03.448 Initiative parlementaire Médias et démocratie Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 3 juillet 2003

Monsieur le Président Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons, conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission vous propose d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

3 juillet 2003

Au nom de la commission: Le président, Charles-Albert Antille

2003-1494

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Condensé Dans les années nonante, les annonces de fusion et de cessation d'activité de produits de presse se sont multipliées. Un rapport publié par l'Office fédéral de la statistique en 2001 parle à cet égard de «disparition de titres» et de «concentration rédactionnelle», que les chiffres attestent avec force. Au cours des six dernières années, le nombre de quotidiens est passé de 120 à moins de 100 et le nombre de rédactions complètes de 60 à 40 (cf. «Tages-Anzeiger», 11.7.2002, p. 63). Les spécialistes pensent qu'en 2010 il n'y aura plus, en Suisse, que neuf maisons d'édition gérant chacune plusieurs groupes de titres. On observe une constitution de monopoles dans le domaine des médias, en particulier à l'échelon régional.

Cette incapacité du marché à créer une concurrence suffisante entre les médias et une diversité médiatique pose des problèmes très préoccupants sur le plan de la politique institutionnelle et de la démocratie. Pour que l'opinion et la volonté publiques puissent se former de manière autonome et indépendante, il faut que les médias soient pluriels, de qualité et engagés dans une certaine concurrence, tant sur le plan national que sur le plan cantonal et communal. Dans le système fédéraliste suisse, de multiples compétences sont exercées par les Etats membres. Il est donc d'autant plus préoccupant de voir que le contrôle démocratique du pouvoir politique à leur niveau est entravé par une présentation restrictive du débat politique dans les médias. C'est pourquoi il importe de créer une base constitutionnelle permettant de prendre des mesures pour encourager la diversité de la presse régionale en particulier. Le but du présent projet est de protéger des espaces de débat démocratique à tous les niveaux de l'Etat.

A l'heure actuelle, la Suisse ne connaît qu'un système d'aide indirecte à la presse sous la forme de taxes postales préférentielles pour l'acheminement des journaux et des magazines. Ces subventions indirectes reposent sur l'art. 15 de la loi sur la Poste, mais avec une base constitutionnelle assez peu solide. Il faut maintenant créer une base légale explicite permettant de prendre des mesures plus ciblées.

Cette nouvelle disposition, associée à l'article constitutionnel sur la radio et la télévision servira de base à une politique des médias cohérente sur le plan de
la politique institutionnelle. Des dispositions d'application pourraient être regroupées dans une loi sur la diversité des médias. Le présent projet part du principe que le système actuel d'aide indirecte par des taxes postales préférentielles, qui n'est pas satisfaisant, doit être remplacé par un système de subventions directes en faveur des produits de presse qui remplissent des critères déterminés. Les critères esquissés ici sont relativement simples à contrôler, ce qui simplifiera l'exécution. C'est à dessein qu'aucun critère portant sur le contenu des produits de presse n'a été proposé. Il ne s'agit en aucun cas, dans une perspective aussi lointaine soit-elle, d'instaurer un contrôle des médias par les pouvoirs publics, mais de maintenir la diversité de la presse.

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Le remplacement de l'encouragement indirect de la presse à l'aide de taxes postales préférentielles par un système d'aide directe en faveur de journaux et magazines déterminés ne signifie pas que les mesures d'encouragement fondées sur la politique régionale, comme l'uniformisation des tarifs indépendamment des distances et le soutien des publications des organisations d'utilité publique, sont abandonnées. Au contraire, la nouvelle disposition constitutionnelle englobe ces indemnités.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

La politique en faveur de la presse: une longue histoire

Les efforts pour instaurer une politique suisse en faveur de la presse remontent aux années septante. En 1972, le conseiller national Leo Schürmann avait remis au Département fédéral de justice et police un projet relatif à deux articles constitutionnels et à une loi sur l'encouragement de la presse. Le Département l'avait chargé de préparer ces documents de base car l'évolution de la presse suisse depuis 1968 avait donné lieu à de multiples interventions, parlementaires ou non. Se fondant sur les travaux préparatoires de M. Schürmann, la commission d'experts chargée de préparer la révision de l'art. 55 de la constitution fédérale («Commission Huber») a publié en 1975 un rapport intitulé «Droit sur la presse ­ Aide à la presse». Dans ce texte, la Commission Huber proposait de multiples mesures d'encouragement pour permettre à la presse de continuer à exercer son rôle d'acteur de la démocratie. Mais lors de la consultation effectuée auprès des milieux concernés, ces mesures avaient été accueillies froidement, notamment parce qu'elles soumettaient le contenu des organes de presse à certaines conditions (rapport «Droit sur la presse ­ Aide à la presse» de la commission d'experts chargée de préparer la révision de l'art. 55 de la constitution fédérale, Berne, DFJP, 1975).

Une partie des idées présentées par la Commission Huber allaient être reprises ultérieurement, entre autres dans l'initiative parlementaire Muheim (78.232). La commission chargée d'examiner cette initiative avait élaboré une proposition de nouvel art. 55bis de la constitution fédérale concernant des mesures en faveur de la presse (FF 1980 II 184). La Commission d'experts pour une conception globale des médias, qui travaillait en parallèle avec la commission parlementaire, avait publié le 31 mars 1982 un rapport reposant également sur les conclusions de la Commission Huber. Ce rapport présentait plusieurs variantes de nouvel article constitutionnel (rapport «Conception globale des médias», Berne, DFJP, 1982). Faisant suite à ces travaux, le Conseil fédéral avait présenté au Parlement un rapport complémentaire relatif à l'initiative parlementaire 78.232, dans lequel il présentait son propre projet d'art. 55bis Cst. (FF 1983 III 827). Le Conseil national ne devait entrer en matière ni sur le projet de sa commission, ni sur la proposition
du Conseil fédéral (BO 1986 N 105).

Les travaux préparatoires de 1998 en vue de la révision de la Constitution fédérale avaient, à leur tour, mis en évidence la nécessité d'inscrire dans la Constitution une base légale permettant de mener une politique visant à favoriser la diversité et la qualité de la presse. Après avoir débattu de la question, la Commission de la révision constitutionnelle du Conseil national avait renoncé à présenter des propositions concrètes car elles auraient dépassé le cadre d'une réforme constitutionnelle qui souhaitait se limiter à une modernisation consensuelle. Elle a donc proposé de passer par une révision partielle, voie dans laquelle la Commission des institutions politiques du Conseil national s'est engagée.

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1.2

Le projet présenté le 2 juillet 1999 par la Commission des institutions politiques du Conseil national

La Commission des institutions politiques du Conseil national a adopté, le 2 juillet 1999, un avant-projet d'arrêté fédéral sur les médias et les mesures à prendre dans le domaine de la politique de la presse. Ce projet prévoyait d'inscrire dans la constitution fédérale un article sur les médias et la presse qui, en combinaison avec l'article sur la radio et la télévision (art. 93 Cst.), donnerait à la politique des médias de la Confédération un cadre général au niveau constitutionnel.

Un article consacré à la politique des médias en général (art. 92bis Cst.) devait donner à la Confédération la compétence d'encourager la qualité du travail journalistique, la formation professionnelle et la formation continue ainsi que la recherche dans le domaine des médias1.

Un article consacré spécifiquement à la presse (art. 92ter Cst.) donnait à la Confédération la compétence de favoriser la diversité et l'indépendance de la presse2.

Dans l'esprit de la Commission, ces dispositions devaient permettre d'atteindre deux buts en particulier: favoriser la diversité régionale de la presse et la qualité des médias en général. Les deux dispositions constitutionnelles étaient formulées de manière relativement concrète puisqu'elles inscrivaient dans la constitution les mesures à prendre pour réaliser ces objectifs.

Toutefois, il est apparu, lors de la consultation, que seule une minorité de propositions étaient accueillies favorablement. Certains mettaient en cause la nécessité même de légiférer, d'autres critiquaient les mesures proposées. Dans l'article sur les médias, les critiques ont été particulièrement nombreuses contre la disposition concernant l'encouragement de la qualité du travail journalistique. Les participants à la consultation ont souligné que l'appréciation de la qualité du travail journalistique était une question très subjective et qu'il n'appartenait pas à l'Etat, mais aux médias eux-mêmes, de procéder à cette appréciation. Dans l'article sur la presse, la disposition concernant la protection contre les positions dominantes et la clause d'ouverture, notamment, ont été largement rejetées. La création d'un organisme de conciliation a été jugée inutile.

Les dispositions ayant réuni un certain consensus étaient peu nombreuses: outre le principe de publicité, il y avait l'encouragement de la distribution
des produits de presse (notamment les tarifs préférentiels pour l'acheminement postal), les mesures dans le domaine de la formation professionnelle et de la formation continue, la recherche ainsi que l'obligation de rendre publiques les participations.

1

2

Ce même article contenait également une disposition visant à instaurer une certaine transparence puisqu'elle obligeait les éditeurs et les diffuseurs à déclarer les participations dans leur entreprise. En outre, la Confédération devait pouvoir créer un organisme chargé de tâches d'observation et d'évaluation.

À cet effet, la Confédération devait pouvoir légiférer pour favoriser la distribution de produits de presse et pour préserver la diversité des informations et des opinions lorsqu'elle serait menacée par des positions dominantes. Le projet prévoyait également une autorité de médiation qui aurait eu un rôle de conciliation dans les litiges entre particuliers dans le domaine de la presse.

4845

1.3

Nouvelle tentative: attribution d'un mandat à la sous-commission «Médias et démocratie»

La Commission des institutions politiques du Conseil national a pris connaissance des résultats de la consultation lors de sa séance du 11 novembre 1999. Etant donné le mauvais accueil fait au projet, elle a décidé de ne pas le soumettre à la Chambre.

Mais comme elle considérait que la nécessité de légiférer restait entière face à la concentration croissante de la presse, elle a chargé la sous-commission «Médias et démocratie»3 d'élaborer un nouveau projet qui tienne compte des résultats de la consultation et qui soit susceptible de réunir un consensus.

La sous-commission a commencé par faire le point de la situation en auditionnant des représentants de certains cantons et des experts. Elle s'est également entretenue avec le conseiller national Hans-Jürg Fehr, qui avait entre-temps déposé une initiative parlementaire (00.407 Encouragement de la presse), sans rapport avec les travaux de la Commission des institutions politiques. Dans son initiative, M. Fehr demandait une nouvelle réglementation légale sur l'encouragement de la presse dans le but d'empêcher la formation de monopoles régionaux. L'initiative souhaitait que l'encouragement de la presse, qui passe par des prix préférentiels de la Poste pour le transport des journaux et des périodiques, emprunte des voies plus directes et plus efficaces. Au cours de la discussion avec le conseiller national Fehr, il est apparu que son initiative poursuivait des buts similaires à ceux de la sous-commission. La sous-commission a donc collaboré avec M. Fehr pour rédiger un projet de mandat précis sur laquelle elle puisse bâtir son travail.

C'est ainsi que la Commission des institutions politiques a demandé à la souscommission, le 1er mars 2001, de continuer ses travaux sur la base de ce mandat. Ce mandat posait un principe: la démocratie directe, pour garantir la libre formation de l'opinion et de la volonté ainsi que le contrôle démocratique du pouvoir à tous les niveaux politiques, doit pouvoir s'appuyer sur des médias pluriels et de qualité, ce qui suppose non seulement le pluralisme des médias, mais également une certaine concurrence entre ceux-ci. C'est la raison pour laquelle le futur projet devait avoir pour but de renforcer la présence d'espaces d'expression publique dignes d'une démocratie. La sous-commission a été chargée de préparer un texte poursuivant les quatre buts suivants:

3

1.

Prévenir la création de monopoles régionaux dans le domaine des médias ­ ou y mettre un terme s'ils existent déjà ­ afin de garantir la diversité des médias et des opinions nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie.

2.

Utiliser à meilleur escient les fonds versés par la Confédération (100 millions de francs actuellement) pour encourager indirectement la presse à travers une réduction des taxes postales.

3.

Définir les directives de l'Etat en matière d'autorégulation dans le domaine des médias (promotion de la qualité, charte rédactionnelle, liberté de la presse à l'intérieur des médias, institution de services de médiation, adoption de dispositions en matière de transparence et de lignes directrices).

Membres de la sous-commission: Gross Andreas (président), Antille, Aeppli Wartmann, Bühlmann, Eberhard, Engelberger, Joder, Leuthard, Weyeneth

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4.

Encourager la formation et le perfectionnement des professionnels des médias, l'enseignement de la «médiologie» dans les écoles ainsi que la recherche universitaire dans le domaine des médias.

Toujours lors de sa séance du 1er mars 2001, la Commission des institutions politiques a procédé à l'examen préalable de l'initiative parlementaire du conseiller national Hans-Jürg Fehr (00.407 Encouragement de la presse). Comme les exigences de son initiative coïncidaient avec les grandes lignes du mandat donné par la Commission à la sous-commission «Médias et démocratie», M. Fehr a retiré son initiative pour laisser la place à la future initiative de la commission.

1.4

Les travaux de la sous-commission «Médias et démocratie»

1.4.1

Experts entendus par la sous-commission

La sous-commission s'est fixé pour premier objectif d'élaborer un projet susceptible de trouver un large soutien. Elle a donc exploré des pistes nouvelles et s'est adressée à différents experts. Ces auditions ont abouti à un constat crucial: le domaine de la presse exige un pilotage en douceur, pratiqué avec des instruments légers. Les experts entendus privilégiaient largement l'autorégulation, l'Etat pouvant avoir une fonction de médiation.

Le professeur Roger Blum, de l'Université de Berne, a diagnostiqué un excès de réglementation dans la radio et la télévision et un déficit de réglementation dans la presse et l'internet. Il estimait qu'il serait souhaitable, mais difficile, de retrouver un équilibre. A ses yeux, la fonction première de la politique est d'aider le secteur des médias à s'autoréglementer (définition de normes minimales, participation au financement d'organes d'autorégulation comme les services de médiation ou le Conseil de la presse). Il estimait en outre qu'il fallait inciter les écoles à dispenser une éducation aux médias ou un enseignement sur les médias. De même, il jugeait utile l'encouragement dans le domaine de la formation et du perfectionnement des professionnels des médias ainsi que dans le domaine de la recherche.

Le professeur Otfried Jarren, de l'Université de Zurich, a également plaidé en faveur d'une autorégulation plus forte, cadrée par des normes légales. A son avis, il fallait mettre en place un réseau d'(auto)régulation animé par l'Etat. Le professeur Jarren estimait que, dans un système d'autorégulation, l'Etat aurait deux possibilités d'intervention qui ne s'excluaient pas mutuellement. La première possibilité d'intervention serait que l'Etat fixe des normes légales imposant d'obtenir un résultat ou de respecter une procédure; le pilotage des processus d'autorégulation comporterait alors des dispositions de procédure ou des prescriptions applicables aux acteurs du système d'autorégulation. La seconde possibilité d'intervention de l'Etat consisterait à mettre en place une autorité; dans ce cas, un acteur du système d'autorégulation surveillerait les processus soit directement, soit à travers un ensemble de dispositions précises organisant la transparence. Cette autorité pourrait être une instance étatique ou un nouvel acteur indépendant créé et institutionnalisé
de concert par les milieux économiques et les pouvoirs publics. M. Jarren a cependant fait remarquer que l'autorégulation ne fonctionne que si le secteur concerné est favorable à ce système. Or, le secteur de la presse semblait plutôt réservé à cet 4847

égard. Le professeur Jarren pensait donc que la seule voie praticable était celle des dispositions-cadre et des systèmes d'incitation. On pourrait ainsi combiner le subventionnement de la presse avec des obligations déterminées. Il fallait cependant que le secteur reste indépendant de l'Etat et ne soit lié à des décisions des pouvoirs publics que lorsqu'il souhaitait bénéficier de privilèges ou de subventions.

Parmi les recommandations concrètes du professeur Jarren, on peut citer celles-ci: 1.

Encouragement de la formation professionnelle et de la formation continue ainsi que de la recherche avec mise en place d'un système d'homologation des institutions de formation et des formations.

2.

Obligations de transparence dans les entreprises du secteur des médias (publication des structures de propriété et de direction, obligation de définir et de publier des lignes directrices ou des principes éditoriaux, obligation d'adopter une charte rédactionnelle, obligation de mettre en place un système de gestion de la qualité).

3.

Mise en place de services de médiation.

4.

Création d'une fondation d'observation des médias («Media Watch») chargée de mener une réflexion approfondie concernant l'ensemble du secteur.

M. Josef Trappel, de la société bâloise Prognos AG, a conseillé le Gouvernement autrichien lors des efforts entrepris par celui-ci pour s'opposer aux monopoles régionaux dans les médias. Il a contesté la thèse selon laquelle la concurrence assurerait un degré optimal de diversité. Il a estimé, au contraire, que la concurrence a tendance à produire sur le marché des médias des distorsions d'une telle ampleur qu'elle est contraire aux exigences de diversité d'une démocratie. Selon M. Trappel, ces insuffisances du marché justifient que l'on engage une action politique dans deux buts: encourager un retour à l'équilibre en faveur des petits acteurs du marché; accompagner les médias dans l'exercice de leur pouvoir, sur l'opinion notamment, en assurant un contrôle continu de leurs prestations. L'expert a plaidé pour un renversement de la charge de la preuve: c'est aux entreprises regroupées qu'il appartient d'apporter la preuve permanente que leur activité génère une grande diversité et que les pouvoirs publics ne commettent pas d'abus. En ce qui concerne la situation concrète en Suisse, M. Trappel pensait que le système actuel de réduction des taxes postales ne participe pas d'une politique des médias active et ciblée et qu'il peut même être contre-productif. Il a estimé également que la législation actuelle sur les cartels était insuffisante. En effet, pour assurer une diversité de la presse souhaitable, il faut un système de contrôle qualitatif, c'est-à-dire éditorial, et non pas seulement quantitatif, c'est-à-dire économique. Pour M. Trappel, le pluralisme interne, qui pourrait par exemple être assuré par l'adoption de chartes rédactionnelles, est une condition essentielle pour arriver au pluralisme souhaité. Enfin, l'expert pense que l'obligation de transparence devrait se rapporter non seulement aux rapports de propriété, mais aussi aux informations sur les actions concrètes mises en place par l'entreprise pour favoriser le pluralisme.

La sous-commission, qui souhaitait comprendre quel impact les évolutions dans le secteur publicitaire ont sur les médias, a terminé ses auditions en entendant un concepteur de plans médias. M. Andy Lehmann, de l'agence de communication seefeld ag, a expliqué que le volume global de publicité avait enregistré une forte hausse pendant toutes les années nonante, mais que les médias imprimés avaient

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perdu progressivement des parts de marché au profit des médias électroniques.

M. Lehmann a observé une réduction des budgets publicitaires pour les campagnes intermédiaires (supra-régionales), qui s'accompagnait d'une préférence pour les campagnes nationales et locales. Il estimait que cette évolution pouvait mettre en cause l'existence de médias imprimés supra-régionaux et de radios locales couvrant un large territoire. A ses yeux, les fusions entre médias, illustrées par les cas du «Südostschweiz» ou du «Mittelland-Zeitung», sont des réactions à ce positionnement intermédiaire peu favorable entre le niveau local et le niveau national.

M. Lehmann pensait enfin que les éditeurs avaient la possibilité de chercher des rentrées financières supplémentaires du côté des abonnements, au lieu de la publicité, car en Suisse les journaux sont trop bon marché.

1.4.2

Dialogue avec les milieux concernés

Pour pouvoir élaborer un projet susceptible de réunir une majorité, la souscommission a recherché le dialogue avec les milieux concernés. C'est ainsi qu'elle a entendu en particulier des représentants de certains cantons car c'est surtout cet espace politique qui est touché par les concentrations dans la presse. Après l'audition des spécialistes des cantons d'Argovie, de Berne et du Jura la souscommission n'avait plus d'aucun doute sur la nécessité d'agir au niveau fédéral.

Dans tous ces cantons, l'absence de politique de la presse entrave la lutte contre les monopoles. Les cantons d'Argovie et de Berne ont des mandats dans ce sens dans leurs constitutions respectives, mais ils ne sont pas parvenus à les concrétiser dans la législation.

Le 4 juillet 2001, la sous-commission a entendu une délégation de l'association Presse suisse composée des personnes suivantes: Walter Fuchs (Toggenburger Nachrichten), Matthias Hagemann (Basler Zeitung), Eva Keller (Presse suisse), Giacomo Salvioni (Bellinzona), Marco E. de Stoppani (Neue Zürcher Zeitung), Guido Weber (Stadtblatt Winterthur) et Fabien Wolfrath (L'Express). M. Hugo Triner, éditeur du «Bote der Urschweiz» participait également à cette audition.

L'association a estimé que la situation actuelle n'était pas préoccupante car, en Suisse, la pluralité est assurée avec un niveau de qualité élevé en comparaison mondiale. Elle a mis en avant la forte densité de journaux dans notre pays. De plus, les journaux généralistes se soucient davantage de la pluralité des opinions que les défunts journaux partisans. En conséquence, Presse suisse s'est déclarée opposée à des mesures destinées à influer sur les marchés régionaux de la presse. Elle était par contre favorable au maintien du système actuel de taxes postales préférentielles pour l'envoi des journaux. Si ce système était modifié, ce sont avant tout les petits journaux qui en pâtiraient, a argumenté l'association. Les représentants de l'association ne concevaient pas que des subventions directes puissent être versées à des éditeurs individuels tout en faisant remarquer que l'association avait à peine entamé des discussions internes sur les solutions de ce type.

Un membre de la délégation a cependant indiqué qu'il avait constaté un processus de concentration supra-régional qui aspirait les médias vers le
centre zurichois. Il a toutefois mis en garde contre le recours à des mesures visant à maintenir le pluralisme dans les régions. Selon lui, il ne faudrait pas que les éditions de taille moyenne présentes dans les régions soient empêchées par des obligations légales de s'unir 4849

pour constituer des entités plus puissantes, capables de se défendre contre le superpouvoir zurichois.

M. Hugo Triner, éditeur du «Bote der Urschweiz», s'est déclaré opposé à l'actuel système de taxes postales préférentielles. Il préfèrerait des subventions directes, qui permettraient aussi aux petits éditeurs de faire distribuer leur journaux en tout début de journée4.

La représentante du syndicat des médias comedia et le représentant de la Fédération suisse des journalistes (FSJ) ont souligné, lors de leur audition du 4 juillet 2001 devant la sous-commission, la nécessité d'une intervention de l'Etat sur les marchés régionaux de la presse. Parmi les mesures qu'ils jugent envisageables, ils ont cité un contrôle renforcé des fusions, l'octroi de subventions directes ou indirectes mais aussi, et surtout, l'encouragement de la formation professionnelle et de la formation continue des journalistes.

1.4.3

Evolution de la situation suite au débat sur l'éventualité de coupes budgétaires affectant la réduction des taxes postales

Dans ses travaux, la sous-commission était toujours partie du principe que les 100 millions de francs versés par la Confédération pour réduire les taxes postales en application de la loi sur la Poste devaient être utilisés à meilleur escient. Ces 100 millions de francs ont également occupé la Commission des finances du Conseil national qui, lors de l'examen du budget 2001 déjà, avait exigé que ce poste budgétaire soit examiné de plus près. Or, dans le cadre de son examen périodique des subventions, le Conseil fédéral avait pris les devants en chargeant le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) d'analyser l'efficacité des tarifs préférentiels consentis pour l'acheminement des journaux et, si nécessaire, de proposer une modification des bases légales.

Le DETEC a donc confié des travaux à des intervenant extérieurs et notamment à ECOPLAN, qui a présenté, le 31 juillet 2001 un rapport intitulé «Révision des mesures d'encouragement de la presse. Evaluation de l'indemnisation des prestations de service public liées au service des journaux de la Poste». Les premiers résultats de cette étude ont été présentés lors d'une séance réunissant la souscommission 8 de la Commission des finances et la sous-commission «Médias et démocratie» le 2 mai 2001.

L'étude d'ECOPLAN arrivait à la conclusion que seule une aide directe permettrait d'encourager la presse locale de manière durable. Elle jugeait que les instruments actuels étaient insuffisants, aussi bien pour encourager la presse locale et régionale que les quotidiens et hebdomadaires suprarégionaux. En effet, le système actuel 4

Différents articles de presse confirment les divergences de position entre éditeurs. Alors que les grands éditeurs défendent farouchement le système actuel de taxes postales préférentielles, il y a parmi les petits éditeurs un mouvement qui serait favorable à un système de soutien direct de journaux individuels. Un groupe de petits éditeurs a même élaboré un modèle de soutien direct des produits de presse remplissant des critères donnés (cf. Klartext n° 3 2002). D'autres petits éditeurs se disent cependant extrêmement sceptiques envers toute politique des pouvoirs publics dans le domaine de la presse (cf. Urs Gossweiler, éditeur du «Jungfrau-Zeitung», dans la NZZ du 5 juin 2002).

4850

considère que les publications spécialisées dans la religion, la musique, le sport ou la politique ou encore les publications des associations patronales ou syndicales sont aussi des produits de presse pouvant recevoir des subventions. ECOPLAN a donc envisagé une révision de l'ordonnance sur la Poste, mais seulement pour constater que cette option n'offrait qu'une possibilité limitée d'encourager plus particulièrement la presse locale et régionale.

Lors de la séance conjointe avec la sous-commission 8 de la Commission des finances, il est apparu qu'il incombait à la Commission des institutions politiques en tant que commission législative de proposer des solutions pour aider durablement la presse. Pour assurer la coordination avec la Commission des finances, un membre de cette dernière, le conseiller national Patrice Mugny, a été désigné pour siéger au sein de la sous-commission «Médias et démocratie» de la Commission des institutions politiques. En raison de son appartenance aux deux commissions, le conseiller national Hermann Weyeneth a également pu assurer la liaison.

Au cours des mois qui ont suivi, le poste de 100 millions de francs consacré à la réduction des taxes postales a fait l'objet de critiques croissantes et des coupes dans le budget 2002 ont été exigées. La Commission des institutions politiques partageait ces critiques, mais elle estimait qu'il fallait non pas supprimer les aides, mais utiliser les fonds plus efficacement. Elle a donc fait part de son point de vue au Conseil fédéral dans un courrier daté du 8 septembre 2001. Si le Conseil fédéral ne prévoyait pas de réduire le poste des taxes postales préférentielles pour 2002, il envisageait d'y procéder dans le plan financier 2003. La Commission des finances du Conseil national, quant à elle, voulait donner un signe et économiser 30 millions de francs dès le budget 2002. Lors du débat du 4 décembre 2001 au Conseil national, cette proposition de coupe budgétaire a été rejetée par 112 voix contre 43. Les opposants à la proposition ont avancé qu'il ne fallait pas rompre un pacte en vigueur par des mesures à court terme, mais qu'il fallait rechercher une solution durable pour l'encouragement de la presse. Ils ont cependant fait observer que le système actuel n'était pas satisfaisant et qu'il importait de trouver une meilleure solution(BO 2001 N 1707 ss).

1.4.4

Amélioration à court terme du système d'encouragement indirect de la presse et élaboration d'une base constitutionnelle pour instituer un nouveau système

Les membres de la sous-commission «Médias et démocratie» étaient unanimes pour dire que l'encouragement de la presse avait besoin d'une base constitutionnelle solide et durable. La sous-commission s'est donc donné pour but d'élaborer cette base constitutionnelle. Mais comme l'aboutissement de ce projet au niveau constitutionnel puis sa concrétisation dans la législation prendraient probablement plusieurs années, la sous-commission a soutenu le DETEC dans sa recherche d'une solution plus judicieuse à court terme passant par une modification de l'ordonnance sur la Poste. Elle a étudié avec le Secrétaire général du DETEC toutes les orientations envisageables. Le but essentiel de la sous-commission était de mettre un terme à l'encouragement de la «grande» presse associative pour favoriser la presse locale et régionale (tirage jusqu'à 30 000 exemplaires). De plus, les aides seraient réservées aux produits de presse paraissant au moins une fois par semaine. Enfin, les publica4851

tions devraient avoir une section rédactionnelle représentant au moins 50 % de leur volume total.

Dans le débat sur les taxes postales préférentielles, il ne faut pas oublier que la subvention de 100 millions de francs accordée par la Confédération ne peut pas être affectée intégralement à l'encouragement de la presse à proprement parler. En effet, il ressort du rapport d'ECOPLAN que ces 100 millions de francs financent d'autres aides, notamment: 1.

des mesures d'encouragement au titre de la politique régionale, comme l'obligation de proposer des tarifs uniques indépendamment des distances;

2.

le soutien de publications d'utilité publique;

3.

le soutien de publications éditées en application d'un mandat légal.

Globalement, la sous-commission juge ces subventions justifiées. Toutefois, elles ne font pas partie du système d'aide à la presse. Il serait donc judicieux d'inscrire dans des dispositions spécifiques, indépendamment de l'encouragement de la presse, des bases juridiques clairement applicables à ces subventions.

Le 27 mars 2002, le Conseil fédéral a envoyé en consultation un projet de révision partielle de l'ordonnance sur la Poste. Ce projet tenait largement compte des souhaits de la sous-commission «Médias et démocratie», à l'exception de l'exigence d'une partie rédactionnelle représentant au moins 50 %. Si cette exigence avait été retenue, presque aucun journal n'aurait pu remplir les critères permettant de recevoir les aides. Concrètement, le Conseil fédéral proposait les modifications suivantes de l'ordonnance sur la Poste: 1.

Introduction d'un tirage maximal de 300 000 exemplaires. Les produits de presse dont le tirage dépasse cette limite ne seraient plus distribués à des tarifs spéciaux.

2.

Limitation de l'aide aux produits de presse paraissant au moins une fois par semaine.

3.

Amélioration de l'aide à la presse régionale et locale (tirage inférieur à 30 000 exemplaires) grâce à l'augmentation du rabais sur le prix de base et à l'application sans condition du tarif spécial.

Le critère de la parution hebdomadaire, en particulier, permettrait de réduire massivement le nombre de titres bénéficiaires d'une aide. Les moyens ainsi dégagés seraient affectés à la presse régionale et locale ainsi qu'à la réalisation d'économies de 30 millions de francs, ce qui satisferait à la demande présentée par la Commission des finances lors du débat budgétaire de l'hiver 2001.

Les réactions suscitées par cette proposition ont montré combien il est difficile de changer le système en place. L'association Presse suisse s'est montrée particulièrement critique, parlant d'un effort sans lendemain (cf. «Der Bund» du 24 avril 2002).

Les organisations d'utilité publique, dont les intérêts n'étaient pas pris en compte dans la proposition de révision, se sont également défendues. Constatant les mauvais résultats de la consultation, le Conseil fédéral a renoncé, lors de sa séance du 3 juillet 2002, à réviser l'ordonnance sur la Poste. Par conséquent, il n'y aura pas de réduction des aides fédérales de 100 millions de francs en 2003. En revanche, pour répondre aux exigences d'économie, le Conseil fédéral se voit contraint de présenter à l'Assemblée fédérale un projet de modification de la loi sur la Poste qui permet4852

trait de faire des économies de 20 millions à compter de 2004. Ces économies seraient réalisées de la manière suivante: 1.

Suppression des subventions pour les grandes publications (plus de 500 000 abonnés).

2.

Relèvement des tarifs pour les autres organes de presse, à l'exception de la presse régionale et locale (jusqu'à 30 000 abonnés et parution au moins une fois par semaine).

3.

Pour le reste, le système actuel demeurerait inchangé. Le critère de la fréquence de parution ne serait pas plus restrictif. Les produits de presse paraissant au moins une fois par trimestre continueraient de bénéficier d'une aide.

Le Conseil fédéral souhaite que ces nouvelles dispositions de la loi sur la Poste soient valables seulement jusqu'en 2007. Il faudra alors que cette solution transitoire soit remplacée par le régime issu de la réforme du système d'aide à la presse sur laquelle travaille actuellement la Commission des institutions politiques du Conseil national. Les Chambres fédérales ont approuvé cette proposition du Conseil fédéral pendant la session d'hiver 2002 (BO 2002 N 1742 ss et BO 2002 E 1125 ss).

Le Conseil fédéral a ainsi indiqué clairement que le système actuel d'encouragement indirect de la presse par des taxes postales préférentielles ne saurait être considéré que comme une solution de transition. Cela signifie que la Commission des institutions politiques doit faire avancer rapidement le projet de base constitutionnelle pour une nouvelle politique de la presse sur lequel elle travaille afin que l'élaboration des bases légales correspondantes puisse commencer dès que possible. Si cette entreprise de réforme du système ne réussit pas, le secteur de la presse risque de perdre purement et simplement toute aide, directe ou indirecte, des pouvoirs publics.

1.4.5

Elaboration d'une disposition constitutionnelle et esquisse d'un train de mesures

Lors de ses travaux préparatoires, la sous-commission est partie du principe que l'actuelle loi sur la Poste ne pouvait pas servir de base à une solution satisfaisante à long terme. Comme ECOPLAN dans son étude, elle est arrivée à la conclusion que le système d'encouragement indirect devait être remplacé par un système d'aide directe. A la mi-mai 2002, la sous-commission s'est ralliée au texte d'une disposition constitutionnelle issue d'un projet du Département fédéral de justice et police et ayant pour but d'instaurer un système d'aide directe à la presse. Il a ensuite fallu esquisser les mesures qui permettraient de mettre en application ce nouvel article constitutionnel. L'accent a été mis sur la définition de critères à appliquer pour déterminer quels produits de presse pourraient bénéficier de l'aide. Il ne s'agissait pas encore de rédiger des dispositions légales concrètes, mais d'indiquer aux personnes concernées et aux électeurs comment l'article constitutionnel proposé pourrait être appliqué. Les critères présentés au ch. 2.4.1 constituent également de simples propositions de la Commission des institutions politiques, pouvant servir de base au législateur. Toutefois, les détails de la législation feront encore l'objet, en temps voulu, d'une discussion approfondie.

4853

1.4.6

Résultat de la procédure de consultation

Au vu du caractère controversé de projets antérieurs visant à ancrer la politique des médias dans la constitution, la commission des institutions politiques a chargé le Consil fédéral de lancer une procédure de consultation au sujet de son avant-projet du 5 septembre 2002.

Comme le montre le rapport du DETEC du juin 2003 concernant les résultats de la consultation, la nouvelle tentative de la commission des institutions politiques d'élaborer une disposition constitutionnelle concernant la politique des médias a reçu un bien meilleur accueil que l'avant-projet de 1999. L'orientation générale de l'avant-projet (création d'une nouvelle disposition constitutionnelle et passage d'une aide indirecte à une aide directe) a reçu un écho plutôt favorable de la majorité des cantons et des partis politiques, tandis que la réaction de la branche professionnelle des médias tendait plutôt vers la désapprobation.

L'accueil a été généralement favorable de la part de la majorité des gouvernements cantonaux (16), des partis (PDC, PS, écologistes, PCS, PEP, UDF; avec réserves: PRD et PLS), de la part des représentants des médias électroniques, des syndicats, des organisations à but non lucratif, de divers petits éditeurs, des organisations de consommateurs (avec réserves), des milieux universitaires en communication et médias et de la Poste.

La disposition a suscité une réaction négative de l'Association de «Presse suisse» et de maisons d'édition qui lui sont affiliées, de cinq gouvernements cantonaux, de l'UDC et des associations d'entrepreneurs.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Le contexte: l'évolution des marchés régionaux de la presse

Les fusions de journaux et autres regroupements de publications ont fait couler beaucoup d'encre au cours des années nonante. Ils sont à l'origine de l'élaboration du présent rapport et projet d'acte. L'Office fédéral de la statistique, qui a mesuré l'ampleur précise de la concentration de la presse et de la disparition de journaux, a publié en avril 2001 un rapport sur le sujet. Ce rapport résume l'évolution observée en deux expressions: «disparition de titres» et «concentration rédactionnelle».

En ce qui concerne la disparition de titres, le rapport explique: «Ces vingt dernières années, on a assisté à une réduction massive du nombre de titres, qualifiée de Titelsterben (mort des titres) en Suisse alémanique. On n'en dénombrait plus que 201 en 1999, soit un quart de moins qu'en 1980.» (Actualités OFS: Evolution de la diversité de la presse 1980­1999. Neuchâtel 2001, p. 7).

Une unité de publication est constituée de différents journaux qui collaborent sur le plan rédactionnel. Dans la littérature spécialisée, ce terme s'applique en principe à un ensemble de journaux dont la partie consacrée aux actualités supralocales est réalisée en commun. L'Office fédéral de la statistique a constaté que le nombre de titres par unité de publication a progressé au cours des vingt dernières années, passant de 1,23 en 1980 à 1,36 en 1999. Pour qualifier ce phénomène, on emploie le 4854

terme de «concentration rédactionnelle». De plus en plus de titres se partagent la réalisation de la partie supralocale, ce qui réduit d'autant la diversité de la presse (Actualités OFS, p. 10).

Il est intéressant de savoir quels sont les produits de presse les plus touchés par cette évolution. A ce sujet, l'OFS observe: «Les fusions et les disparitions touchent en premier lieu les journaux au tirage modeste (moins de 10 000 exemplaires). Le nombre de titres appartenant à cette catégorie a reculé d'un tiers depuis 1980. Les journaux locaux et régionaux sont probablement les plus touchés par cette évolution.» (Actualités OFS, p. 7).

Le professeur Blum, de l'Université de Berne, livre des informations plus précises sur l'évolution des marchés régionaux de la presse (cf. «Mediensystem», notes de cours SS 01). Ayant analysé la situation par district, il distingue les cas suivants: 1.

Le monopole: Il y a une situation de monopole dans un district lorsque l'un des journaux du district est diffusé dans plus de 60 % des ménages et que tous les autres journaux ont une diffusion marginale (en général moins de 15 %; parfois 30 %).

2.

Le quasi-monopole: Il y a une situation de quasi-monopole dans un district lorsque l'un des journaux du district est diffusé dans au moins 45 % des ménages et que le deuxième journal le plus diffusé a un taux de pénétration inférieur de 20 % au moins.

3.

La position dominante: Un journal a une position dominante dans un district lorsqu'il est diffusé auprès de moins de la moitié des ménages, mais que le deuxième journal le plus diffusé a un taux de pénétration inférieur de 10 % au moins.

4.

La libre concurrence: Il y a une situation de libre concurrence dans un district lorsque plusieurs journaux, c'est-à-dire au moins deux, ont des diffusions similaires.

L'analyse des 185 districts de Suisse en 2000 a montré que 41 connaissaient une situation de monopole (22,2 %), 66 une situation de quasi-monopole (35,6 %), 39 une situation de position dominante (21,1 %) et seulement 39 une situation de libre concurrence entre les médias (21,1 %).

2.2

Le but du projet: Les espaces de débat démocratique

La Commission des institutions politiques du Conseil national a abordé le dossier de l'encouragement de la presse non pas comme un but en soi, mais comme un enjeu de politique institutionnelle. Il s'agit donc de savoir quelles sont les fonctions que la presse et les médias en général doivent remplir dans un système démocratique, et plus particulièrement dans un système de démocratie directe. La Commission a donc défini comme but la protection ou le rétablissement des espaces de débat démocratique. Elle est partie du principe qu'il faut avoir des médias pluriels, de haute qualité et soumis à une certaine concurrence pour que l'opinion et de la volonté puissent se former de manière autonome et indépendante. Tout pouvoir politique doit être soumis au contrôle d'une opinion publique plurielle car sinon le danger d'une utilisation abusive du pouvoir politique est trop grand.

4855

La Commission est donc favorable à une concurrence et à une diversité dans le domaine des médias en général. Dans le domaine de la presse, la concurrence a été un moyen efficace d'assurer la qualité du discours politique. C'est la pluralité du discours qui est en jeu, et celle-ci peut être mieux assurée par deux petits journaux que par un grand journal généraliste.

Mais le marché ne parvient pas toujours à instaurer la concurrence souhaitable, comme l'exposait le rapport de la Commission des institutions politiques du 2 juillet 1999, avec l'appui éloquent des statistiques. A cet égard, le spécialiste des médias Josef Trappel parle d'insuffisances du marché (cf. ch. 1.3.1). Bien des régions sont soumises au monopole de fait d'un quotidien. Le cas bâlois n'est plus une exception en Suisse. L'espoir que les nouveaux médias locaux (radios et télévisions locales) ranimeraient la concurrence est resté vain. Au contraire, les médias électroniques produisent plutôt un renforcement des monopoles dans le domaine de la presse. Des éditeurs multimédias sont nés, regroupant journal, radio et télévision. A cela s'ajoute le fait que le journal est un support de communication qui se prête mieux à une présentation approfondie de l'information politique que les médias électroniques, qui traitent l'information au rythme effréné qui leur est habituel. La multiplicité des radios et des télévisions locales ne compense donc pas l'absence de diversité de la presse.

De même, la libéralisation des radios locales prévue dans le projet de révision de la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV) de décembre 2000 risque d'entraîner une extension des monopoles. En effet, le projet rédigé pour la consultation propose, sous le titre «Mesures contre la concentration des médias», deux dispositions antimonopolistiques qui ne concerneraient que les médias électroniques étant donné le champ d'application de la LRTV.

Compte tenu de l'importance de la pluralité du paysage médiatique pour la démocratie, la question des monopoles doit être abordée dans les autres domaines également. Le professeur Roger Blum constate à juste titre un déficit frappant de réglementation dans le domaine de la presse par rapport au domaine des médias électroniques (cf. ch. 1.3.1). Il est donc urgent de créer la base constitutionnelle qui permettra
d'élaborer des mesures correspondantes pour le secteur de la presse. Il sera alors possible de mettre en place une politique des médias cohérente et d'adopter des dispositions légales applicables à tous les médias dans une loi sur la diversité des médias.

Beaucoup de cantons sont conscients du problème des monopoles car la politique cantonale est souvent victime des déséquilibres de l'information dans la presse.

Néanmoins, les solutions proposées par plusieurs cantons ont échoué. Il faut donc que le législateur fédéral assume une responsabilité politique nationale et entre en action pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie aux différents niveaux de l'Etat. L'accent doit être mis sur les marchés régionaux des médias et plus particulièrement les marchés cantonaux. Au niveau national, on trouve une variété de médias qui se concurrencent, à l'intérieur des secteurs et entre les secteurs.

4856

2.3

Une nouvelle disposition constitutionnelle pour une politique globale des médias

L'encouragement de la presse pratiqué actuellement en Suisse, qui n'est qu'indirecte, repose sur l'art. 15 de la loi sur la Poste (RS 783.0). Cette disposition prévoit que la Poste applique des prix préférentiels aux journaux, en particulier à ceux de la presse locale et régionale, et aux périodiques en abonnement. Chaque année, la Confédération indemnise la Poste à hauteur de 100 millions de francs pour cette prestation de service public. Les critères d'octroi de ces tarifs préférentiels sont définis à l'art. 11 de l'ordonnance sur la Poste (RS 783.01). Dans la pratique, un très grand nombre de produits de presse (3000 titres au total) reçoivent une aide. Les tarifs préférentiels sont accordés non seulement à la presse politique quotidienne qui commente l'actualité locale ou régionale, mais aussi à des publications concernant la religion, la musique et le sport ou encore aux publications associatives (cf. étude ECOPLAN, p. 3 et 5).

La constitutionnalité de cette aide indirecte à la presse fondée sur l'art. 15 de la loi sur la Poste n'est pas totalement indiscutable. Dans son message du 20 avril 1994 concernant la modification de la loi sur le Service des Postes (FF 1994 II 862), le Conseil fédéral se réfère en particulier à l'art. 55bis, al. 4, de la constitution d'alors.

Cette disposition, qui figure à l'art. 93, al. 4, de l'actuelle Constitution (Cst.), demande que la situation et le rôle des autres médias, en particulier de la presse, soient pris en considération dans le cadre de l'article sur la radio et la télévision.

Il y a donc une double nécessité d'agir. Premièrement, la presse doit continuer de recevoir une aide, sous quelque forme que ce soit, et cette aide doit reposer sur une base constitutionnelle solide. Deuxièmement, la pratique actuelle des prix préférentiels basée sur l'art. 11 de l'ordonnance sur la Poste n'est absolument pas satisfaisante. Elle ne répond même pas à l'objectif, formulé à l'art. 15 de la loi sur la Poste, d'encourager indirectement la presse, en particulier locale et régionale. A long terme, il faut donc remplacer ce système par un système d'aide directe à la presse, pour lequel le présent projet propose une base constitutionnelle. Le système actuel d'encouragement indirect de la presse est non seulement compliqué à mettre en oeuvre, mais il est peu transparent
pour les non-initiés. Il faut donc chercher un nouveau système d'aide directe utilisant des critères transparents.

Le présent projet de nouvel art. 93a Cst. est consacré à la politique des médias en général. Ainsi, la nouvelle disposition permettra non seulement de prendre des mesures d'aide directe ou indirecte à la presse, mais aussi de mettre en place une politique globale des médias dans le but de protéger des espaces de débat démocratique. Elle offrira en outre une base constitutionnelle explicite pour les mesures d'encouragement fondées sur la politique régionale, comme l'uniformisation des tarifs indépendamment des distances, ainsi que pour l'encouragement des publications des organisations d'utilité publique ou encore l'indemnisation des prestations fournies dans le cadre d'un mandat d'information légal. Ces mesures, comme le montre l'étude d'ECOPLAN, sont déjà en place aujourd'hui sur la base de la loi sur la Poste. Une grande partie des 100 millions de francs de subventions fédérales sont actuellement utilisées à cet effet. Il est important de souligner ici que les mesures d'encouragement reposant sur la politique régionale, comme la garantie de tarifs uniformes indépendamment des distances, ainsi que le soutien des publications des organisations d'utilité publique ne devraient pas être laissés pour compte lors du 4857

remplacement du système d'aide indirecte par un système d'aide directe à la presse.

Ces deux catégories de mesures devraient au contraire être maintenues, sur la base du nouvel art. 93a Cst., dans la loi sur la Poste et dans une future loi sur la diversité des médias. C'est pourquoi la disposition constitutionnelle proposée énonce, outre son but premier de protéger la formation démocratique de l'opinion, un deuxième but de préservation de la cohésion sociale.

2.4

Esquisses de mesures d'application de la disposition constitutionnelle

2.4.1

Remplacement de l'aide indirecte à la presse selon la loi sur la Poste par l'octroi de subventions directes à des produits de presse individuels

Une fois créée la base légale, il faudra légiférer pour adopter des mesures concrètes en vue d'encourager la diversité et l'indépendance des médias ou pour encourager les organisations d'utilité publique. Si, comme le propose le présent rapport, on remplace le système d'aide indirecte à la presse sous la forme de taxes postales préférentielles par un système d'aide directe en faveur de produits de presse déterminés, il faudra de nouveau définir les critères régissant l'octroi des subventions.

Cela devra avoir lieu au cours d'un processus politique complexe. Cependant, pour que le peuple et les Etats puissent se faire une idée de ce que sera la future politique des médias lorsqu'ils devront se prononcer sur la nouvelle disposition constitutionnelle, il est utile de proposer ici une esquisse ­ toutefois provisoire ­ de ces critères.

Cela permet d'indiquer au législateur les intentions contenues dans la nouvelle disposition constitutionnelle.

Voici des exemples de critères à remplir, selon la Commission, pour recevoir des subventions: 1.

Devraient avoir droit aux subventions les produits de presse auxquels les lecteurs s'abonnent explicitement, c'est-à-dire pas les journaux gratuits. Si une association souhaite recevoir des subventions pour le journal qu'elle diffuse auprès de ses adhérents, elle doit demander à ces derniers de payer en abonnement en plus de leur cotisation. Le prix de l'abonnement ne devrait pas être inférieur à un certain montant; le but est de subventionner uniquement les produits de presse dont les lecteurs font la démarche de payer un abonnement autre que symbolique.

2.

Le produit de presse devrait paraître régulièrement (p. ex. au moins 25 fois par an). Cela garantit que le journal ou le magazine est publié avec une certaine régularité et qu'il peut ainsi offrir une solution de rechange à un journal en position de monopole.

3.

La partie rédactionnelle ne devrait pas être inférieure à un certain seuil (p. ex. 30 %) en moyenne annuelle.

4.

Le produit de presse devrait être réalisé par un nombre minimum de collaborateurs faisant partie de la rédaction de l'entreprise. En outre, une somme minimale devrait être affectée aux dépenses de formation (cf. ch. 2.4.3).

4858

5.

Le produit de presse devrait avoir une charte rédactionnelle. Son indépendance vis-à-vis de l'éditeur devrait être garantie.

6.

Le produit de presse devrait faire état de ses rapports de propriété et de ses participations dans d'autres entreprises du secteur des médias (obligation de transparence).

7.

Le produit de presse devrait avoir un tirage compris dans une certaine fourchette (p. ex. entre 2000 et 40 000 exemplaires). Un seuil assez bas, par ex.

de 2000 exemplaires, doit permettre aux petits éditeurs de lancer un deuxième journal dans les régions où règne une situation de monopole. Le cumul de ce critère avec l'exigence de la publication d'au moins 25 éditions par an, par exemple, garantit que les subventions seront accordées à des produits qui contribuent effectivement à la formation de l'opinion dans la vie politique quotidienne. Le seuil ne doit pas être trop bas car cela reviendrait à soutenir des produits qui ne sont pas viables. Le plafond de 40 000 exemplaires par tirage a été suggéré sur proposition des petits éditeurs.

8.

Les produits de presse qui désirent recevoir des subventions devraient se soumettre à un service de médiation. On pourrait envisager la création d'un service de médiation par région linguistique, qui émanerait des associations ou de la Confédération.

9.

Les produits de presse qui désirent recevoir des subventions devraient publier leurs comptes. Si le chiffre d'affaires d'un produit de presse dépasse un certain montant, à fixer dans la loi, il ne recevra pas de subvention même s'il remplit les autres critères. Cela évitera d'aider de grands journaux en position de monopole.

Les neuf critères ci-dessus sont cumulatifs, c'est-à-dire qu'ils devraient être tous remplis pour qu'un produit de presse puisse recevoir une subvention. La Commission considère que cela contribuera surtout au maintien sur le marché des journaux qui souhaitent entrer en concurrence avec d'autres produits de presse au niveau local ou régional. Les éditeurs pourront utiliser les aides reçues comme ils l'entendent.

Certains jugeront peut-être utile de s'offrir un service privé de distribution matinale pour que leur publication soit plus intéressante pour les lecteurs.

Lorsque la législation d'application sera à l'étude, il faudra revenir sur ces critères en gardant bien ces buts à l'esprit. Il se peut que des critère supplémentaires viennent grossir la liste, et que certains en soient au contraire rayés. Par exemple, la question des participations dans d'autres entreprises du domaine des médias n'a pas encore été analysée: faut-il exclure du cercle des bénéficiaires les entreprises qui détiennent des participations importantes dans un autre support de la région? Ou estil bon pour la diversité des médias que les entreprises de presse prennent des participations dans les radios locales? Ce ne sont que quelques unes des questions qui resteront à examiner lors de l'étude de la législation d'application. Le présent projet, quant à lui, a pour but de définir les grandes orientations de cette future législation.

Une fois la législation adoptée, les critères choisis à l'origine devront être régulièrement contrôlés. Il serait donc judicieux d'assortir cette législation d'une clause d'évaluation prévoyant un contrôle à une date précise.

4859

2.4.2

Mesures relevant de la législation sur les cartels

Les évolutions récentes donnent à penser que la législation sur les cartels a en fait peu de prise dans le domaine des médias. Mais si l'on veut éviter que cette législation ne soit encore plus inefficace, il faut renoncer à la suppression du seuil particulièrement bas applicable à l'obligation de déclarer les fusions entre entreprises du secteur des médias que propose le Conseil fédéral dans son message du 7 novembre 2001 relatif à la modification de la loi sur les cartels (cf. FF 2002 1911).

2.4.3

Encouragement de la formation professionnelle et de la formation continue

Le concept d'encouragement de la diversité des médias en général et de la presse en particulier qui est proposé ici est intimement lié à l'exercice de la profession de journaliste par des personnes bien formées et conscientes de leurs responsabilités politiques. Il ne suffit pas de garantir la multiplicité des titres dans toutes les régions grâce à des aides directes; encore faut-il que ces titres publient des articles de bonne qualité sur l'actualité politique quotidienne dans la région. Il faut donc que la Confédération s'engage également en faveur de la formation des professionnels des médias, mais aussi en faveur de la recherche directement applicable.

3

Commentaire de la disposition constitutionnelle

3.1

Arrêté fédéral sur la politique des médias

3.1.1

Article constitutionnel

Art. 93a

Politique des médias

La Confédération encourage la diversité et l'indépendance des médias. Ce faisant, elle tient compte de l'importance des médias pour la formation démocratique de l'opinion aux niveaux national, régional et local, ainsi que pour la cohésion sociale.

3.1.2

Rapport entre l'art. 93 et l'art. 93a Cst.

L'insertion d'un nouvel art. 93a Cst., à la suite de l'actuel art. 93 Cst. (radio et télévision), permet d'ancrer dans la Constitution les objectifs fondamentaux de la politique des médias.

Bien que l'art. 93 Cst. traite déjà des médias électroniques, l'art. 93a Cst. parle tout simplement de «médias». De cette façon, on souligne le fait que la garantie de la diversité porte sur l'ensemble du paysage médiatique. A l'échelle régionale en particulier, on constate que, pour avoir une vision complète de la diversité des opinions exprimées publiquement, il faut tenir compte de la presse écrite aussi bien que des médias électroniques (y compris les nouveaux médias comme Internet) dans leur globalité. S'agissant en revanche de réglementer la radio et la télévision ainsi que d'autres formes de diffusion de productions et d'informations ressortisssant aux 4860

télécommunications publiques, l'art. 93 Cst. restera en revanche à l'avenir prépondérant. Dans ce domaine, la Constitution formule un véritable mandat d'action et reconnaît à la Confédération un pouvoir de réglementation plus étendu que celui inscrit dans l'art. 93a Cst. Il faut mentionner en outre que à l'occasion de la composition du programme de médias électroniques, «la situation et le rôle des autres médias, en particulier de la presse», doivent être pris en considération (art. 93, al. 4, Cst.).

3.1.3

Base constitutionnelle pour des mesures d'encouragement en matière de politique des médias

Des mesures d'encouragement en matière de politique des médias nécessitent une base constitutionnelle. Celle-ci existe déjà pour la radio et la télévision dans le cadre de l'art. 93 Cst. Pour les autres médias, différentes mesures reposent sur des articles constitutionnels existants, par exemple le soutien de la formation des journalistes se fonde sur les art. 63, al. 2, Cst. (formation professionnelle et hautes écoles) et 66, al. 2, Cst. (aides à la formation).

D'autres mesures d'encouragement ­ par exemple financières ­, doivent trouver dans l'art. 93a Cst. une nouvelle base constitutionnelle. Des compétences en matière d'encouragement sont reconnues à la Confédération par diverses autres dispositions constitutionnelles, par exemple l'art. 63 (formation professionnelle et hautes écoles), l'art. 64 (recherche), l'art. 68 (sport), l'art. 69 (culture) et l'art. 70 (langues).

3.1.4

Objectif: encourager la diversité du paysage médiatique

L'art. 93 Cst. ne se limite toutefois pas à instaurer une compétence d'encouragement. Cette disposition repose sur la conviction que les médias contribuent à la transparence démocratique et à la formation de la volonté politique par la richesse du débat démocratique. Les médias doivent refléter la diversité de la société et être en mesure de thématiser les problèmes actuels d'importance.

La concentration progressive des médias, encore renforcée par le développement remarquable des médias électroniques, pourrait se révéler de plus en plus contraire aux attentes exprimées. En particulier dans le secteur régional et local, le processus de concentration se répercute sur les droits fondamentaux que sont la liberté d'opinion et d'information (art. 16 Cst.), qui appartiennent à chacun, ainsi que sur la liberté des médias (art. 17 Cst.). Des droits fondamentaux peuvent être menacés non seulement par des interventions étatiques, mais aussi par le développement de la société. L'art. 35 Cst. le reconnaît expressément et oblige les autorités étatiques à veiller à ce que les droits fondamentaux trouvent leur expression dans l'ensemble de l'ordre juridique (al. 1) et, dans la mesure où ils s'y prêtent, à ce qu'ils se réalisent dans les relations qui lient les particuliers entre eux (al. 3). Les composantes tant démocratiques qu'institutionnelles des libertés de communication veulent que chacun puisse en tout temps avoir accès à des avis différents concernant des questions importantes de politique ou de société, au niveau tant national que régional ou local,

4861

et s'exprimer à leur sujet. Cette liberté est la condition d'une défense efficace des droits démocratiques de participation.

3.1.5

Mesures d'encouragement possibles

L'art. 93a Cst. habilite les autorités étatiques à prendre au besoin des mesures d'encouragement pour que, au regard du processus démocratique de formation de la volonté, le paysage médiatique reste le plus varié possible et pour que les médias puissent couvrir le besoin d'information et de dialogue du public de façon ouverte, large et compétente. L'encouragement se concentre sur le maintien, le renforcement ou le rétablissement de la diversité de l'offre et de l'indépendance des différents médias.

La diversité concerne en premier lieu la possibilité de choisir entre plusieurs produits médiatiques (pluralité externe). Un soutien financier ciblé et subordonné à la réalisation de critères fixés par la loi, peut contribuer à élargir l'offre. Mais des mesures de consolidation ou d'amélioration de la qualité journalistique, comme le soutien à des centres de formation reconnus, peuvent aussi renforcer la diversité.

Dans tous les cas, des mesures d'encouragement ne sont admissibles que pour autant qu'elles contribuent à concourir à la diversité et à l'indépendance des médias. Cela vaut également pour des contributions financières. La liberté de la presse (art. 17 Cst.) doit être respectée. Des dispositions ou des critères de financement, qui pourraient conduire de quelque façon que ce soit à une évaluation du contenu, ne sont pas admissibles s'ils ne correspondent pas aux conditions constitutionnelles de restriction des droits fondamentaux (art. 36 Cst.). Le rappel explicite de l'indépendance, en tant qu'objectif de l'encouragement, souligne en outre que l'art. 93a Cst.

doit renforcer et non pas relativiser la liberté d'opinion et d'information, ainsi que la liberté de la presse.

L'encouragement à la diversité et à l'indépendance des médias ne doit pas être un but en soi, mais doit conduire à la reconaissance de l'importance des médias dans la formation démocratique de l'opinion et la cohésion sociale (art. 93a Cst., 2e phrase). Par la mention de la formation démocratique de l'opinion, on souligne que doivent être encouragés en premier lieu les médias qui traitent de questions politiques et sociales et paraissent avec une certaine régularité. Par là, on pourrait aussi entendre des compensations pour des réductions des tarifs de distribution indépendants de la distance. Les buts recherchés valent pour
le niveau national, aussi bien que régional ou local, mais on peut aussi concentrer les mesures là où la nécessité d'agir se fait particulièrement sentir. Les médias au sens strict fournissent certes des contributions importantes pour la cohésion sociale, mais il en va de même des publications d'organisations d'utilité publique sans but lucratif. Il ne faut pas non plus oublier certaines obligations légales d'information. L'art. 93a Cst. permet par ailleurs de maintenir le soutien financier à de telles publications et communications, qui profitent aujourd'hui des tarifs de distribution réduits. Il appartient au législateur de déterminer de quelle manière et dans quelle mesure cela doit advenir.

4862

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières

Aujourd'hui, la Confédération indemnise la Poste à hauteur de 100 millions de francs pour les pertes découlant des tarifs préférentiels consentis pour l'acheminement des journaux et des magazines. La Commission des institutions politiques considère que l'on peut faire beaucoup pour le maintien de la diversité du paysage médiatique avec ces 100 millions de francs, à condition de les utiliser de manière plus ciblée qu'actuellement. Au lieu d'affecter ces fonds à de grands éditeurs en appliquant le principe de l'arrosoir, il faut les rediriger vers la presse locale et régionale grâce aux aides directes, d'une part, et vers la formation, d'autre part. Cependant, il est impératif de maintenir cette enveloppe de 100 millions de francs: elle ne doit pas passer sous le couperet des mesures d'économies. En conséquence, la nouvelle politique de la Confédération dans le domaine de la presse ne produira pas de dépenses supplémentaires.

4.2

Mise en oeuvre

L'application du système de prix préférentiels pour l'acheminement des journaux selon la loi et l'ordonnance sur la Poste est peu transparente pour les non-initiés.

Dans un système d'aide directe à la presse, la transparence des critères facilitera l'exécution. C'est à dessein que l'on a proposé ici des critères faciles à appliquer; cela devrait permettre de réduire le coût de la mise en oeuvre par rapport au système actuel.

4863