03.032 Message concernant l'amendement du 21 décembre 2001 de l'art. 1 de la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination du 16 avril 2003

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral concernant l'amendement de l'art. 1 de la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 avril 2003

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2002-2094

3153

Condensé Le présent message du Conseil fédéral soumet aux Chambres fédérales, en leur proposant de l'adopter, l'amendement de l'art. 1 de la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination (Convention). La Convention se compose d'un traité-cadre et de cinq protocoles limitant ou interdisant l'emploi de certaines armes classiques (Protocole I sur les éclats non localisables; Protocole II et Protocole II révisé sur les mines, pièges et autres dispositifs; Protocole III sur les armes incendiaires; Protocole IV sur les armes à laser aveuglantes).

L'amendement de l'art. 1 de la Convention adopté lors de la deuxième Conférence d'examen le 21 décembre 2001 a pour but d'élargir le champ d'application du traité-cadre et de ses protocoles aux conflits armés non internationaux. Dans sa version révisée lors de la première Conférence d'examen, en 1996, le Protocole II est déjà applicable aux conflits armés non internationaux.

L'art. 1 amendé est compatible avec l'ordre juridique suisse. Ainsi, la Suisse a déjà ratifié le Protocole II révisé et elle a pris l'initiative d'accompagner le dépôt des instruments de ratification du Protocole IV d'une déclaration indiquant qu'elle appliquerait les dispositions du Protocole en tout temps, notamment lors des conflits armés non internationaux. C'est pourquoi la portée de l'amendement de l'art. 1 de la Convention se limite, pour la Suisse, uniquement aux protocoles I et III.

L'acceptation de cet amendement n'aura pas de conséquences financières prévisibles pour la Confédération et les cantons.

L'adoption de l'amendement de l'art. 1 de la Convention représente un nouveau progrès important dans le développement des règles applicables aux conflits armés non internationaux. Elle montre la disposition croissante des Etats à appliquer aux conflits internes les règles reconnues en matière de conflits armés internationaux. Il s'agit là d'une nécessité absolue du point de vue humanitaire car, aujourd'hui, la majorité des conflits armés a un caractère non international. Dans le cadre de la Convention, la Suisse a toujours oeuvré en faveur des intérêts humanitaires et, lors de la deuxième Conférence d'examen, elle a soutenu l'amendement de l'art. 1.

3154

Message 1

Le point de la situation

1.1

La Convention sur les armes classiques

La Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination1 (Convention) a été conclue le 10 octobre 1980 à Genève, sous les auspices des Nations Unies. Lors de la négociation de ce traité, les Etats avaient voulu faire en sorte que le droit de nuire à l'adversaire ne soit pas sans limite et que les populations civiles soient épargnées en toutes circonstances. La Convention se compose d'un traité-cadre et de cinq protocoles relatifs à l'emploi d'armes classiques particulières.

Le Protocole I2 interdit l'emploi des armes dont l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X dans le corps humain. Le Protocole II3 régit l'emploi des mines et interdit de placer des explosifs dans des objets apparemment inoffensifs. Ce Protocole a été révisé lors de la première Conférence d'examen en 1996 à Genève4 (Protocole II révisé). Le Protocole III5 limite l'emploi des armes incendiaires, comme le napalm, aux objectifs militaires et interdit leur emploi lorsque des populations civiles risquent d'être également touchées. Le Protocole IV6, enfin, interdit l'emploi des armes à laser aveuglantes lorsqu'elles sont spécifiquement conçues pour provoquer une cécité permanente.

En tant que traité-cadre, la Convention sert de fondement juridique aux protocoles précités et énonce les règles générales applicables à ces derniers. Il s'agit d'un instrument dynamique puisque l'une de ses dispositions prévoit que les Etats Parties peuvent demander à compléter la Convention et ses protocoles de façon à interdire ou limiter l'emploi d'autres systèmes d'armes classiques. La Suisse a ratifié la Convention et ses trois premiers protocoles le 20 août 1982, puis le Protocole II révisé et le Protocole IV le 24 mars 1998.

1 2 3 4

5 6

RS 0.515.091.

Protocole sur les éclats non localisables (joint à la Convention sur les armes classiques), RS 0.515.091.

Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs (joint à la Convention sur les armes classiques), RS 0.515.091.

Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs dans sa version modifiée du 3 mai 1996, FF 1997 IV 1 (message); ce Protocole, qui a été ratifié par la Suisse le 24 mars 1998, est entré en vigueur pour elle le 3 décembre 1998.

Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires (joint à la Convention sur les armes classiques), RS 0.515.091.

Protocole sur les armes à laser aveuglantes, FF 1997 IV 1 (message); ce Protocole, qui a été ratifié par la Suisse le 24 mars 1998, est entré en vigueur pour elle le 24 septembre 1998.

3155

1.2

Mécanisme de révision de la Convention sur les armes classiques

La modification de la Convention et de ses Protocoles est régie par l'art. 8, par. 1 et 2, de la Convention. Ces dispositions prévoient une procédure qui peut être déclenchée par chacun des Etats Parties, avec l'approbation d'une majorité réunissant au moins 18 Etats Parties. L'art. 8, par. 3, let. a, dispose que, si dix ans après l'entrée en vigueur de la Convention aucune conférence d'examen ne s'est réunie, tout Etat Partie peut demander au Dépositaire la convocation d'une telle réunion.

Lors de la première Conférence d'examen en 1995/1996, les Etats Parties sont convenus que les prochaines conférences de révision auraient lieu tous les cinq ans.

Toutefois, cette modification de fait de l'art. 8 de la Convention ne figure que dans la Déclaration finale, car certains Etats Parties s'opposaient à tout amendement formel de la Convention7. Cet amendement matériel doit permettre de faire évoluer la Convention en en modifiant les règles et en y ajoutant des protocoles de façon à ne pas se laisser distancer par l'évolution rapide des techniques d'armement et des méthodes de guerre.

2

Deuxième Conférence d'examen

2.1

Le point de la situation

Dans sa résolution 55/37 du 20 septembre 2000, la 55e Assemblée générale des Nations Unies a rappelé aux Etats Parties la décision prise par la première Conférence d'examen d'organiser sa prochaine session en 2001 au plus tard. Conformément à la recommandation figurant dans cette résolution, la deuxième Conférence d'examen s'est tenue du 11 au 21 décembre 2001, après une phase de préparation d'une année pendant laquelle trois réunions préparatoires officielles ont été organisées à Genève8. A cette occasion, les Etats Parties ont proposé de nombreux sujets de révision. Il est cependant apparu rapidement qu'en raison de la complexité des propositions présentées, le seul amendement formel que la deuxième Conférence

7 8

Message concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints la Convention de 1980 sur les armes classiques; FF 1997 IV 1.

Ces réunions préparatoires ont eu lieu le 14 décembre 2000, du 2 au 6 avril 2001 et du 24 au 28 septembre 2001 (cf. «Rapport de la deuxième Conférence des Parties chargées de l'examen de la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, Doc. ONU CCW/CONF.II/2, par. 3).

3156

d'examen parviendrait à adopter se limiterait à l'extension du champ d'application de la Convention aux conflits armés non internationaux9.

2.2

Position de la Suisse

Dans le cadre de la Convention, la Suisse a toujours oeuvré pour faire progresser la cause humanitaire ainsi que pour renforcer et promouvoir le droit humanitaire international dans le but d'atténuer les conséquences de la guerre pour les populations civiles avant tout, mais aussi pour protéger les combattants des armes et des méthodes guerrières qui dépassent le but légitime des conflits armés, à savoir la mise hors combat de l'adversaire. Dans cette action, la Suisse a également tenu compte des intérêts de la défense nationale et des nécessités militaires. En vue de la première Conférence d'examen de 1995/1996, le Conseil fédéral avait donné à la délégation suisse le mandat d'appuyer l'élargissement du champ d'application de la Convention et de ses Protocoles aux conflits armés non internationaux10, mandat qu'il a renouvelé pour la deuxième Conférence d'examen11.

9

10

11

Les initiatives suivantes ont également été lancées pendant la phase de préparation: 1. Elaboration d'un protocole prévoyant entre autres l'engagement des Etats Parties à augmenter la fiabilité des systèmes d'armes et de leurs munitions explosives (p. ex. bombes à fragmentation, mortiers ou grenades) par des dispositifs techniques ainsi qu'à nettoyer le territoire des débris de guerre explosifs après un conflit armé (initiative sur les débris de guerre explosifs).

2. Réglementation portant sur les systèmes d'armement à submunition, comme les bombes à fragmentation, dont les dispositions clés exigeraient l'adoption de mesu res techniques visant à réduire au minimum le risque de non-explosion en cas d'écrasement au sol (initiative suisse relative aux systèmes d'armes à submunition).

3. Réglementation des mines terrestres autres que les mines antipersonnel (initiative relative aux mines terrestres autres que les mines antipersonnel).

4. Mise en place d'un mécanisme de contrôle dans le Protocole II révisé ou dans la Convention.

5. Elaboration d'une réglementation pour les munitions de petit calibre qui causent des blessures superflues et des souffrances inutiles. Il s'agit d'actualiser la disposition de la troisième Déclaration de La Haye de 1899 qui interdit l'emploi de balles s'épanouissant ou s'aplatissant facilement dans le corps humain (effet dum-dum), pouvant ainsi causer des blessures inutiles (initiative suisse relative aux munitions de petit calibre).

La Suisse a participé activement à l'élaboration du Protocole IV ainsi que du Protocole II révisé; voir à ce sujet le message concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints à la Convention de 1980 sur les armes classiques; FF 1997 1.

En outre, pendant la phase de préparation de la deuxième Conférence d'examen, la Suisse a proposé que la sécurité des systèmes d'armement à submunition soit accrue par des mesures techniques et qu'une nouvelle réglementation soit élaborée concernant les munitions de petit calibre; elle a en outre fait la promotion active de ces initiatives tout au long de la phase de préparation.

3157

2.3

Résultats de la Conférence d'examen

La deuxième Conférence d'examen a eu lieu à Genève du 11 au 21 décembre 2001.

Les craintes que le climat de négociation puisse être alourdi par le blocage de la conférence sur le désarmement, par les divergences apparues lors de la conférence sur les armes biologiques et par la dénonciation du Traité ABM que les Etats-Unis venaient d'annoncer se sont révélées infondées. Les Etats Parties ont adopté l'élargissement du champ d'application de la Convention de 1980 et de ses Protocoles existants aux conflits armés non internationaux et ils ont décidé de poursuivre les discussions sur les autres sujets soumis à la Conférence d'examen12.

3

Amendement de l'art. 1 de la Convention sur les armes classiques

3.1

L'environnement normatif international

La décision d'élargir le champ d'application de l'art. 1 de la Convention aux conflits armés non internationaux ne constitue pas une innovation fondamentale dans le domaine du droit international humanitaire. Au contraire, elle confirme une tendance du droit qui se développe depuis des décennies.

Jusqu'au milieu du siècle dernier, les conflits armés internes aux Etats ne relevaient pas du droit international car, selon l'opinion, qui prévalait alors, seuls les Etats souverains avaient en principe la qualité de sujets de droit international. Ce n'est qu'après les événements effroyables de la deuxième guerre mondiale que la communauté des Etats a commencé à élaborer des règles applicables aux conflits armés non internationaux. La première expression de cette volonté se trouve dans l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 relatives à la protection des victimes de guerre13 (Conventions de Genève de 1949), qui énumère des dispositions de protection humanitaire minimale applicables aux conflits armés non internationaux. La rédaction de cet article supposait de trouver, après une longue controverse, un compromis entre deux intérêts que beaucoup d'Etats considéraient comme fondamentalement opposés: d'une part, la nécessité de poursuivre des objectifs humanitaires et de garantir une protection minimale des droits humanitaires les plus élémentaires dans les conflits de toutes sortes; d'autre part, la crainte de certains Etats que la 12

13

Les Etats Parties sont convenus de créer deux groupes ouverts d'experts gouvernementaux, chapeautés par deux coordinateurs, l'un pour l'initiative relative aux débris de guerre explosifs, l'autre pour l'initiative relative à la réglementation des mines terrestres autres que les mines antipersonnel. De plus, le président désigné de la prochaine conférence des Etats Parties a été chargé de mener des consultations pour déterminer l'intérêt que les Etats portent à la mise en place d'un mécanisme d'exécution et de vérification.

Enfin, la Conférence d'examen a invité les Etats Parties à organiser des réunions d'experts techniques sur les munitions de petit calibre et à présenter un rapport à ce sujet aux Etats Parties lors de leur prochaine réunion.

Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, RS 0.518.12; Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, RS 0.518.23; Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des prisonniers de guerre, RS 0.518.42; Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, RS 0.518.51.

3158

mention des groupes armés dans le droit ne leur confère indirectement un statut officiel qui aurait menacé la souveraineté et la sécurité des Etats concernés. C'est la raison pour laquelle l'art. 3, ch. 2, par. 4 stipule que l'application des dispositions qui précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des parties au conflit.

Aujourd'hui, les règles énoncées à l'art. 3 des Conventions de Genève de 1949 ont valeur de droit coutumier14. Elles ont inspiré la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé15.

La multiplication effrayante des conflits armés non internationaux au cours de la deuxième moitié du siècle dernier ainsi que l'insuffisance de la prise en compte de ces situations dans le droit, alors qu'elles constituent actuellement la majorité des conflits armés, ont conduit à l'adoption du deuxième Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 194916 (Protocole additionnel II, ou PA II). Il étend et complète la liste des garanties minimales figurant à l'art. 3 des Conventions de Genève de 1949. Mais le Protocole additionnel II a un champ d'application plus restreint que l'art. 3 des Conventions de Genève de 1949 dans la mesure où il s'applique uniquement aux conflits armés non internationaux qui se déroulent sur le territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer le présent Protocole. Les dispositions fondamentales du Protocole additionnel II sont également à placer au rang des dispositions coutumières17.

Lors de la première Conférence d'examen de la Convention sur les armes classiques en 1995/1996, les Etats Parties ont examiné en détail l'extension du champ d'application de la Convention aux conflits armés non internationaux. Mais face aux objections soulevées par certains Etats18, il a été décidé d'élargir seulement le champ d'application du Protocole II aux conflits armés non internationaux.

Depuis, la communauté des Etats a réussi à s'entendre pour que différents traités ­ la Convention du 18 septembre 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Conven-

14

15 16 17 18

Voir le cas du Nicaragua, ICJ Rep. 1986, ch. 172 ss, 215 ss; IT-94-1-AR72, Appeals Chamber, Tadic, Decision on the Defence Motion for Interlocutory Appeal on Jurisdiction, 2 octobre 1995, ch. 96 ss.

RS 0.520.3.

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes de conflits armés non internationaux, du 8 juin 1977, RS 0.518.522.

Cf. Tadic, op. cit., ch. 117.

Outre la préoccupation de certains Etats que la mention des groupes armés dans le droit puisse mettre en danger leur souveraineté et leur sécurité, des considérations tactiques ont joué un rôle: d'autres Etats voulaient en effet éviter qu'une modification de l'art. 1 de la Convention ne fournisse l'occasion d'affaiblir d'autres dispositions de la Convention.

De plus, quelques Etats ont fait valoir qu'une telle extension pourrait entraver l'universalisation de la Convention (voir aussi le message concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints à la Convention de 1980 sur les armes classiques; FF 1997 1).

3159

tion d'Ottawa)19, le deuxième Protocole du 26 mars 1999 à la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé20 ­ s'appliquent aux conflits armés non internationaux21.

La jurisprudence des tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda a également contribué à resserrer le dispositif normatif applicable aux conflits armés non internationaux, dont la densité se rapproche désormais de celle des dispositions applicables aux conflits armés internationaux. Pour des raisons identiques à celles qui avaient fait obstacle, à l'origine, à l'élaboration de règles complètes au sujet des conflits internes, l'art. 3 des Conventions de Genève de 1949 et le Protocole II ne prévoient pas de normes de droit pénal, contrairement aux dispositions applicables aux conflits armés internationaux. Le Statut du Tribunal ad hoc pour le Rwanda est le premier instrument international qui criminalise les violations de l'art. 3 des Conventions de Genève ainsi que des dispositions fondamentales du Protocole additionnel II et qui les range dans la catégorie des crimes de guerre22. Jusque là, cette notion avait été utilisée uniquement pour désigner des infractions graves au droit international humanitaire commises lors de conflits armés internationaux. Et c'est le Tribunal ad hoc pour l'ex-Yougoslavie qui a été le premier à s'y référer23.

19

20

21

22

23

FF 1998 537; ratifié par la Suisse le 24 mars 1998 et entré en force pour elle le 1er mars 1999. Comme pour la Convention de 1972 sur les armes biologiques (RS 0.515.07) et la Convention de 1993 sur les armes chimiques (RS 0.515.08), ladite Convention s'applique en toutes circonstances, c'est-à-dire aussi bien dans les conflits armés internationaux et non internationaux qu'en temps de paix, et donc aussi dans des situations de tensions internes et de troubles intérieurs. L'étendue de ce champ d'application, qui est propre aux traités dans le domaine du désarmement, s'explique par le fait que les conventions précitées portent non seulement sur l'emploi des armes, mais aussi sur leur fabrication, leur stockage et leur transfert.

Ce Protocole, qui a été adopté lors de la Conférence diplomatique des Etats Parties à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, a été signé par la Suisse le 17 mai 1999 à La Haye.

Le Protocole facultatif du 25 mai 2000 à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (RS 0.107.1) a choisi une démarche différente. Certains Etats ayant tenu au respect du principe du droit classique selon lequel seuls les Etats Parties peuvent être liés par les instruments de protection des droits de l'homme, alors que les groupes armés distincts des formes armées d'un Etat doivent être régis par le droit national, le Protocole facultatif lie les groupes armés de manière indirecte seulement, c'est-à-dire en obligeant les Etats Parties, dans son art. 4, al. 2, à prendre les sanctions pénales nécessaires contre ces groupes armés (Doc. ONU E/CN.4/2000/74 ch. 35 ss, ch. 108 et add. art. 4).

Statut du Tribunal ad hoc pour le Rwanda, annexe au doc. S/RES/955 (8 novembre 1994); cf. Report of the Secretary-General pursuant to Paragraph 5 of Security Council Resolution 955 (1994), UNO-Doc. S/1995/134, du 13 février 1995, ch. 11­12.

Cf. Tadic, op. cit., ch. 128 ss.

3160

Cette évolution se reflète dans le Statut de la Cour pénale internationale, dont l'art. 8 fait figurer, entre autres, dans sa liste des crimes de guerre des agissements commis lors de conflits armés non internationaux24. Le Deuxième Protocole à la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé va également dans la même direction puisqu'il criminalise les violations de ses dispositions commises dans les conflits armés non internationaux25.

L'élargissement du champ d'application de l'art. 1 de la Convention constitue un important progrès dans le développement des règles applicables aux conflits internes. Il traduit la disposition des Etats à appliquer aux conflits internes les règles reconnues pour les conflits armés internationaux.

3.2

Contenu de l'art. 1 amendé

L'art. 1 définit le champ d'application du traité-cadre et de ses protocoles. Le par. 1 est inchangé: il fait référence à l'art. 2 commun aux Conventions de Genève de 1949 ainsi qu'à l'art. 1, par. 4, du Protocole additionnel I aux Conventions. En conséquence, la Convention et ses Protocoles s'appliquent aux conflits entre Etats, aux situations d'occupation et aux guerres de libération.

Adoptés sans opposition lors de la Conférence d'examen, les par. 2 à 6 sont nouveaux. Ils reprennent, mutatis mutandis, les par. 2 à 6 de l'art. 1 du Protocole II révisé. Le par. 2 étend le champ d'application aux conflits armés non internationaux par référence à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, précisant clairement qu'il ne s'applique pas aux situations de tensions et de troubles intérieurs, telles qu'émeutes, actes de violence isolés et sporadiques et autres actes de caractère similaire, qui ne sont pas des conflits armés. Les par. 3 à 6 contiennent différentes précisions ou réserves relatives à la règle de l'applicabilité aux conflits internes. Ils trouvent leur fondement dans l'art. 1, par. 2 et 3, du Protocole additionnel II. Ainsi, le par. 3 stipule qu'en cas de conflit armé interne, chaque partie au conflit est tenue d'appliquer la Convention et ses Protocoles. Les par. 4 à 6 tiennent compte des préoccupations exprimées par les Etats au sujet de leur souveraineté et de leur sécurité.

Le contenu du par. 7 a donné lieu à un débat vigoureux au sein de la Conférence d'examen. Une majorité d'Etats était favorable à la proposition selon laquelle l'extension du champ d'application aux conflits internes devait s'appliquer également à tout nouveau protocole à la Convention, sauf si ce protocole en disposait 24

25

Art. 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) de 1998, RS 0.312.1.

La systématique de l'art. 8, al. 2, du Statut de la CPI repose sur la distinction entre conflits armés internationaux et conflits armés non internationaux. Les let. (a) et (b) régissent les crimes de guerre commis lors de conflits armés internationaux; la let. (a) reprend les définitions figurant dans les Conventions de Genève de 1949 relatives aux infractions graves tandis que la let. (b) contient des règles se référant aux dispositions relatives aux infractions graves figurant dans le Protocole additionnel I et dans les règles de La Haye de 1907 concernant la guerre sur terre. Les let. (c) et (e) de l'art. 8, al. 2, du Statut de la CPI visent des crimes commis lors de conflits armés ne présentant pas un caractère international. La let. (c) se réfère à l'art. 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 tandis que la let. (e) se rapporte plus particulièrement à certaines dispositions du Protocole additionnel II.

Art. 3, al. 1, en liaison avec l'art. 22 et l'art. 15.

3161

autrement. Mais le principe du consensus a permis à une minorité d'Etats d'imposer sa position selon laquelle l'extension du champ d'application est valable uniquement pour les protocoles adoptés antérieurement à la révision26. Les futurs protocoles devront donc comporter une disposition indiquant explicitement qu'ils sont applicables aux conflits armés non internationaux. En l'absence de disposition expresse, seul l'art. 1, par. 1, de la Convention s'appliquera, limitant le champ d'application aux conflits armés internationaux.

3.3

Entrée en vigueur de l'art. 1 amendé

Les modifications de la Convention et de ses Protocoles entrent en vigueur selon les mêmes modalités que la Convention et ses Protocoles, c'est-à-dire six mois après le dépôt du vingtième acte de ratification, d'acceptation ou d'adhésion auprès du Dépositaire, à savoir le Secrétaire général des Nations Unies. A partir du vingt et unième Etat, la Convention entre en vigueur pour cet Etat six mois après la date du dépôt de l'acte27.

4

Compatibilité avec l'ordre juridique suisse

L'élargissement du champ d'application de la Convention est compatible avec l'ordre juridique suisse. Ainsi, la Suisse a déjà ratifié le Protocole II révisé, qui est applicable aux conflits armés non internationaux, et, lors du dépôt des instruments de ratification du Protocole IV, elle a déclaré qu'elle appliquerait ledit Protocole en toutes circonstances, notamment aux conflits armés non internationaux28. S'agissant du Protocole I, le message du 16 septembre 1981 concernant la Convention et ses Protocoles précise qu'il n'a pas une grande portée pratique car on ne connaît pratiquement pas d'armes pouvant avoir les effets principaux qui y sont décrits. A propos du Protocole III, il est mentionné qu'en l'absence d'interdiction générale des armes incendiaires, les restrictions ponctuelles prévues dans le Protocole n'ont pratiquement pas d'incidence notable pour la Suisse et son armée puisque d'éventuels combats auraient lieu sur le territoire national et que la doctrine d'engagement de l'armée suisse prévoit de toute façon le respect de la population civile nationale29. A l'époque, l'ordre juridique était déjà compatible avec le Protocole I et le Protocole III. Il est également compatible avec l'élargissement du champ d'application des deux Protocoles dont il est question ici.

26 27 28 29

Le Protocole II est applicable aux conflits armés non internationaux depuis sa modification de 1996.

Art. 8, al. 1, let. b, en liaison avec l'art. 5, al. 1 et 2, de la Convention sur les armes classiques.

Voir l'arrêté fédéral afférent dans FF 1998 I 91.

Message du 16 septembre 1981 concernant la Convention sur les armes classiques et ses Protocoles, FF 1981 III 283 et 289.

3162

5

Répercussions financières

L'acceptation de l'art. 1 amendé de la Convention n'aura pas de répercussions financières pour la Confédération.

6

Programme de la législature

Lorsque le programme de la législature 1999­200330 a été établi, il était impossible de prévoir que l'élargissement du champ d'application de la Convention serait adopté. C'est pourquoi l'acceptation de l'art. 1 amendé de la Convention ne figure pas dans le plan de la législature.

7

Constitutionnalité

La base constitutionnelle de l'arrêté fédéral relatif à l'acceptation de l'art. 1 amendé de la Convention est formée par l'art. 54, al. 1, Cst., qui habilite la Confédération à conclure des traités avec les Etats étrangers. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver l'acceptation en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., les traités de droit international sont sujets au référendum facultatif s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou s'ils entraînent une modification multilatérale du droit. La Convention révisée et ses Protocoles sont conclus pour une durée indéterminée, mais ils peuvent être dénoncés en tout temps.

La dénonciation prend effet une année après réception de la notification de dénonciation par le Dépositaire, sauf si, à l'expiration de ce délai, l'Etat dénonçant est impliqué dans un conflit armé ou dans une situation d'occupation; dans ces cas, l'Etat dénonçant demeure lié par les engagements contractés jusqu'à la fin du conflit ou de l'occupation31. La Convention révisée ne prévoit pas non plus l'adhésion à une organisation internationale.

Reste à savoir si l'acceptation entraîne une unification multilatérale du droit. Selon la pratique constante du Conseil fédéral, seuls doivent impérativement être soumis au référendum facultatif les traités qui contiennent du droit uniforme, directement applicable dans l'ensemble, réglant en détail un domaine juridique bien défini, à savoir suffisamment important pour justifier sur le plan national, par analogie, l'élaboration d'une loi particulière32. Précisant la pratique du Conseil fédéral, le Parlement a décidé que, dans des cas particuliers motivés par l'importance et la nature des dispositions ou par la création d'organes de contrôle internationaux, on peut aussi être en présence d'une unification multilatérale du droit lorsque les normes juridiques internationales dans le domaine concerné ne sont pas nombreuses33.

La notion d'«unification multilatérale du droit» ne peut d'appliquer qu'à des normes individuelles revêtant une importance fondamentale.

30 31 32 33

FF 2000 2168.

Cf. art. 9.

FF 1988 II 894, 1990 III 904, 1992 III 318.

FF 1990 III 904 avec renvois.

3163

Les répercussions pour la Suisse de l'élargissement du champ d'application de la Convention et de ses Protocoles n'ont pas une portée telle que la modification de l'art. 1 puisse être qualifiée d'unification matérielle du droit au sens de l'art. 141 al. 1, let. d, Cst. L'arrêté fédéral présenté pour approbation n'est donc pas sujet au référendum facultatif en matière de traités internationaux.

3164