Mesures de maîtrise des coûts dans la LAMal Mesures et marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération Synthèse de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 30 novembre 2001

332

2002-0882

Rapport 1

Objet et portée de l'examen

En 2000, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) de procéder à une évaluation dans le domaine de la loi sur l'assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994. La LAMal, entrée en vigueur au début de 1996, poursuit les trois objectifs principaux suivants: ­

garantir des soins médicaux de haute qualité qui soient financièrement supportables pour tous,

­

renforcer la solidarité entre assurés qui présentent des risques inégaux sur le plan de la maladie et disposent de revenus différents, et

­

permettre de maîtriser l'augmentation des coûts de la santé.

Selon l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), diverses études effectuées sur mandat1 montrent que, cinq ans après l'entrée en vigueur de la LAMal, les deux premiers objectifs ont pour l'essentiel pu être atteints.2 Par rapport aux normes internationales, le système suisse se distingue par le niveau élevé de ses prestations, par le fait que toutes les couches de la population y ont facilement accès et par la grande liberté de choix que l'assurance de base laisse aux assurés et aux patients.3 Le troisième objectif, la maîtrise des coûts de la santé, n'a en revanche pas été atteint à ce jour. A partir de l'introduction de la LAMal, l'augmentation annuelle des coûts de la santé a chaque année dépassé l'évolution générale des prix et des salaires. Autrement dit, la LAMal n'a pas eu d'effets sensibles sur l'évolution des coûts de la santé. En ce qui concerne la maîtrise des coûts, alors que les autorités soulignent régulièrement que le décalage des effets dans le temps ne permettent pas encore de tirer des conclusions définitives sur l'échec de la LAMal, de plus en plus de voix s'élèvent pour remettre en question l'efficacité de la LAMal dans ce domaine. Un regard au-delà de nos frontières permet de se rendre compte que dans notre pays, les coûts de la santé sont élevés en comparaison internationale; de ce point de vue, la Suisse se classe en deuxième position derrière les Etats-Unis. Pour la littérature, le niveau élevé de ces coûts est le fait non seulement du haut niveau de l'offre et de la demande, mais également d'incitations économiques erronées et des structures fédéralistes du système de la santé suisse.4

1

2 3 4

L'art. 32 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie (OAMal) charge l'OFAS, en collaboration avec les assureurs, les fournisseurs de prestations, les cantons et des représentants des milieux scientifiques, de procéder à des études scientifiques sur l'application et les effets de la loi. Vingt-trois projets individuels ont été conduits dans le cadre de l'analyse des effets de la LAMal. Une synthèse de ces projets a été prévue pour fin 2001.

Gärtner, Ludwig, 2001: La loi sur l'assurance-maladie et l'évolution des coûts de la santé. In: La Vie économique 9-2001, 19­23.

Idem, 23.

Voir ch. 3.4 de la présente synthèse.

333

C'est dans le contexte de cette problématique brièvement esquissée ­ coûts de la santé élevés dont l'augmentation se poursuit ­ que l'OPCA a entrepris l'évaluation des mesures de maîtrise des coûts de la LAMal et de la marge de manoeuvre dont les organes responsables de la Confédération disposent en la matière. En effet, même si le message du Conseil fédéral au sujet de la LAMal décrit la maîtrise des coûts comme étant en premier lieu une tâche commune à tous les partenaires du système de la santé, il n'en demeure pas moins que les organes responsables de la Confédération (il est ici question des organes de la Confédération au sens étroit, c'est-à-dire du Conseil fédéral et de l'administration fédérale) disposent de certaines compétences en matière de maîtrise des coûts.

En résumé, les questions à la base de l'examen de l'OPCA sont les suivantes: ­

Quelles sont les mesures de maîtrise des coûts de la LAMal et quelles sont leurs caractéristiques?

­

Quelle est leur importance du point de vue de la réalisation de l'objectif de maîtrise des coûts?

­

Quelle est la marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération à cet égard?

­

Pour certaines mesures choisies, comment les organes responsables de la Confédération ont-ils jusqu'ici utilisé leur marge de manoeuvre?

­

Quels sont les effets de leurs activités du point de vue de la maîtrise des coûts?

2

Structure de l'examen et de la synthèse

L'OPCA a adopté une approche participative pour traiter le sujet. Ainsi, en tant que donneur d'ordre, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E a largement participé à la définition et à la délimitation de l'objet soumis à l'examen.

L'évaluation a été effectuée en deux étapes: ­

La première étape avait pour objet de répondre aux trois premières questions de l'examen, soit celles relatives aux mesures de maîtrise des coûts de la LAMal, à leur importance et à la marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération. A cet effet, de décembre 2000 à février 2001, l'OPCA a procédé à une analyse programmatique de la LAMal ainsi qu'à un sondage d'experts qui a été effectué au moyen d'un questionnaire écrit.

Le chap. 3 de la synthèse comporte un certain nombre d'indications sur l'approche méthodique. Il résume également les résultats de la première étape de l'examen et en fournit une appréciation. Le recueil de données 1 (Kostendämpfungsmassnahmen im KVG: Eine Programmanalyse unter besonderer Berücksichtigung der Handlungsspielräume des Bundes, document non traduit) comporte plus de détails à ce sujet.

334

­

La deuxième étape avait pour objet de répondre à la quatrième et à la cinquième questions de l'examen, soit celles relatives à l'utilisation par les organes responsables de la Confédération de leur marge de manoeuvre et aux effets des activités qu'ils ont déployés dans des domaines choisis. Au printemps 2001, sur la base des résultats de la première étape et d'un certain nombre d'autres éléments, la sous-commission compétente de la CdG-E a choisi deux mesures devant être soumises à une analyse approfondie (le chap. 4 contient des indications relatives à la procédure de sélection). Il s'agit d'une part de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière et de l'influence que la Confédération exerce sur le tarif médical (TARMED). Les deux études correspondantes ont été effectuées de mai à novembre 2001 par une équipe d'experts externes (bureau Vatter, Politikforschung & -beratung, Berne).

Les ch. 5 et 6 de la synthèse comportent un certain nombre d'indications sur l'approche méthodique, ils résument les résultats de l'évaluation de ces deux études et en fournissent une appréciation. Les recueils de données 2 et 3 (ces documents n'existent qu'en allemand) comportent plus de détails à ce sujet.

3

Analyse programmatique de la LAMal

3.1

Vue d'ensemble des mesures de maîtrise des coûts de la LAMal

3.1.1

Problématique et indications sur l'approche méthodique

Quelles sont les mesures de maîtrise des coûts de la loi sur l'assurance-maladie et quelles sont leurs caractéristiques? Formulée brièvement, il s'agit de là de la première question abordée par le présent examen. Pour y répondre, l'OPCA a, dans une première phase, procédé à une analyse du contenu des sources importantes se rapportant à la LAMal (principalement le message concernant la révision de l'assurance-maladie de 1991). Toutes les mesures que les sources consultées ont explicitement reliées à l'objectif de la maîtrise des coûts ont été répertoriées. Par mesures il faut comprendre non pas uniquement les devoirs et les interdictions réglementaires, mais également, par exemple, la mise en place par l'Etat de conditions générales permettant aux acteurs concernés d'adopter un comportement propice à la maîtrise des coûts. Par conséquent, toutes les possibilités d'influencer les coûts de la santé contenues dans la loi sur l'assurance-maladie sont des mesures au sens de cette définition. Ces mesures ont ensuite été décrites à la lumière de divers critères ou caractéristiques usuels de l'analyse politique puis elles ont été soumises à une analyse de fréquence. Il a ainsi été possible d'établir une vue d'ensemble de la conception de l'éventail de mesures de maîtrise des coûts.

335

3.1.2

Résumé et appréciation des résultats de l'analyse de fréquence

Au total, l'OPCA a répertorié et décrit 44 mesures de maîtrise des coûts mentionnées explicitement en tant que telles par la LAMal en vigueur. Elles sont présentées à l'annexe 1 du recueil de données 1. La description de ces mesures à l'aide des caractéristiques utilisées lors de leur évaluation donne l'image suivante: Mécanisme d'action: Le message du Conseil fédéral relatif à la LAMal distingue trois catégories de mesures de maîtrise des coûts, soit les mesures visant à réduire l'offre, les mesures visant à réduire la demande et les mesures visant à influencer le comportement des fournisseurs de prestations et des assureurs. L'analyse de fréquence révèle que 40 % des mesures en vigueur cherchent à maîtriser les coûts au moyen d'une réduction de l'offre. Un nombre à peu près équivalent de mesures (38 %) tentent de maîtriser les coûts en influençant le comportement des fournisseurs de prestations et des assureurs. Les mesures dont le but est de réduire la demande ne représentent qu'une part d'environ 14 %.5 Dans la littérature, le système de la santé est souvent décrit comme un marché sur lequel la demande est en bonne partie déterminée par l'offre de prestations. Selon l'analyse effectuée par l'OPCA, la LAMal semble tenir compte de cette situation puisque près de la moitié des mesures de maîtrise des coûts qu'elle comporte ont pour but de réduire l'offre. Il faut certes tenir compte du fait que l'analyse programmatique décrit comment un programme politique est censé fonctionner du point de vue du législateur. Une réflexion critique au sujet des catégories de mécanisme contenues dans le message du Conseil fédéral révèle pourtant que celles-ci ne sont pas très strictes, voire en partie trompeuses. Ainsi, la plus grande partie des mesures décrites par le message comme mesures destinées à réduire l'offre sont tout au plus des mesures agissant indirectement sur l'offre.

Destinataires: Les mesures s'adressent le plus souvent ­ et de loin ­ (65 %) aux fournisseurs de prestations. Les fournisseurs de soins hospitaliers et les fournisseurs de soins médicaux ambulatoires sont concernés dans une mesure à peu près équivalente. Cette répartition correspond à l'image donnée par les récentes statistiques qui montrent que le secteur des soins hospitaliers et celui des soins ambulatoires ont tendance à s'équilibrer
du point de vue des coûts qu'ils occasionnent. Le rôle des autres destinataires comme les assurés (14 %) ou les partenaires tarifaires (13 %) est nettement moins important.6 Instruments: Les mesures contraignantes (réglementation), dont le but est de déterminer le comportement des destinataires au moyen d'obligations légales, représentent le plus grand groupe de mesures (45 %). Ce groupe est suivi par les mesures qui visent à influencer le comportement des acteurs au moyen d'incitations financières (41 %). Ce résultat souligne la caractéristique du système suisse de la santé qui est un système mixte comportant des éléments qui s'inspirent d'une économie dirigiste et d'autres qui s'inspirent d'une économie libérale. En revanche, il est frappant de 5 6

336

Les 7 % qui restent regroupent des mesures qui n'ont pu être attribuée à aucune des trois catégories retenues.

Les assureurs, le Conseil fédéral et les cantons représentent ensemble le 8 % des destinataires.

constater que la part des instruments de persuasion visant à influencer le comportement des destinataires au moyen d'informations est particulièrement peu importante (5 %).7 Organes responsables: L'analyse programmatique de l'OPCA a montré que de nombreuses mesures de maîtrise des coûts sont mises en oeuvre par plusieurs organes responsables. Cette constatation permet de conclure que les tâches sont très fragmentées et que les structures de mise en oeuvre sont complexes. Le Conseil fédéral et l'administration fédérale sont le plus souvent cités en tant qu'organe principal de mise en oeuvre des mesures (dans environ 41 % des cas). Les partenaires tarifaires (15 %), les cantons (13 %), les assureurs (12 %) et les fournisseurs de prestations (10%) jouent un rôle nettement moins important.8 Ce résultat est plutôt étonnant puisque selon l'idée programmatique de la LAMal telle que le Conseil fédéral la conçoit, la maîtrise des coûts incombe avant tout aux divers partenaires du système de la santé et les interventions de l'Etat doivent être limitées aux situations d'urgence. La prééminence quantitative des organes responsables de la Confédération doit toutefois être relativisée dans la mesure où le nombre de fois qu'un organe responsable est mentionné par la loi ne donne pas beaucoup d'indications sur son influence réelle. Pour cette raison, le par. 3.3 de la présente synthèse comporte une appréciation de la marge de manoeuvre de la Confédération pour les mesures identifiées comme étant les plus importantes.

3.2

Importance des mesures de maîtrise des coûts dans la LAMal

3.2.1

Problématique et indications sur l'approche méthodique

Quelle est l'importance des mesures décrites du point de vue de la maîtrise des coûts? Pour pouvoir répondre à cette question, l'OPCA a effectué un sondage par questionnaire écrit auprès d'experts. Les 24 répondants ont été sélectionnés de manière aléatoire parmi un ensemble de 83 experts de la LAMal. Ils ont été priés d'évaluer le potentiel de maîtrise des coûts de ces mesures en se servant d'une échelle d'évaluation allant de «grand» à «petit». Pour pouvoir rendre l'état actuel de la situation, l'évaluation des mesures en vigueur a été étendue à cinq mesures supplémentaires qui, au moment du sondage, se trouvaient en phase décisionnelle devant le Parlement.

7 8

Les 9 % qui restent ne peuvent pas être classées.

Les autres organes responsables (9 %) sont les commissions consultatives, les associations professionnelles, les assurés ainsi que la Fondation 19 qui travaille au service de la prévention.

337

3.2.2

Résumé et appréciation des résultats du sondage auprès des experts

L'OPCA a identifié 21 mesures de maîtrise des coûts importantes, c'est-à-dire des mesures dont le potentiel a été jugé «moyen» à «grand» par les experts interrogés.

Le sondage a ainsi permis de mettre en évidence un nombre relativement élevé de mesures de maîtrise des coûts. Les offres d'assurances alternatives avec choix réduit des fournisseurs de prestations (HMO) arrivent nettement en tête de ce classement.

Elles sont suivies de la révision du financement des hôpitaux actuellement traitée par le Parlement. La planification hospitalière et les trois conditions de prise en charge (prestations efficaces, appropriées et économiques) occupent le troisième rang ex æquo. Le classement des 21 mesures les plus importantes est annexé à la présente synthèse.

Seule l'une des cinq mesures qui se trouvaient à l'époque du sondage en phase décisionnelle devant le Parlement (financement des hôpitaux) entre dans ce classement.

La suppression de l'obligation de contracter dans le secteur ambulatoire, que le public qualifie régulièrement de mesure importante, est perçue comme peu importante. Cette mauvaise opinion des experts en comparaison avec d'autres mesures s'explique par le fait que le Conseil fédéral ne prévoit d'appliquer cette mesure qu'aux médecins de plus de 65 ans.9 L'articulation conceptuelle de ces 21 mesures considérées comme importantes est comparable à celle de l'ensemble des 44 mesures de maîtrise des coûts telle qu'elle est présentée ci-dessus au ch. 3.1.2. Le résultat diffère tout au plus du point de vue du moyen d'action. En comparaison avec toutes les mesures en vigueur, la part des incitations financières est plus importante dans les mesures jugées importantes (52 % contre 41 %). Cela signifie que les experts consultés ont tendance à accorder plus d'importance aux instruments d'incitation financière du point de vue de la maîtrise des coûts.

3.3

Marge de manoeuvre de la Confédération pour les mesures les plus importantes

3.3.1

Problématique et indications sur l'approche méthodique

Quelle est la marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération pour les 21 mesures de maîtrise des coûts identifiées comme importantes? Pour répondre à cette question, la marge de manoeuvre de la Confédération a été relevée et évaluée pour chaque mesure à la lumière d'une analyse de la LAMal et des messages relatifs aux deux révisions partielles de celle-ci. En supposant d'emblée que les fréquentes mentions des organes responsables de la Confédération (voir ch. 3.1.2) ne permettaient pas de conclure que ceux-ci étaient effectivement en mesure d'influer sur les coûts, il a fallu estimer l'ampleur de leur marge de manoeuvre. A cet égard, 9

338

Le 29 novembre 2001, en modification du projet du Conseil fédéral, le Conseil des Etats a décidé, comme premier Conseil et avec une large majorité (37 contre 3 voix), la suppression de l'obligation de contracter dans le secteur ambulatoire.

l'existence d'une possibilité d'influence directe sur l'élargissement de l'offre, la nature de la compétence concernée (par exemple compétence de nature décisionnelle ou jurisprudentielle) ou la possibilité de prononcer des sanctions ont été prises en compte.

3.3.2

Résumé et appréciation des résultats de l'analyse de la marge de manoeuvre de la Confédération

La Confédération est l'organe responsable principal de la mise en oeuvre de 9 des mesures considérées comme importantes, elle dispose, en même temps que d'autres responsables, de certaines compétences pour 9 autres mesures pour lesquelles elle n'assume pas la responsabilité principale et elle n'a aucune compétence pour 3 mesures.

La Confédération en tant qu'organe principal (9 cas) A l'exception de quatre mesures dans le cadre de la détermination du catalogue des prestations obligatoires qui permet au Conseil fédéral d'influer directement sur l'élargissement de l'offre, ce dernier ne dispose de certaines possibilités (extraordinaires) de limiter directement la quantité offerte que dans le secteur des soins ambulatoires (limitation de l'admission de pratiquer à la charge de l'assurance maladie dans le secteur des soins ambulatoires, en vigueur depuis le 1er janvier 2001).

En revanche, pour ce qui est des soins hospitaliers, la Confédération n'est l'organe prépondérant d'aucune mesure. Cette situation correspond à l'actuelle répartition des compétences en matière de soins qui ressortissent à la souveraineté cantonale.

En ce qui concerne les questions tarifaires, la Confédération dispose certes d'une certaine marge de manoeuvre (influence sur la structure tarifaire au moyen de la mise en place de principes, intervention du préposé à la surveillance des prix avant l'approbation de conventions tarifaires), mais il ne s'agit que de compétences régulatrices «modérées» (le Conseil fédéral ne dispose d'aucun pouvoir de sanction).10 La Confédération disposant de certaines compétences (9 cas) Pour deux tiers de ces mesures, la marge de manoeuvre de la Confédération se limite à la compétence législative ou jurisprudentielle du Conseil fédéral. Pour les trois autres mesures, le Conseil fédéral fait office d'instance d'approbation, dispose de compétences décisionnelles subsidiaires ou de certaines compétences dans le cadre d'une institution à laquelle la Confédération participe.

Les organes responsables de la Confédération ne disposent d'aucune possibilité leur permettant d'intervenir directement en première instance afin d'influer sur l'élargissement de l'offre. Le Conseil fédéral parvient tout au plus à exercer une influence indirecte au moyen de la jurisprudence (planification hospitalière).

10

Il faut cependant tenir compte du fait que ces affirmations se réfèrent aux mesures jugées importantes. Pour ce qui concerne le tarif, le Conseil fédéral dispose toutefois d'un pouvoir de sanction que son statut d'autorité d'approbation du tarif et sa fonction jurisprudentielle lui confèrent. Il convient cependant de relever que, selon notre sondage, le statut d'autorité d'approbation du tarif est classé dans le dernier tiers des mesures.

Pour ce qui concerne la fonction jurisprudentielle, il est à relever que la LAMal ne la range pas dans la catégorie des mesures de maîtrise des coûts, raison pour laquelle notre sondage n'en a pas évalué le potentiel.

339

3.4

Digression: comparaison internationale

Au cours de ses travaux sur les résultats de l'analyse programmatique effectuée par l'OPCA, la sous-commission compétente de la CdG-E a souhaité pouvoir disposer d'un abrégé portant sur la position de la Suisse en comparaison internationale dans le domaine de la maîtrise des coûts de la santé. L'évaluation des études comparatives effectuées dans ce domaine (à ce sujet, voir l'annexe 6 du recueil de données 1) donne l'image suivante: En comparaison internationale des dépenses de santé par habitant, la Suisse arrive dans le peloton de tête et se classe même en deuxième position derrière les EtatsUnis. Une comparaison dans le temps montre en outre que, depuis quelques années, d'autres pays de l'OCDE ­ indépendamment de l'organisation de leur système de santé ­ connaissent également des problèmes d'augmentation des coûts de la santé qu'ils tentent de combattre au moyen de mesures diverses. Contrairement à d'autres pays ­ comme le Canada, le Danemark ou les Pays-Bas ­ qui sont parvenus à réduire la part des dépenses de la santé dans leur PIB durant la période examinée (1993 à 1997), les statistiques internationales montrent que, comme l'Allemagne, la Suisse n'est pas parvenue à réduire ni même à stabiliser ces coûts durant les années 90. La comparaison révèle que divers pays ont réduit leurs dépenses en matière de santé au moyen d'une réduction de capacité, principalement dans le domaine hospitalier. Le transfert des coûts au moyen d'une augmentation de la participation privée est un autre moyen également répandu qui a permis d'influer sur les coûts de la santé pris en charge par les pouvoirs publics. Lors d'un sondage effectué par l'OCDE, la Suisse n'a pas indiqué de mesures de cet ordre. Cette constatation n'est toutefois pas étonnante dans la mesure où, en comparaison internationale, la part privée des coûts de la santé est déjà très élevée en Suisse (coûts pris en charge par les patients, assurances complémentaires).

4

Planification hospitalière et TARMED: indications sur la procédure de choix

Comme cela a déjà été mentionné plus haut au chap. 2, en se basant sur les résultats de la première étape de l'examen, la sous-commission DFI/DETEC de la CdG-E a décidé d'examiner de plus près l'utilisation par les organes responsables de la Confédération de leur marge de manoeuvre pour deux domaines choisis. Pour des raisons de transparence, la procédure de choix de ces deux domaines est présentée ci-après.

La CdG-E a tenu compte de cinq critères pour effectuer un choix judicieux: ­

Importance de la mesure: les mesures choisies devaient faire partie des mesures de maîtrise des coûts importantes du point de vue des experts (voir le «classement» annexé à la présente synthèse).

­

Moment de l'analyse: en raison de la question principale au coeur de l'évaluation ­ la marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération et l'usage qu'ils en font ­ seules des mesures prévues par la LAMal en vigueur (à l'exclusion de toute mesure en cours de planification) pouvaient entrer en ligne de compte.

340

­

Etendue des compétences des organes responsables de la Confédération: il était indispensable que la Confédération dispose de compétences d'une certaine importance pour les mesures choisies.

­

Etat des connaissances au sujet de la mesure: il s'agissait d'évaluer des mesures dans des domaines n'ayant pas encore fait l'objet d'études détaillées (voir recueil de données 1, annexe 5 qui contient une vue d'ensemble des études déjà publiées ou en cours, document qui n'existe qu'en allemand).

­

Recommandations d'experts (formulées à l'occasion du sondage).

Sur la base de ces critères, l'OPCA a proposé à la sous-commission compétente de la CdG-E cinq mesures pouvant fait l'objet d'un examen approfondi: la planification hospitalière (art. 39, al. 1, let. d et e, et 53 LAMal), la possibilité d'influer sur la structure des tarifs et l'approbation des conventions tarifaires par le Conseil fédéral (notamment les art. 43, al. 7, et 46, al. 4, LAMal), la promotion de la santé (art. 19 et 20 LAMal), le contrôle des coûts, c'est-à-dire le calcul des coûts et le classement des prestations selon une méthode uniforme ainsi que la comparaison des frais d'exploitation entre établissements (art. 49, al. 6 et 7, et 50 LAMal) et les contrôles destinés à garantir la qualité des prestations (art. 58 LAMal).

De ces cinq mesures proposées, la sous-commission DFI/DETEC a finalement retenu la «jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière» (ch. 5) et «l'influence de la Confédération sur le tarif médical TARMED» (ch. 6).

5

Jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière

Le présent chapitre porte sur une analyse approfondie de la manière dont les organes responsables de la Confédération utilisent leur marge de manoeuvre et sur les effets de celle-ci en matière de jurisprudence du Conseil fédéral relative à la planification hospitalière. Le recueil de données 2 (Die Wirkungen der bundesrätlichen Rechtsprechung im Falle der Spitalplanung, document non traduit) comporte une présentation détaillée de cette analyse.

5.1

Objet de l'examen

En vertu de l'art. 39, al. 1, LAMal, les cantons sont tenus de planifier l'offre des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Ceux-ci doivent remplir un certain nombre de conditions pour être admis à fournir des prestations à la charge de l'assurance maladie sociale. Outre trois critères de compétence ­ garantir une assistance médicale suffisante, disposer du personnel qualifié nécessaire et disposer d'équipements médicaux adéquats ­ ils sont également tenus de remplir deux conditions dans le domaine de la planification. En effet, ils doivent: ­

correspondre à la planification établie par un canton ou, conjointement, par plusieurs cantons afin de couvrir les besoins en soins hospitaliers, les organismes privés devant être pris en considération de manière adéquate, et

341

­

figurer sur la liste cantonale fixant les catégories d'hôpitaux en fonction de leurs mandats.

Selon le message du Conseil fédéral concernant la révision de l'assurance-maladie de 1991, ces critères de planification ont pour but d'assurer la coordination des fournisseurs de prestations, l'exploitation optimale des ressources et la maîtrise des coûts.

La LAMal laisse aux cantons une grande marge de manoeuvre en matière de planification hospitalière. Depuis 1998, cette liberté a engendré des pratiques en matière d'admission qui sont très différentes d'un canton à l'autre. Ces différences d'interprétation de la LAMal ont pu être perçues en tant qu'inégalité de traitement, raison pour laquelle l'art. 53 LAMal prévoit que les listes cantonales des hôpitaux peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Conseil fédéral. Celui-ci a la compétence de trancher en dernier ressort et, en vertu de la loi, doit rendre sa décision dans un délai de quatre mois.

De l'entrée en vigueur de la LAMal jusqu'au mois de juillet 2001, le Conseil fédéral a rendu 140 décisions sur recours en matière de listes cantonales des hôpitaux et a ainsi donné une interprétation des critères d'admission (très généraux) conforme à la LAMal. La décision du Conseil fédéral peut confirmer, rejeter ou accepter sous réserve d'adaptation les listes cantonales des hôpitaux qui ont fait l'objet d'un recours. Ceci signifie que les décisions sur recours sanctionnent les listes des hôpitaux et influent directement sur les structures hospitalières des cantons concernés.

En outre, ces décisions constituent également une interprétation juridique des dispositions de la LAMal et permettrent de concrétiser les critères d'admission des listes cantonales des hôpitaux.

5.2

Contexte et problématique

En raison des structures complexes des supports institutionnels des hôpitaux et des modes de financement, au vu des divers modèles d'assurance (assurance de base obligatoire, assurances complémentaires privées) et des enchevêtrements dus aux flux intercantonaux de patients, la nécessité de procéder à une planification hospitalière et de fixer les prestations obligatoirement prises en charge par les assureurs maladie entraîne divers problèmes de délimitation. La jurisprudence du Conseil fédéral apporte des réponses concrètes à ces questions de délimitation et permet d'influencer d'importants facteurs de coûts des structures hospitalières ainsi que la répartition des coûts entre pouvoirs publics et assureurs maladie.

La question du statut des divisions semi-privées et privées sur les listes des hôpitaux revêt une importance cruciale. Contrairement à ce qui est le cas des soins de base qui sont pris en charge par les cantons et l'assurance maladie obligatoire, ces divisions sont financées par les assurances complémentaires privées. De l'avis du Conseil fédéral, la maîtrise des coûts dans ce domaine doit être assurée par la concurrence entre les différents offreurs qui règne sur un marché libre alors que dans le domaine de l'assurance de base, la maîtrise des coûts doit être atteinte au moyen d'instruments de planification interventionnistes. L'intersection entre assurance de base et assurances complémentaires pour les patients en division semi-privée ou privée constitue un important vide juridique puisque les patients au bénéfice d'une couverture complémentaire privée ont droit aux contributions dites de base (ou con342

tribution de l'assurance de base). Ces contributions constituent la part des coûts qui seraient également générés par un séjour en division commune.

La question du statut des divisions semi-privées et privées du point de vue de la liste des hôpitaux est donc d'une importance cruciale du point de vue des coûts. Il s'agit en effet non seulement d'une question de répartition des coûts entre pouvoirs publics et assurance maladie, mais également de marge de manoeuvre des cantons pour ce qui est de leurs efforts de maîtrise des coûts au moyen de la planification hospitalière.

Au vu des problèmes esquissés ci-dessus, la présente évaluation a pour but de répondre à la question de savoir quelle influence la jurisprudence du Conseil fédéral a exercé sur la planification hospitalière cantonale ou intercantonale selon l'art. 39, al. 1, let. d et e, LAMal. Pour l'examen, cette question générale a été subdivisée de la manière suivante: ­

Quelles sont les plus importantes décisions sur recours en matière de planification hospitalière et de listes des hôpitaux ?

­

Comment le Conseil fédéral a-t-il tranché les cas susmentionnés ?

­

Quels ont été les effets de ces décisions sur recours sur la suite de la planification hospitalière ?

­

Quelles ont été les répercussions de ces décisions sur recours du point de vue de l'objectif de maîtrise des coûts ?

5.3

Indications sur l'approche méthodique

Pour répondre aux questions ci-dessus, le bureau Vatter, Politikforschung & -beratung, a opté pour une approche en deux phases complémentaires.

­

Dans une première phase, les 140 décisions du Conseil fédéral (prises jusqu'en juillet 2001) au sujet de listes cantonales des hôpitaux ont été analysées et évaluées en fonction de caractéristiques homogènes. L'analyse quantitative des occurrences de ces caractéristiques donne une vue d'ensemble des recours déposés et de la pratique du Conseil fédéral en la matière. Les liens possibles entre les diverses caractéristiques ont également été analysés.

Ainsi, l'examen a notamment établi le rapport entre objet de recours et proportion de recours admis ou entre catégorie de recourants et proportion de succès.

Les résultats de cette analyse globale sont résumés au ch. 5.4.1 de la présente synthèse. Ils mettent en évidence les effets directs des décisions du Conseil fédéral et permettent d'évaluer globalement sa jurisprudence du point de vue de l'objectif de maîtrise des coûts.

­

Dans une seconde phase, les mandataires ont examiné les effets directs et indirects des plus importantes décisions sur recours. Une analyse documentaire et des auditions d'experts (administration fédérale, Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires) ont tout d'abord permis d'iden-

343

tifier les plus importantes décisions du point de vue de l'objectif de la maîtrise des coûts. Ensuite, quatre décisions ont été choisies pour effectuer une étude de cas plus approfondie. Au-delà du fait qu'il s'agit de décisions de principe, les critères de choix ont porté sur l'importance du point de vue des coûts ainsi que sur certaines particularités structurelles des cantons concernés. Ces quatre décisions sur recours ont été examinées sous forme d'études de cas comparatives du point de vue de leurs effets dans les cantons concernés. Pour ce faire, les mandataires ont adopté une triple approche méthodique. Ils se sont premièrement entretenus personnellement avec les acteurs concernés: représentants des directions cantonales de la santé, des fédérations d'assureurs et des syndicats hospitaliers. Deuxièmement, des documents pertinents et, troisièmement, des données secondaires relatives aux coûts de la santé dans les cantons ont également été analysés.

La seconde phase d'analyse aborde l'aspect des effets directs et indirects des plus importantes décisions sur recours en matière de planification hospitalière. Les résultats correspondants font l'objet du ch. 5.4.2.

5.4

Résultats

5.4.1

Analyse globale de la jurisprudence du Conseil fédéral

Les 140 décisions rendues à la suite des recours contre les listes cantonales ou intercantonales des hôpitaux ont été évaluées en fonction de diverses caractéristiques.

Elles ont notamment été analysées du point de vue de l'origine des recourants (fédération d'assureurs maladie, hôpitaux du canton ou hors canton avec support institutionnel public ou privé, etc.) et de leur contenu. Les revendications principales des recours et les argumentations correspondantes ont également été analysées. S'agissait-il de recours demandant le rejet, l'élargissement ou la réduction de la liste des hôpitaux concernée? Les motifs invoqués portent-ils sur une présomption de violation de la disposition prévoyant que les offreurs privés doivent être pris en considération de manière adéquate ou sur la remise en cause de la légitimité de l'évaluation des besoins ? Le sort des recours a également été analysé: Quelles ont été les décisions du Conseil fédéral, quels ont été ses considérants et quels ont été les effets immédiats de ces décisions?

Les observations ci-dessous constituent une sélection des plus intéressantes parmi toutes les observations faites dans le cadre de l'analyse globale de la jurisprudence à ce jour du Conseil fédéral.

5.4.1.1

Occurrences

Catégories de recourants: Dans près de deux tiers des cas, les recourants sont des hôpitaux privés hors canton (hôpitaux bénéficiant de subventions publiques compris). Bien que largement distancés, les hôpitaux privés du canton concerné et les fédérations des assureurs maladie arrivent respectivement en deuxième et troisième position de ce classement.

344

Revendications principales: A 80 %, les recours selon le classement ci-dessus avaient pour objet principal l'admission d'un hôpital à fournir des soins à la charge de l'assurance maladie obligatoire.

Motifs invoqués dans les recours: C'est la disposition de l'art. 39, al. 1, let. d, selon lequel les organismes privés doivent être pris en considération dans la planification hospitalière de manière adéquate qui a le plus fréquemment été utilisée (près d'un tiers des recours).

Décisions du Conseil fédéral: L'évaluation des décisions relatives aux revendications principales des recours montre que la majorité des recours contre les listes cantonales des hôpitaux a été acceptée. En effet, dans 60 % des cas, le Conseil fédéral a tranché en défaveur des gouvernements cantonaux.11 Selon l'évaluation globale, les effets directs des décisions sur recours sont les suivants: Le plus souvent, les décisions du Conseil fédéral ont conclu au rejet de listes cantonales et ont exigé leur révision. Dans 12 % des cas, elles ont entraîné une augmentation de capacité, notamment en concluant à l'admission d'un hôpital sur la liste cantonale. Une réduction de l'offre en matière de soins par rapport à la situation prévue par la liste cantonale n'a été observée que dans 3 % des cas.

5.4.1.2

Liens entre les diverses caractéristiques

Y a-t-il certains liens systématiques entre les caractéristiques analysées? Certains recourants ont-ils notamment moins de succès que d'autres? Au-delà de la réponse à ces questions, l'examen des liens entre les caractéristiques analysées permet également de répondre à d'autres questions semblables.

Catégories de recourants et objets des recours: Dans la plupart de leurs recours, les fédérations cantonales d'assureurs maladie ont remis en cause l'intégralité de la liste des hôpitaux des cantons concernés. En revanche, la grande majorité des recours des hôpitaux (tant des hôpitaux publics que privés et tant du canton concerné que hors canton) revendiquaient l'admission de certains hôpitaux sur les listes cantonales concernées.

Catégories de recourants et revendications principales: Dans la majorité très nette des cas, les fédérations d'assureurs ont demandé que des hôpitaux soient retirés des listes cantonales concernées, alors que pour ce qui est des cliniques qui ont recouru contre les listes cantonales, elles ont à une très forte majorité demandé que leurs divisions communes soient admises sur la liste cantonale concernée.

Catégories de recourants et décisions du Conseil fédéral: Les hôpitaux privés hors cantons font partie des recourants qui ont connu le plus de succès. Près de deux de leurs recours sur trois ont été admis par le Conseil fédéral. La majorité des recours des hôpitaux privés du canton concerné par le recours et des fédérations d'assureurs ont également été admis. En revanche, le Conseil fédéral a débouté tous les hôpitaux publics des cantons concernés.

11

Etant donné qu'un seul objet a été analysé par recours, soit l'objet principal, la catégorie «partiellement admis» n'est pas prise en compte par la présente évaluation.

345

Objets des recours et décisions du Conseil fédéral: Environ 80 % des recours admis concernent des hôpitaux spécifiques, et près de 90 % de ceux-ci sont des hôpitaux privés.

Arguments principaux et décisions du Conseil fédéral: Le fait que certains arguments des recourants au sujet de leurs revendications principales ont mieux porté que d'autres est une autre constatation intéressante de l'analyse globale. Ainsi, plus de 85 % des recours dont l'argumentation concluait à une prise en considération inadéquate des organismes privés ont été admis par le Conseil fédéral.

5.4.1.3

Appréciation globale

Globalement, les résultats de l'analyse esquissée ci-dessus permettent d'apprécier la jurisprudence du Conseil fédéral de la manière suivante: ­

Jusqu'ici (juillet 2001), la jurisprudence du Conseil fédéral a eu plutôt tendance à protéger les intérêts des recourants que ceux des gouvernements cantonaux. Ainsi, il a admis 60 % des 140 recours. Dans 34 % des cas il a confirmé les listes cantonales. Il n'est pas entré en matière dans les 6 % des cas restants. Une petite majorité des recours des fédérations d'assureurs ont été admis alors qu'une très nette majorité des recours des cliniques privées, tant du canton concerné que hors canton, ont été admis.

­

L'argument d'une prise en considération inadéquate des organismes privés a été fréquemment couronné de succès. En comparaison avec d'autres arguments, il appert que le Conseil fédéral a fermement insisté sur le respect de la disposition relative à la prise en considération adéquate des organismes privés. Bien que de manière moins manifeste, le Conseil fédéral a aussi insisté sur la légitimité de l'évaluation des besoins. Cet argument a cependant été invoqué aussi bien en faveur qu'en défaveur de l'admission d'hôpitaux sur les listes cantonales correspondantes.

­

L'évaluation globale permet de constater que, d'une manière générale, les décisions du Conseil fédéral ont eu plutôt tendance à entraîner une extension des capacités prévues par les listes cantonales plutôt que la fermeture d'hôpitaux supplémentaires. Pour un tiers des décisions sur recours qui ont entraîné le retrait d'hôpitaux des listes concernées, il y a eu environ 45 % de décisions qui ont abouti au renvoi des listes contestées pour révision et conduit, en vertu du droit transitoire, à l'admission provisoire des hôpitaux concernés.

Finalement, il convient de relever que la jurisprudence du Conseil fédéral est en premier lieu déterminée par les recours qui ont été déposés. Dans le domaine de la planification hospitalière, la marge de manoeuvre du Conseil fédéral en matière de maîtrise des coûts est réduite dans la mesure où il limite son rôle à une réaction formelle et juridique au lieu d'exercer un contrôle politique actif sur les planifications hospitalières des cantons.

Globalement, l'examen montre que le point de vue purement juridique des décisions du Conseil fédéral au sujet des listes cantonales des hôpitaux conduit à des résultats tendanciellement contraires à l'objectif politique de la maîtrise des coûts.

346

5.4.2

Etudes de cas relatives aux effets de la jurisprudence du Conseil fédéral

C'est à la lumière d'études de cas que les mandataires se sont penchés sur les principales décisions sur recours et qu'ils ont examiné leurs effets directs et indirects sur la planification hospitalière et sur l'objectif de maîtrise des coûts.

5.4.2.1

Les cas examinés: ZH, BS/BL, AG et TI

L'examen a permis d'identifier dix décisions sur recours qui, au sens de décisions de principe, ont servi de modèles pour les développements ultérieurs de la planification hospitalière. Il s'agit des décisions concernant les listes des hôpitaux des cantons suivants: AG, AR, BS/BL, GR, LU, SG, SO, TG, TI et ZH. Le Conseil fédéral a admis sept de ces recours, dont un partiellement. Parmi ces dix décisions, les mandataires ont choisi quatre cas considérés comme importants du point de l'objectif de la maîtrise des coûts. Ces quatre décisions sur recours ont été examinées de plus près en procédant à des études de cas comparatives.

Canton de Zurich: Les décisions du 17 février 1999 concernant les recours de six hôpitaux régionaux du canton de Zurich ont été considérées comme très importantes. Par ces décisions, le Conseil fédéral a sanctionné les mesures cantonales en matière de planification hospitalière. Il a en particulier confirmé la suppression de surcapacités au moyen de la fermeture d'hôpitaux régionaux publics. Ces décisions ont été considérées comme importantes dans la mesure où elles ont confirmé une liste des hôpitaux très restrictive qui a exigé de grands sacrifices de la part des cliniques et qui comportait de grands risques politiques pour le gouvernement zurichois.

Cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne: La décision du 23 juin 1999 au sujet du recours de la Josefsklinik contre la liste commune des deux Bâle a également été considérée comme très importante. Par cette décision, le Conseil fédéral a obligé les cantons à faire également figurer les divisions qui ne traitent que des assurés en division privée et semi-privée sur leur liste intégrale et a empêché la fermeture de la clinique privée en question. Ainsi, le Conseil fédéral a expressément rejeté la planification des lits des divisions privées et semi-privées et a conféré à ces dernières un droit légitime à figurer sur la liste des hôpitaux.

Canton d'Argovie: Par décision du 17 février 1999 au sujet du recours de la fédération cantonale des assureurs, le Conseil fédéral a confirmé la planification cantonale alors que celle-ci prévoyait le maintien dans une large mesure du statu quo. Cette décision est quasiment un contre-exemple de la décision relative au canton de Zurich. Dans le cas argovien, le Conseil fédéral a certes confirmé
la liste du gouvernement cantonal, mais sa décision n'a pas eu les effets escomptés. Au contraire, elle constitue plutôt un potentiel d'augmentation des coûts de la santé de la LAMal.

Cette décision est également importante dans la mesure où, pour la première fois, il a été clairement précisé que l'admission de divisions privées et semi-privées ne peut dépendre de la planification des besoins de la population en soins hospitaliers. Les fournisseurs de prestations privés ont par conséquent droit de figurer sur une liste.

347

Canton du Tessin: Le cas du Tessin est un cas particulier. En effet, les hôpitaux privés représentent plus de 50 % de l'ensemble de la capacité hospitalière. Avec sa décision du 3 mai 2000 au sujet du recours de la fédération cantonale des assureurs, le canton du Tessin a été le premier à bénéficier d'une nouvelle pratique du Conseil fédéral, pratique consistant à ne pas refuser dans son intégralité une liste considérée comme insuffisante, mais à l'accepter provisoirement, sous réserve de révision.

5.4.2.2

Effets des décisions sur recours

5.4.2.2.1

Effets par canton

D'une manière générale, les effets observés ont été très différents d'un canton concerné à l'autre.

Avec sa décision au sujet de la liste des hôpitaux du canton de Zurich, le Conseil fédéral a confirmé une planification très restrictive qui a provoqué une importante réduction du nombre de lits en peu d'années. Cependant, le cas zurichois montre également que la réduction du nombre de lits d'hôpitaux ne rime pas automatiquement avec la maîtrise des coûts. En effet, malgré la liste des hôpitaux de 1998, les coûts de la santé ont fortement augmenté dans ce canton.

En ce qui concerne le canton d'Argovie, le Conseil fédéral a en revanche soutenu les offreurs privés concernés. Cette situation a entraîné un transfert de coûts des pouvoirs publics vers l'assurance maladie. Cet effet ne peut cependant pas être considéré comme un effet direct de la décision du Conseil fédéral en tant que telle. Il s'agit en premier lieu d'un effet de la politique hospitalière cantonale, même si la jurisprudence du Conseil fédéral y a contribué avec sa décision relative à la planification cantonale, décision qui correspond implicitement à une approbation de la planification du gouvernement argovien.

Les effets relatifs à la décision au sujet de la liste commune des cantons de BâleVille et de Bâle-Campagne ont été avant tout des effets politiques. Dans ce cas, la jurisprudence du Conseil fédéral a provoqué une perte de confiance dans les supports institutionnels cantonaux. Par cette décision, perçue comme une ingérence radicale dans la politique hospitalière cantonale, les cantons se sont vu retirer dans une large mesure le contrôle de l'ampleur des prestations fournies dans les divisions privées et semi-privées. Matériellement, cette décision n'a pas eu d'effet direct.12 Toutefois, étant donné qu'en vertu de l'argumentation du Conseil fédéral, d'éven-tuels nouveaux fournisseurs de prestations devraient être rajoutés sur la liste des hôpitaux s'ils devaient fournir des prestations dans le domaine des assurances complémentaires, cette décision constitue une contribution potentielle à l'augmentation des coûts de la santé.

Dans le canton du Tessin, la décision du Conseil fédéral a permis de débloquer une situation inextricable. En fixant un délai pour l'établissement d'une liste des hôpitaux ainsi que des objectifs concrets, cette décision a donné aux autorités cantonales un moyen de pression politique envers les acteurs cantonaux dans le domaine des 12

348

La clinique en question qui, selon la planification hospitalière cantonale n'aurait pas dû figurer sur la liste, a fermé ses portes de sa propre initiative avant la décision du Conseil fédéral.

soins hospitaliers. En revanche, en raison de la longue durée de traitement du recours (27 mois), la décision du Conseil fédéral n'a pas contribué à la maîtrise des coûts dans le domaine de l'assurance maladie étant donné que, durant toute cette période, les assureurs ont dû continuer d'assumer les coûts des surcapacités contestées.

5.4.2.2.2

Effets comparatifs

Effets directs du point de vue de la maîtrise des coûts Les décisions sur recours examinées n'ont eu aucun effet direct sur les coûts. Tous les représentants des directions cantonales de la santé publique, des syndicats hospitaliers et des fédérations des assureurs qui ont été interrogés à l'occasion de cette analyse ont au contraire souligné que seules les planifications cantonales et non les décisions du Conseil fédéral à leur sujet ont des effets directs sur les coûts. Le seul effet sur les coûts qui peut être directement attribué à la jurisprudence du Conseil fédéral est un effet négatif. Ainsi, outre le Tessin, les autres cantons ont également déploré la lenteur de la procédure de recours. Chaque fois que les assureurs maladie ont recouru contre l'admission de certains hôpitaux ou contre des listes d'hôpitaux dans leur intégralité et qu'ils ont obtenu gain de cause devant le Conseil fédéral. Ils ont donc dû intégralement prendre en charge les coûts supplémentaires contestés jusqu'à ce que la décision du Conseil fédéral soit rendue, ce qui a fait augmenter les coûts de l'assurance maladie.

Effets indirects du point de vue de la maîtrise des coûts Au-delà de cet effet, les études de cas ont permis de constater d'autres effets indirects sur les coûts: La retenue dont le Conseil fédéral a fait preuve lors de l'établissement des objectifs ou des critères de planification a provoqué une certaine incertitude en matière de planification hospitalière. Le cas du canton du Tessin en est un cas extrême. En effet, en l'absence de tout objectif opérationnel, ce canton a volontairement présenté une liste des hôpitaux insuffisante afin de provoquer un recours et, à cette occasion, de pouvoir obtenir de l'autorité de recours qu'elle précise les critères de planification.

Dans le domaine de l'assurance maladie, la jurisprudence du Conseil fédéral qui confirme que les divisions semi-privées et privées des hôpitaux ont un droit légitime à l'admission sur la liste des hôpitaux est un facteur de nature à faire augmenter les coûts. Etant donné que ces divisions doivent être intégralement financées par les assureurs maladie, l'assurance de base obligatoire peut donc se trouver dans l'obligation de rembourser des prestations qui ne correspondent pas à la planification cantonale des besoins de la population en soins
hospitaliers mais qui ont été admises par le Conseil fédéral. Ceci est en contradiction avec les efforts cantonaux en matière de maîtrise des coûts au moyen de la planification hospitalière.

De l'avis des milieux consultés, tant la réglementation de la LAMal concernant le mode de financement des hôpitaux en vigueur que les décisions du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière sont perçues comme incitations négatives à toute coordination intercantonale. Les cantons ne sont en effet pas incités à instituer une collaboration intercantonale si les fournisseurs de prestations hors canton peuvent faire valoir leur droit à la contribution de base alors que les lits des divisions 349

privées et semi-privées du propre territoire cantonal doivent être intégralement financés par les assureurs.13 Divers experts interrogés estiment que cette situation aboutit à ce que les cantons cherchent à offrir à leur population une palette de prestations la plus complète possible, ce qui n'est guère judicieux ni du point de vue de la planification, ni d'un point de vue économique.

Les acteurs de la politique de la santé qui ont été consultés ont également souligné que la distinction opérée dans la LAMal entre marché et Etat ne sera pas praticable tant que la planification se basera uniquement sur les catégories de lits. En effet, les capacités en division commune supprimées grâce à la planification hospitalière sont compensées par l'offre en divisions privée et semi-privée, offre qui, dans le cadre des assurances complémentaires, induit également des prestations à la charge de l'assurance de base obligatoire et, partant, continue de faire augmenter les primes de l'assurance de base. De plus, certains experts interrogés sont d'avis que les fournisseurs de prestations appliquent une stratégie élusive en transférant des prestations du domaine des soins stationnaires vers celui des soins ambulatoires qui sont entièrement à la charge de l'assurance de base obligatoire. Pour sortir de cette situation, les assureurs et certains hôpitaux préconisent le passage à la planification des prestations. Les supports institutionnels cantonaux ne sont toutefois pas favorables à cette voie au vu des complications qui y sont liées.

5.5

Conclusions relatives à la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière

Les réponses aux questions de l'examen ainsi que diverses autres constatations faites au cours de l'analyse ont amené les mandataires à faire les conclusions suivantes: La pratique du Conseil fédéral consistant à trancher les recours sur la base de critères juridiques et non pas politiques est problématique de point de vue de l'évolution des coûts de la santé. Le droit de recours stipulé à l'art. 53 LAMal permet certes au Conseil fédéral de construire une jurisprudence consistante et cohérente, mais celleci envoie simultanément des signaux politiques en partie contradictoires. La fonction jurisprudentielle ne lui permet en revanche pas d'assurer une direction politique au moyen de critères de planification et d'admission clairs. En se limitant au rôle d'autorité judiciaire, le Conseil fédéral s'est lui-même amputé d'une importante marge de manoeuvre en matière de maîtrise des coûts. Avec le recul, il est possible de constater que divers recours auraient pu être évités si la Confédération avait préalablement défini au niveau politique, notamment au moyen d'une ordonnance, les exigences en matière de planification hospitalière. Cette démarche aurait permis de clarifier les questions demeurées ouvertes et de renforcer la position politique des cantons chargés d'effectuer la planification hospitalière. A l'avenir, les résultats de l'examen incitent les mandataires à penser que le Conseil fédéral devrait revoir sa pratique et assumer une direction politique dans le but d'atteindre l'objectif de la maîtrise des coûts.

13

350

Le Tribunal fédéral des assurances a décidé le 30 novembre 2001 que les patients hospitalisés en division privée ou semi-privée dans des hôpitaux publics ou subventionnés avaient également droit à des contributions cantonales. (Arrêt K 178/00).

Selon le Conseil fédéral, l'autonomie cantonale en matière de planification justifie le fait de renoncer d'une part à rendre les objectifs de planification plus concrets et, d'autre part, à utiliser la jurisprudence pour assumer une direction politique. Les cantons utilisent la marge de manoeuvre qui en résulte de différentes manières. La manière de procéder du Conseil fédéral qui a pris des décisions cas par cas, en fonction des recours déposés, n'a facilité ni l'uniformisation des critères de planification, ni l'harmonisation entre les cantons. De plus, en raison de l'absence de toute incitation à une coordination intercantonale, les cantons demeurent des régions de planification fortement isolées les unes des autres. Cette situation est préjudiciable aux objectifs de la planification hospitalière, c'est-à-dire à la coordination entre fournisseurs de prestations, à l'exploitation optimale des ressources et à la maîtrise des coûts.

Le présent examen a permis de mettre en évidence le fait que la LAMal contient des incitations inadéquates que le Conseil fédéral fait appliquer au moyen de ses décisions jurisprudentielles. Premièrement, la séparation opérée entre planification dans le secteur de l'assurance obligatoire des soins d'une part et marché dans le secteur des assurances complémentaires d'autre part est inefficace. Les cantons sont dans l'impossibilité de parvenir à une planification hospitalière et, partant, à une maîtrise des coûts conséquente et globale puisque les divisions privées et semi-privées fournissent également des prestations à la charge de l'assurance de base et qu'il n'est pas possible de limiter l'offre dans ce domaine. En ne supprimant pas la frontière floue qui délimite la zone de marché de la zone à planification et en obligeant les cantons à tenir compte des offreurs privés, la jurisprudence du Conseil fédéral a plutôt tendance à faire augmenter les coûts. Deuxièmement, la LAMal prévoit une coordination intercantonale, mais la contrecarre simultanément. En raison des dispositions régissant le financement des hospitalisations hors canton, les cantons sont fortement incités à réduire celles-ci à un minimum, à faire en sorte que l'offre de prestations sur leur propre territoire soit la plus complète possible et à procéder à une planification basée sur un principe autarcique,
donc de manière non coordonnée. La jurisprudence du Conseil fédéral porte donc sur la planification de cantons en particulier et ne peut guère inciter à une coordination intercantonale. En l'état actuel des travaux parlementaires, ces problèmes ­ planification des besoins limitée au domaine de l'assurance obligatoire des soins et financement des hospitalisations hors canton ­ seront abordés à l'occasion de la deuxième révision partielle de la LAMal.

Finalement, il apparaît que l'instrument de la planification de la capacité ne permet pas d'atteindre l'objectif en matière de maîtrise des coûts. En effet, ce sont les prestations fournies et non le nombre de lits qui déterminent les coûts. La planification de la capacité permet toute une série d'effets de transfert qui ne sont pas souhaitables du point de vue de la maîtrise des coûts: il peut, d'une part, y avoir transfert du domaine des soins hospitaliers vers celui des soins ambulatoires (soins semihospitaliers compris) et, d'autre part, la réduction du nombre de lits du secteur public peut être compensée par une augmentation du nombre de lits offerts par les fournisseurs de soins du secteur privé. Si, au nom du respect du principe de la concurrence, les offres relevant exclusivement du domaine des assurances complémentaires ne peuvent pas être enlevées des listes d'hôpitaux, il ne sera guère possible de freiner la spirale ascendante des coûts dans l'assurance maladie, ce qui affaiblira indirectement le principe de l'assurance maladie sociale. Certains milieux voient en la planification des prestations une solution à ce problème. Un tel changement présuppose toutefois une ligne de conduite claire étant donné que les actuels catalogues de 351

prestations manquent de transparence. Dans ce cas de figure, les mandataires estiment indispensable que le Conseil fédéral joue un rôle dirigeant.

6

Influence de la Confédération sur le tarif médical TARMED

Le présent chapitre résume la partie de l'analyse approfondie de la manière dont les organes responsables de la Confédération utilisent leur marge de manoeuvre qui porte sur le tarif à la prestation TARMED. Le recueil de données 3 (Die Einflussnahme des Bundes auf den Arzttarif TARMED, document non traduit) comporte une présentation détaillée de l'approche méthodique et des résultats.

6.1

Objet de l'examen

La révision du tarif médical pour l'assurance accidents, l'assurance invalidité et l'assurance militaire a débuté en 1986 déjà. Le projet de révision totale du tarif médical (GRAT, «Gesamtrevision Arzttarif») a été entamé sur l'initiative des assureurs sociaux de la Confédération et la Fédération suisse des médecins FMH. Avec l'introduction de la LAMal, ces travaux de révision ont été étendus au domaine de l'assurance maladie. L'art. 43, al. 5, LAMal prévoit que les tarifs à la prestation doivent se fonder sur une structure tarifaire uniforme fixée par convention sur le plan suisse. Actuellement, en raison de la souveraineté cantonale en matière de tarifs, les systèmes de tarification et d'évaluation des prestations ambulatoires varient d'un canton à l'autre, ce qui rend toute comparaison des volumes de prestations et des coûts très difficile. Parallèlement au projet GRAT, en collaboration avec H+ Les Hôpitaux de Suisse, les assureurs ont démarré le projet INFRA, révision générale du catalogue des prestations hospitalières. Les projets GRAT et INFRA ont été fusionnés, ce qui a donné naissance au TARMED. Le TARMED est une structure tarifaire uniforme pour toute la Suisse permettant de facturer les prestations des médecins et les prestations techniques fournies à l'hôpital et au cabinet médical. Le TARMED est constitué d'une structure tarifaire uniforme pour l'ensemble du territoire et de valeurs du point qui déterminent les prix des prestations. Ces valeurs du point sont négociées à l'échelon cantonal entre les fournisseurs de prestations et les assureurs et doivent être approuvées par les autorités cantonales.

Les objectifs principaux du TARMED sont la restructuration et la réévaluation systématiques du catalogue de prestations, l'élaboration de bases d'évaluation uniformes des prestations médicales fondées sur les principes de la gestion d'entreprise ainsi que la réduction des différences entre les revenus des fournisseurs de soins de base et les spécialistes au moyen d'une réévaluation des prestations médicales intellectuelles par rapport aux prestations purement techniques. Le TARMED a donc pour but d'améliorer la transparence et de permettre une meilleure comparaison des revenus tirés des prestations médicales et, partant, une meilleure maîtrise des coûts de la santé. De plus, la révision
tarifaire doit être neutre du point de vue des coûts.

Conformément au principe conventionnel inscrit dans la LAMal, le TARMED est négocié entre les partenaires tarifaires que sont les fournisseurs de prestations et les tiers qui assurent la prise en charge des coûts dans le domaine de l'assurance acci352

dents et de l'assurance maladie obligatoires.14 Les organes responsables de la Confédération15 ne sont pas directement impliqués dans les négociations relatives au nouveau tarif. Toutefois, en ce qui concerne le TARMED, ils disposent en vertu de la LAMal d'une certaine marge de manoeuvre et doivent assumer certaines obligations: ­

la structure du tarif est soumise à l'approbation du Conseil fédéral qui doit préalablement consulter le préposé fédéral à la surveillance des prix.

­

Si les partenaires tarifaires ne parviennent pas à un accord, le Conseil fédéral peut fixer la structure tarifaire.

­

Le Conseil fédéral a en outre la possibilité d'établir des principes visant à ce que les tarifs soient fixés d'après les règles d'une saine gestion économique et structurés de manière appropriée; il peut aussi établir des principes relatifs à leur adaptation.

­

Il appartient au Conseil fédéral de trancher les recours contre les décisions cantonales dans le domaine de la valeur du point.

Bien que le délai légal relatif à l'introduction d'une structure tarifaire unifiée soit arrivé à échéance à fin 1997 déjà, le TARMED n'a pas pu être adopté avant fin 2001.

Depuis que les partenaires tarifaires ont présenté le premier résultat de leurs négociations au début de 1999, des révisions n'ont cessé de se succéder.

Aujourd'hui encore, la date d'entrée en vigueur du TARMED n'a pas encore été fixée. Actuellement, il est question de l'introduire début 2003, c'est-à-dire plus de cinq ans après le délai fixé par la loi.

Au vu de ces retards et de l'importance du TARMED du point de vue de la transparence et du contrôle des coûts dans le cadre de la LAMal, la CdG-E a, dans la deuxième partie de son examen, voulu savoir comment les organes responsables de la Confédération ont utilisé leur marge de manoeuvre pour influer sur le TARMED.

D'une manière plus détaillée, elle a posé les questions suivantes:

14

15

­

Quelle est la stratégie des organes responsables de la Confédération pour influer sur le TARMED?

­

Par quels organes responsables, quand, comment et avec quel résultat la Confédération a-t-elle influé sur le TARMED?

­

Quelle est, dans la perspective de l'objectif de maîtrise des coûts de la LAMal, l'évolution des stratégies et des actions que la Confédération a entreprises en vue d'influer sur le TARMED?

Les parties suivantes sont représentées au sein de l'organisation du projet TARMED: la Fédération des médecins suisse (FMH), H+ Les Hôpitaux de Suisse, la Commission des tarifs médicaux LAA, l'AI, l'AM, santésuisse - les assureurs maladie suisses (anciennement Concordat des assureurs maladie suisses). La Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires (CDS) a un statut d'observateur au sein de l'organisation de projet.

Il s'agit du Conseil fédéral et de l'administration fédérale à l'exclusion de l'AI et de l'AM qui, en tant qu'assureurs sociaux de la Confédération, sont parties aux négociations.

353

6.2

Indications sur l'approche méthodique

Pour répondre à ces questions, les mandataires ont opté pour l'approche suivante: ­

Dans une première phase, ils ont présenté le processus de décision de manière chronologique et ont décrit les rôles, les stratégies et les activités concrètes des organes responsables de la Confédération qui participent à l'introduction du TARMED.

­

Dans une seconde phase, ces stratégies et activités ont été évaluées au moyen d'une comparaison entre état effectif et état souhaitable. Pour ce qui est de l'état souhaitable, il s'agissait principalement de répondre à la question de savoir si les organes responsables de la Confédération ont utilisé toute leur marge de manoeuvre et s'ils ont appliqué des stratégies cohérentes permettant de parvenir à une meilleure maîtrise des coûts dans le domaine de la santé.

Du point de vue méthodique, l'examen repose sur une analyse documentaire systématique ainsi que sur une série d'entretiens avec des représentants des organes responsables de la Confédération, des partenaires tarifaires, de la CDS et de la direction du projet TARMED.

6.3

Résultats

6.3.1

Stratégies des organes responsables de la Confédération

En ce qui concerne les stratégies des organes responsables de la Confédération, il convient de faire la distinction entre le contenu des stratégies et la manière de procéder.

Le contenu des stratégies découle dans une très large mesure du mandat légal de la LAMal et des objectifs à l'origine de la révision du tarif médical mentionnés plus haut. Outre les objectifs généraux tels que l'amélioration de la transparence et de la comparabilité des volumes de prestations et des coûts, la refonte du tarif a également pour but de réévaluer les prestations médicales intellectuelles par rapport aux prestations purement techniques, de rendre l'application des nouveaux tarifs plus facile tout en assurant la neutralité du point de vue des coûts. A cet égard, il convient de signaler que ce critère de neutralité des coûts est un critère particulièrement important pour la Confédération.

La manière de procéder de la Confédération est de laisser les partenaires tarifaires négocier le TARMED tout en accompagnant les négociations activement, de mettre la pression pour que les partenaires parviennent à un accord, de s'informer régulièrement de l'état de la situation, d'intervenir de manière correctrice lorsque cela s'avère nécessaire et, finalement, d'approuver les résultats présentés; elle ne veut en aucun cas imposer des solutions toutes faites. Cette manière de procéder est largement conforme au principe d'une élaboration conventionnelle du tarif tel qu'il est inscrit dans la LAMal. L'objectif de cette stratégie est de parvenir à un consensus solide, accepté de tous et élaboré par les parties concernées qui seront également chargées de son application. D'un point de vue tactique, la manière d'agir de la Confédération associe coopération et confrontation en allant de l'accompagnement 354

du processus jusqu'à la menace d'imposer un tarif en cas de désaccord au-delà d'un certain délai, en passant par les bons offices et le recours à la pression.

6.3.2

Activités concrètes des organes responsables de la Confédération en vue d'influer sur le TARMED

La Confédération a entamé ses activités en vue d'influer sur le TARMED en 1998.

A partir de là, elle a constamment accompagné le projet TARMED. Les divers acteurs qui lui ont permis de remplir son mandat légal ont participé à cet accompagnement de la manière suivante: Pour ce qui est de ses activités, le Département fédéral de l'intérieur insiste sur son rôle d'accompagnateur du processus et n'assume pas de rôle dirigeant au sein des organes responsables de la Confédération. Le département propose ses bons offices et joue le rôle de médiateur entre les partenaires tarifaires en veillant particulièrement au respect du principe de la neutralité des coûts. A plusieurs reprises, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss a invité les partenaires tarifaires à faire avancer et à achever les travaux de révision en rappelant que, dans le cas contraire, elle se verrait dans l'obligation d'ordonner un tarif. Par ses bons offices et son rôle de médiatrice, la responsable du DFI a plusieurs fois permis de débloquer et d'accélérer le processus de négociations.

L'Office fédéral des assurances sociales accompagne le processus TARMED d'un point de vue technique: il contrôle les documents relatifs à la structure tarifaire adressés à la Confédération, il vérifie leur objectivité, évalue les effets sur les coûts et prépare les interventions du Conseil fédéral. Les représentants de l'OFAS participent aux discussions entre la responsable du DFI et les partenaires tarifaires et, d'une manière informelle, tentent d'exercer une certaine pression sur les partenaires tarifaires.

A ce jour, le préposé fédéral à la surveillance des prix est le seul parmi les organes de la Confédération mentionnés ici à être intervenu matériellement dans le processus TARMED. Pour réduire le risque de voir la nouvelle structure tarifaire refusée par le Conseil fédéral, les partenaires tarifaires ont de leur propre initiative décidé d'associer le surveillant des prix à leurs négociations. Il est donc permis de conclure que le préposé fédéral à la surveillance des prix occupe une position relativement influente dans le processus d'approbation par le Conseil fédéral. Pour la plupart, les interventions répétées de la surveillance des prix ont eu pour but de corriger les effets agissant à la hausse sur les revenus des médecins et, partant, sur les
coûts de la santé. Bien que, en raison de son implication, la corporation des médecins ait réagi de manière critique aux interventions du préposé fédéral à la surveillance des prix et soit parfois allée jusqu'à remettre les compétences techniques de ce dernier en doute, les recommandations de la surveillance des prix ont été reprises, du moins partiellement, dans la mesure où il a été la plupart du temps possible de trouver des compromis entre les exigences des médecins et celles de la surveillance des prix.

Selon ses propres déclarations, le préposé fédéral à la surveillance des prix est jusqu'ici parvenu à empêcher des augmentations de coûts pour un montant total d'environ 1 milliard de francs par an.

L'Office fédéral de la justice a informé les partenaires tarifaires sur les bases légales et les possibilités qu'ils ont en matière d'adaptation du tarif. Cette information mise 355

à part, l'OFJ n'est jusqu'à présent pas intervenu dans le processus TARMED d'une manière notable.

Le 18 septembre 2000, le Conseil fédéral a approuvé la version alpha 3.0 de la structure tarifaire. L'entrée en vigueur de la nouvelle structure dépend de la conclusion par les partenaires tarifaires d'une convention portant sur le respect du principe de la neutralité des coûts. A cet égard, il est à noter que cette convention doit également être approuvée par le Conseil fédéral. Ce sont les partenaires tarifaires qui ont demandé l'approbation de la nouvelle structure tarifaire, approbation que le préposé fédéral à la surveillance des prix avait recommandée. Perçu par les autorités fédérales comme une sorte de moyen de pression envers les partenaires tarifaires, l'approbation de la version alpha 3.0 par le Conseil fédéral n'a cependant pas été suivi d'effets concrets. Les partenaires tarifaires ont après-coup estimé que la structure tarifaire approuvée ne pouvait pas être introduite et ne l'ont pas ratifiée.

Entre-temps, près de 95 % des quelque 4500 positions tarifaires ont été revues et présentées une nouvelle fois au Conseil fédéral pour approbation. La conventioncadre relative à une introduction de la nouvelle structure tarifaire neutre du point de vue des coûts fait encore défaut.

6.3.3

Utilisation de la marge de manoeuvre par les organes responsables de la Confédération

L'analyse des interventions concrètes des organes responsables de la Confédération dans le processus TARMED montre que, jusqu'à présent, sans l'avoir complètement épuisée, la Confédération a largement utilisé sa marge de manoeuvre. Les organes responsables de la Confédération n'ont pas utilisé l'intégralité de leur marge de manoeuvre dans les domaines suivants: ­

Quatre ans après le délai légal, les partenaires tarifaires n'ont pas encore réussi à se mettre d'accord sur tous les points relatifs à l'introduction de la nouvelle structure tarifaire unifiée. Malgré cette situation, le Conseil fédéral n'a pas édicté de structure tarifaire. Les acteurs de la Confédération donnent deux raisons qui expliquent cette situation. Ils soulignent d'une part que la version alpha 3.0 de la structure tarifaire constitue un résultat négocié et que, d'autre part, l'autorité ne peut fixer un tarif d'office qu'à partir du moment où les partenaires tarifaires arrivent eux-mêmes à la conclusion que les négociations ont échoué, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

­

En outre, le Conseil fédéral a renoncé à établir par voie d'ordonnance des principes relatifs à la fixation et à l'adaptation du tarif. Selon les représentants de la Confédération, les raisons qui justifient le fait d'avoir renoncé à cet instrument de pilotage sont les suivantes: les objectifs principaux de la refonte tarifaire font déjà l'objet d'un accord contractuel entre les partenaires tarifaires et les principes du caractère économique et de la structure appropriée sont des critères dont le respect, qui fait par ailleurs l'objet d'un contrôle par les autorités fédérales dans le cadre du processus d'approbation, est déjà prescrit par la LAMal.16

16

356

Par exemple à l'art. 43, al. 4, LAMal.

­

6.3.4

La Confédération dispose encore d'une autre possibilité indirecte qui lui permettrait d'influencer le TARMED. Elle peut exercer une certaine pression étant donné qu'en cas de recours, elle pourrait rejeter d'éventuelles adaptations de la valeur du point cantonale tant que le TARMED n'est pas entré en vigueur. Jusqu'à présent, la Confédération n'a cependant jamais pu utiliser cet instrument puisque aucun recours n'a encore été déposé dans ce sens.

Appréciation des stratégies de la Confédération du point de vue des acteurs

Les acteurs concernés estiment que les points forts des stratégies de la Confédération dans le processus du TARMED ont été le suivi continu du dossier et la disponibilité de celle-ci à proposer ses bons offices grâce à un engagement personnel au-delà du mandat légal de la responsable du DFI. Une majorité d'entre eux sont d'avis que, au vu de la complexité de la matière, les représentants de la Confédération font preuve d'excellentes compétences techniques lors de leurs évaluations, ce qui conforte leur position. Globalement, il est possible de dire que la coordination entre les divers acteurs de la Confédération lors de l'accompagnement du processus de négociation était adéquate et exempte de contradiction.

Avec le recul, les acteurs concernés critiquent en revanche le fait que les organes responsables de la Confédération ont sous-estimé la complexité et la portée de la nouvelle structure tarifaire et ont, par conséquent, imparti des délais trop courts. De plus à force de la brandir de manière réitérée mais sans lui donner de suite, la menace relative à l'introduction d'un tarif édicté par la Confédération a perdu une bonne partie de ses effets au cours du processus. D'un côté, la Confédération a fixé des délais très clairs alors que d'un autre, elle n'a pas arrêté d'objectifs matériels ni de modalités de mise en oeuvre précis auxquels les participants aux négociations auraient pu se référer. Dans ce domaine, les partenaires tarifaires auraient souhaité une plus forte conduite politique de la part de la Confédération. De l'avis de certains partenaires tarifaires, une ordonnance aurait permis de réduire l'incertitude des acteurs concernés au sujet des attentes de la Confédération ainsi que le potentiel conflictuel qui y était lié. Le fait que le TARMED soit basé sur un consensus contractuel n'aurait pas empêché la Confédération de préciser les cadres administratif et juridique par voie d'ordonnance, ce qui aurait permis d'accélérer le processus de négociation. Pour ce qui concerne les désaccords relatifs à une mise en oeuvre du nouveau tarif respectant la neutralité des coûts, les partenaires tarifaires attendent des démarches concrètes de la part de la Confédération.

357

6.3.5

Conclusions relatives à l'influence de la Confédération sur le tarif médical TARMED

En raison de l'autonomie tarifaire, le Conseil fédéral et l'administration fédérale n'ont que peu de possibilités leur permettant d'exercer une influence sur le contenu du TARMED. Toutefois, malgré l'étroitesse de leur marge de manoeuvre, les autorités fédérales ont tenté, à l'aide de deux mesures, de faire respecter le principe de la neutralité des coûts initialement convenue: ­

Le Conseil fédéral a fait dépendre l'approbation et l'introduction du TARMED dans le domaine de l'assurance des soins obligatoire de la présentation d'un concept relatif à la neutralité des coûts et demande des partenaires tarifaires qu'ils lui présentent une convention en accord avec ce principe. Si la Confédération n'avait pas constamment insisté sur cette neutralité des coûts, la refonte du tarif aurait probablement été achevée depuis longtemps déjà, mais elle aurait entraîné une forte augmentation des coûts.

Toutefois, l'engagement du Conseil fédéral se limitait avant tout aux buts formels, les mesures de soutiens concernant le contenu (notamment des objectifs concrets) manquaient généralement.

­

Lors de l'élaboration de la nouvelle structure tarifaire, le préposé fédéral à la surveillance des prix est intervenu matériellement et a, dans plusieurs de ses avis, exigé la correction des incitations génératrices de coûts. Il a insisté pour que ces incitations soient corrigées dans la structure tarifaire déjà et non pas par une adaptation des valeurs du point après son introduction.

L'appréciation critique de la marge de manoeuvre des autorités fédérales permet notamment de relever deux aspects notables: Il y a tout d'abord les compétences des autorités fédérales qui sont très limitées dans le domaine du TARMED; les possibilités d'intervention du préposé fédéral à la surveillance des prix mises à part, la Confédération doit pour l'essentiel se limiter à un accompagnement du processus. Certes, le Conseil fédéral a la compétence subsidiaire d'édicter une structure tarifaire, mais cela n'en garantit pas l'application puisque les partenaires tarifaires doivent ensuite conclure des contrats-cadres et que les valeurs du point doivent encore être négociées à l'échelon cantonal. A ce stade, la Confédération ne dispose d'aucun moyen lui permettant d'intervenir directement pour faire accélérer les négociations de ces contrats-cadres ou pour contraindre les cantons à mettre la structure tarifaire en oeuvre. En outre, en tant qu'instances d'approbation, de décision et de médiation, les cantons jouent un rôle capital du point de vue du respect de la neutralité des coûts.

La LAMal, ensuite, confère plusieurs fonctions au Conseil fédéral qui est à la fois organe d'approbation et instance de recours. Ce dédoublement est encore accentué par l'engagement personnel dont la responsable du DFI fait preuve en prodiguant ses bons offices dans le cadre du projet TARMED. La problématique liée à ce dédoublement s'est notamment manifesté devant le Conseil des Etats, lorsque la conseillère fédérale Ruth Dreifuss s'est exprimée, au cours de l'été 2000, sur la valeur moyenne du point à laquelle il fallait s'attendre. Cette déclaration a été critiquée par certains partenaires tarifaires. Selon eux, en tant que membre de la future instance de recours, la responsable du DFI n'est pas neutre et son rôle d'accompagnatrice impartiale du projet n'est pas crédible. Si les conventions tarifaires cantonales ou les décisions cantonales en matière de tarif devaient par la suite faire 358

l'objet d'un recours, il appartiendrait au Conseil fédéral de trancher, ce qui est de nature à encore accentuer le conflit de rôles.17 Si ces fonctions multiples mettent le Conseil fédéral en situation de force dans le domaine de l'exécution, elles constituent également une gêne pour l'aboutissement du processus de négociation. En effet, le TARMED est conçu comme un jeu à somme nulle et les parties perdantes des négociations se sentent livrées à l'arbitraire de l'autorité et dépouillées de toute influence. Au vu des compétences dont il dispose, celles-ci estiment que le Conseil fédéral anticipe sur les négociations tarifaires à l'échelon cantonal et limite leur autonomie en matière de tarification.

Etant donné que le TARMED n'est pas encore appliqué, l'influence de la Confédération sur l'évolution des coûts dans les domaines des soins ambulatoires et semihospitaliers ne peut être évaluée que de manière prospective. L'OFAS et le préposé fédéral à la surveillance des prix disposent bien sûr d'instruments leur permettant d'estimer les effets que les structures tarifaires qui leur sont soumises pour évaluation ont sur les coûts de la santé. La Confédération ne disposant toutefois pas de données sur les effets de la structure tarifaire proposée, il n'est pour l'instant pas possible de se prononcer sur la future évolution des coûts. Cependant, étant donné que la Confédération a érigé le principe de la neutralité des coûts en critère d'approbation et qu'elle a développé des instruments permettant de vérifier son respect, il est possible de supposer que le TARMED permettra de réaliser la transparence des coûts souhaitée et facilitera la prise de mesures correctrices en matière des coûts. Le concept relatif au contrôle des coûts doit encore être élaboré par les partenaires tarifaires. Il fait cependant encore l'objet d'une vive controverse.

Lors des entretiens, des experts ont à diverses reprises attribué l'augmentation des coûts dans le secteur des soins ambulatoires à l'augmentation quantitative du nombre de prestations fournies. Bon nombre des experts entendus estiment que, parallèlement à d'autres facteurs, cette augmentation est aussi due aux effets d'anticipation de la part des médecins qui espèrent ainsi élargir la base de calcul relative au respect de la neutralité des coûts. En l'absence de données détaillées à ce sujet, cette supposition n'est pour l'instant pas démontrable.

7

Conclusion

La maîtrise de l'augmentation des coûts est l'un des trois objectifs de la LAMal.

Alors que la garantie des soins médicaux de haute qualité et le renforcement de la solidarité entre les divers groupes d'assurés ont été pour l'essentiel réalisés, l'objectif de maîtrise des coûts n'a jusqu'ici pas été atteint.

La LAMal est mise en oeuvre par un grand nombre d'acteurs: outre la Confédération et les cantons, les assureurs maladie et les fournisseurs de prestations jouent notamment un rôle important. La présente étude aborde plus particulièrement le rôle des autorités fédérales. Bien que la LAMal fasse de la maîtrise des coûts une tâche conjointe des partenaires du système de la santé et, dans bien des domaines,

17

Le message du Conseil fédéral relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale prévoit un transfert de la fonction jurisprudentielle du Conseil fédéral vers le futur Tribunal administratif fédéral, ce qui réduirait les rôles que le Conseil fédéral assume dans le domaine du TARMED.

359

n'attribue qu'un rôle subsidiaire aux organes publics, les organes responsables de la Confédération disposent assurément d'un certain nombre de compétences dans le domaine de la maîtrise des coûts. Ce sont précisément ces compétences qui font l'objet du présent examen. Dans une première étape, l'examen répertorie les mesures de maîtrise des coûts prévues dans la LAMal, évalue l'importance de chacune de ces mesures et identifie la marge de manoeuvre des organes responsables de la Confédération. Dans une seconde étape, à la lumière de la jurisprudence de la Confédération en matière de planification hospitalière et du tarif à la prestation TARMED, l'examen approfondit la question de savoir si et, le cas échéant, comment les organes responsables de la Confédération utilisent leur marge de manoeuvre et cherche à identifier les effets de leurs actions du point de vue de l'objectif de la maîtrise des coûts.

D'un point de vue purement quantitatif, l'analyse programmatique de la première partie de l'examen révèle que les organes responsables de la Confédération occupent une position prédominante dans l'exécution des 44 mesures de maîtrise des coûts identifiées dans la LAMal. D'un point de vue qualitatif, il faut en revanche relativiser cette estimation. En effet, la Confédération n'exerce souvent qu'une fonction jurisprudentielle et ne dispose souvent que de compétences régulatrices «modérées» sans pourvoir de sanction. Ce n'est que pour une petite partie des mesures considérées comme importantes que les organes responsables de la Confédération peuvent exercer une influence directe sur l'élargissement de l'offre.

Les deux analyses détaillées relatives à la planification hospitalière et au tarif à la prestation TARMED sont également révélatrices du rayon d'action limité et de l'influence essentiellement indirecte que les organes responsables de la Confédération peuvent exercer sur l'évolution des coûts dans l'assurance maladie. Ces deux études montrent également que, jusqu'à présent, les organes responsables de la Confédération n'ont pas utilisé toute leur marge de manoeuvre et ne se sont pas comportés de manière conséquente du point de vue de la maîtrise des coûts. En ce qui concerne la définition du cadre relatif à ces deux domaines, les organes de la Confédération ont eu tendance à se limiter à un rôle
formel et, pour ce qui est du contenu, ils ont dans une grande mesure renoncé à fixer des objectifs et à fournir des appuis aux parties concernées.

Dans le domaine de la planification hospitalière, la jurisprudence de la Confédération s'appuie sur des critères juridiques. Bien que logique et cohérente, elle envoie des signaux disparates du point de vue politique. Il n'y a par conséquent pas de conduite politique au moyen de critères de planification et d'admission clairs. Avec le recul, force est de constater que les cantons auraient souhaité une ordonnance sur la planification hospitalière précisant les attentes de la Confédération. Un tel texte aurait clarifié les questions demeurées ouvertes et renforcé la position politique des cantons chargés de cette planification. La pratique du Conseil fédéral consistant à prendre des décisions au cas par cas, en fonction des recours déposés, n'a toutefois facilité ni l'uniformisation des critères de planification, ni l'harmonisation entre les cantons. L'examen portant sur la planification hospitalière a permis de mettre en évidence que la LAMal contient des incitations inadéquates que le Conseil fédéral fait appliquer au moyen de ses décisions jurisprudentielles. La première résulte du manque de clarté en ce qui concerne la séparation opérée entre la planification dans le secteur de l'assurance obligatoire des soins d'une part et le marché dans le secteur des assurances complémentaires d'autre part. En ne supprimant pas la frontière floue 360

qui délimite la zone de marché de la zone de planification et en obligeant les cantons à tenir compte des offreurs privés, les décisions correspondantes du Conseil fédéral ont plutôt tendance à faire augmenter les coûts. La seconde incitation inadéquate est celle qui pousse les cantons à minimiser, pour des raisons financières, la part des traitements prodigués hors de leurs frontières et à faire en sorte que l'offre de prestations sur leur propre territoire soit la plus complète possible. En d'autres termes, les cantons sont fortement incités à procéder à une planification hospitalière basée sur un principe autarcique, donc de manière non coordonnée. La jurisprudence du Conseil fédéral porte donc sur des planifications visant une exploitation optimale des ressources d'un canton en particulier et, partant, ne peut guère inciter à une coordination intercantonale. Les cantons demeurent des régions de planification fortement isolées les unes des autres. Cette situation est préjudiciable aux objectifs d'une exploitation optimale des ressources et à la maîtrise des coûts.

L'analyse portant sur le tarif médical TARMED a montré que la Confédération a commencé à utiliser sa marge de manoeuvre environ une demi-année après l'échéance du délai légal prévu pour l'introduction de la nouvelle structure tarifaire.

A partir de là, les organes responsables de la Confédération se sont engagés en accompagnant activement le processus d'élaboration de cette nouvelle structure. En revanche, la Confédération n'a pas fixé d'objectifs matériels concrets ni fixé de modalités de mise en oeuvre précises qui auraient permis aux partenaires tarifaires d'orienter leurs négociations. De l'avis de certains représentants des partenaires tarifaires, après l'échéance du délai d'introduction de la nouvelle structure tarifaire, une ordonnance correspondante du Conseil fédéral aurait permis de réduire l'incertitude au sujet des attentes de la Confédération et, partant, le potentiel de conflit qui en découle.

En résumé, la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière et l'influence de la Confédération sur le tarif médical TARMED présentent un important point commun: la direction politique manque. Une conduite de la politique de la santé spécifiquement dirigée vers l'objectif de maîtrise des coûts fait défaut.

361

Liste des abréviations AI AM CdG-E CDS CNA CTM DETEC DFI FMH GRAT H+ HMO INFRA LAA LAMal OAMal OCDE OFAS OFJ OPCA RS

362

Assurance-invalidité Assurance militaire Commission de gestion du Conseil des Etats Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents Commission des tarifs médicaux LAA Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral de l'intérieur Fédération des médecins suisses Projet de révision complète du tarif médical Les Hôpitaux de Suisse Health Maintenance Organization Révision générale du catalogue des prestations hospitalières Loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981, RS 832.20 Loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994, RS 832.10 Ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995, RS 832.102 Organisation de coopération et de développement économique Office fédéral des assurances sociales Office fédéral de la justice Organe parlementaire de contrôle de l'administration Recueil systématique

Annexe

Classement des 21 mesures au plus grand potentiel de maîtrise des coûts Mesure:

Rang

Offres d'assurances alternatives avec choix réduit des fournisseurs de prestations

1

Financement des hôpitaux

2

Planification hospitalière

3

Efficacité, adéquation et caractère économique des prestations en tant que conditions de prise en charge des coûts

3

«Verrou de sécurité» concernant le catalogue des prestations

5

Dénonciation des conventions tarifaires avec les hôpitaux et les établissements médico-sociaux en cas de dépassement des coûts

5

Contrôle des coûts

5

Budgets globaux pour les hôpitaux et les établissements médico-sociaux

8

Conclusion de forfaits

8

Analyse statistique de l'évolution des coûts et de ses causes

10

Limitation de l'admission de pratiquer à la charge de l'assurance-maladie

10

Choix de la participation aux coûts

12

Pas de remboursement intégral des prestations dans certains cas

12

Montants fixes pour prestations individuelles

12

Principe d'économie; restitution des sommes versées en cas de traitement non économique

12

Libre passage intégral

12

Tarifs au temps consacré et forfaitaire

12

Possibilité pour le Conseil fédéral d'influer sur la structure des tarifs

12

Intervention possible du préposé à la surveillance des prix avant l'approbation des conventions tarifaires

12

Etablissement des tarifs par les autorités d'approbation

12

Promotion de la santé

12

363

Réalisation de l'étude Direction du projet:

Prisca Lanfranchi et Daniel Janett

Collaboratrice scientifique (analyse pro- Claudia Heierli grammatique de la LAMal): Secrétariat:

Hedwig Heinis

Les études d'experts externes portant sur les effets de la jurisprudence du Conseil fédéral en matière de planification hospitalière et du tarif médical TARMED ont été effectuées par le bureau Vatter, Politikforschung & -beratung, Gerberngasse 27, 3011 Berne.

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