99.430 Initiative parlementaire (Gross Andreas) Campagnes de votation. Publication des montants de soutien importants Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 21 février 2003

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La commission vous soumet le présent rapport concernant le classement de l'initiative parlementaire 99.430 (Gross Andreas) Campagnes de votation. Publication des montants de soutien importants.

Conformément à notre mandat, nous avons examiné plusieurs variantes de mise en oeuvre de l'initiative sans parvenir à un résultat satisfaisant. Par 14 voix contre 8, la commission vous demande donc de classer l'initiative.

La minorité de la commission (Gross Andreas, Bühlmann, Garbani, Hubmann, Marty Kälin, Sommaruga, Tillmanns, Vermot) demande de renvoyer l'initiative à la Commission des institutions politiques et de charger cette dernière d'élaborer un projet.

21 février 2003

Au nom de la commission: Le président, Charles-Albert Antille

2003-1024

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Rapport 1

L'initiative parlementaire Gross Andreas (99.430)

Le 18 juin 1999, le conseiller national Andreas Gross (PS, ZH) déposait une initiative parlementaire demandant que les sources des contributions financières à une campagne précédant une votation soient déclarées de manière à pouvoir les rendre publiques. L'auteur de l'initiative part du principe qu'il est essentiel, pour la formation de l'opinion du citoyen et la transparence du débat démocratique, de savoir qui a dépensé combien, et dans quel but, pour défendre un point de vue dans une campagne de votation. Il estime que, pour juger d'une campagne promotionnelle, il est important de savoir si elle se nourrit d'une multitude de petites contributions ou bénéficie de la manne de quelques donateurs seulement, pesant d'un poids d'autant plus lourd. L'auteur de l'initiative renvoie à d'autres systèmes de démocratie directe qui connaissent de telles règles en matière de transparence.

2

Approbation par le Conseil national et mandat à la sous-commission «Médias et démocratie»

Le 11 novembre 1999, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP) a accepté de donner suite à l'initiative par 9 voix contre 6 et 2 abstentions. La majorité de la commission était d'avis que la transparence du financement de la vie politique est un élément important de la démocratie. Cela est d'autant plus vrai que les sommes d'argent qui sont investies et qui doivent être investies dans les campagnes de votation sont de plus en plus importantes. De l'avis de la commission, l'information sur la provenance des fonds aurait dû aider les ayants droit au vote à reconnaître les intérêts en jeu des objets en votation et leur permettre de se forger une opinion. La commission a également relevé que de telles obligations de publier les montants de soutien aux campagnes de votation sont très répandues aux EtatsUnis, l'un des pays adeptes du libéralisme par excellence.

En revanche, pour une minorité des membres de la commission, l'information sur l'origine des moyens publicitaires ne paraissait pas si importante du point de vue de la formation de l'opinion des ayants droit au vote. En particulier, cette minorité était sceptique quant à la praticabilité d'une telle obligation de publicité. Elle estimait qu'il y a de très nombreuses façons de travestir la provenance effective des moyens financiers, ne serait-ce qu'au moyen de versements indirects ou anonymes.

Le 23 mars 2000, le Conseil national a suivi la proposition de la majorité de la commission par 70 voix contre 63 (BO 2000 N 436). Là-dessus, le Bureau a chargé la CIP d'élaborer un projet dans les deux ans (c'est-à-dire avant la session d'été 2002). La CIP a confié cette tâche à sa sous-commission «Médias et démocratie»1. Il s'est rapidement avéré que la mise en oeuvre de l'initiative se serait pas chose aisée.

Il a été nécessaire de concevoir de nombreuses variantes. L'élaboration du projet s'en est trouvée retardée. De plus, la sous-commission était déjà fortement chargée 1

Membres: Gross Andreas (président), Antille, Aeppli Wartmann, Bühlmann, Eberhard, Engelberger, Joder, Leuthard, Weyeneth

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par d'autres objets exigeants (99.427 Iv. pa. Stamm Judith et la rédaction d'un article constitutionnel sur les médias). Ainsi, bien qu'ayant siégé à 17 reprises depuis début 2000, la sous-commission n'est parvenue à consacrer que quatre journées de séance à l'objet du présent rapport. Pour cette raison, le 21 juin 2002, la CIP a demandé au Conseil de prolonger le délai de deux ans, ce qu'il a accepté par 101 voix contre 84 (BO 2002 N 1122).

3

Examen des possibilités de mise en oeuvre

3.1

Situation aux Etats-Unis

Etant donné que les Etats-Unis disposent de la plus vaste expérience en matière d'obligations de publier la provenance des fonds pour les campagnes électorales et campagnes de votation, le professeur Silvano Möckli de l'Université de Saint-Gall a été associé à l'élaboration d'une base de travail commune. Il a en particulier été chargé de répondre aux questions suivantes: 1.

Aux Etats-Unis, quelles sont les dispositions et procédures en matière de publicité relative aux montants de soutien aux campagnes électorales et campagnes de votation en vigueur à l'échelon fédéral et à celui des Etats fédéraux?

2.

Quels sont les effets atteints par ces dispositions?

3.

A quoi faut-il faire particulièrement attention en cas de mise en oeuvre de dispositions semblables en Suisse?

Le 14 février 2001, Silvano Möckli a présenté son rapport d'expertise à la souscommission. L'expert a souligné que, aux Etats-Unis, à l'échelon fédéral, tous les candidats et élus rendent publiques leur situation financière ainsi que la provenance et l'utilisation de leurs fonds. Les élections fédérales sont administrées par une autorité indépendante la Federal Election Commission (FEC). Les Etats fédéraux connaissent également des dispositions en matière d'obligations de publicité. La régulation des campagnes électorales fait l'objet d'activités intenses, encore renforcées par de nombreuses initiatives populaires. Depuis 1990, 30 Etats américains ont modifié leur législation en matière de financement des campagnes électorales.

L'évaluation des effets de ces lois n'est pas simple. L'expert a constaté qu'il est possible que la publicité des montants de soutien lors d'élections et de votation puisse influencer les décisions des ayants droit au votes. Ces réglementations développent cependant également des effets secondaires indésirables tels que l'augmentation de l'argent dit mou (soft money, c'est-à-dire des dons non plafonnés en faveur des «activités de base» versés aux partis politiques), des dépenses indépendantes (independent expenditures, c'est-à-dire des dépenses non coordonnées avec les candidats) ou encore de la promotion ou défense de causes (issue advocacy, c'est-à-dire la publicité indirecte destinée à la formation de l'opinion sur un sujet controversé donné).

De l'avis de l'expert, la Suisse ne peut pas reprendre telles quelles les réglementations appliquées aux Etats-Unis. Il semble que la publicité accordée à certains aspects de la vie privée pose moins de problèmes aux Américains qu'aux Suisses.

L'expert a estimé que, dans une première phase, il serait judicieux de limiter 3481

l'obligation de la publicité aux consultations populaires à l'échelon fédéral. Il a également souligné qu'il faudrait compter avec des comportements visant à contourner les dispositions légales correspondantes. Cela étant, il a estimé qu'il était indispensable de choisir une solution simple étant donné qu'une augmentation de la densité normative provoquerait immanquablement une augmentation des coûts pour toutes les parties concernées.

3.2

Modèle «déclaration obligatoire»

Différents modèles permettant d'introduire en Suisse la publication des dons en faveur de campagnes de votations fédérales ont donc été examinés. D'une manière générale, il est possible d'envisager trois types de modèles de «déclaration obligatoire»: 1.

Les donateurs doivent rendre leurs dons publics.

2.

Les bénéficiaires de dons en faveur de campagnes doivent les rendre publics.

3.

Les publicités politiques doivent comporter des informations sur leur financement (c'est-à-dire que les supports publicitaires tels que les annonces dans la presse écrite ou les affiches doivent indiquer qui a soutenu la publicité en question et pour quel montant).

Une obligation de déclaration implique la possibilité de pouvoir recourir à des sanctions en cas de non-respect ou de contournement cette obligation. C'est le point faible de ces modèles. Les contournements sont très difficiles à prouver et il n'est guère facile de trouver des sanctions efficaces. Il serait à la rigueur possible de prévoir qu'une amende pouvant s'élever à cinq fois le montant non déclaré pourrait être infligée en cas de non-respect de l'obligation de déclaration.

Cela étant, la difficile question des sanctions n'est pas le seul problème qui s'oppose à l'introduction d'une obligation de déclaration tant il est vrai que de d'éventuelles dispositions allant dans ce sens pourraient avoir un effet dissuasif sur les donateurs.

Pour que le débat public puisse avoir lieu, la démocratie directe a aussi besoin de donateurs disposés à investir dans une campagne. Il est donc délicat de vouloir ériger des règles qui pourraient retenir des donateurs qui ne voudraient pas se faire connaître.

3.3

Modèle «allègements fiscaux»

Pour les raisons exposées ci-dessus, les modèles prévoyant une obligation de déclarer n'ont pas été examinés plus à fond. La solution semblait donc se trouver plutôt du côté des incitations. Les premières solutions ont été recherchées dans le droit fiscal. La Chancellerie fédérale a été chargée d'élaborer les modèles suivants en collaboration avec l'Administration fédérale des finances: 1.

Les dons peuvent être directement déduits de l'impôt fédéral direct.

2.

Les donateurs et les bénéficiaires des dons peuvent déduire les dons de l'impôt fédéral direct.

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3.

Une combinaison de diverses possibilités: déduction par les donateurs combinée à l'obligation de déclarer pour les bénéficiaires.

Les conclusions du rapport de la Chancellerie fédérale du 14 décembre 2001 sont décevantes. La Chancellerie conclut en effet qu'il n'est pas possible de combiner déduction et obligation de déclarer. Elle souligne que le droit en vigueur permet déjà de déduire les contributions à des campagnes de votation. En effet, la pratique est déjà très large en matière de reconnaissance des coûts de campagne au titre de parrainage politique en tant que charges reconnues par l'usage commercial et, partant, fiscalement déductibles. Le droit fiscal ne permet donc pas de répondre au besoin de transparence en la matière. La commission a par conséquent renoncé à poursuivre la voie du modèle des allègements fiscaux.

3.4

Modèle «temps d'émission radio-TV»

En cherchant d'autres moyens d'incitation, la sous-commission a également développé un modèle dans lequel les partis et groupements qui rendent publics les dons qu'ils ont encaissés seraient récompensés en se voyant attribuer un temps d'émission à la radio ou à la télévision. Dans ce cas de figure, avant chaque votation populaire, les diffuseurs seraient obligés d'accorder un temps d'émission approprié aux partis politiques représentés aux Chambres fédérales ainsi qu'aux auteurs des initiatives et des référendums ayant abouti pour permettre à ceux-ci de prendre position au sujet de l'objet en votation. Ces temps d'émission serait accordés aux partis ou aux groupements qui ont rendu publics les montants investis dans leurs campagnes ainsi que leurs origines.

Lors d'un entretien informel avec Armin Walpen, directeur général de la SSR, il est apparu que si ce souhait est tout à fait légitime du point de vue des institutions politiques, il se heurte en revanche à l'éthique professionnelle des journalistes qui ne sauraient se dessaisir de leur autonomie en matière de conception des programmes. Les réalisateurs de programmes estiment qu'il est de leur devoir de concevoir les émissions politiques de manière à fournir les informations nécessaires aux ayants droit au vote. Ils ne veulent pas déléguer cette tâche à d'autres milieux.

Finalement, la commission n'a pas non plus poursuivi cette idée, et cela d'autant plus que ce sont les partis politiques qui seraient au centre de cette solution alors que, du point de vue de la transparence, il faudrait surtout s'intéresser aux comités de soutien.

3.5

Modèle «brochure de vote»

Un autre moyen d'incitation examiné était de donner aux comités et autres organismes de soutien la possibilité d'indiquer leur position sur la votation dans la brochure de vote éditée par la Confédération. Pour pouvoir bénéficier de cet avantage, les bénéficiaires de dons devraient annoncer chaque don dépassant un montant à définir à un service ad hoc. Ces montants seraient publiés sur Internet. La forme de ces indications dans la brochure de vote serait définie dans l'ordonnance sur les droits politiques.

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Cette solution permettrait non seulement de renforcer la transparence en matière de finances, mais encore de contribuer à la formation de l'opinion des citoyens.

Lorsque l'objet soumis à votation est complexe, il pourrait justement être utile de savoir quels sont les organismes qui le soutiennent et quels sont ceux qui s'y opposent.

Cette proposition a fait l'objet de discussions approfondies avec le représentant de la Chancellerie fédérale. Les explications de ce dernier ont montré que cette idée ne pouvait être réalisée en raison du calendrier des votations qui est très chargé. Il faut tenir compte de tellement de facteurs lors du choix des dates de votation que, très souvent, il est nécessaire d'imprimer la brochure de vote à peine arrêtée la date de la votation.

3.6

Modèle «accès aux espaces publicitaires»

Il restait encore à la commission à examiner une idée et à la traduire en termes législatifs: tout annonceur rendant publics les dons qui lui ont été octroyés pour une campagne de votation se verrait rembourser une partie de ses frais d'affichage et de publicité par la Confédération. Pour que les frais de la Confédération puissent être maintenus à un niveau le plus faible possible, celle-ci devrait négocier des rabais auprès des entreprises et agences de publicité.

Le projet d'art. 11a de la loi fédérale sur les droits politiques a été rédigé: Art. 11a

Campagnes de votation (nouveau)

1

L'annonceur qui fait paraître des affiches ou des annonces publicitaires en vue d'une votation fédérale peut se faire rembourser par la Confédération une partie des frais définie dans l'ordonnance, aux conditions suivantes: a.

L'affiche ou l'annonce doit se rapporter à une votation populaire fédérale à venir. Lorsque la votation porte sur une modification de la Constitution, il faut attendre la fixation de la date de votation par le Conseil fédéral. Pour les référendums ainsi que les initiatives populaires concernant la révision totale de la Constitution fédérale, il faut attendre qu'ait été fixée la date de la décision portant constatation de leur aboutissement.

b.

L'annonceur qui veut demander le remboursement de la part de frais, le notifie au service compétent dès la réception du premier don de plus de 1000 francs, mais au plus tard 30 jours après la fixation de la date de la votation.

c.

L'annonceur indique tous les donateurs qui ont soutenu ou qui vont soutenir sa campagne au moyen de versements de plus de1000 francs dès réception du don ou de la promesse de don. Ces informations sont rendues publiques sur le site Internet du service compétent.

d.

L'annonceur s'engage à rendre publics, dans les deux mois qui suivent la votation populaire, les comptes de la campagne qu'il a menée. Tous les dons de plus de 1000 francs doivent y figurer.

e.

La somme des dons rendus publics doit convenablement contrebalancer les frais établis des campagnes d'annonces et d'affichage.

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2 Le service compétent vérifie le respect des conditions et statue sur l'octroi du remboursement.

A l'issue de la votation, les annonceurs qui respectent les dispositions relatives à la publicité des dons (al. 1, let. a à e de la disposition) peuvent demander à la Confédération de leur rembourser une partie de leurs frais d'annonces et d'affichage.

L'ampleur du remboursement devra être définie dans l'ordonnance sur les droits politiques. Il serait judicieux de ne pas fixer de pourcentage dans la loi de manière à pouvoir l'adapter selon les expériences faites en pratique et en fonction de la situation des finances fédérales.

Des remboursements ne peuvent être accordés que pour des annonces ou des affiches se rapportant à une votation populaire à venir. Pour éviter de devoir rembourser des frais pour des campagnes d'annonces ou d'affichage chaque fois qu'un sujet et susceptible de faire éventuellement l'objet d'une votation populaire, il faut définir clairement la date à partir de laquelle il est possible de profiter du rabais (al. 1, let. a).

Le remboursement est lié à la publicité des dons et des promesses de dons. Les montants de plus de 1000 francs doivent être rendus publics (al. 1, let. c). Un service officiel chargé de recevoir ces informations sera mis sur pied à cet effet. La décision relative au rattachement administratif et hiérarchique de cet organe peut être déléguée au Conseil fédéral (art. 43, al. 3, LOGA). Il est important que les dons puissent être annoncés de manière simple. Ces informations doivent être rendues publiquement accessibles, notamment sur Internet. Les annonceurs potentiels doivent être tenus de déclarer non seulement les montants qu'ils ont déjà reçus, mais aussi les promesses de dons. Les campagnes d'information démarrent souvent très tôt, avant que tous les dons aient été encaissés. Cela étant, les responsables des campagnes d'annonces et d'affichage doivent avoir un certain nombre d'attentes financières avant de pouvoir engager les frais correspondants. Pour pouvoir respecter les exigences de la loi fédérale sur la protection des données, il est indispensable de prévoir une base légale pour la publication de ces données sur le Web.

Deux éléments destinés à empêcher les abus ont été intégrés à la disposition. Le projet prévoit d'une part de n'accorder ce remboursement qu'aux annonceurs qui, à l'issue de la votation, ont présenté au service compétent les
comptes de la campagne faisant ressortir les dons de plus de 1000 francs (let. d). Il prévoit d'autre part d'exiger que la somme des dons rendus publics contrebalance convenablement les frais établis des campagnes d'annonces et d'affichage. Il ne saurait être question d'admettre qu'un comité déclare avoir reçu des dons pour un montant de 30 000 francs, qu'il obtienne un rabais de 10 000 francs et qu'il présent des comptes pour plus de 100 000 francs de frais d'annonces et d'affichage. Il n'est possible de bénéficier du remboursement d'une partie des frais qu'à condition d'avoir déclaré tous les dons dépassant le plafond fixé (let. e).

L'idée à la base de cette proposition était non seulement de créer une incitation à la transparence, mais également d'encourager, grâce aux allègements financiers, l'ouverture et la largeur du débat politique en facilitant l'accès aux campagnes d'annonces et d'affichage à plus un grand nombre de groupements que ce qui est actuellement le cas. Lors de l'examen de détail, il est toutefois nettement apparu que cette solution ne permettait d'atteindre aucun de ces deux buts complètement. La procédure concrète a été discutée de manière approfondie et différentes possibilités

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ont été examinées. Toutefois, de sérieux problèmes d'exécution subsistaient quelle que soit l'option choisie. Il ne serait donc pas judicieux de compléter la loi fédérale sur les droits politiques par l'article 11a présenté ci-dessus notamment pour les raisons suivantes: 1.

Tout comme les modèles incitatifs en général, le modèle présenté ici permettrait aussi aux groupements financièrement solides de bénéficier de l'appui financier de la Confédération. Il est peu probable qu'un tel modèle soit bien accepté par les citoyens.

2.

La tentation pour certains groupements serait grande de vouloir profiter des avantages sans devenir plus transparents pour autant. Plus les groupements sont organisés, plus ils parviendront à contrecarrer les buts poursuivis par une telle disposition, notamment en développant une stratégie à long terme.

Un groupement bien organisé pourrait, par exemple, constituer plusieurs comités en vue d'une campagne de votation et veiller à ce que les dons se répartissent entre ces divers comités. Les dons pouvant être publiés seraient dirigés vers tel comité de soutien et ceux qui ne le doivent pas vers tel autre.

3.

D'autres groupements, financièrement puissants, pourraient également préférer ne pas jouer le jeu de la transparence et, parce qu'ils peuvent compter sur des dons en quantité suffisante, ils n'auront aucune peine à négocier euxmêmes des rabais intéressants avec les professionnels de la publicité. Il n'est d'ailleurs pas à exclure que ces rabais puissent même être plus intéressants que les remboursements octroyés par la Confédération. Par ailleurs, il faut garder à l'esprit que c'est justement le financement de ces groupements qui intéressent le plus le public.

4.

Si ces contributions fédérales permettent effectivement d'induire une augmentation du nombre d'annonces avant les votations populaires, les professionnels de la branche pourraient réagir à l'augmentation du volume des ventes en procédant à des augmentations de prix. Il est donc difficile de dire si la mise en oeuvre de ce modèle permettrait véritablement d'obtenir des avantages de coûts à long terme.

5.

Etant donné que les annonceurs ne bénéficieraient des remboursements qu'à la présentation des comptes de campagne, les comités ne disposant que d'une modeste base financière pourraient ne pas vouloir prendre le risque de mener une campagne à crédit sans être certains de pouvoir bénéficier des remboursements escomptés.

6.

La publication des comptes est indispensable pour pouvoir contrôler le respect des conditions permettant de bénéficier du remboursement. Le contrôle constituera cependant un grand défi pour le service concerné. S'il est d'avis que les comptes d'un comité sont incomplets et que, par conséquent, il refuse d'accorder le remboursement de la part des frais de campagne correspondante, il faut s'attendre à une plainte. En revanche, en renonçant à l'obligation de publier les comptes et en accordant des remboursements lorsque les montants des dons sont publiés indépendamment de toute intégralité de la liste publiée, il deviendrait définitivement impossible d'atteindre l'objectif du projet qui est d'apporter plus de transparence. Les groupements financièrement solides pourraient simplement se faire rem-

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bourser par la Confédération une part de leurs frais de campagne en ne déclarant que les dons anodins et en taisant ceux qui sont plus délicats.

7.

4

Les coûts à la charge de la Confédération du fait de la mise en oeuvre du projet sont difficiles à prévoir. De plus, il n'est pas sûr que les professionnels de la publicité soient disposés à accorder un rabais à la Confédération du fait qu'elle subventionne les campagnes d'annonces et d'affichage.

Conclusions de la commission: pas d'obligation ni d'incitations

Après avoir examiné des divers modèles, la commission est d'avis qu'il faut renoncer aussi bien à rendre obligatoire la publication des montants de soutien importants qu'à tout autre système d'incitation.

Les arguments contre de telles solutions ont déjà été présentés lors de l'examen préalable de l'initiative parlementaire. L'examen de détail a non seulement permis de les confirmer, mais en a encore fait apparaître d'autres. En résumé, les principales objections sont les suivantes: 1.

En Suisse, la démocratie directe vit de l'engagement de particuliers qui sont disposés à financer des campagnes de votation. Sans moyens suffisants pour financer de telles campagnes, le débat public, si important du point de vue de la formation de l'opinion, n'aurait pas lieu. Une obligation de publier les montants de soutien pourrait empêcher des donateurs potentiels ­ pour des raisons commerciales notamment ­ de soutenir des campagnes de votation.

2.

Il faut une réglementation très détaillée et un appareil de contrôle coûteux pour permettre d'empêcher les abus et pouvoir éviter que le système d'obligation ou d'incitation en question soit facile à détourner.

3.

Pour éviter de devoir rendre les montants de soutien publics, les dons seraient de plus en plus souvent versés aux organisations politiques en tant que contribution générale et non pour des buts précis.

4.

Il est fort probable que le nombre de dons anonymes augmenterait.

5.

Les abus et les contournements du système nuiraient à la confiance que le public place dans l'ensemble des institutions politiques.

6.

Il n'y a pas de preuves scientifiques permettant d'avoir la certitude que la connaissance de la provenance des montants de soutien versés en faveur de campagnes de votation puisse influer sur le comportement des ayants droit au vote.

Pour toutes ces raisons, la commission est parvenue à la conclusion que la présente initiative parlementaire (99.430 Campagnes de votation. Publication des montants de soutien importants) ne peut pas être mise en oeuvre de manière judicieuse, c'est-àdire de manière praticable. Elle propose donc de la classer.

Le classement de cette initiative parlementaire implique également la liquidation de la pétition de la session des jeunes 2000 visant à la publication des budgets de campagnes de votation et les campagnes électorales. Cette pétition poursuit les même buts, voire des buts plus étendus que l'initiative parlementaire 99.430.

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5

Arguments de la minorité: accepter la proposition d'un accès à prix réduit aux espaces publicitaires (compléter la loi fédérale sur les droits politiques par un art. 11a)

La minorité est consciente que les études scientifiques ne sont à ce jour pas parvenues à établir clairement l'existence d'un lien entre les budgets des campagnes et l'issue d'une votation (voir à ce sujet Moneypulation ...? Rapport sur le postulat 94.3435 Andreas Gross «Démocratie directe et moyens financiers» du 14 décembre 1998). Le rapport «Moneypulation ...?» constate cependant en substance que le manque de transparence en matière de financement des campagnes de votation ne permet guère de procéder à des analyses judicieuses. Au vu du nombre important de votations populaires en Suisse, la minorité trouve très étonnant que même les études scientifiques ne parviennent pas à établir qui engage quels montants dans les campagnes de votation. Selon la minorité il ne faudrait pas que le système politique suisse apparaisse comme étant livré aux forces de l'argent. Tant que le système restera opaque, il ne sera pas possible de se défendre définitivement de la thèse selon laquelle les résultats des votations sont déterminés par des bailleurs de fonds anonymes qui tirent les ficelles.

Lorsqu'un objet politique est défendu au moyen d'espaces publicitaires importants, il est intéressant de se poser la question de savoir si c'est parce que l'objet en question est largement défendu ­ et, partant, qu'il a rassemblé une multitude de petites contributions ­ ou si c'est parce qu'il intéresse plus particulièrement un ou deux donateurs disposant d'une surface financière importante. Dans le cas, par exemple, de la votation sur la loi sur le marché de l'électricité, il aurait été intéressant de connaître les montants que les compagnies d'électricité ont consacrés à la défense de telle ou telle opinion. Confrontés à des objets de votation devenant de plus en plus complexes, les informations de cette nature pourraient être utiles aux ayants droit au vote. La transparence en matière de financement des campagnes de votation est donc très importante pour la démocratie directe.

La Suisse ne dispose néanmoins d'aucune réglementation en la matière. Selon la minorité, la transparence dans ces domaines ne fait pas partie des valeurs politiques suisses. Les donateurs préfèrent la discrétion. L'idée poursuivie est donc de faire un modeste premier pas vers plus de transparence, dans l'intérêt des citoyens. Consciente qu'une
obligation de publier les montants de soutien versés aux campagnes de votation a peu de chance d'être acceptée en Suisse, la minorité estime qu'il faut procéder par incitation. Il faut accorder un accès facilité aux espaces publicitaires à tous ceux qui désirent présenter leur point de vue et qui divulguent leurs sources de financement.

Avec la mise en oeuvre de cette proposition, la minorité abandonnerait l'exigence d'une transparence complète sur tous les flux financiers importants. Etant donné que les campagnes de votation coûtent cher, elle estime cependant qu'il est possible de partir du principe que les groupements concernés seront très intéressés par la possibilité de réduire leurs frais de campagne. D'ailleurs, pour certains d'entre eux, seule une telle réduction pourrait leur permettre de mener une campagne d'une certaine envergure. Le fait de permettre à un plus grand nombre de groupements de s'exprimer publiquement au moyen de campagnes d'annonces et d'affichage favori-

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serait l'ouverture et l'élargissement du débat politique ainsi que la formation de l'opinion des ayants droit au vote en les confrontant aux différents avis.

La minorité refuse d'accepter que chaque tentative visant à créer un peu plus de transparence dans ce domaine soit systématiquement tenue en échec en arguant des possibilités de contourner les dispositions concernées. Quels que soient les systèmes choisis, obligation ou incitation, ils peuvent tous faire l'objet d'abus ou être contournés. Le modèle d'accès aux espaces publicitaires doit permettre d'essayer d'encourager l'esprit de transparence en matière de publication des montants de soutien et renforce du même coup la légitimité des engagements financiers en vue de soutenir ou de s'opposer à un projet. Chaque évolution culturelle prend du temps et aucune ne parvient à éviter tous les abus. Cela étant, la disposition proposée par la minorité est conçue de manière à les minimiser.

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