01.408 Initiative parlementaire Divorce sur demande unilatérale. Période de séparation Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 29 avril 2003

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la commission vous soumet le présent rapport qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose, par 15 voix contre 2 et avec 1 abstention, d'adopter le présent projet de loi.

29 avril 2003

Pour la commission: La présidente, Anita Thanei

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2003-1005

Condensé Le nouveau droit du divorce entré en vigueur le 1er janvier 2000 fait l'objet de critiques, notamment en relation avec la durée de séparation au terme de laquelle un conjoint peut déposer une demande unilatérale de divorce. Le délai de quatre ans est jugé trop long par les praticiens et ressenti comme pesant. L'abaissement de la durée de séparation à deux ans demandé par l'initiative parlementaire de la conseillère nationale Lili Nabholz répond donc à un besoin.

La durée de séparation de quatre ans a engendré des effets négatifs. Un conjoint peut refuser le divorce quel que soit le motif et ainsi contraindre l'autre à attendre l'échéance du délai de séparation. Le délai étant fréquemment ressenti comme trop long, le conjoint désireux de divorcer peut être l'objet de pressions. Il ne peut que recourir à l'art. 115 CC qui prévoit d'accorder le divorce avant le délai de quatre ans lorsqu'il est avéré par des motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables que la perpétuation du mariage est insupportable. Cet article au caractère subsidiaire se voit ainsi attribué une place plus importante qu'envisagée par le législateur.

Réduire la durée de séparation à deux ans permet de corriger ces situations tout en préservant les couples de dissoudre leur mariage trop rapidement et avec trop de désinvolture.

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Rapport 1

Situation initiale

1.1

Initiative parlementaire

Le 20 mars 2001, Mme Lili Nabholz, conseillère nationale, a déposé une initiative parlementaire visant à modifier les art. 114 et 115 du code civil suisse (CC)1 afin de ramener de quatre ans à deux ans la durée de séparation nécessaire au terme de laquelle un conjoint peut déposer une demande unilatérale de divorce.

Le 5 novembre 2001, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a procédé à l'examen préalable de l'initiative parlementaire. Elle a proposé par 14 voix contre 5 et avec 3 abstentions d'y donner suite. Une minorité proposait de charger le Conseil fédéral, par le biais d'une motion, d'élaborer un projet de nouvelle réglementation de la durée de séparation des art. 114 et 115 CC qui tienne compte de la durée du mariage et de l'éventuelle présence d'enfants communs mineurs2.

Le 16 septembre 2002, le Conseil national, se ralliant à la proposition de la majorité de la commission, a décidé par 131 voix contre 18 de donner suite à l'initiative. Il a refusé par 125 voix contre 21 de transmettre la motion de la minorité de la commission.3 Conformément à l'art. 21quater, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC)4, le Conseil national a chargé sa Commission des affaires juridiques d'élaborer un projet d'acte législatif.

1.2

Travaux de la commission

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a traité cette initiative les 17 février et 29 avril 2003. Elle a d'emblée décidé de se limiter à la réduction du délai de la période de séparation en cas de divorce sur demande unilatérale. Elle tient ainsi compte du net refus par le Conseil national de la motion qui avait été proposée par une minorité de la commission (01.3645). Elle tient également compte du fait qu'une réflexion plus générale et plus approfondie relative aux effets du nouveau droit du divorce sera menée sur la base d'un postulat (00.3681. Po. Jutzet.

Application du nouveau droit du divorce) adopté par le Conseil national le 20 mars 20015. Ce postulat charge le Conseil fédéral de dresser un bilan général des expériences faites par les praticiens en relation avec le nouveau droit du divorce, afin de préparer une révision de la loi dans les meilleurs délais. L'enquête doit être menée en 2003; on ne peut guère espérer un rapport avant la fin de cette année.

1 2 3 4 5

RS 210 01.3645. Mo CAJ-CN (01.408) (minorité Thanei). Divorce sur demande unilatérale.

Période de séparation.

BO CN 16.09.2002 RS 171.11 BO CN 20.03.2001

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Le 29 avril 2003, la commission a approuvé par 15 voix contre 2 et avec 1 abstention le présent rapport et le projet de loi.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Genèse du droit actuel

2.1.1

Les causes de divorce

L'ancien droit connaissait, à côté d'une cause générale de divorce (art. 142 aCC), des causes déterminées, soit l'adultère, l'attentat à la vie, les sévices et les injures graves, le délit et l'atteinte à l'honneur, l'abandon malicieux, la maladie mentale et le divorce après une séparation de corps ordonnée par le juge (art. 137 à 141 et 148 aCC). Avant l'entrée en vigueur du droit actuel, environ 98,6 pour cent des divorces étaient fondés sur la cause générale de divorce, soit la rupture irrémédiable de l'union conjugale (art. 142, al. 1, aCC), en l'absence toutefois de règles de procédure spécifiques. Au plus tard au cours de la procédure, les époux se mettaient en général d'accord sur le principe du divorce. Se fondant sur les déclarations des parties, le juge se contentait souvent d'un examen sommaire du caractère irrémédiable de la rupture de l'union conjugale. L'al. 2 de cette disposition prévoyait que si la désunion profonde était surtout imputable à l'époux demandeur, le mariage ne pouvait être dissous contre la volonté de son conjoint. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une opposition au divorce après une séparation de fait de quinze ans était considérée comme abusive de droit sauf preuve du contraire.6 Afin de tenir compte de l'évolution de la société, le législateur a voulu, avec le nouveau droit, formaliser les causes de divorce. Il s'agissait d'écarter autant que possible la notion de faute qui était encore importante sous l'ancien droit, aussi bien en ce qui concernait les causes du divorce que ses effets, et d'éviter les conflits entre les époux à propos de la cause du divorce7.

Il existe désormais trois causes de divorce dont deux sont nouvelles: le divorce sur requête commune (art. 111 et 112 CC) et le divorce sur demande unilatérale après séparation pendant un temps déterminé (art. 114 CC). Lorsque les conditions (requête commune ou séparation) sont réalisées, le mariage est considéré comme ayant définitivement échoué. Il s'agit d'une présomption légale et irréfragable8.

Le divorce peut en outre, à titre subsidiaire, être requis pour rupture du lien conjugal lorsqu'on ne peut raisonnablement pas exiger du conjoint demandeur qu'il attende l'expiration du délai de séparation (art. 115 CC).

Les causes de divorce ont été conçues de manière à favoriser la priorité du divorce sur requête commune par rapport au divorce contentieux.9

6

7 8 9

Message du Conseil fédéral du 15 novembre 1995 concernant la révision du code civil suisse (état civil, conclusion du mariage, divorce, droit de la filiation, dette alimentaire, asiles de famille, tutelle et courtage matrimonial); FF 1996 I 1, 20 s., 85.

Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, Zurich 1999, note 2 p. 45 Sutter/Freiburghaus, op. cit., note 10 p. 47, note 4 ad art. 114.

Perrin J.-F., Les causes du divorce selon le nouveau droit in: Etudes de droit suisse, Berne 1999, p. 23.

Message précité; FF 1996 I 1, 85.

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2.1.2

La durée de la suspension de la vie commune

L'art. 114 CC est basé sur l'idée qu'il peut être présumé qu'après un certain temps de vie séparée, l'union conjugale est rompue de sorte que le divorce peut être prononcé à la demande d'un conjoint abstraction faite de la notion de faute. Selon le Conseil fédéral, ce délai de séparation devait être à la fois assez long ­ afin que la notion de répudiation soit écartée et que les conjoints aient intérêt à trouver un accord relatif à leur divorce ­ et assez bref afin que les conjoints puissent refaire leur vie à court ou moyen terme. Sur la base des travaux de la commission d'experts et des résultats de la consultation, le Conseil fédéral avait retenu qu'un délai de séparation de cinq ans était approprié pour constituer une cause de divorce. Ce délai présentait à ses yeux l'avantage de rendre superflue l'adoption d'une clause de dureté, laquelle rouvrirait la porte à la notion de faute, de laisser la priorité au divorce sur requête commune et de souligner la valeur fondamentale de l'institution du mariage.10 La durée du délai de séparation a été particulièrement controversée dans le débat parlementaire.

Lors du premier débat du Conseil national11 relatif aux art. 114 et 115 CC, celui-ci n'a pas suivi le Conseil fédéral et le Conseil des Etats12 quant à la durée de séparation de cinq ans. Il lui a préféré par 63 voix contre 33 un délai de trois ans.

Pour le Conseil national, ce délai suffisait à réfléchir à l'opportunité du divorce sans contraindre deux conjoints à demeurer mariés contre la volonté de l'un et tenait compte du fait qu'environ un tiers des divorces survient après un mariage de courte durée. Lors du deuxième débat du Conseil des Etats13, celui-ci a maintenu que le délai de séparation de cinq ans était adéquat. Le divorce par consentement mutuel devait avoir la priorité par rapport au divorce sur demande unilatérale et ceci serait de son point de vue mis en péril si le délai de séparation était trop bref. A son tour, le Conseil national14 a maintenu lors du deuxième débat la durée de séparation de trois ans mais cette fois à une majorité plus courte de 69 voix contre 62. A l'occasion de la procédure d'élimination des divergences, le Conseil des Etats15 a décidé par 18 voix contre 14 de fixer la durée de séparation à quatre ans, estimant qu'un délai de trois ans était trop bref pour le
conjoint en position de faiblesse. Sa commission proposait en revanche de se rallier à la décision du Conseil national. Elle estimait notamment qu'un délai de séparation de cinq ans était long si l'on tenait compte du fait qu'environ un tiers des divorces survient après un mariage d'une durée inférieure et soulignait que le risque existe avec un délai trop long qu'il ne soit fréquemment fait recours à l'art. 115 CC, lequel pourrait alors être interprété plus largement que prévu par la loi. Le Conseil national16 s'est finalement rallié par 101 voix contre 32 à la décision du Conseil des Etats en dépit du risque argué par une minorité que l'art. 115 CC ne perde son caractère exceptionnel si le délai de l'art. 114 CC était trop long.

10 11 12 13 14 15 16

Message précité; FF 1996 I 1, 92 ss BO CN 15.­16.12.1997 BO CE 25.09.1996 BO CE 12.03.1998 BO CN 15.06.1998 BO CE 18.06.1998 BO CN 23.06.1998

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2.2

Mise en pratique du droit actuel

Dans la pratique, il s'est vite avéré que les craintes exprimées dans le débat parlementaire à propos d'un long délai de séparation étaient fondées. A côté des divorces sur requête commune, il reste des divorces conflictuels pour lesquels le nouveau droit se révèle insatisfaisant. Les nouveaux art. 114 et 115 CC ont déjà donné lieu à de nombreux arrêts du Tribunal fédéral.

Lorsque l'un des conjoints s'oppose au divorce, il faut attendre que les époux aient été séparés pendant quatre ans dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 115 CC ne sont pas remplies. Dans la pratique, on constate que le refus de divorcer n'est pas nécessairement basé sur l'espoir d'une réconciliation17. Peuvent par exemple constituer des motifs de refus le désir de se venger de son conjoint, le désir de faire pression pour obtenir gain de cause à propos de la garde des enfants ou pour obtenir des avantages financiers ou successoraux, ou encore il peut s'agir de motifs relevant de la police des étrangers.

Les conjoints doivent davantage faire appel aux tribunaux pour régler leur vie séparée et particulièrement ses aspects économiques. N'étant pas prêts à faire gracieusement des concessions pécuniaires durant près de quatre ans, ils en appellent aux juges dès que survient un changement dans leur situation personnelle. C'est ainsi que l'entrée en vigueur du nouveau droit du divorce a vu le nombre des procédures de mesures protectrices de l'union conjugale augmenter. Les conjoints comparaissent alors plus souvent qu'ils ne le souhaiteraient devant les tribunaux et les conflits sont déplacés des procédures en divorce vers les procédures de mesures protectrices de l'union conjugale.

Le délai de séparation de quatre ans peut être ressenti comme long et pesant, particulièrement dans le cas d'un mariage brisé depuis longtemps. Le processus de séparation tire en longueur et peut être très pénible du point de vue émotionnel. Dans bien des cas, le délai apparaît comme disproportionné; en effet, le divorce est particulièrement fréquent pendant les six premières années de mariage18.

Dès lors, les conjoints désireux d'obtenir le divorce vont invoquer l'existence de motifs sérieux qui rendent la continuation du mariage insupportable au sens de l'art. 115 CC, afin de pouvoir divorcer dans un délai plus bref. Le conjoint demandeur
expose alors au grand jour les motifs personnels et intimes qui justifient à ses yeux qu'il ne puisse plus supporter le maintien du lien matrimonial. La notion de faute, que l'on a voulu écarter lors de la récente révision, trouve ainsi un souffle nouveau. A cela s'ajoute les difficultés liées à la preuve de faits invoqués qui se déroulent dans l'intimité du couple.

Dans sa jurisprudence19, le Tribunal fédéral précise que, selon la volonté du législateur, l'art. 115 CC doit être interprété selon des critères plus sévères que l'art. 142 aCC. Selon le nouveau droit, il s'agit de déterminer si l'on peut raisonnablement exiger du conjoint demandeur qu'il attende la fin du délai de 17 18 19

ATF 126 III 404, 5C.242/2001.

Sutter/Freiburghaus, op. cit., p. 11.

ATF 126 III 404, 127 III 129, 127 III 342, 5C.63/2001, 127 III 347, 5C.35/2001, 5C.227/2001, 128 III 1, 5C.281/2001, 5C.242/2001, 5C.156/2001, 5C.272/2001, 5C.221/2001, 5C.46/2002, 5C.18/2002.

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séparation de quatre ans pour obtenir le divorce eu égard au caractère insupportable du lien juridique matrimonial et non plus, comme sous l'empire de l'art. 142 aCC, de déterminer si l'on peut exiger de lui le maintien de l'union conjugale pendant une durée indéterminée en raison du caractère insupportable de la vie commune. En vertu de l'art. 115 CC, il doit être déterminé si le maintien du lien légal peut raisonnablement être exigé sur le plan affectif, autrement dit si la réaction spirituelle et émotionnelle qui pousse le conjoint demandeur à ressentir la perpétuation des liens juridiques pendant quatre ans comme insupportable est objectivement compréhensible20. A défaut d'une telle interprétation, il y aurait un risque que l'art. 115 CC devienne en pratique ­ comme c'était le cas de l'art. 142 aCC ­ la principale cause de divorce au détriment des causes de divorce formalisées, ce qui irait à l'encontre de la volonté du législateur.

Dans un arrêt du 8 février 200121, le Tribunal fédéral a précisé que la continuation du mariage est insupportable lorsque le maintien du lien juridique durant quatre ans apparaît objectivement intolérable pour l'époux. L'existence de motifs sérieux ne doit pas être soumise à des exigences excessives. Savoir s'il est objectivement insupportable de faire perdurer le lien juridique matrimonial jusqu'à l'échéance du délai de séparation de quatre ans dépend des circonstances particulières de chaque cas de sorte qu'il n'est ni possible ni souhaitable d'établir des catégories de circonstances susceptibles d'être des motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC. Pour le Tribunal fédéral, la formulation ouverte de l'art. 115 CC doit au contraire permettre aux tribunaux de tenir compte des circonstances du cas particulier qui leur est soumis ainsi que d'appliquer les règles du droit et de l'équité conformément à l'art. 4 CC.22 Il n'en demeure pas moins qu'une interprétation plus flexible concernant l'existence d'un tel motif est nettement limitée par la volonté du législateur de « dépénaliser » le divorce23.

Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a ainsi admis que les actes de violence, à condition qu'ils mettent en péril la santé physique et psychique, peuvent constituer des motifs sérieux au sens de l'art. 115 CC, notamment dans le cas d'une épouse battue par son époux qui
a dû être soignée psychiquement de manière intensive et sur une longue période24. Postérieurement, le Tribunal fédéral a en revanche jugé que le défaut de volonté des conjoints de reprendre la vie commune ajouté au fait que chacun des conjoints ait ou va avoir un enfant avec un nouveau partenaire, que l'un veut se remarier et que le divorce ne présenterait pas d'inconvénients économiques pour l'épouse ne suffit pas à rendre le maintien du lien légal insupportable25.

20 21 22 23

24 25

Notamment ATF 5C.18/2002.

ATF 127 III 129, cons. 3.

ATF 126 III 404, 127 III 129.

Rumo-Jungo A., Die Unzumutbarkeit der Fortsetzung der ehelichen Gemeinschaft bzw.

der Ehe nach altem und neuem Scheidungsrecht: übergangsrechtliche Probleme in: Recht 2/2001, p. 82 ss; Jutzet Erwin, Streifzüge durch abgeschlossene und bevorstehende ZGB-Novellen in: Revue fribourgeoise de jurisprudence, numéro spécial «RFJ 10 ans»/2002, p. 47 ss, 51 s.

ATF 127 III 129, voir aussi 5C.156/2001; 126 III 404 et 5C.35/2001 (qui nient l'existence de motifs sérieux).

ATF 5C.242/2001 du 11 décembre 2001.

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En décidant de privilégier le divorce sur requête commune, le législateur a voulu inciter les époux à se mettre d'accord sur le divorce et ses effets, dans l'intérêt de toutes les personnes concernées. Dans les cas conflictuels, l'application restrictive de l'art. 115 CC peut avoir pour conséquence indésirée d'envenimer encore les relations entre les époux. Celui qui s'oppose au divorce aura tendance à poser des conditions exagérées. Celui qui désire divorcer sera incité à se mettre très largement d'accord avec son conjoint.

2.3

Droit comparé

Les Etats scandinaves connaissent des délais de séparation courts: au Danemark et en Norvège, le divorce peut être prononcé une année après le prononcé de la séparation judiciaire et deux ans après la séparation de fait. En Suède et en Finlande, le divorce sur demande unilatérale d'un des époux contre la volonté de l'autre peut être prononcé après une période de réflexion de six mois; le délai de réflexion tombe si les époux vivent séparés depuis deux ans.

La situation est plus complexe dans les pays qui nous entourent. En France, la rupture du lien conjugal est admise après une période de séparation de six ans (art. 237 CCfr). Le divorce peut être demandé avant pour des faits imputables à l'autre lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune (art. 242 CCfr). En Allemagne, le délai de séparation est de trois ans (§ 1566 al. 2 BGB). Lorsque les époux vivent séparés depuis moins d'un an, le divorce peut être prononcé à la demande d'un conjoint lorsque le maintien du mariage serait pour lui insupportable pour des motifs inhérents à la personne de l'autre conjoint (§ 1565 al. 2 ZGB). Le juge peut retarder le divorce si celui-ci aurait, pour le conjoint défendeur ou les enfants du couple, des conséquences particulièrement pénibles sur le plan personnel ou matériel (§ 1568 BGB). En Autriche, chaque époux peut demander le divorce lorsque la vie commune est interrompue depuis trois ans; le divorce n'est toutefois pas prononcé si le tribunal est convaincu qu'il faut s'attendre à une reprise d'une communauté de vie comparable à l'institution du mariage.

L'époux défendeur peut également s'opposer au divorce lorsque l'époux demandeur est exclusivement ou de manière prépondérante responsable de la rupture du lien conjugal et lorsque le prononcé du divorce aurait des conséquences plus pénibles pour l'époux défendeur que le refus de prononcer le divorce pour l'époux demandeur. Le droit d'obtenir le divorce sans condition est acquis après une séparation de six ans (§ 55 EheG). En Italie, un époux peut demander le divorce après une séparation judiciaire de trois ans; une séparation de fait ne suffit pas (art. 3, loi sur la dissolution du mariage).

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2.4

Diminution de la durée de séparation au terme de laquelle un conjoint peut déposer une demande en divorce unilatérale

La commission est d'avis qu'une réduction de la durée de séparation de quatre à deux ans est propre à remédier aux défauts du droit actuel. Un délai de séparation de deux ans sera ressenti de façon moins négative par le conjoint désireux de divorcer et éventuellement de refaire sa vie à court ou moyen terme. Le délai d'attente étant supportable, la tentation de recourir à l'art. 115 CC pour obtenir le divorce sera notablement diminuée. Le but de la révision sera alors finalement atteint et l'art. 115 CC aura, théoriquement et pratiquement, le caractère subsidiaire qui lui a été initialement attribué.

Empêcher un conjoint de divorcer durant quatre ans quand bien même son mariage est brisé et qu'il n'existe aucune chance de réconciliation durable n'est pas propre à rendre l'institution du mariage moins fragile. Il est un fait avéré que l'on tend à divorcer plus et plus rapidement que par le passé et qu'il n'est guère possible de lutter contre cette évolution par le maintien de règles sévères. Si l'institution du mariage doit conserver une place fondamentale dans notre société, cette volonté ne saurait justifier à elle seule de maintenir un délai de séparation jugé trop long par la doctrine, les praticiens en général et de nombreux conjoints26.

Le délai de séparation doit permettre aux conjoints d'avoir une réflexion saine sur la suite qu'ils entendent donner à leur union matrimoniale. Ils doivent être en mesure de décider en toute connaissance de cause si, après un temps de vie séparée, une reprise de la vie commune est possible et désirée. Le délai de séparation doit également permettre au conjoint qui refuse le divorce, éventuellement pour des raisons matérielles, de réorganiser sa vie, surtout dans le cas d'un mariage de longue durée. Réduire le délai de séparation à deux ans n'empêche pas ces processus. Deux ans sont suffisants pour qu'un couple puisse déterminer si l'union est définitivement brisée. Ils sont également suffisants pour le conjoint qui doit réorganiser sa vie.

Après deux ans, le droit de visite éventuel s'est également réglé.

La distance qui s'est créée permet alors d'envisager un divorce plus sereinement et les chances de parvenir à un divorce non conflictuel sont plus grandes. Dans le cas contraire où les relations demeurent litigieuses, le fait d'attendre deux ans de plus
n'apporterait pas d'améliorations réelles.

La révision proposée concorde avec le système des causes de divorce du nouveau droit, qui a fait ses preuves. Plus le délai prévu à l'art. 114 CC sera court, moins les époux invoqueront des motifs sérieux rendant la poursuite du mariage insupportable.

Même avec un délai de séparation de deux ans, l'art. 115 CC garde sa raison d'être.

On ne peut exclure qu'avec une réduction du délai de séparation, l'incitation à se mettre d'accord sur le divorce et ses effets diminue pour certains époux. Le but non contesté de la révision du droit du divorce, à savoir le fait de privilégier les divorces sur requête commune, dans l'intérêt de toutes les personnes concernées, par rapport 26

Rumo-Jungo A., Die Unzumutbarkeit der Fortsetzung der ehelichen Gemeinschaft bzw.

der Ehe nach altem und neuem Scheidungsrecht: übergangsrechtliche Probleme in: Recht 2/2001, p. 82 ss, 84; Weber R., Résumé et critique de l'ATF 127 III 129 in: AJP/PJA 4/2001, p. 466 ss, 469 s.

Vetterli R., Die Scheidung auf Klage in der Praxis in: AJP/PJA 1/2002, p. 102 ss, 108.

3498

aux divorces conflictuels, demeure inchangé. Un délai de séparation de deux ans est aussi assez long pour ne pas trop mettre à l'arrière plan le divorce sur requête commune, cela d'autant plus que la durée de la procédure s'ajoute à la durée de la séparation.

La commission est d'avis que même avec un délai de séparation moins long, il n'y a pas lieu d'introduire une clause de dureté permettant de retarder le divorce lorsque celui-ci aurait pour l'un des époux des conséquences exceptionnelles et excessivement pénibles. Certains Etats (p. ex. Allemagne, Angleterre, France, Autriche) connaissent de telles clauses; elles font toutefois l'objet de critiques et sont appliquées rarement27. Ces clauses ont notamment le défaut de raviver la notion de faute que l'on a voulu autant que possible supprimer du droit du divorce.

Vu le besoin avéré de modifier la durée de la séparation pour un divorce sur demande unilatérale, la commission est d'avis qu'il convient de légiférer sur ce point sans attendre le rapport du Conseil fédéral à propos du postulat Jutzet «Application du nouveau droit du divorce» (00.3681).

2.5

Durée de la séparation lors de procès en divorce pendants

Sur le modèle de l'art. 7b tit. fin. CC, les procès en divorce qui doivent être jugés par une instance cantonale sont soumis dès l'entrée en vigueur du nouveau droit aux nouvelles conditions du divorce au sens des art. 114 et 115 P CC (art. 7c P tit. fin.

CC). Pour que l'autorité judiciaire fasse droit à la demande de divorce au sens de l'art. 114 P CC, il suffit que les conjoints aient vécu séparés pendant deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur du nouveau droit, et non pas à compter de la date d'introduction de la demande de divorce (cf. ATF 126 III 401). Lorsqu'un procès est pendant devant une autorité judiciaire cantonale pour des motifs qui rendent la continuation du mariage insupportable (art. 115 CC), le divorce peut être prononcé lorsque la durée minimale de la séparation (deux ans) prévue à l'art. 114 P CC est écoulée.

Si le Tribunal fédéral a rendu un arrêt avant l'entrée en vigueur du nouveau droit ­ autrement dit selon l'ancien droit ­ et renvoyé l'affaire à l'autorité cantonale, le nouveau droit s'applique dans la procédure cantonale qui fait suite au renvoi, dans la mesure où le nouveau droit est entré en vigueur entre temps. Pour le reste, le Tribunal fédéral statue selon l'ancien droit lorsque celui-ci est également déterminant pour le contrôle de la conformité au droit de la décision attaquée.

27

Message précité; FF 1996 I 1, 43 s.

3499

3

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

La modification prévue dans les art. 114 et 115 CC n'entraînera ni dépenses supplémentaires à charge de la Confédération, des cantons ou des communes ni effets sur l'état du personnel. On peut admettre que cette modification législative entraînera une diminution des procédures devant les tribunaux civils.

4

Constitutionnalité

La compétence de la Confédération pour édicter des dispositions en matière de droit civil se fonde sur l'art. 122, al. 1, de la Constitution.

3500