Influence de la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie ­ Examen de deux exemples précis Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 5 avril 2002

2002-0911

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Sommaire L'exécution de la LAMal implique de nombreux acteurs. Le présent examen indique, dans le contexte des augmentations de coûts qui affectent le système de la santé, la marge de manoeuvre dont la Confédération dispose pour atteindre l'objectif de maîtrise des coûts, et l'usage qu'elle en a fait dans deux domaines précis (planification hospitalière et Tarmed).

La LAMal n'offre à la Confédération, dans la plupart des cas, que des possibilités indirectes d'infléchir l'évolution des coûts.

S'agissant de la planification hospitalière, lesdites possibilités découlent de la fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral. Or, aussi consistante et cohérente soit-elle, la jurisprudence n'est pas toujours favorable à la maîtrise des coûts. En effet, comme de nombreuses questions n'ont été résolues qu'avec le temps et au cas par cas, l'insécurité juridique mine l'activité de planification des cantons. En outre, le fait que le Conseil fédéral ne puisse rendre que des décisions sur recours et dans des cas particuliers complique l'uniformisation des critères de planification et l'harmonisation des pratiques cantonales. Or il y a là une contradiction avec les objectifs d'affectation optimale des ressources et de maîtrise des coûts. Enfin, le Conseil fédéral a lui-même imposé dans sa jurisprudence des incitations financières erronées prévues dans la LAMal.

Quant au tarif à la prestation Tarmed, le rayon d'action des autorités fédérales est là encore limité. A ce propos, la Confédération a surtout insisté sur le respect de la neutralité des coûts.

La Commission de gestion souligne l'importance des analyses d'impact dans la LAMal pour étudier le fonctionnement des mesures de maîtrise des coûts. Il faudra recourir davantage aux évaluations prospectives pour en estimer es effets de manière plus fiable, dès le stade de la formation des idées politiques.

Il faudra aussi exploiter au mieux la marge de manoeuvre des divers acteurs, aux fins de la maîtrise des coûts. D'où la nécessité en général d'une collaboration plus étroite entre les pouvoirs publics et les institutions impliquées.

Un renforcement de la collaboration s'impose également dans le domaine de la planification hospitalière. Il s'agit de créer des incitations pour en renforcer le volet intercantonal. Le Conseil fédéral se montrera plus attentif au
besoin de certitudes des cantons en matière de planification. Une analyse globale des effets doit être menée dans le domaine de la planification hospitalière. Il restera enfin à envisager le passage de la planification de la capacité à celle des prestations.

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Au chapitre de la mise en oeuvre du Tarmed, le Conseil fédéral devrait concrétiser les principes d'une structure tarifaire neutre du point de vue des coûts, pour améliorer la sécurité du droit au profit des partenaires tarifaires et des cantons. Il s'abstiendrait par ailleurs de proposer ses bons offices dans les négociations externes à l'administration, afin d'éviter les conflits de rôles. En revanche, le Conseil fédéral prônerait un recours accru à une médiation à caractère professionnel. Enfin, il faudrait contrôler au plus vite les effets du Tarmed après son introduction.

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte et objet de l'examen

Au vu de l'évolution des coûts de la santé, la Commission de gestion du Conseil des Etats a décidé, dans le cadre de son programme annuel 2000, d'étudier l'influence exercée par la Confédération sur la maîtrise des coûts dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie.

La maîtrise de l'augmentation des coûts de la santé est l'un des trois objectifs majeurs que poursuit la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal), entrée en vigueur le 1er janvier 1996. Alors que l'objectif de solidarité (renforcement de la solidarité entre les divers groupes d'assurés) et celui de qualité (garantir des soins médicaux de qualité) ont été pour l'essentiel réalisés, les attentes relatives à la maîtrise des coûts tardent à être remplies. Les augmentations de coûts sont en effet comparables à celles d'avant l'introduction de la LAMal.

En comparaison internationale, notre pays affiche des dépenses de santé considérables, se classant en deuxième position derrière les Etats-Unis. D'autres pays de l'OCDE sont confrontés à cette problématique. Mais la Suisse n'est pas parvenue à stabiliser ses coûts de la santé dans les années 90 (l'Allemagne aussi). En revanche, le Canada, le Danemark ou les Pays-Bas ont réduit la part des dépenses de la santé dans leur PIB entre 1993 et 1997.

Le présent examen montre la marge de manoeuvre dont disposent les organes responsables de la Confédération dans la mise en oeuvre de l'objectif de maîtrise des coûts. A la lumière de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière et du tarif à la prestation Tarmed, il analyse si et comment les organes de la Confédération s'acquittent de leur rôle, et quelle est la portée de leur action du point de vue de l'objectif de la maîtrise des coûts.

1.2

Déroulement de l'examen

La sous-commission DFI/DETEC1 de la Commission de gestion du Conseil des Etats a chargé l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) de mener une évaluation qui s'est déroulée en deux étapes. Dans un premier temps, la sous-commission s'est fait renseigner par l'OPCA sur les mesures prévues par la LAMal pour maîtriser les coûts, sur leur importance respective et sur la marge de manoeuvre dont disposent les organes responsables de la Confédération. Sur la base de ces premiers résultats et d'autres éléments encore, la sous-commission a déterminé, au printemps 2001, deux domaines qui seraient examinés en détail. Elle a surtout considéré que les effets de la LAMal faisaient déjà l'objet d'évaluations très com-

1

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Font partie de cette sous-commission: le conseiller aux Etats Hansruedi Stadler (président), les conseillères aux Etats Christiane Langenberger et Françoise Saudan, et les conseillers aux Etats Michel Béguelin, Hans Hofmann et Filippo Lombardi.

plètes de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS)2. L'OPCA devait analyser des domaines incomplètement étudiés. Au vu de l'objectif initial, il fallait encore que la Confédération dispose de certaines compétences en rapport avec la maîtrise des coûts, et que les mesures retenues soient inscrites dans la LAMal (et non seulement prévues). La sous-commission a finalement choisi comme thèmes la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière et l'influence de la Confédération sur le tarif médical Tarmed, afin de montrer la manière dont les organes responsables de la Confédération tirent parti de leur marge de manoeuvre et les effets qui en résultent. Les deux évaluations formant la seconde étape de l'examen ont été effectuées de mai à novembre 2001 par une équipe d'experts externes (bureau Vatter, Politikforschung & -beratung, Berne), et l'OPCA en a repris les résultats dans un rapport de synthèse.

La sous-commission DFI/DETEC a examiné le fruit des évaluations en janvier 2002, et en a tiré les conclusions politiques qui s'imposaient. Ensuite, elle a entendu le 21 mars 2002 la cheffe du Département fédéral de l'intérieur, et a transmis son rapport à la Commission de gestion du Conseil des Etats. Celle-ci a adopté le présent rapport et ses conclusions et recommandations à sa séance du 5 avril 2002.

Les résultats de l'examen de l'OPCA sont brièvement résumés dans les pages qui suivent. La Commission de gestion du Conseil des Etats renvoie pour des informations détaillées aux rapports d'experts, mentionnés en dernière page. Le présent rapport a pour buts principaux d'étudier les résultats des évaluations et d'en tirer les conclusions qui s'imposent sur le plan politique.

2

Résumé des résultats de l'examen

Les résultats de l'évaluation ont fait l'objet d'un rapport de synthèse de l'OPCA, daté du 30 novembre 2001, lequel fait partie intégrante de ce travail et figure dans l'annexe. Par ailleurs, les recueils de données 1 à 3, publiés séparément en allemand, fournissent une information complète. Ce chapitre présente brièvement les résultats de l'évaluation sur les principales questions soulevées.

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Le mandat d'évaluation figure à l'article 32 de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (OAMal).

Une liste des projets d'évaluation de l'OFAS se trouve dans l'annexe ou à la page Internet:http://www.bsv.admin.ch/aktuell/presse/2001/d/01171201_projektliste.pdf.

311

2.1

Marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération du point de vue de l'objectif de maîtrise des coûts

Quelle est la marge de manoeuvre dont disposent les organes responsables de la Confédération pour parvenir à la maîtrise des coûts visée par la LAMal?

Pour répondre à cette question, l'OPCA montre dans une analyse programmatique3 quelles sont les diverses mesures prévues par la LAMal pour maîtriser les coûts, leur importance respective et la marge de manoeuvre qu'elles offrent aux organes responsables de la Confédération.

Il convient d'abord de constater que le système de santé constitue un marché dans lequel le niveau de la demande est en bonne partie déterminé par l'offre de prestations. Aussi, près de la moitié des mesures de maîtrise des coûts prévues par la LAMal visent-elles à réduire cette offre.

D'un point de vue purement quantitatif, les organes responsables de la Confédération (il est ici question des organes de la Confédération au sens étroit, soit le Conseil fédéral, le Département fédéral de l'intérieur et l'Office fédéral des assurances sociales) occupent une position dominante dans l'exécution des 44 mesures de maîtrise des coûts identifiées par l'OPCA dans la LAMal. D'un point de vue qualitatif, il faut en revanche relativiser la portée de ce constat. En effet, lesdits organes ne disposent en règle générale que de compétences régulatrices, sans pouvoir de sanction, ou n'exercent qu'une fonction jurisprudentielle. Ce n'est qu'à titre exceptionnel, et uniquement dans le secteur ambulatoire, que les organes responsables de la Confédération peuvent influer directement sur l'élargissement de l'offre (p. ex. dans le cadre de la détermination du catalogue des prestations obligatoires ou grâce à la possibilité de limiter l'autorisation de pratiquer).

Bilan: la LAMal ne donne aux organes responsables de la Confédération, dans la plupart des cas, que des possibilités indirectes de contribuer à la maîtrise des coûts.

2.2

Influence de la Confédération dans le domaine de la planification hospitalière4

Comment les organes responsables de la Confédération ont-ils utilisé leur marge de manoeuvre dans le domaine de la planification hospitalière, et quels ont été les effets de leurs activités du point de vue de la maîtrise des coûts?

Le rayon d'action limité de la Confédération déjà évoqué et l'influence souvent indirecte seulement qu'elle possède se retrouvent dans l'analyse approfondie de la planification hospitalière.

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4

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Voir le 1er recueil de données du bureau Vatter: Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Eine Programmanalyse unter besonderer Berücksichtigung der Handlungsspielräume des Bundes (Rapport de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration du 29 août 2001 à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats).

Voir le 2e recueil de données du bureau Vatter: Kostendämpfungsmassnahmen im KVG, Die Wirkungen der bundesrätlichen Rechtsprechung im Falle der Spitalplanung (étude du 30 novembre 2001 commandée par l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration).

L'art. 39, al. 1, de la LAMal exige des cantons qu'ils planifient l'offre de leurs hôpitaux et établissements médico-sociaux, et règle au moyen des listes hospitalières l'admission à fournir des prestations à la charge de l'assurance-maladie sociale. Selon le message du Conseil fédéral concernant la LAMal de 19915, cette mesure vise la coordination des fournisseurs de prestations, l'utilisation optimale des ressources et la maîtrise des coûts.

La LAMal laisse aux cantons une grande marge de manoeuvre pour leur planification hospitalière. Quant à la Confédération, sa marge de manoeuvre découle de l'art. 53 de la LAMal, prévoyant que les listes cantonales des hôpitaux peuvent faire l'objet d'un recours au Conseil fédéral. La jurisprudence du Conseil fédéral influe donc sur la structure des soins stationnaires de chaque canton en sanctionnant sa liste des hôpitaux. En outre, elle assure l'interprétation conforme à la LAMal des critères (très généraux) d'admission des fournisseurs de prestations.

L'évaluation globale de la jurisprudence dans le domaine de la planification hospitalière montre que les décisions du Conseil fédéral ont eu plutôt tendance à entraîner une extension des capacités prévues pour les listes cantonales, que la fermeture d'hôpitaux supplémentaires. Les décisions sur recours examinées de plus près n'ont toutefois pas eu de conséquences financières directes. Le seul effet d'ordre financier directement imputable à la pratique du Conseil fédéral dans les cas étudiés résulte de la lenteur de la procédure. La longue durée de traitement des recours a généré des coûts chaque fois que des assureurs-maladie ont recouru contre l'admission de certains hôpitaux sur les listes ou contre des listes hospitalières dans leur intégralité, et qu'ils ont obtenu gain de cause, puisqu'ils ont dû assumer la totalité des coûts supplémentaires contestés jusqu'à ce que la décision du Conseil fédéral soit connue. De manière indirecte, les décisions prises en faveur de l'admission des divisions semi privées et privées sur la liste des hôpitaux ont plutôt fait augmenter aussi les coûts.

Les experts chargés de l'évaluation signalent ensuite différents points problématiques qui n'ont qu'un lien indirect avec la compétence jurisprudentielle du Conseil fédéral et qui découlent en partie de la législation elle-même: ­

5

Bien qu'elle soit consistante et cohérente, la jurisprudence du Conseil fédéral envoie des signaux politiques en partie contradictoires. Faute d'une direction politique comportant des critères de planification et d'admission clairs, tous les cantons étudiés ressentent une certaine incertitude en matière de planification hospitalière. De l'avis des experts, divers recours auraient pu être évités si la Confédération avait préalablement défini au niveau politique, notamment par voie d'ordonnance, les exigences en matière de planification hospitalière. La manière de procéder du Conseil fédéral, qui tranche seulement au cas par cas et sur recours, s'explique par son souci de respecter l'autonomie cantonale en matière de planification hospitalière. Or, une telle pratique ne facilite ni l'uniformisation des critères de planification, ni l'harmonisation entre les cantons (et donc la maîtrise des coûts). Les experts recommandent donc au Conseil fédéral d'assumer une direction politique pour atteindre l'objectif de maîtrise des coûts.

FF 1992 I 149

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Dans le domaine de l'assurance-maladie, la jurisprudence du Conseil fédéral qui confirme que les divisions semi privées et privées des hôpitaux ont un droit légitime à l'admission sur les listes hospitalières est un facteur de nature à faire augmenter les coûts. Comme les prestations desdites divisions sont à la charge de l'assurance de base et que l'offre correspondante ne peut être limitée, les cantons sont mis dans l'impossibilité de pratiquer une planification hospitalière centrée sur la maîtrise des coûts. Ce point a été traité dans la 2e révision partielle de la LAMal, actuellement en délibération au Conseil national. Par décision du Conseil des Etats, toutes les prestations dues en vertu de la LAMal devraient être désormais soumises à la planification hospitalière, indépendamment du type d'établissement (division commune, semi privée ou privée; hôpital public, bénéficiant de subventions publiques ou privé) et de la couverture d'assurance à disposition (assurance de base ou assurance complémentaire).

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La jurisprudence du Conseil fédéral, formée au gré des recours déposés et donc de décisions prises au cas par cas, se réfère avant tout à la planification de cantons particuliers et ne comporte guère d'incitation à la coordination intercantonale. Les experts évoquent ici les dispositions encore en vigueur et la pratique en matière de financement hospitalier, qui incitent fortement les cantons à planifier selon un principe autarcique, donc de manière non coordonnée. Auparavant, ceux-ci n'étaient tenus de fournir une contribution de base (autrement dit la part des coûts imputable à un traitement en division commune) que pour les traitements hors canton en division semi privée et privée, et les assureurs devaient financer l'intégralité des traitements en division semi privée et privée dispensés dans le canton. D'où l'effort des cantons pour assurer à leur population une offre complète de prestations, au détriment des objectifs visés par la planification hospitalière. Or, un jugement du Tribunal fédéral des assurances datant de novembre 2001 et les délibérations parlementaires consacrées à la 2e révision partielle de la LAMal ont corrigé cette situation. A l'avenir, les cantons devront également s'acquitter d'une contribution de base pour les traitements prodigués sur leur propre territoire en division privée ou semi privée.

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Enfin, les experts mandatés par l'OPCA constatent que l'instrument de la planification de la capacité est inadéquat pour atteindre l'objectif de la maîtrise des coûts. En effet, ce sont les prestations fournies et non le nombre de lits qui déterminent les coûts. En outre, des effets indésirables de transfert sont à signaler: les capacités en division commune supprimées grâce à la planification hospitalière sont compensées par l'offre en division privée et semi privée, offre qui, dans le cadre des assurances complémentaires, induit également des prestations à la charge de l'assurance de base obligatoire et, partant, continue de faire augmenter les primes de l'assurance de base. En outre, des prestations sont transférées du secteur stationnaire au secteur ambulatoire, intégralement financé par l'assurance-maladie sociale. Pour sortir de cette situation, les assureurs et certains hôpitaux préconisent le passage à la planification des prestations. Les supports institutionnels cantonaux ne sont toutefois pas favorables à cette voie, en raison des complications qui y sont liées.

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Bilan: Le Conseil fédéral a exercé son influence dans le domaine de la planification hospitalière par le biais de sa compétence jurisprudentielle. Or, les décisions du Conseil fédéral ont plutôt tendance à faire augmenter les coûts. Si l'on ne peut imputer à la jurisprudence du Conseil fédéral des conséquences financières directes, il faut toutefois reconnaître que le fait de prendre des décisions au cas par cas, en fonction des recours déposés, n'a facilité ni l'uniformisation des critères de planification, ni l'harmonisation entre les cantons. La jurisprudence du Conseil fédéral contient en outre des incitations inadéquates présentes dans la LAMal. Au reste, la jurisprudence du Conseil fédéral, qui porte essentiellement sur l'utilisation optimale des ressources d'un canton donné, n'incite guère à la coordination intercantonale.

2.3

Influence de la Confédération sur le tarif médical Tarmed6

Quelles ont été les stratégies et les activités adoptées par les organes responsables de la Confédération pour influer sur le tarif à la prestation ambulatoire Tarmed?

Comment faut-il les évaluer, dans la perspective de l'objectif de maîtrise des coûts?

L'art. 43, al. 5, de la LAMal prévoit que les tarifs à la prestation dans le domaine ambulatoire doivent se fonder sur une structure tarifaire uniforme fixée par convention sur le plan suisse. Le Tarmed, structure tarifaire valable sur le plan national, a pour but d'améliorer la transparence et de permettre une meilleure comparaison des revenus tirés des prestations médicales et, partant, une meilleure maîtrise des coûts de la santé. De plus, la révision tarifaire doit être neutre du point de vue des coûts.

La Confédération a commencé à utiliser sa marge de manoeuvre environ une demi année après l'échéance du délai légal prévu pour l'introduction de la nouvelle structure tarifaire. Or, bien que ce délai soit arrivé à échéance à fin 1997 déjà, le Tarmed n'a pas pu être adopté jusqu'ici. Le 18 septembre 2000, le Conseil fédéral a adopté la version Alpha 3.0 de la structure tarifaire. L'entrée en vigueur de la nouvelle structure dépendra toutefois de la conclusion entre partenaires tarifaires d'une convention prévoyant le respect de la neutralité des coûts. Ladite convention devra être approuvée par le Conseil fédéral.

En raison de l'autonomie tarifaire, les organes responsables de la Confédération n'ont que peu de possibilités d'exercer une influence sur le contenu du Tarmed.

Leur marge de manoeuvre et leurs obligations à assumer découlent de la LAMal. Il incombe premièrement au Conseil fédéral d'approuver la structure tarifaire (après consultation du préposé à la surveillance des prix). Il peut deuxièmement ordonner une structure tarifaire, si les partenaires tarifaires ne parviennent pas à un accord.

Troisièmement, le Conseil fédéral a la possibilité d'établir les principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique et structurés de manière appropriée. Quatrièmement, il appartient au Conseil fédéral de trancher les recours contre les décisions cantonales dans le domaine de la valeur du point.

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Voir le 3e recueil de données du bureau Vatter, Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Die Einflussnahme des Bundes auf den Arzttarif TARMED (étude du 30 novembre 2001 commandée par l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration).

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Jusqu'ici, les organes responsables de la Confédération ont largement utilisé leur marge de manoeuvre, sans toutefois l'épuiser. Premièrement, le Conseil fédéral n'a pas édicté de structure tarifaire, alors même que quatre ans après l'expiration du délai légal, les partenaires tarifaires n'ont toujours pas réussi à s'entendre sur tous les points relatifs à l'introduction de ladite structure. Les acteurs fédéraux soulignent à leur décharge que la version Alpha 3.0 de la structure tarifaire constitue un résultat négocié, et que l'autorité ne peut intervenir qu'à partir du moment où les partenaires tarifaires arrivent eux-mêmes à la conclusion que les négociations ont échoué. En outre, le Conseil fédéral n'a pas cru nécessaire d'établir, par voie d'ordonnance, des principes relatifs à la détermination du tarif et à son adaptation. Il estime que les objectifs principaux de la refonte tarifaire font déjà l'objet d'un accord contractuel entre les partenaires tarifaires. Il estime également que les principes du caractère économique et de la structure appropriée sont des critères dont le respect, qui fait par ailleurs l'objet d'un contrôle dans le cadre du processus d'approbation, est déjà prescrit par la LAMal. Le Conseil fédéral peut aussi exercer une influence en rejetant, en cas de recours, l'adaptation de la valeur du point cantonale. En 1997, avant l'échéance du délai prévu pour l'introduction du nouveau tarif, le Conseil fédéral a rejeté un recours de la société cantonale des médecins de Schaffhouse visant l'augmentation de la valeur du point cantonale. Depuis, aucun autre recours n'a été déposé dans ce sens.

Les experts mandatés par l'OPCA constatent que la Confédération s'en tient aux objectifs et aux consignes figurant dans la LAMal pour définir le contenu de son action et la manière de procéder. S'agissant du contenu, le respect de la neutralité des coûts est clairement prioritaire pour la Confédération. Le préposé à la surveillance des prix occupe une position influente à cet égard. La Confédération s'est distinguée par ses activités de médiation. Le succès de cette tactique doit beaucoup à l'engagement personnel soutenu de la cheffe du DFI. Les représentants de la Confédération font preuve d'excellentes compétences techniques, et la coordination a très bien fonctionné entre eux. Toutefois,
à force de la brandir de manière réitérée sans lui donner de suite, la menace relative à l'introduction d'un tarif édicté par la Confédération au cas où les partenaires aux négociations ne s'entendraient pas en temps utile a perdu une bonne partie de ses effets au cours du processus. Et si la Confédération a fixé des délais très clairs, elle n'a arrêté par voie d'ordonnance ni principes, ni objectifs pour la détermination de tarifs contraignants. Or, une ordonnance aurait permis d'accélérer le processus des négociations en précisant le cadre juridique et administratif correspondant. Toujours est-il que la Confédération ne dispose d'aucun moyen lui permettant d'intervenir directement pour faire accélérer les négociations de ces contrats cadres, ou pour contraindre les cantons à mettre en oeuvre la structure tarifaire.

Enfin, l'analyse du Tarmed révèle le délicat cumul de fonctions du Conseil fédéral, qui est organe d'approbation et propose ses bons offices. Si le Conseil fédéral apparaît comme instance de recours dans les décisions tarifaires cantonales, ce conflit de rôles s'aggravera encore. Au vu des fonctions qu'il cumule, les partenaires tarifaires estiment que le Conseil fédéral anticipe sur les négociations tarifaires à l'échelon cantonal et qu'il limite leur autonomie tarifaire.

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Bilan: Le rayon d'action des autorités fédérales est très limité dans le domaine du Tarmed. Leurs compétences se limitent pour l'essentiel à un accompagnement du processus. Toutefois, la Confédération joue un rôle capital du point de vue du respect de la neutralité des coûts, en tant qu'instance d'approbation, de décision et de médiation. Si la Confédération n'avait pas constamment insisté sur l'aspect de la neutralité des coûts, la refonte du tarif serait probablement achevée depuis longtemps déjà, mais elle aurait sans doute entraîné une forte augmentation des coûts.

3

Appréciation et conclusions de la Commission de gestion

3.1

Législation

L'examen mené par la Commission de gestion du Conseil des Etats porte sur les mesures adoptées par la Confédération et sur sa marge de manoeuvre du point de vue de l'objectif de maîtrise des coûts inscrit dans la LAMal. Or, même si l'action des représentants de la Confédération est au coeur de cette analyse et évaluation, il ne faudrait surtout pas voir en eux les uniques responsables de la maîtrise des coûts. En effet, les nombreuses mesures qui poursuivent cet objectif impliquent un grand nombre d'acteurs. Ainsi, outre la Confédération et les cantons, les assureurs-maladie et les fournisseurs de prestations jouent notamment un rôle essentiel. D'où la forte division des tâches et la complexité des structures d'exécution.

La loi elle-même n'est pas étrangère au fait que l'objectif de maîtrise des coûts n'ait pas été atteint jusqu'ici. L'examen mené montre que les acteurs du secteur de la santé appliquent parfois des incitations inadéquates contenues dans la loi. Il importe donc de contrôler les effets induits par les mesures figurant dans la loi, et de corriger les incitations erronées.

La commission soutient les évaluations scientifiques réalisées dans ce sens sur mandat de l'OFAS, et l'intention de cet office de privilégier dans un proche avenir l'examen de l'évolution des coûts. De l'avis de la Commission de gestion, il faut impérativement procéder à des évaluations prospectives plus nombreuses, afin d'éviter que la législation ne repose sur un programme défectueux, source de problèmes d'exécution. Le présent examen a montré que l'on a trop peu tenu compte, lors de l'introduction de mesures de maîtrise des coûts, de leur mode de fonctionnement, des mécanismes d'action ainsi que des conséquences ultérieures. Le Conseil fédéral devra à l'avenir exposer plus clairement, dans le processus de formation des opinions politiques, l'importance que revêt une telle mesure pour la maîtrise des coûts et les conditions auxquelles celle-ci serait effectivement réalisable. Quant aux messages du Conseil fédéral relatifs à des projets de lois, ils contiendront une présentation transparente et compréhensible des effets à prévoir. Enfin, en perspective des prochains examens consacrés aux effets de la LAMal, une amélioration des bases statistiques s'impose de toute urgence.

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Recommandation 1:

Recourir davantage aux évaluations prospectives

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral, outre ses études a posteriori de l'efficacité, de recourir davantage aux évaluations prospectives pour préparer les projets complexes de réformes dans le domaine de la LAMal.

Le Conseil fédéral doit veiller à améliorer, en collaboration avec les cantons, les bases statistiques existant dans le domaine de la santé.

3.2

Jurisprudence du Conseil fédéral

La fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral dans le domaine de l'assurancemaladie s'avère problématique à divers égards. Ainsi, elle ne permet pas au Conseil fédéral d'assumer une direction politique active. En tant que «pouvoir judiciaire», le Conseil fédéral ne peut réagir et sanctionner qu'après coup, et seulement en fonction de critères juridiques. Ceci restreint encore la faible marge de manoeuvre dont il dispose par rapport à l'objectif de maîtrise des coûts. En outre, le fait que le Conseil fédéral ne puisse partir que de cas individuels, soumis par voie de recours, ne facilite ni l'uniformisation des critères de planification, ni l'harmonisation entre les cantons, et donc pas non plus la maîtrise des coûts. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil fédéral mine incontestablement les rapports de confiance entre la Confédération et les cantons et rend la collaboration pesante. Ainsi, dans certains recours examinés en matière de planification hospitalière, les décisions du Conseil fédéral ont entraîné une perte de confiance chez les supports institutionnels cantonaux.

Dans son message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale7, le Conseil fédéral propose de transférer au futur Tribunal administratif fédéral la fonction jurisprudentielle dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie. De l'avis de la Commission de gestion, cette proposition mérite un soutien sans réserve.

Le transfert de la compétence jurisprudentielle du Conseil fédéral au Tribunal administratif fédéral permettra au premier de renforcer son action politique et d'épuiser sa marge de manoeuvre en matière de maîtrise des coûts.

Recommandation 2:

Transférer la fonction jurisprudentielle au Tribunal administratif fédéral

La Commission de gestion recommande à la Commission des affaires juridiques de soutenir le transfert au Tribunal administratif fédéral de la fonction jurisprudentielle dévolue au Conseil fédéral, comme le prévoit la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale.

7

318

FF 2001 4000 ss

Recommandation 3:

Renforcer la direction politique aux fins de la maîtrise des coûts

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'utiliser résolument la marge de manoeuvre que lui conférera l'abandon de sa fonction jurisprudentielle actuelle pour renforcer sa direction politique, dans l'intérêt de la maîtrise des coûts.

3.3

Collaboration entre les autorités et les institutions actives dans le secteur de la santé

Le système de la santé est un secteur de la politique d'une grande complexité, caractérisé par une décentralisation poussée et un fédéralisme marqué. Faire obéir les nombreux acteurs impliqués et les intérêts particuliers divergents aux intérêts supérieurs inscrits dans la LAMal constitue donc un réel défi.

Le présent examen a permis de constater que la LAMal contient en partie des incitations contre-productives, qui vont à l'encontre de l'objectif de maîtrise des coûts et sont néanmoins imposées par les acteurs du système de la santé. A titre d'exemple, on peut mentionner le financement hospitalier en vigueur jusqu'ici qui ­ comme le signale le ch. 2.2 ­ favorise une planification autarcique et sans coordination intercantonale. Citons encore la problématique des capacités supprimées en division commune via la planification hospitalière, que compensent des offres privées et semi-privées. Des stratégies de contournement sont également appliquées par les fournisseurs pour faire passer leurs prestations du secteur stationnaire au secteur ambulatoire, intégralement financé par l'assurance-maladie sociale. Il s'agit souvent de simples transferts de coûts, et non de véritables économies. En somme, les acteurs se soucient trop peu de la maîtrise des coûts en tant que telle.

De surcroît, les divergences d'intérêts dans le système de la santé recèlent un réel potentiel de conflits. Les instruments qui permettraient un processus constructif de résolution des conflits sont encore insuffisamment développés du point de vue de la Commission de gestion.

Au vu de ces circonstances, la Commission de gestion estime qu'il est nécessaire d'intensifier la collaboration entre les autorités et les institutions, afin qu'ils atteignent ensemble l'objectif de maîtrise des coûts. Le projet «Politique nationale suisse de la santé», mis sur pied par le DFI et la Conférence des directeurs des affaires sanitaires, va justement dans ce sens. Il vise à intensifier la collaboration au sein du système de la santé organisé selon la logique fédéraliste, à approfondir le dialogue et à rapprocher les forces disponibles qui s'engagent en faveur de la santé de la population.

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Recommandation 4:

Intensifier la collaboration entre les autorités et les institutions actives dans le système de la santé

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'oeuvrer à l'amélioration de la collaboration entre les pouvoirs publics et les institutions sur le plan de la maîtrise des coûts de l'assurance-maladie. Il donnera en particulier un poids politique suffisant au projet «Politique nationale suisse de la santé».

3.4

Planification hospitalière

3.4.1

Harmonisation de la planification hospitalière parmi les cantons

Les experts ont souligné à plusieurs reprises, dans le cadre de cette analyse, l'absence d'incitation pour les fournisseurs de prestations à introduire une coordination intercantonale. La jurisprudence du Conseil fédéral examinée ici n'est pas en mesure de créer des incitations dans ce sens. Elle l'est d'autant moins qu'elle se réfère surtout à l'utilisation optimale des ressources d'un canton donné. En outre, le Conseil fédéral prend des décisions individuelles au cas par cas, en fonction des recours déposés, ce qui complique l'uniformisation des critères de planification et l'harmonisation entre les cantons en tant que telle. Ainsi, les cantons restent en définitive des régions de planification isolées, ce qui contredit l'objectif de la maîtrise des coûts.

De même, l'actuelle LAMal contient des incitations pour les cantons à planifier de manière autarcique et non coordonnée. A ce propos, il a déjà été question de la réglementation du financement hospitalier, selon laquelle les cantons ne devaient jusqu'ici participer financièrement qu'aux hospitalisations en dehors du canton en division privée et semi privée (en s'acquittant de la contribution de base). Quant aux traitements correspondants dispensés dans le canton, ils étaient à la charge de l'assurance-maladie sociale. Ainsi, les cantons sont plutôt incités à se doter d'une offre complète de prestations sur leur territoire qu'à s'orienter résolument selon les objectifs de la planification hospitalière (coordination au niveau des fournisseurs de prestations, utilisation optimale des ressources et maîtrise des coûts). Les corrections sur ce point découleront d'une décision du Tribunal fédéral des assurances et de la 2e révision partielle de la LAMal. La Commission de gestion a invité la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national à soutenir la proposition formulée dans ce sens par le Conseil fédéral, dans le cadre de la 2e révision partielle de la LAMal entreprise par le Conseil des Etats.

Du point de vue de la Commission de gestion, il faut créer des incitations supplémentaires en vue du renforcement de la planification intercantonale, ce qui permettra d'atteindre l'objectif de maîtrise des coûts.

320

Postulat 1:

Renforcer la planification hospitalière intercantonale

La Commission de gestion charge le Conseil fédéral d'examiner la manière dont peuvent être créées des incitations à une planification hospitalière intercantonale accrue et d'en rendre compte dans un rapport.

3.4.2

Sécurité accrue de la planification dans les cantons

L'examen consacré à la jurisprudence du Conseil fédéral a révélé que la retenue dont il a fait preuve au stade de la préparation des bases de planification dans les cantons avait provoqué une certaine insécurité. La LAMal ne prescrit aucune méthode de planification et laisse ouverts des concepts importants dans ce domaine (p. ex. planification couvrant les besoins). Or, on peut rétrospectivement affirmer que la mise en place de critères explicites de planification et d'admission aurait permis de prévenir divers recours. En effet, la clarification précoce des exigences à respecter en matière de planification hospitalière aurait apporté un sérieux coup de main politique aux cantons, ce qui aurait très probablement favorisé la réalisation de l'objectif de maîtrise des coûts. La retenue de la Confédération a également été, dans certains cantons, une source de retards dans la planification.

La Commission de gestion comprend la retenue affichée par le Conseil fédéral, qui tient ainsi compte de l'autonomie de planification des cantons. Ladite autonomie a également le soutien du Tribunal fédéral des assurances, qui, lors d'un échange de vues avec l'Office fédéral de la justice remontant à août 1996, constatait que la planification hospitalière et l'aménagement des listes des hôpitaux relèvent de la compétence exclusive des cantons. De l'avis de la commission, l'ordre juridique actuel n'offre pas de réelle marge de manoeuvre qui permettrait au Conseil fédéral d'établir, par voie d'ordonnance, des critères en vue d'une planification cantonale.

En revanche, la commission s'interroge sur la nécessité et la possibilité d'instaurer par un autre biais la sécurité dans le domaine de la planification. Elle lit avant tout un besoin d'agir dans ce sens dans le souhait d'une sécurité juridique accrue exprimé par les cantons. Le Conseil des Etats s'est également demandé, dans le cadre de la 2ème révision partielle de la LAMal, si le projet de révision créait une sécurité juridique suffisante dans le domaine de la planification, et a suggéré que la commission concernée du Conseil national réexamine en profondeur le dossier de la planification hospitalière8. Pour autant que la Commission de gestion puisse en juger, les acteurs cantonaux souhaitent plus que jamais voir augmenter la sécurité quant aux attentes à remplir
et à leur planification. La jurisprudence du Conseil fédéral n'est toutefois pas le moyen approprié pour répondre à une telle attente. En effet, cet instrument réactif ne permet que de sanctionner ou de corriger les planifications. Ainsi, les cantons ont subi de fréquentes corrections subséquentes, tandis que la jurisprudence du Conseil fédéral faisait l'objet de contestations. En outre, cette fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral explique dans une large mesure que les discussions informelles entre la Confédération et les cantons n'aient pas pris davantage 8

Voir Bulletin officiel du Conseil des Etats du 4 octobre 2001, p. 662.

321

d'ampleur. A l'avenir, le Conseil fédéral devrait davantage chercher à instaurer d'emblée le dialogue avec les cantons, afin de leur présenter les exigences auxquelles est soumise la planification hospitalière cantonale.

Recommandation 5:

Créer, respectivement augmenter la sécurité en matière de planification

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'examiner, en collaboration avec la Conférence des directeurs des affaires sanitaires, comment il pourrait apporter aux acteurs impliqués dans la planification hospitalière une réelle sécurité au niveau des attentes à remplir et de la planification.

3.4.3

Passage à la planification des prestations

Cet examen a démontré que la planification de la capacité n'était pas l'instrument adéquat pour atteindre l'objectif de maîtrise des coûts. Il est clair que ce sont en premier lieu les prestations fournies, et moins les capacités disponibles (lits disponibles) qui sont à l'origine des coûts. La liste des hôpitaux du canton de Zurich en fournit une bonne illustration. Le Conseil fédéral y a confirmé une liste hospitalière très restrictive, qui a entraîné une diminution radicale du nombre de lits en quelques années. Cet exemple prouve qu'une réduction du nombre de lits ne rime pas automatiquement avec la maîtrise des coûts, puisqu'en dépit d'une liste hospitalière restrictive, le canton de Zurich a vu les dépenses de santé fortement augmenter depuis 1998.

Il a déjà été question (voir ch. 2.2) des effets de transfert non souhaités que les planifications de la capacité peuvent entraîner. Le passage au financement des prestations prévu dans le cadre de la 2e révision partielle de la LAMal donnera enfin aux prestations (assurés) une importance particulière et mettra fin à l'actuel financement de l'objet (hôpitaux). Ce changement au niveau du financement devrait également favoriser à moyen terme une planification des prestations.

La Commission de gestion préconise d'examiner de près, sous l'angle de la maîtrise des coûts, la réorientation de la planification hospitalière vers une planification des prestations. La commission est bien consciente qu'un changement de système doit être minutieusement préparé, et qu'il faut mettre les questions qui se posent en relation avec d'autres domaines. Un tel changement nécessite aussi une direction claire, qu'il incombera au Conseil fédéral de donner. La Commission de gestion souhaite susciter suffisamment tôt un intérêt pour le passage à la planification des prestations.

L'art. 49, al. 6, de la LAMal, selon lequel les hôpitaux doivent calculer leurs coûts et classer leurs prestations selon une méthode uniforme, pourrait servir de point de départ sur le plan juridique.

322

Postulat 2:

Préparer le passage à la planification des prestations

La Commission de gestion charge le Conseil fédéral d'étudier l'introduction de la planification des prestations et l'invite à prier l'Office fédéral des assurances sociales d'élaborer suffisamment tôt et en étroite collaboration avec les cantons un concept à cet effet.

3.4.4

Contrôle de l'efficacité de la planification hospitalière

L'examen mené par la Commission de gestion à propos de la planification hospitalière ne concernait que les marges de manoeuvre respectives des organes responsables de la Confédération, ainsi que leurs effets sur la maîtrise des coûts. La commission ne peut donc guère affirmer si et dans quelle mesure, par suite de la planification hospitalière, des économies de coûts sont réellement apparues.

Les études réalisées dans ce domaine sur mandat de l'OFAS, respectivement du secrétariat central de la Conférence suisse des directeurs des affaires sanitaires (CDS), ne permettent pas non plus de répondre à cette question.

L'OFAS constate quant à lui, dans son rapport de synthèse portant sur l'analyse des effets de la LAMal de décembre 2001, que la planification hospitalière n'a fait l'objet que d'examens incomplets9. Toujours selon l'OFAS, il n'y a pas eu jusqu'ici d'évaluation proprement dite des mesures déployées à ce titre. Bien que le secrétariat de la CDS se soit attelé à cette tâche, le programme d'évaluation global prévu n'a toujours pas vu le jour.

La Commission de gestion juge important de savoir si et dans quelle mesure les planifications hospitalières cantonales ont eu un effet sur la maîtrise des coûts. Une analyse complète des effets est donc de mise. Le projet intitulé «Politique nationale suisse de la santé» constituerait, d'après la commission, une plate-forme appropriée pour lancer une telle étude, dont la planification de l'offre formerait un volet thématique majeur.

Recommandation 6:

Effectuer une analyse complète des effets

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'ordonner, en collaboration avec les cantons, une analyse exhaustive des effets de la planification hospitalière.

9

Voir Analyse des effets de la LAMal: rapport de synthèse de l'OFAS de décembre 2001, p. 66 et 72 s.

323

3.5

Tarif médical Tarmed

3.5.1

Concrétisation des principes de la structure tarifaire dans la mise en oeuvre du Tarmed

L'introduction du Tarmed dépendra de la présentation, par les partenaires tarifaires, d'une convention en accord avec le principe de la neutralité du point de vue des coûts. Or, diverses conventions cadres de ce type, qui nécessitent l'approbation du Conseil fédéral, sont encore en suspens. Dès l'introduction du Tarmed, qui est aujourd'hui prévue pour le début de 2003, les négociations tarifaires commenceraient sur le plan cantonal (négociation des valeurs cantonales du point de la taxe). Comme le montrent les expériences antérieures (en particulier les tarifs des physiothérapeutes), il faut s'attendre à ce que les négociations échouent dans de nombreux cas, et à ce les gouvernements cantonaux imposent eux-mêmes les tarifs. Il est possible de recourir au Conseil fédéral contre ce type de décisions cantonales. Or, un examen mené par la Commission de gestion du Conseil des Etats, en rapport avec une requête du Conseil d'Etat schaffhousois à l'autorité de surveillance, a montré que de telles décisions tarifaires de la Confédération peuvent entraîner diverses conséquences problématiques. En particulier, l'absence de norme à caractère général et abstrait sur la structure tarifaire a entraîné une grande insécurité juridique parmi les partenaires tarifaires et les cantons.

Aux yeux de la Commission de gestion, le Conseil fédéral doit, dans le cas du Tarmed, impérativement définir de bonne heure et de façon concrète, ce qu'il entend par la fixation des tarifs selon les règles d'une saine gestion économique (art. 43, al. 7, LAMAl). Il faudrait éviter que le Conseil fédéral ne se contente de préciser les termes très généraux de la LAMal par le biais de sa jurisprudence, et laisse ainsi les cantons et les partenaires tarifaires dans l'incertitude quant aux attentes à remplir.

Le présent examen a montré que la Confédération n'avait pratiquement donné aucune consigne concrète quant au critère de la neutralité des coûts. Pour exécuter la structure prévue, le Conseil fédéral devrait toutefois user de sa compétence réglementaire fixée à l'art. 43, al. 7, de la LAMAl, et définir plus en détail les modalités de sa mise en oeuvre. Dans ses décisions prises sur recours, le Conseil fédéral pourra en effet uniquement exiger le respect de consignes claires, fixées par voie d'ordonnance et ayant par conséquent rang de normes de droit fédéral.

Recommandation 7:

Edicter une ordonnance pour la mise en oeuvre du Tarmed

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de préciser par voie d'ordonnance, selon l'art. 43, al. 7, de la LAMAl, les principes relatifs à la structure tarifaire et à son adaptation, et d'accroître ainsi la sécurité des partenaires tarifaires quant aux attentes à remplir. Après l'adoption de la nouvelle structure tarifaire, il s'agira en particulier pour le Conseil fédéral de préciser les modalités et les mécanismes de contrôle d'une mise en oeuvre du tarif individuel Tarmed neutre pour les coûts.

324

3.5.2

Désenchevêtrement des rôles lors des négociations externes à l'administration

L'examen mené par la Commission de gestion a signalé le cumul gênant des rôles joué par la Confédération, soit celui d'instance d'approbation et celui d'organe de médiation. D'ailleurs, en lui attribuant une fonction jurisprudentielle, on accentuera encore cet état de fait. Le Conseil fédéral dispose, en tant qu'instance d'approbation, d'un pouvoir de décision étendu qui lui permet d'influer sur le processus des négociations. Dans ces conditions, il ne lui est guère possible d'exercer de manière neutre ses bons offices et son rôle de médiateur. Le Conseil fédéral peut en outre être tenté d'intervenir matériellement dès le stade des négociations, et de diminuer par là même son pouvoir de décision en tant qu'instance d'approbation.

La problématique liée à ce cumul des rôles s'est notamment manifestée devant le Conseil des Etats, quand la responsable du DFI s'est exprimée, au cours de l'été 2000, sur la valeur moyenne du point à laquelle il fallait s'attendre. Cette déclaration a été critiquée par certains partenaires tarifaires. Selon eux, en tant que membre de la future instance de recours, la responsable du DFI n'est pas neutre et son rôle d'accompagnatrice impartiale du projet n'est pas crédible.

Pour supprimer cette ambiguïté des rôles, le Conseil fédéral devrait se limiter à fixer les objectifs politiques. Cela lui permettrait non seulement de renforcer son pouvoir décisionnel de dernière instance, mais encore d'intervenir, à titre exceptionnel et avec une efficacité accrue, pour relancer des négociations arrivées au point mort.

L'introduction, dans le cadre des négociations, de nouveaux mécanismes alternatifs d'aide à la décision, tels que la médiation professionnelle, permettrait de favoriser le dénouement des conflits de manière plus efficace et plus ciblée. Le rôle de médiateur devrait être confié à un service neutre qui n'aurait aucun intérêt en jeu et ne disposerait ni de compétences décisionnelles, ni de pouvoirs particuliers au niveau de l'exécution.

Recommandation 8:

Prévenir les conflits dus au cumul des rôles

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de se limiter à fixer les objectifs politiques, lors des négociations externes à l'administration comme lors de la fixation des tarifs, et de ne pas proposer ses bons offices.

Recommandation 9:

Recourir davantage à des mécanismes alternatifs de décision

La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'élaborer un concept portant sur des mécanismes de décision alternatifs (p. ex.: médiation professionnelle) susceptibles d'optimiser les négociations externes à l'administration.

325

3.5.3

Contrôle des effets du Tarmed

En marge de cette analyse, la Commission de gestion s'est demandé si le Tarmed, avec son modèle de tarif à la prestation, ne faisait pas au fond fausse route, et si le Tarmed pouvait réellement apporter une contribution dans le sens de la maîtrise des coûts. Dans son message sur la LAMal, le Conseil fédéral constatait déjà que «le tarif à la prestation incite aussi à fournir un plus grand nombre de prestations et, partant, à augmenter le volume de celles-ci»10. De fait, une récente étude procédant à des comparaisons internationales11 souligne la corrélation étroite existant entre l'évolution des coûts du secteur ambulatoire et le modèle de rétribution en place. Il semblerait donc qu'il faille opter pour un modèle de rétribution fondé sur des forfaits calculés par patient. Tant que le Tarmed n'est pas en vigueur, il ne sera pas possible de donner des indications précises sur l'évolution des coûts dans les secteurs ambulatoire et hospitalier. La Commission de gestion part du principe que le Tarmed permettra de réaliser la transparence des coûts visée (quel médecin facture quelle prestation et à quelle fréquence), et facilitera la prise de mesures correctrices en matière de coûts. Après l'entrée en vigueur du Tarmed, il faudra toutefois examiner ses effets dans les meilleurs délais, les comparer à ceux déployés par d'autres modèles de rétribution et, le cas échéant, apporter des corrections au modèle Tarmed.

Postulat 3:

Examiner les effets du Tarmed

Après l'introduction du tarif à la prestation Tarmed, la Commission de gestion charge le Conseil fédéral d'examiner ses effets dans les meilleurs délais et d'en rendre compte au Parlement dans un rapport.

10 11

326

FF 1992 I 156 Voir: Analyse comparative internationale de la performance du système sanitaire suisse, dans: La Vie économique 9-2001, p. 9 ss.

4

Etapes suivantes

La Commission de gestion prie le Conseil fédéral d'examiner le présent rapport assorti de recommandations, ainsi que les rapports d'experts cités ci-dessous lors de sa retraite de mai 2002 consacrée à la loi sur l'assurance-maladie, et de communiquer à la commission son avis sur ce rapport et sur les recommandations d'ici fin septembre 2002.

5 avril 2002

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats Le président de la commission: Michel Béguelin, Député au Conseil des Etats Le président de la sous-commission DFI/DETEC: Hansruedi Stadler, Député au Conseil des Etats Le secrétaire suppléant des Commissions de gestion: Martin Albrecht

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Annexe: ­

Liste des projets d'évaluations de l'OFAS

­

Organe parlementaire de contrôle de l'administration, 2001: Mesures de maîtrise des coûts dans la LAMal: Mesures et marges de manoeuvre des organes de la Confédération. Synthèse à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

Liste des abréviations OFAS

Office fédéral des assurances sociales

DFI

Département fédéral de l'intérieur

LAMal

Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie

OAMal

Ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie

OPCA

Organe parlementaire de contrôle de l'administration

CDS

Conférence des directeurs des affaires sanitaires

Tarmed

Tarif médical: tarif à la prestation valable dans toute la Suisse

Liste des rapports d'experts (à la base de cette étude) ­

Organe parlementaire de contrôle de l'administration, 2001: Mesures de maîtrise des coûts dans la LAMal: Mesures et marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération. Synthèse à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats (voir annexe du présent rapport).

­

Organe parlementaire de contrôle de l'administration, 2001: Recueil de données 1: Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Eine Programmanalyse unter besonderer Berücksichtigung der Handlungsspielräume des Bundes.

­

Organe parlementaire de contrôle de l'administration (éd.), 2001: Recueil de données 2: Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Die Wirkungen der bundesrätlichen Rechtsprechung im Falle der Spitalplanung.

­

Organe parlementaire de contrôle de l'administration (éd.), 2001: Recueil de données 3: Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Die Einflussnahme des Bundes auf den Arzttarif TARMED.

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