commissaire au sursis concordataire de SAirGroup. À cette occasion, ils ont également discuté de la procédure concordataire avec des représentants de l'Office fédéral de la justice.

­

Le 21 août 2002, la sous-commission a entendu les experts chargés de rédiger le rapport d'expertise sur la surveillance sur l'aviation civile.

La sous-commission a discuté son projet de rapport le 30 août 2002, puis s'en est entretenue avec le président de la Confédération et chef du DFF ainsi qu'avec le chef du DETEC. La CdG-E a approuvé le présent rapport le 19 septembre 2002.

3

La surveillance de la Confédération sur l'aviation civile

3.1

Introduction

Ce chapitre décrit le devoir de surveillance de la Confédération dans le domaine de l'aviation civile. Pour ce faire, la CdG-E se base sur la pratique de l'OFAC et sur les résultats d'un rapport d'expertise commandé à deux experts externes19. La CdG-E a demandé aux experts de décrire les devoirs de surveillance et d'estimer si le DETEC et l'OFAC avaient rempli leurs obligations légales, d'une manière générale qu'en rapport avec la crise que Swissair a connue de décembre 2000 à octobre 2001. Les experts ont également évalué les conditions cadre de la surveillance suisse de l'aviation civile et les ont placées dans un contexte international. Les conclusions de la CdG-E sont basées sur les résultats de ses propres investigations, présentés ciaprès, ainsi que sur les constatations des experts, également présentées ci-après.

L'expertise est annexée au présent rapport (annexe 1).

Il convient tout d'abord, en guise d'introduction, de rappeler différents travaux antérieurs effectués au sujet de l'OFAC. En effet, la navigation aérienne et, en particulier, les activités de l'OFAC ont fait l'objet d'examens répétés de la part des commissions de gestion au cours de ces dernières années. Ainsi, en 1988, la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a effectué une inspection auprès de l'OFAC20. Le point fort de cette inspection était la nouvelle organisation de la sécurité aérienne puisque Swisscontrol était devenue une société de droit privé. Il était question de l'exercice de la surveillance fédérale sur Swisscontrol. En outre, quelques aspects des activités de l'OFAC ont également été examinés. Dans l'ensemble, l'inspection avait laissé une bonne impression tant en ce qui concerne la direction des affaires que le mode de travail de l'OFAC21. L'examen a porté sur 19

20 21

Regula Dettling-Ott, privatdocent, docteur en droit et avocate, Winterthur et Philippe Rochat, docteur en droit, directeur exécutif du Air Transport Action Group, Genève, ont été mandatés à cet effet le 15 mai 2002. Un projet de rapport a été remis le 15 juillet 2002; le rapport d'expertise final a été remis le 2 septembre 2002.

Voir le rapport sur l'inspection auprès de l'Office fédéral de l'aviation civile du 25 janvier 1989, FF 1989 II 342.

Voir ch. 422.1 du rapport mentionné ci-dessus, FF 1989 II 354.

4902

divers aspects de la sécurité (le niveau de sécurité, les contrôles par sondage, l'assurance de la qualité dans les entreprises d'entretien), sur l'organisation et les effets des enquêtes sur les accidents d'aviation, ainsi que sur les manifestations aéronautiques publiques. Le manque de personnel a été mentionné à plusieurs reprises à l'occasion de cette inspection.

À la fin des années 90, la CdG-N s'est penchée sur la question de savoir comment le Service de transports aériens de la Confédération pouvait être organisé de manière judicieuse22. Cette unité administrative de la Confédération est chargée d'organiser les vols pour les personnalités de marque (conseillers fédéraux, secrétaires d'Etat, organes parlementaires, invités étrangers, etc.). Une expertise a montré que l'exploitation de deux services de transports aériens ­ l'un auprès de l'OFAC et l'autre de l'armée ­ était appropriée. La CdG-N avait toutefois recommandé de changer l'organisation de la direction des opérations, d'utiliser l'aérodrome de Payerne, de facturer les coûts des transports aux utilisateurs et de décrire le Service de transports aériens dans un règlement. À l'exception de l'utilisation de l'aérodrome de Payerne, le Conseil fédéral s'était déclaré disposé à mettre toutes les recommandations en oeuvre. Lors d'un suivi d'inspection, la CdG-N a contrôlé cette mise en oeuvre. Le chef du DETEC et celui du DDPS se penchent actuellement sur une possible réorganisation du Service de transports aériens de la Confédération. Un groupe de travail dirigé par l'AFF a été chargé de vérifier d'ici à mi-2003 si le regroupement des deux services de transports aériens permettrait de faire des économies et de générer des gains d'efficacité.

Avant la crise Swissair, la problématique des imbrications et des conflits d'intérêts entre l'autorité de surveillance et les compagnies aériennes avait déjà donné lieu à des discussions. Au cours des années 90, la CdG-N avait suivi le travail de l'OFAC avec beaucoup d'attention. À plusieurs reprises, elle avait remis en question certains mécanismes et procédures, ce qui a incité le chef du DETEC à examiner la manière dont l'OFAC et le BEAA exécutaient leurs tâches. Le DETEC a chargé un expert externe d'établir un rapport sur les conflits potentiels du point de vue de l'exercice de la fonction de surveillance (pour plus de détails à ce sujet, voir ch. 3.7.1).

3.2

En général

Les organes de surveillance ont une importance cruciale pour le transport aérien, étant donné que les avions représentent un danger potentiel élevé pour les passagers et les tiers. De plus, dans un environnement libéralisé, la fonction de surveillance constitue la seule possibilité permettant à l'Etat d'obtenir des renseignements sur la situation et la qualité des prestations des entreprises aériennes et de les influencer.

En vertu de l'art. 3 LA, le Conseil fédéral exerce la surveillance de l'aviation sur tout le territoire de la Confédération par le DETEC. La surveillance immédiate est assurée par l'OFAC23. L'OFAC est notamment compétent pour la délivrance, le renouvellement, la modification ou l'annulation des autorisations d'exploitation de vols commerciaux24. Il surveille ainsi les entreprises aériennes qui effectuent des 22 23 24

Cette question a fait l'objet d'un rapport non publié, daté du 22 mars 1999.

Art. 3, al. 2, LA Art. 27 LA.

4903

transports commerciaux. Les concessions de route sont en revanche octroyées par le DETEC25. Les entreprises de transport aérien ont besoin de ces concessions pour les transports de personnes et de marchandises effectués dans le cadre du trafic de ligne.

Le DETEC est également compétent pour le renouvellement et le retrait des concessions de route. Il exerce ainsi une surveillance sur les titulaires de telles concessions.

De plus, la surveillance de l'OFAC lui incombe également en vertu du principe hiérarchique.

Avec l'entrée en vigueur des Accords bilatéraux entre la Suisse et la Communauté européenne le 1er juin 2002, les règlements et les directives de l'UE dans le domaine du droit aérien en vigueur lors de la signature en juin 1999 de l'accord entre la Confédération helvétique et la Communauté européenne sur le transport aérien (accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien) sont également devenus applicables en Suisse. En ce qui concerne le devoir de surveillance, il convient de mentionner deux règlements concernant l'exploitation de sociétés aériennes. Il s'agit du règlement CEE 2407/92 qui règle l'octroi des autorisations d'exploitation26 ainsi que le règlement CEE 2408/92 qui porte sur l'autorisation à exercer des droits de trafic certains trajets déterminés27.

En se fondant sur ces bases légales, l'OFAC contrôle si les entreprises de transport aérien remplissent les conditions opérationnelles, techniques et économiques leur permettant de transporter des personnes et des marchandises à des fins commerciales. Dans le cadre du présent examen, la CdG-E a donné la priorité aux exigences relatives à la capacité économique. C'est avant tout cet aspect du devoir de surveillance qui est intéressant du point de vue de l'effondrement de Swissair. De plus, dans les domaines opérationnels et techniques, la surveillance répond dans une large mesure à des normes et standards internationaux. Cette partie de la surveillance a fait et fait encore l'objet d'examens et d'évaluations de la part d'organismes internationaux. En raison de la collision entre deux avions dans le ciel de l'Allemagne du Sud le 1er juillet 2002, le DETEC a décidé de soumettre l'ensemble de la sécurité aérienne suisse à un examen effectué par des experts étrangers. Il ne serait donc pas opportun que la CdG-E
procède à une appréciation exhaustive et définitive de la surveillance en matière de sécurité aérienne dans le cadre du présent examen déjà.

Les aspects de la surveillance dans les domaines opérationnels et techniques sont tout de même brièvement abordés ci-après.

25 26 27

Art. 28 LA.

Règlement (CEE) no 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences du transport aérien, JOCE no L 240 du 24 août 1992, p. 1.

Règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, JOCE no L 240 du 24 août 1992, p. 8.

4904

3.3

La surveillance en matière de sécurité opérationnelle et technique

3.3.1

Brève description des tâches de l'OFAC

Lorsqu'il établit une autorisation d'exploiter, l'OFAC contrôle le respect des conditions techniques et opérationnelles en exigeant que l'entreprise de transport aérien dispose d'une licence de transporteur aérien (Air Operator Certificate, AOC). Cette licence est établie sur la base de règles aéronautiques uniformisées au niveau européen généralement appelées Joint Aviation Requirements (JAR)28. Ces règles ont été édictées par les Autorités conjointes de l'aviation, ou JAA (Joint Aviation Authorities)29. En vertu de l'art. 6a LA, la Suisse a repris les prescriptions des JAA et les a publiées dans diverses ordonnances. La formulation d'exigences propres pour l'octroi d'une licence de transporteur aérien (AOC) par le législateur suisse est ainsi devenue superflue30. Cette procédure d'octroi est assez complexe et prend plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le requérant doit en outre apporter la preuve que l'entretien des aéronefs utilisés répond aux exigences légales. Ce domaine est également réglementé par des JAR qui fixent les exigences et qui ont été reprises par la Suisse (MSAS, Maintenance System Approval Statement)31.

Après l'octroi de l'autorisation d'exploiter, l'OFAC veille à ce que les conditions pour une exploitation opérationnelle et technique sûre demeurent respectées. Cette surveillance porte sur plus de 80 entreprises de transport aérien et comporte le contrôle quotidien de leur exploitation aérienne effectué sur la base de leurs notifications dans les domaines technique et organisationnel ainsi qu'au moyen de mesures hebdomadaires (comme le contrôle de la disponibilité opérationnelle de la flotte), d'inspections périodiques des aéronefs, d'examens des manuels de vols, etc.

En vertu des règles aéronautiques uniformisées au niveau européen (JAR) introduites en 1997, l'OFAC effectue chaque année au moins un «audit» (inspection) auprès des entreprises certifiées JAR-OPS 1.

La surveillance que l'OFAC exerce sur les pilotes commence déjà à l'échelon des écoles, dont l'OFAC doit évaluer le niveau de la formation dispensée. L'OFAC surveille les pilotes dans le cadre de l'octroi et du renouvellement de leurs licences.

Les pilotes assurant des vols commerciaux sont soumis à un contrôle renforcé. Deux fois par an, ils doivent effectuer un vol permettant de contrôler leur compétence
(proficiency check). À cette occasion, ils doivent prouver de manière approfondie qu'ils ont les connaissances théoriques et pratiques exigées pour piloter un aéronef de manière sûre et pourvoir réagir correctement lors de situations extraordinaires. En outre, selon des cycles réguliers, chaque pilote est contrôlé dans son travail par des pilotes spécialement chargés d'effectuer ces contrôles. Enfin, les pilotes doivent suivre régulièrement des cours de perfectionnement portant sur des procédures de 28 29

30 31

De telles JAR réglementent la construction, l'exploitation et l'entretien des aéronefs ainsi que l'octroi des licences pour le personnel navigant de l'aéronautique.

Les JAA sont une fondation ressortissant au droit hollandais réunissant les autorités aéronautiques de nombreux Etats européens, dont l'OFAC. Leur but est de développer et de faire appliquer des normes et des procédures de sécurité communes.

Ordonnance du 8 septembre 1997 sur l'exploitation d'avions dans le transport aérien commercial (OJAR-OPS 1), RS 748.127.8.

Ordonnance du 20 octobre 1995 sur les entreprises d'entretien d'aéronefs (OJAR-145), RS 748.127.3.

4905

vol spéciales. Ces procédures de vol sont contrôlées et approuvées par l'OFAC. Les pilotes sont également soumis aux prescriptions JAR-OPS 1.

3.3.2

Avis des milieux spécialisés sur la surveillance exercée par l'OFAC en matière de respect des conditions opérationnelles et techniques

La Suisse et les 187 autres Etats qui ont ratifié à ce jour la Convention relative à l'aviation civile internationale (Convention de Chicago)32 ont l'obligation de veiller à la sécurité des activités aéronautiques dont ils ont la responsabilité sur leur territoire et dans leur espace aérien. Toute activité aéronautique dans l'espace aérien d'un Etat doit satisfaire à des normes internationales. Ces normes internationales sont l'oeuvre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)33. Depuis 1990, l'OACI supervise les autorités aéronautiques des 188 Etats membres au moyen d'un programme universel d'audits de sécurité.

L'OFAC a fait l'objet d'une telle inspection de l'OACI en novembre 2000. L'OFAC a établi un plan d'action assorti de mesures concrètes visant à remédier aux faiblesses constatées dans le rapport détaillé confidentiel34. Selon les conclusions du rapport de l'OACI, l'OFAC assume ses fonctions de supervision de la sécurité de manière satisfaisante. Des lacunes ponctuelles ont cependant été constatées dans la réglementation concernant l'aviation générale et la délégation de certaines tâches techniques à des experts extérieurs à l'administration. Ces lacunes ont été corrigées depuis lors. L'OACI a principalement critiqué le trop faible niveau des effectifs affectés aux domaines inspectés. La situation s'est améliorée entre-temps avec la réorganisation de l'OFAC, entrée en vigueur le 1er janvier 2001, et l'engagement de deux experts supplémentaires dans le courant de l'été 2001. L'OFAC a renforcé les contrôles en raison de la crise Swissair et de la création d'une nouvelle compagnie aérienne. Il a ainsi fallu allouer un crédit supplémentaire de 1,9 million de francs pour 2002. L'OFAC peut utiliser ces moyens supplémentaires pour faire appel à quelque six à huit spécialistes de l'aviation sur la base de contrats d'experts. La surveillance sur «Swiss» va être exercée de manière renforcée durant trois ans au moins afin d'accompagner étroitement la mise en place de la nouvelle compagnie nationale.

Selon les responsables de l'OACI entendus par les experts mandatés par la CdG-E, la plupart des constatations faites en Suisse n'ont rien d'exceptionnel. Le manque de personnel qualifié a pu être observé dans la plupart des Etats visités.

Selon l'expertise commandée par la CdG-E,
les compétences de l'OFAC en matière de surveillance technique et opérationnelle sont jugées adéquates d'une manière générale. Toutefois, compte tenu du nombre d'entreprises à superviser, les ressources engagées dans ce domaine ont été jugées légèrement insuffisantes. En 1998 déjà,

32 33 34

Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale, RS 0.748.0.

L'OACI est l'organisation spéciale de l'ONU compétente en matière d'aviation civile.

Audit Final Report of the Federal Office for Civil Aviation of Switzerland, Berne, 1 to 8 November 2000, ICAO (OACI).

4906

la Commission fédérale de l'aviation35 avait souligné que l'OFAC avait un besoin de personnel accru.

La surveillance technique et opérationnelle exercée sur Swissair a été abordée brièvement dans le cadre de l'expertise commandée par la CdG-E36. L'expert chargé de cette partie de l'expertise constate que l'OFAC a exercé cette surveillance conformément aux prescriptions en vigueur durant la période passée sous revue (de la restructuration de SAirGroup en 1996 jusqu'à l'immobilisation partielle de la flotte de Swissair en octobre 2001). Il n'a relevé aucun incident significatif ou indice qui aurait permis de conclure à des manquements. À ce sujet, l'expertise renvoie aux inspections de sécurité effectuées par la SAFA37. Les rapports d'inspection correspondants ne mentionnent aucun problème. Selon l'expertise, il apparaît que les inspections de la SAFA n'ont pas permis de détecter le moindre changement du niveau de sécurité pendant toute la période où Swissair était en crise38. La seule réserve à cet égard pourrait être formulée dans le rapport d'enquête canadien sur la catastrophe de Halifax qui devrait être achevé début 200339.

3.4

L'examen et la surveillance de la capacité économique en tant qu'élément du devoir de surveillance

3.4.1

Les bases légales et leur interprétation par l'OFAC

En vertu de l'art. 27, al. 2, let. c, LA, l'OFAC ne peut délivrer une autorisation d'exploitation que si l'entreprise a «la capacité économique nécessaire » et qu'elle présente « une gestion financière et une comptabilité fiables». L'art. 103, al. 1, let. i, OSAv précise comment l'entreprise doit prouver de manière crédible qu'elle dispose de la capacité économique nécessaire. Selon cet article, une autorisation d'exploitation ne peut être délivrée que si l'entreprise qui la demande peut prouver de manière crédible qu'elle est en mesure de faire face en tout temps à ses obligations dans les 24 mois suivant le début de son activité et, sans tenir compte des recettes d'exploitation, de couvrir ses frais fixes et variables dans les trois mois suivant le début de son activité, conformément à son plan de gestion. En vertu de l'art. 102 OSAv, l'OFAC peut retirer une autorisation si les conditions en régissant l'octroi ne sont plus remplies. L'art. 107 OSAv stipule que les titulaires d'une autorisation d'exploitation doivent, sur demande, accorder en tout temps à l'office un droit de regard sur leur gestion opérationnelle et commerciale. En revanche, l'OSAv ne 35

36 37

38 39

En vertu de l'art. 5 LA, le Conseil fédéral «nomme une commission de l'aviation, d'au moins sept membres». Les modalités d'exécution sont réglées dans l'ordonnance du 5 juin 1950 concernant la Commission de la navigation aérienne (RS 748.112.3).

Voir le rapport d'expertise Dettling/Rochat du 2 septembre 2002 à l'annexe 1 (ci-après dénommé « expertise »), voir annexe 1, partie B, ch. VIII/1.

Le programme de la SAFA (Safety Assessment of Foreign Aircraft, évaluation de la sécurité des aéronefs étrangers) est mis en oeuvre dans le cadre de la Conférence européenne de l'aviation civile. Ce programme consiste à procéder à des inspections ponctuelles de tout aéronef qui s'est posé sur un aéroport européen afin d'assurer la sécurité à leur bord. De 1997 à 2002, les avions de Swissair ont fait l'objet d'au moins 40 inspections dans le cadre du programme de la SAFA.

Voir l'expertise, annexe 1, partie F.

Voir l'expertise, annexe 1, partie B, ch. VIII/1.

4907

précise pas sous quelle forme l'entreprise requérante doit apporter la preuve d'une «une gestion financière et une comptabilité fiables».

En novembre 2001, en réponse à la question correspondante de la CdG-E, l'OFAC a indiqué n'avoir, jusqu'à présent, accordé qu'une attention secondaire à la capacité économique. Selon l'OFAC, l'activité de surveillance de la Confédération sur les entreprises de transport aérien ne porte que sur le contrôle du respect des conditions techniques et organisationnelles permettant de garantir une exploitation aérienne sûre. À cet égard, l'OFAC se base sur l'objectif formulé par l'art. 7, al. 2, let. a, de l'ordonnance sur l'organisation du DETEC40. Cette orientation de la surveillance axée sur les aspects de la sécurité est approuvée par le DETEC.

Selon les explications qu'il a données en novembre 2001, l'OFAC contrôle sommairement le respect de certaines conditions financières seulement lors de l'octroi initial d'une autorisation d'exploitation. Ce contrôle est effectué dans le but de garantir une exploitation sûre. L'OFAC n'effectue pas de surveillance immédiate de la capacité économique en tant que telle. Pendant la validité d'une autorisation d'exploitation, l'OFAC intervient au titre de la surveillance lorsqu'il a des indices concrets permettant de penser que les conditions économiques indispensables du point de vue de la sécurité ne sont plus remplies. Les plaintes concernant des travaux d'entretien impayés, la résiliation ou la non-reconduction de contrats de maintenance peuvent notamment constituer de tels indices. Pour les sociétés publiques (comme l'étaient Swissair et Crossair), l'OFAC prend également connaissance des rapports de gestion et de révision annuels.

L'OFAC a justifié sa pratique en particulier en se référant au libellé de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv selon lequel une entreprise doit pouvoir rendre plausible et non pas formellement prouver qu'elle dispose de la capacité économique nécessaire41. Il relève en outre que, dans ce même article, il est question de délivrance mais pas de renouvellement de l'autorisation d'exploitation.

Selon les explications données par l'OFAC en novembre 2001, les dispositions du droit communautaire42 applicables en Suisse en vertu des Accords bilatéraux prévoient les mêmes critères de surveillance de la capacité
économique. Depuis l'entrée en vigueur le 1er juin 2002 de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, l'OFAC exige des entreprises concernées qu'elles produisent les documents énumérés par le règlement CEE 2407/92 et l'annexe correspondante.

La CdG-E a constaté que les dispositions de la LA et de l'OSAv doivent être précisées. C'est la raison pour laquelle elle a, dans le cadre de l'expertise mentionnée, demandé que les exigences de la loi et de l'ordonnance en matière de capacité économique soient examinées. L'expertise se réfère également à la situation après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions communautaires le 1er juin 2002. Les 40

41

42

Ordonnance du 6 décembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (Org DETEC), RS 172.217.1.

Le terme juridique «glaubhaft machen» de la version allemande n'a pas été traduit par «rendre vraisemblable» ou «rendre plausible», mais par «prouver de manière crédible».

Malgré cette traduction imprécise, l'expertise (voir note de bas de page 146) part du principe que l'OSAv n'avait pas pour but de créer un nouveau niveau de preuve qui se situerait entre la vraisemblance ou la plausibilité usuelles et l'établissement d'une preuve formelle (et entière).

Règlement CEE 2407/92.

4908

principales conclusions de l'expertise sont résumées ci-après. Pour de plus amples détails, la CdG-E renvoie à l'expertise du 2 septembre 2002 (voir annexe 1).

3.4.2

Les exigences en matière de contrôle de la capacité économique selon l'expertise du 2 septembre 2002

Le rapport d'expertise du 2 septembre 2002 répond notamment à la question de savoir comment l'OFAC doit contrôler le respect de la condition relative à la capacité économique des entreprises de transport aérien, et cela lors de l'établissement de l'autorisation d'exploitation, au cours de sa durée de validité, lors de son renouvellement ou de son retrait. L'expertise aborde également la question du rôle de la capacité économique du point de vue des concessions de routes et dans le cadre de l'obligation d'annoncer selon l'art. 107 OSAv.

3.4.2.1

Les exigences en matière d'octroi de l'autorisation d'exploitation43

Comme cela vient d'être mentionné ci-dessus, l'OFAC peut se contenter d'exiger que l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation rende plausible sa capacité économique. L'OSAv ne contient pas de définition permettant de savoir ce qui est demandé par «prouver de manière crédible»44 au sens de son art. 103, al. 1, let. i. D'après l'expertise, prouver de manière crédible (qui correspond au terme technique de rendre vraisemblable ou plausible) signifie que l'OFAC peut se fier aux indications et aux documents remis par l'entreprise requérante dans la mesure où il n'y a pas de motif justifié permettant de douter de leur véracité. Pour ce qui est de savoir si la requérante sera en mesure de respecter ses obligations après 3, respectivement 24 mois d'activité, l'OFAC doit se forger une opinion sur la base d'hypothèses réalistes. Ces conditions sont remplies lorsque, en cas d'évolution normale de l'entreprise et de l'environnement économique, les indications financières de la requérante permettent d'admettre qu'elle sera en mesure de faire face à ses obligations.

L'OSAv reste également muette sur les données qu'une requérante doit fournir pour rendre sa capacité économique vraisemblable. À ce sujet, l'expertise révèle que l'OFAC n'applique pas des critères fixés par des directives internes, mais définis sur la base de l'expérience d'un collaborateur de longue date de l'OFAC. Une note de travail interne de l'OFAC énumère les documents dont il exige la production depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi révisée en 199845. Selon l'expertise, ces données ne sont toutefois pas suffisamment précises. Pour la définition des données relatives au bilan et au compte de pertes et profits ou, selon le cas, au bilan d'ouver43 44 45

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/2.

Voir la note de bas de page 41 ci-dessus.

Les documents exigés dans une lettre type sont les suivants: bilan et compte de pertes et profits de l'exercice précédent certifiés, plan financier pour les 24 prochains mois au moins, budget des coûts fixes et variables pour trois mois, bilan d'ouverture (pour les nouvelles entreprises). De plus, l'OFAC demande que l'entreprise apporte la preuve qu'elle dispose d'une gestion financière et d'une comptabilité fiables et il contrôle les fonds propres. Il ne spécifie pas les critères sur la base desquels il effectue ses contrôles.

4909

ture, l'expert renvoie à un formulaire type de l'OACI qui permet de recenser les principales données économiques d'une entreprise aérienne. Ces spécifications de l'OACI peuvent également servir dans le cadre de l'application du règlement CEE 2407/92. Pour pouvoir définir les exigences relatives au plan de gestion de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv, l'expertise renvoie au règlement CEE 2407/92.

L'expert est d'avis46 qu'il n'est pas nécessaire de spécifier ce qu'il faut comprendre par gestion financière et comptabilité fiables pour les entreprises soumises à l'obligation de tenir une comptabilité. Pour ces entreprises, les exigences sont définies par le droit des obligations (art. 664 et ss. CO). Lorsque cela n'est pas le cas, l'OFAC doit examiner selon ses propres critères et selon des critères objectifs (comme ceux proposés par le Schweizer Handbuch der Wirtschaftsprüfung, 1998, vol. 1, p. 7 et ss.) si la gestion financière et la comptabilité de l'entreprise concernée sont fiables.

Une comparaison entre le droit suisse et le droit communautaire montre que, lors de la révision de la loi fédérale sur l'aviation de 1998, le premier a entièrement repris les prescriptions centrales du second47. Contrairement au droit suisse, le règlement CEE spécifie de manière plus précise les documents que la requérante doit présenter48. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, les prescriptions du règlement CEE 2407/92 sur la capacité économique sont également applicables en Suisse.

3.4.2.2

Les exigences en matière de suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisation49

La question qui se pose ici est celle de savoir si la capacité économique au sens de l'art. 27, al. 2, let. c, LA doit être maintenue tout au long de la durée de validité de l'autorisation d'exploitation.

Le droit suisse ne prescrit pas explicitement que le titulaire d'une autorisation d'exploitation est tenu de maintenir sa capacité économique. Cela étant, l'OFAC peut, en vertu de l'art. 102 OSAv, retirer une autorisation d'exploitation lorsque les conditions régissant son octroi ne sont plus remplies. Le libellé de l'art. 102 OSAv n'est pas univoque et les documents sur les travaux préparatoires au sujet de la LA et de l'OSAv ne fournissent pas plus de détails à ce sujet. En plus des prescriptions opérationnelles et techniques, la LA mentionne également la capacité économique ainsi qu'une gestion financière et une comptabilité fiables en tant que critères distincts d'octroi d'une autorisation d'exploitation. Selon l'expertise, l'interprétation 46 47

48 49

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/2.4/cc.

Pour ce qui est de la capacité économique, l'art. 5 du règlement 2407/92 demande que «toute entreprise de transport aérien demandant une licence d'exploitation pour la première fois doit pouvoir démontrer de manière suffisamment convaincante [...] qu'elle sera à même [...] de faire face, à tout moment, pendant une période de vingt-quatre mois à compter du début de l'exploitation, à ses obligations actuelles et potentielles, évaluées sur la base d'hypothèses réalistes» (par. 1, let. a). Elle doit en outre «assumer, pendant une période de trois mois à compter du début de l'exploitation, les frais fixes et les dépenses d'exploitation découlant de ses activités conformément au plan d'entreprise et évalués sur la base d'hypothèses réalistes, sans avoir recours aux recettes tirées de ses activités» (par. 1, let. b).

Voir l'énumération des documents, annexe 1, partie A, ch. II/3.2 de l'expertise.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/5.

4910

de l'art. 102 OSAv doit donc partir du principe que le titulaire d'une autorisation d'exploitation doit également maintenir sa capacité économique, ce qu'il doit aussi rendre vraisemblable50. En pratique, il n'apparaît pas que l'OFAC ait spontanément surveillé la capacité financière des titulaires d'une autorisation d'exploitation.

L'OFAC intervient cependant lorsqu'il est mis au courant de difficultés financières par le titulaire ou par d'autres sources (publications dans la presse spécialisée ou les médias en général). L'OFAC souligne en outre qu'il aborde les aspects financiers lors de ses discussions régulières avec les représentants des entreprises qu'il surveille et qu'il se tient au courant de leur situation financière en participant à leurs conférences de presse (à l'occasion de la publication des résultats) et assemblées générales. Pour ce qui est des sociétés publiques, l'OFAC a reçu les rapports de gestion et de révision et les a examinés sous l'angle de la sécurité.

Selon l'expertise, il n'est pas possible d'exiger qu'un titulaire d'autorisation d'exploitation remplisse en tout temps les conditions stipulées à l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv qui s'appliquent au démarrage de l'activité. Il ne serait pas opportun que la portée de cette disposition qui a été spécialement prévue pour le démarrage (90 premiers jours et 24 premiers mois) des entreprises de transport aérien soit étendue à toute la durée de validité de l'autorisation d'exploitation. Lorsqu'une entreprise tourne, le titulaire d'une autorisation d'exploitation peut aussi compter sur des recettes d'exploitation. L'expertise souligne d'ailleurs également que le règlement CEE 2407/92 ­ dont l'art. 103 OSAv a repris le principe ­ prévoit pour les entreprises qui sont déjà titulaires d'une licence d'exploitation une réglementation distincte de celle qui s'applique aux entreprises qui demandent une licence d'exploitation pour la première fois.

Cela étant, le droit suisse ne prévoit pas de critères qu'un titulaire d'autorisation d'exploitation devrait remplir en matière de capacité économique. L'OFAC n'en a d'ailleurs pas non plus définis. En revanche, le règlement CEE 2407/92 mentionne des exigences économiques spécifiques que chaque titulaire d'une autorisation d'exploitation doit remplir. Ainsi, les autorités «qui délivrent les
licences peuvent, à tout moment, et en tout cas lorsqu'il apparaît clairement qu'un transporteur aérien, auquel elles ont délivré une licence, a des problèmes financiers, procéder à une évaluation de ses résultats financiers et elles peuvent suspendre ou retirer la licence si elles n'ont plus la certitude que le transporteur aérien est à même de faire face à ses obligations actuelles ou potentielles pendant une période de douze mois» (art. 5, par. 5, 1re phrase). La lettre C de l'annexe au règlement CEE 2470/92 précise les documents que les autorités doivent examiner pour assurer l'évaluation permanente de la capacité financière des titulaires de licence51. Depuis le 1er juin 2002, le règlement CEE est également en vigueur en Suisse. Le suivi des titulaires d'autorisations d'exploitation y est clairement réglementé et est également déterminant pour l'OFAC.

50 51

Voir la note de bas de page 41 ci-dessus.

Voir l'énumération des documents, annexe 1, partie A, ch. II/5.2 de l'expertise.

4911

3.4.2.3

Les exigences en matière de renouvellement de l'autorisation d'exploitation52

En vertu des art. 27, al. 3, LA et 101 OSAv, l'autorisation d'exploitation doit être délivrée pour une durée déterminée, limitée à cinq ans au plus. Elle peut être renouvelée sur demande de son titulaire.

Pour ce cas de figure également, l'art. 27, al. 2, let. c, LA stipule qu'une autorisation d'exploitation ne peut être délivrée que si son titulaire a la capacité économique nécessaire et présente une gestion financière et une comptabilité fiables. Selon l'expertise, ces conditions doivent également être remplies lors du renouvellement de l'autorisation. Le droit suisse ne contient cependant pas de disposition fixant les critères que l'autorité de surveillance doit contrôler lors de l'examen de la capacité économique de l'entreprise de transport aérien qui demande le renouvellement de son autorisation d'exploitation.

Pour les mêmes raisons que celles qui ont été présentées ci-dessus, l'expertise propose une interprétation stricte de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv. Les critères contenus dans cette prescription sont spécifiques au démarrage d'une entreprise de transport aérien. Ils ne peuvent donc pas s'appliquer au contrôle de la capacité économique lors des renouvellements des autorisations d'exploitation. Jusqu'à présent, lors des renouvellements de l'autorisation d'exploitation, l'OFAC a, selon ses dires, contrôlé la capacité économique en se basant sur un plan d'entreprise portant sur deux exercices ainsi que sur un compte d'exploitation et un bilan certifiés.

Le règlement CEE 2407/92 ne contient pas de dispositions réglementant le renouvellement de l'autorisation d'exploitation puisque les autorisations délivrées en vertu de ce règlement le sont pour une durée indéterminée. Comme cela a déjà été expliqué au point précédent (3.4.2.2), les critères déterminants relatifs au contrôle des titulaires d'autorisations d'exploitation sont ceux qui sont énumérés à la lettre C de l'annexe au règlement CEE 2407/92. En vertu de l'art. 11, par. 1, de ce règlement, les autorisations d'exploitation restent valables aussi longtemps que leurs titulaires répondent à ces critères. L'expertise en conclut, d'une part, que le droit suisse doit spécifier les conditions de renouvellement des autorisations d'exploitation. D'autre part, seuls les critères selon la lettre C de l'annexe au règlement CEE 2407/92 peuvent
être déterminants pour le maintien en vigueur des autorisations d'exploitation. L'OFAC estime avoir satisfait à ces critères et en avoir respecté le sens avant le 1er juin 2002 déjà.

3.4.2.4

Les conditions de retrait d'une autorisation d'exploitation en raison d'une capacité économique insuffisante53

Sur la base de l'art. 102 OSAv, l'OFAC peut retirer une autorisation d'exploitation lorsque les conditions en régissant l'octroi ne sont plus remplies. La formulation potestative de cette disposition laisse une marge d'appréciation à l'OFAC («peut retirer») qui doit en disposer conformément à ses obligations. Puisque la capacité 52 53

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/6.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/7.

4912

économique est une condition d'octroi d'une autorisation d'exploitation, il est possible de retirer une telle autorisation lorsque la capacité économique n'est plus suffisante. Ici également, le droit suisse ne connaît pas de critères précis définissant les conditions auxquelles il est possible de retirer une autorisation d'exploitation en raison d'une capacité économique devenue insuffisante. Il ne définit pas non plus la démarche à suivre pour procéder à un tel retrait. Selon l'expertise, il ne serait pas pertinent de retirer l'autorisation d'exploitation déjà lorsque les conditions de l'art. 103, al. 1, let i, OSAv ne sont plus remplies puisqu'elles se réfèrent à la situation au démarrage de l'activité.

Contrairement au droit suisse, le règlement CEE 2407/92 réglemente clairement le retrait de l'autorisation d'exploitation à l'art. 5, par. 5. Les autorités qui délivrent les autorisations peuvent à tout moment suspendre ou retirer une autorisation d'exploitation si elles n'ont plus la certitude que le transporteur aérien est à même de faire face à ses obligations actuelles ou potentielles pendant une période de douze mois. Ce sont les critères énumérés à la lettre C de l'annexe au règlement qui sont déterminants pour l'évaluation de la situation économique: il s'agit des mêmes critères que ceux qui servent à l'évaluation permanente de la capacité financière.

Selon l'expertise, l'OFAC aurait dû fixer ces critères dans une directive. Cette manière de faire aurait dû s'imposer tant que l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien n'était pas en vigueur et, partant, que le règlement CEE 2407/92 n'était pas encore applicable. Les critères régissant le retrait revêtent une importance toute particulière étant donné qu'en retirant une autorisation d'exploitation, l'autorité de surveillance ordonne l'immobilisation des avions de l'entreprise de transport aérien concernée. Seuls des critères précis constituent une base permettant d'évaluer les cas dans lesquels la capacité économique de titulaires d'autorisations d'exploitation est insuffisante.

L'OFAC est d'avis que le droit communautaire ne comporte pas non plus d'indicateurs permettant d'évaluer la capacité économique et, partant, le moment à partir duquel une autorité de surveillance ne peut plus avoir la certitude qu'une
entreprise de transport aérien est à même de faire face à ses obligations.

À noter encore que même en l'absence de critères spécifiques, certaines circonstances peuvent tout à fait entraîner le contrôle de la capacité économique ainsi que le retrait de l'autorisation d'exploitation (comme la présentation d'une demande de sursis concordataire ou l'ouverture de la faillite).

3.4.2.5

Les exigences en matière d'obligation d'annoncer selon l'art. 107, al. 3, OSAv54

En vertu de l'art. 107, al. 3, OSAv, les titulaires d'autorisations d'exploitation sont tenus d'annoncer certaines opérations particulières, en particulier les fusions, les reprises et les changements affectant les participations. Celles-ci peuvent avoir une influence sur la capacité économique d'une entreprise de transport aérien.

54

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/8.1.

4913

Une comparaison entre cette disposition et la disposition correspondante du règlement CEE 2407/92 (art. 5, par. 3 et let. B de l'annexe) montre que le droit communautaire est également plus précis en ce qui concerne la surveillance lors d'opérations particulières. En raison de prescriptions relatives à l'exploitatation, les modifications concernant la flotte et le réseau des routes sont annoncées à l'OFAC.

En revanche, l'entreprise titulaire d'une autorisation d'exploitation ne doit pas présenter les effets de ces modifications sur sa situation économique. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, les exigences de l'art. 5 du règlement CEE 2407/92 s'appliquent également aux titulaires d'autorisations d'exploitation suisses et sont donc déterminantes pour l'OFAC.

3.4.2.6

Evaluation de la capacité économique lors de l'octroi des concessions de route55

Outre l'autorisation d'exploitation, les entreprises de transport aérien qui transportent régulièrement des personnes ou des marchandises sur des lignes aériennes doivent être titulaires d'une concession de route octroyée par le DETEC (art. 28 LA et art. 110 et ss. OSAv). Etant donné que seul le titulaire d'une autorisation d'exploitation peut obtenir une concession de route, l'octroi de celle-ci ne nécessite pas d'examen de la capacité économique56. En vertu du droit suisse, contrairement au droit communautaire, le titulaire d'une concession de route est en revanche soumis aux obligations d'exploiter et de transporter (art. 111 OSAv). Il est fort probable que le but de cette disposition est de souligner que les transports aériens font partie de l'infrastructure des transports publics. Il existe un intérêt public à ce que les vols autorisés aient effectivement lieu. L'autorité de surveillance doit donc veiller à ce que les sociétés de transport aérien disposent des moyens nécessaires pour pouvoir remplir leurs obligations d'exploiter et de transporter57. L'expertise ne va cependant pas jusqu'à défendre l'idée selon laquelle l'Etat doit garantir le droit des passagers à être transportés. Les experts sont d'avis que la conclusion d'assurances correspondantes et les mesures volontaires de la part des transporteurs aériens permettent mieux de protéger les usagers des transports aériens contre les effets d'une immobilisation58.

55 56

57 58

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. III/1.

Avant la révision de la LA en 1998, le DETEC devait contrôler les ressources financières lors de l'octroi d'une concession d'exploitation. Lorsque ces ressources financières étaient «de toute évidence insuffisantes», le département devait refuser la concession (art. 105, al. 3, let. c, ancienne LA). En vertu de la concession du 19 décembre 1966, Swissair était tenue de constituer des réserves financières et de verser chaque année un dixième du bénéfice net au fonds de réserve jusqu'à ce que ce fonds atteigne la moitié du montant du capital social. Cette clause a été abrogée par la décision du DETEC du 23 décembre 1996.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. III/1 et IV/3.

Voir l'expertise, annexe 1, partie D, ch. IV et partie H, ch.12.

4914

3.4.2.7

Les exigences envers l'OFAC en matière de personnel de contrôle et de surveillance de la capacité économique59

Pour le contrôle des dossiers des entreprises de transport aérien qui présentent une demande d'autorisation d'exploitation, l'OFAC dispose d'un collaborateur ayant suivi une formation commerciale et qui est expérimenté dans le domaine des assurances. Ce collaborateur travaille sous la surveillance du chef de l'équipe «Processus des entreprises de transport aérien». Ce chef dispose d'une longue expérience, ce qui lui permet d'évaluer les informations fournies par les requérantes. L'équipe du «Processus des entreprises de transport aérien» n'a pas et n'a jamais compté de collaborateur disposant de connaissances spécifiques en matière de gestion d'entreprise. L'OFAC n'a pas non plus cherché le savoir-faire correspondant auprès d'autres services de l'administration fédérale ou auprès de tiers60.

Dans le cadre du mandat octroyé par la CdG-E, il n'était pas possible d'évaluer de manière exhaustive si l'OFAC dispose d'un effectif suffisant pour accomplir ses tâches légales et si le personnel qu'il emploie est suffisamment qualifié pour cela.

Avec l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien au 1er juin 2002, les tâches spécifiques liées au devoir de surveillance et à l'obligation d'annoncer ont augmenté les exigences en matière de suivi de la capacité économique des titulaires d'une autorisation d'exploitation. Etant donné que l'OFAC n'a jusqu'à présent accordé qu'une importance secondaire à cette tâche, l'expertise part du principe que l'OFAC a besoin de nouveaux collaborateurs qualifiés dans ce domaine61.

3.5

Le devoir de surveillance du DETEC sur l'OFAC62

L'expertise constate que le DETEC exerce effectivement la haute surveillance sur l'OFAC en vertu du principe hiérarchique. D'un point de vue matériel, le DETEC influe directement sur les processus décisionnels de l'OFAC lorsqu'il s'agit de traiter des questions fondamentales de la politique des transports et de la politique du personnel. C'est le DETEC qui définit l'effectif de l'OFAC.

La CdG-E souligne ici que la surveillance que le DETEC exerce sur l'OFAC est avant tout organisationnelle et non opérationnelle. De plus, la CdG-E constate que cette surveillance est principalement exercée de manière réactive.

59 60 61 62

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. IV/5.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/2.5.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. IV/5.2.

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. IV/4.

4915

3.6

Le contrôle de la capacité économique de Swissair dans le contexte de la crise

Par rapport à l'effondrement de Swissair et avec les développements financiers de la crise pour toile de fond, la présente section aborde plus spécialement la question de savoir comment l'OFAC a contrôlé et évalué la capacité économique de Swissair lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation en décembre 2000 ainsi que dans le courant de 2001.

La CdG-E a abordé cette problématique d'une part lors des auditions et au moyen de recherches documentaires. Elle a, d'autre part, fait examiner les procédures de travail dans le cadre de l'expertise dont le rapport, annexé, lui a été remis le 2 septembre 2002. Les résultats des investigations des experts sont repris ci-après de manière synthétique et complétés par les constatations de la CdG-E.

Il faut cependant mentionner que le DETEC et l'OFAC n'exerçaient pas de surveillance sur SAirGroup, mais exclusivement sur la «compagnie Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne».

3.6.1

Le contrôle de la capacité économique de Swissair lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation en décembre 2000

3.6.1.1

Le point de vue de l'OFAC

L'OFAC a présenté à la CdG-E son point de vue sur le contrôle et l'évaluation de la capacité économique de Swissair lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation en 2000.

En résumé, l'OFAC a évalué la capacité économique principalement sur la base du rapport annuel (comptes annuels et comptes consolidés) ainsi que des rapports 1999 du réviseur des comptes du groupe et de l'organe de révision de SAirGroup, y compris les comptes-rendus segmentés par secteur. Pour le premier semestre 2000, SAirGroup a présenté un résultat équilibré. L'OFAC disposait également d'une analyse de situation de SAirGroup datant du mois de novembre 2000 et portant également sur les activités de transport aérien. Pour cette raison, Swissair n'a pas présenté de plan d'entreprise pour les deux prochaines années. L'OFAC part du principe que les sociétés anonymes comme Swissair et SAirGroup appliquent les principes régissant l'établissement régulier des comptes et respectent les règles sur l'évaluation des actifs et des passifs du code des obligations (art. 662a et 655 et ss CO). De plus, en tant que société cotée en bourse, SAirGroup était soumis à un règlement de cotation établissant des règles encore plus sévères que les dispositions du code des obligations. Les prescriptions relatives à la transparence sont mises en oeuvre par la bourse « SWX Swiss Exchange » qui en surveille également l'application.

En ce qui concerne la capacité économique, l'OFAC estime que, lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation en 2000, la compagnie Swissair avait pu, de manière crédible, faire état d'une capitalisation suffisante, quand bien même elle ne présentait plus de chiffres lui étant propres depuis la réorganisation du groupe en 1997. En tant que filiale à 100 % de SAirLines, donc de SAirGroup, Swissair pou4916

vait compter sur les garanties financières du groupe. L'OFAC a également pris connaissance du fait que, pour l'exercice 1999, SAirGroup et SAirLines avaient dégagé un résultat positif, respectivement de 273 et 35 millions de francs.

Le 29 décembre 2000, l'OFAC a renouvelé l'autorisation d'exploitation de Swissair en vertu de l'art. 27, al. 3, LA.

3.6.1.2

Constatations et appréciation de l'expertise63

L'expertise confirme que l'examen des documents fournis par Swissair n'a pas présenté de problèmes particuliers. Ils n'ont pas soulevé d'interrogations pour ce qui concerne les aspects techniques et opérationnels. En revanche, l'expertise remet en question le fait que l'OFAC se soit borné à demander la production des résultats financiers de l'année 1999. Le moment auquel le renouvellement de l'autorisation d'exploitation a été demandé aurait dû inciter l'OFAC à vouloir en savoir plus sur les informations et les rumeurs concernant la détérioration de la situation financière de SAirGroup.

À ces constatations de l'expert chargé de cette partie de l'expertise, l'OFAC a expliqué que des discussions avec Swissair avaient bien eu lieu à ce sujet. Swissair avait fait valoir que les résultats financiers du premier semestre 2000 étaient équilibrés et que des liquidités suffisantes demeuraient disponibles pour 2001. En raison des importantes restructurations en cours à l'époque au sein du groupe, Swissair s'était vue dans l'impossibilité de fournir immédiatement des estimations financières fiables. Swissair s'était cependant engagée à tenir l'OFAC informé de l'évolution de la situation et à lui fournir, dès que possible, des projections financières crédibles.

Selon l'expertise, l'autorisation accordée jusqu'au 31 décembre 2005 aurait pu être limitée à une période plus courte, voire à tout le moins assortie d'une condition suspensive liée à la production par Swissair ou SAirGroup d'un plan de trésorerie 2000/2001 dans un délai raisonnable64. Des informations préliminaires sur les comptes 2000 auraient été disponibles dans les premiers mois de 2001. Cependant, la situation de SAirGroup étant devenue particulièrement compliquée, il n'est pas établi, selon l'expertise, que ses responsables auraient pu fournir une estimation fiable.

Cela étant, l'expertise souligne que ni les dispositions légales et réglementaires, ni les circonstances n'auraient permis à l'OFAC de refuser le renouvellement de l'autorisation d'exploitation.

Dans ce contexte, il faut encore souligner la difficulté de l'évaluation de la capacité financière de sociétés de transport aérien intégrées dans une structure de groupe. Depuis la création d'une holding en 1997, la situation économique de Swissair n'a plus été présentée de manière isolée
et ne pouvait donc plus être contrôlée en tant que telle.

Concrètement, l'OFAC a remédié à cette situation en exigeant une déclaration de soutien de la société mère dans laquelle cette dernière s'engageait à répondre des 63 64

Voir l'expertise, annexe 1, partie B, ch. VII/3.

Depuis l'entrée en vigueur au 1er juin 2002 de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, les exigences selon l'art. 27, al. 2, let. c, LA doivent être renforcées. Le règlement CEE 2407/92 exige notamment la présentation des plans de trésorerie pour l'année suivante.

4917

engagements de sa filiale. L'expertise65 relève cependant que de telles déclarations de soutien sont contestées. Elles n'ont un caractère contraignant que si la société mère fournit une garantie juridiquement contraignante en faveur de sa filiale. Dans ce cas de figure, seule la capacité financière de la société holding peut permettre d'estimer si la filiale dispose d'une capacité économique suffisante. Toujours d'après l'expertise, l'OFAC n'a selon toute vraisemblance pas demandé à la société mère de produire des documents complémentaires permettant d'évaluer sa capacité économique.

3.6.2

L'évaluation de la capacité économique de Swissair en 2001

3.6.2.1

Le point de vue de l'OFAC

En mars et en avril 2001, l'OFAC s'est informé sur les difficultés financières du groupe auprès de la direction de SAirGroup. En outre, plusieurs réunions de coordination et contacts téléphoniques ont eu lieu entre l'OFAC et SAirGroup. L'OFAC a également pris connaissance du résultat de l'exercice 2000 (déficit de 2885 millions de francs) qui a été présenté le 2 avril 2001. En se basant sur les résultats de sa surveillance continue du service aérien et de l'entretien, l'OFAC estimait qu'il n'y avait pas lieu de douter de la sécurité des vols malgré la situation financièrement tendue de Swissair et de SAirGroup. Selon les déclarations de l'OFAC, il n'y aurait à aucun moment eu d'indices permettant de penser que les conditions requises pour une exploitation sûre et réglementaire n'étaient plus garanties en raison de cette situation financière. Lors du compte-rendu à la presse du 30 août 2001 au sujet des résultats du premier semestre de l'exercice, les responsables de SAirGroup faisaient état des difficultés financières mais, en même temps, annonçaient la vente d'une partie des entreprises du groupe pour un montant de 4,5 milliards de francs.

L'OFAC n'avait aucun doute au sujet de la capacité financière de Swissair puisque SAirGroup disposait d'une ligne de crédit d'un milliard de francs et avait encore remboursé des crédits jusqu'à fin septembre 2001.

Ce point de vue de l'OFAC correspond aux conclusions de l'expertise66. Il y est précisé que les problèmes de liquidité de même que les efforts de restructuration ont été largement évoqués lors des contacts entre l'OFAC et SAirGroup. À l'occasion de ces contacts, les responsables de Swissair se sont toujours montrés confiants quant aux perspectives à court et moyen termes. Le groupe de travail interne à la Confédération ­ au sein duquel l'OFAC était représenté ­ ayant déjà confié un mandat correspondant à la société Visura dans la perspective de l'assemblée générale d'avril 2001, l'OFAC n'a pas jugé nécessaire de requérir des évaluations plus précises ou de solliciter l'avis d'experts externes. L'expert chargé de répondre à cette question ne croit pas que, durant cette période, l'OFAC ait enfreint son devoir de surveillance des conditions économiques, même si les raisons qui ont poussé SAirGroup à faire preuve d'optimisme auraient dû être vérifiées.
Les explications de l'OFAC montrent en outre que, en 2001 également, l'OFAC avait surveillé la capacité économique de Swissair uniquement du point de vue de la sécurité des vols.

65 66

Voir l'expertise, annexe 1, partie A, ch. II/2.6.

Voir l'expertise, annexe 1, partie B, ch. VIII/2.

4918

3.6.2.2

Fallait-il retirer ou suspendre l'autorisation d'exploitation de Swissair?67

L'expertise a également porté sur la question de savoir si une mesure de suspension ou de retrait de l'autorisation d'exploitation aurait été justifiée au vu de l'évolution de la situation au cours de l'année 2001.

D'après l'expertise, une telle mesure aurait sans aucun doute dû être prise si la sécurité d'exploitation n'avait plus pu être garantie ou si Swissair était tombée en faillite et n'avait pas spontanément sollicité la suspension de son autorisation d'exploitation.

Dans les circonstances de l'époque, une telle mesure n'aurait pas manqué d'avoir des effets très négatifs sur les perspectives de redressement de SAirGroup tant et aussi longtemps que l'entreprise pouvait encore disposer ou espérer trouver les liquidités suffisantes sur le marché financier. En revanche, à partir du moment où cet espoir s'était estompé, c'est-à-dire après le 11 septembre 2001, l'expert estime qu'une telle mesure aurait pu permettre d'encadrer et d'organiser l'immobilisation de la flotte plutôt que de la subir comme cela a été le cas. L'expertise souligne cependant qu'un retrait sans délai de l'autorisation d'exploitation aurait été problématique d'un point de vue purement juridique. L'OFAC aurait d'abord dû déterminer si les conditions de l'art. 102 OSAv étaient toutes remplies.

À cet égard, l'expertise souligne qu'il est intéressant de constater que durant le week-end des 29 et 30 septembre 2001, l'OFAC avait préparé une décision de suspension de l'autorisation d'exploitation de Swissair, mais qu'il a renoncé à l'appliquer dans la matinée du 2 octobre suivant. L'OFAC n'a pas voulu prendre le risque que la Confédération apparaisse comme le principal responsable de l'immobilisation de la flotte.

L'expert est d'avis qu'une suspension n'aurait pas été adaptée dans les circonstances de l'époque68.

3.7

Conflits d'intérêts et imbrications personnelles de l'OFAC à l'égard des entreprises de transport aérien

3.7.1

Constats et mesures prises suite à des examens antérieurs

En raison des critiques dénonçant des conflits d'intérêts et des imbrications personnelles au sein de l'OFAC, le chef du DETEC a commandé une expertise indépendante en 1997. La CdG-N a accompagné ces travaux et, dans le cadre d'un suivi d'inspection, elle a contrôlé la mise en oeuvre des recommandations de l'époque.

Le rapport d'expertise du 24 septembre 199769 a permis d'identifier de tels conflits dans les domaines suivants:

67 68 69

Voir l'expertise, annexe 1, partie B, ch. XI.

Voir l'expertise, annexe 1, partie H, ch. 11.

Niklaus Oberholzer, Dr en droit et avocat, a été chargé d'élaborer ce rapport d'expertise (non publié) par le chef du DETEC.

4919

­

En ce qui concerne les activités accessoires auprès d'entreprises d'aviation et d'écoles d'aviation, le rapport d'expertise avait relevé qu'elles étaient bien effectuées dans le cadre du service, mais qu'elles étaient accomplies, du moins en partie, durant le temps libre en tant qu'activité plus ou moins privée et, de surcroît, contre rémunération. L'expertise demandait que, dans la mesure où elles étaient effectuées dans l'intérêt du service, ces activités accessoires soient accomplies durant les heures de travail et rémunérées par le traitement. Selon l'expertise, il était de plus évident que ces activités accessoires auprès d'entreprises et d'écoles d'aviation étaient de nature à susciter une forte suspicion de partialité en ce qui concerne l'exercice de la fonction de surveillance. L'expert doutait que la simple interdiction de signer des autorisations telle qu'elle figurait dans une décision du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie de l'époque (DFTCE, aujourd'hui le DETEC) parvienne à exclure toute impression de partialité. Il avait par conséquent exigé que tout collaborateur de l'OFAC ou du BEAA s'abstienne de tout acte officiel chaque fois qu'une entreprise pour laquelle il accomplit des activités accessoires pouvait être concernée.

Cela étant, il était d'avis que les connaissances pratiques acquises dans le cadre de ces activités accessoires étaient indispensables pour que les agents puissent remplir leurs tâches de manière compétente et crédible et qu'elles pouvaient donc être bénéfiques du point de vue de l'exercice de la surveillance.

Donnant suite à la recommandation de l'expert, le DETEC a remplacé l'ordonnance du DFTCE du 28 février 1973 sur les activités d'agents dans les entreprises et les écoles d'aviation par la directive du 18 décembre 1998 sur les activités d'agents de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) et du Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation (BEAA) dans les entreprises d'aviation70. Depuis lors, les activités auprès des entreprises et des écoles d'aviation ont lieu durant le temps de travail et leur rémunération est comprise dans le traitement. La réglementation concernant les activités accessoires a été harmonisée par rapport aux dispositions légales applicables aux agents de la Confédération et les obligations en matière de récusation ont été précisées.

­

70

L'expert estimait certes indispensable de disposer d'un propre service de vol qui permette d'assurer la formation de base et le perfectionnement des collaborateurs de l'OFAC et du BEAA. Il a en revanche considéré que le cercle d'appartenance au service de vol était trop étendu. Selon lui, il était nécessaire de restreindre l'attribution au service de vol aux collaborateurs en ayant réellement besoin pour l'exécution de tâches officielles. Le simple fait que l'utilisation d'aéronefs puisse représenter un avantage pour l'exécution des tâches n'est pas suffisant. Sur recommandation de l'expert, l'arrêté du Conseil fédéral du 19 mai 1971 sur le service de vol au Département fédéral

Verfügung des Eidgenössischen Verkehrs- und Energiewirtschaftsdepartements über die Tätigkeit von Bediensteten in Luftfahrtbetrieben, vom 28. Februar 1973 et Weisung des Eidgenössischen Departements für Umwelt, Verkehr, Energie und Kommunikation (UVEK) über die Tätigkeit von Bediensteten des Bundesamtes für Zivilluftfahrt (BAZL) und des Büros für Flugunfalluntersuchungen (BFU) in Luftfahrtunternehmen, vom 18.

Dezember 1998 (ces textes n'existent qu'en allemand).

4920

des transports, des communications et de l'énergie a été remplacé par l'ordonnance du 4 octobre 1999 sur le service de vol au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (OSVo)71, qui redéfinit l'attribution au service de vol de manière plus restrictive.

Au sujet des avantages découlant du service de vol (allocations, retraite anticipée), l'expert avait recommandé d'aborder les questions du dédommagement des services extraordinaires et de la retraite anticipée en tant qu'entité pour l'ensemble de l'administration fédérale. Le DFF a donc entamé des discussions avec les associations du personnel. L'Office fédéral du personnel (OFPER) a examiné la possibilité d'adapter l'ordonnance du 2 décembre 1991 régissant le versement des prestations en cas de retraite anticipée des agents soumis à des rapports de service particuliers (OPRA). Le 14 décembre 1998, le Conseil fédéral a toutefois choisi de renoncer à une révision et de régler le problème des allocations dans le cadre de la nouvelle loi sur le personnel de la Confédération. Les allocations devraient être intégrées autant que possible dans le traitement. Cela étant, l'ordonnance correspondante actuellement en vigueur prévoit encore la possibilité de verser de telles allocations.

­

Bien que les collaborateurs de l'OFAC et du BEAA n'aient pas été les seuls à profiter de certains avantages dans le domaine des vols de service et privés, l'expert était d'avis qu'il y avait là un problème spécifique. Au vu des tâches en matière de surveillance et d'enquêtes assumées par ces services, ces avantages constituaient un potentiel de conflits d'intérêts qui, de l'avis de l'expert, devait être rapidement supprimé étant donné le risque d'une suspicion de partialité. L'expert avait recommandé que le DFF examine l'ensemble de cette problématique. Le Conseil fédéral a mis en oeuvre cette recommandation. Un crédit pour les voyages de service a été introduit au budget 1999, la modification nécessaire de l'OSAv a été effectuée et les avantages pour les vols privés ont été supprimés en février 1998 déjà.

Dans son rapport, l'expert était parvenu à la conclusion que ses investigations n'avaient pas révélé d'indices d'abus dans les domaines de la direction des affaires et de l'exécution des tâches légales. Les lacunes constatées trouvaient leur origine non pas dans le non-respect des dispositions par un certain nombre de collaborateurs, mais dans des réglementations générales et abstraites partiellement dépassées.

3.7.2

L'évaluation actuelle des conflits d'intérêts par le DETEC

Dans le cadre du présent examen, la CdG-E a encore une fois examiné la manière dont les autorités de surveillance concernées évaluent actuellement les conflits d'intérêts et, eu égard à leur fonction de surveillance, les mesures qu'elles prennent pour les éviter.

71

RS 172.217.2

4921

Selon le DETEC, il n'y a plus aujourd'hui d'imbrications problématiques entre l'OFAC et les entreprises d'aviation. Des mesures organisationnelles sont prises là où des conflits d'intérêts peuvent apparaître. Conformément à la directive du 18 décembre 1998 sur les activités d'agents de l'OFAC et du BEAA dans les entreprises d'aviation, les inspecteurs de l'OFAC n'assurent pas le maintien de leur niveau de formation dans des entreprises envers lesquelles ils exercent d'une manière ou d'une autre des activités de contrôle ou de surveillance.

Le DETEC est également d'avis qu'il n'y a pas d'imbrications problématiques entre le BEAA et les entreprises d'aviation. Le remboursement des frais usuels mis à part, les collaborateurs du BEAA qui exercent une activité au sein d'une entreprise d'aviation ne peuvent être rétribués par celle-ci. Il en va de même pour le travail des instructeurs (théorie et pratique). Cette réglementation s'applique également lorsque l'activité est exercée durant le temps libre. La Confédération assume également les coûts liés à ces activités, si bien que les collaborateurs concernés n'ont aucune obligation envers ces entreprises d'aviation. En cas d'accident ou d'incident, aucun collaborateur qui effectue des vols pour l'entreprise concernée ne peut être chargé de l'enquête. Au-delà des recommandations formulées dans le rapport Oberholzer, le chef du BEAA a, en 1999, engagé deux pilotes militaires en activité en tant qu'enquêteurs à plein temps afin de réduire encore le risque d'imbrications problématiques. Les forces aériennes enquêtent elles-mêmes sur les accidents et les incidents touchant leurs appareils. Lorsque le BEAA fait appel à des spécialistes pour enquêter sur des accidents, il le fait selon le principe de la plus grande distance possible par rapport à l'objet de l'enquête. En outre, dans le domaine des enquêtes sur les accidents d'avion, la collaboration internationale est bien établie depuis de longues années, sur la base de l'annexe 13 de l'OACI. Ainsi, chaque Etat directement concerné par un accident d'avion envoie des représentants qui participent à l'enquête. Selon le DETEC, le fait que ces délégations soient, au sens propre comme au sens figuré, issues de l'extérieur constitue non seulement une précieuse contribution technique, mais également une importante
contribution aux contrôles externes exercés sur les autorités d'enquête compétentes du lieu de l'accident.

Le DETEC évalue les indemnisations dans le domaine du service de vol de la manière suivante. L'OFAC emploie également des collaborateurs qui doivent disposer d'une expérience de vol pour accomplir leurs tâches. Sous certaines conditions, ceux-ci sont attribués au service de vol afin d'effectuer des vols de service. Les collaborateurs dont la part prépondérante de l'activité aéronautique consiste à effectuer des vols de service au sens de l'art. 3, let. a à c, OSVo reçoivent une indemnité pour le service de vol. Selon l'ancienneté et le niveau de formation, cette indemnité va de 13 772 à 35 706 francs par an. Actuellement, l'OFAC occupe 29 collaborateurs attribués au service de vol qui ont droit à l'indemnité pour le service de vol.

Pour ce qui est du BEAA, seuls les enquêteurs à plein temps sont attribués au service de vol. Leur indemnisation est également réglée par l'OSVo. Etant donné que, les vacances mises à part, les enquêteurs à plein temps doivent pouvoir être joignables à n'importe quel moment et que, par conséquent, ils effectuent des services de piquet, ils reçoivent également une indemnité forfaitaire de 210 francs par mois. En outre, la Confédération verse à chaque enquêteur à plein temps une indemnité de 250 francs par mois et 60 centimes par kilomètre parcouru pour l'utilisation d'une voiture privée. Les deux enquêteurs travaillant dans des entreprises d'aviation se 4922

font rembourser les frais usuels par ces dernières. Les deux pilotes militaires en activité reçoivent l'indemnité ordinaire des pilotes de milice pour leur activité auprès des forces aériennes, soit 11 500 francs par an.

En décembre 2001, l'OFAC a indiqué à la CdG-E que, sur 170 collaborateurs, il n'y en avait que sept qui avaient travaillé chez Swissair et trois chez Crossair.

3.7.3

Evaluation de l'expertise du 2 septembre 2002

À l'occasion du présent examen, la CdG-E a demandé à l'un des deux experts de se pencher une fois encore sur la problématique des conflits d'intérêts et des imbrications personnelles. Pour ce qui est de l'exercice de la surveillance sur Swissair, l'expert chargé de cette question n'a pas détecté la moindre complaisance de la part des collaborateurs de l'OFAC responsables de cette surveillance72. L'OFAC a régulièrement engagé des collaborateurs qui ont été formés par Swissair ou qui y ont travaillé73. Malgré cela, il n'apparaît pas que leur indépendance ait pu être affectée.

Sur un marché du travail aussi restreint que celui de l'aviation civile suisse, il est de toute manière pratiquement impossible de trouver des spécialistes suisses disposant de l'expérience professionnelle requise en dehors des entreprises aériennes opérant dans le pays. Selon l'expert, cette remarque vaut particulièrement pour les secteurs technique et opérationnel qui demandent des connaissances très spécifiques.

3.8

Comparaison avec la surveillance exercée par les autorités aéronautiques étrangères74

Divers aspects de la surveillance exercée sur l'aviation civile dans plusieurs pays (Allemagne, Pays-Bas, France, Royaume-Uni, Australie, Canada, USA) ont été brièvement analysés et comparés dans le cadre de l'expertise. Il apparaît que la surveillance technique et opérationnelle est partout prioritaire, ceci conformément à la Convention de Chicago et aux normes de l'OACI.

En ce qui concerne la surveillance économique et financière, les différences dépendent dans une large mesure du degré d'interventionnisme de l'Etat concerné. C'est au Royaume-Uni, au Canada et en Australie que la réglementation et la pratique apparaissent les plus libérales. Ces Etats se contentent d'une surveillance assez lâche de la santé financière et des liquidités des entreprises de transport aérien soumises à leur surveillance.

Aux Etats-Unis, l'expert constate que le contrôle économique et financier est plus exigeant que le cadre politique général pourrait le laisser supposer. L'administration américaine a toujours exercé un rôle très actif dans l'aviation civile. L'Etat fédéral n'hésite pas à intervenir dans la gestion de sociétés privées de transport aérien (notamment en cas de menaces de grève ou pour les soutenir financièrement lors de difficultés majeures). Si la suspension de l'autorisation d'exploitation pour raisons 72 73 74

Voir l'expertise, annexe 1, partie C.

Environ 25 % des spécialistes de l'équipe «Processus d'exploitation du transport aérien» ont travaillé chez Swissair avant d'être engagés par l'OFAC.

Voir l'expertise, annexe 1, partie D.

4923

économiques constitue un ultime ressort, son retrait sur la base de considérations opérationnelles est en revanche beaucoup plus fréquent.

En France, une voie de recours auprès d'une commission indépendante facilite la décision sur le plan politique, cela d'autant plus que la publicité des questions à l'ordre du jour du Conseil supérieur de l'aviation marchande permet de préparer l'opinion publique aux conséquences d'un retrait de l'autorisation d'exploitation.

Il est très difficile de faire des comparaisons en matière de ressources en personnel dans la mesure où l'organisation interne des autorités aéronautiques varie considérablement d'un Etat à l'autre. Sur le plan technique et opérationnel, les audits de l'OACI montrent que le manque de ressources est assez universel. Un peu partout, elles n'ont pas été adaptées à la croissance importante du nombre d'entreprises à surveiller. Sur les plans économique et financier, seuls la France, les Etats-Unis et l'Allemagne semblent disposer de moyens suffisants et d'une expertise adéquate.

3.9

Appréciation de l'expertise du 2 septembre 2002 par le DETEC et l'OFAC

D'une manière générale, le DETEC et l'OFAC se sont déclarés d'accord avec les résultats de l'expertise qu'ils estiment positive. Les légères divergences au sujet des points précédents sont présentées brièvement par la CdG-E dans les chapitres correspondants.

La plus grande divergence concerne l'importance que le DETEC et l'OFAC, d'une part, et l'expertise, d'autre part, attribuent au contrôle de la capacité économique. Le DETEC et l'OFAC estiment que cet aspect de la surveillance ne se justifie que du point de vue de la sécurité aérienne. L'OFAC se considère comme autorité de surveillance technique qui ne contrôle pas la capacité économique pour elle-même, mais du point de vue de la sécurité opérationnelle et technique. Selon l'OFAC, le critère de la capacité économique exigée par le droit communautaire pour le maintien en vigueur de l'autorisation d'exploitation ne constitue pas non plus un critère autonome. En revanche, le DETEC et l'OFAC reconnaissent que le règlement CEE 2407/92 élimine les imprécisions des dispositions suisses en la matière. L'OFAC est toutefois d'avis que le droit communautaire ne comporte pas d'indicateurs permettant l'évaluation de la capacité économique d'une entreprise et, partant, pour le retrait d'une autorisation d'exploitation ou l'émission de réserves. L'OFAC estime que de tels indicateurs ne sont pas nécessaires, puisque la capacité économique n'est pas un critère autonome pour le maintien en vigueur de l'autorisation d'exploitation.

Pour ce qui est des besoins en personnel de l'OFAC, le DETEC est d'avis que cet office doit les estimer lui-même. Pour le DETEC, c'est la garantie de la sécurité du trafic de lignes qui est déterminante.

4924

3.10

Appréciations et conclusions de la CdG-E

Au sujet de la surveillance en matière de sécurité opérationnelle et technique exercée par l'OFAC: La surveillance exercée par la Confédération sur l'aviation civile doit avant tout garantir la sécurité du transport aérien. C'est donc avec raison que l'OFAC a accordé la priorité à la surveillance des aspects opérationnels et techniques des entreprises titulaires d'autorisations d'exploitation. Dans le domaine de la sécurité, le niveau de surveillance est défini et supervisé en fonction de normes internationales. Les inspections de l'OACI n'ont pas permis de relever de manquements importants dans la surveillance exercée par l'OFAC. L'expertise commandée par la CdG-E évalue également de manière positive la surveillance exercée par l'OFAC sur Swissair durant la période sous revue. En raison de la collision aérienne dans le ciel de l'Allemagne du Sud en juillet 2002, le DETEC a décidé de soumettre l'ensemble de la sécurité aérienne suisse à un examen effectué par des experts étrangers. Il est vrai que de nombreux incidents et accidents (notamment les accidents d'avions Crossair près de Nassenwil en janvier 2000 et près de Bassersdorf en novembre 2001 et la collision aérienne près d'Überlingen en juillet 2002) ont récemment remis la sécurité aérienne en question. La CdG-E approuve donc l'examen du DETEC qui, en tenant particulièrement compte de la problématique des interfaces, veut analyser de manière approfondie la surveillance en matière de sécurité exercée par l'OFAC, le BEAA et le DETEC. La CdG-E accompagnera ces travaux étroitement et se penchera de manière approfondie sur leurs résultats.

La CdG-E constate qu'il est difficile pour les non-spécialistes de porter un jugement sur la surveillance des domaines technique et opérationnel. Cela peut notamment expliquer pourquoi le travail de l'OFAC a souvent été remis en question, en particulier par les milieux politiques, et pourquoi la question de savoir si les autorités de surveillance ont failli à leur mission se pose lors de chaque accident d'avion. La CdG-E estime que chaque incident doit donner lieu à un examen approfondi au cours duquel la surveillance en matière de sécurité doit être soigneusement contrôlée. Il convient en outre d'exiger que cette surveillance fasse l'objet d'une analyse continue, indépendamment des événements concrets, et
qu'elle soit adaptée le cas échéant. Cette tâche revient en premier lieu au DETEC, qui est hiérarchiquement responsable de l'OFAC. Il peut et doit assurément étayer son jugement sur des expertises externes. À cet égard, la CdG-E attend que le DETEC joue à l'avenir un rôle plus actif en matière de surveillance et d'accompagnement des activités de l'OFAC. Jusqu'à présent, le DETEC a surtout exercé une influence directe sur l'OFAC lorsqu'il était question de politique des transports et de politique du personnel. De plus, le DETEC exerce sa fonction de surveillance avant tout de manière réactive et, de l'avis de la CdG-E, avec trop retenue.

Recommandation 1: Renforcement de la surveillance exercée par le DETEC sur l'OFAC Le DETEC doit accompagner plus étroitement les activités de l'OFAC et assurer un contrôle régulier de la surveillance exercée par celui-ci. Il doit également améliorer la transparence des activités de l'OFAC en matière de surveillance.

4925

Au sujet de la surveillance de la capacité économique des entreprises de transport aérien exercée par l'OFAC: La CdG-E partage l'opinion des experts selon laquelle, outre les aspects techniques et opérationnels, la capacité économique suffisante est une condition qui doit être remplie tant lors de l'octroi de l'autorisation d'exploitation que durant l'exploitation elle-même. Pour sa part, l'OFAC a contrôlé la capacité économique au moyen de critères propres et légaux lors de l'octroi. En revanche, il ne s'est pas préoccupé en détail et de manière systématique de la capacité économique des entreprises de transport aérien pendant la validité de l'autorisation d'exploitation.

Divers facteurs expliquent la retenue dont l'OFAC a fait preuve en matière de contrôle de la solidité financière des entreprises aériennes: la priorité secondaire qu'il a accordée à ce critère, la situation juridique peu claire et demandant à être précisée et son interprétation des dispositions concernées ou encore le fait de se considérer comme autorité de surveillance technique. Le fait que l'OFAC interprétait son rôle de cette manière a probablement aussi influé sur la révision du droit aérien de 1998 qui n'a pas, en cette matière, repris les principes très précis du règlement CEE 2407/92. La CdG-E s'en étonne cependant, tant il est vrai que la Suisse a largement participé au développement de ce règlement. En raison de l'entrée en vigueur de l'accord entre la Suisse et la CE sur le trafic aérien au 1er juin 2002, la CdG-E estime que l'OFAC doit changer de point de vue et abandonner sa réserve en matière de contrôle de la capacité économique des entreprises aériennes. Le droit communautaire contient des dispositions précises spécifiant clairement les documents sur lesquels les autorités de surveillance doivent se baser pour contrôler la capacité économique des entreprises aériennes demandant l'établissement ou titulaires d'une autorisation d'exploitation, et à quel moment elles doivent le faire.

En plus de la situation juridique, l'OFAC doit aussi tenir compte de l'évolution de la situation économique de la branche de l'aviation civile. La CdG-E estime que les problèmes financiers de la plupart des grandes compagnies aériennes doivent inciter au renforcement de la surveillance de la capacité économique. En effet, aussi
longtemps que l'exploitation d'un service de vol ne permettra plus de faire de bénéfices substantiels, il y aura lieu de craindre l'existence d'un lien entre la situation économique d'une compagnie aérienne et sa sécurité.

Pour pouvoir évaluer la capacité économique, l'OFAC doit en premier lieu disposer des connaissances correspondantes indispensables en gestion d'entreprise. Ce n'est qu'à cette condition que l'OFAC pourra être en mesure d'interpréter correctement les documents mentionnés par le règlement CEE 2407/92 et de prendre les mesures adéquates.

Enfin, la CdG-E est d'avis qu'il est indispensable de prévoir des exigences particulières en matière d'obligation d'annoncer. Les entreprises de transport aérien doivent être tenues d'annoncer leurs difficultés financières à l'autorité de surveillance.

Le Conseil fédéral doit définir les critères de cette obligation (comme le rapport entre les fonds propres et les fonds étrangers).

4926

Recommandation 2: Renforcement de la surveillance en matière de capacité économique des entreprises aériennes La CdG-E invite le Conseil fédéral à créer les conditions permettant une surveillance approfondie de la capacité économique des entreprises aériennes. Il faut enjoindre à l'OFAC de modifier sa pratique actuelle. Ses compétences spécifiques doivent être renforcées pour lui permettre d'évaluer la capacité économique des entreprises aériennes. Il convient en outre d'imposer à ces dernières des obligations d'annoncer spécifiques en cas de difficultés financières.

Il est vrai qu'avec l'entrée en vigueur des Accords bilatéraux au 1er juin 2002 et l'applicabilité immédiate du règlement CEE 2407/92, la clarification du droit suisse en matière de surveillance de la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation devient superflue. Pour des raisons de transparence et de sécurité du droit, il faudrait tout de même que la LA renvoie aux exigences du règlement CEE 2407/92 en matière de capacité économique.

Motion 1: Renvoi de la loi fédérale sur l'aviation aux dispositions du droit communautaire La CdG-E charge le Conseil fédéral de présenter au Parlement un projet de révision de l'art. 27, al. 2, let. c, de la loi sur l'aviation. L'article révisé doit renvoyer aux exigences du règlement CEE 2407/92 en matière de capacité économique.

Au sujet de la surveillance exercée par l'OFAC sur Swissair au cours des années 2000/2001: En 2000/2001, conformément à la pratique et à la situation juridique décrites cidessus, l'OFAC a contrôlé la capacité économique de Swissair avec retenue et uniquement dans l'optique de la sécurité des transports aériens. Il faut en outre relever que la forme de holding de SAirGroup a rendu difficile l'évaluation de la capacité économique de Swissair. Pour la surveillance des sociétés de transport aérien incorporées dans un groupe, la CdG-E conseille à l'OFAC d'examiner sa pratique en matière de déclarations de soutien et à se baser sur ses propres évaluations des groupes concernés ou à exiger des garanties juridiquement contraignantes (voir point 3.6.1.2). En ce qui concerne l'intégration de Swissair dans SAirGroup à l'échelon d'une simple filiale de SAirLines telle qu'elle a eu lieu en 1997, la CdG-E estime que le DETEC et l'OFAC n'ont pas accompagné ce processus
de manière suffisamment critique.

La CdG-E ne croit pas que les dispositions légales ou les circonstances de l'époque auraient permis à l'OFAC de refuser le renouvellement de l'autorisation d'exploitation en décembre 2000. Une surveillance plus étroite de la capacité économique aurait en revanche pu amener l'OFAC à ne renouveler l'autorisation de Swissair que sous réserve, pour une durée limitée, c'est-à-dire jusqu'à ce que les informations complémentaires sur les exercices 2000 et 2001 soient disponibles.

4927

En raison de l'absence de critères relatifs au retrait en général, il aurait été difficile, tant d'un point de vue juridique que politique, de justifier le retrait de l'autorisation d'exploitation de Swissair durant la phase de détérioration de la situation de SAirGroup au cours de 2001. La CdG-E est d'avis qu'un retrait immédiat pour raisons économiques n'est pas possible et serait interprété comme un abus de pouvoir de l'OFAC. Une autorité de surveillance ne saurait être à l'origine d'une immobilisation impromptue des services de vol d'une entreprise aérienne. De l'avis de la CdG-E, c'est avec raison que, après le week-end des 29 et 30 septembre 2001, l'OFAC a renoncé à ordonner la cessation de l'exploitation aérienne. Il est également compréhensible que l'OFAC ne pouvait pas réduire à néant les efforts de sauvetage entrepris par les banques et par le Conseil fédéral auquel il est hiérarchiquement subordonné. Au cours de la période antérieure, l'OFAC avait considéré, pour les raisons exposées ci-dessus (voir point 3.6.2.1), que la condition de la capacité économique suffisante était remplie, ce que la CdG-E peut comprendre étant donné les circonstances. La pratique de l'OFAC en ce qui concerne la capacité économique de Swissair était empreinte de retenue. De plus, l'avis largement répandu selon lequel il était impensable que Swissair puisse disparaître devait également régner au sein de l'OFAC.

La CdG-E estime que le Conseil fédéral doit définir des critères et des procédures pour le cas où une entreprise aérienne titulaire d'une autorisation d'exploitation ne parviendrait plus à rendre vraisemblable qu'elle est en mesure de faire face à ses obligations75. Cela est d'autant plus important que chaque retrait de l'autorisation d'exploitation équivaut pour l'entreprise concernée à une immobilisation de sa flotte ordonnée par les autorités. Le Conseil fédéral doit également définir les mesures qui doivent être prises dans le cadre de l'exercice de la surveillance avant de pouvoir procéder au retrait de toute autorisation d'exploitation (notamment l'octroi d'un délai supplémentaire pour régulariser la situation). En tout état de cause, l'entreprise concernée et ses clients doivent pouvoir prévoir le retrait de l'autorisation de manière à ce que la flotte puisse être immobilisée dans des conditions
réglées.

Recommandation 3: Précisions quant au retrait de l'autorisation d'exploitation La CdG-E invite le Conseil fédéral à définir des critères et une procédure adéquats et précis permettant à l'OFAC de prendre des mesures lorsqu'une entreprise aérienne ne parviendrait plus à rendre vraisemblable qu'elle est en mesure de faire face à ses obligations. Il doit en particulier préciser les conditions et les diverses étapes de la procédure menant au retrait de l'autorisation d'exploitation.

Au sujet des conflits d'intérêts et des imbrications personnelles entre l'OFAC et les entreprises aériennes soumises à sa surveillance: C'est avant tout le Parlement qui a régulièrement souligné les possibles conflits d'intérêts entre l'OFAC et le BEAA, d'une part, et les entreprises aériennes soumises à leur surveillance, d'autre part. Cela a déjà conduit à des expertises externes, mais aucune n'a encore aboutit à la formulation de reproches concrets à l'encontre de l'OFAC ou du BEAA. En revanche, ces investigations ont conduit à la révision 75

Voir la note de bas de page 41.

4928

de dispositions légales et à des adaptations au niveau de l'organisation de la surveillance exercée par l'OFAC et le BEAA. L'examen de la CdG-E a montré que diverses mesures ont été prises pour éviter d'éveiller toute suspicion de partialité en ce qui concerne l'exercice de la fonction de surveillance. Le rapport d'expertise du 2 septembre 2002 indique que le réexamen de cette question n'a pas révélé d'imbrications personnelles problématiques. La CdG-E est toutefois consciente qu'en Suisse, l'étroitesse du marché du travail et la concentration des connaissances professionnelles dans le domaine de l'aviation sont telles que le risque de conflits d'intérêts doit absolument être pris au sérieux. Le contrôle permanent de la surveillance sur l'aviation civile doit donc régulièrement intégrer cette problématique.

Le DETEC doit tout particulièrement tenir compte de ce domaine sensible dans le cadre de sa responsabilité hiérarchique.

Recommandation 4: Examen régulier des conflits d'intérêts potentiels par le DETEC Dans le cadre de sa responsabilité hiérarchique, le DETEC doit examiner à intervalle régulier si l'OFAC et le BEAA ont assumé leurs tâches auprès des entreprises aériennes en étant libres de toute imbrication personnelle.

Au sujet de l'effectif de l'OFAC: Les conditions cadre de la sécurité aérienne suisse sont comparables à celles des autorités étrangères correspondantes. La question de savoir si les ressources en personnel des autorités aéronautiques sont suffisantes pour garantir une surveillance de qualité, donc élevée, se pose à l'étranger comme en Suisse. L'OACI constate un manque généralisé de ressources dans ce domaine. L'effectif serré, voire insuffisant de l'OFAC a aussi fait l'objet de discussions au sein de la Confédération. La CdG-E estime qu'il est donc nécessaire que le Conseil fédéral réexamine de manière fondamentale les ressources de l'OFAC. La charge de travail actuelle des collaborateurs de l'OFAC doit être analysée et des mesures devront être prises afin de garantir un haut niveau de sécurité.

Recommandation 5: Analyse de l'effectif de l'OFAC La CdG-E invite le Conseil fédéral à réexaminer l'effectif de l'OFAC tant du point de vue quantitatif que qualitatif et à prendre les mesures qui s'imposent pour garantir un haut niveau de sécurité de l'aviation civile.

Au sujet
d'autres questions relatives à la loi fédérale sur l'aviation: La CdG-E se pose la question de savoir si la répartition des compétences entre le DETEC et l'OFAC en matière d'autorisations d'exploitation et de concessions de routes est encore judicieuse (voir point 3.4.2.6). En pratique, cette répartition n'a pas beaucoup de sens puisque, dans le domaine des concessions de routes, c'est également l'OFAC qui dispose des compétences techniques et qui prépare l'octroi des concessions. Du point de vue de la CdG-E, cette répartition des compétences s'explique par des raisons historiques, notamment par le fait que c'est au moyen des 4929

concessions de routes que le DETEC a défini la politique des transports aériens. Il faut se poser la question de savoir si cette manière de faire est encore judicieuse aujourd'hui. En effet, il n'est plus nécessaire d'octroyer de concessions de routes pour les lignes en provenance et à destination des pays de l'UE puisque, en vertu du règlement CEE 2408/92, toute entreprise disposant d'une autorisation d'exploitation a droit à de telles concessions.

Si le Conseil fédéral devait s'en tenir à la réglementation actuelle et continuer de lier l'octroi d'une concession de route aux obligations d'exploiter et de transporter, le DETEC devrait alors aussi s'occuper de la capacité économique des sociétés de transport aérien titulaires d'une telle concession. Les concessionnaires doivent disposer d'une capacité économique suffisante pour assurer le transport de personnes et de marchandises. Bien que les obligations d'exploiter et de transporter ne concernent aujourd'hui que deux entreprises sur plus de 80 entreprises aériennes sises en Suisse, le DETEC doit être conscient des charges liées à cette tâche.

Postulat 1: Examen de la compétence en matière de concessions de routes La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions de la loi fédérale sur l'aviation relatives à la compétence en matière d'octroi de concessions de routes et à présenter ses conclusions dans un rapport.

Il faut également se pencher sur l'actuelle réglementation relative à l'autorisation d'exploitation selon les art. 27, al. 3, LA et 101 OSAv. Selon le droit en vigueur, cette autorisation est délivrée pour une durée déterminée et peut être renouvelée sur demande. Le règlement CEE 2407/92 permet certes au droit national de prévoir le renouvellement des autorisations, mais il ne contient aucune disposition concernant la limitation de la durée de validité ou le renouvellement. Comme les conditions opérationnelles, techniques et économiques doivent être remplies pendant toute la durée de validité de l'autorisation d'exploitation, la limitation de sa durée de validité n'a guère de sens. Il est donc indispensable de se poser la question de la pertinence de ce régime d'autorisations renouvelables.

Si le Conseil fédéral décide de maintenir le système des autorisations d'exploitation renouvelables, il faut alors préciser les critères de contrôle de la capacité économiques appliqués à leur renouvellement au sens du règlement CEE 2407/92.

4930

Postulat 2: Examen des dispositions relatives à la limitation de la durée de validité de l'autorisation d'exploitation La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions du droit aérien relatives à la limitation de la durée de validité et au renouvellement de l'autorisation d'exploitation et à présenter ses conclusions dans un rapport.

4

La gestion de la crise de Swissair par le Conseil fédéral et l'administration fédérale

Dans ce chapitre, la CdG-E montre le rôle des autorités fédérales concernées avant et plus particulièrement durant la crise de SAirGroup et de Swissair du printemps 2001 (éclatement de la crise financière et de direction) à mi-novembre 2001 (création d'une nouvelle compagnie aérienne nationale). Elle évalue comment le Conseil fédéral a exercé les droits que la Confédération détient en sa qualité d'actionnaire et de membre du conseil d'administration de SAirGroup, comment les autorités fédérales ont identifié et évalué la crise et comment elles se sont comportées durant celle-ci. La CdG-E s'est en outre particulièrement intéressée à la manière dont le Conseil fédéral et l'administration fédérale ont géré la crise lors de l'immobilisation de la flotte Swissair et, partant, à la question de savoir si les autorités fédérales sont d'une manière ou d'une autre (co)responsables de l'interruption du service aérien qui s'en est suivie les 2 et 3 octobre 2001.

4.1

Vue d'ensemble du rôle de la Confédération au cours de la crise

Au début 2001, lorsque le grand public a pris conscience de la crise financière et des problèmes de direction de SAirGroup, la Confédération n'avait plus les mêmes rapports avec Swissair que ceux qu'elle entretenait encore quelques années plus tôt.

Il est nécessaire de les décrire brièvement pour pouvoir comprendre le comportement de la Confédération et le rôle qu'elle a joué lors de cette crise.

Le 9 avril 1997, suite à la restructuration de Swissair et à la création d'une société holding, le Conseil fédéral a décidé de concentrer la participation de la Confédération sur SAirGroup. La nouvelle loi fédérale sur l'aviation76 a fondamentalement modifié les rapports entre Swissair et la Confédération. La concurrence a remplacé la situation de monopole avec une compagnie aérienne nationale. Partant, les imbrications entre la Confédération et Swissair ont été supprimées. Ainsi, le conseil d'administration de SAirGroup ne comptait plus de représentant de la Confédération

76

La révision a été effectuée dans le contexte du courant de libéralisation en Europe et de la décision de Swissair de déplacer la plus grande partie de ses vols intercontinentaux desservant Genève vers Zurich. La révision de la loi fédérale sur l'aviation avait pour but d'ouvrir le marché. Elle est entrée en vigueur le 15 novembre 1998.

4931

depuis le printemps 199977. Après le retrait des deux représentants du conseil d'administration et en raison du peu d'importance de la participation de la Confédération au capital-actions, l'influence directe de celle-ci sur SAirGroup était très limitée. Au moment du déclin de Swissair, la Confédération possédait tout de même un peu plus de 3 % du capital-actions de SAirGroup, ce qui en faisait l'un des plus importants actionnaires individuels avec le canton de Zurich. Il était question de vendre la participation de la Confédération. En 2000, l'AFF avait examiné cette possibilité. Cela étant, en automne 2000, le DFF et le DETEC ont estimé qu'une telle décision n'était pas opportune. L'avenir de SAirGroup paraissait en effet incertain. Le cours de l'action subissait de fortes pressions. Le DFF était d'avis que la vente des actions de la Confédération aurait été interprétée comme de la méfiance envers la stratégie du groupe et il craignait d'influencer négativement le cours en bourse de l'action78. Avec le recul, le DFF estime que, dans ces conditions, la Confédération aurait même pu se voir reprocher la débâcle Swissair.

Ce n'est qu'au début de 2001 que, en tant qu'actionnaire minoritaire qualifié, la Confédération a été confrontée à la délicate situation financière de SAirGroup. Lors de l'assemblée générale ordinaire de SAirGroup du 25 avril 2001, c'est le DFF qui exerçait les droits d'actionnaire de la Confédération et demandait l'institution d'un contrôle spécial. Cela étant, la Confédération a accordé sa confiance à la nouvelle direction en avril 2001 et indiqué qu'elle était prête à croire à un assainissement de l'entreprise.

En automne 2001, alors que SAirGroup se trouvait dans une situation financière sans issue, la Confédération s'est peu à peu mise à assumer les tâches d'une gestion de crise. Ce rôle s'est développé graduellement. Au début septembre encore, le Conseil fédéral ne voulait rien savoir d'une quelconque aide financière de l'Etat. En réponse à une interpellation79 et dans un communiqué de presse publié à cet égard, le Conseil fédéral était d'avis que SAirGroup était en mesure de maîtriser la situation par ses propres moyens. C'était d'ailleurs également la conviction des dirigeants de SAirGroup qui voulaient assainir le groupe sans aide de l'Etat. Les facilités de crédit,
souvent mentionnées publiquement, accordées par trois banques pour un montant total d'un milliard de francs ont conforté le Conseil fédéral dans son opinion. Le Conseil fédéral ignorait les conditions de ces crédits jusqu'au moment où la crise a pris de l'ampleur, c'est-à-dire après mi-septembre 2001.

Lorsque, le 17 septembre 2001, la direction de SAirGroup a expressément demandé l'aide de l'Etat et laissé entendre qu'à défaut de recapitalisation, l'entreprise pourrait se trouver en situation de cessation de paiement à très court terme, le DFF et le DETEC, délégués par le Conseil fédéral, se sont entretenus avec la direction de SAirGroup et des représentants des milieux économiques. Le Conseil fédéral a par la suite accepté de participer à une recapitalisation sous certaines conditions. La ques77

78 79

À partir de ce moment, la représentation de la Confédération s'est réduite à une représentation au sein du conseil consultatif créé dans le but de défendre les intérêts des institutions publiques et privées partenaires de SAirGroup et d'exercer une fonction consultative dans les prises de décision de l'entreprise. Les représentants de la Confédération étaient uniquement chargés de défendre les intérêts de celle-ci en matière de politique des transports. Le conseil consultatif n'avait pas pour mission de contrôler le conseil d'administration et la direction de SAirGroup.

Voir le message du Conseil fédéral concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001, FF 2001 6091.

Interpellation Grobet du 22 juin 2001: Quel avenir pour Swissair?, 01.3408.

4932

tion de l'assainissement de SAirGroup a été discutée. Cette option s'est toutefois révélée irréalisable. Ce n'est qu'après l'interruption du service aérien les 2 et 3 octobre 2001 que la Confédération a assumé un rôle prépondérant dans la gestion de la crise. En plus de l'engagement financier en faveur du maintien d'un service aérien réduit, le Conseil fédéral a institué une task force «pont aérien»80 le 5 octobre 2001. C'est à partir de la mise sur pied de cette task force qu'une véritable gestion de crise a été instituée et qu'il a été possible d'instaurer une communication entre les différents milieux concernés. La task force était chargée de vérifier que les prêts accordés étaient bien utilisés conformément à leur but et d'assurer le controlling et la surveillance des liquidités de Swissair et des sociétés connexes vitales pour l'exploitation aéroportuaire. Elle devait en plus accompagner la mise en place du projet «Phoenix», qui consistait à rendre son indépendance à la filiale Crossair du groupe, à la structurer et à la capitaliser de façon à la rendre apte à reprendre une partie des activités de vol de Swissair. En plus de son rôle dirigeant dans certains domaines particuliers de la task force, la Confédération a entrepris de diriger, de planifier et de coordonner la création d'une nouvelle compagnie aérienne suisse.

La participation au capital de la nouvelle compagnie aérienne nationale pour un montant de 600 millions de francs permet à la Confédération d'être représentée au sein de son conseil d'administration. Cette représentation sera maintenue tant que la Confédération participera au capital de la nouvelle compagnie aérienne «Swiss» dans une mesure déterminante.

4.2

La défense des droits d'actionnaire de la Confédération et son rôle en tant que membre du conseil d'administration

4.2.1

Avant 2001

Après la réorganisation de Swissair décidée au printemps 1997, la Confédération a concentré sa participation financière sur la holding, SAirGroup, et était représentée au sein de son conseil d'administration. Au printemps 1999, en conséquence directe de la révision de la loi fédérale sur l'aviation, les deux représentants de la Confédération se sont retirés de ce conseil d'administration.

Selon les investigations de la CdG-E, il ne semble pas que la Confédération soit particulièrement intervenue entre 1997 et fin 2000 en sa qualité d'actionnaire de SAirGroup. Selon les indications du DFF et du DETEC, les représentants de la Confédération n'ont pas rencontré de difficultés particulières.

Du printemps 1997 au printemps 1999, le Conseil fédéral avait délégué deux représentants de la Confédération au sens de l'art. 762 CO au sein du conseil d'administration de SAirGroup, soit le secrétaire général du DETEC et le président de l'époque de la Direction générale des PTT. Le point fort de la mission confiée à ces deux représentants de l'Etat était de défendre les intérêts de la Confédération et des 80

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Département fédéral de justice et police (DFJP), le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), le seco, l'OFAC, les grandes banques (UBS et CSG), les cantons de Zurich, Bâle-Ville et Genève, les trois aéroports, les syndicats, Swissair, Crossair, ainsi que le commissaire au sursis concordataire étaient représentés au sein de cette task force dirigée par l'AFF.

4933

diverses parties du pays les plus concernées en matière de politique des transports aériens. Ces représentants ont tenu le chef du DETEC et le directeur de l'OFAC régulièrement informés des affaires traitées par le conseil d'administration de SAirGroup.

Les représentants de l'époque étaient d'avis que l'influence et les possibilités de contrôle effectives des membres du conseil d'administration n'appartenant pas au comité restreint du conseil d'administration étaient insuffisantes81. Ils estimaient que l'une des raisons principales était la taille trop importante du conseil d'administration de SAirGroup (20 membres), qui rendait les discussions plus difficiles. Dans les faits, en raison d'indiscrétions à l'échelon d'un si grand conseil, le traitement des affaires en tant que tel avait lieu au sein du comité restreint du conseil d'administration. C'est la raison pour laquelle, en été 1997, les représentants de la Confédération ont demandé que le conseil d'administration soit restructuré (taille et méthodes de travail)82. Cette restructuration n'a été achevée qu'en 1999. Elle a conduit à la réduction du nombre de membres du conseil d'administration à neuf personnes ainsi qu'à la suppression du comité restreint du conseil d'administration.

4.2.2

Appréciation de la situation par la Confédération au printemps 2001

SAirGroup ayant enregistré des pertes par milliards au cours de l'exercice 2000, le Conseil fédéral s'est vu contraint de préserver les droits détenus par la Confédération en sa qualité d'actionnaire. Il a donc pris un certain nombre de mesures et de décisions.

En avril 2001, l'AFF a procédé à une appréciation de la situation et a entrepris les travaux préparatoires en vue de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001. L'AFF a fait appel à la société BDO Visura qui a également conseillé la Confédération dans le secteur financier. Selon l'analyse de la société Visura du 11 avril 2001, SAirGroup était dans une situation extrêmement difficile. Visura n'excluait d'ailleurs pas qu'un important préjudice ­ également lourd de conséquences pour l'économie nationale ­ ait pu être causé. Toujours selon Visura, sans augmentation rapide des fonds propres dont le niveau était extrêmement bas, la survie de SAirGroup était gravement menacée. Visura avait d'ailleurs également présenté les besoins en financement des mois à venir tels qu'ils étaient connus à cette époque.

Pour Visura, la raison principale de cette évolution désastreuse était le résultat des développements défavorables non contrôlés des participations minoritaires. Celles-ci avaient été prises en application de la stratégie du chasseur mais n'avaient pas été inclues dans la consolidation. En raison de cette manière de faire, le bilan et le compte de résultats ne parvenaient pas à montrer la situation dans son intégralité. En ce qui concerne les liquidités, Visura s'est basée sur une affirmation du nouveau président-directeur général de SAirGroup selon lequel celles-ci ne posaient pas de problèmes. Visura a cependant souligné qu'une telle constatation ne pouvait être faite que dans la mesure où les banques avaient concrètement accepté de refinancer

81 82

Les représentants de la Confédération l'ont constaté dans une lettre du 4 juillet 1997 adressée au président du conseil d'administration de SAirGroup.

Idem.

4934

SAirGroup et que des engagements fermes d'apports de fonds propres soient très rapidement produits.83 Le DFF, le DETEC et le Département fédéral de l'économie (DFE) ont ensuite analysé la situation à partir de l'expertise de la société BDO Visura. Ils ont préparé les propositions du Conseil fédéral en vue de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 200184. Ils ont également constaté que SAirGroup, ancien fleuron du transport aérien, était devenu une entreprise en difficulté ayant besoin d'un assainissement urgent. Ces départements voyaient à ce moment déjà que la Confédération avait un intérêt public à une compagnie aérienne efficace, indépendante et financièrement saine, notamment au vu de l'importance qu'elle revêtait aussi bien pour l'économie que pour la politique des transports. La Confédération était également intéressée à obtenir des explications détaillées sur tous les aspects de la débâcle. La gravité de la situation avait aussi été reconnue: la volonté d'assurer des liquidités suffisantes a été jugée plus importante pour la survie à court terme du groupe que sa part de fonds propres. Les départements concernés et le Conseil fédéral étaient également conscients que la réussite de l'assainissement de SAirGroup dépendait du bon vouloir des banques. Une aide financière de transition devait permettre d'assurer la survie du groupe à court terme et lui donner ainsi le temps de trouver des solutions à moyen et à long termes (alliances, fusion, reprise).

Lors de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001, son présidentdirecteur général a confirmé que les banques allaient contribuer à l'assainissement du groupe. Le procès-verbal de l'assemblée soulignait en substance qu'il avait été possible de trouver un accord avec Citigroup, Credit Suisse First Boston (CSFB) et Deutsche Bank portant sur une ligne de crédit pour un montant d'un milliard de francs suisses permettant ainsi d'entreprendre l'assainissement du groupe sans porter atteinte aux liquidités85. De plus, le communiqué de presse de SAirGroup du 25 avril 2001 mentionnait lui aussi que les liquidités étaient assurées par une nouvelle ligne de crédit pour un montant d'un milliard de francs accordée par Citibank, CSFB et Deutsche Bank. Ni le procès-verbal ni le communiqué de presse ne mentionnaient cependant que le contrat relatif à ce crédit n'était pas encore parfait (il ne l'est devenu que le 11 juillet 2001) et qu'il était de surcroît lié à certaines conditions86.

83 84 85 86

Indications tirées d'un rapport confidentiel du 11 avril 2001 établi par la société BDO Visura à l'intention de l'AFF.

Proposition des DFF, DFE et DETEC au Conseil fédéral du 17 avril 2001.

Procès-verbal de la 75e assemblée générale ordinaire des actionnaires de SAirGroup du 25 avril 2001 (ce document n'existe qu'en allemand), p. 23.

Les trois conditions principales étaient: 1) Un nouveau business plan devait être établi en date de la demande de crédit. 2) Les processus de vente des actifs de SAirGroup devaient avoir été préparés de manière à ce que l'actif réalisable puisse servir de gage.

3) L'abandon des participations françaises et belges devait être réglé à la satisfaction des trois banques.

4935

4.2.3

L'exercice des droits d'actionnaire lors de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001

Lors de la préparation de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001, le Conseil fédéral a examiné s'il y avait des indices permettant de penser que les organes de la société avaient manqué à leurs devoirs. L'aggravation marquée des comptes de l'exercice 2000 du groupe était due à la sous-estimation des risques liés aux participations à des compagnies aériennes étrangères. Le Conseil fédéral s'est posé la question de savoir si, lors des prises de participations minoritaires dans des sociétés non rentables, le conseil d'administration avait fait preuve de toute la diligence nécessaire au sens des art. 717 et 754 s. CO. Pour les départements ayant préparé l'assemblée générale du 25 avril 2001 (DFF, DFE et DETEC), la responsabilité ne découlait pas de la stratégie du chasseur en tant que telle, mais de sa mise en oeuvre au cours de l'exercice 2000. Pour ceux-ci, la passivité du conseil d'administration, particulièrement lors de la seconde moitié de l'exercice 2000, semblait indiquer un manquement aux devoirs. Le 18 avril 2001, le Conseil fédéral a décidé qu'il n'accepterait pas de voter la décharge au conseil d'administration étant donné que la violation d'obligations légales ne pouvait être exclue. Il a cependant continué d'accorder sa confiance au président du conseil d'administration alors en fonction.

En cette même date, le Conseil fédéral a également donné des instructions au sujet des autres points à l'ordre du jour (tels que les élections au conseil d'administration) et a chargé le DFF d'examiner s'il était opportun d'engager une action en responsabilité contre les organes de SAirGroup.

La Confédération a aussi fait usage de son droit d'obtenir des renseignements dans la perspective de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001. Le 19 avril 2001, l'AFF agissant au nom de la Confédération a adressé un important catalogue de questions critiques à SAirGroup. Ces questions portaient sur la stratégie du chasseur, sur les options put et call et les autres risques financiers, sur le respect du règlement d'organisation, sur les indemnités de départ, sur les couvertures responsabilité civile, sur la consolidation des participations, sur les engagements de SAirGroup en matière d'augmentation des participations, sur les liquidités ainsi que sur d'autres questions liées à la présentation
des comptes. Lors de l'assemblée générale, SAirGroup a répondu à ces questions par oral et par écrit.

À cette occasion également, la Confédération a proposé l'institution d'un contrôle spécial. Cette décision a été prise d'une part parce que SAirGroup n'a pas répondu à toutes les questions de manière satisfaisante et, d'autre part, « en raison des énormes difficultés économiques et financières, de la rapidité de l'aggravation de la situation financière et de l'importance d'une transparence la plus complète possible pour la question des responsabilités »87. La majorité des actionnaires a accepté de donner suite à cette proposition ainsi qu'à celle du canton de Zurich. Les réponses de SAirGroup aux questions du catalogue ont ensuite été analysées en détail par Visura et l'AFF. Visura a ainsi pu préparer les questions principales du point de vue de la présentation des comptes, qu'il y avait lieu d'examiner plus à fond dans le cadre du contrôle spécial. Le 23 mai 2001, sur la base de ces analyses, la Confédération et le 87

Procès-verbal de la 75e assemblée générale ordinaire des actionnaires de SAirGroup du 25 avril 2001 (ce document n'existe qu'en allemand), p. 18.

4936

canton de Zurich ont demandé au juge de désigner un contrôleur spécial en vertu de l'art. 697a, al. 2, CO. Par décision du 20 juillet 2001, le Tribunal du district de Zurich a défini les questions sur lesquelles l'examen spécial effectué auprès de SAirGroup par Ernst & Young SA pouvait porter88.

Au printemps 2001 déjà, le Conseil fédéral avait souligné qu'il souhaitait obtenir des explications détaillées sur la débâcle de SAirGroup, non seulement du fait de la position de la Confédération, qui détient 3 % du capital-actions de SAirGroup, mais également en raison de l'intérêt que représente une compagnie aérienne nationale efficace, indépendante et financièrement saine au vu de son importance pour l'économie et la politique des transports89.

4.3

Les réactions du Conseil fédéral et de l'administration fédérale lors de l'aggravation de la crise de SAirGroup en automne 2001

4.3.1

La position politique du Conseil fédéral au début de la crise

Au cours de l'été 2001 déjà, des interventions parlementaires ont rendu le Conseil fédéral attentif aux conséquences catastrophiques d'une éventuelle faillite de SAirGroup. Ces interventions demandaient également au Conseil fédéral ce qu'il pensait entreprendre pour sauver Swissair. Au Parlement, certaines voix se sont élevées pour demander au Conseil fédéral s'il était disposé à contribuer à la recapitalisation de SAirGroup.

Au début du mois de septembre, informé de la situation critique de SAirGroup et conscient de l'importance économique essentielle pour la Suisse de Swissair et de l'aéroport de Zurich, le Conseil fédéral estimait encore qu'il n'appartenait à la Confédération ni d'assainir, ni de subventionner SAirGroup avec l'argent des contribuables90. Le Conseil fédéral estimait que l'octroi d'une éventuelle aide étatique à Swissair serait problématique, ne serait-ce qu'en regard du droit international. Dans un communiqué de presse du 5 septembre 2001, le DFF relevait que l'Accord de libre-échange de 1972 interdit toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises. Dans sa réponse à une interpellation, en se référant à la conviction des dirigeants de SAirGroup, le Conseil fédéral déclarait être confiant dans la capacité de l'entreprise de maîtriser la situation par ses propres moyens91.

88

89 90 91

N. B.: Un contrôle spécial ne permet d'examiner que des faits. Les questions de droit et les décisions discrétionnaires des organes de la société ou les questions relatives à l'opportunité et à la pertinence de décisions d'affaires ne peuvent faire l'objet d'un contrôle spécial.

Voir le communiqué de presse du DFF du 19 avril 2001.

Voir l'interpellation du groupe socialiste du 22 mars 2001: Crise de SAirGroup, 01.3186.

Voir l'interpellation Grobet du 22 juin 2001: Quel avenir pour Swissair?, 01.3408.

4937

4.3.2

Les appels à l'aide de SAirGroup et les réactions du Conseil fédéral

Le 17 septembre 2001, le président-directeur général et la responsables des finances de SAirGroup se sont adressés au chef du DFF pour lui exposer la situation. Le groupe risquait de devenir insolvable dès le début du mois d'octobre 2001. SAirGroup avait besoin d'un milliard de francs pour assurer ses liquidités et d'une massive injection de fonds propres de 4 milliards de francs pour sa recapitalisation.

L'entreprise a présenté les diverses options qui lui restaient et les conséquences en découlant (de la vente du groupe jusqu'au sursis concordataire en passant par une recapitalisation). SAirGroup était d'avis que seule une garantie de la Confédération pour un montant d'un milliard de francs lui aurait permis d'envisager une recapitalisation.

À ce moment-là, le chef du DFF a regretté qu'aucun concept d'assainissement et de restructuration clair ne lui ait été remis. La position initiale de la Confédération sur une possible intervention de l'Etat commençait toutefois à évoluer comme les réponses du Conseil fédéral aux interventions parlementaires le montraient92. Le 21 septembre 2001, le Conseil fédéral fixait les conditions pour un engagement de la Confédération: cet engagement devait notamment permettre de sauver Swissair à long terme, il devait être subordonné à l'initiative des milieux économiques, il devait respecter la disposition de l'art. 102 LA93, il devait être axé sur l'intérêt général et exiger des efforts de tous les concernés (symétrie des sacrifices) et il devait être limité dans le temps. À cette même occasion, le Conseil fédéral a désigné une délégation constituée des chefs respectifs du DETEC et du DFF et chargée de préparer les décisions.

Lorsque la délégation du Conseil fédéral a rencontré des représentants de SAirGroup ainsi que l'ancien conseiller national Ulrich Bremi le 22 septembre 2001, SAirGroup a une fois encore demandé à la Confédération un soutien sous forme de garanties pour un montant qui atteignait alors au moins 1,5 milliard de francs. Le chef du DFF n'était toujours pas en possession d'un concept global d'assainissement et de restructuration. C'est également en raison de l'absence de base légale que les chefs respectifs du DFF et du DETEC ont refusé l'octroi de crédits en tant que garanties non définies ou injection de liquidités. M. Bremi s'est dès lors engagé
pour que tous les acteurs de SAirGroup participent à l'assainissement général du groupe.

Le 24 septembre 2001, l'AFF a confié à la société BDO Visura le mandat de l'assister et de la conseiller lors des discussions à venir portant sur l'assainissement de SAirGroup. Dans son rapport du 27 septembre 2001, Visura a analysé les diverses variantes en discussion. Elle a cependant expressément souligné que, du fait que SAirGroup n'avait pas fourni de justificatifs au sujet des besoins effectifs, elle n'était pas en mesure de se prononcer sur l'ampleur de l'assainissement nécessaire.

Cela étant, au vu du manque de temps et des risques potentiels, Visura a estimé que 92

93

Voir l'interpellation urgente Lombardi du 18 septembre 2001: Situation de Swissair, 01.3446; interpellation urgente Leutenegger Oberholzer du 18 septembre 2001: Avenir de Swissair, 01.3443.

L'art. 102 LA permet à la Confédération de participer au capital d'entreprises de transport aérien si l'intérêt général le justifie. Il n'existe en revanche aucune base légale réglementant les autres formes de subvention telles que les contributions à fonds perdu, les prêts, les garanties ou les cautionnements.

4938

l'assainissement intégral de SAirGroup était un scénario irréaliste. Elle a donc conseillé à la Confédération d'inciter SAirGroup à élaborer des variantes prévoyant la création d'une société de reprise pour les activités de Swissair.

Jusqu'au 29 septembre 2001, les discussions portaient sur le sauvetage de Swissair dans le cadre d'une restructuration et d'une recapitalisation de SAirGroup dans son intégralité. Ce n'est que le 28 septembre 2001, lors de la séance du groupe de travail dirigée par Ulrich Bremi, que l'ampleur des assainissements nécessaires est pour la première fois apparue de manière relativement claire. Les évaluations du moment montraient qu'il aurait fallu 7 à 8 milliards de francs pour restructurer et refinancer SAirGroup.

Le 30 septembre 2001, des représentants de SAirGroup, de Crossair et du CSG ont informé les représentants du Conseil fédéral de la situation économique de SAirGroup. Selon ces informations, SAirGroup se trouvait à ce moment-là déjà en situation d'insolvabilité. D'après ces estimations, l'assainissement du groupe aurait coûté de 8 à 9 milliards de francs. Force a été de constater que cette solution était irréaliste. Au cours de cette même séance, les représentants du Conseil fédéral ont également été rendus attentifs aux conséquences négatives d'un arrêt du service aérien de Swissair. Un modèle de nouvelle compagnie aérienne internationale opérant à partir du territoire suisse («New Swiss Air Lines» ou «New Crossair») a été présenté à cette occasion. Les défenseurs de ce modèle attendaient de la Confédération qu'elle y participe pour 500 millions de francs afin de garantir le transfert du service aérien de Swissair à Crossair. Après une séance téléphonique avec les autres membres de l'exécutif, les chefs respectifs du DFF et du DETEC ont annoncé que le Conseil fédéral renonçait à accorder un crédit en raison de l'absence de base juridique et qu'il ne pouvait de toute manière pas cautionner une solution dans laquelle la Confédération devait à elle seule supporter toutes les charges héritées du passé alors que les banques investissaient pour l'avenir. Ils ont en revanche proposé que la Confédération rachète la participation de SAirLines au capital de Crossair afin d'assurer l'exploitation de Swissair et des sociétés connexes vitales pour l'exploitation aéroportuaire
jusqu'à la mise en place de la nouvelle solution. Le Conseil fédéral n'a pas reçu de réponse à cette proposition.

À l'issue de cette rencontre, les représentants des milieux économiques se sont retirés pour analyser les approches esquissées de manière plus approfondie. Il n'était plus question d'assainir SAirGroup dans son intégralité. Le but était maintenant de maintenir un service aérien international opérant depuis la Suisse (pour plus de détails, voir les sections 6.2 et 6.3 ci-après).

4.3.3

Les tentatives des autorités fédérales en vue d'éviter l'interruption du service aérien de Swissair

C'est à partir du 1er octobre 2001, lorsqu'il a eu connaissance du document intitulé «Term Sheet Projekt Phoenix» (liste de conditions «Phoenix»), que le DFF a fourni les premiers efforts en vue d'éviter l'interruption du service aérien de Swissair. La liste de conditions «Phoenix», basée sur le projet «New Crossair», avait été élaborée par les banques et SAirGroup dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 2001 (à ce sujet, voir la section 6.2 et le ch. 6.3.1 ci-après). Le projet «Phoenix» était lié à la condition que, à partir du 3 octobre 2001, les moyens provenant de la vente des 4939

actions Crossair aux grandes banques ne devaient plus servir au maintien du service aérien de Swissair. Pour le DFF, cette clause comportait un risque important: l'ensemble des avions de la flotte de Swissair risquait en effet d'être cloué au sol à partir du 3 octobre 2001 (et cela jusqu'à la reprise sélective des avions par Crossair et jusqu'à l'octroi de la concession à cette même Crossair)94.

Le 1er octobre 2001, le DFF avait indiqué au Conseil fédéral que le projet «Phoenix» des banques comportait un risque non négligeable d'une immobilisation prématurée de la flotte de Swissair. Etant donné les implications politiques et économiques catastrophiques d'une telle extrémité, le DFF estimait qu'il fallait l'éviter dans la mesure du possible95. Pour ce dernier, les problèmes principaux résidaient dans l'augmentation considérable des besoins en liquidités de Swissair (les prestations fournies à une société en liquidation le sont contre paiement au comptant ou sont facturées à l'avance), ainsi que dans les questions juridiques liées au transfert en temps utile des autorisations de Swissair à Crossair. Le DFF a bien compris l'importance cruciale de la continuité de l'exploitation, ne serait-ce qu'au vu des titres de transport émis et déjà encaissés par Swissair pour un montant d'environ un milliard de francs. Selon le DFF, la situation ­ critique du point de vue économique, mais surtout explosive du point de vue politique ­ ne laissait rien présager de bon pour le démarrage de la nouvelle Crossair. Vu l'état de la situation, le DFF a proposé au Conseil fédéral de maintenir le service aérien de Swissair jusqu'à la mise en place de la nouvelle solution au moyen d'un prêt de 100 à 125 millions de francs en vertu de l'art. 101 LA. Le DFF proposait également d'octroyer ce prêt uniquement à la condition que les deux grandes banques participent aussi aux coûts découlant du maintien du service aérien de Swissair.

Le chef du DFF a présenté cette offre de financement transitoire du service aérien de Swissair au président de conseil d'administration de l'UBS l'après-midi du 1er octobre 2001 déjà (naturellement sous réserve d'approbation par le Conseil fédéral). L'UBS n'est pas entrée en matière sur cette proposition. Elle ne voulait et ne pouvait pas libérer plus de moyens pour le maintien du service aérien de
Swissair. Etant donné qu'il était prévu d'entamer une procédure de sursis concordataire, ces injections auraient dû être amorties en tant que contributions à fonds perdu. Le chef du DFF a demandé à l'UBS de réexaminer cette proposition et de donner une réponse avant la séance du Conseil fédéral qui devait avoir lieu le soir même.

L'UBS a maintenu son refus, ce qu'un collaborateur n'a communiqué au chef du DFF qu'après la séance du Conseil fédéral.

La question du risque d'une interruption passagère du service aérien de Swissair a été l'un des sujets principaux traités lors de la séance du Conseil fédéral qui s'est tenue au soir du 1er octobre 2001. Le Conseil fédéral a décidé de renoncer à l'acquisition des actions Crossair puisque les banques étaient disposées à les reprendre. Le Conseil fédéral attendait en outre que les banques et les responsables du service aérien prennent les mesures nécessaires pour que, malgré la procédure concordataire, Swissair puisse continuer de voler jusqu'à ce que la nouvelle société soit en mesure d'assurer la reprise de l'exploitation des lignes les plus importantes96. Il a exprimé cette attente dans le communiqué de presse du DFF du 1er octobre 2001.

94 95 96

Note de discussion du DFF du 1er octobre 2001 établie à l'intention du Conseil fédéral.

Idem.

Arrêté du Conseil fédéral du 1er octobre 2001.

4940

Le 2 octobre 2001 au matin, le DFF a continué de chercher une solution permettant d'éviter l'immobilisation de la flotte en tentant notamment de contacter l'UBS et, pour la première fois, le CSG. Alors que l'UBS campait sur ses positions, le CSG aurait spontanément contribué à une solution de financement transitoire. À la demande du CSG, les grandes banques se sont déclarées d'accord d'assurer le service aérien avec les moyens prévus par les conditions du projet «Phoenix» jusqu'au 5 octobre 2002 (soit deux jours de plus que ce qui avait été prévu à l'origine). À partir de ces informations, le chef du DFF a admis que Swissair disposait des liquidités nécessaires pour assurer son service aérien jusqu'au 5 octobre 2001. Comme chacun le sait, le 2 octobre 2001, la direction de SAirGroup a tout de même décidé d'immobiliser sa flotte (cette immobilisation passagère a pris fin le 4 octobre 2001).

Pour une description plus détaillée des événements du 2 octobre 2001, voir les sections 6.2 et 6.3 ci-après.

4.3.4

Le rôle du Conseil fédéral avant l'immobilisation de la flotte de Swissair: bilan intermédiaire

Le Conseil fédéral a longtemps fait preuve de retenue pour ce qui est d'une participation de la Confédération à l'assainissement de SAirGroup. Les chefs respectifs du DETEC et du DFF ainsi que le Conseil fédéral ont répondu négativement aux demandes de garanties répétées de SAirGroup. Ni les conditions que le Conseil fédéral avait fixées pour un engagement de la Confédération ni les bases légales ne permettaient d'engager des fonds publics dans l'assainissement de SAirGroup. En outre, l'incertitude a longtemps régné sur les moyens nécessaires à un tel assainissement. Ce n'est qu'à la fin du mois de septembre 2001, lorsque le coût effectif d'un assainissement de SAirGroup dans son ensemble a enfin été connu, qu'il est clairement apparu qu'une telle opération n'était pas réaliste. Ce n'est donc qu'à partir de ce moment que la question du soutien de la Confédération au projet «New Crossair» s'est posée. Le but de ce projet était la reprise du service aérien de Swissair par Crossair et le dépôt d'une demande de sursis concordataire pour les secteurs surendettés. Dans ce cas, la Confédération aurait dû financer le service aérien de Swissair jusqu'au moment de son transfert, prévu pour fin octobre 2001 environ. Le Conseil fédéral a refusé d'accorder le crédit correspondant. Il a en revanche proposé de libérer des moyens financiers en rachetant les actions Crossair. Après que les grandes banques et SAirGroup aient planifié une transaction similaire, mais sans la Confédération, le Conseil fédéral a estimé qu'il leur incombait également de prendre les mesures qui s'imposaient pour maintenir le service aérien de Swissair et pour permettre à Crossair de le reprendre dans des conditions ordonnées. Les 1er et 2 octobre 2001, le chef du DFF a quand même tenté de convaincre l'UBS de participer à un financement de transition commun avec la CSG pour éviter que la flotte de Swissair ne soit immobilisée. Comme les représentants de la Confédération avaient subordonné l'engagement de moyens publics à une participation des deux grandes banques et que l'UBS n'est pas entrée en matière, la Confédération n'a pas octroyé de crédits pour le maintien du service aérien de Swissair avant l'immobilisation de la flotte de Swissair. Pour plus de détails sur ces circonstances, voir les sections 6.2 et 6.3 ci-après.

4941

4.4

Les mesures prises par la Confédération après l'immobilisation de la flotte et en vue de la création d'une nouvelle compagnie aérienne

Le 3 octobre 2001, la Confédération a pris l'initiative afin de maintenir un service aérien de transition jusqu'à sa reprise par Crossair telle qu'elle était prévue dans la liste de conditions «Phoenix». Il s'agissait d'éviter l'immobilisation définitive de la flotte de Swissair et les conséquences qui auraient pu en découler. Grâce au crédit de 450 millions de francs accordé par la Confédération, Swissair a pu reprendre le service de vol le 4 octobre 2001. Le DFF, appuyé par la société BDO Visura, a ensuite examiné deux variantes permettant d'assurer le service de vol. La première variante était basée sur l'accord «Term Sheet Projekt Phoenix» négocié avec les banques. La seconde variante partait de l'idée d'une société de reprise des activités de la société en difficulté. En d'autres termes, il s'agissait de restructurer le service de vol de Swissair pour le transférer à une société reprenante dans le cadre de la procédure concordataire. À ce stade encore, la direction de SAirGroup privilégiait une solution dans le giron de Swissair. Le DFF estimait toutefois qu'une telle variante était trop risquée pour la Confédération. D'une manière générale, ce projet comportait trop d'incertitudes, dont une partie dépendait des décisions du commissaire au sursis concordataire. De plus, d'après les évaluations du DFF, il apparaissait que la limite supérieure des besoins en financement de cette variante ne pouvait pas être déterminée. Le 5 octobre 2001, le Conseil fédéral a donc pris clairement position en faveur du projet «Phoenix», la seule variante réalisable selon lui, et a axé toutes les mesures en fonction de cette solution. Il a également mis sur pied une task force. Au cours de ces travaux, il est rapidement apparu que de nombreuses difficultés avaient été sous-estimées dans le projet «Phoenix», quand elles n'avaient pas été carrément ignorées97. Il y avait trois difficultés importantes, à commencer par l'intégration de Swissair et de Crossair, chacune avec une culture d'entreprise et des conditions de travail différentes. Ensuite, pour des raisons juridiques, organisationnelles et techniques, il était impossible de transférer le service de vol à l'échéance du 28 octobre 200198. Enfin, les besoins en capitaux de la nouvelle compagnie aérienne se sont avérés beaucoup plus importants que ce que les banques
avaient prévu. Le 10 octobre 2001, le chef du DFF constatait que le projet «Phoenix» n'était pas réalisable tel qu'il avait été conçu. Il a convié les représentants de milieux économiques pour discuter du financement de la nouvelle compagnie aérienne. Cette première rencontre a eu lieu le 14 octobre 2001. Le 17 octobre, le Conseil fédéral se déclarait d'accord, à certaines conditions, sur le principe de financer à hauteur d'un milliard de francs un service de vol réduit jusqu'à la fin de l'horaire d'hiver 2001/2002. Il a aussi accepté, à certaines conditions également, de participer au capital-actions de Crossair. Les premières contributions financières ont été obtenues lors d'une nou97 98

Voir le message du Conseil fédéral concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001, FF 2001 6099.

Le DETEC n'a pu octroyer les concessions pour les destinations européennes que le 6 décembre 2001. Pour les longs-courriers, il a fallu attendre le 31 mars 2002 pour qu'une solution puisse être trouvée. Une concession suisse ne suffit pas pour l'exploitation d'une telle destination. En d'autres termes, la nouvelle compagnie avait besoin des droits de trafic octroyés par les autorités aéronautiques des pays de destination. Aujourd'hui encore, ces droits de trafic sont ­ à quelques exceptions près ­ réglés par des dispositions bilatérales, ce qui complique leur négociation.

4942

velle rencontre avec les milieux économiques, le 18 octobre 2001. Le chef du DFF s'est personnellement engagé pour obtenir des contributions financières supplémentaires. Lors de la rencontre avec les milieux économiques, le 20 octobre 2001, il est apparu qu'il fallait encore injecter des moyens financiers considérables. Par conséquent, le 21 octobre 2001, le chef du DFF a pris personnellement le téléphone pour établir des contacts afin d'assurer le financement de la nouvelle compagnie. Le 22 octobre 2001, le Conseil fédéral décidait d'accorder un crédit de 1000 millions de francs pour le financement du programme des moyens et longs-courriers et de 600 millions de francs pour une augmentation du capital de Crossair. Le même jour, à l'issue de la séance du Conseil fédéral, la Délégation des finances a approuvé ces deux crédits à une faible majorité. Les 16 et 17 novembre 2001, les Chambres fédérales se sont prononcées en faveur du financement du service de vol redimensionné de Swissair jusqu'à fin mars 2002 et de la participation à une nouvelle compagnie aérienne nationale au moyen de crédits de la Confédération pour un montant total de 2050 millions de francs.

Il convient de relever tout particulièrement l'engagement de la Confédération lors de l'évaluation de la planification des liquidités de Swissair. Etant donné que, selon le contrat de prêt du 5 octobre 2001 et le contrat complémentaire du 24 octobre 2001, la Confédération finançait un service de vol réduit de Swissair jusqu'au 30 mars 2002, il était indispensable de s'assurer que les fonds de la Confédération étaient bien utilisés conformément au but prévu contractuellement, à savoir pour continuer d'assurer l'exploitation aérienne et pour en réaliser le transfert en bon ordre vers une nouvelle compagnie nationale. Deux collaborateurs du Contrôle fédéral des finances (CDF), assistés par la société BDO Visura, ont rédigé des rapports quotidiens sur la situation des liquidités. Ils ont aussi élaboré et effectué une planification roulante des liquidités jusqu'à fin mars 2002. Ce n'est que grâce au CDF qu'il a été possible de remettre en place une planification des liquidités de Swissair. Après l'annonce du sursis concordataire le 1er octobre 2001, il semble que SAirGroup avait perdu toute vue d'ensemble. Selon le CDF, dans la situation telle
qu'elle se présentait après l'annonce du sursis concordataire et de l'immobilisation de la flotte au sol, les instruments de planification et de controlling en place à l'échelon du groupe ne permettaient plus de planifier et de gérer les liquidités. Même si les processus se sont normalisés au cours du temps, des incertitudes sur les flux de paiements ont subsisté durant toute la période du mandat de surveillance du CDF.

À cet égard, il faut encore mentionner que, après l'immobilisation passagère de la flotte de Swissair, l'OFAC a renforcé la surveillance sur Swissair et Crossair en raison de l'importance de l'engagement financier de la Confédération et des risques de sécurité accrus découlant de la situation spéciale dans laquelle ces deux entreprises se trouvaient. En janvier 2002, le Conseil fédéral avait octroyé à l'OFAC un crédit supplémentaire de 1,9 million de francs pour le renforcement de la surveillance.

4943

4.5

Appréciation par le CdG-E du rôle et des responsabilités du Conseil fédéral et de l'administration fédérale

4.5.1

La Confédération en sa qualité d'actionnaire et de membre du conseil d'administration

La CdG-E partage l'évaluation du Conseil fédéral selon laquelle la structure de l'actionnariat de SAirGroup ne permettait pas d'exercer un contrôle fort sur le conseil d'administration et la direction99. Il n'y a rien de particulier à mentionner au sujet du rôle de la Confédération en tant qu'actionnaire de SAirGroup jusqu'à l'assemblée générale d'avril 2001. Jusqu'en 1999, la Confédération a fait valoir son influence sur SAirGroup principalement grâce à ses représentants au sein du conseil d'administration. Ceux-ci ont cependant estimé que leur influence au sein de cet organe était plutôt faible et sont intervenus dans ce sens auprès du président du conseil d'administration (voir ch. 4.2.1). Manifestement, c'est le comité restreint du conseil d'administration, organe dans lequel la Confédération n'était pas représentée, qui traitait les principales informations et prenait les décisions.

La CdG-E estime que le Conseil fédéral a pris les mesures qui s'imposaient pour défendre les intérêts de la Confédération en sa qualité d'actionnaire lors de l'assemblée générale du 25 avril 2001. La CdG-E constate que l'AFF a préparé les décisions du Conseil fédéral et, après l'assemblée, a accompagné l'ouverture de la procédure de contrôle spécial avec beaucoup de professionnalisme.

La CdG-E est d'avis que la responsabilité de la Confédération pourrait tout au plus être engagée en raison du rôle qu'elle a joué en sa qualité de membre du conseil d'administration jusqu'au printemps 1999. La CdG-E pense en particulier aux décisions du conseil d'administration en rapport avec la stratégie du chasseur100. En l'état actuel des connaissances, l'effondrement de Swissair est mis en rapport avec cette stratégie. Avec le recul, force est de constater que la question d'une éventuelle responsabilité de la Confédération en vertu du droit sur les sociétés anonymes ne peut pas être appréciée de plus près dans le cadre de la haute surveillance parlementaire. Dans ce domaine, la CdG-E est tributaire des résultats de l'enquête menée par le commissaire au sursis concordataire qui cherche à établir les éventuelles responsabilités des organes sociaux de SAirGroup101.

99

Voir le message du Conseil fédéral concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001, FF 2001 6107.

100 Pendant que la Confédération était représentée au sein du conseil d'administration, celuici a pris d'importantes décisions en rapport avec la stratégie du chasseur: il a en effet préparé la mise en oeuvre de la stratégie du chasseur en janvier 1998, puis il a accepté d'acquérir des participations au capital d'Air Littoral, à celui de LTU et à celui d'AOM respectivement en septembre, octobre et décembre 1998.

101 Voir ch. 1.3.1 ci-dessus.

4944

4.5.2

Le suivi par la Confédération de la crise Swissair après le 17 septembre 2001

De l'avis de la CdG-E, les représentants de la Confédération ont eu de la peine à définir et à jouer leur rôle en ce qui concerne les problèmes de liquidités croissants que SAirGroup a connus. Diverses circonstances expliquent cette incertitude.

Pour des raisons de politique institutionnelle, le Conseil fédéral a défini la marge de manoeuvre de la Confédération de manière très restrictive dès le début de la crise. Il a laissé aux milieux économiques le soin de jouer le rôle principal dans le cadre de l'assainissement de SAirGroup. Il a malgré tout indiqué qu'il était disposé à soutenir et à accompagner le processus d'assainissement à certaines conditions. Ce faisant, le Conseil fédéral ne s'est toutefois pas nommé gestionnaire de crise.

Pour la CdG-E, la retenue du Conseil fédéral semble compréhensible au vu des circonstances du moment. Il faut cependant aussi reconnaître que le Conseil fédéral aurait eu des arguments permettant de justifier une intervention de la Confédération avant l'immobilisation de la flotte de Swissair: la faillite de SAirGroup qui paraissait de moins en moins évitable, l'intérêt pour l'économie et la politique des transports à une compagnie aérienne nationale financièrement saine ­ plusieurs fois mentionné par le Conseil fédéral depuis le printemps 2001 ­ ainsi que, et ce n'est pas là le moindre des arguments, les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Le Conseil fédéral aurait en effet pu assujettir l'aide de l'Etat à des conditions moins restrictives. Si le Conseil fédéral avait pu prévoir le tour dramatique que les événements allaient prendre après le 1er octobre 2001, il aurait peut-être plus largement tenu compte de ces arguments lors de ses décisions.

Il a sans doute été difficile pour le Conseil fédéral d'avoir une vue d'ensemble de la situation du fait de l'évolution de la crise de SAirGroup qui empirait dramatiquement au cours du mois de septembre 2001. La Confédération a de plus en plus été obligée de réagir plutôt que d'agir. Un état-major de crise commun réunissant tous les acteurs concernés de la Confédération et des milieux économiques aurait sans aucun doute amélioré l'échange d'informations et facilité les prises de décisions. La CdG-E estime que l'accompagnement de la crise de Swissair au cours du mois de septembre 2001 a souffert de l'absence d'une
telle instance qui aurait coordonné les opérations. L'entremise de M. Bremi s'est avérée inutile puisque, en raison de l'ampleur de l'assainissement qui aurait été nécessaire pour sauver SAirGroup, les banques et SAirGroup ont très rapidement cherché d'autres solutions.

Durant la période comprise entre le 17 et le 29 septembre 2001, l'idée de l'assainissement et de la recapitalisation de SAirGroup dans son ensemble occupait le devant de la scène. Parallèlement, SAirGroup n'avait pas fourni de concept global d'assainissement et de restructuration clair aux représentants de la Confédération. Il n'existait pas non plus de base légale qui aurait permis à la Confédération de garantir les liquidités de SAirGroup. L'ampleur de l'assainissement du groupe faisait encore l'objet d'incertitudes. En ce qui concerne les bases légales pour une contribution fédérale à un assainissement, la CdG-E est du même avis que les représen-

4945

tants du Conseil fédéral: la seule solution était de participer à une augmentation de capital (en se fondant sur l'art. 102 LA)102.

Après le 29 septembre 2001, la Confédération a été priée de participer à un projet des grandes banques et de SAirGroup afin de maintenir le service aérien de Swissair jusqu'au moment où il serait possible de le transmettre à Crossair. Il ne s'agissait donc plus d'un appui apporté au processus d'assainissement de SAirGroup dans son intégralité. La CdG-E est d'avis que, le 30 septembre 2001, les représentants de la Confédération se trouvaient dans une situation d'incertitude juridique. Celle-ci n'a cependant pas duré plus d'un jour. L'art. 101, al. 1, LA permet certes à la Confédération d'allouer des subventions ou des prêts pour l'exploitation de certaines lignes aériennes. La CdG-E estime toutefois appropriée la réaction du Conseil fédéral qui n'a pas voulu d'emblée octroyer des contributions à fonds perdu et qui a cherché à les lier à une contre-valeur.

Pour ce qui est des efforts entrepris par les représentants de la Confédération dans le but d'éviter l'immobilisation de la flotte de Swissair, la CdG-E fait les constatations suivantes: le 1er octobre 2001, le Conseil fédéral a évalué les risques d'une immobilisation et leurs graves conséquences à leur juste mesure. C'est avec raison qu'il a relevé ces risques et conséquences dans son communiqué de presse du 1er octobre 2001. Pour leur part, le chef du DFF et ses collaborateurs se sont intensément engagés afin d'éviter l'interruption du service aérien. En ce qui concerne le crédit relais, le chef du DFF a déclaré à la CdG-E qu'il s'agissait peut-être d'une erreur de n'avoir, dans un premier temps, cherché le contact qu'avec l'UBS et de ne pas avoir, dès le début, invité le CSG à participer aux discussions. Du fait que l'UBS jouait le rôle de chef de file ­ elle participait en effet à la transaction des actions Crossair à raison de 51 % ­ et au vu de la fébrilité qui régnait à cette époque, la CdG-E peut comprendre la manière d'agir du chef du DFF. La CdG-E s'est également posé la question de savoir pourquoi le Conseil fédéral n'avait pas décidé que la Confédération octroierait le crédit relais à elle seule ou avec la participation du CSG qui s'était déclaré d'accord d'y contribuer. Il semble que, là aussi, la
Confédération ait été rattrapée par les événements, tant il est vrai que, le 2 octobre 2001, le Conseil fédéral avait l'impression que les liquidités de Swissair étaient assurées jusqu'au 5 octobre 2001.

Pour la CdG-E, les organes de la Confédération ne portent aucune part de responsabilité dans l'interruption du service aérien des 2 et 3 octobre 2001. Au contraire, ils se sont efforcés de trouver une solution et ont examiné plusieurs possibilités. La Confédération n'avait aucune obligation d'assurer transitoirement le service aérien de Swissair. Du point de vue politique également, il est évident que le Conseil fédéral devait en premier lieu s'appuyer sur l'initiative des milieux économiques. En revanche, avec le recul, il est possible de dire qu'il était prématuré pour le chef du DFF et celui du DETEC de rejeter au premier abord la faute de l'immobilisation de la flotte de Swissair sur les grandes banques en usant d'arguments émotionnels lors de la conférence de presse du 2 octobre 2001. Toutefois, au regard de la façon d'agir des grandes banques qui n'ont pas toujours été convaincantes durant ces heures de crise, il faut reconnaître que cette réaction est en partie compréhensible.

102

Le but d'un assainissement dépasse de loin l'exploitation de lignes aériennes particulières et n'entre donc pas dans le champ de l'art. 101, al. 1, LA qui permet d'allouer des subventions ou des prêts pour l'exploitation de lignes aériennes régulières.

4946

Il est possible de se poser la question de l'opportunité de l'intervention de la Confédération après l'immobilisation de la flotte Swissair du point de vue de la politique institutionnelle, ce qui n'a d'ailleurs pas manqué d'être le cas, tant au sein qu'en dehors des milieux de la Confédération. Une analyse des aspects économiques de la crise de Swissair effectuée par le seco le 16 octobre 2001 a montré que la participation de la Confédération à la création d'une compagnie aérienne assurant des liaisons intercontinentales ne se justifiait pas d'un point de vue économique. Selon cette analyse, les fonds de la Confédération ne devraient être utilisés que de manière transitoire (pour assurer le fonctionnement de l'aéroport et la survie des sociétés connexes rentables) et dans le but de juguler la crise. Lors des auditions effectuées par la CdG-E, l'importance des raisons liés à la politique des transports qui militent en faveur d'une intervention de la Confédération a été clairement relativisée par le chef du DETEC. La CdG-E leur accorde au contraire une grande importance. Elle est également d'accord avec les réflexions du Conseil fédéral au sujet de l'importance pour l'économie nationale du hub de Zurich103. Du point de vue institutionnel, l'intervention de la Confédération doit être critiquée dans la mesure où le Parlement, mis devant le fait accompli, n'avait plus aucune marge de manoeuvre.

La mise en oeuvre réussie des décisions politiques, en particulier la gestion de la crise assurée par les organes de la Confédération après le 2 octobre 2001 mérite une appréciation positive. Avec l'institution de la task force «pont aérien», le Conseil fédéral a pris la bonne décision qui lui a permis d'aborder les problèmes et les défis en bénéficiant de l'appui d'un état-major de crise organisé. Pour une bonne partie, le succès de cette approche est dû à l'organisation et à l'excellente direction assurées par le chef de l'AFF. La CdG-E constate également que le chef du DFF a fait preuve d'un engagement personnel allant bien au-delà de ce que sa fonction exigeait afin que le projet d'une nouvelle compagnie nationale obtienne le soutien des milieux économiques et que la flotte de Swissair ne soit pas immobilisée une nouvelle fois à la fin du mois d'octobre 2001. La CdG-E est tout à fait consciente que cet
engagement du chef du DFF sera apprécié de manière positive ou négative selon le développement futur de la compagnie aérienne «Swiss». Il convient toutefois de relever qu'il correspondait aux décisions que le Conseil fédéral et le Parlement, favorables à une compagnie aérienne nationale redimensionnée, avaient prises en automne 2001.

De plus, le chef du DFF a agi dans un contexte marqué par de très grandes attentes du public.

4.5.3

Les autorités fédérales ont-elles agi à temps dans l'affaire Swissair?

Ce paragraphe est consacré à la question de savoir si les autorités fédérales ont identifié la crise de Swissair à temps. Cette question ne peut être examinée indépendamment des circonstances concrètes et des informations dont les autorités fédérales disposaient. Les ch. 4.2.2 et 4.3.3 abordent déjà la manière dont les autorités fédérales ont apprécié la situation de Swissair et les mesures qu'elles ont prises. Avant d'aborder la question à laquelle le présent paragraphe est consacré, il faut tout d'abord savoir si un service fédéral ­ et le cas échéant lequel ­ avait identifié ou 103

Voir le message du Conseil fédéral concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001, FF 2001 6096.

4947

aurait dû ou pu identifier la crise. Ce point doit être apprécié en tenant compte des circonstances qui auraient pu gêner l'identification de la crise.

La CdG-E peut d'amblée préciser qu'aucun des services de la Confédération qu'elle a contacté n'avait prévu la portée de la débâcle économique de SAirGroup ni ses effets dramatiques (immobilisation de la flotte Swissair les 2 et 3 octobre 2001) dans une mesure permettrait de parler d'une détection précoce. Les services interrogés ont expliqué qu'ils n'étaient pas compétents ou, étant donné les circonstances, pas en mesure de procéder à une telle détection.

Comme le public en général, les autorités fédérales étaient certes au courant depuis le printemps 2001 de la situation difficile de SAirGroup. Elles n'ont pas estimé devoir agir (plus tôt) pour des raisons très diverses. Ce sont ces raisons qui sont brièvement abordées après la digression sur les instruments de la détection précoce par l'administration en général.

4.5.3.1

Digression: la détection précoce de problèmes et de crises potentielles par l'administration fédérale

Les commissions de gestion des deux conseils ont consacré leur séminaire 2001 à la détection précoce des risques et enjeux futurs, notamment par les services de l'administration fédérale et par les acteurs politiques104. Les CdG ont ainsi pu avoir une vue d'ensemble sur les systèmes de détection et d'alerte précoces existant au sein et en dehors de l'administration fédérale. Elles ont constaté que, à l'ère de l'information, le véritable problème réside souvent moins dans l'obtention des informations elles-mêmes que dans leur centralisation, leur interprétation et leur tri.

La communication des informations obtenues aux décideurs politiques est un autre problème récurrent. La sensibilisation de ces décideurs est donc particulièrement importante.

Au sein de l'administration fédérale, chaque service doit assurer la détection précoce dans son domaine. Dans l'administration fédérale, la détection précoce est une tâche sectorielle et décentralisée. La raison première de cette organisation réside dans le fait que les informations déterminantes relèvent du domaine de compétences des organes de ligne.

Au-dessus des départements, c'est la Chancellerie fédérale qui, en sa qualité d'étatmajor du Conseil fédéral, assume une sorte de fonction de vigie dans le sens de la planification stratégique. À noter toutefois que la détection précoce ainsi assurée est uniquement stratégique et n'est pas axée sur l'observation événementielle. Relevant de la Chancellerie, l'Etat-major de prospective de l'administration fédérale réunit des représentants de divers services de l'administration chargés, dans le cadre de leur fonction, de se pencher sur les questions importantes concernant l'avenir dans les domaines de la société, de l'économie et de la politique. Cet état-major ne dispose que de ressources restreintes. Il s'agit de plus d'un instrument axé sur les tendances à moyen et long termes. Cet instrument n'est toutefois pas conçu pour assurer une détection précoce opérationnelle permettant d'identifier des crises non

104

Voir le rapport annuel 2000/2001 des Commissions de gestion et de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales, FF 2001 5379 et s.

4948

prévisibles, caractérisées par un temps de préalerte très court et nécessitant des interventions politiques immédiates.

La conduite de la politique de sécurité fonctionne aussi de manière interdépartementale et interdisciplinaire. La «fonction de détection précoce» dispose de quatre instruments: la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, l'organe de direction pour la sécurité, le coordinateur des renseignements ainsi que le bureau d'appré-ciation de la situation et de détection précoce qui jouent tous un rôle pour la détection précoce et la gestion des défis de portée nationale relevant de la politique de sécurité.

4.5.3.2

La détection précoce de la crise Swissair par l'OFAC

De l'avis de la CdG-E, c'est l'OFAC qui aurait pu reconnaître la situation et agir en premier lieu. L'OFAC est compétent en matière d'évaluation de la capacité économique des sociétés aériennes. Le fait que l'OFAC ait assumé cette tâche avec une très grande retenue a déjà été présenté à la section 3.10. L'OFAC n'a pas surveillé l'évolution de la situation financière de Swissair de manière approfondie et systématique. Il a considéré que la capacité économique de SAirGroup était garantie puisque les banques étaient encore disposées à lui accorder des crédits (ainsi la ligne de crédit d'un milliard de francs dont il était question ci-dessus au ch. 4.2.2) et que le groupe avait remboursé des crédits jusqu'à fin septembre 2001. La vente de certaines filiales devant intervenir dans le cadre de sa restructuration allait en outre lui permettre d'obtenir des moyens financiers supplémentaires qui seraient venus renforcer sa faible part de fonds propres.

Avec le recul, il est très difficile d'estimer si, en exerçant une surveillance plus serrée de la situation financière, l'OFAC aurait pu ou dû estimer l'ampleur de la crise plus rapidement. A posteriori, il n'est en outre pas possible de savoir quelle aurait été son issue si l'OFAC l'avait reconnue plus tôt. Les investigations effectuées dans le cadre du contrôle spécial et par le commissaire au sursis concordataire montrent que la complexité des transactions financières au sein de SAirGroup sont telles qu'il est très difficile pour des tiers de s'en faire une image claire.

Pour la CdG-E, il est indispensable que, à l'avenir, l'OFAC assume une fonction de détection précoce en ce qui concerne la situation économique des entreprises aériennes en surveillant leur capacité économique conformément au règlement CEE 2407/92 (pour de plus amples informations, voir section 3.10).

4.5.3.3

La détection précoce de la crise Swissair par le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco)

En rapport avec la crise de Swissair, la CdG-E a également abordé avec le seco la question des tâches en matière de reconnaissance précoce. Le seco est le centre de compétences de la Confédération pour les questions centrales liées à la politique économique. De plus, le Conseil fédéral a justifié les crédits destinés à la construction d'une nouvelle compagnie aérienne nationale redimensionnée en recourant principalement à des arguments économiques et en invoquant des motifs liés au marché de l'emploi. Le seco est l'office de la Confédération compétent pour ces

4949

deux domaines. En ce qui concerne la reconnaissance de la crise Swissair, le seco a décrit son rôle de la manière suivante.

Le seco s'occupe des questions fondamentales de la politique économique et veille à ce que les entreprises puissent travailler dans un cadre approprié. En règle générale, le seco apprend ce qui se passe dans les entreprises par les médias. Le seco n'entretient pas de contacts réguliers avec les grandes entreprises d'importance nationale du point de vue économique. Le seco ne dispose d'aucun droit de regard sur les entreprises du fait de leur importance économique. Il entretient en revanche des relations suivies avec les associations professionnelles, les organisations non gouvernementales (ONG) et les syndicats. Lors de ces contacts, il n'est toutefois jamais question d'affaires internes. Pour le seco, l'analyse conjoncturelle constitue une tâche ressortissant à la reconnaissance précoce. Il s'agit cependant d'analyses à un échelon macroéconomique effectuées pour obtenir une vue d'ensemble. Selon le seco, les questions de gestion microéconomique sont du ressort des offices qui, au nom de la Confédération et en vertu de dispositions légales particulières (comme c'est notamment le cas en matière d'autorisations et de concessions), sont autorisés à intervenir ou tenus d'agir auprès des entreprises. Dans le cas de Swissair, le seco estime que l'OFAC était l'autorité compétente en matière d'autorisation et de surveillance. Celui-ci dispose, contrairement au seco, d'informations internes.

Le seco s'est néanmoins manifesté en rapport avec la crise Swissair fin septembre 2001, lorsqu'il a été chargé d'évaluer l'importance économique d'un hub à Zurich, ainsi que les effets de la crise Swissair sur le marché du travail et sur l'économie nationale. Le seco a présenté son analyse au chef du DFE le 16 octobre 2001 ­ c'està-dire après l'immobilisation de la flotte de Swissair (voir ch. 4.5.2).

La CdG-E estime que, à l'avenir, la Confédération doit intensifier l'observation des développements économiques, en particulier lorsqu'il s'agit d'entreprises qui jouent un rôle important pour l'ensemble du système économique suisse (voir section 4.6).

4.5.3.4

La détection précoce de la crise Swissair par les organes de la Confédération ayant accompagné le dossier «Swissair» en 2001

En 2001, ce sont tout d'abord le DFF, le DETEC, puis le Conseil fédéral dans son ensemble qui se sont occupés du dossier Swissair. La CdG-E est d'avis que la détection précoce aurait dû révéler la crise avant l'appel à l'aide explicite de SAirGroup du 17 septembre 2001. Les actes et les décisions du DFF, du DETEC et du Conseil fédéral après le 17 septembre 2001 ne font plus partie d'une détection précoce en tant que telle, mais doivent être considérés comme appartenant à une sorte de gestion de crise.

Le communiqué de presse du DFF daté du 1er octobre 2001 laisse entendre que la portée effective de la débâcle du groupe Swissair n'est apparue qu'au cours du week-end des 29 et 30 septembre 2001 et de la journée du 1er octobre 2001.

Il y aurait eu une possibilité de détection précoce étant donné que les autorités fédérales étaient au courant des problèmes financiers de SAirGroup dès le printemps 2001. En effet, l'analyse du 11 avril 2001 effectuée par la société Visura sur demande du DFF décrit la situation extrêmement difficile dans laquelle SAirGroup 4950

se trouvait à l'époque. Sans augmentation rapide des fonds propres, Visura estimait que la survie du groupe était gravement menacée.

Il y a également des circonstances qui ont joué en défaveur d'une identification précoce de l'issue dramatique de la crise. SAirGroup lui-même a longtemps déclaré que les liquidités ne constituaient pas un problème. En avril 2001, SAirGroup avait mis en avant la ligne de crédit d'un milliard de francs déjà plusieurs fois mentionnée (voir ch. 4.2.2). En août, il annonçait la vente de certaines entreprises du groupe qui devaient apporter des liquidités supplémentaires et améliorer la situation des fonds propres. Même si le Conseil fédéral avait eu une attitude plus interventionniste, la structure financière très complexe du groupe ainsi que les relations d'affaires avec une cinquantaine de banques auraient contrecarré tout effort visant à obtenir une vue d'ensemble d'une filiale particulière de SAirGroup telle que Swissair. Il n'était pas possible de juger l'état effectif de Swissair à l'aide de la seule évolution du cours des actions de SAirGroup ou en se basant sur l'évaluation des agences de notation105 (voir annexe 2). Le remboursement de crédits à échéance jusqu'à fin septembre 2001 semblait aussi indiquer que le groupe était solvable. La CdG-E doute que SAirGroup ait toujours communiqué une image réaliste de sa situation économique et financière. Il n'appartient pas à la CdG-E de juger si SAirGroup n'était pas en mesure de le faire ou s'il a enjolivé la situation. La réponse à cette question sera apportée par le commissaire au sursis concordataire. Cela étant, le rapport intermédiaire que le commissaire au sursis concordataire a présenté lors de l'assemblée des créanciers du 26 juin 2002, permet de supposer que SAirGroup aurait tout au plus enfreint les principes relatifs à la véracité du bilan (voir ch. 1.3.1).

Il est évident que le Conseil fédéral ne pouvait pas non plus se douter que les banques allaient se détourner de l'«entreprise modèle» qu'était Swissair. À cette époque encore, personne ne voulait véritablement admettre le naufrage de Swissair. Le Conseil fédéral ne pouvait pas non plus prévoir les actions terroristes du 11 septembre 2001 qui allaient encore accélérer la chute de SAirGroup.

Avec le recul, la CdG-E estime que le Conseil fédéral n'aurait
probablement pas été en mesure d'anticiper l'issue effective de la crise de Swissair. La commission estime en revanche qu'il est tout à fait possible que la situation ait pu évoluer autrement si le Conseil fédéral avait agi plus rapidement. Dans de telles circonstances, Swissair n'aurait peut-être pas eu à interrompre provisoirement son service aérien (ou du moins pas dans des circonstances aussi chaotiques) et la création d'une nouvelle compagnie aérienne nationale aurait très vraisemblablement coûté moins cher à la Confédération et au contribuable.

Même si le Conseil fédéral ne pouvait guère prévoir l'issue dramatique de la crise Swissair, il aurait pu au printemps 2001 déjà, lorsqu'il avait souligné l'importance économique et en matière de politique des transports d'une compagnie aérienne nationale et de l'aéroport de Zurich, prévoir des scenarii pour le cas où la restructuration de SAirGroup échouerait. Après le 17 septembre 2001 au plus tard, il aurait dû analyser les effets d'une faillite de SAirGroup sur l'économie nationale et ses conséquences pour la Confédération. Disponibles le 16 octobre 2001, soit après l'interruption du service aérien de Swissair, les résultats de l'analyse correspondante effectuée par le seco sont malheureusement parvenus bien trop tard au chef du DFE.

105

Selon l'évaluation de l'agence Moody's, les investisseurs institutionnels (porteurs d'obligations également) pouvaient encore investir dans SAirGroup en juin 2001.

4951

L'élaboration préalable de scenarii possibles aurait permis au Conseil fédéral d'assumer son rôle de manière plus sereine et d'éviter de se laisser entraîner dans une situation l'obligeant à intervenir de manière réactive.

4.5.3.5

La détection précoce de la crise Swissair à l'échelon interdépartemental

Au vu des tâches de l'Etat-major de prospective de l'administration fédérale décrites au point 4.5.3.1, la CdG-E n'est pas étonnée que celui-ci n'ait pas été sensibilisé spécifiquement aux développements possibles de la crise Swissair. Cet état-major n'est pas seulement limité par son orientation stratégique axée sur les tendances de l'évolution politique et par son manque de ressources. Les réalités politiques elles-mêmes limitent également les possibilités qu'il a de conseiller le Conseil fédéral en matière de détection précoce de crises et de problèmes potentiels. Tant qu'un thème de l'agenda politique n'atteint pas une certaine importance, il est difficile de sensibiliser le Conseil fédéral à son sujet. Concrètement, en ce qui concerne la crise Swissair, cela signifie que le Conseil fédéral n'a vu de motif d'intervention politique qu'à partir du moment où les événements ont pris une importance telle que les dommages sont devenus évidents.

Avant ce stade, le Conseil fédéral s'est retenu pour des raisons de politique institutionnelle. De l'avis de la CdG-E, il faut qu'à l'avenir, les membres du Conseil fédéral euxmêmes fassent preuve d'une plus grande sensibilité en matière de détection précoce.

Le bureau d'appréciation de la situation et de détection précoce rattaché au DDPS n'a reçu aucune information interne concernant la crise Swissair ou l'immobilisation de sa flotte. Comme cela a déjà été mentionné dans le présent rapport, le bureau ne fait de la détection précoce que dans le domaine de la politique de sécurité. Etant donné ses ressources limitées, le terme de politique de sécurité est interprété de manière plutôt étroite. De plus, il n'est pas rare que, même dans ce domaine, les départements fassent valoir leurs prérogatives. Pour sa part, le bureau d'appréciation de la situation et de détection précoce est également d'avis que, en dehors du domaine de la politique de sécurité, la détection précoce fait partie des tâches des unités de la ligne.

4.6

Conclusions de la CdG-E concernant la gestion de la crise Swissair par le Conseil fédéral

Au sujet de l'influence de la Confédération en sa qualité d'actionnaire et de membre du conseil d'administration de SAirGroup: L'influence de la Confédération en sa qualité d'actionnaire et de membre du conseil d'administration de SAirGroup était faible. Les structures de SAirGroup ne permettaient pas d'exercer un contrôle suffisant sur le conseil d'administration et la direction du groupe. Le Conseil fédéral a renoncé à vendre la participation de la Confédération à SAirGroup par crainte d'influencer négativement les cours en bourse de l'action. La CdG-E est d'avis que la politique de la Confédération en matière de participations doit être examinée de manière approfondie.

4952

Recommandation 6: Examen des participations de la Confédération à des entreprises du secteur privé La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner la politique de la Confédération en matière de participation à des entreprises du secteur privé (les participations existantes doivent également être examinées de manière critique). Il devra en particulier tenir compte des conflits d'intérêts existants ou potentiels. En ce qui concerne les participations de la Confédération, le Conseil fédéral est chargé de veiller à ce que celle-ci puisse exercer ses droits en matière de contrôle et d'information de manière critique et durable.

Au sujet des réactions du Conseil fédéral à la crise Swissair: Il a fallu du temps au Conseil fédéral pour mesurer la portée effective de la crise Swissair. Ce n'est qu'après les attentats terroristes perpétrés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, et après l'appel à l'aide de SAirGroup demandant le soutien de la Confédération, que le Conseil fédéral a commencé à définir le cadre d'une intervention. Ce faisant, il a défini des critères restrictifs à un éventuel engagement de la Confédération. Après le 17 septembre 2001 encore, le Conseil fédéral estimait que le sauvetage de Swissair était avant tout la tâche des milieux économiques qui, selon lui, étaient en mesure de le faire. Ce n'est qu'après l'immobilisation de la flotte de Swissair que, pour maintenir un service aérien réduit au moyen de l'aide fédérale, le Conseil fédéral a levé ses réserves liées à la politique institutionnelle en accordant plus d'importance aux arguments de politique économique et aux réflexions fondamentales en matière de politique des transports. Un ensemble de raisons de nature économique et liées à la politique de l'emploi et à la politique des transports a été déterminant pour la décision du Conseil fédéral en faveur des crédits.

Replacées dans les circonstances de l'époque, les réactions du Conseil fédéral sont toutefois compréhensibles. La CdG-E ne saurait toutefois se satisfaire du fait que le Conseil fédéral n'ait pas, suffisamment tôt, développé plusieurs scenarii pour le cas où la restructuration de SAirGroup échouerait. Elle est d'avis que l'Etat ne peut se laisser pousser à intervenir. Etant donné les intérêts liés à l'économie et aux transports en faveur d'une compagnie aérienne nationale et
au vu de l'appréciation de la situation à laquelle le Conseil fédéral a procédé au printemps 2001 (voir ch. 4.2.2), celui-ci aurait pu et dû anticiper à ce moment-là déjà. Mieux préparé, il aurait ainsi eu la possibilité d'intervenir de manière plus ciblée dans la crise Swissair en automne 2001. La CdG-E pense que le Conseil fédéral aurait dû préparer des «décisions sous réserve» qui auraient pu être prises le cas échéant, lorsque tel ou tel scénario se serait produit. Dans le cas de Swissair, la question de savoir quels auraient pu être les effets d'une faillite de Swissair et quelles décisions la Confédération aurait dû prendre dans ce cas aurait dû faire l'objet de telles décisions au printemps 2001 déjà. Lors de crises potentielles ou déclarées, le Conseil fédéral doit le plus rapidement possible élaborer des «scenarii catastrophe» et constituer un étatmajor de crise.

4953

Recommandation 7: Développement précoce de scenarii possibles La CdG-E invite le Conseil fédéral à développer le plus tôt possible des scenarii permettant de répondre à de possibles développements et effets de situations de crise susceptibles de toucher la Confédération de manière importante. Le cas échéant, il est en outre chargé de préparer des décisions sous réserve et de constituer un état-major de crise.

Au sujet de la détection précoce de crises: Même si les acteurs de la Confédération étaient au courant de la situation difficile de SAirGroup, celle-ci n'a pas été jugée dramatique avant le premier jour de l'immobilisation de la flotte de Swissair. Les services de l'administration fédérale chargés de la détection précoce n'ont pas reconnu et encore moins prévu l'évolution désastreuse de la crise et ses effets sur l'économie et la Confédération. Bien que l'issue dramatique de la crise Swissair n'était guère prévisible pour les représentants de la Confédération, la CdG-E estime que le développement des instruments de détection précoce des problèmes potentiels importants du point de vue politique doit être poursuivi. Il faut en particulier assurer la collaboration au sein de l'administration fédérale. En outre, le Conseil fédéral ne peut pas déléguer toutes les responsabilités en matière de détection précoce. Les membres du Conseil fédéral doivent également faire preuve de plus de sensibilité en la matière.

De plus, la Confédération doit également observer la situation des entreprises importantes pour l'économie suisse. Etant donné l'importance des grandes banques pour la place économique suisse, la détection précoce est plus développée dans ce secteur (surveillance des marchés financiers exercée par la Commission fédérale des banques) que pour le reste de l'économie. Naturellement, la mise en place d'une détection précoce pour l'économie pose des questions délicates, notamment: Quelles sont les entreprises qui ont une grande importance ou une importance systémique pour l'économie nationale? De quelles données économiques la Confédération doitelle disposer pour une détection précoce? Y a-t-il lieu de développer des bases légales correspondantes ou existent-elles déjà? La détection précoce par l'Etat risque-t-elle d'influer sur le comportement et la responsabilité des acteurs du secteur privé? Les
milieux politiques ne peuvent pas ignorer ce genre de questions uniquement parce qu'elles sont délicates. L'importance de ces questions n'est en aucun cas le résultat de la crise Swissair. Elles se posent déjà du fait des privatisations effectuées jusqu'à présent dans des domaines sensibles. L'exemple de Swissair a montré que les informations disponibles sont décisives du point de vue de l'action de l'Etat.

Lorsqu'elle est appelée à intervenir, la Confédération doit donc disposer des informations idoines ou être en mesure de les obtenir rapidement.

En revanche, la détection précoce ne peut aller jusqu'à vouloir esquisser les crises possibles et élaborer des plans généraux. En effet, chaque crise est régie par ses propres lois. La détection précoce des crises est une chose, la réponse adéquate et en temps opportun en est une autre.

4954

Recommandation 8: Coordination et poursuite du développement de la détection précoce par la Confédération La CdG-E invite le Conseil fédéral à garantir la coordination des organes de détection précoce de l'administration fédérale et de faire lui-même preuve d'une plus grande sensibilité en matière de détection précoce de crises et défis politiques potentiels. Elle attend en particulier qu'il développe un système de détection précoce qui intègre la situation des entreprises qui jouent un rôle important pour l'ensemble du système économique suisse.

Postulat 3: Détection précoce à l'échelle de l'économie nationale La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner si la détection précoce de la situation des entreprises importantes pour l'économie ou le système économique suisses nécessite de développer de nouvelles bases légales ou si de telles bases existent déjà.

Au sujet de la responsabilité de la Confédération en ce qui concerne l'arrêt puis le maintien du service de vol de Swissair: Les autorités fédérales ne sont en rien responsables de l'immobilisation de la flotte Swissair des 2 et 3 octobre 2001, ni d'un point de vue juridique ni d'un point de vue politique. Les organes de la Confédération se sont intensément engagés afin d'éviter l'interruption du service aérien et ont présenté des propositions dans ce sens. Lors de la conférence de presse du 1er octobre 2001, c'est avec raison que le Conseil fédéral a relevé les risques et conséquences liées à l'immobilisation des avions de Swissair et a invité les milieux économiques à agir.

Après l'interruption du service de vol, la Confédération s'est fortement engagée et a assumé des tâches importantes. La CdG-E estime que le rôle moteur que le Conseil fédéral a joué dans la crise et que l'engagement de la task force «pont aérien» ont permis d'éviter un nouvel arrêt du service aérien fin octobre 2001.

5

Appréciations et conclusions complémentaires

5.1

Carences des dispositions légales régissant l'assainissement et les sociétés

En septembre 2001, il n'a pas été possible de rapprocher les intérêts divergents des concernés pour juguler la crise Swissair. La CdG-E comprend que la Confédération n'ait commencé à jouer un rôle de modérateur qu'à partir de l'instant où elle avait décidé de participer de manière déterminante à la création d'une nouvelle compagnie aérienne nationale. La CdG-E se pose cependant la question de savoir si la loi ne devrait pas instituer une telle fonction en cas d'assainissement. Une sorte de «commissaire» privé à l'assainissement institué par la loi pourrait favoriser le rap-

4955

prochement des intérêts divergents et coordonner toutes les mesures en fonction de l'assainissement, et cela avant de devoir recourir à une procédure de sursis concordataire ou de mise en faillite.

Postulat 4: Rapprochement des divers intérêts dans le cadre du processus d'assainissement La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) afin de déterminer s'il ne conviendrait pas de créer une fonction de «commissaire» responsable de l'assainissement.

Celui-ci serait chargé de rapprocher les possibles intérêts divergents présents dans un processus d'assainissement et de les coordonner en fonction du but de l'assainissement.

Dans le cadre de l'affaire Swissair, il a été dit à plusieurs reprises que le droit suisse sur la poursuite pour dettes et la faillite ne répondait pas aux exigences de la pratique et qu'il devrait être révisé dans le sens d'une loi sur l'assainissement106. Les mots-clés à ce sujet ont été le «chapter 11» du droit américain de la faillite ainsi que la question de la faillite des groupes. En pratique, il semble que les autorités de concordat aient constaté des lacunes dans le droit suisse107. La solution suisse a cependant également ses défenseurs qui la trouvent adaptée d'une manière générale108.

Diverses interventions concernant la procédure concordataire sont actuellement en examen devant le Parlement109. Ces interventions demandent la mise en place d'un droit de la faillite applicable aux grands groupes, ou, à tout le moins, une étude comparative des dispositions actuelles et de celles du «chapter 11» du droit américain de la faillite.

La CdG-E est d'avis que le législateur devrait se pencher soigneusement sur ces questions. Il faut commencer l'examen en se demandant si l'objectif de la révision de 1994 de la LP, qui était de maintenir les entreprises pouvant être assainies110, a pu être atteint en pratique. Une fois l'exécution de la loi analysée, il sera possible de décider s'il convient ou non d'adapter certaines dispositions pour, le cas échéant, faciliter l'assainissement d'entreprises ou de groupes en difficulté. La CdG-E est d'avis que la proposition d'effectuer une modification radicale du système en s'inspirant du «chapter 11» doit être examinée avec soin. La procédure américaine est caractérisée par sa conception dogmatique de l'assainissement et par l'autoritarisme des autorités de concordat qui peuvent notamment forcer l'assainissement 106

Voir entre autres Cash du 2 novembre 2001, p. 36; Neue Zürcher Zeitung du 19 octobre 2001, p. 15 et ss.

Voir Neue Zürcher Zeitung des 22 et 23 juin 2002, p. 29.

Voir Daniel Hunkeler: Ist das schweizerische Nachlassvertragsrecht revisionsbedürftig?, in: Jusletter 10 juin 2002 ainsi que le Bulletin des poursuites et faillites, 2002, cahier 1, p. 7 et ss.; Karl Spühler, in: Neue Zürcher Zeitung du 14 mai 2002, p. 27 et ss.

109 Postulat Wicki, Expertise juridique suite à la débâcle de Swissair, 02.3045; motion Strahm, Réforme du droit de la faillite, 01.3715; motion Lombardi, Après Swissair ­ Modifier la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite?, 01.3673, motion transmise sous forme de postulat par le Conseil des Etats en date du 18 mars 2002.

110 Message du Conseil fédéral du 8 mai 1991, FF 1991 III 1 107 108

4956

d'une entreprise contre la volonté de ses créanciers ou à l'encontre d'un épurement nécessaire des structures de l'économie. Le droit suisse, en revanche, garantit la pesée des intérêts: l'intérêt à un assainissement est mis sur un pied d'égalité avec la protection des créanciers. S'il est vrai que les dispositions américaines ont permis à de nombreuses compagnies aériennes de survivre à leurs crises récurrentes, il faut tout de même rappeler que le marché principal de ces compagnies est le marché domestique. Cela n'était pas le cas de SAirGroup, qui a principalement dû s'efforcer d'obtenir un sursis extraordinaire à l'étranger de manière à se protéger de ses créanciers.

La CdG-E n'en demeure pas moins de l'avis que, dans certains domaines, le droit suisse devrait être plus favorable aux assainissements et les compétences des autorités de concordat devraient être adaptées sur certains points. Elle conseille donc de tenir compte des expériences faites par les autorités de concordat dans le cas de SAirGroup et de ses sociétés filles.

Postulat 5: Ajustement de la LP en faveur de la procédure d'assainissement La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner comment la LP en vigueur permet de tenir compte de la volonté de favoriser l'assainissement et comment elle pourrait encore mieux en tenir compte. Il analysera les domaines qui posent problème dans la pratique. Il veillera en particulier à tenir compte des expériences que les autorités de concordat ont faites avec les entreprises de SAirGroup concernées par le sursis concordataire.

La CdG-E estime que les défauts déterminants ne se situent pas principalement dans le domaine du droit sur la poursuite pour dettes et la faillite, mais dans le code des obligations, étant donné que les entreprises ayant besoin d'être assainies ne parviennent pas à respecter certaines de ses dispositions. Ainsi, l'art. 725 CO111 ne peut empêcher que, dans la pratique, les organes responsables des entreprises ont tendance à ne demander un sursis concordataire que lorsque l'endettement est tel que la société n'est plus en mesure de poursuivre ses activités112. Il n'est pas possible de faire appliquer l'art. 725 CO de manière directe. Le non-respect de cette disposition a tout au plus des effets du point de vue des responsabilités. Le fait qu'une telle responsabilité ait pu être établie ne change cependant rien à l'échec d'un assainis-

111

L'art. 725 CO traite de la perte de capital et du surendettement et définit les avis obligatoires comme suit: Al. 1: S'il ressort du dernier bilan annuel que la moitié du capital-actions et des réserves légales n'est plus couverte, le conseil d'administration convoque immédiatement une assemblée générale et lui propose des mesures d'assainissement.

Al. 2: S'il existe des raisons sérieuses d'admettre que la société est surendettée, un bilan intermédiaire est dressé et soumis à la vérification de l'organe de révision. S'il résulte de ce bilan que les dettes sociales ne sont couvertes ni lorsque les biens sont estimés à leur valeur d'exploitation, ni lorsqu'ils le sont à leur valeur de liquidation, le conseil d'administration en avise le juge, à moins que des créanciers de la société n'acceptent que leur créance soit placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société dans la mesure de cette insuffisance de l'actif.

112 Le postulat Wicki, Expertise juridique suite à la débâcle de Swissair, 02.3045, va dans la même direction.

4957

sement. La CdG-E estime que les processus de surveillance prévus par le code des obligations doivent être optimisés. Il faut en premier lieu réviser les dispositions relatives à la présentation des comptes. Il faut absolument éviter qu'une entreprise puisse présenter une situation économique meilleure que sa situation réelle. Les normes nationales et internationales (comme les normes IAS, International Accounting Standards) permettent des marges de manoeuvre trop importantes dans ce domaine. De telles marges de manoeuvre qui permettent de légaliser des comptes optimistes, pour ne pas dire créatifs, sont à proscrire. Ce sont justement de telles latitudes qui empêchent les actionnaires et les sociétés de révision de prouver, voire de déceler la nécessité d'un assainissement de l'entreprise. Pour la CdG-E, le principe de la véracité des comptes est une évidence qu'il faut faire respecter par tous les moyens. La CdG-E rappelle ici la question de l'inscription au bilan d'excédents provenant des fonds libres et des réserves des caisses de pensions. Dans ses comptes consolidés 1999, SAirGroup avait, selon la norme IAS 19, porté un tel excédent pour un montant d'environ 1,1 milliard de francs à son bilan, ce qui a augmenté la part de ses fonds propres. Cette pratique avait donné lieu à une controverse quant à son admissibilité113. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) est intervenu et, en octobre 2000, a publié des directives relatives à une utilisation conforme des fonds libres de la prévoyance professionnelle afin d'empêcher les employeurs d'activer des montants non conformes à leur bilan.

La CdG-E estime que la révision des comptes est un autre domaine à revoir. À l'instar de l'UE, il faut notamment envisager un système d'agrément pour les sociétés de révision externes. Une telle disposition permettrait d'optimiser les processus de surveillance. Il faut également se demander si les sociétés de révision doivent se limiter à une vision purement formelle de la présentation des comptes ou si la confirmation de l'organe de révision doit également attester que la situation économique et financière présentée correspond à la réalité de l'entreprise. Il faut enfin aussi songer aux possibilités d'influer sur le gouvernement d'entreprise (souvent appelé corporate governance, terme qui recouvre notamment
tout ce qui a trait aux compétences et aux conditions de contrôle à la tête de l'entreprise) au moyen de dispositions légales. La loi pourrait notamment fixer des critères à respecter lors de la constitution du conseil d'administration des sociétés anonymes ou prévoir d'autres mesures permettant d'améliorer les processus de contrôle, la gestion du risque ou la transparence au sein des entreprises.

La transparence de la présentation des comptes sera prochainement améliorée dans le cadre d'une loi fédérale sur l'établissement et le contrôle des comptes annuels. Le projet de loi correspondant est en suspens auprès du Département fédéral de justice et police (DFJP). Cela étant, la CdG-E est persuadée qu'il est politiquement indispensable de renforcer et de compléter le droit des obligations.

113

Voir l'interpellation Spoerry du 22 mars 2000, Caisses de pensions et IAS 19/RPC 16, 00.3111 ainsi que les débats à ce sujet au Conseil des Etats, BO 2000 E 424 et ss.

4958

Motion 2: Renforcement des dispositions légales relatives à la présentation des comptes et au contrôle des entreprises La CdG-E invite le Conseil fédéral à renforcer les dispositions du droit des obligations dans le domaine de la présentation des comptes et du contrôle des entreprises, au besoin dans une nouvelle loi.

5.2

Formulation d'une nouvelle politique des transports aériens

Pour différentes raisons, la CdG-E estime que la Confédération doit actualiser sa politique des transports aériens. Celle-ci est confrontée à un certain nombre de contradictions. D'une part, les entreprises et l'Etat sont de plus en plus confrontés à la libéralisation de l'aviation civile et, partant, à ses conséquences sur les entreprises et sur le cadre normatif. D'autre part, à l'échelon international, l'aviation commerciale se distingue par un protectionnisme encore élevé et par le caractère national des compagnies aériennes. À cela s'ajoute le fait que, en raison de l'entrée en vigueur des Accords bilatéraux le 1er juin 2002, il faut harmoniser la politique des transports aériens suisse avec celle de l'Union européenne. Dans ce contexte, le Conseil fédéral est tenu de formuler une politique des transports aériens qui soit internationalement compatible.

La formulation de cette nouvelle politique des transports aériens devra tenir compte des enseignements tirés du cas Swissair. Le rôle de l'Etat en matière de maintien de l'infrastructure des transports aériens devra être précisé. Au vu des circonstances, il était difficile d'éviter l'intervention de l'Etat dans l'affaire Swissair. Pour l'avenir, la question se pose toutefois de savoir comment structurer l'aviation civile suisse de manière à éviter que le scénario de l'intervention de la Confédération se répète.

Recommandation 9: Reformulation de la politique des transports aériens Au vu des développements internationaux, la CdG-E invite le Conseil fédéral à reformuler la politique suisse des transports aériens et à définir le rôle de l'Etat en matière de maintien de l'infrastructure des transports aériens. À cette occasion, il examinera également le rôle de la Commission fédérale de l'aviation.

4959

5.3

Protection des consommateurs contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol

L'expertise commandée par la CdG-E fait état de plusieurs mesures permettant de protéger les passagers aériens contre l'annulation ou le retard d'un vol ou contre le refus d'embarquement pour cause de surréservation114. À ce jour, ces mesures ne traitent pas directement des conséquences d'une immobilisation de toute une flotte comme cela a été le cas de Swissair. Une réflexion est en cours au sein des milieux des transports aériens pour mieux protéger les consommateurs contre les effets d'une immobilisation inopinée des avions pour des raisons économiques ou techniques. Il pourrait être question de développer des contrats d'assurance volontaires.

L'expert qui s'est penché sur cette question estime que de telles solutions convenues par les transporteurs aériens ont plus de chances d'aboutir dans le contexte actuel dès lors qu'une réglementation internationale ne paraît pas pouvoir obtenir un large soutien dans le cadre de l'OACI. L'expert recommande que les gouvernements appuient les efforts des transporteurs aériens.

Recommandation 10: Soutien en faveur de mesures contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol La CdG-E recommande au Conseil fédéral de suivre et de soutenir les efforts des transporteurs aériens à l'échelon international qui visent à protéger les passagers contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol d'une compagnie aérienne.

6

Evénements principaux en rapport avec l'immobilisation de la flotte Swissair des 2 et 3 octobre 2001

6.1

Introduction

La CdG-E a abordé au chap. 4 la gestion des affaires telle qu'elle a été assurée par les organes de la Confédération dans le cadre de la crise Swissair.

Bien que son examen ait le rôle du Conseil fédéral et de l'administration fédérale pour objet principal, la CdG-E s'est également intéressée au comportement des acteurs privés (plus particulièrement SAirGroup, UBS, CSG et Crossair). Une réflexion critique s'impose, car l'immobilisation passagère des avions de Swissair a aussi pris une dimension politique. Il est nécessaire d'expliquer pourquoi la Confédération en est arrivée à soutenir le service de vol d'une entreprise privée en y consacrant plus de deux milliards de francs de fonds publics.

La CdG-E veut répondre à ce besoin d'éclaircissements. Elle a donc, dans la mesure du possible, reconstitué les événements qui ont précédé l'immobilisation. Cette chronologie fait l'objet de la section 6.2. La section 6.3 est consacrée à certaines 114

Voir l'expertise, annexe 1, partie D, ch. IV.

4960

circonstances importantes et souligne les appréciations diverses des acteurs privés.

En ce qui concerne la clarification des circonstances de l'immobilisation, il est indispensable de tenir compte du fait que les événements décrits se sont succédés très rapidement et dans un climat de tension dû aux divers intérêts des différents acteurs concernés. Durant ces jours très mouvementés, de nombreuses choses n'ont pas été constatées par écrit. En outre, la description des événements reste empreinte de manifestations émotionnelles concomitantes à l'immobilisation des avions. Pour ces raisons, il sera sans doute difficile de parvenir un jour à faire toute la lumière sur tous les événements et aspects de l'immobilisation de la flotte de Swissair. Les descriptions des événements peuvent par conséquent différer, voire être contradictoires.

Etant donné la dimension politique des événements autour de la crise Swissair, la CdG-E fait part de ses impressions à la section 6.4. Cette présentation n'a pas pour but de préjuger des éventuelles responsabilités qui seront établies par la justice.

Seule l'enquête que le commissaire au sursis concordataire va terminer dans le courant de l'automne 2002 et les éventuelles actions en responsabilité permettront d'obtenir plus de détails sur le déroulement et le dénouement de la crise Swissair. La CdG-E s'est toutefois prévalue de l'examen qu'elle a effectué pour apporter une contribution critique à la réflexion politique.

6.2

Chronologie des événements principaux

Jusqu'aux événements du 11 septembre 2001, les dirigeants de SAirGroup pensaient que leur marge de manoeuvre était faible, mais que la restructuration du groupe était néanmoins possible. Ils estiment cependant que les plans de restructuration ont été remis en question par les effets des attentats. Bien qu'opposés à une intervention de l'Etat, ces événements les ont incités à se raviser. Ils ont compté sur la Confédération qui, à leur avis, aurait dû octroyer crédits ou garanties. Ainsi, le 17 septembre 2001, des représentants de SAirGroup ont pour la première fois informé le chef du DFF et le directeur de l'AFF de la situation financière du groupe et ont demandé une garantie de la Confédération pour un montant d'un milliard de francs.

Le 22 septembre 2001, lors d'une rencontre avec des représentants de la Confédération et des milieux politiques, des responsables de SAirGroup ont présenté le projet «Swiss Air Lines». Ce projet prévoyait le regroupement de toutes les activités aériennes de Swissair et de Crossair sous un seul toit et une seule direction. Le soutien demandé à la Confédération était entre-temps passé à au moins 1,5 milliard de francs.

Le jour suivant, le groupe de travail Bremi a commencé ses activités. Le but de ce groupe de travail était de mettre en route l'assainissement complet de SAirGroup.

Lors de sa séance d'ouverture, soit le 28 septembre 2001, les coûts d'un tel assainissement sont apparus pour la première fois. Ils étaient estimés à environ 8 milliards de francs. L'opinion selon laquelle personne ne serait disposé à financer un tel projet et que le sursis concordataire était sans doute inévitable s'est rapidement répandue. Le même jour, l'UBS avisait SAirGroup que ses ordres de paiement ne seraient dorénavant plus effectués que dans la mesure des avoirs disponibles sur les comptes concernés. Dans les faits, le service de «cash pooling», que l'UBS avait dénoncé le 10 septembre 2001 pour fin octobre et fin décembre 2001, a ainsi été 4961

annulé avec effet immédiat. Selon la banque, cette décision a été prise en réaction au déclassement de SAirGroup par l'agence Moody's. Selon SAirGroup, cette suppression du cash pooling a provoqué une augmentation des besoins en liquidités et a considérablement gêné la gestion de trésorerie. SAirGroup s'en est plaint auprès de l'UBS.

Le conseil d'administration de SAirGroup s'est réuni le samedi 29 septembre 2001 pour discuter de la suite des opérations. À cette occasion, la recapitalisation de l'ensemble du groupe a été jugée irréalisable. En remplacement, l'un des avocats de l'étude Baker & McKenzie ­ qui conseille également le CSG ­ a présenté le projet «New Crossair». Ce projet prévoyait que Crossair assurerait les destinations jusquelà desservies par Swissair et reprendrait les avions de cette dernière, que Swissair cesserait ses activités et que le reste de SAirGroup demanderait un sursis concordataire. À partir de ce moment, l'idée d'un assainissement de l'ensemble du groupe a été abandonnée et les efforts concentrés sur le sauvetage du service de vol. En l'absence de toute autre solution, le conseil d'administration a approuvé ce projet.

Dans l'après-midi, SAirGroup a invité des représentants de l'UBS et du CSG à se rendre à son siège central au Balsberg près de Kloten. Pour des raisons de temps, la séance du conseil d'administration de Crossair convoquée pour le même jour avait également lieu au siège central de SAirGroup. Deux scenarii ont été présentés aux banques et à Crossair. Le premier prévoyait que les investisseurs fondent une nouvelle société qui reprendrait 100 % des actions Swissair et 70 % des actions Crossair; les autres entreprises de SAirGroup demanderaient un sursis concordataire. Le second scénario, le projet «New Crossair» précédemment mentionné, prévoyait le rachat par les investisseurs de la part des actions Crossair en possession de SAirGroup (70 %). Les banques ont estimé que le second scénario était le seul réalisable.

Cependant, par la suite, elles n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur leurs participations respectives à l'achat des actions Crossair. Le projet «New Crossair» a également reçu l'assentiment de Crossair.

Le 30 septembre 2001, peu avant la rencontre avec le chef du DFF et celui du DETEC, les deux banques se sont mises d'accord sur la répartition
de la transaction.

En reprenant 51 % des actions Crossair, l'UBS a pris la direction du projet. Ses représentants ne pouvaient cependant plus arriver à Berne à temps pour participer à la rencontre fixée pour le même jour qui, outre l'UBS, devait réunir les deux représentants du Conseil fédéral et des représentants de SAirGroup, de Crossair et du CSG. Ils se sont excusés peu avant la séance. Les représentants de SAirGroup qui avaient demandé cette rencontre ont décrit les aspects négatifs d'une immobilisation complète de la flotte de Swissair. Ils ont également annoncé que le groupe se trouvait pratiquement en situation d'insolvabilité. Le projet «New Crossair» a été présenté aux représentants du Conseil fédéral. Le même soir, les représentants de Crossair, de l'UBS et du CSG ont une nouvelle fois rencontré les dirigeants de SAirGroup au Balsberg. Sur place, l'UBS a élaboré la première version du «Term Sheet Projekt Phoenix» (liste de conditions «Phoenix») qui ne contenait encore aucune restriction quant à l'utilisation du prix d'achat des actions Crossair. La responsable des finances de SAirGroup a expliqué aux participants que les besoins en liquidités du groupe seraient augmentés suite à l'annonce de la demande de sursis concordataire. De plus, un expert en droit aérien de Crossair avait fait part à l'UBS de ses réserves juridiques et des risques en matière de sécurité aérienne qui, à son avis, pouvaient entraîner une suspension temporaire du service de vol de Swissair.

Après les explications de cet expert, les représentants de l'UBS partaient du principe 4962

que le transfert des droits de transporteur aérien ne pourrait avoir lieu qu'après une immobilisation passagère de la flotte. Ces nouvelles ont été déterminantes pour l'UBS qui a décidé de restreindre les possibilités d'utilisation du produit des ventes des actions Crossair ­ il semblerait que l'UBS était convaincue qu'il n'était plus possible de maintenir le service de vol. Selon la version définitive de la liste de conditions «Phoenix» élaborée durant les toutes premières heures du matin du 1er octobre 2001, le produit de la vente des actions Crossair ne pouvait être affecté au maintien du service de vol que jusqu'au 3 octobre 2001. Pour les participants à cette séance, il était donc évident qu'une immobilisation de la flotte allait intervenir au plus tard le 4 octobre 2001.

Lorsque le chef du DFF a reçu une copie de la dernière version de la liste de conditions «Phoenix» un peu plus tard au matin du 1er octobre 2001, il a essayé de plusieurs manières d'empêcher l'immobilisation de la flotte Swissair. Il a présenté au président du conseil d'administration de l'UBS une proposition de participation à un crédit relais permettant d'assurer le service de vol jusqu'à la fin du mois. L'UBS a décliné cette proposition étant donné qu'il se serait agi d'un crédit à fonds perdu en raison de l'imminence de la procédure de sursis concordataire et que l'UBS ne voulait pas prendre plus de risques financiers. Lors de la conférence de presse que SAirGroup a donnée le soir même, la demande de sursis concordataire de Swissair et de certaines entreprises de SAirGroup a été annoncée, mais l'immobilisation imminente de la flotte a été passée sous silence. Lors d'une conférence de presse donnée un peu plus tard dans la soirée par le Conseil fédéral, celui-ci a expressément souligné le risque d'immobilisation des avions. Il a également mentionné qu'il attendait que les banques et SAirGroup prennent les mesures nécessaires pour maintenir le service de vol.

Le 2 octobre 2001, le chef du DFF a réitéré son offre de participation, avec les deux grandes banques, à un crédit relais. Le président du conseil d'administration de l'UBS étant en route pour les Etats-Unis, le chef du DFF s'est entretenu avec son remplaçant. L'UBS a une fois encore répondu par la négative. En revanche, le CSG s'est montré disposé à participer à ce
crédit. Les banques ont par la suite fait part à la Confédération qu'un compromis avait été trouvé. Les produits de la vente des actions Crossair pouvaient être utilisés pour le maintien du service de vol de Swissair jusqu'au 5 octobre 2001. La conclusion du contrat d'acquisition des actions Crossair avait pris plusieurs heures. Il a pu être signé à 18 heures et le montant de la transaction porté au crédit de SAirLines. Il était toutefois trop tard pour éviter l'immobilisation. À 10 heures déjà, deux avions Swissair avaient en effet été placés sous séquestre à Londres. Quelques heures plus tard, SAirGroup avait annoncé la suspension du service de vol. À 15h35, sur les conseils du chef des opérations de vol de Swissair, la direction du groupe avait interrompu le service de vol parce qu'il ne pouvait plus garantir la sécurité au vu du dépassement des limites réglementaires des heures de travail par le personnel volant. Cette mesure a dû être prise en raison d'un enchaînement de circonstances (annonce de la demande de sursis concordataire, problèmes de liquidités, saisies d'avions à l'étranger, retardement de vols au départ de la Suisse pour éviter d'autres saisies, prolongation des temps d'attente ­ assimilés au temps de travail ­ du personnel de vol).

4963

6.3

Précisions au sujet de certaines circonstances

6.3.1

Plans de sauvetage du service de vol

Swiss Air Lines Le 10 septembre 2001, le président-directeur général de SAirGroup a invité le directeur général de Crossair chez lui, à la maison, pour discuter de la situation extrêmement difficile de SAirGroup, et a évoqué le projet «Swiss Air Lines». Le directeur général de Crossair a alors été prié de le développer et de le soumettre dans les deux semaines. Finalement, en raison des événements du 11 septembre 2001, le projet a dû être développé en quelques jours seulement. Le conseil d'administration de SAirGroup l'a adopté le 20 septembre 2001 et celui de Crossair le jour suivant. Il a ensuite été présenté au Conseil fédéral le 22 septembre 2001 et rendu public deux jours plus tard. Le projet «Swiss Air Lines» prévoyait d'intégrer les réseaux des vols court-courriers de Swissair et de Crossair et de réduire le réseau des vols longcourriers de Swissair. La planification de la flotte, la vente, le marketing et les services à la clientèle devaient être réunis et le directeur général de Crossair devait devenir le directeur de la nouvelle structure. Le projet s'est rapidement avéré irréalisable. Il était en effet indispensable de prendre des mesures plus radicales pour sauver SAirGroup, en totalité ou en partie.

New Crossair Lors de la séance du conseil d'administration de SAirGroup du 29 septembre 2001, le président-directeur général du CSG, qui était aussi membre du conseil d'administration de SAirGroup, a proposé que des représentants de CSFB (Credit Suisse First Boston) participent à la séance étant donnés qu'ils avaient également des solutions à proposer. Un avocat de l'étude Baker & McKenzie a ainsi présenté le projet «New Crossair». Ce projet prévoyait la reprise de Crossair par des investisseurs ainsi que la demande d'un sursis concordataire pour Swissair et SAirGroup.

En un mois, Crossair devait recevoir les autorisations d'exploitation et les concessions pour les liaisons internationales, ce qui lui aurait permis de devenir la nouvelle compagnie aérienne nationale. Cette solution ne prévoyait pas d'interruption du service de vol. Le prix de vente des actions Crossair était alors évalué à environ 250 millions de francs. Le même soir, au siège central de SAirGroup, le projet a été présenté aux deux grandes banques et à Crossair. Les représentants de la Confédération en ont été informés
le lendemain.

Phoenix Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 2001, au siège central de SAirGroup au Balsberg, deux membres du Group Managing Board de l'UBS (l'organe directement subordonné au directoire du groupe) ont élaboré la liste de conditions «Phoenix» à partir du projet «New Crossair». L'élaboration de la version définitive de ce document a été achevée au matin du 1er octobre 2001, vers 4h20. Selon ces conditions, les 258,8 millions de francs dégagés par la vente des actions Crossair pouvaient servir au maintien du service aérien jusqu'au 3 octobre 2001 ­ c'est-à-dire, selon les indications de l'époque de SAirGroup et de Crossair, jusqu'à ce que Swissair puisse assurer une immobilisation ordonnée de la flotte. Avec cette limitation de l'usage du produit de la vente, les banques voulaient protéger et assurer la survie des sociétés connexes et, partant, de l'infrastructure des aéroports suisses. Le projet s'accom4964

modait d'une interruption du service de vol. Le prêt relais de 250 millions de francs mis à la disposition de SAirLines était uniquement destiné au maintien des entreprises connexes. Le projet prévoyait que les banques accorderaient des facilités à Crossair pour ses besoins en fonds de roulement (crédit d'exploitation)115 jusqu'à un montant de 500 millions de francs et consentiraient à une augmentation de son capital de 350 millions de francs. Le chef du DFF a reçu la liste de conditions «Phoenix» le 1er octobre 2001 au matin.

Conclusion: Si le projet «Swiss Air Lines» prévoyait encore le sauvetage du groupe dans son ensemble, le concept «New Crossair» concentrait déjà les efforts sur le maintien du service de vol et de quelques sociétés connexes importantes. La liste de conditions «Phoenix» était la concrétisation du projet «New Crossair». Toutefois, à la différence de ce dernier, le projet «Phoenix» s'accommodait d'une interruption du service de vol. Des erreurs se sont glissées dans les divers plans de sauvetage dont l'élaboration a souffert de l'énorme pression résultant du manque de temps. Ces erreurs ont par la suite entraîné d'importantes complications. Il avait notamment été prévu que Crossair reprendrait les vols long-courriers de Swissair à la fin du mois d'octobre 2001, ce qui s'est avéré impossible. En outre, l'augmentation de capital a finalement été huit fois plus élevée que les 350 millions de francs prévus.

6.3.2

Le crédit relais de 250 millions de francs

Le 1er octobre 2001, le président-directeur général de SAirGroup a contacté des représentants de la Confédération. Le but de son appel était d'obtenir un crédit relais de 250 millions de francs afin d'éviter une interruption du service de vol. Le chef du DFF était d'accord avec cette solution sous certaines conditions. À son avis, les deux grandes banques auraient dû assumer la moitié de ce crédit alors que la Confédération aurait octroyé l'autre moitié. L'après-midi du même jour, le chef du DFF a téléphoné au président du conseil d'administration de l'UBS pour lui présenter cette proposition. Arguant du fait que les fonds ainsi consentis auraient dû être entièrement amortis en raison de la demande de sursis concordataire qui menaçait d'être déposée, le président du conseil d'administration a indiqué que l'UBS refuserait de participer à ce crédit et que la banque ne pouvait et ne voulait plus prendre d'autres risques financiers en rapport avec Swissair. Le chef du DFF a prié celui-ci de lui donner une réponse définitive avant la séance du Conseil fédéral qui devait avoir lieu plus tard à 19 heures. Le président du conseil d'administration de l'UBS avait promis de discuter de cette proposition avec les concernés, principalement avec le CSG. Selon les renseignements que l'UBS a donnés ultérieurement à ce sujet, il apparaît que, à aucun moment durant la conversation téléphonique, le président du conseil d'administration de l'UBS avait considéré que la proposition du chef du DFF était une proposition formelle et que l'UBS était responsable de la transmettre au CSG. Il a tout de même appelé le président-directeur général du CSG pour lui demander s'il avait connaissance de la proposition du Conseil fédéral concernant le crédit relais. Ce dernier a répondu par la négative. À partir de là, les avis de l'UBS et du CSG diffèrent: alors que l'UBS affirme avoir informé le CSG du principe de 115

Il s'agit d'un crédit à courte échéance servant à financer des opérations relatives au fonctionnement de l'entreprise octroyé pour pallier des difficultés de trésorerie passagères.

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crédit relais, le CSG affirme au contraire n'avoir pas été mis au courant. Le chef du DFF n'ayant pas reçu de réponse de l'UBS avant le début de la séance du Conseil fédéral, l'un de ses collaborateurs personnels a vainement tenté de joindre le président du conseil d'administration de l'UBS. Ce n'est qu'après la conférence de presse de SAirGroup que ce collaborateur personnel a été rappelé par l'un des membres du Group Managing Board de l'UBS qui a confirmé la décision négative de la banque.

Le lendemain matin, le chef du DFF a essayé une nouvelle fois de joindre le président du conseil d'administration de l'UBS. Ce dernier étant en route pour les EtatsUnis, le chef du DFF s'est adressé à son remplaçant et lui a réitéré sa proposition concernant le crédit d'urgence. Le remplaçant du président du conseil d'administration de l'UBS a promis qu'il contacterait immédiatement le CSG. Tout de suite après ce téléphone, le chef du DFF a appelé le président-directeur général du CSG ainsi que le vice-président de la direction. Ils n'étaient, ni l'un ni l'autre, au courant d'une proposition de crédit d'urgence. L'UBS ne leur aurait rien transmis. Les représentants du CSG ont cependant spontanément offert d'assumer leur part à ce crédit. Ils ont ensuite pris contact avec l'UBS qui, une nouvelle fois, a refusé sa participation. Au cours de cette communication téléphonique, les interlocuteurs ont accepté le compromis du CSG qui consistait à autoriser SAirGroup à utiliser le produit de la vente des actions Crossair pour maintenir le service de vol jusqu'au 5 octobre 2001.

Conclusion: Alors que l'UBS avait clairement rejeté la proposition de crédit relais émanant de la Confédération, le CSG s'est déclaré d'accord d'y participer. De son côté, la Confédération a subordonné son engagement à celui des banques. Bien que le DFF se soit employé à établir les contacts nécessaires, la communication entre les trois acteurs mentionnés au cours des journées des 1er et 2 octobre 2001 a été en partie difficile et a manqué de clarté. Une communication directe à laquelle tous les concernés auraient pu participer simultanément aurait sans doute été plus adéquate.

6.3.3

La conclusion du contrat d'achat des actions Crossair le 2 octobre 2001

Parallèlement aux efforts en faveur d'un crédit relais, le contrat d'achat des actions Crossair a été finalisé le 2 octobre 2001. SAirGroup espérait une conclusion rapide de la transaction afin d'obtenir les liquidités qui lui auraient permis de maintenir son service de vol. En raison de diverses complications, ce contrat n'a pourtant pu être signé qu'après l'immobilisation de la flotte de Swissair. C'est la raison pour laquelle SAirGroup accuse l'UBS d'avoir retardé le versement du produit de la vente par excès de formalisme. SAirGroup reproche également aux banques d'avoir insisté sur l'élaboration d'un contrat d'option en corrélation avec la reprise de la marque «Swissair». Selon les indications de SAirGroup, le contrat d'option était une condition pour la conclusion du contrat d'achat des actions Crossair alors même que la liste de conditions «Phoenix» ne le prévoyait pas. À ce sujet, l'UBS est d'avis que les deux contrats étaient indissociables. Le contrat d'option a d'ailleurs été signé environ quatre heures après le contrat portant sur la vente des actions. Selon leurs propres déclarations, les représentants de l'UBS ont demandé à 14 heures que le montant de la vente soit immédiatement viré, dès que SAirGroup aurait remis ses

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actions Crossair. Le CSG se serait opposé à cette manière de faire et aurait exigé que toutes les conditions contractuelles soient préalablement remplies. Lors d'une audition des représentants du CSG, ceux-ci ont affirmé que l'UBS n'avait jamais proposé que le montant de la vente soit immédiatement viré. Dans le cas présent et du moment qu'il aurait été disposé à participer au crédit relais, le CSG était bien entendu également disposé à virer le montant de la vente.

Au sujet des lenteurs lors de la conclusion du contrat, les représentants de Crossair ont souligné qu'ils ont eu besoin de temps pour étudier le contrat en détail. Avec l'aide d'avocats, ils ont dû se pencher avec soin sur le contenu de chaque article tant il est vrai qu'il en allait de l'avenir de Crossair. Du côté de SAirGroup, la date de signature a également dû être repoussée étant donné qu'il n'a pas été en mesure de produire à temps tous les documents nécessaires pour le déclenchement du virement du produit de la vente des actions Crossair. Ainsi, la décision du conseil d'administration de SAirGroup du 1er octobre 2001 concernant la signature de la liste de conditions «Phoenix» n'était formulée que dans des termes conditionnels. En effet, selon cette décision, le président-directeur général de SAirGroup était habilité à contacter les représentants des milieux économiques et de la Confédération pour tenter une dernière fois de se procurer les moyens permettant d'éviter l'interruption du service de vol. Ce n'est qu'en cas d'échec de cette dernière tentative que le président-directeur général était habilité à signer la liste de conditions «Phoenix». Le 2 octobre 2001, les banques ont exigé une déclaration de SAirGroup stipulant que les conditions étaient réunies pour la signature. Cette déclaration a été fournie à 17h30. Ce jour-là, en raison de la pression résultant du manque de temps, le président-directeur général de SAirGroup s'est plusieurs fois adressé à l'UBS pour recevoir une avance de 100 millions de francs sur le prix de vente des actions. D'après les souvenirs des représentants de l'UBS, lors de cette demande de versement, SAirGroup n'avait pas déclaré qu'il s'agissait d'une demande d'avance. L'UBS a donc refusé cette requête étant donné que ce montant n'aurait plus pu être récupéré dans le cadre du concordat. Elle aurait
en revanche attiré l'attention du présidentdirecteur général de SAirGroup sur le fait que les liquidités du groupe étaient encore suffisantes. SAirGroup s'élève en faux contre cette affirmation.

Conclusions: Les lenteurs intervenues lors de la finalisation du contrat ne sont pas dues à une seule partie. De plus, il ne faut pas oublier que la signature du contrat a eu lieu dans un climat caractérisé par une énorme pression résultant du manque de temps. Moins de deux jours séparent l'élaboration du projet «Phoenix» de la signature du contrat d'achat des actions Crossair en possession de SAirGroup.

Même si l'argent avait pu être versé à temps, il est douteux de penser que Swissair aurait pu en disposer librement. Selon le contrat, ce montant était destiné à SAirLines et non pas à Swissair. D'après le commissaire au sursis concordataire, en situation de concordat, le transfert de liquidités au sein d'un groupe n'est pas autorisé pour éviter de désavantager les créanciers. Les fonds devaient donc être versés directement aux filiales. C'est d'ailleurs pour cette raison que les fonds du prêt relais ne sont jamais parvenus à SAirGroup. Par la suite, les banques ont accepté d'accorder les crédits directement aux sociétés connexes liées au service aérien.

4967

6.3.4

L'état des liquidités en date du 2 octobre 2001

Au matin du 2 octobre 2001, selon les indications de SAirGroup, les liquidités dont Swissair disposait se montaient à 4,2 millions de francs. À noter que 20 millions de francs étaient bloqués sur des comptes de l'UBS en faveur de la caisse d'épargne du personnel de SAirGroup. D'autres montants de la caisse étaient également bloqués sur des comptes auprès du CSG. Un montant de 73 millions de francs d'un compteséquestre, qui aurait pu être disponible le matin du 2 octobre 2001, n'a été libéré qu'après 17h30. Selon SAirGroup, l'annonce de la demande de sursis concordataire nécessitait encore la clarification de nombreux points juridiques de sa part et de la part du dépositaire du contrat de séquestre, ce qui a retardé la libération de cette somme. Les instructions correspondantes ont été données vers 17 heures ­ incompréhensiblement tard pour l'UBS. Selon cette banque, SAirGroup disposait de plus de 34 millions de francs sur ses comptes UBS. En outre, Swissair aurait pu recourir au montant du compte-séquestre ainsi qu'à plus de 112 millions de francs qui étaient bloqués sur des comptes auprès du CSG pour des raisons juridiques. Au total, toujours selon l'UBS, SAirGroup aurait pu disposer de plus de quelque 200 millions de francs. Les représentants de SAirGroup estiment toutefois que, après l'annonce de la demande de sursis concordataire, Swissair n'aurait plus pu bénéficier des avoirs de SAirGroup: de tels transferts de fonds n'auraient plus été autorisés pour éviter de désavantager les créanciers.

Les sommes mentionnées ci-dessus doivent cependant être relativisées: il suffit de penser que, le 4 octobre 2001, il a fallu 150 millions de francs pour faire redécoller les avions. Le jour suivant, 50 millions ont encore été nécessaires alors que, habituellement, le service de vol coûtait environ 17 millions de francs par jour. Que Swissair ait pu disposer de 4 ou de 34 millions de francs le 2 octobre 2001 n'aurait rien changé: le service de vol n'aurait de toute manière pas pu être maintenu. Cette augmentation énorme des besoins en liquidités résultait directement de l'annonce de la demande du sursis concordataire. À partir de cette annonce, la compagnie a dû payer les factures de ses fournisseurs au comptant. Swissair ne disposait cependant pas des sommes suffisantes pour effectuer de tels règlements,
cela d'autant plus qu'il fallait auparavant encore payer comptant les factures en souffrance. Comme cela a déjà été mentionné ci-dessus, ni la demande d'avance sur le prix de vente des actions Crossair de 100 millions de francs, ni la proposition de crédit relais de 250 millions de francs n'ont abouti ce jour-là.

Conclusion: Les indications des divers acteurs au sujet des liquidités dont Swissair disposait le 2 octobre 2001 pour assurer le maintien de son service de vol sont contradictoires et rendent toute appréciation difficile. Lorsque SAirGroup évoque la question des liquidités à la disposition de Swissair, l'UBS mentionne des montants qui se trouvaient sur des comptes UBS dont SAirGroup pouvait disposer. Il n'est cependant pas du tout certain que des fonds auraient encore pu être transférés au sein du groupe après l'annonce de la demande du sursis concordataire. En outre, l'annonce du dépôt d'une demande de sursis concordataire, même si le sursis n'avait pas encore été demandé, avait fait exploser les besoins en liquidités. Le conseil d'administration de SAirGroup s'était insuffisamment préparé à cette situation.

D'une part, lors de sa séance du 25 septembre 2001, au vu de l'ampleur du dommage provoqué par un effondrement non préparé et inattendu, le conseil d'administration partait du principe que les deux grandes banques suisses ne laisse4968

raient pas tomber SAirGroup. D'autre part, le 26 septembre 2001, les conseillers juridiques avaient attiré son attention sur le fait que la procédure concordataire n'était pas une solution permettant d'assainir SAirGroup.

La situation des liquidités de SAirGroup en date du 2 octobre 2001 sera examinée plus en détail dans le cadre des investigations menées par le commissaire au sursis concordataire.

6.3.5

Causes de l'immobilisation de la flotte Swissair

Avant les événements du 11 septembre 2001, les dirigeants de SAirGroup estimaient que leur marge de manoeuvre était faible, mais que la restructuration du groupe était néanmoins possible. Après cette date, il a été nécessaire de procéder à une réévaluation de la situation en raison de la détérioration prévisible des liquidités. Les responsables du groupe estimaient que celui-ci ne serait plus solvable sans aide extérieure à partir de début octobre 2001. Ils espéraient recevoir de l'aide des milieux économiques et de l'Etat afin d'assainir le groupe. Ils reprochent aux auteurs du plan «Phoenix» de s'être accommodés d'une immobilisation des avions de Swissair en prévoyant que le produit de la vente des actions Crossair ne pourrait être affecté au maintien du service de vol au-delà du 3 octobre 2001 et en refusant d'octroyer une avance sur le produit de la vente. SAirGroup reproche à l'UBS d'avoir refusé de participer à un crédit relais de 250 millions de francs et d'avoir retardé le versement du prix de vente des actions Crossair par son formalisme. Ce sont des questions de sécurité dues au dépassement des limites réglementaires des heures de travail du personnel volant (flight duty regulations) qui ont été la raison immédiate de l'immobilisation de la flotte l'après-midi du 2 octobre 2001 (voir fin de la section 6.2).

Pour les représentants de l'UBS, l'immobilisation de la flotte de Swissair n'est pas due aux événements qui ont eu lieu au cours des quelques jours agités qui ont précédé le 2 octobre 2001. Elle découle au contraire de la négligence dont les responsables de SAirGroup ont fait preuve durant des mois. De l'avis des responsables de l'UBS, les représentants de SAirGroup n'ont pas pris les mesures d'assainissement à temps. L'appel à l'aide du 29 septembre 2001 à l'intention de l'UBS est intervenu trop tard pour que Swissair puisse encore être sauvée.

De l'avis des responsables de l'autre grande banque suisse, le CSG, la déconfiture de SAirGroup est le résultat de ses prises de participations dans des compagnies aériennes étrangères (la stratégie dite du chasseur). Si les sociétés connexes au service de vol avaient été vendues au cours de l'été 2001 et que le groupe avait été recapitalisé, son sauvetage aurait tout à fait été possible. Un crédit relais aurait également très vraisemblablement
permis d'éviter l'immobilisation de la flotte Swissair.

Les représentants de Crossair estiment que, avant le 11 septembre 2001, il était déjà évident que SAirGroup était condamné. Pour eux, les événements du 11 septembre 2001 ne peuvent être considérés comme l'origine des problèmes qui ont finalement conduit SAirGroup à demander un sursis concordataire. Les représentants de Crossair sont d'avis que c'est l'annonce de la demande de sursis concordataire qui est la cause immédiate de l'immobilisation des avions. À partir de ce moment-là, tous les fournisseurs voulaient être payés au comptant. Il a donc fallu que les pilotes empor4969

tent de l'argent lors de leurs vols pour régler les frais engendrés aux escales. Cette manière de procéder, techniquement impossible à long terme, a provoqué de violentes réactions de la part des équipages. Celles-ci ont mis la sécurité en péril.

Conclusion: Les événements dramatiques du 11 septembre 2001 ont accéléré la déconfiture de Swissair. Il est cependant indéniable que, avant cette date, SAirGroup était déjà confronté à de graves problèmes qui n'auraient pu être résolus qu'en prenant des mesures radicales. L'annonce de la demande d'un sursis concordataire a provoqué une massive augmentation des besoins en liquidités. À partir de cet instant, Swissair n'obtenait des prestations plus que contre paiement au comptant et à condition d'avoir réglé les éventuelles factures ouvertes. Au matin du 2 octobre 2001, deux avions de Swissair avaient été placés sous séquestre à Londres. Il faut également souligner la tension émotionnelle de tous les participants, ce qui n'a pour le moins pas favorisé la prise de décisions rationnelles. En plus des problèmes de liquidités, ces circonstances ont rendu la poursuite du service de vol impossible.

Lorsque les limites réglementaires des heures de travail du personnel volant ont été dépassées, la direction de Swissair a décidé d'interrompre le service de vol (voir fin de la section 6.2).

6.4

Impressions de la CdG-E au sujet de l'évolution et de l'issue fatale de la crise Swissair

SAirGroup, un conglomérat complexe d'entreprises La restructuration de Swissair en 1997 est à l'origine de la dissociation de certaines parties de la société qui sont devenues des entreprises indépendantes au sein du nouveau groupe. Cette restructuration a abouti à un grand et complexe conglomérat d'entreprises. Il faut une organisation claire et des compétences spécifiques à tous les niveaux pour gérer une telle configuration. La structure choisie pour le groupe (structure de holding) était compliquée, difficile à cerner et à contrôler (voir la structure du groupe en 2000/2001 à l'annexe 3). La CdG-E estime qu'il existe des indices permettant de penser que cette structure gênait la gestion du groupe et que les instruments de direction, de gestion et de surveillance correspondants manquaient ou n'était pas suffisamment développés. En outre, les particularités du transport aérien exigent une gestion des risques particulière et des connaissances correspondantes de la branche. Avec le recul, tous ces aspects, qui découlent en partie de la structure complexe de 1997, ont contribué à l'aggravation des problèmes que Swissair a connus. Les investigations du commissaire au sursis concordataire de SAirGroup mettront sans doute mieux en évidence dans quelle mesure dans laquelle cette structure d'entreprise a pesé sur la crise de Swissair.

Les graves signes avant-coureurs d'une crise Au cours de la seconde moitié de 2000, le public a eu vent de rumeurs selon lesquelles la stratégie d'entreprise serait un échec. Il semble que l'étude McKinsey «Shield I» effectuée au courant de l'été 2000 avait déjà permis de constater un déficit de financement de 3 milliards de francs. La question se pose de savoir si SAirGroup ne serait pas parvenu trop tard à la constatation de l'échec de sa stratégie. Après la crise de direction au début de 2001, les dirigeants étaient éprouvés. La certitude que le groupe allait devoir faire apparaître une perte de 2885 millions de 4970

francs et que la part des fonds propres devenait de plus en plus congrue est encore venue s'ajouter à ce sentiment général. Au printemps 2001, le dommage intervenu du point de vue de l'économie suisse était déjà important. Plusieurs sources ont indiqué à la CdG-E que, à ce moment-là, la situation de SAirGroup était en effet déjà désastreuse. L'UBS qui a analysé la situation à fin mars 2001 est parvenue à un résultat alarmant. Elle estimait qu'un assainissement financier s'imposait d'urgence.

Ce sont les investigations du commissaire au sursis concordataire qui donneront des éclaircissements sur la manière dont la situation était évaluée au sein du groupe. Les informations de la CdG-E indiquent cependant que certains membres de la direction du groupe étaient accablés par l'ampleur de la crise et ont, pour certains, invité par écrit le conseil d'administration à prendre des mesures d'assainissement radicales.

Selon la CdG-E, les responsables de SAirGroup devaient être parfaitement au courant de la précarité de la situation de SAirGroup au plus tard dès le début de 2001.

Malgré cela, il semble que les conclusions qui s'imposaient n'ont pas été tirées et qu'aucune mesure n'a été prise dans le but d'assainir le groupe en profondeur et de manière durable.

L'assemblée générale du 25 avril 2001 en tant que nouveau départ Les graves signes avant-coureurs de la déconfiture de SAirGroup ont été comme occultés lorsque, en avril 2001, la figure de proue du groupe nouvellement élue a présenté la nouvelle stratégie à l'assemblée générale et a annoncé que les liquidités étaient assurées par une nouvelle ligne de crédit pour un montant d'un milliard de francs accordée par Citibank, CSFB et Deutsche Bank.

Les actionnaires et le personnel de SAirGroup, tout comme le public, ont projeté leurs attentes sur une seule personne. Cette personne devait toutefois travailler avec l'équipe de dirigeants éprouvés de l'«ancien» SAirGroup en assumant, à elle seule, les tâches et les responsabilités de la présidence du conseil d'administration et de la direction générale. Ce cumul de fonctions a été de fait sanctionné par l'élection à l'occasion de l'assemblée générale. Même si la stratégie avait changé, SAirGroup continuait de se débattre dans une situation financière non seulement difficile, mais encore ­ comme la révision
intermédiaire l'a montré par la suite ­ dont la gravité avait été nettement sous-estimée. Le groupe devait en outre faire face à d'importants engagements envers des compagnies aériennes étrangères. Cela étant, SAirGroup voyait son avenir avec optimisme.

Bien que le nouveau président-directeur général s'engageait de toute son énergie en faveur de SAirGroup, la CdG-E estime que le fait de placer pratiquement tous ses espoirs en une seule et même personne a été fatal. Cette personne aurait dû accomplir un travail surhumain pour répondre aux attentes et aux intérêts les plus divers du moment. Lors de l'assemblée générale, ou juste après, il aurait fallu instituer un étatmajor de crise afin d'entamer un assainissement en profondeur. La CdG-E est néanmoins consciente qu'un état-major de crise aurait eu à lutter contre d'énormes difficultés pour parvenir à réaliser un tel assainissement.

De fin avril à fin août 2001 En portant cet énorme fardeau, le président-directeur général de SAirGroup a fait preuve d'un engagement hors du commun afin de régler le problème des participations étrangères. La préparation de solutions permettant une sortie ordonnée de ces participations a, selon la CdG-E, absorbé la quasi-totalité des capacités de l'équipe 4971

de direction. Celle-ci n'a, partant, plus été en mesure de se consacrer suffisamment à l'assainissement et à la recapitalisation de SAirGroup, mesures qui auraient été tout aussi prioritaires. Dans cette situation, il aurait sans doute été très difficile, voire impossible d'élaborer une stratégie d'assainissement en tant que telle. À cet égard, la CdG-E éprouve une certaine désillusion: malgré tous les efforts de désengagement consentis, ces compagnies et les Etats en question font aujourd'hui encore valoir de nombreuses créances élevées dans le cadre de la procédure de concordat (voir ch.

1.3.2).

SAirGroup a encore fait preuve d'optimisme le 30 août 2001 lors de la présentation des résultats semestriels et en rendant compte de l'effritement de ses fonds propres.

Pour améliorer ses liquidités et pour renforcer sa couverture de fonds propres, la vente de Swissport et de Nuance Group a été annoncée. À cette occasion, SAirGroup a cependant constaté que l'inversion de la tendance devait encore être accélérée.

Les mesures d'assainissement en septembre 2001 Il semble que, au plus haut niveau de la hiérarchie de SAirGroup, des scenarii de secours aient été mis en oeuvre le 10 septembre 2001 déjà. Les attentats du 11 septembre 2001 ont accéléré une crise qui était déjà bien avancée. Les conditions d'un assainissement rapide n'étaient pourtant pas réunies: les investisseurs potentiels ne pouvaient se baser sur aucun concept global et ne parvenaient pas à cerner avec une précision suffisante l'ampleur de l'assainissement nécessaire. Le 29 septembre 2001, l'idée d'un assainissement du groupe dans son intégralité a été abandonnée. SAirGroup se trouvait quasiment en situation d'insolvabilité au plus tard fin septembre 2001.

La CdG-E est d'avis que l'étroite voie choisie par SAirGroup pour son assainissement comportait trop de risques.

L'interruption du service de vol des 2 et 3 octobre 2001 en tant que conséquence d'une situation de crise avancée L'interruption du service de vol des 2 et 3 octobre 2001 doit être comprise comme la conséquence des développements dépeints ci-dessus. Encore peu de temps avant l'immobilisation de la flotte, les dirigeants de SAirGroup croyaient que les banques ou la Confédération débloqueraient les fonds nécessaires. Dans ces conditions, SAirGroup ne s'est pas suffisamment
préparé à l'éventualité d'une situation de cessation de paiement. Le 2 octobre 2001, l'image des avions cloués au sol a provoqué un choc: l'entreprise ­ longtemps appelée la «banque volante» tant elle était capitalisée ­ était à terre, dans les deux sens du terme.

C'est principalement la manière chaotique avec laquelle l'immobilisation eut lieu qui est à l'origine du mécontentement du public et qui a soulevé de nombreuses questions. En fait, selon la planification, l'immobilisation de la flotte de Swissair n'aurait pas dû intervenir avant le 3 ou le 5 octobre 2001. Le 1er octobre 2001, l'annonce à l'avance du dépôt de la demande de sursis concordataire par SAirGroup a provoqué une réaction en chaîne qui a abouti à l'interruption chaotique du service de vol de Swissair le jour suivant. SAirGroup n'avait pas préparé l'annonce ou le dépôt de la demande de sursis concordataire dans le détail et de manière approfondie. Pour éviter la dimension chaotique de l'aboutissement de la crise de Swissair, SAirGroup aurait dû préparer l'interruption de ses vols très tôt déjà.

4972

Naturellement, des moyens financiers en suffisance auraient permis de maintenir le service de vol de Swissair. Après le 29 septembre 2001, l'UBS a voulu assumer le rôle de chef de file lors des transactions portant sur l'achat des actions Crossair. À noter toutefois que c'était l'UBS qui avait pris ses distances par rapport à SAirGroup au printemps 2001. Les relations entre l'UBS et SAirGroup se sont constamment dégradées. Cette dégradation provient peut-être des différences d'opinion au sujet de l'assainissement nécessaire ou du fait que SAirGroup n'a pas respecté son engagement ­ oral de toute évidence ­ envers l'UBS : non seulement SAirGroup n'a pas conclu d'accords moratoires avec les autres instituts bancaires, mais leur a de plus remboursé des crédits.

Il est établi que, dans les quelques jours qui ont précédé l'interruption du service de vol, des scenarii irréalistes ont été élaborés dans le cadre du projet «Phoenix» et leurs répercussions ont de plus été sous-estimées. Le fait de tabler sur une reprise ordonnée du service de vol de Swissair par Crossair en l'espace de quelques semaines est caractéristique de ce manque de réalisme. Un transfert ordonné n'aurait été possible que si les conditions financières, organisationnelles et juridiques avaient toutes été réunies à temps, ce qui n'a pas été le cas. Pour ce qui est des banques, force est de constater qu'elles n'ont pas mesuré les conséquences émotionnelles et politiques en s'accommodant du risque d'une immobilisation de la flotte Swissair. Elles n'ont pas non plus tenu suffisamment compte du fait que, en plus des fonds nécessaires à l'achat des actions Crossair et du crédit relais pour le maintien des sociétés connexes, la mise en oeuvre de la liste de conditions «Phoenix» rendait le financement du transfert d'activités indispensable. Ce n'est qu'à cette dernière condition qu'il aurait été possible de l'organiser. Cette erreur d'appréciation est d'autant plus étonnante que, les 1er et 2 octobre 2001, le chef du DFF est intervenu plusieurs fois avec insistance auprès des banques au sujet d'un crédit relais. Enfin, le projet «Phoenix» avait encore sous-estimé le fait que la préparation soigneuse d'une demande de sursis concordataire est un travail qui prend certainement plusieurs mois.

Même une interruption ordonnée du service de vol
aurait pour le moins nécessité des délais suffisants, d'une part afin d'en expliquer les conséquences aux clients et aux membres du personnel et, d'autre part, afin de prendre les mesures qui s'imposaient au sujet des titres de transport déjà émis. La CdG-E estime d'ailleurs que les trois jours (du 1er au 4 octobre 2001) avant l'interruption du service de vol dont les banques s'étaient accommodée, n'auraient guère permis de mieux la préparer.

À partir du 29 septembre 2001 et jusqu'à l'immobilisation de la flotte Swissair, les événements se sont précipités et il est préoccupant de constater que bien des choses se sont déroulées dans l'énervement et le chaos. Il faut cependant relever que, au cours de ces journées, les personnes concernées ont été soumises à très rude épreuve. L'aggravation de la crise, ses conséquences désastreuses et la surcharge très importante des acteurs concernés sont à l'origine de conséquences émotionnelles aggravantes.

4973

7

Remarques finales et suite des travaux

Pour son examen de la crise Swissair, la CdG-E s'est principalement concentrée sur l'action des autorités fédérales. Au vu des informations dont elle dispose aujourd'hui, la CdG-E constate que la responsabilité des organes de la Confédération n'est pas engagée pour ce qui concerne l'évolution et l'issue dramatique de la crise. Une responsabilité de la Confédération en sa qualité de membre du conseil d'administration en vertu du droit sur les sociétés anonymes pourrait tout au plus ressortir des investigations du commissaire au sursis concordataire qui publiera les résultats de son enquête dans le courant de l'automne 2002. Cette réserve mise à part, l'action des autorités fédérales dans le cadre de la crise Swissair peut pour le reste être qualifiée de très professionnelle et engagée. À l'échelon fédéral, il est dorénavant possible et indispensable de tirer les leçons des événements en rapport avec la crise Swissair, et cela principalement dans les domaines de la surveillance de l'aviation civile et de la détection précoce.

La Confédération doit être consciente de l'importance cruciale de sa surveillance dans le domaine du transport aérien. La CdG-E propose diverses mesures ayant pour but de vérifier et d'améliorer la pratique et la réglementation actuelles de la surveillance que la Confédération exerce sur l'aviation civile.

L'exemple de la crise Swissair montre également que la Confédération doit être encore plus consciente de son rôle lors de crises susceptibles d'entraîner une intervention de l'Etat. Ce rôle s'étend notamment aussi à la détection précoce des crises potentielles ainsi qu'à l'élaboration de divers scenarii envisageables en temps opportun.

Le cadre de la haute surveillance parlementaire ne permet pas à la CdG-E d'analyser et d'évaluer la crise Swissair de manière exhaustive. Les résultats des investigations du commissaire au sursis concordataire, centrées sur l'action des organes de SAirGroup, apporteront une contribution importante à l'évaluation globale de la crise Swissair.

Sur la base de ses appréciations et de ses conclusions présentées aux sections 3.10 et 4.6 ainsi qu'au chap. 5, la CdG-E a émis 10 recommandations à l'intention du Conseil fédéral et a déposé 2 motions et 5 postulats dont voici la teneur: Motion 1: Renvoi de la loi fédérale sur l'aviation aux dispositions
du droit communautaire La CdG-E charge le Conseil fédéral de présenter au Parlement un projet de révision de l'art. 27, al. 2, let. c, de la loi sur l'aviation. L'article révisé doit renvoyer aux exigences du règlement CEE 2407/92 en matière de capacité économique. (Voir section 3.10) Motion 2: Renforcement des dispositions légales relatives à la présentation des comptes et au contrôle des entreprises La CdG-E invite le Conseil fédéral à renforcer les dispositions du droit des obligations dans le domaine de la présentation des comptes et du contrôle des entreprises, au besoin dans une nouvelle loi. (Voir section 5.1)

4974

Postulat 1: Examen de la compétence en matière de concessions de routes La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions de la loi fédérale sur l'aviation relatives à la compétence en matière d'octroi de concessions de routes et à présenter ses conclusions dans un rapport. (Voir section 3.10) Postulat 2: Examen des dispositions relatives à la limitation de la durée de validité de l'autorisation d'exploitation La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions du droit aérien relatives à la limitation de la durée de validité et au renouvellement de l'autorisation d'exploitation et à présenter ses conclusions dans un rapport. (Voir section 3.10) Postulat 3: Détection précoce à l'échelle de l'économie nationale La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner si la détection précoce de la situation des entreprises importantes pour l'économie ou le système économique suisses nécessite de développer de nouvelles bases légales ou si de telles bases existent déjà.

(Voir section 4.6) Postulat 4: Rapprochement des divers intérêts dans le cadre du processus d'assainissement La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner les dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) afin de déterminer s'il ne conviendrait pas de créer une fonction de «commissaire» responsable de l'assainissement. Celui-ci serait chargé de rapprocher les possibles intérêts divergents présents dans un processus d'assainissement et de les coordonner en fonction du but de l'assainissement. (Voir section 5.1) Postulat 5: Ajustement de la LP en faveur de la procédure d'assainissement La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner comment la LP en vigueur permet de tenir compte de la volonté de favoriser l'assainissement et comment elle pourrait encore mieux en tenir compte. Il analysera les domaines qui posent problème dans la pratique. Il veillera en particulier à tenir compte des expériences que les autorités de concordat ont faites avec les entreprises de SAirGroup concernées par le sursis concordataire. (Voir section 5.1) Recommandation 1: Renforcement de la surveillance exercée par le DETEC sur l'OFAC Le DETEC doit accompagner plus étroitement les activités de l'OFAC et assurer un contrôle régulier de la surveillance exercée par celui-ci. Il doit également améliorer la transparence des
activités de l'OFAC en matière de surveillance. (Voir section 3.10) Recommandation 2: Renforcement de la surveillance en matière de capacité économique des entreprises aériennes La CdG-E invite le Conseil fédéral à créer les conditions permettant une surveillance approfondie de la capacité économique des entreprises aériennes. Il faut enjoindre l'OFAC à modifier sa pratique actuelle. Ses compétences spécifiques doivent être 4975

renforcées pour lui permettre d'évaluer la capacité économique des entreprises aériennes. Il convient en outre d'imposer à ces dernières des obligations d'annoncer spécifiques en cas de difficultés financières. (Voir section 3.10) Recommandation 3: Précisions quant au retrait de l'autorisation d'exploitation La CdG-E invite le Conseil fédéral à définir des critères et une procédure adéquats et précis permettant à l'OFAC de prendre des mesures lorsqu'une entreprise aérienne ne parviendrait plus à rendre vraisemblable qu'elle est en mesure de faire face à ses obligations. Il doit en particulier préciser les conditions et les diverses étapes de la procédure menant au retrait de l'autorisation d'exploitation. (Voir section 3.10) Recommandation 4: Examen régulier des conflits d'intérêts potentiels par le DETEC Dans le cadre de sa responsabilité hiérarchique, le DETEC doit examiner à intervalle régulier si l'OFAC et le BEAA ont assumé leurs tâches auprès des entreprises aériennes en étant libres de toute imbrication personnelle. (Voir section 3.10) Recommandation 5: Analyse de l'effectif de l'OFAC La CdG-E invite le Conseil fédéral à réexaminer l'effectif de l'OFAC tant du point de vue quantitatif que qualitatif et à prendre les mesures qui s'imposent pour garantir un haut niveau de sécurité de l'aviation civile. (Voir section 3.10) Recommandation 6: Examen des participations de la Confédération à des entreprises du secteur privé La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner la politique de la Confédération en matière de participation à des entreprises du secteur privé (les participations existantes doivent également être examinées de manière critique). Il devra en particulier tenir compte des conflits d'intérêts existants ou potentiels. En ce qui concerne les participations de la Confédération, le Conseil fédéral est chargé de veiller à ce que celle-ci puisse exercer ses droits en matière de contrôle et d'information de manière critique et durable. (Voir section 4.6) Recommandation 7: Développement précoce de scenarii possibles La CdG-E invite le Conseil fédéral à développer le plus tôt possible des scenarii permettant de répondre à de possibles développements et effets de situations de crise susceptibles de toucher la Confédération de manière importante. Le cas échéant, il est en outre chargé de préparer
des décisions sous réserve et de constituer un étatmajor de crise. (Voir section 4.6) Recommandation 8: Coordination et poursuite du développement de la détection précoce par la Confédération La CdG-E invite le Conseil fédéral à garantir la coordination des organes de détection précoce de l'administration fédérale et de faire lui-même preuve d'une plus grande sensibilité en matière de détection précoce de crises et défis politiques potentiels. Elle attend en particulier qu'il développe un système de détection précoce

4976

qui intègre la situation des entreprises qui jouent un rôle important pour l'ensemble du système économique suisse. (Voir section 4.6) Recommandation 9: Reformulation de la politique des transports aériens Au vu des développements internationaux, la CdG-E invite le Conseil fédéral à reformuler la politique suisse des transports aériens et à définir le rôle de l'Etat en matière de maintien de l'infrastructure des transports aériens. À cette occasion, il examinera également le rôle de la Commission fédérale de l'aviation. (Voir section 5.2) Recommandation 10: Soutien en faveur de mesures contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol La CdG-E recommande au Conseil fédéral de suivre et de soutenir les efforts des transporteurs aériens à l'échelon international qui visent à protéger les passagers contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol d'une compagnie aérienne. (Voir section 5.3) La CdG-E attend du Conseil fédéral qu'il l'informe d'ici fin 2002 sur les mesures qu'il aura prises et introduites sur la base du présent rapport.

19 septembre 2002

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats Le président: Michel Béguelin Le président de la sous-commission DFI/DETEC: Hansruedi Stadler Le secrétaire suppléant: Martin Albrecht

4977

Personnes entendues par la CdG-E (indication de la fonction au moment de l'audition) Auer André, directeur de l'Office fédéral de l'aviation civile Brunetti Aymo, membre de la direction du Secrétariat d'Etat à l'économie Corti Mario A., président et délégué du conseil d'administration de SAirGroup Dettling-Ott Regula, privatdocent, avocate Doerig Hans-Ulrich, vice-président du directroire et chief risk officer du CSG Dosé André, dircteur général de Swiss International Air Lines SA Fouse Jacqualyn, responsable des finances de SAirGroup Haller Jürg, member of the Group Managing Board et responsable du département Transformation du risque et gestion du capital de l'UBS Kälin Walter, responsable des finances de Swissair Karrer Alexander, collaborateur personnel du chef du DFF et président de la Confédération Kaspar Villiger Kurer Peter, member of the Group Managing Board et Group General Counsel de l'UBS Leuenberger Moritz, conseiller fédéral, chef du DETEC Lüthi Peter, executive vice-president external relations, Swissair Mühlemann Lukas, président du conseil d'administration et du directoire du CSG Ospel Marcel, président du conseil d'administration de l'UBS Rochat Philippe, directeur du Air Transport Action Group Schmid Christoph, assistant de la direction de SAirGroup Siegenthaler Peter, directeur de l'Administration fédérale des finances Staehelin Ernst, avocat et notaire, conseiller juridique de Swiss International Airlines SA Suter Marco, member of the Group Managing Board et Group General Counsel de l'UBS Suter Moritz, ancien président et délégué du conseil d'administration de Crossair Syz David, secrétaire d'Etat, directeur du seco Villiger Kaspar, président de la Confédération, chef du DFF Werder Hans, secrétaire général du DETEC

4978

Personnes avec lesquelles la CdG-E s'est entretenue de manière informelle (indication de la fonction au moment de l'audition) Baumgarnter Samuel, représentant de la Section du droit international privé, Office fédéral de la justice Gasser Dominik, Procédure civile et Exécution forcée, Office fédéral de la justice Hasenfratz Paul, ancien directeur général de la Banque cantonale de Zurich Hauri Kurt, président de la Commission fédérale des banques Kläy Hanspeter, chef de l'Office du registre du commerce Koller Heinrich, directeur de l'Office fédéral de la justice Wüthrich Karl, commissaire au sursis concordataire de SAirGroup

4979

Abréviations AFF BEAA BO CDF CdG-E CdG-N CE CEE CEP CO

Administration fédérale des finances Bureau d'enquête sur les accidents d'aviation Bulletin officiel Contrôle fédéral des finances Commission de gestion du Conseil des Etats Commission de gestion du Conseil national Communauté européenne Communauté économique européenne Commission d'enquête parlementaire Code des obligations, loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) CSFB Credit Suisse First Boston CSG Credit Suisse Group DDPS Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports DETEC Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication DFAE Département fédéral des affaires étrangères DFE Département fédéral de l'économie DFF Département fédéral des finances DFI Département fédéral de l'intérieur DFJP Département fédéral de justice et police DFTCE Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (DETEC actuel) FF Feuille fédérale JAA Joint Aviation Authorities JAR Joint Aviation Requirements LA Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation LP Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite LTU Lufttransport-Unternehmen GmbH & Co. KG MSAS Maintenance System Approval Statement OACI Organisation de l'aviation civile internationale OFAC Office fédéral de l'aviation civile OFAS Office fédéral des assurances sociales OFPER Office fédéral du personnel OJAR-145 Ordonnance du 20 octobre 1995 sur les entreprises d'entretien d'aéronefs OJAR-OPS 1 Ordonnance du 8 septembre 1997 sur l'exploitation d'avions dans le transport aérien commercial ONU Organisation des Nations Unies 4980

OPRA

OSAv OSVo

RS SAFA seco UE

Ordonnance du 2 décembre 1991 régissant le versement des prestations en cas de retraite anticipée des agents soumis à des rapports de service particuliers Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation Ordonnance du 4 octobre 1999 sur le service de vol au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ordonnance sur le service de vol) Recueil systématique du droit fédéral Safety Assessment of Foreign Aircraft Secrétariat d'Etat à l'économie Union européenne

4981

Annexe 1

Rapport d'expertise à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats Le devoir de surveillance de l'OFAC dans le contexte de l'immobilisation de la flotte Swissair Philippe Rochat Dr en droit Genève

du 2 septembre 2002

4982

Regula Dettling-Ott Privatdocent, Dr en droit, avocate Winterthur

Table des matières Mandat et approche A. Les bases légales du devoir de surveillance de l'OFAC I.

Vue d'ensemble des bases légales du devoir de surveillance sur les compagnies aériennes 1. Droit suisse 2. Droit communautaire II.

Autorisation d'exploitation de vols commerciaux: les bases légales de l'octroi, du contrôle, du renouvellement et du retrait 1 Bases légales 1.1 Art. 27 LA 1.2 Art. 103 OSAv 1.3 Au sujet de l'ampleur des autorisations d'exploitations délivrées par l'OFAC 2 Exigences du droit suisse en matière d'octroi d'une autorisation d'exploitation 2.1 Catégories d'exigences 2.2 Indications au sujet des exigences techniques et opérationnelles 2.3 Indications sur la capacité économique 2.4 Examen de la capacité économique 2.5 Pratique de l'OFAC en matière d'examen de la capacité économique des demanderesses 2.6 Digression: les exigences en matière de capacité économique pour les sociétés qui font partie d'une holding 3 Exigences en matière d'autorisation d'exploitation selon le règlement CEE 2407/92 3.1 Remarques générales au sujet de l'application du règlement CEE 2407/92 3.2 Exigences du règlement CEE 2407/92 en détail 4 Comparaison des exigences du droit suisse et du droit communautaire en matière de capacité économique des demanderesses 5 Suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisation 5.1 Bases du droit suisse en matière de suivi de la capacité économique (art. 102 OSAv) 5.2 Suivi des titulaires d'autorisations selon le règlement CEE 2407/92 5.3 Pratique de l'OFAC en matière de suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation 6 Renouvellement de l'autorisation d'exploitation 6.1 Renouvellement en vertu du droit suisse 6.2 Renouvellement en vertu du règlement CEE 2407/92 7 Retrait de l'autorisation d'exploitation 7.1 Retrait selon le droit suisse 7.2 Retrait et suspension selon le règlement CEE 2407/92

4983

7.3

III.

IV.

Divergence entre l'art. 102 OSAv et l'art. 5 du règlement CEE 2407/92 7.4 Pratique de l'OFAC en matière de retrait et de suspension de l'autorisation d'exploitation 8 Exigences en matière de capacité économiqueen cas de changement dans l'activité commerciale ou de restructuration de l'entreprise de transport aérien 8.1 Art. 107, al. 3, OSAv 8.2 Dispositions du règlement CEE 2407/92 8.3 Divergences entre l'art. 107 OSAv et le règlement CEE Octroi, surveillance et retrait de la concession de routes 1 Octroi des concessions de routes 1.1 Au sujet des termes concession de routes, obligations d'exploiter et de transporter 1.2 Octroi d'une concession de routes selon le droit suisse 1.3 Octroi d'une concession de routes selon le règlement CEE 2408/92 2 Suspension et retrait d'une concession de routes 3 Pratique du DETEC en matière d'octroi, de surveillance et de retrait des concessions de route Devoir de surveillance de l'OFAC en tant que tâche légale 1 Fonction de surveillance dans un environnement libéralisé 2 Sécurité technique et opérationnelle en tant que tâche principale des organes de surveillance 3 Surveillance de la capacité économique en tant qu'élément du devoir de surveillance 4 Partage des tâches liées au devoir de surveillance entre le DETEC et l'OFAC 5 Entrée en vigueur entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien: effets sur le personnel 5.1 Situation actuelle en matière d'effectif 5.2 Besoins futurs

B. L'exercice du devoir de surveillance à l'égard de Swissair I.

Introduction II.

Transformation de Swissair en holding III. Retrait de la Confédération du conseil d'administration de SAirGroup IV. Transfert de la concession d'exploitation V.

Octroi d'une licence de transporteur aérien (AOC) et renouvellement de l'autorisation d'exploitation pour l'exécution des vols hors des lignes VI. Octroi d'une concession de routes VII. Octroi d'une autorisation d'exploitation pour le transport commercial de personnes et de marchandises 1 Contexte 2 Examen de la demande de Swissair et des documents annexés 3 Perspectives financières et liquidités 4984

VIII. Exercice de la surveillance continue, en particulier en 2001 1 Surveillance technique et opérationnelle 2 Surveillance économique et financière IX. Exercice par Swissair de l'obligation de renseigner et d'annoncer X.

Immobilisation de la flotte de Swissair les 2 et 3 octobre 2001 XI. Suspension ou retrait de l'autorisation d'exploitation?

C. Interdépendances personnelles?

D. Comparaison avec la pratique des autorités aéronautiques à l'étranger I.

Remarques liminaires II.

Bref examen de la situation dans divers pays 1 Allemagne 2 Pays-Bas 3 France 4 Royaume-Uni 5 Australie 6 Canada 7 Etats-Unis III. Appréciation comparative IV. Protection des consommateurs contre les effets d'une immobilisation E. Audits de l'OACI I.

Généralités II.

Audit de l'OFAC en novembre 2000 III. Comparaison des constatations de l'OACI et des experts F. Inspections de Swissair dans le cadre du programme européen SAFA G. Commission fédérale de l'aviation I.

Bases légales II.

Thèmes traités par la commission depuis 1997 1 Séance du 2 décembre 1997 2 Séance du 10 mars 1998 3 Séance du 15 septembre 1998 4 Séance du 13 mars 2001 5 Séance du 30 octobre 2001 6 Séance du 30 novembre 2001 7 Résumé des discussions au sein de la Commission fédérale de l'aviation au sujet du devoir de surveillance III. Rôle de la Commission lors de la débâcle de Swissair H. Résumé et conclusions I. Recommandations Liste des annexes

4985

Mandat et approche Le 15 mai 2002, le président de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé les soussignés de procéder à l'examen du rôle joué par l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) dans la débâcle de Swissair. La CdG-E a formulé le mandat avec les experts. Ceux-ci se sont réparti le traitement des questions de la manière suivante: Regula Dettling-Ott a rédigé les chap. A, G I et G II, Philippe Rochat les chap. B, C, D, E, F et G III. Bien qu'ayant coordonné les travaux, chaque expert demeure seul responsable des parties qu'il a rédigées. Ce principe s'applique également au résumé et aux conclusions (chap. H). Les experts ont rédigé les recommandations (chap. I) de concert.

Le 21 mai 2002, les experts ont fait parvenir à l'OFAC un catalogue de questions (annexe 2a). Ils ont reçu les réponses à ces questions le 14 juin 2002 (annexe 2b).

Les experts se sont entretenus avec les personnes suivantes: ­

Monsieur André Auer, directeur de l'Office fédéral de l'aviation civile, le 27 mai 2002 à Berne

­

Messieurs André Auer, Daniel Ruhier, Urs Haldimann, Otto Aaregger et Matthias Suhr de l'Office fédéral de l'aviation civile, le 7 juin 2002 à Berne

­

Messieurs Hans Werder et André Schrade, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, le 13 juin 2002 à Berne

­

Messieurs André Schrade, Hans Rudolf Dörig et Roland Wittwer, respectivement secrétaires généraux adjoints du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (pour les deux premiers nommés) et avocat auprès du secrétariat général du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, le 21 juin à Berne

Les experts ont également eu divers contacts avec des responsables d'autorités aéronautiques et des experts étrangers. Ces personnes ont cependant souhaité ne pas être nommément citées.

Ils ont également pris connaissance des documents mentionnés à l'annexe 3 et les ont utilisés pour établir leur rapport. Ces documents leur ont été remis par la CdG-E, l'OFAC, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) ainsi que par d'autres sources en dehors de l'administration fédérale.

Les experts ont été assistés dans leurs travaux par Christian Conti, docteur en droit et avocat à Winterthur.

4986

A.

I.

1

Les bases légales du devoir de surveillance de l'OFAC Vue d'ensemble des bases légales du devoir de surveillance sur les compagnies aériennes Droit suisse

En vertu de l'art. 3 LA116, le Conseil fédéral exerce la surveillance de l'aviation sur tout le territoire de la Confédération par le DETEC (art. 3, al. 1, LA). La «surveillance immédiate» est assurée par l'OFAC (art. 3, al. 2, LA).

L'une des tâches de l'OFAC consiste à octroyer les autorisations d'exploitation à des fins commerciales pour les entreprises de transport aérien sises en Suisse. Pour les entreprises suisses, ces autorisations d'exploitation sont délivrées sur la base des art. 27 LA et 100 ss. OSAv117. L'OFAC est également compétent pour le renouvellement et le retrait d'autorisations. Il surveille ainsi les entreprises aériennes qui effectuent des transports commerciaux.

Pour les transports commerciaux de personnes et de marchandises effectués dans le cadre du trafic aérien de ligne ­ contrairement à ce qui est le cas de l'UE aussi pour le trafic aérien non régulier ­ une entreprise aérienne a également besoin d'une concession de routes pour pouvoir proposer ses services sur une ou plusieurs routes déterminées. Les concessions de routes sont octroyées par le DETEC. Le renouvellement et le retrait de ces concessions lui incombent également. Il exerce ainsi une surveillance sur les titulaires de telles concessions.

2

Droit communautaire

Du point de vue du droit aérien, à l'exception de certains droits de trafic qui seront octroyés ou négociés plus tard, la Suisse se trouve sur un pied d'égalité avec les Etats membres de l'UE depuis l'entrée en vigueur le 1er juin 2002 des Accords bilatéraux entre la Suisse et la Communauté européenne. En même temps que l'accord sectoriel sur le transport aérien, avec l'acquis communautaire, la Suisse a repris les règlements et les directives de l'UE dans le domaine du droit aérien en vigueur lors de la signature de l'accord sectoriel (juin 1999)118. Parmi ces divers textes, deux règlements concernent l'exploitation de sociétés aériennes: le règlement (CEE) no 2407/92 qui règle l'octroi des autorisations d'exploitation119 ainsi que le règlement (CEE) no 2408/92 qui porte sur l'autorisation à exercer des droits de trafic sur certains trajets déterminés120. En Suisse, ces deux règlements ne sont directe116 117 118

Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA), RS 748.0.

Ordonnance du 14 novembre 1973 sur l'aviation (OSAv), RS 748.01.

À ce sujet, voir Regula Dettling-Ott, Das Abkommen über den Luftverkehr, in: Bilaterale Verträge Schweiz-EG, Ein Handbuch, 2002, p. 461 ss.

119 Règlement (CEE) no 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences du transport aérien, JO no L 240 du 24 août 1992, p. 1. Dans ce règlement, il est question de licence du transport aérien et non pas d'autorisation d'exploitation. Ces deux termes sont toutefois identiques et sont utilisés comme des synonymes dans le présent rapport d'expertise.

120 Règlement (CEE) no 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, JO no L 240 du 24 août 1992, p. 8.

4987

ment applicables que depuis le 1er juin 2002. Il faut cependant déjà en tenir compte pour l'interprétation des dispositions suisses depuis 1998. En effet, lors de la révision de la LA et de l'OSAv en 1998, le législateur suisse en a repris textuellement un certain nombre de points importants, spécialement dans le domaine des autorisations d'exploitation.

L'art. 3, par. 1, du règlement CEE 2407/92 constitue la base de la surveillance des titulaires d'autorisation d'exploitation. Les Etats membres ne sont autorisés à octroyer des licences de transport aérien ou à en prolonger la validité que lorsque les conditions du règlement sont remplies.

II.

Autorisation d'exploitation de vols commerciaux: les bases légales de l'octroi, du contrôle, du renouvellement et du retrait Bases légales Art. 27 LA

1 1.1

En vertu de l'art. 27 LA, les entreprises suisses qui transportent des passagers, des bagages ou du fret à des fins commerciales doivent être titulaires d'une autorisation d'exploitation121. En résumé, la loi pose les exigences suivantes pour l'octroi d'une autorisation d'exploitation (la disposition in extenso à l'annexe 4): ­

aéronefs inscrits dans le registre matricule suisse;

­

droit d'usage sur l'un des aérodromes suisses;

­

qualifications professionnelles et organisation garantissant la sécurité et une exploitation aussi écologique que possible des aéronefs;

­

capacité économique;

­

gestion financière et comptabilité fiables;

­

couverture d'assurance suffisante;

­

aéronefs conformes aux normes techniques actuelles ainsi qu'aux normes internationales minimales convenues en matière de protection contre le bruit et d'émission de substances nocives.

1.2

Art. 103 OSAv

L'art. 103 OSAv précise ces exigences et demande en outre (résumé, la disposition in extenso est reproduite à l'annexe 5):

121

­

inscription au registre du commerce;

­

entreprise sous contrôle effectif de citoyens suisses et majoritairement en mains suisses ou d'étrangers ou de sociétés étrangères assimilés à des citoyens ou des sociétés suisses en vertu d'accords internationaux; pour les En vertu de l'art. 29 LA les entreprises étrangères doivent être titulaires d'une autorisation de l'office, à moins que des traités internationaux n'en disposent autrement.

Les exigences régissant l'octroi de ces autorisations vont moins loin.

4988

sociétés anonymes, plus de la moitié de leur capital-actions doit consister en actions nominatives et être en mains suisses ou d'étrangers ou de sociétés étrangères assimilés à des citoyens ou des sociétés suisses en vertu d'accords internationaux; ­

licence de transporteur aérien qui règle en particulier l'organisation de l'exploitation et de l'entretien;

­

aéronefs exploités par l'entreprise doivent remplir les exigences minimales fixées pour les services prévus;

­

exploiter au moins un aéronef (en tant que propriétaire ou ayant droit unique);

­

équipages titulaires des licences requises;

­

droit d'usage sur l'aérodrome suisse prévu comme point d'attache de l'exploitation;

­

prouver de manière crédible et sur la base de prévisions objectives, que l'entreprise est en mesure de faire face en tout temps à ses obligations dans les 24 mois suivant le début de son activité;

­

prouver de manière crédible et sur la base de prévisions objectives, que l'entreprise peut, sans tenir compte des recettes d'exploitation, couvrir ses frais fixes et variables dans les trois mois suivant le début de son activité, conformément à son plan de gestion.

L'OSAv ne pondère pas les diverses exigences. Elle permet cependant à l'OFAC d'autoriser, pour de justes motifs, des exceptions en matière d'inscription au registre du commerce, de contrôle des rapports de propriété, de participations et de droit d'usage122. Il est possible d'en conclure que les exigences relatives à la licence de transporteur aérien123, à l'organisation de l'exploitation et de l'entretien124, aux avions de l'entreprise125, aux équipages126 et aux conditions économiques127 doivent être remplies en permanence lorsque l'OFAC délivre une autorisation d'exploitation pour le trafic aérien commercial128.

1.3

Au sujet de l'ampleur des autorisations d'exploitation délivrées par l'OFAC

a) Autorisations délivrées Fin avril 2002, le nombre d'autorisations d'exploitation en cours de validité délivrées par l'OFAC était de 82 à des entreprises exploitant des avions à voilure fixe, de 36 à des entreprises exploitant des hélicoptères et de 50 à des entreprises d'aérostation. L'OFAC a indiqué avoir émis pour chaque catégorie respectivement

122 123 124 125 126 127 128

Art. 103, al. 4, OSAv.

Air Operator Certificate, AOC.

Art. 103, al. 1, let. d, OSAv.

Art. 103, al. 1, let. e et f, OSAv; l'art. 103, al. 3, OSAv demeure réservé.

Art. 103, al. 1, let. g, OSAv.

Art. 103, al. 1, let. i, OSAv.

La portée de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv est abordée en détail au partie A, ch. II/2.3.

4989

6, 0 et 7 nouvelles autorisations pour les années 2000 et 2001, et respectivement 5, 4 et 10 autorisations pour les années 1998 et 1999129.

b) Autorisations refusées Pour ce qui concerne les entreprises exploitant des avions à voilure fixe, l'OFAC n'a, à ce jour, jamais dû formellement refuser de délivrer une autorisation d'exploitation. Les entreprises demanderesses ne remplissant pas les conditions requises pour l'octroi d'une telle autorisation ont toutes retiré leur demande avant la décision de l'OFAC130.

2 2.1

Exigences du droit suisse en matière d'octroi d'une autorisation d'exploitation Catégories d'exigences

Les différents points ci-dessous sont consacrés aux exigences dont le respect doit être contrôlé par l'OFAC avant de pouvoir délivrer une autorisation d'exploitation.

Les exigences techniques et opérationnelles ne sont présentées que de manière succincte (ch. 2.2) et celles qui reposent sur des confirmations de tiers que de manière très sommaire (point c ci-après). Les explications se limitent aux exigences dont le respect doit faire l'objet d'une évaluation de la part de l'OFAC (point b ci-après).

a) Exigences matériellement contrôlées par l'OFAC Ce sont les collaborateurs de l'OFAC qui contrôlent le respect de certaines exigences légales qui doivent être remplies pour obtenir une autorisation d'exploitation. Il s'agit principalement des exigences techniques et opérationnelles en vue de l'obtention de la licence de transporteur aérien et de celles relatives à l'entretien131.

Ces exigences sont contrôlées dans le cadre de deux procédures distinctes qui aboutissent chacune à la délivrance d'un certificat132. Au cours de la procédure d'octroi de l'autorisation d'exploitation en tant que telle, l'OFAC ne contrôle que la validité des deux certificats en question.

b) Déclaration spontanée de la demanderesse Pour vérifier le respect de certaines exigences stipulées par l'OSAv, l'OFAC se base sur des documents que la demanderesse établit sur la base de ses propres données ou calculs. La copie du registre des actionnaires et les données relatives à la capacité économique en font notamment partie. À partir de ces documents, l'OFAC doit déterminer si la demanderesse a pu rendre vraisemblable133 le fait qu'elle respecte ces exigences légales134.

129 130 131 132 133

Réponses de l'OFAC aux questions 1 et 2 (annexe 2b).

Réponse de l'OFAC à la question 4 (annexe 2b).

Voir partie A, ch. II/2.2.

Voir partie A, ch. II/2.2.

À ce sujet, voir en particulier la note de bas de page 146 qui concerne la notion de «rendre vraisemblable».

134 Voir partie A, ch. II/2.4.

4990

c) Confirmations de tiers Sur certains points, l'OFAC exige la production de documents dont il ne vérifie pas lui-même l'exactitude parce qu'il s'agit de documents officiels, d'extraits de registres publics ou de documents qui sont du ressort unique des tiers qui les établissent.

Dans ces cas précis, l'OFAC se contente de la présentation des justificatifs correspondants.

La preuve de l'inscription au registre du commerce, les justificatifs relatifs au capital-actions et au pouvoir de représentation, la preuve d'un droit d'usage sur un aérodrome et la preuve que les aéronefs sont inscrits dans le registre matricule suisse font partie de cette catégorie de documents.

2.2

Indications au sujet des exigences techniques et opérationnelles

Conformément aux bases légales, l'OFAC vérifie que la demanderesse répond aux exigences techniques et opérationnelles lui permettant de transporter à titre commercial des personnes et des marchandises par la voie aérienne. Il vérifie que les aéronefs répondent aux dispositions, que leur exploitation soit organisée conformément aux normes légales, que la demanderesse dispose d'une organisation de l'entretien adéquate et de droits d'usage sur l'un des aérodromes suisses.

L'OFAC contrôle le respect des exigences techniques et opérationnelles en exigeant que la demanderesse soit titulaire d'une licence de transporteur aérien (AOC). Ce certificat est délivré sur la base de normes unifiées au niveau européen, les Joint Aviation Requirements (JAR)135. Ces règles ont été édictées par les Autorités conjointes de l'aviation, ou JAA (Joint Aviation Authorities)136. En vertu de l'art. 6a LA, la Suisse a repris les prescriptions des JAA et les a publiées dans diverses ordonnances. La formulation d'exigences propres pour l'octroi d'une licence de transporteur aérien (AOC) par le législateur suisse est par conséquent devenue superflue137. Ainsi, en ce qui concerne les exigences opérationnelles, l'OFAC peut et doit se limiter aux exigences fixées par les JAR. Lorsque l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation est déjà titulaire d'un AOC, l'OFAC peut et doit se contenter de cette preuve. L'OFAC vérifie si le demandeur dispose déjà d'une licence de transporteur aérien. Dans le cas contraire, il l'établit. Cette procédure est assez complexe et dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois. L'OFAC doit en effet examiner tous les aspects opérationnels de l'exploitation aérienne (manuels de bord fixant les procédures de vol, formation des équipages y compris agrément des pilotes étrangers et formation des pilotes engagés, opérations au sol, sécurité comprise).

135

De telles JAR réglementent la construction, l'exploitation et l'entretien des aéronefs ainsi que l'octroi des les licences du personnel navigant de l'aéronautique.

136 Les JAA sont une fondation ressortissant au droit hollandais réunissant les autorités aéronautiques de nombreux Etats européens, dont l'OFAC. Son but est de développer et de faire appliquer des normes et des procédures de sécurité communes.

137 Ordonnance du 8 septembre 1997 sur l'exploitation d'avions dans le transport aérien commercial (OJAR-OPS 1), RS 748.127.8.

4991

La demanderesse doit en outre apporter la preuve qu'elle dispose d'une organisation de l'entretien des aéronefs utilisés conforme aux exigences légales. Ce domaine est également réglementé par des JAR qui fixent les exigences et qui ont été repris par la Suisse (MSAS, Maintenance System Aproval Statement138). L'OFAC vérifie que la demanderesse dispose d'une attestation d'entretien (MSAS) valable. Dans le cas contraire, il l'établit.

Dans le cadre de cette expertise, l'experte ne se prononce pas sur la manière dont l'OFAC effectue les travaux en vue de l'octroi des licences de transporteur aérien (AOC) et des attestations d'entretien (MSAS). À ce sujet, il convient de se référer à l'évaluation de l'OACI139.

2.3

Indications sur la capacité économique

a) Exigences légales (art. 27, al. 2, let. c, LA et art. 103, al. 1, let. i, OSAv) Selon l'art. 27, al. 2, let. c, LA, une autorisation d'exploitation ne peut être délivrée que si l'entreprise qui la demande dispose de «la capacité économique nécessaire et présente une gestion financière et une comptabilité fiables». L'art. 27, al. 4, LA permet au Conseil fédéral de fixer le genre d'exploitation et les conditions qui y sont rattachées. C'est ce qu'il a fait à l'art. 103 OSAv dont l'al. 1, let. i, précise comment l'entreprise doit rendre vraisemblable140 qu'elle dispose de la capacité économique nécessaire.

Selon l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv, une autorisation d'exploitation ne peut être délivrée que si l'entreprise qui la demande peut prouver de manière crédible qu'elle est en mesure de faire face en tout temps à ses obligations dans les 24 mois suivant le début de son activité et, sans tenir compte des recettes d'exploitation, de couvrir ses frais fixes et variables dans les trois mois (90 jours) suivant le début de son activité, conformément à son plan de gestion. Ainsi, l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv demande à la fois que l'exploitation soit assurée pendant deux ans à partir du début de l'activité et que l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation dispose de liquidités suffisantes pour pouvoir exploiter ses avions durant trois mois, indépendamment de ses recettes d'exploitation.

L'OSAv ne précise pas sous quelle forme l'entreprise demanderesse doit apporter la preuve d'une «une gestion financière et une comptabilité fiables».

b) Informations exigées par l'OFAC La page «Financial & Economics» d'un document de travail interne à l'OFAC intitulé «Management System, Process Air Transport Companies» (annexe 6) énumère les documents exigés par l'OFAC depuis la révision de la loi en 1998. Selon une lettre type (annexe 7), les entreprises qui demandent une autorisation d'exploitation doivent fournir les documents suivants:

138

Ordonnance du 20 octobre 1995 sur les entreprises d'entretien d'aéronefs (OJAR-145), RS 748.127.3.

139 Voir partie E, ch. II.

140 À ce sujet, voir en particulier la note de bas de page 146 qui concerne la notion de «rendre vraisemblable».

4992

­

Bilan de l'entreprise et comptes de résultats, authentifiés;

­

Preuve de la capacité économique ­ Gestion financière et comptabilité fiables ­ Plan de gestion (business plan) pour 24 mois au moins ­ Budget des coûts fixes et variables pour trois mois ­ Examen des fonds propres ­ Bilan d'ouverture pour les nouvelles entreprises141.

La description des exigences ne va pas plus loin. En particulier, rien ne précise à quelles exigences le plan de gestion doit répondre ni quelles données doivent être fournies au sujet des coûts fixes et variables142. Rien non plus n'est précisé au sujet des données que le bilan d'ouverture doit contenir. Enfin, rien sur les formulaires ne semble indiquer que les entreprises qui demandent une autorisation d'exploitation doivent fournir des justificatifs destinés à établir la véracité de leurs informations (comme des situations de comptes bancaires143).

2.4

Examen de la capacité économique

a) Pouvoir d'appréciation conforme aux principes généraux régissant l'activité administrative Pour savoir si la demanderesse dispose de la capacité économique nécessaire, l'OFAC doit ­ comme pour toutes les autres conditions ­ l'estimer librement, dans le cadre des dispositions légales et en se conformant aux principes généraux régissant toute activité administrative (interdiction générale de l'arbitraire, respect de l'égalité de traitement, de la proportionnalité ainsi que de la bonne foi)144. Cela signifie en particulier que l'OFAC doit contrôler les indications et les documents fournis par la demanderesse et entreprendre des recherches en cas de doute au sujet de leur exactitude.

b) Exigences en matière de preuve auxquelles l'examen doit répondre L'art. 103, al. 1, let. i, OSAv n'exige pas de la demanderesse qu'elle apporte une preuve formelle et entière de sa capacité économique145. Il suffit qu'elle rende vraisemblable146 qu'elle respecte ces conditions. Ainsi, par rapport à la preuve formelle, le degré de preuve exigé pour la capacité économique est réduit. Contraire141 142

143 144 145 146

Liste selon feuillet LV 3-11-IA-I50 (annexe 6).

En gestion, les coûts fixes sont les coûts qui ne varient pas en fonction les quantités produites. Les coûts variables sont les coûts qui varient en fonction des quantités produites. La part des coûts variables pour chaque unité produite demeure constante, voir Armin Seiler, Accounting, BWL in der Praxis, 1998, p. 173.

L'OFAC indique avoir exigé des situations de comptes bancaires. Par manque de temps, l'experte n'a pas pu contrôler cette affirmation de manière systématique.

ATF 126 II 115 avec renvois.

Voir partie A, ch. II/2.3/b.

Dans la version française de l'OSAv, la notion juridique «glaubhaft machen» de la version allemande n'a pas été traduite par «rendre vraisemblable» ou «rendre plausible», mais par «prouver de manière crédible». Malgré l'imprécision de cette version, l'experte part du principe que l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv n'a pas pour but de créer un nouveau degré de preuve qui se situerait entre la vraisemblance ou la plausibilité usuelles et l'établissement d'une preuve formelle (et entière).

4993

ment à une preuve irréfutable, ce qui doit être compris par rendre vraisemblable n'est pas explicite, et l'OSAv ne le définit pas non plus.

Dans le cadre des procédures civiles et administratives, il suffit que le juge ou l'autorité tienne un fait pour hautement vraisemblable pour ordonner des mesures conservatoires. Il n'est pas indispensable que tous les doutes aient été écartés. Une preuve formelle et entière exige en revanche du juge ou de l'autorité qu'il soit convaincu du fait147.

Le sens de la notion «rendre vraisemblable» tel qu'il est compris dans le domaine des mesures conservatoires ne peut cependant pas être repris les yeux fermés pour ce qui concerne l'octroi de l'autorisation d'exploitation. En effet, l'octroi d'une telle autorisation n'institue pas un régime provisoire (à l'instar de mesures provisionnelles) mais bien définitif. De plus, l'art. 103, al. 1, ch. i, OSAv ne demande pas seulement d'évaluer des faits établis, mais également de faire des prévisions. De là découlent des différences par rapport à ce qui est habituellement subsumé dans la notion de «rendre vraisemblable»: ­

L'OFAC doit évaluer la capacité économique de la demanderesse sur la base de données établies par cette dernière. Un contrôle matériel de ces données irait au-delà du but fixé par les art. 27, al. 2, let. c, LA et 103, al. 1, let. i, OSAv et dépasserait également les limites d'une procédure administrative ainsi que les possibilités d'une autorité administrative. En ce qui concerne les documents remis par la demanderesse, «rendre vraisemblable» signifie que l'OFAC peut se fier aux indications et aux documents fournis par la demanderesse dans la mesure où il n'y a pas de motifs justifiés permettant de douter de leur exactitude.

­

Que la demanderesse parvienne à faire face à ses engagements durant 3, respectivement 24 mois suivant le début de son activité n'est pas un fait établi et dépend de bon nombre de circonstances et d'événements qui peuvent intervenir par la suite et dont certains peuvent se trouver en dehors du domaine d'influence de la demanderesse. Il n'est pas possible d'exiger des preuves strictes dans ce domaine. La demanderesse ne peut donc foncièrement que rendre vraisemblable qu'elle parviendra à respecter ses engagements.

En pratique, cela signifie que l'OFAC n'a d'autre choix que de baser son pronostic sur des hypothèses. Celles-ci doivent cependant être réalistes. Il ne suffit pas que l'OFAC tienne pour hautement vraisemblable que la demanderesse parviendra à faire face à ses engagements respectivement pendant 90 jours et 2 ans à compter du démarrage de son activité. L'OFAC doit plutôt de s'assurer que les données financières permettent d'admettre que, dans le cadre d'une évolution normale de l'entreprise et de l'environnement économique, la demanderesse parviendra à respecter ses engagements.

147

Le sens de la notion «rendre vraisemblable» ou «rendre plausible» («Glaubhaftmachen») peut varier. En droit public voir notamment Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e édition, 1998, ch. 289; Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrecht und Justizverfassungsrecht des Bundes, 1996, ch. 913. Pour la procédure civile, voir notamment Vogel/ Spühler, Grundriss des Zivilprozessrechts, 7e édition., 2001, § 10, ch. 25 et s. Dans le droit des assurances sociales, la haute vraisemblance est souvent considérée comme un degré de preuve de suffisant, voir notamment ATF 121 V 204, 208.

4994

c) Examen des documents exigés aa) Bilan et comptes de résultats authentifiés ou bilan d'ouverture Ce qu'il faut comprendre par «bilan de l'entreprise et comptes de résultats authentifiés»148 est sujet à interprétation149. Les termes de bilan et de comptes de résultats en tant que tels sont définis sans ambiguïté: il s'agit, selon le code des obligations, de documents qui doivent être établis conformément aux principes généralement admis dans le commerce (art. 958 et ss. CO)150. En ce qui concerne les sociétés anonymes, le CO affine les prescriptions en matière d'établissement des comptes aux art. 662 et ss. CO151.

Ce que l'OFAC entend par «authentifiés» est moins clair. L'«authentification» est une notion ressortissant à l'exercice du notariat et «authentifié» est le qualificatif désignant des documents qui ont été certifiés par un notaire. Si ce terme se réfère effectivement à une certification par un notaire, alors celle-ci concernerait l'authentification des signatures selon l'art. 961 CO. Cette disposition stipule que les personnes chargées de la gestion, le chef de la maison ou, le cas échéant, tous les associés personnellement responsables doivent signer le bilan et le compte d'exploitation. Dans ce cas de figure, «bilan et comptes de résultats authentifiés» signifierait que ces signatures doivent être authentifiées.

Il est toutefois envisageable et plausible que l'OFAC ait voulu reprendre les critères du règlement CEE 2407/92152 qui précise que «s'ils existent, les comptes certifiés de l'exercice financier précédent» (partie A, ch. 1 de l'annexe) doivent être présentés.

Lorsque l'OFAC dispose d'un bilan et d'un compte d'exploitation certifiés, il a l'assurance que la situation financière de l'entreprise est présentée conformément aux disposition légales et aux normes comptables applicables153. L'OFAC peut donc partir du principe que la comptabilité et les comptes annuels ont été examinés et évalués par un expert qualifié indépendant154.

Au vu de ces réflexions, l'experte est d'avis qu'il suffit que l'OFAC demande à la demanderesse de produire un bilan et un compte d'exploitation certifiés (contrôlés).

À noter encore que, depuis l'entrée en vigueur de l'accord sur le transport aérien le 1er juin 2002, il est nécessaire de tenir compte de la restriction liée à l'existence de tels documents
(«s'ils existent») étant donné qu'il est possible qu'une entreprise qui demande une autorisation d'exploitation se trouve au stade du démarrage de ses activités. Dans un tel cas de figure, l'OFAC ne peut qu'exiger un bilan d'ouverture qui, foncièrement, ne peut pas être «certifié» de la manière décrite.

L'exigence relative au bilan et au compte d'exploitation certifiés ne saurait cependant suffire à prouver que la demanderesse dispose d'une capacité économique suffisante. L'OFAC doit non seulement examiner si ces documents comportent tous les chiffres qui permettent d'évaluer la capacité économique, mais il doit encore les 148 149 150 151 152 153 154

Voir partie A, ch. II/2.3/b.

Cf. paragraphe ci-dessous.

Pour plus de détails, voir Schweizer Handbuch der Wirtschaftsprüfung, 1998, Chambre fiduciaire des experts-comptables, fiduciaires et fiscaux, vol. 1, ch. 2, p. 7 et ss.

Pour plus de détails, voir OR-Neuhaus, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, 1993, art. 958 et ss., notamment. art. 964.

Voir partie A, ch. II/3.

Schweizer Handbuch der Wirtschaftsprüfung, 1998, volume 2, p. 3.

Schweizer Handbuch der Wirtschaftsprüfung, 1998, volume 2, p. 3.

4995

évaluer pour savoir si la demanderesse remplit toutes les exigences de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv155.

bb) Digression: indications relatives à la situation économique d'une entreprise de transport aérien selon le formulaire «Financial data» de l'OACI L'OACI156 recueille annuellement des données statistiques sur les entreprises qui effectuent des transports aériens internationaux157 au moyen de deux formulaires158.

La classification utilisée dans ces formulaires est un reflet de la présentation des comptes de nombreuses compagnies aériennes américaines et européennes159. Ces formulaires permettent par conséquent de recueillir les données économiques importantes d'une compagnie aérienne.

Les données recueillies sur une compagnie d'aviation qui effectue des vols de lignes sont regroupées selon les critères suivants (formulaire à l'annexe 8): ­

Profit and Loss statement (compte de pertes et profits)

­

Balance sheet (bilan)

­

Statement of retained earnings (évolution des réserves)

Le niveau de détail des données recensées160 par l'OACI s'étend à 54 positions.

Les entreprises aériennes qui travaillent dans le trafic non régulier ne doivent pas fournir autant d'informations. Le formulaire qui les concerne ne porte que sur deux catégories de données (formulaire en annexe 9): ­

Profit and Loss statement (compte de pertes et profits)

­

Balance sheet (bilan)

Le niveau de détail des données recensées161 par l'OACI s'étend à 20 positions.

Tant qu'elle travaille en tant que transporteur aérien, une entreprise doit transmettre ces informations régulièrement à son autorité de surveillance. Pour cette raison, il serait tout à fait justifié de reprendre la structure des formulaires de l'OACI pour définir les informations relatives au bilan et au compte d'exploitation qu'il convient d'exiger de la part des entreprises qui demandent une autorisation d'exploitation. En outre, les spécifications de l'OACI peuvent également être utiles du point de vue de l'application du règlement CEE 2407/92 étant donné que celui-ci exige une «ventilation entre les activités aériennes et non aériennes ainsi qu'entre les éléments financiers et non financiers» (art. 2, let. f, règlement CEE 2407/92162). Les données concernant l'évolution des réserves (statement of retained earnings) peuvent avant 155 156 157

158 159 160 161 162

À ce sujet, voir partie A, ch. II/2.3/b.

Organisation de l'aviation civile internationale. L'OACI, dont le siège est à Montréal au Canada, est l'organisation spéciale de l'ONU compétente en matière d'aviation civile.

L'OACI n'est pas compétente en matière de trafic national. Elle invite toutefois les Etats membres à annoncer également les données correspondantes relatives aux entreprises de transport aérien opérant uniquement sur le marché indigène, Reporting instructions, 1er paragraphe.

Air transport reporting form, Financial Data, scheduled airlines et non-scheduled operators.

Rigas Doganis, Flying off Course. The Economics of International Airlines, 2. Auflage 1991, S. 107 f. mit Verweis auf ICAO, Digest of Statistics, Series F, Financial Data.

Le formulaire comporte des explications supplémentaires.

Le formulaire comporte des explications supplémentaires.

Voir partie A, ch. II/3.2.

4996

tout servir au contrôle des titulaires d'autorisations d'exploitation, notamment lors du renouvellement de celles-ci163.

cc) Comptabilité fiable Les formulaires utilisés par l'OFAC ne précisent pas les exigences relatives à une «gestion financière et à une comptabilité fiables». Cela n'est pas nécessaire pour les sociétés qui sont soumises à l'obligation de tenir une comptabilité commerciale puisqu'elles sont définies par le code des obligations164. À cet égard, l'OFAC peut limiter son examen aux lacunes ou fautes manifestes. Pour les demanderesses qui ne sont pas soumises à l'obligation de tenir une comptabilité commerciale (comme les groupements de vol sportif organisés en tant qu'associations), l'OFAC doit contrôler l'existence d'une gestion financière et d'une comptabilité fiables en fonction de critères objectifs165.

dd) Plan financier et plan de gestion ou plan d'entreprise Selon l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv, l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation est tenue de soumettre un plan de gestion rendant vraisemblable que, sans tenir compte de ses recettes d'exploitation, elle est en mesure de couvrir ses coûts fixes et variables durant les trois mois qui suivent le début de son activité.

Les formulaires utilisés par l'OFAC ne définissent pas les exigences que le plan de gestion doit respecter. D'après ce que l'experte a pu en juger, l'OFAC ne dispose pas non plus de directive interne à ce sujet166. En revanche, à son art. 2, le règlement CEE 2407/92 précise les exigences envers le plan d'entreprise167: il s'agit d'«une description détaillée des activités commerciales prévues par le transporteur aérien durant la période concernée, notamment pour ce qui est de l'évolution du marché et des investissements qu'il compte effectuer, ainsi que des incidences financières et économiques de ces activités»168. En comparant la teneur de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv et des art. 2, let. e, et 5, par. 1, let. b, règlement CEE 2407/92, il apparaît que le plan de gestion est un plan d'entreprise (souvent appelé business plan).

Ces formulaires ne précisent pas non plus la notion de plan financier (budget). Le règlement CEE 2407/92 n'en donne pas non plus de description. Cela est compréhensible étant donné qu'il est possible de partir du principe qu'un plan d'entreprise comporte un budget et que, par conséquent, un plan financier (distinct) sert à expliquer le contenu du plan d'entreprise exigé.

163 164 165

Voir partie A, ch. II/6.

Voir partie A, ch. II/2.4/c/aa.

Voir notamment: Kriterien des Schweizer Handbuchs der Wirtschaftsprüfung, 1998, volume 1, p. 7 et ss.

166 Il y avait une directive interne du 11 mars 1980, mais celle-ci concernant l'octroi des autorisations d'exploitation sous le régime de l'ancien droit, c'est-à-dire jusqu'en 1998 (annexe 10).

167 Voir partie A, ch. II/3.2.

168 Art. 2, let. e, règlement CEE 2407/92.

4997

2.5

Pratique de l'OFAC en matière d'examen de la capacité économique des demanderesses

Selon ses propres informations, l'OFAC dispose d'un collaborateur qui contrôle le dossier de l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation du point de vue de la capacité économique. Ce collaborateur a suivi une formation commerciale et dispose d'une expérience acquise dans la branche des assurances. Le «Processus des entreprises de transport aérien» n'a pas et n'a jamais compté dans son effectif de spécialiste en gestion d'entreprise de transport aérien qui aurait été chargé du contrôle de la capacité financière des demanderesses. L'OFAC n'a pas non plus cherché à se procurer le savoir-faire correspondant auprès d'autres services de l'administration fédérale ou de tiers169.

Le collaborateur qui contrôle les dossiers des entreprises demanderesses travaille sous la surveillance du chef du «Processus des entreprises de transport aérien». Ce chef dispose d'une longue expérience, ce qui lui permet d'évaluer les informations fournies par ces entreprises. Ainsi, le contrôle de la capacité économique d'une demanderesse dépend largement de ce chef. Cette dépendance est d'ailleurs particulièrement importante pour les cas difficiles170.

Les dossiers de demanderesses examinées par l'experte montrent que la qualité des données varie fortement d'une entreprise à l'autre. Certains dossiers comportent un plan d'entreprise complet et clair. Il s'est toutefois avéré qu'il s'agissait en l'occurrence d'un produit standardisé d'une société de conseil. Plusieurs entreprises ont remis un tel plan à l'OFAC, avec la même présentation et les mêmes formulations. En outre, force est de constater que les logiciels de tableur permettent de remplir des tableaux arithmétiquement exacts mais dont les chiffres ne sont pas forcément basés sur des faits (horaires de travail, contrats de travail, relevés de comptes). Les seuls justificatifs qui se trouvent généralement dans ces dossiers sont les contrats d'achat ou de location d'avions.

2.6

Digression: les exigences en matière de capacité économique pour les sociétés qui font partie d'une holding

Le droit suisse ne comporte pas de règles en matière de preuve de la capacité économique pour les compagnies aériennes intégrées à un groupe171. Lorsque la compagnie aérienne est une filiale intégrée à un groupe au point que son destin économique est indissociable de celui du groupe, l'évaluation de sa capacité économique devient plus complexe. Celle-ci ne ressort en effet plus de manière distincte et ne peut plus être contrôlée en tant que telle. Il est possible ­ et cela est déjà arrivé en pratique ­ que, à elle seule, une filiale (compagnie aérienne) ne remplisse plus les

169 170 171

Réponses de l'OFAC aux questions 18 et 19 (annexe 2b).

Réponse de l'OFAC à la question 8 (annexe 2b).

De telles règles spécifiques font également défaut dans le droit communautaire: la partie A de l'annexe du règlement CEE 2407/92 stipule seulement que, si le transporteur fait partie d'un groupe d'entreprises, des informations doivent être fournies sur les relations entre celles-ci. Voir partie A, ch. II/3.2.

4998

exigences légales en matière de capacité financière et que, pour y parvenir, elle ait besoin du soutien de la société mère.

Concrètement, l'OFAC a remédié à cette situation en exigeant une déclaration de soutien de la société mère dans laquelle cette dernière s'engageait à répondre des engagements de sa filiale. Toutefois, la portée de telles déclarations de soutien est contestée172. Elles ont en règle générale un caractère non contraignant173. Elles ne sont contraignantes que si la société mère fournit une garantie en faveur de sa filiale174. Une telle garantie ne peut rendre la capacité économique d'une filiale vraisemblable que dans la mesure où l'OFAC dispose de données lui permettant de vérifier que (en lieu et place de la filiale) la société mère dispose de la capacité économique exigée. Au besoin, il faut même exiger que la société mère fasse apparaître cet engagement conditionnel envers sa filiale à son bilan.

Dans l'un des dossiers examinés, l'experte a trouvé une telle déclaration de soutien dans laquelle une société mère s'engage à répondre des engagements de sa filiale.

Pour autant qu'elle ait pu en juger, l'OFAC s'est contenté de cette déclaration pour considérer que la capacité économique de la filiale était donnée. Il semble que l'office n'ait pas demandé à la société mère de produire des documents supplémentaires afin de pouvoir estimer la capacité économique de la garante.

Dans un autre dossier, l'OFAC a constaté dans le cadre de l'estimation de la capacité financière d'une demanderesse, que son capital actions ne se montait qu'à x millions de francs. Dans ce cas, au vu du résultat du semestre précédent, l'OFAC a estimé que, malgré la déclaration de la société mère indiquant qu'elle veillerait de manière appropriée à ce que la demanderesse ­ sa filiale ­ soit en tout temps en mesure de respecter ses engagements et, il était indiqué de réévaluer la situation financière dans le cadre de l'examen de la demande d'autorisation d'exploitation.

(Cette remarque a été apposée au dossier après l'immobilisation de la flotte de Swissair, ce qui semble indiquer que, après la déconfiture de Swissair, l'OFAC ait accordé une plus grande attention à la question de la capacité économique.)

3 3.1

Exigences en matière d'autorisation d'exploitation selon le règlement CEE 2407/92 Remarques générales au sujet de l'application du règlement CEE 2407/92

En Suisse, le règlement CEE 2407/92 est déterminant pour la délivrance des autorisations d'exploitation depuis le 1er juin 2002175. Il faut cependant tenir compte des dispositions de ce règlement en matière d'octroi des licences de transporteur aérien depuis l'entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale sur l'aviation déjà puisque, à cette occasion, le droit suisse a repris les prescriptions du droit communautaire dans ce domaine. Le message concernant la modification de la loi sur l'aviation 172 173

Beat Brechbühl, Haftung aus erwecktem Konzernvertrauen, thèse. 1998, p. 127 et s.

Jean Nicolas Druey, Konzernrecht, Urteilsbesprechung zu BGE 120 II 331, RSDA 1995, p. 93, plus particulièrement la p. 96.

174 Anton K. Schnyder, Patronatserklärungen ­ Haftungsgrundlage für Konzernobergesellschaften, RSJ 1990, p. 57, plus particulièrement p. 60 et ss.

175 Cf. supra note de bas de page 119.

4999

de 1998 ne mentionne pas expressément l'adaptation de la LA au droit communautaire. Toutefois, au chapitre intitulé «Relation avec le droit européen», il apparaît que le seul écart voulu par rapport au droit communautaire concerne le renouvellement et la duré de validité de l'autorisation d'exploitation176.

Le règlement CEE 2407/92 s'applique à toutes les entreprises de transport aérien qui transportent des personnes, du courrier et/ou du fret à titre onéreux, tant dans le trafic de lignes que dans le trafic non régulier (art. 2, let. c, du règlement)177.

À l'art. 5 et dans l'annexe, le règlement CEE 2407/92 précise les exigences en matière de capacité économiques auxquelles les entreprises de transport aérien doivent répondre.

3.2

Exigences du règlement CEE 2407/92 en détail

Selon l'art. 5 du règlement, l'entreprise qui présente une demande de licence de transport aérien pour la première fois «doit pouvoir démontrer de manière suffisamment convaincante [...] qu'elle sera à même de faire face, à tout moment, pendant une période de vingt-quatre mois à compter du début de l'exploitation, à ses obligations actuelles et potentielles, évaluées sur la base d'hypothèses réalistes» (par. 1, let. a). Elle doit en outre «pouvoir démontrer de manière suffisamment convaincante [...] qu'elle sera à même d'assumer, pendant une période de trois mois à compter du début de l'exploitation, les frais fixes et les dépenses d'exploitation découlant de ses activités conformément au plan d'entreprise et évalués sur la base d'hypothèses réalistes, sans avoir recours aux recettes tirées de ses activités» (par. 1, let. b).

L'annexe du règlement (partie A) précise quelles informations un transporteur aérien qui demande une licence pour la première fois doit fournir en ce qui concerne sa capacité financière (rendu textuel): ­

Les documents financiers et comptables internes les plus récents et, s'ils existent, les comptes certifiés de l'exercice financier précédent.

­

Un bilan et un compte de résultats prévisionnels pour les deux années suivantes.

­

La base sur laquelle sont établies les dépenses et recettes prévisionnelles pour des postes tels que carburant, tarifs, salaires, entretien, amortissements, fluctuations des taux de change, redevances aéroportuaires, assurances, etc.; les prévisions de trafic et de recettes.

­

Le détail des frais de démarrage pour la période allant du dépôt de la demande au commencement de l'exploitation, et des explications sur la manière dont il est envisagé de financer ces frais.

­

Le détail des sources de financement actuelles et potentielles.

176

Message du 28 mai 1997 concernant la modification de la loi sur l'aviation (FF 1997 III 1058), p. 1070.

177 Joachim Rosengarten/Klaus-Dieter Stephan, The Licensing of German Air Carriers in Germany under Regulation 2407/92 ­ A General Overview, in Air & Space Law 1998, p. 67 et ss.

5000

­

La liste détaillée des actionnaires, avec leur nationalité et le type d'actions détenues, et les statuts. Si le transporteur fait partie d'un groupe d'entreprises, des informations doivent être fournies sur les relations entre celles-ci.

­

La marge brute d'autofinancement prévisionnelle et les plans de trésorerie pour les deux premières années d'exploitation.

­

Le détail du financement des achats et des acquisitions par contrat de location (lease agreement) d'avions, y compris, en cas de contrat de location (lease agreement), les modalités et conditions du contrat.

Le règlement CEE 2407/92 comporte également des dispositions qui précisent les exigences envers les titulaires de licences de transport aérien en cours de validité178.

4

Comparaison des exigences du droit suisse et du droit communautaire en matière de capacité économique des demanderesses

Une comparaison des exigences qu'une entreprise qui demande une autorisation d'exploitation doit remplir en vertu du droit suisse et en vertu du droit communautaire montre que, avec la révision de 1998, le premier a repris toutes les dispositions clé du second: la demanderesse doit prouver de manière crédible qu'elle est en mesure de faire face en tout temps à ses obligations dans les 24 mois qui suivent le début de son activité et, sans tenir compte des recettes d'exploitation, de fonctionner durant les trois mois qui suivent ce même démarrage.

Mais, contrairement au droit suisse, le règlement CEE 2497/92 précise les informations que les transporteurs aériens qui demandent une licence doivent produire. Tant que ce règlement n'était pas applicable en Suisse (c'est-à-dire jusqu'au 1er juin 2002), la procédure suisse ne connaissait pas de spécifications correspondantes.

Résultat intermédiaire: Lors de l'octroi d'une autorisation d'exploitation, l'OFAC doit contrôler le respect des exigences techniques, opérationnelles et économiques.

Le contrôle du respect des exigences techniques et opérationnelles est effectué sur la base de critères harmonisés à l'échelon international (JAR). Avant l'entrée en vigueur des Accords bilatéraux, donc de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, le contrôle du respect des exigences en matière de capacité économique était régi par le droit suisse. Dans ce domaine, l'OFAC devait contrôler si l'entreprise qui demandait une autorisation d'exploitation pouvait rendre sa capacité économique vraisemblable et contrôlait les données qui lui étaient soumises en fonction de critères propres. À noter toutefois que ceux-ci n'étaient pas fixés dans des directives internes mais étaient principalement basés sur l'expérience d'un collaborateur de longue date. L'OFAC n'a pas cherché le savoir-faire correspondant auprès d'autres services de l'administration fédérale ou de tiers. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, les dispositions plus précises du règlement CEE 2407/92 régissant la capacité économique des demanderesses sont directement applicables en Suisse.

178

Voir partie A, ch. II/5.2.

5001

5

Suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisation

Que ce soit en vertu des dispositions du droit suisse ou de celles du règlement CEE 2407/92, le titulaire d'une autorisation d'exploitation est tenu de maintenir sa capacité économique tout au long de la durée de validité de l'autorisation d'exploitation.

5.1

Bases du droit suisse en matière de suivi de la capacité économique (art. 102 OSAv)

a) Pas de disposition spécifique dans le droit suisse Le droit suisse ne mentionne pas explicitement que le titulaire d'une autorisation d'exploitation est tenu de maintenir sa capacité économique. Il ne contient pas non plus de disposition précisant la manière dont l'autorité de surveillance doit contrôler le maintien de la capacité économique pendant la durée de validité de l'autorisation d'exploitation. Seul le contrôle du respect des exigences techniques et opérationnelles est prescrit par les JAR-OPS et l'autorité de surveillance doit effectuer chaque année au moins un «audit» pour en vérifier le respect.

Cela étant, les titulaires d'autorisations d'exploitation sont tenus de maintenir leur capacité économique selon le droit suisse également. En vertu de l'art. 102 OSAv, l'OFAC peut retirer une autorisation d'exploitation lorsque les conditions régissant son octroi ne sont plus remplies179. Le titulaire d'une autorisation d'exploitation peut déduire de cette disposition qu'il doit remplir les conditions d'octroi durant toute la durée de validité de l'autorisation s'il ne veut pas prendre le risque que l'OFAC la lui retire en vertu de l'art. 102 OSAv. Autrement dit, l'art. 102 OSAv permet à l'OFAC de vérifier en cours de validité d'une autorisation d'exploitation si son titulaire dispose encore de la capacité économique qui lui avait permis d'obtenir cette autorisation.

b) Libellé peu clair de l'art. 102 OSAv en corrélation avec l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv Les «conditions régissant l'octroi» de l'art. 102 OSAv ne sont pas claires en ce qui concerne la capacité économique. Cette disposition se réfère-t-elle à l'art. 27, al. 2, let. c, LA ou l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv? Dans le premier cas, la capacité économique au sens de l'art. 27, al. 2, let. c, LA devrait être maintenue de manière permanente. Dans le second cas, l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation devrait maintenir sa capacité économique durant «24 mois suivant le début de son activité» et devrait disposer de suffisamment de liquidités lui permettant d'assurer son exploitation durant les «trois mois suivant le début de son activité»180. Dans ce second cas de figure, il faudrait éclaircir la question de savoir si l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv ne règle que la portion du temps «suivant le début de [l']activité» et pas au-delà.

179 180

Voir partie A, ch. II/7.1 pour plus de détails au sujet de cette disposition.

Voir partie A, ch. II/2.3/a.

5002

Le libellé des art. 102 et 103 OSAv ne permet pas de répondre de manière univoque à cette question. Les documents relatifs aux travaux préparatoires en vue de la LA et de l'OSAv n'apportent pas plus d'éclaircissements sur ce point qui n'a pas fait l'objet de discussions ni devant le Parlement ni lors de l'élaboration de l'ordonnance.

En revanche, la réponse à cette question apparaît plus clairement en partant du sens et du but de cette disposition:

181

­

L'art. 27 LA exige des entreprises de transport aérien qu'elles soient en mesure de répondre à leurs engagements financiers potentiels et effectifs.

­

L'art. 102 LA vise à ce que les titulaires d'autorisations d'exploitation continuent de respecter les exigences imposées pour l'octroi de l'autorisation d'exploitation après l'obtention de celle-ci. La raison de cette obligation est évidente pour les prescriptions techniques et opérationnelles tant il est vrai que la sécurité des vols en dépend. Il ne serait pas possible de justifier que les entreprises de transport aérien doivent respecter des exigences techniques et opérationnelles au moment de la demande de l'autorisation d'exploitation et qu'elles puissent s'en écarter par la suite. En plus des conditions techniques et opérationnelles, la LA érige aussi la capacité économique ainsi qu'une gestion financière et une comptabilité fiables en critères indépendants dont le respect est déterminant pour l'octroi d'une autorisation d'exploitation. Lors de l'interprétation de l'art. 102 OSAv, il faut donc partir du principe que le transporteur aérien doit disposer de capacité économique nécessaire au sens de l'art. 27, al. 2, let. c, LA tout au long de la durée de validité de cette autorisation.

­

L'art. 103, al. 1, let. i, OSAv vise à assurer le maintien de l'exploitation à partir du moment où le titulaire d'une autorisation a débuté son activité. Il est donc judicieux d'exiger qu'il soit en mesure d'assurer l'exploitation durant les 90 premiers jours, et cela même s'il n'enregistre pas de recettes d'exploitation. Lorsque l'exploitation fonctionne normalement, le titulaire d'une autorisation peut compter tirer des recettes de son exploitation. Dans ce sens, l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv constitue une réglementation spéciale, respectivement pour les 90 premiers jours et les 24 premiers mois d'une entreprise de transport aérien. L'extension de cette exigence à la durée de validité de l'autorisation ne serait pas pertinente et, de toute évidence, méconnaîtrait la réalité. En se basant sur les données disponibles, l'experte estime en effet que, dans la pratique, les compagnies aériennes disposent en règle générale de liquidités pour 20 à 30 jours d'activité.

­

En ce qui concerne l'autorisation d'exploitation, l'art. 103 OSAv devait reprendre les dispositions du règlement CEE 2407/92181. Ce règlement prévoit cependant une réglementation en matière de contrôle des titulaires d'autorisations qui est différente de celle pour les transporteurs qui demandent une autorisation pour la première fois. Selon le règlement CEE 2407/92 en effet, les titulaires d'une autorisation doivent seulement présenter leur marge brute d'autofinancement ainsi que leurs plans de trésorerie pour l'année suivante et prouver qu'ils sont à même de faire face à leurs obligaVoir partie A, ch. II/3.2.

5003

tions actuelles ou potentielles pendant une période de douze mois (art. 5, par. 5, règlement CEE 2407/92)182.

c) Suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations: l'interprétation de l'art. 103 OSAv proposée par l'experte Sur la base des réflexions ci-dessus, l'experte estime justifié que le droit suisse exige (également) des titulaires d'autorisations non seulement qu'ils maintiennent leur capacité économique durant la période de validité de celles-ci, mais encore qu'ils la rendent vraisemblable. En revanche, le droit suisse ne permet pas d'exiger que ces titulaires remplissent en tout temps les conditions exigées par l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv pour les transporteurs aériens qui demandent une autorisation pour la première fois. Au vu des arguments présentés ci-avant183, il ne semble en particulier pas justifié d'exiger des titulaires d'autorisations qu'ils soient en tout temps en mesure de faire face à leurs obligations durant 90 jours indépendamment de leurs recettes d'exploitation.

d) Absence de précisions relatives au suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation L'interprétation proposée des art. 102 et 103, al. 1, let. i, OSAv ne résout pas le problème du droit suisse pour la période qui suit celles mentionnées à l'art. 103, al. 1, let. i. En effet, le droit suisse ne mentionne pas de critères spécifiant les exigences en matière de capacité économique pour cette période subséquente qui s'étend jusqu'à l'échéance de validité de l'autorisation d'exploitation. L'OFAC aurait dû développer des critères permettant d'assurer le suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations. Il aurait dû préciser les normes sur lesquelles il allait se baser pour exiger la production d'informations au sujet de la capacité économique d'un titulaire d'autorisation, notamment pour exercer un droit de regard sur sa gestion opérationnelle et commerciale. Pour autant qu'il ait été possible d'en juger, de tels critères ont fait défaut.

Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, l'élaboration d'un tel catalogue de critères est ­ d'un point de vue légal184 ­ devenu superflu étant donné que le règlement CEE 2407/92, qui contient des dispositions spécifiques à ce sujet185, est devenu applicable dans ce
domaine également.

e) Obligation de renseigner et d'annoncer selon l'art. 107, al. 1, OSAv En vertu de l'art. 107, al. 1, OSAv, l'OFAC peut en tout temps exercer un droit de regard sur la gestion opérationnelle et commerciale d'un titulaire d'autorisation et celui-ci est tenu de lui fournir les données nécessaires à l'établissement de la statistique du trafic aérien. En se fondant sur cette disposition, l'OFAC aurait pu soumettre les titulaires d'autorisations à l'obligation de fournir régulièrement des données sur leur capacité économique et il aurait pu définir les documents à produire dans ce domaine. Les données financières que les transporteurs aériens doivent périodique182 183 184

Voir partie A, ch. II/5.3.

Voir partie A, ch. II/5.1/b.

Pour des raisons de transparence et de sécurité du droit, il serait toutefois souhaitable que l'OSAv renvoie à ces critères.

185 Cf. infra ch. 5.2.

5004

ment fournir pour la statistique de l'OACI auraient été en partie adéquates pour effectuer un tel contrôle. L'OFAC ne les a cependant pas utilisées186.

5.2

Suivi des titulaires d'autorisations selon le règlement CEE 2407/92

Le règlement CEE 2407/92 comporte des exigences économiques spécifiques que les titulaires d'une autorisation d'exploitation doivent remplir. Le règlement distingue deux cas de figure. Il y a, d'une part, le contrôle effectué sur notification par le titulaire qui a l'intention de modifier son réseau de desserte ou l'ampleur de ses activités et, d'autre part, le contrôle effectué à l'initiative des autorités de surveillance (art. 5, al. 3 et 5). Dans le second cas de figure, «les autorités qui délivrent les licences peuvent, à tout moment, et en tout cas lorsqu'il apparaît clairement qu'un transporteur aérien, auquel elles ont délivré une licence, a des problèmes financiers, procéder à une évaluation de ses résultats financiers et elles peuvent suspendre ou retirer la licence si elles n'ont plus la certitude que le transporteur aérien est à même de faire face à ses obligations actuelles ou potentielles pendant une période de douze mois» (art. 5, par. 5, 1re phrase).

L'annexe du règlement CEE 2407/92 précise les documents que les autorités doivent examiner pour l'évaluation permanente de la capacité financière des titulaires de licence (partie C): ­

Les comptes certifiés au plus tard six mois après la fin de la période sur laquelle ils portent et, si nécessaire, les documents financiers et comptables internes les plus récents.

­

Un bilan et un compte de résultats prévisionnels pour l'année à venir.

­

Les dépenses et recettes passées et futures pour des postes tels que prix du carburant, salaires, entretien, amortissements, fluctuations des taux de change, redevances aéroportuaires, assurances, etc.; les prévisions de trafic et de recettes.

­

La marge brute d'autofinancement et les plans de trésorerie pour l'année suivante.

De plus, en vertu de l'art. 5, par. 6, du règlement CEE 2407/92, le titulaire d'une autorisation d'exploitation est tenu de fournir aux autorités de surveillance les comptes certifiés se rapportant à l'exercice précédent «sans retard indu». Pour les autorités de surveillance, cette obligation implique qu'elles doivent contrôler ces comptes et décider si, en vertu de l'art. 5, par. 6, elles veulent exiger la production d'autres documents visés à la partie C de l'annexe du règlement CEE 2407/92.

186

Voir partie A, ch. II/2.4/c/bb.

5005

5.3

Pratique de l'OFAC en matière de suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation

L'experte n'a ni trouvé ni reçu de documents indiquant que l'OFAC aurait, dans le cadre de ses obligations en matière de surveillance, contrôlé la capacité financière des titulaires d'autorisations de manière systématique. En revanche, l'OFAC est intervenu lorsqu'il a été mis au courant de difficultés financières par les titulaires d'autorisations eux-mêmes ou par d'autres sources (presse)187. Pour les sociétés publiques, un représentant de l'OFAC se rendait aux conférences de presse lors de la publication de leurs résultats. Il recevait également leurs rapports de gestion et les lisait. Selon ses propres informations, l'OFAC transmettait les données que les transporteurs aériens doivent fournir pour la statistique de l'OACI188 à Montréal, sans les analyser.

Résultat intermédiaire: Selon le droit suisse, le titulaire d'une autorisation d'exploitation est tenu de maintenir sa capacité financière. De l'avis de l'experte, il n'est cependant pas possible d'exiger des titulaires d'autorisations d'exploitation qu'ils remplissent en tout temps les exigences de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv. Le droit suisse ne mentionne pas de critères que les titulaires d'autorisations doivent respecter en ce qui concerne leur capacité économique. L'OFAC n'en a pas non plus défini. Pour autant qu'il ait été possible d'en juger, l'OFAC n'a en pratique pas systématiquement contrôlé la capacité économique des titulaires d'autorisation de sa propre initiative, cela bien que l'art. 107 OSAv lui permette d'exiger en tout temps un droit de regard sur la gestion opérationnelle et commerciale des titulaires d'autorisations d'exploitation. L'OFAC est intervenu dans certains cas particuliers lorsqu'il a été mis au courant de difficultés financières par les titulaires d'autorisations eux-mêmes ou par la presse. Le suivi des titulaires d'autorisations est clairement défini par le règlement CEE 2407/92 en vigueur en Suisse et, partant, déterminant pour l'OFAC depuis le 1er juin 2002.

6 6.1

Renouvellement de l'autorisation d'exploitation Renouvellement en vertu du droit suisse

En vertu des art. 27, al. 3, LA et 101 OSAv, l'autorisation d'exploitation doit être délivrée pour une durée déterminée, limitée à cinq ans au plus. Elle peut être renouvelée sur demande de son titulaire. Lorsqu'il délivre une autorisation d'exploitation pour la première fois, l'OFAC en limite généralement la durée à un an, parfois à trois ou six mois. Sur demande, l'autorisation est généralement renouvelée pour cinq ans189.

187 188 189

Cf. lettre de l'OFAC à Air Engiadina AG du 19 mai 2000 (annexe 11).

Voir partie A, ch. II/2.4/c/bb.

Réponse de l'OFAC à la question 9 (annexe 2b).

5006

a) Contrôle de la capacité économique lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation Le droit suisse ne comporte pas de prescriptions indiquant à l'aune de quels critères l'autorité de surveillance doit contrôler la capacité économique de l'entreprise qui demande le renouvellement de son autorisation d'exploitation.

L'art. 27, al. 2, let. c, LA exige de l'entreprise qui demande une autorisation d'exploitation qu'elle ait la capacité économique nécessaire et présente une gestion financière et une comptabilité fiables. Rien ne dit en revanche si ­ comme lors du premier octroi de l'autorisation d'exploitation ­ l'entreprise qui demande le renouvellement de son autorisation doit remplir les conditions de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv et rendre vraisemblable qu'elle est en mesure de faire face à ses obligations durant le 24 mois et, sans tenir compte des recettes, de couvrir ses frais d'exploitations durant les 90 jours qui suivent le renouvellement de l'autorisation.

De l'avis de l'experte, les arguments relatifs au suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations qui vont dans le sens d'une interprétation stricte de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv190, sont également applicables pour ce qui est du renouvellement de l'autorisation d'exploitation. Les critères mentionnés par l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv sont spécifiquement axés sur le démarrage de l'activité d'une entreprise de transport aérien. Ils ne peuvent par conséquent pas servir pour le contrôle de la capacité économique d'une entreprise qui désire renouveler son autorisation d'exploitation.

b) Absence de critères d'évaluation de la capacité économique lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation Le fait de constater que l'art. 103, al, 1, let. i, OSAv ne s'applique pas au renouvellement des autorisations d'exploitation ne libère pas pour autant l'OFAC qui doit vérifier si la capacité économique de la demanderesse au renouvellement est suffisante et si sa gestion financière et sa comptabilité sont fiables. Pour autant qu'il soit possible d'en juger, comme pour ce qui est du suivi des titulaires d'autorisations d'exploitation191, il n'y a pas de critères à ce sujet.

En ce qui concerne le contrôle du respect de l'obligation relative à «une gestion financière et une comptabilité fiables», il est possible
d'appliquer les mêmes principes que ceux qui sont appliqués pour les demanderesses qui demandent une autorisation d'exploitation pour la première fois192. En revanche, la question de savoir pour quelle durée l'entreprise qui demande le renouvellement de son autorisation d'exploitation doit prouver qu'elle est en mesure de faire face à ses obligations et au moyen de quels documents elle doit rendre plausible sa capacité économique reste ouverte. Il aurait été évident et justifié que, avant le 1er juin 2002 déjà, l'OFAC exige des entreprises concernées qu'elles apportent cette preuve conformément aux critères définis par la partie C de l'annexe du règlement CEE 2407/92193 en leur demandant, au moyen d'une directive interne194, de produire les documents qui y 190 191 192 193 194

Voir partie A, ch. II/5.1/c.

Voir partie A, ch. II/5.1/d.

Voir partie A, ch. II/2.3.

Voir partie A, ch. II/5.2.

Il y avait une directive interne portant sur la capacité économique et précisant les dispositions correspondantes de l'ancienne LA avant la révision de 1998; annexe 10 et supra, note de bas de page 166.

5007

sont mentionnés. Pour autant qu'il soit possible d'en juger, il n'y a toutefois pas eu de directive (interne) correspondante.

6.2

Renouvellement en vertu du règlement CEE 2407/92

Le règlement CEE 2407/92 ne comporte pas de disposition relative au renouvellement des autorisations d'exploitation. Selon ce règlement, la durée de validité des autorisations délivrées n'est pas limitée dans le temps195. Selon l'art. 11, elles restent en vigueur aussi longtemps que le transporteur aérien remplit les obligations prévues par le règlement. Cela étant, le règlement CEE 2407/92 précise toutefois explicitement que les Etats membres peuvent prévoir d'en imposer le réexamen au terme de la première année suivant la délivrance d'une nouvelle autorisation d'exploitation, puis tous les cinq ans par la suite (art. 11, par. 1).

Etant donné que le règlement CEE 2407/92 ne prévoit pas de renouvellement avec contrôle idoine de l'entreprise concernée, il comporte une disposition spécifique sur le suivi des titulaires d'autorisations196. Aussi longtemps que le transporteur aérien remplit ses obligations en la matière, son autorisation reste valable (art. 11, par. 1).

Par conséquent, pour le renouvellement de l'autorisation d'exploitation, le droit national ne peut exiger du transporteur aérien qu'il fournisse d'autres preuves que celles qui sont nécessaires pour le maintien de celles-ci. Ces critères sont définis à la partie C de l'annexe du règlement197.

Résultat intermédiaire: Le droit suisse limite la durée de validité de l'autorisation d'exploitation. Celle-ci peut être renouvelée sur demande de son titulaire. Lors du renouvellement de l'autorisation, le transporteur aérien doit rendre crédible qu'il dispose d'une capacité économique suffisante au sens de l'art. 27, al. 2, let. c, LA.

Le droit suisse ne comporte cependant pas de dispositions spécifiques relatives à la capacité économique en rapport avec le renouvellement des autorisations d'exploitation. De l'avis de l'experte, les exigences de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv ne sont en revanche pas applicables au renouvellement des autorisations d'exploitation. Pour sa part, l'OFAC n'a pas non plus développé de critères en vue de l'évaluation de la capacité économique des transporteurs aériens qui demandent le renouvellement de leurs autorisations. Dans la mesure où le droit suisse maintient la limitation de la durée de validité des autorisations d'exploitation (ce qui est autorisé), leur renouvellement doit être réglementé. À cet égard, seuls les critères mentionnés à la partie C de l'annexe du règlement CEE 2407/92 peuvent être pris en compte depuis le 1er juin 2002.

195 196 197

Art. 3, par. 2, règlement CEE 2407/92.

Voir partie A, ch. II/5.3.

Voir partie A, ch. II/5.2.

5008

7

Retrait de l'autorisation d'exploitation

Tant le droit suisse que le droit communautaire prévoient la possibilité de retirer l'autorisation d'exploitation. Le règlement CEE 2407/92 applicable en la matière prévoit la suspension ou le retrait de l'autorisation (art. 5, par. 5) alors que l'OSAv ne prévoit que le retrait (art. 102 OSAv). En pratique, l'OFAC recourt également aux deux formes de retrait: le retrait proprement dit et la suspension198.

7.1

Retrait selon le droit suisse

a) Art. 102 OSAv La teneur actuelle de l'art. 102 OSAv a été introduite par la révision de 1998199: Art. 102 OSAv L'office peut retirer l'autorisation: a. si les conditions régissant l'octroi ne sont plus remplies; b. si des prescriptions sont violées de façon grave ou répétée; ou c. si des obligations ne sont pas remplies.

Cette disposition définit les conditions auxquelles une autorisation d'exploitation peut être retirée et accorde un pouvoir d'appréciation à l'OFAC («peut retirer»). À l'instar de toutes les autorités, l'OFAC doit exercer de ce pouvoir d'appréciation en se conformant aux principes généraux régissant toute activité administrative200.

Il en va du retrait de l'autorisation d'exploitation comme du suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations: la question de savoir si l'OFAC doit retirer l'autorisation dès que son titulaire ne remplit plus les conditions de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv ou si cette disposition ne s'applique qu'aux transporteurs aériens qui demandent une autorisation pour la première fois, n'est pas réglée.

198 199

Voir partie A, ch. II/7.4.

L'ancienne version de l'OSAv réglementait également le retrait de l'autorisation d'exploitation (art. 122 aOSAv). À noter toutefois que, à l'époque, les entreprises concessionnaires n'avaient pas besoin d'autorisation d'exploitation et que cette disposition ne s'appliquait qu'aux transporteurs aériens qui effectuaient des transports commerciaux dans le trafic non régulier. Selon l'ancien droit, les conditions de retrait de l'autorisation étaient les suivantes: «Art. 122 aOSAv 1 L'office retire l'autorisation si les conditions de nature financière ou autre permettant une exploitation sûre et réglemtnaires ne sont plus remplies, ou si des prescriptions existantes son violées de façon graves ou répétées.

2 Il peut retirer l'autorisation délivrée si des obligations ne sont pas remplies.

(...)» 200 La Commission fédérale de l'aviation a discuté de cette formulation potestative; la commission voulait la supprimer, mais, par son argumentation, l'OFAC a pu faire accepter son maintien ­ avec raison, de l'avis de l'experte. Voir le procès-verbal de la séance du 10 mars 1998 de la Commission fédérale de l'aviation, p. 5 (annexe 12); la prise de position de l'OFAC au sujet de la révision de l'OSAv, document non daté et non signé, (annexe 13); prise de position du DETEC à l'attention du Conseil fédéral du 29 septembre 1998, p. 3 (annexe 14).

5009

Les réflexions relatives au suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisations et au renouvellement des autorisations qui vont dans le sens d'une interprétation stricte de l'art. 103, al. 1, let. i, OSAv201, sont aussi valables pour le retrait de l'autorisation. Lorsqu'un titulaire d'autorisation d'exploitation ne remplit plus les conditions en matière de capacité économique, il ne remplit plus les conditions permettant de la délivrer et l'OFAC doit examiner son retrait. Il ne serait cependant pas judicieux de devoir la retirer lorsque le titulaire ne remplit plus les conditions de l'art. 103, al. 1, let i, OSAv puisque celles-ci se réfèrent à la situation lors du démarrage de l'activité.

b) Absence de critères de retrait dans le droit suisse L'étude de la question relative aux obligations liées à la capacité économique qu'un titulaire d'autorisation doit remplir pendant la durée de validité et lors du renouvellement de celle-ci a montré que le droit suisse ne comporte pas de critères en la matière. Les critères en vertu desquels la capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation est contrôlée ne sont pas spécifiés. Par conséquent, le droit suisse ne comporte pas non plus de disposition définissant clairement à quelles conditions et selon quelle procédure, un titulaire d'autorisation peut se voir retirer son autorisation d'exploitation en cas de capacité économique insuffisante.

De l'avis de l'experte, l'OFAC aurait dû fixer les critères de retrait de l'autorisation d'exploitation dans une directive. Cela aurait été particulièrement nécessaire avant l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, c'est-à-dire avant que le règlement CEE 2407/92 ne soit directement applicable en Suisse. Avec une telle directive, l'OFAC aurait pu définir les différentes étapes de la procédure à suivre en cas de doute au sujet de la capacité économique d'un titulaire d'autorisation d'exploitation exigée par la LA. Une telle directive aurait pu constituer une base permettant d'évaluer les cas dans lesquels la capacité économique d'un titulaire d'exploitation est menacée. Dans le cadre de son pouvoir d'appréciation (formulation potestative «peut retirer»202), l'OFAC est amené à prendre des décisions difficiles et lourdes de conséquences qui
doivent être fondées sur des bases décisionnelles clairement définies. En retirant une autorisation d'exploiter, l'autorité de surveillance ordonne l'immobilisation de la flotte du transporteur aérien concerné; cette décision contribue à son affaiblissement économiquement et peut même l'empêcher de reconstituer sa capacité économique. Il n'en demeure pas moins qu'une capacité économique suffisante est une exigence légale dont l'OFAC doit assurer le respect.

Dans le cas d'espèce, lorsque l'OFAC doit envisager le retrait d'une autorisation d'exploitation, il demande au titulaire de celle-ci de lui fournir des documents complémentaires relatifs à sa situation. Cela étant, la liste de documents mentionnés à la partie C de l'annexe du règlement CEE 2407/92 aurait déjà pu servir de base avant l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien puisque, avec la révision de 1998, le droit suisse a repris les dispositions du droit communautaire en la matière. Lorsque la capacité économique d'un titulaire d'autorisation ne répond plus aux exigences légales, l'OFAC doit également demander un extrait du registre des poursuites ainsi que des garanties de tiers.

201 202

Voir partie A, ch. II/5.1/c.

Voir partie A, ch. II/7.1.

5010

c) Evénements qui peuvent conduire au retrait de l'autorisation d'exploitation Même en l'absence de critères spécifiques, certaines circonstances doivent inciter l'OFAC à examiner l'opportunité d'un retrait de l'autorisation voire à la retirer immédiatement. Il en va ainsi de l'insolvabilité d'un titulaire. Celle-ci peut se manifester par le dépôt d'une demande de sursis concordataire ou l'ouverture de la faillite. Dans le premier cas de figure, le titulaire d'une autorisation déclare luimême qu'il ne dispose plus de la capacité économique alors que dans le second, cette situation ressort des mesures prises par une autre autorité (ouverture de la faillite).

Lors de l'ouverture de la faillite, la question de savoir s'il convient ou non de retirer l'autorisation d'exploitation ne se pose pas. Avec la faillite, le titulaire d'une autorisation perd toute capacité de disposer de ses biens (art. 204 LP); il ne peut donc plus faire face à ses obligations économiques.

7.2

Retrait et suspension selon le règlement CEE 2407/92

Le règlement CEE 2407/92 règle le retrait de l'autorisation d'exploitation à son art. 5, par. 5. Les autorités peuvent, à tout moment, suspendre ou retirer l'autorisation d'exploitation si elles n'ont plus la certitude que le transporteur aérien est à même de faire face à ses obligations actuelles ou potentielles pendant une période de douze mois. À cet égard, les données que le transporteur aérien doit fournir en vertu de la partie C de l'annexe du règlement CEE 2407/92 sont déterminantes pour l'évaluation de sa situation financière: comptes certifiés, bilan et compte de résultats prévisionnels pour l'année à venir, dépenses et recettes passées et futures, marge brute d'autofinancement et plans de trésorerie pour douze mois203. En la matière, le règlement CEE 2407/92 se base sur les mêmes critères que ceux appliqués pour l'évaluation permanente (suivi) des titulaires d'autorisations, ce qui est logique puisque, selon le règlement, il est possible de retirer l'autorisation d'exploitation à un titulaire à partir du moment où ce dernier ne remplit plus les exigences en matière de capacité à poursuivre l'exploitation204.

7.3

Divergence entre l'art. 102 OSAv et l'art. 5 du règlement CEE 2407/92

Les dispositions du règlement CEE 2497/92 font apparaître une divergence entre le droit suisse et le droit communautaire dans le domaine des conditions régissant le retrait de l'autorisation d'exploitation. En effet, le droit communautaire règle ce retrait de manière précise alors que les dispositions correspondantes du droit suisse doivent être interprétées. Contrairement au droit communautaire, le droit suisse ne mentionne pas de mesures précises que l'autorité de surveillance doit prendre lorsqu'elle estime qu'une entreprise de transport aérien ne dispose plus de la capacité économique nécessaire et qu'elle doit examiner l'opportunité d'un retrait de l'autorisation d'exploitation. Les documents consultés par l'experte n'indiquent pas que ce décalage ait été voulu.

203 204

Voir partie A, ch. II/5.2.

Voir partie A, ch. II/5.2.

5011

7.4

Pratique de l'OFAC en matière de retrait et de suspension de l'autorisation d'exploitation

Selon ses propres indications, l'OFAC n'a, à ce jour, retiré ou suspendu des autorisations d'exploitation que sur demande correspondante de leur titulaire205. Dans la mesure où il a été possible d'en juger, l'OFAC n'a jamais retiré ou suspendu d'autorisations d'exploitation de sa propre initiative.

Résultat intermédiaire: Selon le droit suisse, l'OFAC peut retirer une autorisation d'exploitation lorsque son titulaire ne répond plus aux exigences légales en matière de capacité économique. Le droit suisse ne comporte pas de critères précis définissant les conditions dans lesquelles une autorisation d'exploitation doit être retirée.

Le règlement CEE 2407/92 définit de tels critères.

8

Exigences en matière de capacité économiqueen cas de changement dans l'activité commerciale ou de restructuration de l'entreprise de transport aérien Art. 107, al. 3, OSAv

8.1

Depuis la révision de 1998, le droit aérien suisse précise (art. 107, al. 3, OSAv) les opérations commerciales206 que les titulaires d'autorisations d'exploitation doivent annoncer à l'OFAC. Celles-ci ont été reprises des dispositions correspondantes du droit communautaire (plus précisément des futures dispositions puisqu'elles n'étaient pas encore en vigueur à l'époque). Il s'agit des opérations commerciales qui peuvent avoir une influence sur la capacité économique d'un titulaire. L'art. 107 OSAv définit également à quel moment le titulaire d'autorisation concerné doit renseigner l'OFAC: ­

annonce préalable des projets visant à desservir des continents ou des régions non desservis auparavant;

­

annonce préalable des projets de fusion ou de rachat;

­

annonce dans les 14 jours de toutes les modifications dans la détention de participations représentant 10 % ou plus de l'ensemble du capital de l'entreprise ou de celui de sa société mère ou de sa holding.

Cette obligation d'annoncer montre avant tout que, en vertu des dispositions légales, l'OFAC peut partir du principe que les titulaires d'autorisation le tiennent informé sur les opérations commerciales qui peuvent influencer leur capacité économique.

En même temps, cette obligation d'annoncer signifie également pour l'OFAC qu'il doit contrôler leur respect dans le cadre de son devoir de surveillance. Dans ce même cadre, les opérations annoncées peuvent quant à elles inciter l'OFAC à contrôler si les titulaires d'autorisations remplissent encore les exigences légales, et cela d'ailleurs pas uniquement en ce qui concerne la capacité économique.

205 206

Réponse de l'OFAC à la question 5 (annexe 2b).

L'obligation d'annoncer les «incidents particuliers» fait l'objet de l'art. 107, al. 2, OSAv.

5012

8.2

Dispositions du règlement CEE 2407/92

À l'art. 5, par. 3 et à la partie B de l'annexe, le règlement CEE 2497/92 règle le changement d'activités commerciales et la restructuration d'entreprises aériennes.

Selon cette disposition, les changements suivants doivent être annoncés: ­

l'exploitation d'un nouveau service régulier ou d'un service non régulier vers un continent ou une région du monde qui n'était pas desservi auparavant;

­

les changements devant intervenir dans le type ou le nombre d'avions exploité;

­

une modification substantielle du volume de leurs activités;

­

tout projet de fusion ou de rachat;

­

tout changement dans la détention de toute participation représentant 10 % ou plus de l'ensemble du capital du transporteur aérien ou de la société mère ou de la société qui le contrôle en dernier ressort; notification dans les 14 jours.

L'art. 5, par. 3, dernière phrase, précise que le fait de soumettre, deux mois avant la période à laquelle il se réfère, un plan d'entreprise couvrant une période de douze mois constitue une notification suffisante. La partie B de l'annexe du règlement CEE 2407/92207 précise les informations qui doivent être fournies:

207

­

Si nécessaire, les documents financiers et comptables internes les plus récents et les comptes certifiés pour l'exercice financier précédent.

­

Le détail précis de tous les changements envisagés, par exemple changement de type de service, projet de rachat ou fusion, modification du capital social, changements d'actionnaires, etc.

­

Un bilan et un compte de résultats prévisionnels pour l'exercice en cours, tenant compte de tous les changements de structures ou d'activités envisagés qui ont des incidences financières importantes.

­

Les dépenses et recettes passées et futures pour des postes tels que carburant, tarifs, salaires, entretien, amortissements, fluctuations des taux de change, redevances aéroportuaires, assurances, etc.; les prévisions de trafic et de recettes.

­

La marge brute d'autofinancement et les plans de trésorerie pour l'année suivante, compte tenu de tous les changements de structures et d'activités envisagés ayant des incidences financières importantes.

­

Le détail du financement des achats et des acquisitions par contrat de location (lease agreement) d'avions, y compris, en cas de contrat de location (lease agreement), les modalités et conditions du contrat.

Informations à fournir pour l'évaluation permanente de la capacité financière des titulaires de licence qui envisagent un changement de leurs structures ou de leurs activités ayant des incidences importantes sur leur situation financière.

5013

8.3

Divergences entre l'art. 107 OSAv et le règlement CEE

Les deux paragraphes précédents (8.1 et 8.2) montrent que le droit suisse et le droit communautaire divergent en ce qui concerne la surveillance des nouvelles opérations commerciales des titulaires d'autorisations. Le droit communautaire est nettement plus précis que le droit suisse alors même que, sur ce point, le but était d'harmoniser le second en fonction du premier208. Le droit suisse (art. 107 OSAv) se rapporte certes aux mêmes opérations commerciales que le droit communautaire (nouvelles routes, regroupements, participations), mais renonce à définir un délai d'annonce pour les modifications relative à la flotte et à l'ampleur des activités. Le droit suisse n'énumère pas non plus les documents que les titulaires doivent produire en vertu du règlement CEE 2407/92 dans les situations mentionnées. Jusqu'au 1er juin 2002, les entreprises suisses de transport aérien devaient remplir des exigences moins rigoureuses ­ sur ce point ­ que les entreprises européennes. Depuis l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel sur le transport aérien, ce sont les exigences de l'art. 5 du règlement CEE 2407/92 qui sont déterminantes pour les titulaires d'autorisations suisses comme pour l'OFAC. D'un point de vue purement juridique, il n'est pas nécessaire d'adapter le droit suisse puisque le règlement CEE est directement applicable en Suisse.

Résultat intermédiaire: Chaque titulaire d'une autorisation d'exploitation doit annoncer certaines opérations commerciales à l'OFAC. Il s'agit des opérations qui sont de nature à influencer les conditions qui ont conduit à l'octroi de l'autorisation, notamment la capacité économique. Dans le cadre de son devoir de surveillance, l'OFAC doit contrôler si les titulaires d'autorisations respectent cette obligation d'annoncer et si les modifications annoncées ont une influence sur les autorisations d'exploitation octroyées. Le droit suisse ne contient pas d'indications spécifiques précisant les documents et les informations que les titulaires d'autorisation doivent présenter. Le règlement CEE 2407/92 contient des indications précises à ce sujet.

Celles-ci sont également déterminantes pour les titulaires d'autorisations suisses depuis le 1er juin 2002.

III.

Octroi, surveillance et retrait de la concession de routes Octroi des concessions de routes Au sujet des termes concession de routes, obligations d'exploiter et de transporter

1 1.1

Durant des décennies, l'aviation civile différenciait le trafic de lignes du trafic non régulier en se basant sur la convention de Chicago209. Les compagnies effectuant des transports de lignes desservaient des routes que leur Etat d'origine avait négociées sur la base d'accords aériens bilatéraux. Tant que la différenciation entre le trafic de lignes et le trafic non régulier était stricte, le trafic de lignes se distinguait par le fait que le concessionnaire, qui disposait d'une position de monopole dans le droit

208 209

Voir partie A, ch. II/8.

Convention du 7 décembre 1944 relative à l'aviation civile internationale, RS 0.748.

5014

national, était tenu de d'effectuer des vols réguliers selon un horaire et, pour le transport de personnes, de vendre individuellement des sièges mis à la disposition du public210. Des obligations d'exploiter et de transporter étaient également liées à la concession octroyée. Le trafic non régulier était en revanche axé sur la demande (besoins). Il ne suivait pas d'horaires et les vols étaient effectués sur contrat d'affrètement (trafic dit nolisé ou charter) et n'était pas soumis aux obligations d'exploiter et de transporter211.

Avec la libéralisation qui a débuté aux Etats-Unis à la fin des années 70, la délimitation entre trafic de lignes et trafic non régulier s'est estompée. Depuis la libéralisation qui a eu lieu au sein de l'UE212, le droit communautaire ne fait plus de distinction entre trafic de lignes et trafic non régulier. Lorsque le trafic aérien est encore soumis à des accords aériens bilatéraux, la distinction est encore applicable (comme c'est le cas pour les transports aériens entre la Suisse et la Chine: selon l'accord aérien bilatéral, chaque Etat contractant ne peut désigner qu'une entreprise de transport aérien pouvant exploiter les routes convenues213).

La révision du droit aérien suisse de 1998 a dû tenir compte de ces différentes structures régissant les transports aériens internationaux. Ainsi, le transport régulier de personnes ou de marchandises sur des lignes aériennes est soumis à concession de routes (art. 28 LA), et celle-ci doit être octroyée lorsque le demandeur remplit les conditions légales (droit à l'octroi d'une concession). L'octroi de la concession est lié à une obligation d'exploiter et une obligation de transporter (art. 111 OSAv).

Lorsque seul un nombre limité de transporteurs aériens est autorisé à exploiter une ligne aérienne, l'OSAv précise les critères en fonction desquels le choix entre les divers transporteurs intéressés doit être effectué (art. 115, al. 2, OSAv). En revanche, les transporteurs aériens qui effectuent des transports commerciaux de personnes ou de marchandises dans le trafic non régulier ont seulement besoin, même après la révision de 1998, d'une autorisation d'exploitation.

Pour Swissair, lors de la révision de 1998, un régime particulier a été mis en place pour ses vols de lignes. Les droits découlant de concessions existantes
restaient acquis pour autant qu'ils soient effectivement exercés au moment de l'entrée en vigueur de la modification (dispositions finales de la modification de la LA du 26 juin 1998). Ainsi, Swissair était autorisée à exploiter les concessions de routes de l'époque aux conditions alors en vigueur jusqu'en 2008214.

210 211

Cf. notamment art. 110 OSAv.

Cf. Ordonnance sur la délimitation entre le trafic de lignes et les autres genres de trafic commercial, RS 748.128.

212 Cette libéralisation a eu lieu en trois étapes; le dernier paquet de libéralisation est entré en vigueur en 1997, cf. Christian Jung, Die Marktordnung des Luftverkehrs ­ Zeit für neue Strukturen in einem liberalisierten Umfeld, ZLW 1998, p. 308 et 499; Ronald Schmid, Das Dritte Massnahmenbündel der EG-Kommission zur Errichtung des Binnenmarktes im Luftverkehr (Juni 1992), Transportrecht 1993, p. 89.

213 Accord du 12 novembre 1973 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif aux transports aériens civils, RS 0.748.127.192.49.

214 Voir partie B, ch. IV.

5015

1.2

Octroi d'une concession de routes selon le droit suisse

a) Conditions selon la LA et l'OSAv Le droit suisse règle l'octroi de la concession de routes aux art. 28 LA et 110 ss.

OSAv. Seuls les titulaires d'une autorisation d'exploitation peuvent obtenir une concession de routes. Ainsi, en ce qui concerne l'octroi de concessions de routes, l'OSAv peut renoncer aux exigences qui doivent déjà être remplies lors de l'octroi de l'autorisation d'exploitation215. Par conséquent, les dispositions de l'OSAv qui concernent l'octroi d'une concession de routes ne concernent que les aspects qui sont spécifiques à la concession de routes, soit les obligations liées à la concession, l'octroi, la durée, le retrait et la caducité ainsi que la modification et le transfert (art. 110 à 118 OSAv). La concession est octroyée par le DETEC216.

L'OSAv ne comporte pas de règles spécifiques relatives à la capacité économique des transporteurs aériens qui demandent une concession de lignes ou qui en sont titulaires. Cela n'est cependant pas nécessaire puisque cet aspect est déjà contrôlé dans le cadre de l'autorisation d'exploitation et que le département peut octroyer une concession de routes uniquement à un transporteur aérien déjà titulaire d'une autorisation d'exploitation (art. 28, al. 1, LA). D'un point de vue économique, la seule exigence lors de l'octroi d'une concession de routes réside dans l'obligation de faire figurer les données relatives à la rentabilité de la ligne convoitée dans la requête de concession (art. 114, al. 1, let. f, OSAv). Le département ne dispose toutefois pas de compétences lui permettant de refuser la demande de concession s'il est de l'avis que la ligne concernée ne peut pas être exploitée de manière rentable.

b) Obligations liées à la concession selon le droit en vigueur (art. 111 OSAv) L'OSAv règle les obligations liées à la concession à son art. 111. L'entreprise concessionnaire est tenue d'établir des horaires et des tarifs et de les soumettre au département. Elle doit aussi les rendre publics de manière appropriée. Elle est en outre tenue de s'assurer que ces horaires et tarifs sont respectés. L'OSAv stipule explicitement que «le genre et la portée des obligations d'exploiter et de transporter sont réglés dans la concession».

Avec cette disposition, la version révisée du droit aérien suisse s'en tient aux obligations d'exploiter et de
transporter. Il diverge ainsi du droit communautaire puisque l'ordonnance 2408/92217 ne comporte pas d'obligations correspondantes218.

L'OFAC et le DETEC se sont accommodés de cette différence puisque cela permettait à l'autorité concédante de tenir compte de la situation juridique du cas d'espèce et de fixer les obligations de manière appropriée dans la concession219. En outre, le DETEC était d'avis que les obligations d'exploiter et de transporter étaient

215 216 217 218 219

Prise de position du DETEC du 29 septembre 1998 adressée au Conseil fédéral, p. 8 (annexe 14).

La LA ne règle pas cette compétence explicitement. Elle découle de l'art. 28, al. 2, LA («Pour l'octroi d'une concession, le département examine notamment [...]»).

Cf. supra note de bas de page 120.

Cf. infra point 1.3.

Prise de position du DETEC du 29 septembre 1998 adressée au Conseil fédéral, p. 7 (annexe 14).

5016

en fin de compte liées au caractère du trafic de lignes en tant que partie intégrante des transports publics220.

Toutes les concessions octroyées par le DETEC et, partant, celle de Swissair221 contiennent une obligation d'exploiter et une obligation de transporter222.

c) Obligations liées à la concession avant la révision de 1998 Avant la révision de la LA de 1998, le département devait examiner la rentabilité du transporteur aérien qui demandait une concession du droit d'exploiter et qui était tenu de fournir les indications et les documents correspondants (art. 104, al. 1, let. i, aOSAv). Lorsque les ressources financières étaient «de toute évidence insuffisantes», le département pouvait refuser la concession (art. 105, al. 3, let. c, aOSAv).

En vertu de l'art. 13 de la concession du 19 décembre 1966, Swissair était tenue de constituer des réserves en attribuant chaque année 10 % du bénéfice net à la réserve générale jusqu'à ce que celle-ci se monte à la moitié du capital actions. Cet art. 13 précisait également que les statuts de la société fixaient les autres modalités. La décision du DETEC du 23 décembre 1996 a purement et simplement abrogé cette clause223.

1.3

Octroi d'une concession de routes selon le règlement CEE 2408/92

L'art. 3 du règlement CEE 2408/92 précise que les transporteurs aériens communautaires sont autorisés par le ou les Etats membres concernés à exercer des droits de trafic sur des liaisons intracommunautaires. Selon l'art. 2, let. a, du règlement CEE 2408/92, un «transporteur aérien communautaire» est un transporteur aérien titulaire d'une licence d'exploitation en cours de validité et délivrée par un Etat membre en vertu du règlement CEE 2407/92224. Avec la formulation de l'art. 3 de l'ordonnance 2408/92, le droit communautaire assure à chaque titulaire d'une autorisation d'exploitation le droit d'effectuer des transports aériens à des fins commerciales sur les routes communautaires (accès aux routes). Ce règlement renonce à la distinction entre trafic de lignes et trafic non régulier.

220

Prise de position du DETEC du 29 septembre 1998 adressée au Conseil fédéral, p. 7 (annexe 14).

Concession du 19 décembre 1966, art. 5 et 6, transféré par décision du DETEC du 23 mai 1997 à la compagnie Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne nouvellement créée (annexe 15).

222 L'un des dossiers consulté par l'experte contenait une concession (la concession de Swisswings du 25 septembre 2001) dont les obligations d'exploiter et de transporter étaient rédigées de la manière suivante: «Das konzessionierte Unternehmen hat alle Vorkehrungen zu treffen, um den Betrieb im Rahmen der technischen und personellen Möglichkeiten gemäss den unterbreiteten und veröffentlichten Flugplänen durchführen und aufrechterhalten zu können. Das konzessionierte Unternehmen hat alle Vorkehrungen zu treffen, um Passagiere und Güter gemäss den vom BAZL genehmigten Allgemeinen Beförderungsbedingungen sowie den Normen der Internationalen Zivilluftfahrt-Organisation ICAO über die Beförderung gefährlicher Güter mit Luftfahrzeugen und den dazugehörigen technischen Vorschriften zu befördern.» (Consulté auprès de l'OFAC le 28 juin 2002).

223 Renseignement de l'OFAC à Philippe Rochat.

224 Voir partie A, ch. II/3.

221

5017

Le règlement CEE 2408/92 règle les circonstances dans lesquelles cet accès aux routes peut être limité. Les raisons liées à la protection de l'environnement (art. 8 et 9) permettent une telle limitation. Une capacité économique insuffisante ne constitue cependant pas une raison permettant de limiter l'accès aux routes. Une telle disposition n'est d'ailleurs pas nécessaire puisque, en vertu des prescriptions régissant l'autorisation d'exploitation, les entreprises de transport aérien qui ne disposent plus d'une capacité économique suffisante doivent interrompre leur exploitation225.

2

Suspension et retrait d'une concession de routes

Contrairement au droit communautaire, le droit suisse révisé en 1998 contient des prescriptions relatives au retrait de la concession de routes. En vertu des art. 93 LA et 112 OSAv, le département peut retirer une concession de routes lorsque le concessionnaire viole ses obligations de façon grave ou répétée ou lorsqu'il ne remplit plus les conditions requises pour son octroi (art. 112, al. 2, OSAv). «En cas d'urgence ou de modification de la situation», le département peut dispenser l'entreprise concessionnaire de certaines ou de toutes ses obligations ou lui accorder d'autres facilités (art. 111, al. 2, OSAv).

En droit suisse, le retrait d'une concession de routes peut constituer une mesure préventive ou une sanction. Lorsque les conditions d'octroi ne sont plus remplies, le département procède à un retrait préventif de la concession et lorsque le concessionnaire viole ses obligations de façon grave ou répétée, le retrait de la concession est une sanction.

Les raisons pouvant entraîner le retrait de la concession de routes mentionnées ci-avant montrent qu'une capacité économique insuffisante ne suffit pas à justifier le retrait d'une concession de routes. Ce n'est qu'à partir du moment où un transporteur aérien concessionnaire annule des vols ou laisse des passagers en plan par maque de capacité économique qu'il viole son obligation de transporter et donne une raison de lui retirer sa concession de routes. Cette réglementation est judicieuse.

Selon le droit suisse également, le département ne peut octroyer une concession de routes que si le transporteur aérien qui en fait la demande est déjà titulaire d'une d'autorisation d'exploitation. Celle-ci peut être retirée pour manque de capacité économique. Selon les art. 28, al. 3, LA et 112, al. 2, OSAv, l'annulation de l'autorisation d'exploitation constitue un motif de retrait de la concession puisque les conditions d'octroi de la concession (être titulaire d'une autorisation d'exploitation) ne sont plus remplies.

Dans la mesure où l'OFAC contrôle les titulaires d'une autorisation d'exploitation également du point de vue de leur capacité économique, le lien entre autorisation d'exploitation et concession de routes permet d'être assuré que le département retire les concessions de routes aux entreprises de transport aérien qui ne disposent plus
d'une capacité économique suffisante et évite d'être confronté à la situation dans laquelle une entreprise concessionnaire ne puisse plus remplir ses obligations en matière d'exploitation et de transport. Ainsi, la loi permet également de tenir compte de l'intérêt public. En effet, les transports aériens faisant partie intégrante de 225

Voir partie A, ch. II/7.2.

5018

l'infrastructure des transports publics, il y a lieu de protéger le droit des passagers à pourvoir être transporté de manière fiable, aussi en ce qui concerne les horaires226.

3

Pratique du DETEC en matière d'octroi, de surveillance et de retrait des concessions de route

Formellement, c'est le DETEC qui est compétent en matière d'octroi et de retrait des concessions de routes. Le DETEC prend toutefois ces décisions sur proposition de l'OFAC. En pratique, le DETEC a toujours suivi les propositions de l'OFAC. Certains aspects liés à la politique des transports ont parfois provoqué des discussions.

Il s'agissait de savoir s'il était possible d'octroyer une concession (notamment lorsqu'une compagnie aérienne risquait de concurrencer les chemins de fer).

Fin avril 2002, deux entreprises étaient titulaires d'une ou de plusieurs concessions de routes. Fin octobre 2001, il y en avait encore cinq227. Le DETEC a déjà refusé d'octroyer des concessions de routes228. Il en a également retirées229.

Résultat intermédiaire: En plus d'une autorisation d'exploitation, les entreprises de transport aérien qui effectuent des transports aériens de personnes ou de marchandises à des fins commerciales dans le trafic de lignes doivent être titulaires d'une concession de routes octroyée par le DETEC. La concession de routes est superflue pour l'exploitation de routes intracommunautaires, puisque, en vertu du règlement CEE 2408/92, à partir du moment où elle dispose d'une autorisation d'exploitation, toute entreprise de transport aérien peut exercer des droits de trafic. Lors de l'octroi d'une concession de routes, le DETEC ne doit pas contrôler la capacité économique de l'entreprise de transport aérien. Le droit aérien soumet le titulaire de concessions de routes à des obligations d'exploiter et de transporter; pour un titulaire d'une concession de routes, le fait de ne plus être en mesure de remplir ces obligations constitue un motif de retrait de cette concession.

IV.

1

Devoir de surveillance de l'OFAC en tant que tâche légale Fonction de surveillance dans un environnement libéralisé

La branche des transports aériens se trouve dans une phase de changements structurels. Les effets de la libéralisation modifient les conditions du trafic aérien dans le monde entier. Le système des droits de trafic restreints se libéralise par la conclusion d'accords dits «ciel ouvert» (ou «open sky»). Sur les lignes libéralisées, chaque entreprise de transport aérien peut participer au trafic aérien. L'Etat n'octroie plus 226

Les milieux des transports aériens sont en train d'examiner des modèles d'assurances permettant de dédommager les passager en cas d'immobilisation de la flotte de la compagnie ayant délivré leurs titres de transport. Une telle couverture d'assurance couvrirait les frais d'un transport de remplacement. Voir partie D, ch. IV.

227 Le tableau de l'annexe 16 renseigne sur le nombre de concessions de routes octroyées par le DETEC de 1994 à 2001 et celui de l'annexe 17 sur le nombre de concessions que le DETEC a renouvelée durant cette même période.

228 Réponse de l'OFAC à la question 24 (annexe 2b).

229 Réponse de l'OFAC à la question 25 (annexe 2b).

5019

un nombre limité de concessions et chaque transporteur aérien qui remplit les exigences légales a le droit d'offrir des vols sur ces lignes libéralisées. La libéralisation a également entraîné la suppression des prescriptions légales sur les tarifs. Les entreprises de transport aérien décident elles-mêmes des conditions auxquelles elles mettent leurs titres de transport sur le marché.

Dans de nombreux Etats ­ dont la Suisse ­ la libéralisation a remplacé le concept «classique» qui voulait qu'une compagnie aérienne nationale avec participation de l'Etat assure la grande partie des transports aériens dans le trafic de lignes. Les compagnies aériennes ont été privatisées avec, pour conséquence, le retrait de l'Etat de la sphère décisionnelle de la compagnie nationale. La Suisse n'a pas échappé à ce phénomène. Le monopole de Swissair a été supprimé en 1998 (révision de la LA), la participation de la Confédération a été réduite et les représentants de la Confédération au sein du conseil d'administration de Swissair se sont retirés230.

Le retrait des représentants de l'Etat du conseil d'administration des compagnies (dites nationales à l'époque) implique que l'Etat ne peut s'informer de la situation économique de ces transporteurs aériens et, le cas échéant, les influencer qu'à travers l'autorité de surveillance. Dans ce sens, la libéralisation a modifié rôle des autorités de surveillance La libéralisation a également ouvert l'accès au marché. Les entreprises de transport aérien ont un droit à une autorisation d'exploitation et ­ pour les trajets entre la Suisse et les Etats membres de l'UE ­ à l'exercice de droits de trafic dans la mesure où elles remplissent les exigences légales. Le devoir de surveillance relatif à ces exigences légales constitue l'unique possibilité pour l'Etat d'influer de manière décisive sur la qualité des prestations des transporteurs aériens. La libéralisation du transport aérien ne signifie donc pas que l'influence des organes de l'Etat chargés des questions aériennes ait diminué: elle s'est surtout modifiée. Les organes de l'Etat n'exercent plus leur influence en participant directement aux décisions des entreprises de transport aérien, mais en surveillant leur exploitation dans le cadre du devoir de surveillance qui leur incombe.

2

Sécurité technique et opérationnelle en tant que tâche principale des organes de surveillance

Dans un environnement libéralisé, les organes de surveillance jouent un rôle crucial dans le domaine du transport aérien étant donné que les avions représentent un danger potentiel élevé pour les passagers et les tiers. Les autorités de surveillance des entreprises de transport aérien doivent avant tout veiller à ce que leur exploitation soit sûre. De ce point de vue, c'est avec raison que l'OFAC a, dans sa politique du personnel, accordé la priorité à la surveillance technique et opérationnelle des titulaires d'autorisations. La surveillance du respect des conditions techniques et opérationnelles coûte cher. Cette surveillance porte sur plus de 80 entreprises de transport aérien231 et comporte le contrôle quotidien de leur exploitation aérienne ainsi que des mesures hebdomadaires comme le contrôle de la disponibilité opérationnelle de la flotte, des inspections périodiques des aéronefs ou l'examen des 230 231

Voir partie B, ch. III.

Réponse de l'OFAC à la question 1 (annexe 2b).

5020

manuels de vols. La surveillance exercée sur l'organisation de l'entretien implique des travaux semblables. À la suite de la restructuration de Crossair après l'immobilisation de la flotte de Swissair et après les deux accidents des avions Crossair (Niederhasli en 2000 et Bassersdorf en 2001), l'OFAC a intensifié la surveillance technique et opérationnelle exercée sur Crossair/Swiss International Air Lines SA.

En ce qui concerne la surveillance du respect des exigences techniques et opérationnelles, il faut encore relever que les prescriptions à respecter sont de plus en plus définies au moyen de standards des Autorités conjointes de l'aviation (ou JAA, Joint Aviation Authorities)232. L'OFAC ne doit donc plus définir les exigences techniques et opérationnelles lui-même, mais peut se limiter à surveiller leur respect. L'experte n'est pas en mesure d'évaluer si la charge de travail de l'OFAC s'en trouve réduite ou, au contraire, augmentée.

3

Surveillance de la capacité économique en tant qu'élément du devoir de surveillance

Comme le droit communautaire, le droit suisse exige également que les entreprises de transport aérien soient fiables de tous les points de vue, donc également en ce qui concerne leur capacité économique. À ce sujet, les considérants du règlement CEE 2407/92 précisent «[...] en vue d'assurer des services fiables et adéquats, il convient de faire en sorte que les transporteurs aériens opèrent à tout moment selon des critères de sécurité élevés et de saine gestion économique.» Dans ces conditions, il semble problématique si l'OFAC limite son devoir de surveillance aux aspects techniques et opérationnels et, spécialement en cours de validité de l'autorisation d'exploitation, ne contrôle la capacité économique que lorsqu'il a constaté des lacunes pouvant influer sur la sécurité. La solidité économique de l'entreprise de transport aérien est l'une des conditions qui doit être respectée, tant lors de l'octroi de l'autorisation d'exploitation que durant la période de validité de celle-ci. Les raisons en sont les suivantes:

232

­

Des moyens financiers suffisants sont une condition pour une exploitation sûre: La sécurité d'une exploitation aérienne dépend de la possibilité de la financer. Celui qui demande l'octroi d'une autorisation d'exploitation doit disposer d'avions (achetés ou en leasing) en état de vol, il doit assumer les frais de maintenance et de pièces de rechange, il doit acheter le carburant et il doit être en mesure de faire en sorte que ses avions soient en permanence adaptés à l'état de la technique tel qu'il est défini par la loi. Il faut en particulier veiller à ce que les mesures préventives en matière de sécurité aérienne ne soient pas mises en danger par les difficultés économiques d'un transporteur aérien.

­

Les exigences financières minimales permettent de garantir le sérieux financier du transporteur aérien qui dépose une demande d'autorisations d'exploitation: L'OSAv limite les exigences en matière de capacité financière aux 24 premiers mois et celles en matière de liquidités aux trois preVoir partie A, ch. II/2.2.

5021

miers mois qui suivent le début de l'activité. De ce fait, la disposition correspondante a un caractère de seuil d'entrée financier. Ces exigences ont pour but d'éviter de devoir octroyer des autorisations d'exploitation à des entreprises qui voudraient se lancer dans le transport aérien sans disposer de moyens financiers suffisants et qui, de ce fait, se trouveraient rapidement contraintes de mettre fin à leur exploitation par manque d'argent.

­

Des moyens financiers permettent de respecter les obligations d'exploiter et de transporter: Les transports aériens font partie de l'infrastructure des transports publics. Il y a un intérêt public à ce que les vols autorisés par les autorités aient effectivement lieu et que les voyageurs puissent recourir aux prestations offertes par une entreprise de transport aérien233.

4

Partage des tâches liées au devoir de surveillance entre le DETEC et l'OFAC

Le DETEC exerce la haute surveillance sur l'OFAC. Cela a déjà été présenté plus haut234. Le partage des tâches liées au devoir de surveillance est prévu par la loi.

Matériellement, d'après les documents en possession de l'experte, le DETEC influe directement dans le processus décisionnel lorsqu'il en va des principes de la politique des transports235 ou en matière de politique du personnel de l'OFAC. Dans le cadre de la surveillance financière exercée sur l'OFAC, le DETEC décide de l'effectif de ce dernier. Les documents consultés par l'experte montrent que ce point fait l'objet de discussions entre le DETEC et l'OFAC.

5

Entrée en vigueur entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien: effets sur le personnel

Selon des sources internes, ni l'OFAC ni le DETEC n'ont pris de mesures particulières dans le domaine du personnel en prévision de l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel bilatéral sur le transport aérien. La comparaison entre le droit suisse et le droit communautaire a cependant montré que la formulation de l'obligation d'annoncer et des devoirs de surveillance spécifiques était moins stricte dans le premier que dans le second. Si l'OFAC et le DETEC veulent être à la hauteur des nouvelles exigences, ils doivent ­ mais cela concerne avant tout l'OFAC ­ prendre des mesures de nature organisationnelle. Sans examiner la charge de travail de chaque collaborateur concerné, l'experte ne peut pas juger si ces mesures peuvent être prises avec les effectifs actuels. Il faudrait décider en fonction de l'effectif actuel si l'OFAC a besoin ou non d'autres collaborateurs pour l'examen des opérations commerciales. Par autres collaborateurs il faut comprendre des collaborateurs qualifiés au bénéfice d'une formation économique.

233 234 235

Voir partie A, ch. III/1.1.

Voir partie A.

Voir partie A, ch. III/3.

5022

5.1

Situation actuelle en matière d'effectif

De 1995 à 2001, c'est-à-dire durant la période de l'entrée en vigueur de la LA et de l'OSAv réviséees, l'effectif de l'OFAC a augmenté d'environ 10 %. En 1995, l'OFAC disposait d'un effectif équivalent 4,5 postes pour la surveillance des transporteurs aériens commerciaux. De 1995 à 2001, cet effectif a été doublé pour atteindre l'équivalent de 9 postes236. Au total, le groupe de projet «Certification et surveillance des autorités aéronautiques» dispose aujourd'hui d'un effectif de 17,5 postes237.

5.2

Besoins futurs

Dans le cadre de la présente expertise, l'experte n'est pas en mesure de juger si l'OFAC dispose d'un effectif suffisant pour remplir les tâches qui lui incombent de par la loi et si son personnel est suffisamment qualifié. Elle ne peut par conséquent ni prévoir s'il sera nécessaire d'engager de nouveaux collaborateurs ni, le cas échéant, le nombre de nouveaux postes qu'il faudra créer pour contrôler le respect des exigences en matière de capacité économique en vertu du règlement CEE 2407/92. Cela étant, la surveillance de la capacité économique faisait déjà partie des tâches de l'OFAC avant l'entrée en vigueur de ce règlement. Etant donné que l'OFAC n'a, jusqu'à ce jour, accordé qu'une priorité secondaire à cette tâche, il est possible de partir du principe qu'il sera nécessaire d'augmenter l'effectif de l'office en engageant des collaborateurs qualifiés.

B.

I.

L'exercice du devoir de surveillance à l'égard de Swissair Introduction

C'est sur la base des considérations juridiques développées dans la première partie du présent rapport qu'il convient d'examiner les conditions dans lesquelles l'OFAC a exercé son devoir de surveillance à l'égard de Swissair.

Cet examen est aussi fondé sur l'analyse et le recoupement d'informations provenant de sources multiples (documents officiels, notes internes, explications verbales, etc.)

qui n'ont pas toujours permis de se faire une idée complète et objective de la situation. L'expert s'est efforcé de s'en tenir, dans la mesure du possible, à des éléments avérés. Mais il a dû parfois se forger une opinion personnelle, certes fondée sur le bon sens et une solide expérience dans le domaine considéré, mais néanmoins influencée aussi par des hypothèses difficiles à vérifier.

Comme il aurait été fastidieux de procéder à un examen de l'exercice du devoir de surveillance de l'OFAC sur une longue période, il a été convenu de s'en tenir aux cinq dernières années, en commençant par la restructuration de Swissair engagée en 1996/97, conjointement avec l'abolition du monopole de l'art. 103 lors de la dernière révision de la loi fédérale sur l'aviation.

236 237

Réponse de l'OFAC à la question 14, en particulier les annexes 6a, 6b et 6d (annexe 2b).

Réponse de l'OFAC à la question 6 (annexe 2b).

5023

Il est au demeurant logique de considérer cette restructuration majeure comme le premier acte à inscrire dans la chronologie des événements qui vont conduire à la disparition de SAirGroup et de Swissair. S'il fallait mentionner d'autres faits antérieurs pour éclairer le long processus de détérioration conduisant à l'immobilisation de la flotte de Swissair les 2 et 3 octobre 2001, il faudrait rappeler le rejet de l'EEE par le peuple suisse en décembre 1992, puis, deux ans plus tard, l'échec du projet de rapprochement (projet Alcazar) avec KLM, SAS et Austrian.

Ces deux événements ont fortement influencé la transformation de Swissair en holding puis, dans la foulée, l'adoption de la stratégie de recherche de partenaires, appelée hunter strategy ou stratégie du chasseur238, dont on sait les conséquences dramatiques pour la compagnie suisse.

II.

Transformation de Swissair en holding

La création de SAirGroup a donné lieu à de nombreuses discussions et échanges de lettres entre Swissair et l'administration fédérale, en particulier le DETEC et l'OFAC, pour aboutir à l'approbation par le Conseil fédéral, le 9 avril 1997: ­

de la modification des statuts de la compagnie nationale;

­

du transfert de la participation de la Confédération au niveau du groupe faîtier, aussi bien pour la localisation des actions détenues par l'Etat que pour sa représentation au sein du conseil d'administration239.

Cette seconde décision visait à garantir que la Confédération serait en mesure «d'user de son influence au niveau approprié en matière de politique aéronautique» tant et aussi longtemps que Swissair resterait «l'entreprise suisse d'économie mixte» prévue à l'ancien art. 103 LA. Elle résultait des assurances expresses de Swissair que SAirGroup serait l'unique actionnaire de SAirLines, elle-même unique actionnaire de Swissair Airline240.

Cette structure a été perçue à l'époque par l'OFAC et les autres instances fédérales consultées comme un moyen de renforcer l'assise financière de la compagnie aérienne et sa capacité de conclure de nouvelles alliances, tout en améliorant le cours boursier des actions du groupe. Cela explique probablement pourquoi il ressort des pièces consultées, comme des entretiens avec l'OFAC et le DETEC, qu'à aucun moment la complexité des nouvelles structures, le manque de transparence financière ou l'absence de rapports annuels séparés au niveau des filiales comme la compagnie Swissair n'ont soulevé les interrogations et critiques sévères exprimées depuis lors.

À l'époque, tout le monde était persuadé que le SAirGroup, comme actionnaire unique de SAirLines, et SAirLines, comme actionnaire unique de Swissair, viendraient au secours de la compagnie aérienne si celle-ci devait connaître un jour la 238

Message du Conseil fédéral concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale du 7 novembre 2001 (FF 2001, p. 6092).

239 Décision du Conseil fédéral du 9 avril 1997 concernant la réorganisation de Swissair, sur proposition du DETEC en date du 19 mars 1997 (annexe18).

240 Lettre du président du conseil d'administration de Swissair au chef du DETEC, du 27 février 1997 (annexe 19).

5024

moindre des difficultés. Cet engagement, implicite dans la correspondance de Swissair241, aurait dû être formulé en des termes plus explicites, comme relevé dans la première partie du présent rapport242.

Un tel engagement était d'autant plus important que la flotte de Swissair ­ qui constitue en général le principal actif d'une compagnie aérienne ­ se retrouvait dans une entité indépendante (Flightlease). Il était également opportun dans la mesure où l'activité de transport aérien devenait plus vulnérable une fois amputée des activités de catering, d'assistance au sol ou de ventes hors taxes, par exemple, transférées à d'autres filiales indépendantes.

L'expert entend rappeler ici que, dans l'industrie du transport aérien c'est l'activité de transport qui connaît les marges bénéficiaires les plus faibles243, alors que les activités au sol profitent de marges bien supérieures et beaucoup plus stables. Ces considérations ne sont probablement pas étrangères à la décision prise, en marge de la restructuration, de concentrer les vols long-courriers de Swissair à l'aéroport de Zurich, à partir du moment où la rentabilité de la desserte long-courrier de l'aéroport de Genève s'est retrouvée en quelque sorte isolée, sans compensation directe avec les bénéfices des autres activités de SAirGroup à Cointrin (ventes hors taxe, catering et assistance au sol).

III.

Retrait de la Confédération du conseil d'administration de SAirGroup

Au printemps 1999, les deux représentants de la Confédération au sein du Conseil d'administration de SAirGroup, MM. Hans Werder (DETEC) et Dieter Syz (PTT), annoncèrent leur démission, conformément à l'intention de ne plus participer directement à la gestion désormais privée du groupe qui avait été exprimée par la Confédération et d'autres collectivités publiques lors de la révision de la loi sur l'aviation et de l'abolition du monopole de Swissair244.

Cette double démission visait aussi à favoriser la constitution d'un conseil d'administration plus restreint, mieux à même de prendre les décisions importantes qui, de l'avis de M. Werder, avaient de plus en plus tendance à être arrêtées au niveau du comité restreint du conseil, en raison du trop grand nombre d'administrateurs et des risques d'indiscrétion245.

Ce retrait aurait dû être suivi de la vente progressive par la Confédération de ses actions SAirGroup. Cette vente ne s'est jamais matérialisée, afin de ne pas affecter le cours des actions par une cession massive, puis pour éviter de donner un signal négatif aux autres actionnaires et à l'opinion publique, alors que le groupe connaissait des difficultés croissantes.

241 242 243

Cf. supra note de bas de page 240.

Voir partie A, ch. II/2.6.

Selon les milieux financiers internationaux, la moyenne des profits annuels des compagnies aériennes est restée inférieure à 1 % depuis 1947.

244 Déclaration de M. Hans Werder lors de son entretien avec les experts. Voir partie B, ch. I.

245 Idem.

5025

À l'époque, la volonté des collectivités publiques de prendre leurs distances par rapport à SAirGroup a été largement appuyée. Avec le recul ­ même si cela peut paraître un peu facile de revenir sur cette volonté compte tenu de ce qui s'est passé entre-temps ­ on est en droit de se demander si la Confédération ne s'est pas privée d'une importante source d'information dans son appréciation de la dégradation dans la gestion du groupe. La question est d'autant plus pertinente que la Confédération et le canton de Zurich étaient (et sont restés) les deux actionnaires individuels les plus importants de SAirGroup246.

De l'avis de l'expert, il n'était probablement pas approprié pour l'administration de la Confédération d'avoir comme représentant au conseil d'administration de Swissair un haut responsable du DETEC dont dépend l'OFAC, dès lors que la surveillance aéronautique doit pouvoir s'exercer en toute indépendance. Il n'empêche qu'un actionnaire important doit être en mesure de s'assurer de la rentabilité de ses investissements. S'il s'agit, de surcroît, d'une collectivité publique, ledit actionnaire doit aussi veiller à la protection des intérêts généraux qui sont à l'origine des investissements en question.

À cet égard, la présence du directeur de l'Administration fédérale des finances au sein du conseil d'administration de SWISS peut être considérée comme une formule satisfaisante, tant et aussi longtemps que la Confédération demeure l'un des principaux actionnaires de la nouvelle compagnie. En sa qualité d'administrateur, M. P.

Siegenthaler dispose en effet de moyens adéquats pour contrôler que les intérêts et objectifs de la Confédération, en tant qu'actionnaire (mais aussi en tant qu'important créancier de l'entreprise), sont dûment pris en considération. Dès lors qu'il relève du Département des finances, le risque d'interférence avec la surveillance aéronautique est réduit au strict minimum, ce qui, dans l'intérêt public, ne doit au demeurant pas empêcher les deux instances concernées (AFF et OFAC) de se concerter régulièrement pour tirer le meilleur parti de cette dualité des rôles.

IV.

Transfert de la concession d'exploitation

Suite à sa restructuration, SAirGroup a sollicité le transfert de l'ancienne à la nouvelle société Swissair de la concession générale d'exploitation prévue par l'ancien droit (et remplacée par le double régime de l'autorisation d'exploitation et de la concession de routes dans le droit actuel)247. À cette occasion, le groupe a fourni à l'OFAC l'ensemble des documents requis à l'ancien art. 112 OSAv, soit en particulier le budget, la projection des dépenses et recettes pour 6 mois, ainsi que la structure du capital de la nouvelle compagnie: 150 millions de francs, détenus à 100 % par SAirLines248.

De même, les gouvernements des cantons intéressés et les entreprises publiques de transport dont les intérêts sont en jeu (CFF et PTT) ont été consultés, conformément à l'art. 112, al. 3, de l'ancienne OSAv249. Aucune objection n'a été formulée, sinon 246 247 248 249

Message du Conseil fédéral du 7 novembre 2001, dans FF 2001, p. 6091.

Voir partie A, ch. III/1.1.

Lettre de SAirGroup à l'OFAC, du 12 mai 1997 (annexe 20).

Verfügung EVED vom 23. Mai 1997 betreffend die Übertragung der Konzession der Swissair, Schweizerische Luftverkehr AG, Zürich, vom 19. Dezember 1966 für die gewerbsmässige Beförderung von Personen und Gütern (annexe 21).

5026

par le canton de Genève qui avait demandé que la question de la durée de la concession ne soit pas tranchée avant la révision de la loi sur l'aviation.

Sur cette base et sur préavis de l'OFAC, le DETEC a procédé au transfert de la concession le 23 mai 1997. Il a en revanche rejeté la demande de SAirGroup de prolonger dans le même temps la durée de ladite concession jusqu'au 31 décembre 2011, pour s'en tenir à la date d'échéance fixée antérieurement au 31 décembre 2008250.

L'expert constate, après ses entretiens avec les responsables de l'OFAC, que la situation économique ou financière n'a apparemment pas donné lieu à un examen particulier à l'occasion de ce transfert. Il est vrai que cette situation ne soulevait aucune interrogation sérieuse à cette époque.

V.

Octroi d'une licence de transporteur aérien (AOC) et renouvellement de l'autorisation d'exploitation pour l'exécution des vols hors des lignes

Lors de l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur l'exploitation d'avions dans le transport aérien commercial (OJAR-OPS 1, RS 748.127.8) le 1er avril 1998, Swissair a obtenu sa première licence de transporteur aérien (Air Operator Certificate, AOC)251. Il s'agit d'un document exclusivement technique et opérationnel qui fixe et harmonise à l'échelle européenne les structures, procédures et manuels des transporteurs et arrête leurs droits et obligations à cet égard252.

Parallèlement, l'OFAC a renouvelé, jusqu'au 31 décembre 2000, l'autorisation d'exploitation dont disposait Swissair pour l'exécution de vols commerciaux du trafic hors des lignes253. Cette autorisation était nécessaire, selon l'ancien droit, pour exercer les activités charter que Swissair assurait à titre complémentaire à ses activités principales dans le trafic de lignes régulières. Elle aurait dû être remplacée par l'autorisation d'exploitation pour le transport commercial de personnes et de marchandises dès l'entrée en vigueur le 15 novembre 1998 de la LA et de l'OSAv révisées. Cependant, comme cette nouvelle autorisation n'a été délivrée à Swissair que le 29 décembre 2000, l'ancienne autorisation est demeurée valide jusqu'à cette date254.

Les questions économiques et financières n'ont pas fait l'objet d'un examen particulier à l'occasion de la délivrance des documents susmentionnés. Il est vrai que cela n'est pas prescrit en relation avec l'octroi d'un AOC255 et que cela ne se justifiait pas lors du renouvellement d'une autorisation pour une activité très secondaire.

250 251 252 253

254 255

Idem Luftverkehrbetreiberzeugnis Nr. 1017 vom 31. März 1998, gültig bis 31. März 2003 (annexe22).

Voir partie A, ch. II/2.2.

Allgemeine Betriebsbewilligung vom 1. April 1998 für die Ausführung gebwerbsmässiger Flüge im Nichtlinienverkehr, gültig bis 31. December 2000 (annexe 23).

Voir partie B, ch. VII.

Voir partie A, ch. II/2.2.

5027

VI.

Octroi d'une concession de routes

Le DETEC a octroyé le 13 juillet 1999 à Swissair une concession de routes pour le transport commercial de personnes et de marchandises sur des lignes régulières, conformément aux art. 28 LA et 110 ss. OSAv256.

La décision du DETEC, préparée par l'OFAC, n'a pas été prise sur la base d'une requête formelle de Swissair. En outre, elle ne s'est appuyée sur aucun des documents requis aux art. 114 ss. OSAv et n'a été précédée d'aucune (nouvelle) consultation des milieux intéressés.

Selon l'OFAC, l'octroi de cette concession de routes relevant directement des dispositions finales de la loi sur l'aviation adoptées lors de la révision du 26 juin 1998257, il ne se justifiait pas d'appliquer en l'espèce les prescriptions de l'ordonnance sur l'aviation. De fait, les droits et obligations de Swissair n'ont été ni modifiés, ni prolongés lors de l'octroi de cette concession de routes, qui n'a fait que reprendre à cet égard, dans la nouvelle forme prescrite, les dispositions pertinentes de la concession d'exploitation du 19 décembre 1966, transférée à la nouvelle Swissair le 23 mai 1997258.

Ce sont au demeurant des considérations pratiques qui ont conduit à la décision du 13 juillet 1999. Il apparaissait en effet nécessaire de régulariser la situation de Swissair au cas où d'autres entreprises ­ en l'occurrence Easy Jet Switzerland ­ entendraient contester les droits acquis (et effectivement exercés) par Swissair à la date d'entrée en vigueur de la révision de la loi.

De l'avis de l'expert, le DETEC et l'OFAC n'avaient pas d'obligation juridique, ni de raison technique ou économique, de procéder différemment. La surveillance opérationnelle n'avait pas lieu d'être réévaluée. La rentabilité des lignes concédées n'était pas en cause. En outre, la santé générale de l'entreprise ­ qu'il n'est pas requis de vérifier spécialement en relation avec une concession de routes, dès lors qu'elle est liée à l'autorisation d'exploitation259 ­ n'avait pas encore donné lieu à des interrogations ou rumeurs qui auraient pu justifier des demandes de clarification de la part des autorités aéronautiques.

VII.

1

Octroi d'une autorisation d'exploitation pour le transport commercial de personnes et de marchandises Contexte

La situation générale de Swissair va sensiblement évoluer entre l'octroi de la concession de lignes le 13 juillet 1999 et l'octroi, quelque 18 mois plus tard, soit le 29 décembre 2000, d'une autorisation d'exploitation pour le transport commercial de personnes et de marchandises, conformément aux art. 27 LA et 100 ss. OSAv260.

256 257

Streckenkonzession vom 13. Juli 1999 (annexe 24). Voir partie A, ch. III/1.2.

«Les droits découlant de concessions existantes restent acquis pour autant qu'ils soient effectivement exercés au moment de l'entrée en vigueur de la présente modification. Ils sont repris dans les concessions de routes.» (RS 748.0).

258 Voir partie B, ch. IV.

259 Voir partie A, ch. III/1.2/a.

260 Betriebsbewilligung vom 29. Dezember 2000 (annexe 25). Voir partie A, ch. II.

5028

Pour mieux situer la décision du 29 décembre 2000 ­ qui est manifestement au coeur de l'examen des activités de l'OFAC lors de la débâcle de Swissair ­ il est nécessaire de rappeler brièvement les principales informations qui ont éveillé (ou pu ou dû éveiller) l'attention des collaborateurs de l'OFAC appelés à statuer à la fin de l'année 2000. Ce rappel est délicat dans la mesure où la sélection ou l'omission de certains faits, avec le recul dont on dispose aujourd'hui, est de nature à influencer l'impression du lecteur dans un sens ou dans un autre; il l'est aussi dans la mesure où les signaux relatifs à Swissair vont demeurer relativement contradictoires jusqu'à la fin de l'année 2000, cependant que la balance aura tendance à pencher de plus en plus vers le rouge dès le début de l'année 2001.

Alors que les résultats financiers consolidés de SAirGroup avaient été exceptionnellement favorables en 1997 (324 millions de francs), puis 1998 (361 millions de francs)261, les chiffres de 1999 vont marquer un léger recul avec un bénéfice annoncé et certifié par les réviseurs à 273 millions de francs.

Cette baisse a lieu dans un contexte de ralentissement assez général dans l'industrie du transport aérien, après quelques années exceptionnellement positives. Selon les statistiques de l'OACI et de l'IATA262, l'évolution des résultats consolidés de SAirGroup entre 1998 et 1999 n'a rien d'exceptionnel. Elle apparaît même un peu moins défavorable que celle de ses principaux concurrents.

La seconde moitié de 1999 n'en est pas moins marquée par un double événement dont les effets négatifs sur la marche des affaires du groupe, singulièrement de Swissair, sont incontestés, même s'ils restent impossibles à quantifier.

Il s'agit des décisions successives d'Austrian Airlines, le 21 septembre 1999, puis de Delta Airlines, le 13 octobre 1999, de mettre un terme à leur partenariat avec Swissair263. La compagnie suisse se retrouve soudainement privée de partenaires solides ­ en particulier le Nord-américain Delta, visiblement indisposé par la stratégie du chasseur ­ un an après avoir déjà été durement ébranlée par l'accident de Halifax264.

Pendant l'année 2000, d'autres événements suscitent doutes et interrogations. En juillet par exemple, l'Américain J. Katz démissionne de la direction générale de Swissair. Parallèlement,
la presse commence à faire état de besoins financiers très importants pour soutenir les partenaires étrangers, notamment LTU en Allemagne, tout en constatant que le cours des actions de SAirGroup tend à baisser fortement265.

261

262 263

264 265

1997 et 1998 resteront les années des meilleurs résultats financiers pour Swissair, ainsi d'ailleurs que pour Sabena qui va connaître en 1998 la seule année bénéficiaire de son histoire.

International Air Transport Association, qui regroupe les principales compagnies aériennes régulières.

Austrian rejoint la Star Alliance tandis que Delta s'allie avec Air France pour former l'alliance Skyteam. Voir René Luchinger, Swissair, Histoire secrète de la débâcle, Editions Bilan, p. 216.

229 morts dans l'accident du vol SR 111 le 3 septembre 1998 au large des côtes canadiennes.

René Luchinger, op. cit., p. 255.

5029

Lors de la conférence de presse faisant le bilan du premier semestre 2000, SAirGroup rend publique sa situation financière insatisfaisante, soulignant la détérioration des résultats chez certains partenaires, ainsi que l'augmentation du prix du carburant, la hausse du dollar et une concurrence de plus en plus forte266.

Curieusement, ces éléments ne paraissent pas inquiéter l'agence de notation Moody's qui continue de classer Swissair, en septembre 2000, parmi les quatre meilleurs investissements dans le secteur des compagnies aériennes.

2

Examen de la demande de Swissair et des documents annexés

C'est dans ce contexte sommairement retracé que, le 5 décembre 2000, Swissair adresse à l'OFAC le formulaire de demande d'obtention d'une autorisation d'exploitation (annexe 27) auquel sont annexés, conformément à l'art. 103 OSAv, les documents suivants: ­

Confirmation du caractère suisse de la société anonyme Swissair

­

Extrait du registre du commerce du canton de Zurich

­

Liste des administrateur267 et membres de la direction de l'entreprise

­

Confirmation des liens de propriété entre SAirGroup, SAirLines et Swissair

­

AOC du 31 mars 1998268

­

Preuve des droits d'usage des aéroports de Genève et de Zurich

­

Rapport de gestion de SAirGroup pour 1999, y compris les comptes et rapports des vérificateurs aux comptes, ainsi que les rapports des divers secteurs d'activité des filiales du groupe269.

Le formulaire rempli par Swissair indique que la demande vise à l'octroi d'une autorisation, mais les indications et pièces jointes confirment qu'il s'agit en fait d'un renouvellement dès lors que l'entreprise demanderesse exerce déjà l'activité de transport commercial de personnes et de marchandises visée par l'autorisation et qu'elle n'a donc pas à fournir les documents techniques (concernant les avions et les équipages) et financiers (concernant le bilan d'ouverture, le plan financier et les perspectives pour les deux premières années d'exploitation) requis de toute nouvelle entreprise.

L'examen des documents fournis par Swissair ne présente pas de problème particulier et l'expert confirme qu'il n'a pas détecté matière à interrogation à cet égard, en particulier pour tout ce qui concerne les aspects techniques et opérationnels.

266

Protokoll der 75. ordentlichen Generalversammlung der Aktionäre, 25. April 2001, p. 4 (annexe 26).

267 M. P. Bruggisser est l'unique administrateur de Swissair.

268 Voir partie B, ch. V.

269 Lettre du 31 octobre 2001 du DETEC à la sous-commission de gestion DFI/DETEC, p. 2.

5030

3

Perspectives financières et liquidités

On doit en revanche s'interroger quant au fait que seuls les résultats financiers de l'année 1999 ont été demandés et fournis à l'appui de la demande, compte tenu en particulier de l'évolution de la situation jusqu'en décembre 2000, telle que rappelée ci-dessus.

Certes, les comptes consolidés de SAirGroup pour 1999 présentaient un résultat largement positif (273 millions de francs), tandis que SAirLines dégageait un bénéfice annuel de 35 millions de francs; certes, la surveillance fédérale se limitait à Swissair qui, depuis la création de la holding, n'avait plus de rapports de gestion et de comptes séparés270; certes, les comptes avaient été dûment révisés, conformément aux règles relatives aux sociétés anonymes (art. 662 et 665 ss. CO) et aux règles du SWX Swiss Exchange271; certes, l'OFAC interprétait et exerçait sa surveillance économique et financière dans le seul but de s'assurer de la réalisation et du maintien des conditions nécessaires à un service aérien fiable du point de vue technique et opérationnel272. Il n'empêche que les informations et rumeurs concernant la détérioration de la situation auraient justifié un contrôle plus serré, indépendamment de toute circonstance particulière et, à plus forte raison, à la faveur du renouvellement d'une autorisation d'exploitation.

Selon l'OFAC, des discussions ont bien eu lieu à ce sujet avec Swissair qui, se référant aux importantes restructurations en cours au sein du groupe, a fait valoir l'impossibilité de fournir dans l'immédiat des estimations financières fiables, tout en affirmant (a) que les résultats financiers de la première moitié de l'année 2000 étaient équilibrés et (b) que des liquidités suffisantes demeuraient disponibles pour 2001. Swissair s'était engagée au demeurant à tenir l'OFAC au courant de l'évolution de la situation et à lui fournir dès que possible des projections financières crédibles.

Comme indiqué dans la première partie du présent rapport, l'application de l'art. 27, al. 2 let. c, LA appelait à davantage de rigueur à cet égard, une rigueur que la réglementation européenne applicable en Suisse depuis le 1er juin 2002 confirme et renforce en exigeant des «plans de trésorerie pour l'année suivante»273.

L'expert ne pense pas que l'OFAC aurait pu ou dû refuser l'octroi (renouvellement) de l'autorisation d'exploitation
demandée par Swissair. Ni les dispositions légales et réglementaires en vigueur, ni les circonstances ne l'auraient justifié.

En fait, une telle mesure n'aurait eu de sens que si, à l'évidence, les conditions d'une exploitation sûre et fiable n'étaient plus remplies. En l'espèce, ces conditions étaient en place et avaient pu être vérifiées274.

Mais l'autorisation, accordée jusqu'au 31 décembre 2005, aurait pu être limitée à une période plus courte, voire à tout le moins assortie d'une condition suspensive liée à la fourniture, dans un délai raisonnable, d'un plan de trésorerie 2000/2001. Il est vrai qu'à la date d'octroi de l'autorisation, soit le 29 décembre 2000, on était en 270 271 272 273 274

Voir partie B, ch. II.

Lettre du 31 octobre 2001 du DETEC à la sous-commission de gestion DFI/DETEC, p. 2.

Idem.

Voir partie A, ch. II/6.1/a.

Voir partie B, ch. VIII/1.

5031

droit d'attendre de SAirGroup qu'il soit rapidement en mesure de fournir des informations préliminaires sur les comptes 2000, ce qui sera fait dans les premiers mois de 2001.

VIII.

1

Exercice de la surveillance continue, en particulier en 2001 Surveillance technique et opérationnelle

La surveillance technique et opérationnelle de Swissair a été exercée par l'OFAC conformément aux prescriptions en vigueur pendant toute la période passée sous revue (1996 à 2001), au moyen de réunions de coordination, de la participation d'inspecteurs aux réunions internes de la compagnie, de discussions spécifiques, d'examens de rapports divers, d'audits selon les prescriptions européennes JAR275, de contrôles inopinés, etc.276.

Même si l'expert n'a pu se faire qu'une idée très générale des conditions de cette surveillance, rien ne lui permet de conclure au moindre manquement ou à l'apparition de carences dans la maintenance de la flotte et la conduite des opérations de Swissair. Nous n'avons pas eu connaissance d'incidents significatifs jusqu à l'immobilisation des 2 et 3 octobre 2001, ni plus tard. Les inspections SAFA n'ont pas permis de détecter des problèmes sinon très mineurs277. La seule réserve à formuler à cet égard tient dans le rapport d'enquête canadien sur la catastrophe de Halifax278. Il s'agit d'une réserve de pure forme dans l'attente des conclusions des experts canadiens qui devraient être connues dans les mois à venir.

2

Surveillance économique et financière

Dans le cadre des efforts de restructuration et de réorientation de la stratégie lancés par le conseil d'administration de SAirGroup en novembre 2000, d'importants changements vont se succéder durant toute la première moitié de 2001. M. P. Bruggisser sera remplacé à la tête du groupe par M. M. Suter, puis par M. M. Corti. La stratégie d'expansion sera stoppée, de premières filiales ou participations vendues et des réductions de coûts réalisées ou planifiées.

Lors de l'assemblée générale des actionnaires de SAirGroup du 25 avril 2001, les comptes 2000 sont présentés avec un déficit de 2885 millions de francs. Un contrôle spécial est approuvé et un nouvel organe de révision retenu. Les actionnaires sont en outre informés que le groupe a obtenu une nouvelle ligne de crédit d'un milliard de francs279.

275 276 277 278 279

Voir partie A, ch. II/2.2.

Lettre du 15 janvier 2002 du DETEC à la sous-commission DFI/DETEC, p.1­3.

Voir partie F.

Voir partie B, ch. VII/1.

Crédit consenti par CitiGroup, Deutsche Bank et CSFB et assorti de conditions spécifiques.

5032

Cette ligne de crédit était en quelque sorte destinée à remplacer des crédits antérieurs que SAirGroup a dû rembourser au cours du premier semestre 2001, faute d'avoir pu obtenir leur prolongation280. Le montant des crédits remboursés a été initialement estimé à 1 milliard de francs avant d'être corrigé par M. Corti à 777 millions de francs tandis que l'UBS a estimé le montant total des crédits remboursés par SAirGroup pendant le premier semestre 2001 à quelque 1,6 milliard de francs.

Ces données quelque peu fragmentaires concernant le premier semestre 2001 méritaient d'être rappelées pour illustrer la complexité des structures de SAirGroup et le très grand nombre de banques en relation d'affaires avec lui281.

Durant cette période, de nombreux contacts ont eu lieu entre Swissair et l'OFAC. M.

M. Corti et M. A. Auer se sont rencontrés à deux reprises en mars et avril 2001, alors que les rencontres avec M. P. Bruggisser au cours des années précédentes avaient été très limitées. En outre, plusieurs réunions de coordination ou contacts téléphoniques ont eu lieu entre M. D. Ruhier, chef du processus d'exploitation du transport aérien, et M. P. Luethi, vice-président de SAirGroup chargé des relations extérieures, entourés de leurs collaborateurs.

Les problèmes de liquidités ont été largement évoqués, de même que les efforts de restructuration et les perspectives de désengagement et de vente de participations et filiales. Les responsables de Swissair sont toujours apparus confiants quant aux perspectives à court et moyen termes, selon leurs interlocuteurs de l'OFAC qui n'ont pas jugé nécessaire, dans ces conditions, de requérir des évaluations plus précises, ni de solliciter l'avis d'experts extérieurs.

Les responsables de l'Office ont considéré en particulier que la capacité de SAirGroup de rembourser et d'obtenir des crédits importants tendait à prouver que le groupe pouvait encore mobiliser des liquidités suffisantes.

L'expert ne pense pas qu'il y a eu des manquements dans la surveillance économique et financière de l'OFAC à cette période, même si les rumeurs de toutes origines qui s'inscrivaient en faux contre l'optimisme affiché par les dirigeants de SAirGroup auraient pu inciter à davantage de perspicacité dans l'analyse et la vérification des raisons de cet optimisme.

IX.

Exercice par Swissair de l'obligation de renseigner et d'annoncer

C'est sans doute le moment de se demander si Swissair a satisfait à son obligation de renseigner et d'annoncer au sens de l'art. 107 OSAv282. L'expert n'a pas de raison de douter que Swissair ait correctement renseigné l'OFAC relativement aux incidents qui ont pu survenir dans son exploitation et quant à ses intentions de restructuration ou de participation dans d'autres entreprises.

280

Crédits de diverses banques (UBS, Nordea, CIC, Basler Kantonalbank, Dresdnerbank) et d'autres créanciers.

281 Plus de 50 banques étaient impliquées, selon les responsables du SAirGroup.

282 Voir partie A, ch. II/8.

5033

En revanche, on doit se demander si Swissair a toujours brossé un tableau réaliste et équitable de sa situation économique et financière, spontanément et face aux interrogations de l'OFAC. Considérant qu'une enquête pénale est ouverte contre trois anciens dirigeants de SAirGroup283 et que le commissaire au sursis concordataire, M. K. Wuthrich, a ouvert sa propre enquête ­ qui se substitue au contrôle spécial284 ­ pour déterminer les responsabilités dans la débâcle285, il faudra attendre les conclusions de ces enquêtes pour répondre à cette interrogation.

L'expert incline à penser que M. M. Corti et ses collaborateurs ne sont jamais parvenus à se faire une idée précise et complète de la situation pendant toute la période considérée, compte tenu, parmi de nombreux facteurs, de la complexité des structures du groupe, de la très forte concentration de la gestion financière chez M. P.

Bruggisser, parti d'un jour à l'autre en janvier 2001, et de l'absence de trésorier entre mai 2000 et juin 2001.

On peut déduire de cette hypothèse que l'obligation de renseigner n'a pas été à proprement parler transgressée, d'autant plus que, en ce qui concerne la situation financière, cette obligation n'est guère détaillée par l'art. 107 OSAv et qu'elle n'est en outre pas applicable à SAirGroup, mais seulement à l'entreprise Swissair en tant que titulaire de l'autorisation d'exploitation.

X.

Immobilisation de la flotte de Swissair les 2 et 3 octobre 2001

En juillet 2001, un certain optimisme prévaut qui repose sur un nouveau programme de restructuration et sur une apparente stabilisation des résultats au premier semestre. Il est aussi question de l'injection de liquidités pour un montant de quelque 4,5 milliards de francs avant la fin de 2002, notamment par la vente de filiales profitables.

Toutefois, à fin août, les comptes 2000 corrigés par le nouveau réviseur KPMG font apparaître une nouvelle réduction du capital propre du groupe286, susceptible de contribuer à entamer encore la confiance des marchés financiers dans l'avenir de SAirGroup.

Cela n'empêche pas le Conseil fédéral de réitérer sa confiance dans la capacité de Swissair de maîtriser la situation par ses propres moyens. C'est ce qui ressort de sa déclaration du 5 septembre en réponse à une interpellation du conseiller national C. Grobet. Le Conseil fédéral assure connaître les profondes difficultés de Swissair mais n'envisage pas d'aide étatique sous forme de prêt.

Les événements du 11 septembre et leurs profondes répercussions économiques et financières vont rapidement et dramatiquement modifier les données du problème.

Les pertes de recettes sont considérables pour la plupart des compagnies aériennes287. SAirGroup est en outre touché par la chute de valeur et la baisse d'intérêt concernant ses filiales mises en vente.

283 284 285 286 287

Selon la presse suisse du 19 juin 2002.

Voir partie B, ch. VIII/2.

Selon la presse suisse du 27 juin 2002.

Le capital propre est ramené à 716 millions de francs au 31 décembre 2000.

On parle de 60 millions de francs par semaine pour Swissair.

5034

Malgré cette dégradation imprévisible, le groupe rembourse encore une obligation de 100 millions de francs le 27 septembre et transfère sur un compte bloqué un montant d'environ 118 millions de francs provenant de dépôts d'employés. Dans le même temps, l'UBS résilie ses contrats de cash pooling.

Il n'y pas lieu de s'étendre ici sur les événements du week-end des 29 et 30 septembre entre Berne et Zurich ni sur l'annonce publique par SAirGroup le lundi soir 1er octobre de sa décision de solliciter un sursis concordataire.

Au cour de cette ultime période, les contacts continuent entre l'OFAC et Swissair, mais les relations se déplacent progressivement du cadre aéronautique au cadre politique et économique. L'OFAC reste partie prenante dans les discussions concernant les liquidités et le refinancement, mais les décisions des instances fédérales relèvent désormais du Conseil fédéral.

Selon les informations obtenues auprès de l'OFAC, le lundi 1er octobre, l'office est saisi d'une demande de Crossair veut reprendre à son compte une partie des vols court et moyen courriers de Swissair dans l'hypothèse où la flotte de celle-ci serait immobilisée. Cette demande sera agrée par l'OFAC au cours du grounding. Ainsi, une partie des passagers de Swissair échapperont aux conséquences de l'immobilisation.

Il n'appartient pas à l'expert de se prononcer sur les causes de l'immobilisation de la flotte de Swissair, décidée par M. Corti au cours de la journée du 2 octobre, faute de liquidités suffisantes pour prévenir un blocage progressif de l'ensemble des avions sur les aéroports à l'étranger. La controverse au sujet du montant des liquidités disponibles le 2 octobre ne peut être que notée ici. En revanche, l'expert n'a pas de doute que l'annonce publique de la demande de sursis concordataire a eu un effet décisif sur le grounding en incitant non seulement les fournisseurs à exiger tout paiement en espèces, mais encore de nombreux créanciers à obtenir par tous les moyens disponibles le remboursement de leurs créances avant l'entrée en vigueur du sursis.

Quand une entreprise demande à être mise au bénéfice d'un sursis concordataire288, à plus forte raison si ladite entreprise voit ses actifs se déplacer dans le monde entier, il vaut mieux qu'elle n'annonce publiquement son intention qu'au moment où le juge est en mesure de statuer. Dans le cas de Swissair, l'annonce a été faite le 2 octobre, mais le sursis n'est entré en vigueur que le 5 octobre.

XI.

Suspension ou retrait de l'autorisation d'exploitation?

Considérant l'évolution de la situation de Swissair au cours de l'année 2001, on peut se demander si une mesure de suspension ou de retrait de son autorisation d'exploitation pour le transport commercial de personnes et de marchandises aurait été justifiée289.

288

Le sursis concordataire suisse correspond, dans une certaine mesure, aux dispositions dites du chap. 11 du droit américain qui permettent aux compagnies (aériennes) américaines d'être à l'abri de leurs créanciers parfois pendant de nombreuses années.

289 Voir partie A, ch. II/7.1.

5035

L'expert n'a pas de doute qu'une telle décision aurait dû être prise si les conditions techniques et opérationnelles garantissant une exploitation sûre n'avaient plus été remplies; de même si Swissair était tombée en faillite et n'avait pas sollicité ellemême la suspension de son autorisation290.

Une mesure de retrait ou de suspension aurait eu un effet très négatif sur les perspectives de redressement de Swissair tant et aussi longtemps que l'entreprise et SAirGroup pouvaient encore disposer ou espérer obtenir des liquidités suffisantes.

En revanche, à partir du moment où cet espoir s'est estompé, soit essentiellement après les événements du 11 septembre 2001, une telle mesure aurait pu permettre d'encadrer et d'organiser l'immobilisation de la flotte plutôt que de subir le grounding dans les conditions où il s'est déroulé. D'un point de vue purement juridique, un retrait immédiat de l'autorisation d'exploitation aurait cependant posé problème.

De l'avis de l'expert, l'OFAC aurait d'abord dû déterminer si les conditions de l'art.

102 OSAv étaient toutes remplies291.

À cet égard, il est intéressant de noter que durant le week-end des 29 et 30 septembre, l'OFAC a préparé une décision de suspension de l'autorisation de Swissair, à toutes fins utiles. La question s'est posée de prendre une telle décision dans la matinée du 2 octobre, mais il y a été renoncé pour des motifs qui relèvent probablement de la raison d'Etat. Fallait-il en effet que la Confédération prenne le risque d'apparaître comme le principal responsable du grounding?

C.

Interdépendances personnelles?

De tout temps, l'OFAC a recruté des collaborateurs ayant été formés ou ayant travaillé chez Swissair. Dans un marché aussi restreint que celui de l'aviation civile suisse, il est pratiquement impossible de trouver des spécialistes suisses, disposant de l'expérience professionnelle requise, en dehors des compagnies aériennes, aéroports, services de navigation aérienne, etc. opérant dans le pays. La remarque vaut particulièrement dans le secteur technique et opérationnel où les connaissances sont très spécifiques.

Suite au rapport de N. Oberholzer, les questions d'interdépendance ont été réglées dans diverses décisions, notamment la directive du DETEC du 18 décembre 1998292.

S'agissant de l'exercice de la surveillance à l'égard de Swissair, l'expert n'a pas détecté la moindre complaisance de la part des collaborateurs de l'OFAC engagés dans cette surveillance. Même si près de 25 % des spécialistes du processus d'exploitation du transport aérien, essentiellement dans le secteur technique et opérationnel, ont travaillé chez Swissair avant d'être engagés par l'OFAC293, il n'apparaît pas que leur jugement ait pu en être affecté. On peut même se demander si cet aspect, transparent au sein de l'OFAC, ne tend pas à renforcer au contraire la

290

Swiss World Airways (SWA) a demandé à l'OFAC et obtenu la suspension de son autorisation d'exploitation en décembre 1998.

291 Voir partie A, ch. II/7.1.

292 Weisung über die Tätigkeit von Bediensteten des BAZL und des BFU in Luftfahrtunternehmen (annexe 28).

293 Etat en 2001 et 2002.

5036

détermination des intéressés d'exercer leurs tâches de contrôle avec une rigueur particulière en vue de couper court à tout doute à cet égard.

Au-delà de ces considérations, il se justifie de mentionner un aspect plus général, d'ordre psychologique, lié à la réputation dont Swissair a bénéficié, en Suisse comme à l'étranger, jusqu'à l'immobilisation des 2 et 3 octobre 2001, et qui explique précisément le choc du grounding.

Il n'est nullement question de suggérer ici une manière de complaisance dans l'appréciation de la situation financière de Swissair au sein de l'OFAC, mais force est de constater que les rapports financiers fournis régulièrement par cette compagnie pendant plusieurs décennies n'avaient jamais soulevé de sérieuses interrogations. Quand une entreprise donne à plusieurs reprises des signes de difficultés financières, la vigilance des personnes chargées des contrôles en est stimulée, au même titre par exemple que la fouille des passagers dans les aéroports qui est beaucoup plus efficace au lendemain d'un incident qu'après une longue période sans acte terroriste contre l'aviation civile.

L'expert ne pense pas que ce facteur ait pu jouer en l'espèce un rôle important, mais il est susceptible d'avoir contribué à une lecture un peu sommaire des conséquences de la restructuration de SAirGroup sur la transparence financière des activités aéronautiques et peut-être aussi à un certain retard dans la prise de conscience de la dégradation de la situation en 2000 et 2001.

Il sied de rappeler toutefois que les autorités fédérales ont considéré à l'époque que leur surveillance sur les entreprises de transport aérien s'étendait uniquement à l'examen des conditions nécessaires à un service aérien fiable du point de vue technique et opérationnel. Comme devait le préciser le Conseil fédéral dans son message du 7 novembre 2001, la «Confédération ne vérifie donc pas si une entreprise fait des affaires rentables ou si les actionnaires et les créanciers sont à l'abri de pertes financières. La fixation des objectifs stratégiques et la responsabilité financière sont du ressort exclusif des organes responsables de l'entreprise qui évolue dans le cadre de l'économie privée. [...] La législation sur la navigation aérienne ne prévoit pas de contrôle permanent de la santé économique des entreprises de transport aérien»294.

D.

I.

Comparaison avec la pratique des autorités aéronautiques à l'étranger Remarques liminaires

Il est intéressant de comparer la pratique des autorités aéronautiques suisses, rappelée ci-dessus, avec celle d'autorités aéronautiques étrangères qui ont pu ou sont susceptibles de se trouver confrontées à des situations similaires face aux entreprises de transport aérien placées sous leur surveillance.

La comparaison est d'autant plus pertinente que le règlement de l'Union européenne concernant les licences des transporteurs aériens est directement applicable en Suisse depuis le 1er juin 2002295. Comme relevé dans la première partie du présent 294

Message concernant le financement du programme de redimensionnement de l'aviation civile nationale, dans FF 2001, p. 6091.

295 Règlement (CEE) no 2407/92 du Conseil, du 23 juillet 1992. Voir partie A, ch. II/3.

5037

rapport, il n'y a pas à proprement parler de contradiction entre la réglementation européenne et la pratique suisse (antérieure au 1er juin 2002) qui s'en inspire largement, en particulier lors de l'octroi d'une première autorisation d'exploitation et à propos des documents financiers à examiner lorsque les circonstances l'exigent. Le règlement CEE 2407/92 crée cependant un cadre plus rigoureux et plus large pour la surveillance financière et économique, tout en imposant un contrôle permanent296.

En outre, la surveillance économique et financière qui ressort de l'esprit, sinon de la lettre du règlement CEE 2407/92, a une fin en soi. Elle est certes considérée comme un indice important, voire un garant de la bonne marche technique et opérationnelle d'un transporteur aérien, dont les Etats ont la responsabilité de s'assurer, mais elle permet aussi de protéger le bon fonctionnement du marché (unique) du transport aérien européen, dans l'intérêt de la société en général et des consommateurs en particulier, en garantissant dans la mesure du possible la continuité des services fournis par les transporteurs communautaires.

II.

1

Bref examen de la situation dans divers pays Allemagne

Dans l'application du règlement CEE 2407/92, dont l'élaboration a été largement influencée par la législation et la pratique allemandes, la surveillance des autorités aéronautiques s'exerce systématiquement sur les plans économique, technique et opérationnel au moyen de trois départements distincts qui comptent au total quelque 60 collaborateurs. Une dizaine d'entre eux travaillent au sein du département économique. Ils sont généralement au bénéfice d'une formation économique et/ou une expérience d'expert-comptable ou de réviseur dans le secteur privé. La santé financière de quelque 160 entreprises de transport aérien est ainsi régulièrement contrôlée pour garantir leur efficacité économique; celle-ci sert par ailleurs de signal pouvant entraîner une supervision des aspects techniques et opérationnels.

Lorsque des difficultés financières sont détectées, elles font l'objet de discussions informelles, puis formelles entre l'entreprise concernée et l'autorité de surveillance.

S'il n'en résulte pas d'amélioration sensible, la licence pourra être limitée dans le temps, modifiée, voire suspendue ou retirée dans les cas les plus graves.

2

Pays-Bas

Les compagnies aériennes hollandaises opèrent sur la base d'une licence économique et d'une licence technique. La situation financière fait l'objet d'une surveillance annuelle (examen des rapports de gestion, des comptes et des prévisions), qui sera intensifiée dès lors que des difficultés sont suspectées, même à la suite de simples rumeurs.

Même si la suspension ou le retrait de la licence économique sont jugés difficiles en regard des conditions fixées dans le règlement CEE 2407/92 (alors que la réglementation hollandaise antérieurement applicable était plus incisive à cet égard), une telle mesure n'en est pas moins envisageable. Une suspension temporaire a par 296

Idem.

5038

exemple été décidée dans le cas de Air Holland, jusqu'à ce que ce transporteur satisfasse à nouveau aux conditions financières imposées par le ministère des transports.

Seuls deux à trois inspecteurs, de formation juridique, exercent le contrôle économique et financier, alors que plusieurs dizaines de spécialistes participent à la surveillance technique et opérationnelle, dans un marché dont la taille est comparable à celle du marché suisse.

3

France

Dans l'application du règlement CEE 2407/92, la France exerce non seulement une surveillance technique et opérationnelle permanente des compagnies françaises, mais elle recourt en outre à des indicateurs spécifiques pour contrôler leur capacité financière et leurs liquidités (paiement des prestations de sécurité sociale, remboursement de prêts, etc.). Si, sur cette base, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) commence à avoir des doutes quant à la bonne santé d'une entreprise, elle saisit le Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM), une commission indépendante qui siège chaque mois et à laquelle participent les ministères concernés, des représentants de la Chambre des députés et du Sénat, des collectivités locales, compagnies aériennes, chambres de commerce, syndicats, etc.

Le CSAM entend les dirigeants de la compagnie en difficulté et recommande au ministre des transports toutes mesures (par exemple la transformation d'une licence définitive en licence temporaire) permettant d'assainir la situation dans un délai de quelques mois. Si les problèmes persistent à l'issue de ce délai, le CSAM peut recommander la suspension ou le retrait de la licence. Dans la plupart des cas, le ministre de tutelle suit les avis du CSAM.

Une quinzaine de fonctionnaires de la DGAC traitent des questions économiques et financières alors que plus de 200 autres experts suivent les dossiers techniques et opérationnels, à Paris comme aux sièges régionaux de la DGAC.

4

Royaume-Uni

L'autorité britannique de l'aviation civile exerce également une double surveillance, à la fois technique et économique, en application du règlement CEE 2407/92. La protection du consommateur est le principal moteur du contrôle économique qui est exercé en permanence, mais n'en reste pas moins très limité puisque seuls deux experts formés aux questions financières, parmi les 6 personnes travaillant dans la division économique, exercent ce contrôle. Celui-ci ne porte que sur la trentaine d'entreprises opérant avec des avions de plus de 19 sièges.

La surveillance technique et opérationnelle est assurée par quelque 130 spécialistes dont les investigations s'étendent à l'ensemble des opérateurs britanniques et nordirlandais.

5039

5

Australie

L'Australie a fortement libéralisé les activités de transport aérien, en particulier le trafic domestique qui peut ainsi être exercé par des compagnies entièrement sous contrôle étranger. La surveillance de la capacité financière des entreprises se limite aux incidences techniques et opérationnelles. L'attribution des droits de trafic internationaux est cependant liée à l'existence de moyens financiers suffisants pour exercer ces droits de façon continue. Elle est soumise à l'appréciation d'une Commission indépendante.

Quelque 150 personnes sont affectées par l'administration australienne à la surveillance technique et économique des activités de transport aérien.

6

Canada

La surveillance économique des transporteurs canadiens s'exerce dans le même esprit qu'en Australie et peut être résumée par la formule freedom to fly, freedom to fail297. Au sein de l'Administration de l'aviation civile (Transport Canada), il y a une nette séparation entre la division technique qui supervise la sécurité des opérations et la division économique qui contrôle étroitement la santé financière des transporteurs sans cependant s'immiscer ni dans leur gestion, ni dans leurs efforts d'amélioration. Seules 6 personnes travaillent dans la division économique.

7

Etats-Unis

L'Administration fédérale de l'aviation (FAA) exerce une surveillance rigoureuse de la sécurité dans les compagnies américaines (et étrangères) opérant aux Etats-Unis, tant sur le plan technique qu'opérationnel. Cette surveillance est intensifiée lorsque la situation financière d'une compagnie apparaît préoccupante, mais la FAA n'intervient pas directement à cet égard, sinon pour prévenir d'éventuels manquements aux exigences de la sécurité.

Il appartient au Département des transports (DOT), dont la FAA est complètement indépendante, d'exercer la surveillance économique et financière en tant que telle.

Lorsqu'une compagnie américaine commence à donner des signes de difficultés financières ­ signes le plus souvent détectés par les nombreux agents de la FAA qui travaillent sur le terrain ­ le DOT renforce sa surveillance au moyen d'une unité spécialisée (Airline Fitness Division), obligeant la compagnie en question à fournir des informations et estimations détaillées, à réduire ses opérations, voire à les suspendre.

Il est, semble-t-il, arrivé à une occasion que le DOT prenne l'initiative de suspendre une licence pour des raisons strictement économiques ou financières, mais le plus souvent une telle mesure administrative suit la décision de la compagnie d'arrêter ses opérations, plutôt que de la précéder.

297

Liberté de voler, liberté d'échouer.

5040

III.

Appréciation comparative

Il ne fait pas de doute que la surveillance technique et opérationnelle est partout prioritaire, conformément à la Convention de Chicago et aux normes de l'OACI qui couvrent tous les aspects des activités aéronautiques mais s'en tiennent strictement aux considérations de sécurité et de régularité, sans égard par rapport aux implications économiques et financières298.

En ce qui concerne la surveillance économique et financière, les informations recueillies font apparaître des nuances plutôt que des différences fondamentales quant à la nature de la surveillance et aux moyens engagés. Sur ce plan, la surveillance effective dépend, dans une large mesure, de considérations de politique générale: là où l'Etat intervient traditionnellement dans l'activité économique, les compagnies aériennes font l'objet d'un contrôle exigeant. Là où l'Etat est moins interventionniste, il se contente d'une surveillance assez lâche de la santé financière et des liquidités. Même si la réglementation applicable permet la suspension ou la révocation d'une licence, l'administration évitera de le faire, comme au RoyaumeUni, au Canada et en Australie où la réglementation et la pratique apparaissent les plus libérales.

S'agissant des Etats-Unis, le contrôle économique et financier est plus exigeant que pourrait le cadre politique général le laisser accroire. En fait, l'administration américaine a toujours exercé un rôle très actif dans l'aviation civile, refusant par exemple de «corporatiser» le contrôle de la navigation aérienne (qui reste du ressort de la FAA) ou de promouvoir la privatisation des aéroports. Même si les principales compagnies aériennes sont effectivement privées, l'Etat fédéral n'hésite pas à intervenir dans leur gestion en cas de menace de grève par exemple ou à les soutenir financièrement en cas de difficultés majeures299. Ce contexte particulier explique pourquoi les Etats-Unis exercent une surveillance économique plus importante que la plupart de leurs alliés anglo-saxons.

Cela dit, la suspension d'une licence pour raison financière ou économique, qui correspond à un grounding organisé, n'en apparaît pas moins, même aux Etats-Unis, comme un ultime ressort, alors que le retrait d'une même licence sur la base de considérations opérationnelles est beaucoup plus fréquent300.

C'est aussi le cas en Europe
continentale où la suspension d'une licence pour raisons économiques semble d'autant plus difficile à décider que l'entreprise de transport visée exerce un rôle en vue sur le plan national et international.

Le recours à une commission indépendante, comme en France301, apparaît de nature à faciliter la décision sur le plan politique, d'autant que la publicité des questions à l'ordre du jour du Conseil supérieur de l'aviation marchande permet en quelque sorte de préparer l'opinion publique à une mesure qui pourrait être lourde de conséquences. À l'inverse, cette publicité ne permet pas d'aborder dans certains cas, avec 298 299

Voir partie E.

Il n'aura fallu que quelques jours à la Maison Blanche et au Congrès pour distribuer quelque 5 milliards de dollars US aux compagnies américaines en difficulté après les attentats du 11 septembre 2001.

300 On rappellera le cas de Valujet, compagnie américaine qui a dû cesser ses opérations au début des années 1990, à la suite d'un accident en Floride.

301 Voir partie D, ch. II/3.

5041

toute la discrétion et la sérénité voulues, les mesures d'assainissement qui sont généralement envisagées avant toute forme de suspension.

En termes de ressources, il est très difficile de faire des comparaisons précises, dans la mesure où l'organisation interne des autorités aéronautiques varie considérablement d'un Etat à l'autre.

Sur le plan technique et opérationnel (voir infra analyse des audits de l'OACI302), il ne semble pas qu'il y ait de grandes différences. À entendre les responsables, y compris en Suisse, le manque de ressources paraît assez universel: un peu partout, ces ressources n'ont pas été adaptées à la croissance importante du nombre d'entreprises à surveiller.

Sur le plan économique et financier, seuls la France, les Etats-Unis et l'Allemagne semblent disposer de moyens suffisants et d'une expertise adéquate. Ailleurs, y compris en Suisse303, ce sont le plus souvent des juristes qui assument ces tâches en plus de leurs fonctions concernant la réglementation et la politique du transport aérien. Cela ne veut pas dire que ces «non-spécialistes» n'ont pas pu acquérir une bonne expérience sur le terrain, mais cela indique que la surveillance financière n'a pris de l'ampleur que récemment, alors qu'elle était restée assez secondaire jusqu'au milieu des années 90.

L'expert ne peut s'empêcher de penser que les événements du 11 septembre 2001, suivis de la disparition de Swissair et de Sabena, ont amené les autorités aéronautiques à resserrer leur surveillance économique. Les énormes problèmes financiers auxquels la plupart des grandes compagnies ont dû et doivent encore faire face304 soulignent la très grande fragilité du secteur et confirment que les réserves de liquidités ne dépassent généralement pas quelques semaines, voire quelques jours305.

IV.

Protection des consommateurs contre les effets d'une immobilisation

L'idée d'imposer à tout transporteur de disposer en tout temps de réserves de liquidités suffisantes (par exemple trois mois, comme pour une entreprise en phase de démarrage) n'est généralement pas considérée comme une formule efficace et rentable pour garantir une bonne santé économique et financière. Les responsables de l'aviation civile consultés à ce sujet redoutent qu'une telle exigence ne pénalise trop fortement les compagnies qui y seraient assujetties par rapport à celles qui y échapperaient. En outre, si cette exigence devenait universelle, elle aboutirait à geler des milliards de dollars ou de francs, une mesure que l'industrie du transport aérien ne pourrait supporter en l'état actuel.

302 303 304

Voir partie E.

Un premier expert en finances (et assurance) a été recruté par l'OFAC en 2002.

Les pertes globales des transporteurs membres de l'IATA sont estimées à quelque 12 milliards de dollars US en 2001, auxquelles il faut ajouter des pertes nettes de l'ordre de 5 milliards de dollars US pour le seul trafic domestique américain. Les prévisions pour 2002 situent les pertes globales de l'industrie entre 4 et 8 milliards de dollars US.

305 Voir partie A, ch. II/5.1/b. Seules Iberia (3 mois de liquidités disponibles) et Air France semblent afficher une santé relative à fin juin 2002, alors que US Airways par exemple s'est placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites (Chap. 11) et que United Airlines envisage une solution similaire..

5042

Comment protéger, dans ces conditions, les consommateurs contre les effets d'une immobilisation inopinée? C'est prioritairement cet aspect qui doit préoccuper les responsables politiques et l'industrie concernée.

Diverses mesures sont ainsi prises pour protéger les passagers aériens ­

contre l'annulation ou le retard d'un vol

­

contre le refus d'embarquement pour cause de surréservation.

Les compagnies aériennes européennes ont convenu, par engagement volontaire, d'améliorer leurs pratiques commerciales à cet égard306. De plus, la réglementation de l'Union européenne est en cours de révision pour imposer l'indemnisation ou la prise en charge des passagers refusés ou retardés307.

À ce jour, ces mesures ne traitent pas directement des conséquences d'un grounding comme celui qui a affecté Swissair les 2 et 3 octobre 2001. Il faut savoir à ce sujet que les passagers victimes de cette immobilisation, s'ils avaient acheté leur billet Swissair par l'intermédiaire d'une agence de voyage IATA (soit environ trois quarts de l'ensemble des passagers) ont été remboursés à travers les mécanismes de compensation gérés par l'Association du transport aérien international308.

En outre, une réflexion est en cours au sein de l'IATA pour mieux protéger le consommateur contre un tel risque. L'idée consisterait à convenir de mesures volontaires en vue de faciliter soit le transfert sur une compagnie non défaillante des passagers victimes d'un grounding économique ou technique, soit leur indemnisation d'une autre manière. Il pourrait être question de développer des contrats d'assurance auxquels les compagnies intéressées s'engageraient à souscrire. Les consommateurs seraient automatiquement et rapidement indemnisés ou leurs billets acceptés par les autres compagnies assurées de la même manière.

Selon l'expert, ce sont les engagements volontaires des compagnies qui ont les meilleures chances d'aboutir dans le contexte actuel, dès lors qu'une réglementation internationale ne paraît pouvoir obtenir un large soutien dans le cadre de l'OACI.

Un appui des gouvernements serait certainement utile pour stimuler les efforts en cours dans l'industrie.

306

Airline Passenger Service Commitment, présenté lors du Dialogue de la Conférence Européenne de l'Aviation Civile (CEAC) et de l'Union européenne avec l'industrie européenne du transport aérien le 10 mai 2001 à Lisbonne.

307 Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles communes en matière d'indemnisation des passagers aériens et d'assistance en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol (COM (2001) 784 final, 2001/0305 (COD).

308 IATA Clearing House.

5043

E.

I.

Audits de l'OACI Généralités

La Suisse et les 186 autres Etats qui ont ratifié à ce jour la Convention relative à l'aviation civile internationale (Convention de Chicago, 1944)309 ont l'obligation de veiller à la sécurité des activités aéronautiques dont ils ont la responsabilité sur leur territoire et dans leur espace aérien310.

La Convention de Chicago est basée sur la solidarité des Etats: chacun doit pouvoir avoir pleine confiance dans le contrôle exercé par les autres. Tout pilote ou aéronef étranger admis à circuler dans l'espace aérien d'un Etat doit ainsi satisfaire à des normes internationales que l'Etat d'origine s'engage à faire respecter311.

Ces normes internationales sont adoptées par l'OACI qui a mis en oeuvre, à la fin des années 90, un programme universel d'audits de la supervision de la sécurité dans tous les Etats membres312. Le but de ces audits est de s'assurer que les autorités aéronautiques compétentes exercent leurs tâches avec des moyens adéquats et en conformité avec les normes de l'OACI en matière de licences du personnel aéronautique, d'exploitation technique des aéronefs et de certificats de navigabilité (annexes 1, 6 et 8 à la Convention de Chicago)313.

II.

Audit de l'OFAC en novembre 2000

L'OFAC a fait l'objet d'une inspection du 1er au 8 novembre 2000. Un rapport détaillé a été rédigé par les experts de l'OACI314. Sur la base de cet audit, l'OFAC a établi un plan d'actions assorti de mesures concrètes visant à remédier aux faiblesses constatées315.

Selon les conclusions du rapport de l'OACI, l'OFAC assume ses fonctions de supervision de la sécurité de manière satisfaisante. Des lacunes de nature ponctuelle ont cependant été constatées (et depuis lors corrigées) dans la réglementation concernant l'aviation générale et la délégation de certaines tâches techniques à des experts extérieurs à l'administration.

309

310

311 312 313

314 315

Seuls 6 Etats n'ont pas (encore) ratifié la Convention de Chicago: Dominique, Liechtenstein, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint Siège, Timor et Tuvalu. Cela montre l'universalité de la Convention.

La Convention de Chicago consacre la souveraineté complète et exclusive chaque Etat sur l'espace aérien au-dessus de son territoire (art.1). Il en résulte un monopole de l'Etat sur l'ensemble des activités aéronautiques, donc leur responsabilité vis à vis des autres Etats, même si ces activités sont exercées par des entreprises indépendantes, publiques ou privées.

Art. 37 de la Convention de Chicago.

Décision prise par les Directeurs de l'aviation civile des Etats de l'OACI au cours d'une conférence en novembre 1997, confirmée par l'Assemblée de l'OACI en 1998.

L'Assemblée de l'OACI de 2001, postérieure aux événements du 11 septembre, a élargi les audits d'Etats aux questions de sûreté (actes illicites contre l'aviation civile), ainsi qu'à la gestion des aérodromes et des services de navigation aérienne.

Audit Final Report of the Federal Office for Civil Aviation of Switzerland, Berne, 1 to 8 November 2000, ICAO (Confidential).

Civil Aviation Authority of Switzerland, Actionplan presented on 12 January 2001 (annexe 29).

5044

En outre, l'OACI a critiqué le trop faible niveau des effectifs dans les trois domaines inspectés. Depuis lors, la situation s'est améliorée grâce à la réorganisation structurelle entrée en vigueur le 1er janvier 2001 et au recrutement de deux experts supplémentaires dans le courant de l'été 2001.

Selon les responsables de l'OACI, la plupart des constatations faites en Suisse n'ont rien d'exceptionnel. Le manque de personnel qualifié a pu être observé dans la plupart des régions et des Etats visités. Il tient en général à des restrictions budgétaires, ainsi qu'aux conséquences du transfert à des entités autonomes, publiques ou privées, de nombreuses activités exercées initialement par les Etats eux-mêmes (activités de transport, gestion d'aéroports et de services de navigation aérienne).

Les administrations de l'aviation civile se sont ainsi vu progressivement priver de recettes aéronautiques (redevances) qui leur permettaient jusqu'alors de financer une part non négligeable de leurs fonctions de surveillance.

Il sied de remarquer ici que les normes de l'OACI couvrent l'ensemble des domaines techniques et opérationnels liés à la sécurité et à la sûreté de l'aviation civile internationale, mais qu'elles ne touchent pas directement aux aspects financiers et économiques. L'audit de l'OACI n'a donc porté ni sur la réglementation des conditions non techniques d'octroi et de maintien des autorisations d'exploitation et des concessions de routes, ni sur les ressources et compétences de l'OFAC à cet égard.

III.

Comparaison des constatations de l'OACI et des experts

Les constatations des experts rejoignent celles de l'OACI: les compétences de l'OFAC pour la surveillance technique et opérationnelle sont généralement adéquates, mais les ressources légèrement insuffisantes compte tenu du nombre des entreprises à superviser. Le renforcement des moyens de l'OFAC, convenu en relation avec le surcroît de travail et de surveillance lors de la transition Swissair-CrossairSwiss, est de nature à rassurer les milieux intéressés, notamment la Commission fédérale de l'aviation qui s'était inquiétée à ce sujet316.

F.

Inspections de Swissair dans le cadre du programme européen SAFA

Le programme universel d'audit de l'OACI est complété par le programme SAFA (Evaluation de la sécurité des aéronefs étrangers) mis en oeuvre dans le cadre de la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC), dont la Suisse fait partie avec 37 autres Etats317.

Le programme SAFA vise à l'inspection ponctuelle de tout aéronef qui s'est posé sur un aéroport européen afin de vérifier les documents et manuels de bord, les licences de l'équipage, l'état apparent de l'aéronef et l'état des équipements obligatoires en matière de sécurité dans la cabine.

316 317

Voir partie G, ch. II/3.

Safety Assessment of Foreign Aircraft: programme SAFA lancé par la CEAC en 1996.

5045

Alors que les audits de l'OACI visent les autorités aéronautiques nationales, les inspections SAFA portent sur les transporteurs eux-mêmes. Les lacunes mineures constatées par les inspecteurs SAFA318 sont réglées directement avec le commandant de bord. Les constatations plus graves sont portées à l'attention de l'autorité de surveillance du transporteur. En outre, lorsque la sécurité de l'aéronef et de ses occupants est susceptible d'être compromise, l'aéronef peut être retenu ou frappé d'une restriction opérationnelle (vol de retour à vide, sans passager).

Plus de douze mille inspections SAFA ont eu lieu à ce jour, portant sur des centaines de transporteurs et autres exploitants d'avions d'affaires. Les inspecteurs de l'OFAC y ont activement participé sur les aéroports de Genève et de Zurich, ainsi que sur les aéroports régionaux suisses.

Swissair a fait l'objet d'au moins quarante inspections à Londres, Oslo, Stockholm, Francfort, Munich, Hambourg, Düsseldorf, Berlin, Stuttgart, Amsterdam, Paris, Lyon, Nice, Bâle-Mulhouse, Prague, Bucarest, Varsovie et Skopje entre 1997 et 2002. D'après les rapports d'inspection, aucune anomalie n'a été détectée, sinon sur des aspects administratifs tels que l'absence de date d'expiration sur une trousse de premier secours ou sur un extincteur.

Il n'y a pas lieu de tirer de ces rapports des conclusions péremptoires. Il est cependant intéressant de constater que les inspections SAFA n'ont pas détecté le moindre changement du niveau de sécurité pendant toute la période où Swissair était en crise.

G.

I.

Commission fédérale de l'aviation Bases légales

En vertu de l'art. 5 LA, le Conseil fédéral nomme «une commission de l'aviation, d'au moins sept membres, qui donnera son préavis sur les questions importantes intéressant [...] l'aviation». Les modalités sont réglées dans l'ordonnance concernant la Commission de la navigation aérienne319. Selon son art. 1, la commission est «composée de telle sorte que les milieux et les régions du pays particulièrement intéressés au trafic aérien, les entreprises suisses de transports aériens et la navigation aérienne privée y soient représentés équitablement». Actuellement, la Commission fédérale de l'aviation compte 20 membres (cf. annexe 30). Elle se réunit au moins deux fois par an. En outre, le chef du DETEC peut la convoquer à d'autres séances lorsque des questions urgentes doivent être traitées (art. 4, al. 2). Chaque membre a également le droit de proposer la convocation de la commission à une séance extraordinaire par une demande motivée adressée au président (art. 4, al. 3).

Selon l'art. 6, la commission peut constituer des comités spéciaux et, d'entente avec le DETEC, faire appel à des experts rétribués.

En résumé, les tâches et les travaux qui incombent à la Commission fédérale de l'aviation en vertu de l'ordonnance sont les suivantes:

318

Les inspecteurs sont fournis par les autorités aéronautiques nationales (deux pour l'OFAC).

319 Ordonnance du 5 juin 1950 concernant la Commission de la navigation aérienne, RS 748.112.3.

5046

­

Elle «donne son avis sur les questions importantes intéressant la navigation aérienne» (art. 3, al. 1). En particulier, cet avis peut être demandé sur les questions de législation et de réglementation, sur les questions de politique des transports aériens, sur le développement des aérodromes et des services de la sécurité aérienne ainsi que sur les subventions (art. 3, al. 2). Les recours auprès de la Commission de recours du DETEC peuvent également lui être soumis (art. 3, al. 3).

­

Les représentants de l'OFAC prennent part aux séances de la commission avec voix consultative. Le président de la commission peut aussi inviter d'autres divisions de l'administration fédérale à se faire représenter aux séances avec voix consultative; il peut, en outre, appeler des tiers à prendre part aux séances pour fournir des informations (art. 8).

­

La commission présente ses rapports au chef du DETEC. L'avis d'une minorité de la commission doit, si cette minorité le désire, être mentionné dans les rapports de la commission (art. 9).

­

En cas de besoin, le président peut convoquer une conférence aéronautique nationale. Une telle conférence a pour but de donner des renseignements sur l'état de développement de l'aéronautique à un cercle plus étendu d'intéressés à la navigation aérienne et de prendre note de leurs voeux (art. 11).

II.

Thèmes traités par la commission depuis 1997

D'après les procès-verbaux de ses séances, la Commission fédérale de l'aviation a traité les sujets suivants au cours des cinq dernières années:

1

320

Séance du 2 décembre 1997 ­

Discussion du rapport «Mesures d'hygiène de l'air adoptées par la Confédération et les cantons»;

­

La révision partielle de l'ordonnance sur l'aviation (en particulier les art. 102 à 119 OSAv);

­

Informations de l'AFAC sur les objets suivants: ­ Swissworld Airways; ­ l'aéroport de Bâle-Mulhouse (investissements nécessaires); ­ la Conférence 1997 de l'OACI (sécurité de l'aviation civile); ­ les objectifs principaux de l'OFAC pour 1998, la priorité étant accordée à l'examen de l'activité de surveillance de l'office et à la question de savoir ce que l'OFAC sera en 2003/2004320; ­ l'entrée en vigueur de la LA et de l'OSAv révisée ­ ainsi que huit autres objectifs de peu d'importance du point de vue de la présente expertise.

Procès-verbal de la séance du 2 décembre 1997, p. 7 (annexe 31).

5047

Lors de cette séance, sous le point des «divers», la politique du personnel de l'OFAC à moyen terme est finalement abordée sur une question de M. Roland Müller. Selon le procès-verbal, M. Auer, directeur de l'OFAC, indique que les salaires devront diminuer de 7 % jusqu'à fin 2000, que des licenciements ne sont pas exclus et qu'il n'y aura pas de réélections en 2000. L'un des membres de la commission trouve choquant de ne pas vouloir accorder les ressources nécessaires.

Il précise également qu'il ne faudrait pas oublier l'importance des fonctions de surveillance exercées par l'OFAC. Deux membres, dont le président, proposent d'inscrire la «politique du personnel» à l'ordre du jour d'une prochaine séance de la commission afin de préparer une prise de position de la Commission fédérale de l'aviation. Toujours selon le procès-verbal, il apparaît que M. Auer se réjouit de toute aide en cette affaire, mais qu'il craint que ces appuis soient pris pour du népotisme. M. Auer est d'avis qu'il y a d'autres possibilités et d'autres voies pour arriver au même résultat321.

2

Séance du 10 mars 1998 ­

Présentation des valeurs limites d'exposition au bruit des aéroports nationaux;

­

Projet de révision partielle de l'ordonnance sur l'aviation, en particulier les art. 100 à 125 OSAv; à ce sujet, il convient de relever que l'art. 102 OSAv qui est relevant du point de vue de la présente expertise, a fait l'objet d'une votation et que la formulation potestative proposée par l'OSAv a été adoptée par sept voix contre deux322. L'art. 103, al. 1, let. i, OSAv n'est pas discuté lors de cette séance;

­

Demande de la société Alpar AG qui désire modifier les heures d'exploitations de l'aéroport Berne-Belp; la question du prolongement de pistes est également discutée; Sous le point des «divers», un membre de la commission demande que la politique du personnel de l'OFAC soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance de la commission.

3

Séance du 15 septembre 1998 ­

321 322

Taxe sur le kérosène;

­

Valeurs limites d'immissions pour les aéroports nationaux;

­

Taxes on international aviation;

­

Moyens de l'OFAC (personnel et finances): L'un des membres de la commission constate que malgré toute la bonne volonté des collaborateurs, l'OFAC est surchargé et ne parvient plus à effectuer ses tâches dans les délais. Il craint que l'office ne parvienne plus à contrôler la situation. Pour des raisons d'économies, l'OFAC n'a plus obtenu de nouveaux postes. Il propose donc que la commission recommande au Conseil fédéral d'octroyer immédiatement des moyens financiers supplémentaires à l'OFAC pour que Procès-verbal de la séance du 2 décembre 1997, p. 8 (annexe 31).

Voir partie A, ch. II/7.1.

5048

celui-ci puisse assumer ses tâches en matière de surveillance. Selon le procès-verbal, M. Auer confirme cette situation et souligne qu'elle le préoccupe au plus haut point. Il constate en outre que tous ses efforts pour obtenir de nouveaux postes n'ont été couronnés de succès qu'à une seule reprise (l'intervention Spörri a permis d'augmenter l'effectif de quatre postes de travail). Ces postes ont été attribués à la Division de l'infrastructure et environnement. Selon M. Auer, l'OFAC a besoin de dix postes supplémentaires pour que les indicateurs «reviennent dans la zone verte». Le procès-verbal constate que l'office fait ce qu'il peut, mais que, sans moyens supplémentaires, il risque rapidement de ne plus pouvoir maîtriser la situation. D'après M. Auer, sans moyens supplémentaires, l'office sera obligé de renoncer à certaines tâches en matière de surveillance.

Selon le procès-verbal, le président de la commission tire les conclusions suivantes: ­

Les tâches de l'OFAC ont augmenté en raison de l'augmentation du trafic aérien; l'effectif n'a toutefois pas été adapté.

­

Un examen global est en cours auprès de l'OFAC. Cet examen a pour but d'optimiser les procédures.

­

Malgré les mesures prises par l'OFAC, sa fonction d'organe de surveillance est menacée. Le président constate en outre que le directeur de l'office a des craintes que l'office ne puisse plus assumer même les tâches cruciales de manière satisfaisante et qu'il évalue les besoins de l'office à dix postes supplémentaires.

­

La commission est d'avis qu'il faut agir rapidement pour pouvoir continuer de garantir la sécurité du trafic aérien.

C'est à l'unanimité que les membres de la commission se rallient à ces conclusions.323

4

5

Séance du 13 mars 2001 ­

Situation de SAirGroup ­ Présentation par M. Peter Lüthi;

­

Provision de Montréal / Révision de la Convention de Varsovie;

­

Information sur les négociation avec l'Allemagne (traité international), Zürich Unique Airport (renouvellement de la concession), Aéroport de Genève-Cointrin (renouvellement de la concession), aéroport de Bâle-Mulhouse (TVA), Valeurs limites d'immissions, projet «SAFA» (Safety Assessment of Foreign Aircraft), Ecolight.

Séance du 30 octobre 2001

La commission discute des suites des actes terroristes du 11 septembre 2001 et de la débâcle de Swissair du point de vue de l'aviation civile suisse. Au cours de la discussion, un membre de la commission pose la question du rôle de la Commission 323

Procès-verbal de la séance du 15 septembre 1998, p. 8 (annexe 32).

5049

fédérale de l'aviation en tant qu'organe consultatif du Conseil fédéral dans la situation actuelle. Le président explique que, dans de telles circonstances et lorsque le facteur temps revêt une telle importance, la commission n'est pas en mesure de conseiller le Conseil fédéral en cas de crise. La commission est trop grande et trop peu flexible. Le président est d'avis que la commission doit se pencher sur les futures stratégies pour l'aviation civile suisse. Selon le procès-verbal, le directeur de l'OFAC abonde dans le même sens324. Lors de la discussion, un membre de la commission pose la question de savoir si la création de la nouvelle compagnie aérienne ne constitue pas un cas de conscience pour l'OFAC dans la mesure où il est à la fois le représentant de la Confédération et l'autorité de surveillance. M. Auer répond par la négative et rappelle que le crédit de la Confédération est à court terme et que, pour garantir l'indépendance de l'autorité de surveillance, aucun représentant de l'OFAC ne siègera au conseil d'administration de la nouvelle compagnie325.

6

Séance du 30 novembre 2001 ­

Loi fédérale sur le contrôle de la sécurité technique;

­

Crise Swissair: définition de point de vue et présentation Phoenix plus;

­

Concept d'exploitation aérienne Zurich;

­

Airline passenger service commitment;

­

Problématique de la TVA dans le domaine de l'aviation.

7

Résumé des discussions au sein de la Commission fédérale de l'aviation au sujet du devoir de surveillance

Les procès-verbaux que l'experte a pu consulter permettent de constater que la Commission fédérale de l'aviation a discuté de la politique du personnel de l'OFAC lors de l'une de ses séances et que le directeur a insisté sur le fait que son office avait besoin de plus de personnes326. Il a notamment expliqué que sans postes supplémentaires, son office serait obligé de renoncer à assurer certaines tâches en matière de surveillance. Lors de séances ultérieures, la situation de l'OFAC en matière de personnel n'a plus été traitée. La situation de SAirGroup a été présentée lors d'une séance par un représentant de Swissair (responsable des relations extérieures). La commission a rejeté la proposition de l'un de ses membres qui demandait de proposer au Conseil fédéral que le président de la Commission fédérale de l'aviation puisse siéger au conseil d'administration de SAirGroup. Les membres de la commission étaient d'avis qu'il ne serait guère indiqué qu'un représentant de la politique soit intégré dans une entreprise du secteur privé.

324 325 326

Procès-verbal de la séance du 30 octobre 2001, p. 3, ch. 3.2 (annexe 33).

Procès-verbal de la séance du 30 octobre 2001, p. 4, ch. 3.2 in fine (annexe 33).

Séance du 15 septembre 1998.

5050

III.

Rôle de la Commission lors de la débâcle de Swissair

Le rôle de la Commission a évolué au fil des ans, des sujets et des principaux intéressés, qu'ils soient membres de la commission ou représentants de la Confédération. Force est de constater que cet organe consultatif a quelque peu perdu de son importance en raison de la complexité grandissante des enjeux et de la diversification des compétences entre les organisations internationales et régionales, les Etats et une industrie du transport aérien de plus en plus indépendante.

C'est dire que la Commission fédérale de l'aviation n'a pas pris une part aussi active que d'aucuns l'auraient voulu ou attendu dans l'évolution du dossier Swissair. Elle a certes été informée à plusieurs reprises (notamment au cours de trois séances en 2001) de cette évolution dont elle a pu débattre en présence de représentants de SAirGroup, de l'OFAC, du canton de Zurich et de l'industrie.

Selon M. Riccardo Gulloti, président de la commission à l'époque, celle-ci a dû convenir qu'elle n'avait ni les moyens, ni la vocation de participer à la gestion de la crise Swissair. Ses membres n'avaient pas tous les compétences nécessaires pour émettre un avis pertinent à cet égard. En outre, des problèmes délicats auraient pu se poser quant à la confidentialité des informations fournies notamment à des entreprises concurrentes représentées au sein de la commission.

En outre, la législation ne prévoit que la Commission fédérale de l'aviation soit appelée à donner son avis lors de l'octroi ou du renouvellement de concessions ou autorisations aux entreprises de transport aérien.

M. Rolf Lüthi, Président de la Commission depuis le début de 2002, entend (re)donner à cet organe consultatif un rôle plus en vue, notamment dans la mise à jour de la politique aéronautique suisse, eu égard à l'évolution internationale (libéralisation, participation au marché européen) et aux événements qui ont fortement secoué le transport aérien en Suisse.

H.

Résumé et conclusions 1.

Selon le droit suisse, l'OFAC doit exercer une surveillance sur les entreprises de transport aérien et doit vérifier si elles respectent les exigences légales du point de vue opérationnelle, technique et économique. La capacité économique des entreprises de transport aérien est l'une des conditions pour une exploitation sûre.

2.

Le droit suisse définit les exigences que le transporteur aérien doit respecter du point de vue de la capacité économique lorsque l'OFAC lui octroie une autorisation d'exploitation pour la première fois.

3.

Le droit suisse part du principe que la capacité économique doit être maintenue pendant la duré de validité de l'autorisation d'exploitation, mais il ne donne pas de détails sur les exigences que les titulaires d'une autorisation d'exploitation doivent remplir. De l'avis de l'experte, ces exigences ne peuvent pas être les mêmes que celles en vigueur pour un premier octroi d'autorisation d'exploitation. Le droit suisse ne précise pas non plus à quelle fréquence et sur la base de quels critères la capacité économique d'un titulaire d'autorisation d'exploitation doit être vérifiée et comment celui-ci doit 5051

en apporter la preuve. Les exigences (précises) du règlement CEE 2407/92 concernant le suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisation n'ont pas été reprise lors de la révision de la LA et de l'OSAv en 1998. Le droit suisse ne connaît pas non plus d'obligations d'annoncer obligeant le titulaire d'une autorisation d'exploitation à remettre, pendant la durée de validité de celle-ci, des documents relatifs à sa capacité économique.

4.

Le droit suisse donne à l'OFAC la possibilité de suspendre ou de retirer une autorisation d'exploitation lorsque les conditions légales relatives à la capacité économique du titulaire d'une autorisation ne sont plus remplies. Le droit suisse ne précise cependant pas les conditions permettant de retirer une autorisation pour capacité économique insuffisante. En la matière, l'experte estime que les conditions d'un retrait sont déjà réunies lorsque le titulaire d'une autorisation ne remplit plus les exigences de l'OSAv régissant l'octroi de la première autorisation d'exploitation. Les critères relatifs au retrait de l'autorisation d'exploitation revêtent une importance particulière puisqu'en retirant cette autorisation, l'autorité de surveillance ordonne l'immobilisation de la flotte du transporteur aérien concerné.

5.

Contrairement au droit communautaire, le droit suisse lie l'octroi d'une concession de routes pour le trafic de lignes à des obligations d'exploiter et de transporter. L'experte est d'avis que ces obligations sont l'expression du fait que le trafic aérien fait partie intégrante de l'infrastructure des transports publics. Toutefois, seule une couverture d'assurance idoine est à même de garantir à chaque passager qu'il pourra être transporté même si la compagnie aérienne qui lui a vendu un titre de transport se retrouve subitement clouée au sol.

6.

Le droit communautaire (règlement CEE 2407/92) précise clairement les critères selon lesquels les autorités de surveillance doivent contrôler et assurer le suivi de la capacité économique d'un transporteur aérien qui demande une autorisation d'exploitation ou qui est titulaire d'une telle autorisation.

Cette réglementation est applicable en Suisse depuis le 1er juin 2002. D'un point de vue purement juridique (applicabilité directe du droit communautaire), il n'est donc pas indispensable de supprimer la lacune du droit suisse en la matière. Toutefois, pour des raisons de transparence et de sécurité du droit, il serait malgré tout souhaitable que l'OSAv mentionne tout de même les critères correspondants.

7.

Lors de l'octroi d'une autorisation d'exploitation, l'OFAC a toujours contrôlé la capacité économique du demandeur; en revanche, il a accordé une priorité plus faible au suivi de la capacité économique des titulaires. Dans la mesure où il a été possible d'en juger, l'OFAC n'a assuré ce suivi que sur la base d'articles de presse relatant des difficultés financières ou, lorsqu'il s'agissait de sociétés publiques, en participant aux conférences de presse lors de la publication des comptes et en lisant les rapports de gestion. Depuis la révision de 1998, l'OFAC n'a pas non plus émis de directive interne à l'intention des collaborateurs chargés d'effectuer ce suivi.

8.

La question de savoir s'il convient d'augmenter l'effectif de l'OFAC pour que cet office parvienne à assumer son devoir de surveillance de la capacité économique des titulaires d'autorisations fait l'objet de discussions.

5052

L'experte ne peut répondre à cette question de manière exhaustive étant donné qu'il est difficile de dire si l'harmonisation qui a lieu dans le domaine de l'aviation civile au niveau international (en particulier les JAR) entraînera une augmentation des besoins en personnel ou, au contraire, si elle permettra de décharger l'OFAC qui n'aura plus besoin de définir les prescriptions techniques et opérationnelles et de réduire sa charge de travail dans ce domaine. Il semble toutefois établi que, dans le cadre de sa politique du personnel, l'OFAC devra tenir compte du fait qu'il aura besoin de personnel qualifié capable d'évaluer la capacité économique d'une entreprise de transport aérien.

9.

En ce qui concerne la surveillance de Swissair entre la restructuration de SAirGroup (1996) et l'immobilisation de la flotte (2001), l'expert estime que l'OFAC a exercé un contrôle continu adéquat du respect par Swissair des conditions nécessaires à un service aérien fiable du point de vue technique et opérationnel.

10. Une interprétation moins restrictive par les autorités fédérales de leur devoir de surveillance de la capacité économique des transporteurs aurait permis à l'OFAC de requérir davantage de transparence financière lors de la transformation de l'entreprise en holding, puis d'exiger une estimation complète et réaliste de l'évolution des liquidités en 2000 et 2001 lors de l'octroi de l'autorisation d'exploitation en décembre 2000. La situation de Swissair étant devenue particulièrement compliquée, il n'est cependant pas établi que ses responsables auraient pu fournir une estimation fiable.

11. L'OFAC a envisagé de suspendre l'autorisation d'exploitation de Swissair pour y renoncer juste avant l'immobilisation du 2 octobre. L'expert ne pense pas qu'une telle suspension aurait été adéquate dans les circonstances.

12. La protection du consommateur contre les conséquences d'un grounding doit être envisagée sur le plan international. Selon l'expert, l'industrie du transport aérien est en mesure de trouver des solutions satisfaisantes.

13. L'expert ne pense pas que des problèmes d'interdépendances personnelles ont pu affecter l'exercice du devoir de surveillance de l'OFAC à l'égard de Swissair.

14. Les compétences et ressources de l'OFAC sont comparables à celles disponibles à l'étranger, compte tenu de la taille des marchés respectifs. L'importance attachée à la surveillance financière des transporteurs varie d'un Etat à l'autre selon son niveau d'intervention dans l'activité économique.

15. L'audit effectué par l'OACI en novembre 2000 a permis à l'OFAC de consolider ses ressources sur le plan technique et opérationnel. Le manque de moyens identifié par l'OACI est un constat assez universel.

16. La Commission fédérale de l'aviation n'a pas été appelée ni n'a voulu jouer un rôle actif dans la gestion de la crise Swissair. Mais elle entend pleinement participer à la mise à jour de la politique aéronautique suisse qu'elle juge nécessaire après la récente crise.

5053

I.

Recommandations 1.

Il faut définir des exigences en matière de capacité économique des titulaires d'autorisations d'exploitation et reprendre les dispositions correspondantes du règlement CEE 2407/92 dans le droit suisse.

2.

Suite à l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel entre la Suisse et la CE sur le transport aérien, il faut examiner de l'opportunité de limiter la durée de validité de l'autorisation d'exploitation et de son renouvellement périodique.

3.

L'OFAC doit spécifier les critères matériels de contrôle de la capacité économique des demandeurs et des titulaires d'autorisation dans des directives; celles-ci peuvent leur être remises et servir de base aux évaluations effectuées par les collaborateurs de l'OFAC.

4.

Il faut introduire un système obligeant les titulaires d'autorisations d'exploitation à confirmer (obligation d'annoncer) leur capacité économique. Les titulaires d'autorisations doivent également être tenus d'annoncer d'éventuelles difficultés financières.

5.

Il faut fixer la procédure que l'OFAC doit suivre en cas de doute au sujet de la capacité économique d'un titulaire d'exploitation: impartir un délai pour rétablir une situation économique conforme aux dispositions légales, présentation d'une planification pour le cas où il deviendrait nécessaire de retirer l'autorisation d'exploitation.

Liste des annexes (les annexes ne seront pas publiés) 1.

Mandat des experts

2.

Catalogue des questions des experts à l'OFAC du 21 mai 2002 et réponses de l'OFAC du 14 juin 2002 avec annexes 1 à 11

3.

Liste des documents que les experts ont consultés et utilisés pour réaliser l'expertise commandée par la CdG-E

4.

Libellé de l'art. 27 LA

5.

Libellé de l'art. 103 OSAv

6.

Managment System, Financial and Economics

7.

Lettre type de l'OFAC pour la demande d'une autorisation d'exploitation avec formulaires

8.

ICAO Air Transport Reporting Form, Financial Data ­ Scheduled Airlines

9.

ICAO Air Transport Reporting Form, Financial Summary ­ Non-Scheduled Operators

10. Directive interne de l'OFAC du 14 novembre 1973 relative à l'examen des moyens financiers 11. Lettre de l'OFAC du 19 mai 2000 adressée à Air Engiadina AG 12. Procès-verbal de la Commission fédérale de l'aviation du 10 mars 1998

5054

13. Prise de position de l'OFAC au sujet de la révision de l'ordonnance sur l'aviation 14. Prise de position du DETEC au sujet de la révision de l'ordonnance sur l'aviation adressée au Conseil fédéral 15. Concession de Swissair du 19 décembre 1966 et décision du DETEC du 23 mai 1997 16. Liste des nouvelles concessions de routes 17. Liste des concessions de routes renouvelées 18. Décision du Conseil fédéral du 9 avril 1997 concernant la réorganisation de Swissair 19. Lettre du président du conseil d'administration de Swissair du 27 février 1997 adressée au conseiller fédéral Moritz Leuenberger 20. Lettre de SAirGroup du 12 mai 1997 adressée à l'OFAC 21. Décision du DETEC du 23 mai 1997 concernant le transfert de la concession de Swissair 22. AOC no 1017 de Swissair 23. Autorisation d'exploitation de Swissair (trafic non régulier) du 1er avril 1998 24. Concession de routes de Swissair du 13 juillet 1999 25. Autorisation d'exploitation de Swissair du 29 décembre 2000 26. Procès-verbal de la 75e assemblée générale des actionnaires de SAirGroup du 25 avril 2001 27. Formulaire de demande d'octroi d'une autorisation d'exploitation remplie par Swissair 28. Directive du DETEC du 18 décembre 1998 29. Plan d'actions présenté par l'OFAC le 12 janvier 2001 30. Liste des membres de la Commission fédérale de l'aviation 31. Procès-verbal de la séance de la Commission fédérale de l'aviation du 2 décembre 1997 32. Procès-verbal de la séance de la Commission fédérale de l'aviation du 15 septembre 1998 33. Procès-verbal de la séance de la Commission fédérale de l'aviation du 30 octobre 2001

Genève/Winterthur, le 2 septembre 2002 Regula Dettling-Ott

Philippe Rochat

5055

Annexe 2

Entwicklung der SAirGroup Namensaktion 1999­2001 auf der Basis des Monatsendkurses (in CHF) / évolution de l'action nominative SAirGroup de 1999 à 2001 sur la base du cours en fin de mois (en francs suisses) Tägliche Entwicklung der SAirGroup Namensaktien im Jahre 2001 (in CHF) / évolution journalière de l'action nominative de SAirGroup en 2001 (en francs suisses) Swissair Rating History

5056

5057 0.00

50.00

100.00

150.00

200.00

250.00

300.00

350.00

400.00 Entwicklung der SAirGroup Namensaktien 1999-2001 auf der Basis des Monatsendkurses (in CHF)*

J a n F 99 e b M 99 rz Ap 9 9 r M 9 ai 9 Ju 99 n Ju 99 Au l 9 9 g S 99 e p O 99 k N t 99 ov D 99 ez Ja 9 9 n F 00 e b M 00 r z Ap 0 0 r M 00 ai Ju 00 n Ju 00 Au l 0 0 g Se 0 0 p O 00 k N t 00 ov D 00 ez Ja 0 0 n Fe 01 b M 0 rz 1 Ap 0 1 r M 0 ai 1 Ju 01 n Ju 01 A l 01 u g S 01 e p O 01 k N t 01 ov D 01 ez 01

5058

Swissair Rating History August 28, 2000 January 26, 2001 April 2, 2001 June 19, 2001 September 18, 2001 October 2, 2001

Obtains A3 rating from Moody's A3, under review for possible downgrade Downgraded to Baa3 Downgraded to Ba3 Downgraded to B2 Downgraded to Ca

August 28, 2000 SairGroup obtains a long term rating of A3 from Moody's January 26, 2001 MOODY'S PLACES A3 LONG-TERM ISSUER RATING OF SAIRGROUP UNDER REVIEW FOR POSSIBLE DOWNGRADE Frankfurt, January 26, 2001 ­ Moody's Investors Service today placed the A3 longterm issuer rating for SAirGroup under review for possible downgrade. The action was prompted by the company's announced change of strategy and the expectation that its medium term earnings will be weaker than originally expected. The review will focus on management's strategy to return the group's airline business including the international interests to profitability and postive cash flows.

While acknowledging that SAirGroup will maintain its diversification strategy of airline and related aviation businesses like catering, logistics, ground handling and IT, the review will focus on contemplated changes to SAirGroup's market presence in the airline busieness including possible new alliances, streamlining of operations to realize cost efficiencies, and on measures to strengthen the financial flexibility of the group.

Moody's will also assess the changing competitive landscape in the airline industry with consolidation, international alliances, and: increasing price pressure in spite of rising fuel cost. In this respect, SairGroup faces particular challenges in turning its major international affilates into cost-efficient and quality service providers, given the slow integration process for the three French carriers and labor disputes in Belgium relating to flag carrier Sabena. The review will also extend to SAirGroup's funding and liquidity strategy.

SAirGroup, headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. The group generated revenues of about CHF 7,5 billion in the first half of 2000 and recorded a net result of CHF 3 million.

April 2, 2001 MOODY'S DOWNGRADES SAIRGROUP'S (SWITZERLAND) LONG-TERM ISSUER RATING TO Baa3 FROM A3 AND SHORT-TERM RATING TO P-3 FROM P-2; CONTINUES REVIEW FOR POSSIBLE DOWNGRADE Frankfurt, April 02, 2001 ­ Moody's Investors Service has today downgraded the long-term issuer rating of SAirGroup («SAirGroup»), the diversified Swiss aviation group, to Baa3 from A3 and the short-term rating to P-3 from P-2. The rating action 5059

was prompted by the company's failure to turn around its partner airlines in the near term and, the need for additional restructuring efforts to limit group exposure to these activities and to reposition itself in the consolidating global airline industry.

While the national flag-carrier status is fäctored into Moody's ratings, the downgrade reflects the prospects for depressed cash generation over the medium term, the expected significant funding needs during 2001 and the resulting constrained financial flexibility irrespective of planned asset sales. The ratings remain under review for possible downgrade, reflecting the limited range of options available to management to develop a comprehensive cash generative strategy for the group, possible lengthy negotiations with the other shareholders in the affiliated airlines, and potential delays in effecting asset sales and other financing measures.

Today's announcement by SAirGroup presents a stark reversal to its corporate strategy. Instead of building a strong network of international carriers in the «Qualiflyer Alliance» by taking substantial equity stakes and management control of partner airlines, the company will now focus its activities on the core SAirGroup ­ these being the Swissair, Crossair and the aviation-related businesses. Severing its ties from Sabena, the Belgian carrier, the regional French airlines AOM, Air Littoral and Air Liberte and, perhaps, reducing its interest in other airline affiliates could amount to a long, costly, and politically-charged exercise.

While the strategic reorientation of SAirGroup is expected to create substantial long term benefits for the group in the short-term it will cause additional funding needs, part of which can be met through asset sales. However, the assets to be disposed of have been significant contributors to the company's cash flow and will leave a narrow range of profitable activities to support the future strategy, which is yet to be defined.

SAirGroup's extraordinary funding plan depends to a large extent on asset sales in a period when market values for most businesses are depressed. Potential delays in the disposal plans are covered by the group's substantial liquid resources. In addition to that the company is in the process to secure a SFr 1.0 billion revolving back-up facility. Moody's
current Baa3 rating, however, anticipates that the company will implement its financing strategy swiftly and realise the forecasted asset proceeds so that a possible shortfall would not create undue reliance on the credit facility.

Should the credit quality of SAirGroup weaken further, then the status as the Swissflag carrier and possible government support will become more important considerations in Moody's rating analysis. Whilst the room for public subsidies is limited through bilateral treaties and Switzerland's relationship with the European Union (EU), other forms of support for SAirGroup are possible.

Swissair Group, headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. In 2000 the group generated revenues about SFr 16,2 billion and recorded a net loss of SFr 2,9 billion.

5060

June 19, 2001 MOODY'S DOWNGRADES TO Ba3 THE LONG-TERM ISSUER RATING FOR SWISSAIR GROUP AND THE SHORT-TERM RATING TO NOT-PRIME; CONTINUES RATING REVIEW IN DISCUSSION WITH MANAGEMENT Frankfurt, June 19, 2001 ­ Moody's today downgraded the long-term issuer rating of Swissair Group («Swissair»), the diversified Swiss aviation group, to Ba3 from Baa3 and the short-term rating to Not Prime from Prime-3. The rating action reflects the potential for significantly higher exit costs at the partnér airlines in France (Air Littoral, AOM, Air Liberte) and in Belgium (Sabena). Thereby, Moody's acknowledges management's determination to resolve the situation rapidly as promised in an announcement of April 25. The rating downgrade is also based on increased pressure on Swissair's core operations due to high fuel costs and the impact of an economic downturn on the airlines and the airline related businesses such as catering.

Although the flag carrier status is factored into the ratings, Moody's notes that so far there has been no indication of tangible support by the Swiss government and that the room for direct subsidies is limited through Switzerland's relationship with the EU.

The ongoing rating review will focus on the costs, which may arise from Swissair's exit from its partner airlines, the proceeds and timing of asset disposals and the potential for strengthening the company's equity base as well as its strategy to secure the required liquidity through the restructuring process.

Swissair Group (formerly «SAirGroup»), headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. In 2000 the group generated revenues about SFr 16,2 billion and recorded a net loss of SFr 2,9 billion.

September 18, 2001 MOODY'S DOWNGRADES TO B2 FROM B1 THE LONG TERM ISSUER RATING FOR SWISSAIR GROUP; CONTINUES REVIEW FOR POSSIBLE FURTHER DOWNGRADE Frankfurt, September 18, 2001 ­ Moody's today downgraded the long-term issuer rating of Swissair Group («Swissair»), the diversified Swiss aviation group, to B2 from B 1 and confirmed the short-term rating of Not-Prime. The rating agency continues the review for possible further downgrade. The action reflects the expectation of deteriorating
values for air traffic related assets as a result of the lower international air travel following the resurgence of terrorist activity and a generally depressed economic climate, and likely financial constraints for industry buyers.

Swissair's liquidity plan is critically dependent on the timely receipt of substantial disposal proceeds.

Moody's notes, that while the airline operations of the group are moderately exposed to the North Atlantic routes (24 % of revenues), in particular a significant part of the catering operations' revenue stream (GateGourmet) is derived by US major airlines and European carriers with strong operations on the North Atlantic. Both effects place pressure on the expectations for operating cash flows from Swissair's core activities following the downsizing of its business portfolio.

5061

In addition to that, Moody's believes that the company's plan for debt reduction will be more difficult to achieve as a result of the recent terrorist activities and the economic downturn. The reduced air travel volumes are likely to result in a reluctance to invest in aviation assets such as aircraft or aviation related businesses, and thereby lowering the market value of such assets. In light of Swissair Group's asset disposal program which includes the third party business of the Flightlease aircraft portfolio, the airport retailer Nuance and the ground handling entity Swissport, this may impact the ability to conclude these disposals on time and receive the proceeds needed to secure the liquidity position and effect the necessary debt repayments.

The rating review will continue to focus on the timing and progress of the asset disposal program. It will also assess the financial impact of a temporary decline in Trans-Atlantic and other air traffic on the group's operations as a consequence of the, recent plane hijackings and general depressed economic climate in Europe and the USA.

SAirGroup, headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. In 2000 the group generated revenues of about SFr 16,2 billion and recorded a net loss of SFr 2,9 billion.

September 26, 2001 MOODY'S COMMENTS ON TREATMENT OF BONDS AND LOANS OF SWISSAIR GROUP; B2 LONG TERM ISSUER RATING REMAINS ON REVIEW FOR POSSIBLE DOWNGRADE Frankfurt, September 26, 2001 ­ Moody's Investors Service will continue to review for possible downgrade the B2 long-term issuer rating of Swissair Group («Swissair»), the diversified Swiss aviation group.

Members of the Swiss government in a joint effort with Swissair's management, the banks and the Swiss business community have set up a working group to develop a plan for the restructure and recapitalization of the company with the goal to keep the Swiss airline in operation. Under current circumstances, Moody's sees a high potential for demands of a debt waiver or equity for debt swap, which would constitute default with a low expected recovery. While this demand could affect both, bonds and loans the severity of loss experience to bondholders
and banks may be significantly different. Moody's has not assigned individual ratings to specific classes of debt. Its issuer rating does not reflect the individual loss severity of particular instruments. Should there be a proposal for a financial restructuring, then Moody's will take further rating action subject to the required contributions by the various classes of debt.

At this stage, Moody's attaches a high probability to an eventual debt restructuring.

However, the proposal may well distinguish between the two primary classes of senior, unsecured debt, i.e. bank debt and bond obligations. Even though ranking legally pari-passu, this may lead to different recovery rates for the two classes of lenders. While there may be a strong interest by the working group parties to protect the retail investors in Swissair's bonds and to preserve the capital market confidence, the bank lenders most likely will have to share in the loss if a liquidation of the company is to be avoided. In Moody's scenarios the severity of loss on the bank loans could be 5062

very substantial, reflective of a low Caa rating. If the bonds are indeed exempted from the restructuring and benefit from a recapitalization they could well represent a credit quality above the current B2 issuer rating of Swissair.

In terms of Swissair's core operations, Moody's expects that the recent terrorist activities in the United States and the expected slowdown in international air traffic will create pressure on the company's operating performance, as well as on its asset disposal program and the tight liquidity situation. The expected revenue losses in particular on the long-haul routes as well as the US airlines' intentions to cut food service significantly in order to reduce costs will weaken the cash flow generating ability further. Moody's notes that in particular the value of GateGourmet, Swissair's catering entity, will weaken given the significant revenue share derived from the US airlines and the expected long term nature of deterioration of demand for airline catering in the US market.

The review will continue to monitor the progress and timeliness of the asset disposal program, the impact of the recent terrorist attack and the economic downturn on the company's core operations, and on management's recently announced strategy to downsize the fleet and to reduce costs. It will also focus on the probability of a distressed exchange and the expected loss for the two debt classes as part of a rescue plan for the company Swissair Group, headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. In the first half of 2001, the group generated revenues of about SFr 8,2 billion and recorded a net loss of SFr 234 million October 2, 2001 MOODY'S DOWNGRADES TO Ca THE LONG TERM ISSUER RATING OF SWISSAIR GROUP Frankfurt, October 02, 2001 ­ Moody's Investors Service today downgraded to Ca from B2 the long term issuer rating of Swissair Group («Swissair»). The action was prompted by the announcement of the company to sell the 70 % participation in Crossair to two banks for CHF 260 million and to file for bankruptcy protection for SAirGroup, SAirlines and Flightlease. It is currently planned that Crossair will take over two thirds of Swissair's airline
operations. With that rating action, Moody's concludes the review initiated in January 2001.

The Ca rating reflects Moody's view that a restructuring of the company's outstanding debt as part of the reorganization process will likely involve significant losses, if compared to par value, for unsecured lender, banks as well as bondholders.

Compared to the huge amounts of unsecured debt retained by Swissair, its unencumbered assets are limited leaving little room for a satisfactory pay-out. Moody's believes that with the transfer of the major part of its flight operations to Crossair the cash flow potential of the remaining Swissair activities will be weak and the value of the non-airline operations (GateGourmet, Swissport, Nuance etc.) is deteriorating quickly. SAirGroup, SAirLines and Flightlease, the aircraft leasing subsidiary, have already declared a moratorium for their debt service. Swissair is the guarantor for bonds issued by finance subsidiaries of Swissair.

5063

Swissair Group, headquartered in Zurich, Switzerland, is a diversified aviation group with operations in airline, aircraft maintenance, ground handling, catering, airport retailing, facility management and IT solutions. In the first half of 2001, the group generated revenues about CHF 8,1 billion and recorded a net loss of CHF 234 million.

5064

Annexe 3

Die Konzernstruktur der SAirGroup am 1. Januar 2000 / la structure de SAirGroup le 1er janvier 2000 Die Konzernstruktur der SAirGroup am 24. März 2001 / la structure de SAirGroup le 24 mars 2001

5065

5066

5067

Table des matières Résumé

4886

1 Contexte et objet de l'examen 1.1 La crise Swissair en tant que motif d'examen 1.2 Cadre et objet de l'examen de la CdG-E 1.3 Délimitation par rapport à d'autres examens 1.3.1 L'enquête sur les responsabilités des organes de SAirGroup effectuée par le commissaire au sursis concordataire 1.3.2 Autres procédures et investigations

4891 4891 4893 4895

2 Procédure et mesures d'examen

4899

3 La surveillance de la Confédération sur l'aviation civile 3.1 Introduction 3.2 En général 3.3 La surveillance en matière de sécurité opérationnelle et technique 3.3.1 Brève description des tâches de l'OFAC 3.3.2 Avis des milieux spécialisés sur la surveillance exercée par l'OFAC en matière de respect des conditions opérationnelles et techniques 3.4 L'examen et la surveillance de la capacité économique en tant qu'élément du devoir de surveillance 3.4.1 Les bases légales et leur interprétation par l'OFAC 3.4.2 Les exigences en matière de contrôle de la capacité économique selon l'expertise du 2 septembre 2002 3.4.2.1 Les exigences en matière d'octroi de l'autorisation d'exploitation 3.4.2.2 Les exigences en matière de suivi de la capacité économique des titulaires d'autorisation 3.4.2.3 Les exigences en matière de renouvellement de l'autorisation d'exploitation 3.4.2.4 Les conditions de retrait d'une autorisation d'exploitation en raison d'une capacité économique insuffisante 3.4.2.5 Les exigences en matière d'obligation d'annoncer selon l'art. 107, al. 3, OSAv 3.4.2.6 Evaluation de la capacité économique lors de l'octroi des concessions de route 3.4.2.7 Les exigences envers l'OFAC en matière de personnel de contrôle et de surveillance de la capacité économique 3.5 Le devoir de surveillance du DETEC sur l'OFAC 3.6 Le contrôle de la capacité économique de Swissair dans le contexte de la crise 3.6.1 Le contrôle de la capacité économique de Swissair lors du renouvellement de l'autorisation d'exploitation en décembre 2000

4902 4902 4903 4905 4905

5068

4895 4897

4906 4907 4907 4909 4909 4910 4912 4912 4913 4914 4915 4915 4916

4916

3.6.1.1 Le point de vue de l'OFAC 3.6.1.2 Constatations et appréciation de l'expertise 3.6.2 L'évaluation de la capacité économique de Swissair en 2001 3.6.2.1 Le point de vue de l'OFAC 3.6.2.2 Fallait-il retirer ou suspendre l'autorisation d'exploitation de Swissair?

3.7 Conflits d'intérêts et imbrications personnelles de l'OFAC à l'égard des entreprises de transport aérien 3.7.1 Constats et mesures prises suite à des examens antérieurs 3.7.2 L'évaluation actuelle des conflits d'intérêts par le DETEC 3.7.3 Evaluation de l'expertise du 2 septembre 2002 3.8 Comparaison avec la surveillance exercée par les autorités aéronautiques étrangères 3.9 Appréciation de l'expertise du 2 septembre 2002 par le DETEC et l'OFAC 3.10 Appréciations et conclusions de la CdG-E 4 La gestion de la crise de Swissair par le Conseil fédéral et l'administration fédérale 4.1 Vue d'ensemble du rôle de la Confédération au cours de la crise 4.2 La défense des droits d'actionnaire de la Confédération et son rôle en tant que membre du conseil d'administration 4.2.1 Avant 2001 4.2.2 Appréciation de la situation par la Confédération au printemps 2001 4.2.3 L'exercice des droits d'actionnaire lors de l'assemblée générale de SAirGroup du 25 avril 2001 4.3 Les réactions du Conseil fédéral et de l'administration fédérale lors de l'aggravation de la crise de SAirGroup en automne 2001 4.3.1 La position politique du Conseil fédéral au début de la crise 4.3.2 Les appels à l'aide de SAirGroup et les réactions du Conseil fédéral 4.3.3 Les tentatives des autorités fédérales en vue d'éviter l'interruption du service aérien de Swissair 4.3.4 Le rôle du Conseil fédéral avant l'immobilisation de la flotte de Swissair: bilan intermédiaire 4.4 Les mesures prises par la Confédération après l'immobilisation de la flotte et en vue de la création d'une nouvelle compagnie aérienne 4.5 Appréciation par le CdG-E du rôle et des responsabilités du Conseil fédéral et de l'administration fédérale 4.5.1 La Confédération en sa qualité d'actionnaire et de membre du conseil d'administration 4.5.2 Le suivi par la Confédération de la crise Swissair après le 17 septembre 2001

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5069

4.5.3 Les autorités fédérales ont-elles agi à temps dans l'affaire Swissair?

4.5.3.1 Digression: la détection précoce de problèmes et de crises potentielles par l'administration fédérale 4.5.3.2 La détection précoce de la crise Swissair par l'OFAC 4.5.3.3 La détection précoce de la crise Swissair par le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) 4.5.3.4 La détection précoce de la crise Swissair par les organes de la Confédération ayant accompagné le dossier «Swissair» en 2001 4.5.3.5 La détection précoce de la crise Swissair à l'échelon interdépartemental 4.6 Conclusions de la CdG-E concernant la gestion de la crise Swissair par le Conseil fédéral 5 Appréciations et conclusions complémentaires 5.1 Carences des dispositions légales régissant l'assainissement et les sociétés 5.2 Formulation d'une nouvelle politique des transports aériens 5.3 Protection des consommateurs contre les effets d'une interruption inopinée du service de vol 6 Evénements principaux en rapport avec l'immobilisation de la flotte Swissair des 2 et 3 octobre 2001 6.1 Introduction 6.2 Chronologie des événements principaux 6.3 Précisions au sujet de certaines circonstances 6.3.1 Plans de sauvetage du service de vol 6.3.2 Le crédit relais de 250 millions de francs 6.3.3 La conclusion du contrat d'achat des actions Crossair le 2 octobre 2001 6.3.4 L'état des liquidités en date du 2 octobre 2001 6.3.5 Causes de l'immobilisation de la flotte Swissair 6.4 Impressions de la CdG-E au sujet de l'évolution et de l'issue fatale de la crise Swissair

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7 Remarques finales et suite des travaux

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Personnes entendues par la CdG-E

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Personnes avec lesquelles la CdG-E s'est entretenue de manière informelle

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Abréviations

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Annexe 1: Rapport d'expertise à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

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Annexe 2: Evolution de l'action nominative SAirGroup de 1999 à 2001 sur la base du cours en fin de mois (en francs suisses) Evolution journalière de l'action nominative de SAirGroup en 2001 (en francs suisses) Swissair Rating History

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Annexe 3: La structure de SAirGroup le 1er janvier 2000 La structure de SAirGroup le 24 mars 2001

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