Directives concernant des mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle du 21 mai 2003

Le Conseil fédéral suisse, se fondant sur l'art. 64, al. 2, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)1, arrête les directives suivantes:

1

Champ d'application Les présentes directives s'adressent aux autorités de surveillance de la prévoyance professionnelle conformément à l'art. 64, al. 2, LPP. Ces directives s'appliquent aux institutions de prévoyance enregistrées (art. 48, 49, al. 2, 62, al. 1, 64 LPP et art. 89bis, al. 6, du code civil2). Il est recommandé aux autorités de surveillance d'appliquer par analogie les présentes directives à toutes les institutions de prévoyance qui sont soumises à la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage (LFLP)3.

2

Partie générale: principes applicables aux institutions de prévoyance en découvert Prestations et financement en équilibre

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1

Garantir le respect du principe selon lequel il doit exister un équilibre entre prestations et financement est une tâche permanente de l'organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance. En cas de découvert, le retour à l'équilibre doit faire l'objet de mesures prioritaires.

2 En situation de découvert, il convient en premier lieu d'analyser les causes de l'insuffisance de couverture. Si cette analyse montre qu'en sus des pertes sur la fortune, une base de financement insuffisante a grevé ou grève la situation financière, il est nécessaire de procéder à un examen du financement et des prestations et de procéder aux adaptations requises. Une base de financement insuffisante peut résulter par exemple de la prise en considération d'un rendement théorique de référence trop optimiste ou d'une cotisation de risque qui ne couvre pas suffisamment l'évolution des risques.

1 2 3

RS 831.40 RS 210 RS 831.42

2003-1040

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Mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle

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Principes et obligations de l'institution de prévoyance lors de la détermination de mesures destinées à résorber un découvert Lors de la détermination des mesures destinées à résorber un découvert, l'institution de prévoyance doit en particulier respecter les principes et obligations suivants:

221

Responsabilité propre de l'institution de prévoyance Le principe de la responsabilité propre de l'institution de prévoyance est applicable. L'organe paritaire suprême, respectivement la commission paritaire de prévoyance à l'échelon de la caisse de prévoyance de l'institution affiliée à une fondation collective, doit prendre les mesures nécessaires en fonction de l'importance du découvert et est responsable de leur application (cf. art. 44, al. 2 et 3, OPP 2, nouveau). L'organe de gestion doit s'appuyer sur les propositions de l'expert en prévoyance professionnelle et, au besoin, sur celles d'autres spécialistes tels que l'expert en placements ou l'organe de contrôle.

222

Annonce à l'autorité de surveillance (cf. art. 44, al. 3, OPP 2, nouveau) 1

L'institution de prévoyance doit annoncer dans tous les cas le découvert à l'autorité de surveillance directe compétente, indépendamment du degré dudit découvert. Cette information doit être transmise par écrit, au plus tard lors de la remise des comptes annuels.

2 L'information à l'attention de l'autorité de surveillance doit comporter au moins les indications suivantes, respectivement les documents suivants: a. rapport actuel de l'expert en prévoyance professionnelle (rapport actuariel ou expertise actuarielle, où le capital de prévoyance donne lieu à une présentation distincte du capital pour les assurés et du capital pour les rentes); b. concept de mesures, en d'autres termes présentation concluante des bases de décisions pour les mesures prises et des décisions correspondantes de l'organe paritaire suprême de gestion, et plan d'assainissement (programme de mise en oeuvre) indiquant dans quel délai et par quelles mesures il sera possible de résorber le découvert; c. preuve que le besoin prévisible de liquidités pourra être couvert; d. prises de position concernant: ­ le degré du découvert calculé selon la formule figurant dans l'annexe à l'OPP 2 (cf. art. 44, al. 1, OPP 2, nouveau); ­ les causes du découvert; e. événements significatifs postérieurs à la date du bilan; f. concept d'information (information initiale et information du suivi à l'attention des destinataires ­ assurés, bénéficiaires de rentes ­ et de l'autorité de surveillance.

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Mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle

223

Obligations en matière d'information ultérieure Dans le cadre de l'obligation de renseigner régulièrement l'autorité de surveillance sur le succès des mesures prises, l'institution de prévoyance doit, conformément à l'art. 44, al. 3, let. c, OPP 2, nouveau, assurer un suivi en continu de l'efficacité, de l'opportunité et de la durée d'application des mesures; au besoin, elle procède aux adaptations nécessaires. Elle doit se doter d'instruments de reporting adéquats.

224

Exigences accrues en matière d'information En cas de découvert, les institutions de prévoyance sont soumises à des exigences accrues en matière d'information. Les destinataires doivent être informés de l'existence d'un découvert et en particulier de son degré et des mesures prises pour y remédier. La périodicité des informations doit être adaptée à l'importance du découvert et aux mesures prises (cf. art. 44, al. 4, OPP 2, nouveau).

225

Devoir accru de diligence Un découvert se traduit pour l'institution de prévoyance par un devoir accru de diligence et par des exigences accrues en matière de transparence.

L'institution de prévoyance doit, en particulier, veiller avec plus d'attention encore à ce que la sécurité de la réalisation des buts de prévoyance soit garantie dans le domaine des placements (cf. art. 50, al. 2, OPP 2).

226

Exigences minimales pour les mesures 1

Les mesures doivent être conformes à la loi, ce qui signifie qu'elles ne doivent ni porter atteinte aux droits acquis, ni avoir aucun effet rétroactif illicite.

2

Les mesures doivent être adaptées au degré du découvert (cf. art. 44, al. 5, OPP 2, nouveau). Il est possible à cet égard de distinguer entre un découvert limité et un découvert important. Il y a lieu de considérer en règle générale qu'un découvert est important lorsque l'insuffisance de couverture est supérieure à 10 %. L'expert en prévoyance professionnelle doit donner son avis sur cette valeur de référence. Il s'appuie à cet effet sur des principes reconnus. Compte tenu de la situation propre à l'institution de prévoyance, un découvert peut être déjà important lorsque l'insuffisance de couverture est inférieure à la valeur dc référence précitée.

3

Les mesures doivent être adaptées aux contraintes de durée. Elles doivent pouvoir être appliquées en temps utile, être gérables au plan administratif et conduire à une résorption du découvert dans un délai raisonnable. En règle générale, un délai raisonnable s'entend d'une période de cinq à sept ans; une durée de dix ans ne devrait pas être dépassée.

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Mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle

4 Les mesures doivent prendre en compte les événements futurs prévisibles (changement de propriétaire de l'entreprise, externalisation d'unités de production, ventes partielles de l'entreprise, suppression générale de postes de travail, etc.).

5

Les mesures doivent être efficaces, compréhensibles, et cohérentes par rapport aux causes du découvert.

6

Les mesures doivent respecter la proportionnalité et être équlibrées dans le cadre d'un concept d'ensemble. La proportionnalité est respectée par exemple si les destinataires et/ou employeurs qui ont bénéficié antérieurement de prestations supplémentaires supportent la charge des mesures appliquées.

7 Les mesures doivent permettre de couvrir les besoins prévisibles en matière de liquidités.

23

Tâches de l'autorité de surveillance L'autorité de surveillance vérifie qu'un concept de mesures visant à résorber le découvert a été élaboré et que les documents et indications prévues sous le ch. 222, al. 2, ont été réunis. Elle en vérifie la légalité et elle examine si le concept de mesures présente de manière concluante les moyens d'atteindre les objectifs. Le concept de mesures doit comporter des indications sur le respect des principes susmentionnés, sur l'efficacité attendue et les échéances prévues. Il doit également indiquer les premières étapes contraignantes du processus de résorption du découvert et indiquer selon quelles modalités et avec quelle périodicité l'institution de prévoyance renseigne l'autorité de surveillance et les destinataires sur la progression de l'application des mesures. L'autorité de surveillance s'assure que les acteurs concernés (organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance, organe de contrôle, expert en prévoyance professionnelle) sont impliqués dans le processus conformément au partage légal de leurs rôles et examine en particulier si le concept de mesures a été élaboré avec le concours de l'expert en prévoyance professionnelle et au besoin d'autres spécialistes (tels que des expert en placements) et qu'il est fondé sur des décisions prises par l'organe paritaire suprême de gestion et figurant au procès-verbal de ce dernier. Elle surveille et examine l'établissement par l'institution de prévoyance de rapports réguliers sur l'efficacité des mesures.

231

Institutions affiliées à une fondation collective qui gèrent les placements de manière autonome Lorsque des fondations collectives autorisent les institutions affiliées à opérer de manière autonome les placements de la fortune, les règles applicables aux institutions affiliées qui sont en découvert sont en principe les mêmes que celles qui s'appliquent aux institutions de prévoyance autonomes.

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Mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle

3

Partie spéciale: mesures dans le cadre du droit en vigueur 1

Lorsqu'une mesure est nouvellement introduite, elle appelle une base expresse dans le règlement de l'institution de prévoyance. L'autorité de surveillance vérifie la légalité d'une éventuelle modification du règlement (pas d'effet constitutif).

2

La mise en oeuvre des mesures décrites ci-dessous soulève des questions qui doivent être clarifiées.

31

Prélèvement de cotisations supplémentaires destinées à résorber un découvert Une institution de prévoyance qui présente un découvert peut, sur la base d'une disposition réglementaire expresse, prélever des cotisations supplémentaires auprès de l'employeur et des employés afin de résorber le découvert lorsque l'employeur prend à sa charge la moitié au moins desdites cotisations. Par exception, en raison du caractère temporaire du prélèvement, la prescription d'une part patronale au moins équivalente à celle des employés doit s'appliquer spécifiquement au montant de la cotisation supplémentaire. Cette disposition est valable aussi bien dans le domaine obligatoire que dans le domaine surobligatoire de la prévoyance professionnelle.

Lorsque des cotisations supplémentaires sont prélevées, il y a lieu d'observer le principe de proportionnalité. L'expert en prévoyance professionnelle doit se prononcer dans le concept de mesures sur leur nécessité au plan matériel et quant à leur durée.

311

Aspects fiscaux 1

Les cotisations destinées à résorber un découvert et versées par les employeurs et les employés sont déductibles des impôts comme les autres cotisations paritaires (cf. art. 81 LPP). Les contributions à fonds perdus versées par l'employeur en vue de résorber un découvert constituent au plan du droit fiscal une dépense justifiée par l'usage commercial. De même, les contributions destinées à la constitution de réserves de fluctuation peuvent donner lieu à déduction fiscale pour l'employeur.

2

La déduction fiscale des cotisations et des contributions suppose une base réglementaire. Cette exigence est remplie lorsque la décision de l'organe paritaire suprême de gestion est indiquée en addendum au règlement.

D'autres prescriptions des autorités fiscales demeurent réservées.

312

Limites légales Si un assuré quitte l'institution de prévoyance individuellement, les prescriptions minimales de la LPP et de la loi sur le libre passage (LFLP) s'appliquent sans aucune restriction et il y a lieu en particulier de respecter les dispositions de l'art. 17 LFLP, ce qui limite l'efficacité des cotisations assumées paritairement.

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Cotisation pour des mesures spéciales au sens de l'art. 70 LPP Les cotisations pour des mesures spéciales peuvent être affectées à la résorption d'un découvert pour autant que les obligations légales soient garanties. L'expert en prévoyance professionnelle doit vérifier, dans le cas concret, si cette condition est remplie. Cette obligation s'applique également à la dissolution de réserves qui ont été constituées conformément à l'art. 70 LPP.

321

Limites légales Le respect des dispositions de l'art. 70, al. 1, LPP relatives à l'amélioration des prestations de la génération d'entrée doit être assuré.

33

Application d'un taux intérêt réduit ou nul dans le cadre des institutions de prévoyance enveloppantes en primauté des cotisations 1 Les institutions de prévoyance enregistrées et en primauté des cotisations qui étendent la prévoyance au-delà des prestations minimales de la LPP (institutions de prévoyances dites enveloppantes) peuvent, en cas de découvert, appliquer à l'ensemble de l'avoir d'épargne un taux d'intérêt réduit ou nul en application du principe d'imputation.

2 L'application d'un taux d'intérêt réduit ou nul est inefficace pour résorber un découvert dans le cas des institutions en primauté des prestations et pour augmenter les capitaux de couverture des rentes.

331

Limites légales 1

L'application d'un taux d'intérêt réduit ou nul en application du principe d'imputation dans le cas d'une institution de prévoyance enveloppante et en primauté de cotisations n'est licite que si cette possibilité est prévue dans le règlement et seulement durant la période pendant laquelle existe un découvert. Le devoir d'information envers les assurés et l'autorité de surveillance doit également être respecté.

2 Si un assuré quitte l'institution de prévoyance individuellement, les prescriptions minimales de la LPP et de la LFLP s'appliquent sans aucune restriction et il y a lieu en particulier de respecter les dispositions de l'art. 17 LFLP. L'institution de prévoyance doit fournir la preuve que lors du calcul du compte-témoin LPP et que lors du calcul de la prestation de sortie selon la LFLP, la rémunération au taux d'intérêt minimal selon l'art. 15 LPP (en relation avec l'art. 12 OPP 2) est respectée.

3 Les règlements peuvent prévoir que l'organe paritaire suprême de gestion ne fixe le taux d'intérêt pour l'année écoulée qu'après avoir pris connaissance des comptes annuels. S'il existe une telle disposition dans le règlement, on est en présence d'une réduction licite rétroactive du taux d'intérêt.

En règle générale, les mesures avec effet rétroactif sont toutefois interdites.

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Mesures destinées à résorber les découverts dans la prévoyance professionnelle

34

Réduction de la prestation de sortie en cas de liquidation totale ou partielle En cas de liquidation totale ou partielle, l'institution de prévoyance en découvert peut déduire proportionnellement les découverts techniques (cf.

art. 19 et 23, al. 3, LFLP).

341

Limites légales L'avoir de vieillesse selon la LPP ne peut en aucun cas être réduit. L'autorité de surveillance décide formellement sur demande de l'organe paritaire suprême, si les conditions d'une liquidation partielle ou totale sont remplies, si le découvert technique peut être déduit proportionnellement au regard de l'ampleur du découvert et si la clé de répartition est conforme aux principes généraux applicables en la matière. Cette décision est sujette à recours.

35

Modification des prétentions réglementaires futures dans le domaine surobligatoire Sur la base d'une disposition réglementaire expresse (modification réservée), l'organe paritaire suprême de l'institution de prévoyance peut réduire les droits futurs (droits expectatifs) des assurés à des prestations surobligatoires, d'une manière générale ou temporairement seulement.

351

Limites légales 1

S'il n'existe pas de base réglementaire suffisante (modification réservée), les conditions formelles d'une modification du règlement, respectivement d'une modification du plan de prévoyance, doivent être respectées. Il est en particulier impératif que le règlement modifié soit soumis au contrôle de conformité légale de l'autorité de surveillance.

2 Il y a lieu d'observer l'interdiction de la rétroactivité et la protection des droits acquis des destinataires et ainsi la distinction entre droits déjà acquis et droits à acquérir (cf. art. 21 LFLP, changement de plan de prévoyance).

Aussi longtemps que des expectatives de prestations futures peuvent être réduites ­ notamment lorsque les conditions d'une modification unilatérale d'un règlement sont remplies ­ ces expectatives ne bénéficient pas de la garantie des droits acquis. Ce n'est que lorsque le règlement lui-même est déclaré irrévocable sur un point précis (p. ex. le droit à certaines prestations) ou lorsque des garanties explicites ont été données dans un cas précis que la garantie des droits acquis l'emporterait sur une éventuelle réduction des droits expectatifs.

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4

Entrée en vigueur Les présentes directives entrent en vigueur le 1er juillet 2003.

21 mai 2003

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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