03.008 Message concernant la modification de la procédure pénale militaire (Protection des témoins) du 22 janvier 2003

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet de modification de la procédure pénale militaire (protection des témoins), en vous proposant de l'approuver.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 janvier 2003

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-1386

693

Condensé Les enquêtes effectuées en Suisse contre des criminels de guerre présumés ont démontré que les témoins devaient bénéficier d'une meilleure protection. Cette constatation est à l'origine de la présente révision de la procédure pénale militaire. La peur d'actes de vengeance ou de pressions résultant de menaces ou d'agressions visant leur intégrité corporelle ou leur vie, voire les membres de leur famille, retiennent souvent les témoins de déposer devant les tribunaux dans le cadre de procédures contre le crime organisé ou de procès de criminels de guerre, alors que, dans de telles procédures, les déclarations de témoins revêtent une importance particulière pour les autorités de poursuite pénale dans la mesure où d'autres moyens de preuve font généralement défaut.

Le présent projet de révision vise à inscrire dans la procédure pénale militaire des dispositions particulières en matière procédurale. Celles-ci devront permettre de protéger des témoins en dissimulant notamment leur identité au public voire, le cas échéant, à la défense. En outre, elles autoriseront une protection policière de la personne visant à la mettre à l'abri d'agressions directes avant, pendant et après la procédure. Elles ne prévoient par contre pas de programmes de protection de témoins en tant que tels.

Les mesures de protection des témoins peuvent porter considérablement atteinte aux droits des parties et de la défense. Afin d'éviter que les droits élémentaires de la défense soient compromis de manière inadmissible et de garantir l'équité de la procédure pénale dans son ensemble, les mesures de protection des témoins seront examinées et ordonnées cas par cas. Une procédure d'autorisation analogue à celle de la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication permettra d'établir que les mesures de protection répondent à un intérêt public prépondérant, qu'elles respectent le principe de la proportionnalité et que des mesures de compensation visant à rétablir les droits de la défense atteints ont été prises dans toute la mesure du possible. Au cas où il ne serait pas possible de garantir la protection des témoins et de compenser la restriction des droits de la défense, il faudra renoncer à un témoignage.

Le présent projet doit préparer le terrain à l'avant-projet du code de procédure pénale fédérale auquel il a été adapté sur le plan formel comme sur le plan matériel.

694

Message 1

Partie générale

1.1

Contexte

1.1.1

Risque encouru par les témoins et importance de la preuve par témoignage

Deux personnes entendues en qualité de témoin dans la procédure introduite par le Tribunal pénal international contre les auteurs présumés de crimes de guerre JeanPaul Akayesu et Obed Ruzindana, ont été assassinées entre l'été 1996 et l'été 19971.

Ces deux exemples montrent que les personnes qui témoignent dans le contexte de procès intentés contre des criminels de guerre s'exposent à des dangers bien réels.

La poursuite des crimes de guerre repose presque exclusivement sur les déclarations de témoins. En effet, en raison des troubles liés à la guerre, les moyens d'instruction usuels tels que la conservation des traces, les perquisitions ou les photographies, ne sont généralement pas disponibles. La recherche de la preuve d'un crime de guerre par l'intermédiaire de témoignages est cependant difficile car beaucoup de témoins et de victimes craignent que leurs déclarations lors de la procédure d'instruction ou des débats2, les exposent ainsi que leurs proches à des actes de rétorsion ou de vengeance.

1.1.2

Nécessité de légiférer dans le domaine de la protection des témoins

En 1995 déjà, le brigadier Jürg van Wijnkoop, alors auditeur en chef de l'armée, estimait que les témoins devaient être mieux protégés3, faute de quoi ils risquaient de se taire pour se protéger et faire ainsi obstacle à la poursuite et au jugement des crimes de guerre. La question de la protection des témoins s'est posée concrètement à la Justice militaire dans les années 1994 et 1995 lors des premières enquêtes pénales ouvertes contre des auteurs présumés de crimes de guerre en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Les lacunes en matière de protection ont empêché l'instruction4. Selon les conclusions d'une expertise commanditée par l'auditeur en chef sur la question de la protection des témoins et des victimes dans la procédure pénale militaire5, la procé1 2

3

4 5

Cf. David Donat-Cattin, in: Otto Triffterer, Commentary on the Rome Statute, Baden-Baden 1999, art. 68, n° 2.

Cf. à ce sujet notamment Dieter Weber, Kriegsverbrechen und deren Verfolgung in der Schweiz, in: Das Strafrecht vor alten und neuen Herausforderungen, Schweizerisches Institut für Verwaltungskurse an der Universität St. Gallen (Hrsg.), Documentation relative à la journée du 18.11.1999 à Lucerne, p. 8 ss.

Cf. Jürg van Wijnkoop, Die Aussage wird zur Tortur, interview de Daniel Amman, SonntagsZeitung n° 33 du 13.8.1995, p. 3; cf. aussi Peter Müller, Effektivität und Effizienz in der Strafverfolgung ­ Ansätze, Chancen, Risiken, RPS 1998, p. 273 à 290, p. 281.

Cf. à ce sujet van Wijnkoop (note 3), op. cit.; NZZ n° 186 du 14.8.1995, p. 15.

Procédure pénale militaire du 23.3.1979 (PPM; RS 322.1) et ordonnance du 24.10.1979 concernant la justice pénale militaire (OJPM; RS 322.2).

695

dure en vigueur offre certes déjà certaines possibilités de protection des témoins, mais présente également des lacunes qui ne peuvent être comblées que par le biais d'une révision de la procédure pénale militaire6.

1.1.3

Protection des témoins: conflits d'intérêts

1.1.3.1

Nécessité de protéger les témoins

La protection des témoins a pour but de protéger les personnes appelées à témoigner dans une procédure pénale contre les menaces, les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle ou les autres pressions que les tiers prévenus d'actes délictueux exercent contre elles afin d'influencer le contenu de leurs déclarations et, si possible de se soustraire à la poursuite pénale. La tentation de mettre un témoin «hors d'état de nuire», et de rendre ainsi plus difficile la poursuite pénale, est d'autant plus grande que ce témoin est capital pour établir la preuve d'une infraction pénale. Le problème de l'intimidation des témoins et, partant de leur protection, se pose avec une acuité particulière lorsque les autorités de poursuite pénale, faute d'autres moyens de preuve suffisants, sont liées aux déclarations des témoins; tel est le cas des procès touchant à la criminalité organisée ou concernant des crimes de guerre7.

1.1.3.2

Intérêts à la protection et obligation de protéger

Les mesures de protection des témoins servent la recherche de la vérité et la poursuite pénale; en effet, un témoin sous l'emprise de la peur, de l'effroi ou de la simple intimidation n'est pas à même d'apporter une contribution utile à la procédure pénale. D'autre part, le devoir de protection de l'Etat, qui est le pendant à l'obligation de témoigner et de collaborer du témoin dans la procédure pénale, sert également les intérêts du témoin8. En outre, l'art. 10 Cst. oblige l'Etat à prendre des mesures de protection lorsque l'intégrité corporelle ou la vie d'une personne déterminée est sérieusement menacée9.

6 7

8 9

696

Cf. Stefan Wehrenberg, Schutz von Zeugen und Opfern im Militärstrafverfahren, Berne 1996, p. 72.

Cf. notamment Thomas Hug, Zeugenschutz im Spannungsfeld unterschiedlicher Interessen der Verfahrensbeteiligten, RPS 1998, p. 404 à 417, p. 404 s; ATF 125 I 127, p. 141 ss, consid. 7a.

Cf. ATF 125 I 127, p. 142 et références citées; Wehrenberg (note 6), p. 5 ss; Hug (note 7), p. 405 ss.

Cf. Jörg Paul Müller, Grundrechte in der Schweiz, 3e éd., Berne 1999, p. 18 et 28; Jugement du TF, publié dans la Revue de la Cour européenne de justice 2000, p. 451.

1.1.3.3

Mesures de protection des témoins

Les mesures de protection des témoins peuvent être procédurales ou extra-procédurales.

Les mesures de protection procédurales peuvent être prises pendant la procédure pénale, par le biais de dispositions spécifiques, notamment dans le domaine des garanties générales de procédure et du droit de la preuve. Elles comprennent les mesures suivantes: le droit de refuser de témoigner, le maintien du secret total ou partiel de l'identité des témoins vis-à-vis du public ou de la défense (anonymat), le huisclos lors de l'audition des témoins, l'audition en l'absence du prévenu ou de la défense (exclusion de la confrontation du prévenu avec les témoins), l'utilisation d'écrans et d'autres moyens pour empêcher l'identification des témoins et pour déformer leur voix, la diffusion audio visuelle de l'interrogatoire mené ailleurs, le remplacement de la déposition orale par la lecture d'un procès-verbal lors des débats10.

Les mesures extra-procédurales comprennent la protection policière pendant et après la procédure, les mesures d'aide et de soutien, notamment aux témoins mineurs, traumatisés et victimes, le conseil juridique et les programmes de protection des témoins11.

1.1.3.4

Droits de la défense

En règle générale, les mesures extra-procédurales de protection des témoins ne portent pas atteinte aux droits du prévenu, contrairement aux mesures procédurales de protection des témoins qui limitent notamment le droit à l'audition des témoins en présence du prévenu ou d'autres droits à l'information, comme le droit de consulter le dossier. Le secret total de l'identité du témoin menacé porte en particulier atteinte à un droit constitutionnel fondamental du prévenu: celui d'être confronté directement au témoin et de lui poser des questions12. Le droit vise essentiellement à garantir à la défense la possibilité d'interroger le témoin à charge, de manière appropriée et suffisante, au moins une fois au cours de la procédure. Le prévenu ou la défense doit être en mesure d'examiner la crédibilité d'une déclaration, de la remettre en question et d'en évaluer la valeur probatoire. En outre, le prévenu ou la défense doit en principe connaître l'identité du témoin pour être à même d'évaluer la crédibilité de ce dernier et d'examiner d'éventuels motifs d'exclusion et de récusation; le témoignage anonyme remet en question la vérification de l'examen de la crédibilité du témoin13.

10 11

12

13

Cf. ATF 125 I 127, p. 143 et références citées; Hug (note 7), p. 409 ss; Wehrenberg (note 6), p. 6 et 60 ss.

Cf. ATF 125 I 127, p. 143 et références citées; Hug (note 7), p. 416 ss; Wehrenberg (note 6), p. 70 ss. Au sujet des programmes de protection des témoins, voir également ch. 1.4.1.2.

Art. 29, al. 2, en relation avec l'art. 32, al. 2, Cst. et l'art. 6, par. 3, let. d, CEDH. Cf.

ATF 125 I 127, p. 131 ss, consid. 6; Wehrenberg (note 6), p. 6; Dorrit Schleiminger, Konfrontation im Strafprozess, Thèse, Fribourg 2000, p. 23 ss.

Cf. ATF 125 I 127, p. 137, consid. 6c ss; ATF 118 Ia 457, 461, consid. 3b à 3c.

697

1.1.3.5

Conflits d'intérêts et nécessité de la mise en balance des intérêts

Les mesures de protection des témoins se situent dans une zone où s'affrontent les intérêts, parfois diamétralement opposés, des parties à la procédure pénale: l'intérêt des autorités pénales à une instruction efficace ainsi que l'intérêt des témoins à leur propre sécurité, d'une part, et l'intérêt du prévenu au respect de ses droits, d'autre part.

L'obligation de rendre la justice et la compétence en matière de poursuite pénale de l'Etat exigent que l'instruction soit menée sans entrave et de la manière la plus complète possible. Les autorités ont donc en premier lieu le devoir d'établir la vérité matérielle. Nous avons déjà mentionné que l'établissement de la vérité au sujet de crimes de guerre repose principalement sur les déclarations fiables et détaillées des témoins des faits. La recherche de la vérité est compromise lorsqu'un témoin subit des pressions, lorsqu'il est menacé ou encore lorsque sont à craindre des représailles. Par conséquent, en vertu de son devoir d'établir la vérité matérielle, l'Etat est tenu de prendre des mesures efficaces de protection des témoins afin d'empêcher que ces derniers ne subissent des intimidations visant à les empêcher de dire la vérité14.

D'autre part, la loi oblige le témoin à comparaître, à témoigner et à dire la vérité, sous peine de sanctions pénales importantes. En contrepartie, le témoin et ses proches ont le droit d'être protégés contre toutes atteintes, notamment à leur intégrité corporelle et à leur vie (cf. aussi le ch. 1.1.3.2).

Certains principes fondamentaux de la procédure pénale, tels que l'immédiateté ou les droits de la défense, sont en contradiction avec les intérêts des autorités de poursuite pénale et des témoins.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme, dans certains contextes criminels particuliers15, et lorsqu'il s'agit de protéger l'intérêt prépondérant des témoins, il est admissible de garantir l'anonymat de ces derniers, des personnes amenées à donner des renseignements, des dénonciateurs et des informateurs16. La protection des témoins ne doit cependant pas conduire à une restriction insoutenable des droits élémentaires de la défense. Il faut au contraire mettre en balance les intérêts de la défense et ceux des témoins dans chaque cas.

Ainsi, les mesures de protection des
témoins qui portent atteinte aux droits de la défense doivent être compensées par des aménagements de procédure, de sorte que cette dernière, appréciée dans son ensemble, puisse encore être considérée comme équitable17. Du point de vue de la défense, il s'agit de déterminer si les conditions permettant un interrogatoire effectif des témoins sont respectées et, par voie de conséquence, si la restriction aux droits de la défense fait l'objet de mesures compensatoires18. Lorsque la preuve unique ou prépondérante repose sur les déclarations à charge d'un témoin anonyme, le point limite est atteint; l'aménagement de mesures 14 15 16 17 18

698

Cf. Hug (note 7), p. 407; Wehrenberg (note 6), p. 7.

ATF 118 Ia 457, p. 461, consid. 3b; 125 I 127, p. 141, consid. 6d/ee.

ATF 125 I 127, p. 146.

Cf. ATF 125 I 127, p. 131 ss et remarques. Voir aussi la critique de Schleiminger (note 12) «Gesamteindruck-Rechtsprechung», p. 8 ss.

ATF 125 I 127, p. 139; cf. au surplus ATF 125 I 127, p. 145.

compensatoires aux restrictions des droits de la défense n'est alors plus possible. En effet, le principe qui interdit de fonder un jugement sur des déclarations faites par un témoin auxquelles le prévenu n'a pas pu être confronté et au sujet desquelles il n'a pas pu se prononcer au moins une fois de manière appropriée et équitable pendant la procédure empêche la prise en compte de ses déclarations et comporte le risque d'un acquittement du prévenu en application du principe «in dubio pro reo»19.

1.1.4

Obligation internationale de la Suisse de poursuivre les crimes de guerre et les crimes de génocide

Au vu des différentes questions pratiques et juridiques que pose la protection des témoins, en particulier dans les procédures concernant les crimes de guerre, il est parfois tentant, dans un premier temps, de renoncer à engager une procédure. Cette solution «pragmatique» enfreindrait cependant les obligations de droit international public auxquelles la Suisse a souscrit.

En ratifiant les conventions de Genève20 et la Convention contre le génocide21, la Suisse s'est engagée à poursuivre les auteurs, aussi bien civils que militaires, de crimes de guerre ou de crimes de génocide, sans considération de leur nationalité ou du lieu de commission22. Ces conventions prévoient la possibilité de remettre les prévenus à une autre partie contractante intéressée à la poursuite pénale ou à une cour de justice internationale23. Lorsque les conditions d'extradition sont remplies, la Suisse fait en règle générale usage de cette possibilité24. Les ressortissants étrangers qui sont accusés d'avoir commis à l'étranger des violations graves aux conventions de Genève ou à la convention contre le génocide ne sont en général poursuivis 19 20

21

22 23

24

ATF 125 I 127, p. 157.

Les quatre conventions de Genève pour la protection des victimes de guerre, appelées communément «conventions de Genève», sont: la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne (1re convention; RS 0.518.12), la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (2e convention; RS 0.518.23), la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (3e convention; RS 0.518.42) et la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerrre (4e convention; RS 0.518.51). Ces conventions sont dues à l'initiative de la Suisse qui a été chargée de leur rédaction. Elles ont été conclues à Genève le 12.8.1949 et sont entrées en vigueur le 21.10.1950 pour la Suisse.

La Suisse a signé la Convention du 9.12.1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (appelé communément «convention contre le génocide»; RS 0.311.11) le 7.9.2000; cette convention est entrée en vigueur le 7.12.2000 pour la Suisse (cf. Communiqué de presse du DFJP du 27.11.2000, http://www.ofj.admin.ch/themen/presscom/20001127-2-f.htm). Voir aussi le message du 31.3.1999 sur la convention contre le génocide, in: FF 1999 4911.

Cf. le message du 31.3.1999 sur la convention contre le génocide (note 21), in: FF 1999 4911; Wehrenberg (note 6), p. 3 ss.

Cf. p. ex. l'art. 50, al. 2, 2e phrase, de la 2e convention de Genève; l'art. 129, al. 2, 2e phrase, de la 3e convention; l'art. VI de la convention contre le génocide; ainsi que ci-dessous ch. 3.1.

Cf. FF 1967 I 613, 1995 IV 1078 ss et art. 10 ss de l'arrêté fédéral du 21.12.1995 relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire (arrêté relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux; RS 351.20); cf. également ATF 123 II 176 ss, relatif à une demande du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour qu'un présumé criminel de guerre rwandais lui soit transféré.

699

et jugés par la Suisse que si leur extradition n'est pas demandée, n'est pas raisonnablement exigible ou n'est pas possible. Ainsi, la procédure initiée par la Justice militaire en avril 1999 à Lausanne contre le criminel de guerre F. N. montre que, malgré l'existence des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, il reste des cas où une extradition ou un transfert n'est pas possible ou ne peut avoir lieu. De telles situations peuvent se reproduire. Etant donné que la Suisse continuera à remplir ses obligations internationales consistant, soit à poursuivre et juger les personnes prévenues de crimes de guerre (aut dedere aut iudicare), soit à les extrader, d'autres procédures concernant des criminels de guerre seront menées en Suisse25.

En 1967, par le biais d'une révision26 de son code pénal militaire (CPM)27, la Suisse a rempli l'obligation qui lui était faite d'édicter des dispositions pénales couvrant également les crimes de guerre commis à l'étranger (art. 2, ch. 9, et art. 108 à 114 CPM). Par conséquent, les étrangers et les civils coupables de violation du droit international public dans le cadre de conflits armés sont également soumis à la juridiction militaire28. La Suisse a également rempli l'obligation de légiférer découlant de la convention contre le génocide en promulguant l'art. 264 CP qui réprime le génocide et qui est en vigueur depuis le 15 décembre 200029. Tandis que les crimes de guerre sont (et resteront) de la compétence de la justice militaire, la poursuite et la répression des crimes de génocide ressortiront à la juridiction civile fédérale30 dès l'instant où les autorités de poursuite pénale de la Confédération et la Cour pénale fédérale disposeront des structures nécessaires31.

Le Ministère public de la Confédération a été considérablement renforcé et restructuré dans la perspective de l'entrée en vigueur du projet de l'efficacité au 1er janvier 200232, date à laquelle l'art. 18bis de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale (PPF)33, modifié dans le cadre de l'approbation de la convention contre le génocide, a également été mis en vigueur34. Ainsi, le Ministère public de la Confé25

26 27 28

29

30 31 32

33 34

700

Cf. procès-verbal de la séance de la commission d'experts «Protection des témoins» du 8.2.2000, p. 1. Sur l'obligation de rendre la justice, cf. notamment Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 3e éd., Zurich 1997, n° 7 et n° 74 à 82.

Cf. message du 6.3.1967 relatif à la révision partielle du code pénal militaire; in FF 1967 I 605 ss.

Code pénal militaire du 13.6.1927 (CPM; RS 321.0) dans sa version du 20.3.1992.

Cf. Jean-Dominique Schouwey, Crimes de guerre: un état des lieux du droit suisse, Revue internationale de criminologie et de police technique, 1995, p. 46 à 56, p. 48 ss; Wehrenberg (note 6), p. 4 ss, ainsi que note 12.

Cf. loi fédérale du 24.3.2000 concernant la modification du code pénal, du code pénal militaire et de la procédure pénale fédérale, RO 2000 2725 ss; 2728 (projet de loi «génocide»); message du 31.3.1999 relatif à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et révision correspondante du droit pénal; in FF 1999 4911 ss (message «génocide»).

Cf. art. 340, ch. 2, CP dans sa teneur du 24.3.2000, en vigueur depuis le 15.12.2000.

Cf. communiqué de presse du DFJP du 27.11.2000 (note 21).

Cf. message du 28.1.1998 concernant la modification du code pénal suisse, de la loi fédérale sur la procédure pénale et de la loi sur le droit pénal administratif (mesures tendant à l'amélioration de l'efficacité et de la légalité dans la poursuite pénale); in FF 1998 1253; loi fédérale sur la procédure pénale, modification du 22.12.1999, RO 2001 3308 ss, 3314; Felix Bänziger/ Luc Leimgruber, Das neue Engagement des Bundes in der Strafverfolgung, Kurzkommentar zur «Effizienzvorlage», Bern 2001, N. 30 ff.

RS 312.0 RO 2001 3315

dération est compétent pour examiner les états de faits visés par l'art. 264 CP. Selon l'art. 25, let. a, du projet de loi fédérale sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF)35, la cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral de première instance connaîtra des crimes de génocide36. Toutefois, le Tribunal pénal fédéral n'est pas encore en fonction. La réglementation transitoire de l'art. 18bis PPF, selon laquelle le procureur général a le choix entre une mise en accusation devant le Tribunal fédéral et la délégation à un canton pour jugement, a été peu suivie37. C'est pourquoi, le nouvel al. 2 de l'art. 221 CPM38, qui prévoit une concentration de la compétence de poursuite pénale auprès des autorités pénales civiles lorsque l'acte soumis à jugement consiste en un génocide au sens de l'art. 264 CP, n'a pas été mis en vigueur. Par conséquent, la justice militaire reste compétente, jusqu'à nouvel ordre, pour poursuivre les crimes de génocide, conformément à l'art. 221 CPM, en relation avec l'art. 46, al. 2, de l'ordonnance du 24 octobre 1979 concernant la justice pénale militaire (OJPM)39.

1.2

Les témoins et leur mise en danger

1.2.1

Définition du témoin

Au sens de la procédure pénale, un témoin est une personne distincte du prévenu, appelée à déposer devant les autorités de poursuite ou un tribunal au sujet de faits qu'elle a personnellement vécus40. A l'exception du prévenu lui-même et des personnes susceptibles d'être poursuivies dans la même affaire, toute personne participant au procès ­ c'est-à-dire non seulement le témoin «ordinaire», mais aussi la victime ou le lésé, le prévenu ou le co-prévenu jugé dans une autre affaire, le défenseur, les membres des autorités de poursuite, d'instruction et de recours ­ peut en règle générale être témoin. Du point de vue de la protection des témoins dans la procédure pénale, la définition de témoin doit être comprise dans un sens large41. Les mesures de protection doivent être ordonnées pour toutes les personnes qui ont été amenées à déposer sur les faits ou qui ont participé à une déposition, par exemple en tant que traducteur. Le fait qu'il s'agisse de témoins au sens de la procédure pénale, de personnes appelées à fournir des renseignements ou de co-auteurs susceptibles d'être également jugés ne joue aucun rôle. En matière de protection des témoins, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'homme et les Cours pénales internationales se fondent sur l'acception la plus large du terme de témoin42.

35 36 37 38 39 40 41 42

FF 2001 4317 ss, 4321.

Cf. message du 28.2.2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale; in FF 2001 4000 ss, 4158.

Cf. message relatif à la convention contre le génocide (note 29); in FF 1999 4911 ss; Bänziger/Leimgruber (note 32), No 96 et 98.

Cf. projet de loi «génocide» (note 29); RO 2000 2728.

RS 322.2 Cf. notamment Schmid (note 25), n° 628; Robert Hauser/Erhard Schweri, Schweizerisches Strafprozessrecht, 4e éd., Zurich 1999, § 62.1.

Cf. Hug (note 7), p. 406.

ATF 125 I 127, p. 132 consid. 6a.

701

Le genre et l'importance des dangers potentiels qui menacent les témoins dépendent beaucoup de la qualité en laquelle ils ont perçu les faits sur lesquels ils sont appelés à déposer. Quatre catégories peuvent ainsi être établies43.

1.2.1.1

Les témoins occasionnels

Le témoin occasionnel (ou témoin «ordinaire») est appelé à déposer au sujet de faits sans être lui-même lésé ou victime et sans avoir participé à l'infraction sur la base d'un mandat, en raison de sa profession ou encore en tant que co-auteur. Selon le contenu de ses déclarations, le témoin occasionnel peut devenir un témoin à charge et peut donc être exposé à des actes de représailles ou de vengeance44.

1.2.1.2

Les victimes appelées à déposer

La victime appelée à déposer (témoin-victime) a vécu l'état de faits en tant que lésée. Il arrive qu'après la commission des faits l'auteur d'une infraction exerce des pressions afin d'influencer la déposition de la victime afin que celle-ci retire sa plainte ou renonce à témoigner à charge. Dans les affaires impliquant la famille ou des proches, de telles tentatives sont fréquentes et malheureusement souvent couronnées de succès. Par contre, il est rare que des témoins-victimes soient exposés à des actes de vengeance. En raison de leur rôle, les témoins-victimes subissent souvent un traumatisme psychique (supplémentaire) et une «victimisation secondaire» du fait de leur participation à la procédure pénale45.

1.2.1.3

Les témoins par profession

Les témoins par profession sont en premier lieu les policiers qui, dans l'exercice de leur activité, font des constatations au sujet d'un état de faits. En tant qu'organes de la poursuite pénale, ils sont très exposés aux actes de vengeance surtout lorsqu'ils ont agis en tant qu'agents infiltrés. Les agents infiltrés sont en règle générale des fonctionnaires de police ou des employés civils chargés momentanément de tâches de police, qui participent à l'établissement des faits par le biais d'une enquête secrète. Les particuliers qui livrent spontanément des informations aux autorités de poursuite pénale, même lorsque ces informateurs ou indicateurs reçoivent une indemnité pour leur activité, ne font pas partie des agents infiltrés46.

43

44 45 46

702

Cf. «De 29 à l'unité», concept d'un code de procédure pénale fédéral, rapport de la Commission d'experts «Unification de la procédure pénale», DFJP, Berne, décembre 1997, p. 61 ss; ATF 125 I 127, p. 143 et références citées; Andreas Kley, Zeugenschutz im internationalen Recht ­ Erfahrungen im Hinblick auf das künftige eidgenössische Strafprozessrecht, AJP 2000, p. 177 à 181, p. 177.

Cf. Hug (note 7), p. 406; «De 29 à l'unité» (note 43), p. 66.

Cf. Hug (note 7), p. 406; «De 29 à l'unité» (note 43), p. 65.

Cf. message du 1.7.1998 concernant les lois fédérales sur la surveillance de la correspondance postale et des télécommunications et sur l'investigation secrète (message LSCPT/LFIS); in FF 1998 3689, p. 3731.

Les agents infiltrés doivent également être protégés en tant que témoins afin que leur identité reste secrète en prévision d'engagements ultérieurs47. Au vu du rôle particulièrement important que jouent les agents infiltrés dans la lutte contre le crime organisé, il n'est pas étonnant que les efforts visant à l'introduction de règles de protection des témoins aient été concentrés sur l'enquête sous couverture48.

Si les actes de vengeance constituent un danger sérieux pour cette catégorie de témoins, ceux-ci ne subissent que rarement des tentatives de pressions.

1.2.1.4

Les participants entendus comme témoins

Les personnes impliquées dans la commission d'une infraction qui témoignent contre leurs complices peuvent également être exposées à certains risques. Souvent considérés comme des traîtres par les prévenus et leurs proches, ils peuvent craindre des représailles et des actes de vengeance. Les personnes appelées à faire une déposition dans ce contexte sont souvent des co-auteurs ou des personnes appelées à fournir des renseignements, qui ne sont en règle générale pas soumises à l'obligation de témoigner et de dire la vérité. S'il ne s'agit pas de témoins au sens de la procédure pénale, ces personnes entrent cependant bien dans la catégorie des témoins au sens large49.

Certaines législations, par exemple aux USA, en Grande-Bretagne et en Italie, connaissent l'institution dite du «témoin de la Couronne», qui est majoritairement rejetée en Suisse. En vertu de cette institution, un auteur qui a fait des aveux dépose contre ses complices en qualité de témoin (tel que l'entend le droit de procédure) en contrepartie d'une réduction de peine, voire de l'abandon de toute poursuite50.

1.2.2

Mise en danger

De manière générale, un témoin est menacé s'il y a lieu de présumer ou s'il se peut qu'une atteinte à son intégrité physique ou à sa vie, à sa liberté de mouvement ou de décision, à sa propriété, à sa situation économique, à son avancement professionnel ou à un autre bien juridique protégé influence sa déposition51. L'atteinte peut être dirigée contre le témoin lui-même ou contre ses proches. Le degré de la mise en danger du témoin ne peut pas être déterminé de manière générale, mais doit faire l'objet d'une appréciation concrète. Le besoin de protection du témoin dépend en particulier de la nature du bien juridique menacé ainsi que de la nature, de l'importance et du but de l'atteinte probable.

47 48 49 50 51

Cf. Hug (note 7), p. 407; «De 29 à l'unité» (note 43), p. 64 ss; ATF 125 I 127, p. 138 consid. 6d/cc et p. 146 consid. 8a.

Cf. «De 29 à l'unité» (note 43), p. 65; ATF 125 I 127, p. 143; message LSCPT/LFIS (note 46); in FF 1998 3689.

Cf. Hug (note 7), p. 407; «De 29 à l'unité» (note 43), p. 65.

Cf. «De 29 à l'unité» (note 43), p. 56 ss; cf. aussi ch. 1.4.1.2.

Cf. Kurt Rebmann/Karl Heinz Schnarr, Der Schutz des gefährdeten Zeugen im Strafverfahren, NJW 1989, p. 1186; Nathan Landshut, Zeugnispflichten und Zeugniszwang im Zürcher Strafprozess, Thèse, Zurich 1998, p. 114; Ernst Gnägi, Der V-Mann-Einsatz im Betäubungsmittelbereich, Thèse, Berne 1991, p. 160 s; Bernard Corboz, L'agent infiltré, RPS 1993, p. 328 ss.

703

Un aperçu des mesures de protection possibles contre de tels dangers figure au ch. 1.1.3.3.

1.3

Déroulement des travaux

1.3.1

Groupe de travail de l'auditeur en chef et enseignements tirés de la pratique

La première procédure judiciaire engagée contre un criminel de guerre présumé devant un Tribunal de division a donné lieu à une décision procédurale relative à la protection des témoins52. L'actuel auditeur en chef de l'armée, le brigadier Dieter Weber, a mis sur pied le groupe de travail «Révision de la procédure pénale militaire», au début de l'année 1998. Ce groupe de travail a conclu que la question de la protection des témoins devait être traitée en urgence et que la révision de la procédure pénale militaire ne pouvait attendre l'unification de la procédure pénale suisse53.

En avril 1999, le procès contre le criminel de guerre F. N. a débuté devant le Tribunal de division 2; cette procédure s'est achevée par la condamnation définitive de F. N.. Plus de dix témoins qui pouvaient subir préjudice du fait de leur déposition ont été amenés du Rwanda en Suisse pour être entendus aux débats. Un dispositif important a été mis en place afin d'assurer leur sécurité et de leur fournir le gîte et le couvert. Pendant toute la durée du procès, plus de 100 policiers ont garanti la sécurité des témoins, du prévenu et du tribunal. Des aménagements techniques ont permis de garder secrète l'identité des témoins menacés pour le public, mais pas pour le prévenu54. Si ces mesures correspondaient, pour l'essentiel, à celles qui ont été prises lors des procédures devant la Cour pénale internationale pour le Rwanda, elles ne reposaient sur aucune disposition expresse du droit suisse55. L'arrêté qui règle la collaboration de la Suisse avec les tribunaux internationaux56, en particulier les tribunaux pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, et qui concerne la poursuite des violations graves du droit international humanitaire, ne constitue pas une base légale pour la protection des témoins dans les procédures conduites par la justice militaire suisse; en conséquence, les mesures de protection des témoins ont été prises conformément à l'objet et au but des garanties de procédure prévues par la procédure pénale militaire, la Constitution fédérale (Cst.)57 et la jurisprudence découlant de l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 (CEDH)58.

52 53

54 55 56 57 58

704

Cf. JAAC 62/1998, n° 22.

Cf. procès-verbal de la commission d'experts «Protection des témoins» (note 25), p. 1; procès-verbal de la séance du groupe de travail «Révision de la procédure pénale militaire» du 5.10.1998, p. 1 ss.

Cf. Dieter Weber (note 2), p. 12.

Cf. procès-verbal de la commission d'experts «Protection des témoins» (note 25), p. 2 ss; Kley (note 43), p. 177 et 178.

Cf. note 24 (RS 351.20).

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18.4.1999 (RS 101) RS 0.101

Afin d'améliorer la protection des témoins et de créer à cet effet une base légale formelle dans la procédure pénale militaire, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a créé, par décision du 23 novembre 1999, la Commission d'experts «Protection des témoins»59.

1.3.2

Commission d'experts «Protection des témoins»

La commission d'experts était composée des personnes suivantes: Président: Hausheer Heinz, prof. de droit, ancien président du Tribunal militaire de cassation, Berne.

Membres: Corboz Bernard, juge fédéral, Tribunal fédéral, Lausanne; Gnägi Ernst, avocat, Office fédéral de la justice, Service du droit pénal international, Berne; Hug Thomas, procureur général du canton de Bâle-Ville, Bâle; Ott Barbara, avocate, juge d'instruction militaire, Neuchâtel; Riklin Franz, prof. de droit, Université de Fribourg, Fribourg; Schmid Niklaus, ex-prof. de droit, Zurich; Schwenter Jean-Marc, procureur général de l'Etat de Vaud, Lausanne; Steinmann Gerold, greffier du Tribunal fédéral, Lausanne; Wehrenberg Stefan, avocat, juge d'instruction militaire, Zurich.

1.3.3

Mandat de la commission d'experts

La décision du 23 novembre 1999 chargeait la commission de réviser certains articles de la PPM, plus particulièrement d'élaborer et d'intégrer à cette dernière des dispositions relatives à la protection des témoins. La commission a été invitée à coordonner ses travaux avec ceux des experts désignés le 10 mars 1999 par le DFJP en vue de l'unification de la procédure pénale en Suisse, de manière à ce que les résultats de la commission sur la révision de la procédure pénale militaire soient intégrés dans les travaux préparatoires en vue de l'unification de la procédure pénale civile.

L'avant-projet destiné à la procédure de consultation et son rapport explicatif devaient être déposés avant le 31 décembre 2001.

59

Cf. communiqué de presse du DDPS du 23.11.1999.

705

1.4

Relation avec d'autres projets législatifs

La commission d'experts avait pour mandat d'élaborer un module de «protection des témoins» susceptible d'être repris dans la procédure pénale unifiée et le droit accessoire; ce module devait également être compatible avec le projet de loi sur l'investigation secrète et la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI)60.

1.4.1

Unification de la procédure pénale en Suisse

1.4.1.1

Coordination avec les travaux d'unification

En mars 1999, M. Niklaus Schmid a été chargé de préparer un avant-projet d'unification de la procédure pénale en Suisse61. A l'époque, il était prévu que l'avant-projet de code de procédure pénale fédérale (ci-après AP CPP) serait prêt pour la procédure de consultation dans le courant de l'année 200162. Cette planification était cependant d'emblée incompatible avec le mandat de la commission d'experts «Protection des témoins», qui devait élaborer avant la fin de l'année 2001 un module de protection des témoins pouvant s'insérer dans la future procédure pénale unifiée. Quant à la coordination entre la commission chargée d'unifier la procédure pénale et la commission «Protection des témoins», elle était formellement assurée par M. Niklaus Schmid, membre de chacune des commissions. La commission d'experts a, dès le départ, profité des réflexions faites par M. Schmid dans le cadre du projet d'unification de la procédure pénale suisse, ce qui a permis l'harmonisation matérielle des projets.

Comme prévu, l'AP CPP et le rapport explicatif de M. Schmid ont été mis en consultation de la fin de juin 2001 à la fin de février 200263. Etant donné que le projet de protection des témoins dans la PPM pourra sans doute être soumis au Parlement avant le projet de code de procédure pénale fédérale, la réglementation proposée pour la procédure pénale militaire jouera sans doute un rôle de précurseur. Les réactions que suscitera la protection des témoins dans le domaine du droit militaire, ainsi que les expériences qui seront faites dans ce contexte, ne manqueront pas d'influencer l'élaboration et les délibérations concernant le code de procédure pénale fédérale. D'autre part, l'AP CPP ne comprend pas la procédure pénale militaire; l'art. 1, al. 2, AP CPP, réserve expressément la procédure pénale militaire et les autres dispositions de procédure prévues par d'autres lois fédérales64. Cela justifie une réglementation spéciale de la protection des témoins, répondant aux spécificités de la procédure pénale militaire.

60 61 62

63

64

706

Cf. procès-verbal de la commission d'experts «Protection des témoins» (note 25), p. 5 ss; Kley (note 43), p. 178; RS 312.5.

Communiqué de presse du DFJP du 6.4.1999.

Selon le communiqué de l'OFJ du 16.3.2001, l'avant-projet de code de procédure pénale suisse (ci-après AP CPP) et son rapport explicatif devaient être envoyés en consultation vers le milieu de l'année 2001, http://www.ofj.admin.ch/f/index.html.

Cf. communiqué de presse du 27.6.2001 du DFJP, l'AP CPP ainsi que son rapport explicatif (Office fédéral de la justice, Berne, juin 2001, http://www.ofj.admin.ch/themen/stgb-vstrafp/intro-f.htm).

Cf. rapport explicatif de l'AP CPP (note 62), p. 31.

1.4.1.2

Unification matérielle

Conformément à l'AP CPP et au rapport de la commission d'experts «Unification de la procédure pénale»65, la commission d'experts «Protection des témoins» a renoncé au «témoin de la Couronne» et aux programmes de protection des témoins proprement dits.

Une législation relative aux repentis («témoin de la Couronne»), qui permettrait de punir moins sévèrement, voire d'exempter de toute poursuite et de toute peine, l'auteur qui collabore en tant que témoin dans le cadre d'une procédure pour infraction pénale grave ou qui empêche la commission d'une telle infraction, faciliterait l'administration de la preuve dans les procès pour crimes de guerre. Cependant, la réglementation du «témoin de la Couronne» est contraire à notre conception du droit pénal fondé sur la faute et aux principes de l'égalité et de la légalité, et risque d'induire la justice en erreur; ses inconvénients sont donc trop importants66.

La protection totale des témoins ne peut être garantie ni par des mesures de protection procédurales ou extra-procédurales de type organisationnel, conformes aux principes généraux de procédure, ni par la mise en place d'un dispositif matériel de protection. Les témoins peuvent également être menacés après la clôture de la procédure pénale. De véritables programmes de protection des témoins sont alors nécessaires selon le modèle élaboré par certains Etats qui donnent une nouvelle identité aux témoins menacés, leur assurent de nouveaux moyens d'existence et les installent, eux et leurs proches, dans un nouveau lieu de séjour. Ces mesures de protection exigent une manipulation des données qui, dans un Etat de droit, ne vont pas sans poser problème et se heurtent en outre, dans un petit pays comme la Suisse, à des limites pratiques. Enfin, le coût de telles mesures est énorme. Selon les auteurs du rapport «De 29 à l'unité», les programmes de protection des témoins doivent donc être l'ultima ratio et ne se justifient pas à l'heure actuelle. Si la question de la protection d'un témoin particulièrement menacé devait se poser en Suisse dans le cadre d'un procès pour crimes de guerre, une collaboration avec l'un des tribunaux pénaux internationaux ou avec l'un des Etats parties qui dispose d'un programme de protection devrait être envisagée67.

1.4.2

Loi fédérale sur l'investigation secrète (LFIS)

Le 1er juillet 1998, le Conseil fédéral a soumis à l'Assemblée fédérale un message accompagné de deux projets de lois: une loi fédérale sur la surveillance de la correspondance postale et des télécommunications (LSCPT) et une loi fédérale sur l'investigation secrète (LFIS)68. Cette dernière, contrairement à la LSCPT69, n'a pas 65

66 67 68 69

«De 29 à l'unité» (note 43), p. 17; procès-verbal de la commission d'experts «Protection des témoins» (note 25), p. 4 ss; cf. aussi Peter Müller (note 3), p. 276; rapport explicatif relatif à l'AP CPP (note 62), p. 29 ss et 116.

Cf. «De 29 à l'unité» (note 43), p. 56 ss; Peter Müller (note 3), p. 279 ss.

Cf. «De 29 à l'unité» (note 43), p. 71 ss; Peter Müller (note 3), p. 282; Wehrenberg (note 6), p. 70 ss.

Cf. message LSCPT/LFIS (note 46); in FF 1998 3689.

Loi fédérale du 6.10.2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT; RS 780.1; en vigueur depuis le 1.1.2002).

Cf. FF 2000 4742; RO 2001 3096 3106.

707

encore été adoptée70. Le nouveau code de procédure pénale fédérale comprendra toutefois des dispositions relatives à l'investigation secrète71.

L'art. 20 du projet LFIS (P-LFIS) du Parlement prévoit des mesures de protection de l'agent infiltré72. En règle générale, les policiers ne sont prêts à s'engager dans une investigation que si une promesse de discrétion leur a préalablement été donnée.

En application de l'art. 20 P-LFIS, les agents infiltrés sont dotés d'une identité d'emprunt et une promesse de discrétion selon l'art. 3 P-LFIS leur est accordée à titre de mesure de protection fondamentale et essentielle. Si une promesse de discrétion est autorisée par le juge compétent (art. 13, al. 2, P-LFIS), l'identité de l'agent concerné est tenue secrète avant, pendant et après la procédure; elle ne doit pas non plus figurer au dossier; pour examiner la crédibilité de l'agent infiltré, le président du tribunal chargé de juger l'affaire peut cependant demander des renseignements sur son identité véritable (art. 20, al. 1, P-LFIS). En outre, le magistrat chargé de juger l'affaire peut, pour déterminer si l'agent infiltré est intervenu dans la procédure, demander si nécessaire des renseignements sur son identité; pour cela, il peut interroger lui-même l'agent infiltré (art. 20, al. 1bis, P-LFIS)73. Si une confrontation avec le prévenu est nécessaire, il est possible de modifier l'apparence et la voix de l'agent infiltré ou l'interroger dans un local séparé (mesures de protection au sens de l'art. 20, al. 2, P-LFIS). Exceptionnellement, l'interrogatoire devant le tribunal peut se dérouler à huis clos (art. 20, al. 4, P-LFIS).

Selon l'art. 20, al. 5, P-LFIS, les mêmes mesures de protection peuvent également être prises en faveur de tiers ayant collaboré à l'enquête; cette disposition ne saurait cependant servir de base légale générale aux mesures de protection des témoins.

1.4.3

Modification du mandat de la commission d'experts

La commission d'experts a jugé nécessaire d'adapter le mandat qui lui avait été confié. Elle s'est concentrée sur l'élaboration d'une réglementation répondant en premier lieu aux exigences de la protection des témoins dans la procédure pénale militaire; elle a cependant également pris en compte les aspects particuliers de la protection des témoins dans la procédure pénale civile, de manière à ce que ses travaux servent aussi aux experts chargés de l'unification de la procédure pénale fédérale. La commission a proposé une réglementation qui va au-delà de l'obligation générale, sans pour autant traiter de chaque détail; la marge de manoeuvre ainsi préservée permet d'adapter la protection des témoins aux nécessités du cas d'espèce.

70

71 72 73

708

Le Conseil national (CN) ainsi que le Conseil des Etats (CdE) ont adopté le projet respectivement le 11.12.2001 et le 20.6.2002, dans une version divergeante de celle du Conseil fédéral, cf. BO CN, session d'hiver 2001, http://www.parlament.ch/ab/frameset/d/n/4611/44739/d_n_4611_44739_44858.htm, ainsi que BO CdE, session d'été 2002, http://www.parlament.ch/ab/frameset/d/s/4614/62104/d_s_4614_62104_62254.htm.

Le CN a éliminé les divergences le 18.9.2002. Il est prévu que la procédure d'élimination des divergences continue au CdE lors de la session d'hiver 2002.

«De 29 à l'unité ... en route ...», Information de l'Office fédéral de la justice, Berne, mars 2001, p. 2.

Cf. message LSCPT/LFIS (note 46); in FF 1998 3748; les procès-verbaux des Conseils mentionnés à la note 70, ainsi que Hug (note 7), p. 415 ss.

http://www.parlament.ch/ab/data/d/s/4614/62104/d_s_4614_62104_62254.htm.

La commission a dès lors décidé d'écarter de ses travaux la réglementation des repentis (témoins «de la Couronne»), des mesures de protection des témoins par profession et des mesures de protection extra-procédurales.

1.5

Situation juridique actuelle

1.5.1

Confédération: LAVI

Dans le droit fédéral en vigueur, des mesures de protection des témoins à proprement parler sont prévues uniquement dans la section 3 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes d'infraction (LAVI)74. En vertu de l'art. 2, al. 1, LAVI, ces mesures de protection ne s'adressent cependant qu'aux personnes qui ont subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à leur intégrité corporelle, sexuelle ou psychique. En d'autres termes, la protection des témoins découlant de la LAVI ne s'applique qu'aux victimes au sens de la LAVI.

Afin de protéger les témoins, la LAVI prévoit que le tribunal peut ordonner le huis clos lorsque les intérêts prépondérants de la victime l'exigent et, en cas d'infraction contre l'intégrité sexuelle, lorsque la victime le demande (art. 5, al. 3, LAVI). Les autorités doivent éviter de mettre en présence le prévenu et la victime, lorsque celleci le demande (art. 5, al. 4, LAVI). Dans ce cas, les autorités doivent tenir compte d'une autre façon du droit du prévenu d'être entendu. Une confrontation peut même être organisée, contre la volonté de la victime, lorsque les intérêts du prévenu l'exigent75. Enfin, l'art. 5, al. 5, LAVI dispose expressément que, lorsqu'il s'agit d'infractions contre l'intégrité sexuelle, une confrontation ne peut être ordonnée contre la volonté de la victime que si le droit du prévenu d'être entendu ne peut être garanti autrement. L'art. 7, al. 2, LAVI, qui prévoit que la victime peut refuser de déposer sur des faits qui concernent sa sphère intime, est aussi une disposition qui vise à protéger les témoins.

Les art. 5 à 7, 8, al. 2, et 10 LAVI sont, en vertu du renvoi de l'art. 84a PPM, applicables à la procédure pénale militaire. Quant au contenu normatif des art. 8, al. 1, et 9 LAVI, il a été intégré dans la PPM lors de différentes révisions législatives. Les nouvelles dispositions qui sont proposées dans le présent message sont des dispositions spéciales applicables à la protection des témoins, aux tiers appelés à fournir des renseignements et à d'autres participants à la procédure, qui complètent la protection des victimes garantie par la LAVI en relation avec l'art. 84a PPM.

Le 23 mars 200176, le Parlement fédéral a approuvé une modification de la LAVI, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2002 et améliore la situation des
victimes mineures ­ c'est-à-dire âgées de moins de 18 ans ­ dans la procédure pénale (art. 10a à 10d LAVI)77. Ainsi, dans les cas d'infraction contre l'intégrité sexuelle et lorsqu'il existe un risque important de mise en danger de la santé psychique de l'enfant, une confrontation entre le mineur et le prévenu est exclue, sauf si le droit 74 75 76 77

RS 312.5 Cf. ATF 125 I 127, p. 131 ss, consid. 6a et b; 124 I 274, p. 284 ss, consid. 5b.

FF 2001 1260. Voir l'article de Eva Weishaupt, Besonderer Schutz minderjähriger Opfer im Strafverfahren, Teilrevision OHG, RPS 2002, p. 231 à 248.

RO 2002 2997; cf. communiqué de presse du DFJP du 13.11.2001, http://www.ofj.admin.ch/themen/opferhilfe/rev-com-f.htm

709

du prévenu d'être entendu ne peut être garanti d'une autre manière (art. 10b LAVI).

De plus, l'audition de l'enfant est réglée de manière exhaustive (art. 10c LAVI), mais ces principes s'appliquent à toutes les victimes d'infractions. Ainsi, la loi précise que l'audition ne doit pas avoir lieu plus de deux fois sur l'ensemble de la procédure, que la première audition doit intervenir dès que possible, qu'elle doit être conduite par un enquêteur formé à cet effet et en présence d'un spécialiste, qu'elle doit avoir lieu dans une pièce adéquate et faire l'objet d'un enregistrement vidéo, que l'enquêteur et le spécialiste consignent leurs observations dans un rapport, que la deuxième audition doit avoir lieu seulement si, lors de la première, les parties n'ont pas pu exercer leurs droits et si elle est indispensable au bon déroulement de l'enquête ou à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant; les mêmes dispositions s'appliquent à la première et à la deuxième audition, lesquelles doivent être menées dans la mesure du possible par la même personne. Lorsque l'intérêt manifeste et prépondérant de l'enfant l'exige, et si ce dernier donne son accord, l'autorité compétente peut même exceptionnellement classer la procédure (art. 10d LAVI).

Lors de la révision de la LAVI, on a malheureusement oublié de compléter l'art. 84a PPM par un renvoi aux art. 10a à 10d LAVI. Cette lacune doit être comblée par la présente révision (voir ch. 2.1.3).

Le droit de la victime d'infractions contre l'intégrité sexuelle d'être entendue par des personnes du même sexe fait partie des droits du témoin à la protection au sens large, en particulier aux mesures de soutien. En outre, chaque victime peut se faire accompagner d'une personne de confiance lorsqu'elle est interrogée en tant que témoin ou personne appelée à fournir des renseignements (art. 7, al. 1, LAVI).

Les dispositions procédurales de la LAVI devraient être reprises dans le code de procédure pénale fédérale78. A ce propos, la commission d'experts instituée en juillet 2000 par le DFJP pour la révision de la LAVI a examiné si les dispositions contenues dans l'AP CPP garantissaient au minimum la même protection que celle de la LAVI; elle a également proposé d'améliorer la protection de la victime, en particulier en ce qui concerne la protection de son identité lors des auditions et un catalogue de mesures de protection79.

78 79

710

«De 29 à l'unité» (note 43), p. 45; «De 29 à l'unité... en route...» (note 71), p. 2; art. 163 AP CPP; rapport explicatif relatif à l'AP CPP (note 63 ci-dessus), p. 119 ss.

Cf. rapport intermédiaire du 5.2.2001 de la commission d'experts pour la révision de la LAVI, http://www.ofj.admin.ch/f/index.html, sous «Sécurité & Protection / Aide aux victimes/ Révision de la loi sur l'aide aux victimes/ Rapport intermédiaire». Ce rapport fait également partie des documents envoyés en consultation avec l'AP CPP.

1.5.2

Cantons

1.5.2.1

Cantons prévoyant des dispositions générales sur la protection des témoins

1.5.2.1.1

Berne

Le code de procédure pénale du canton de Berne (CPP BE) du 15 mars 1995, en vigueur depuis le 1er janvier 1997, règle la protection des témoins à l'art. 124. L'al. 3 prévoit que des mesures de protection peuvent être ordonnées en faveur des agents infiltrés au sens des al. 1 et 2, ainsi qu'en faveur d'autres personnes lorsque ces dernières rendent vraisemblable que le fait de dire la vérité risquerait de mettre sérieusement en danger leur intégrité corporelle ou leur vie ou celle de l'un de leurs proches. En dérogation à l'art. 103 CPP BE, leur identité sera portée à la connaissance du tribunal seulement et ne figurera pas dans le dossier. De plus, des dispositions techniques appropriées permettront de masquer le visage des personnes appelées à témoigner aux parties80.

La formulation très ouverte de cette disposition ne précise pas la manière dont doit se dérouler l'audition. En particulier, la disposition n'indique pas que les mesures de protection des témoins ne sont pas illimitées, mais ne sont admissibles seulement si les droits élémentaires de la défense et un procès équitable sont garantis.

1.5.2.1.2

Fribourg

Le code de procédure pénale du canton de Fribourg (CPP FR) du 14 novembre 1996, en vigueur depuis le 1er décembre 1998, prévoit des mesures de protection des témoins aux art. 82, al. 4, 81, let. a, et 43, al. 1, let. a. Conformément à l'art. 82, al. 4, CPP FR, le juge peut exceptionnellement ordonner, notamment afin d'assurer la sécurité des témoins, que l'identité d'un témoin soit établie en l'absence des parties, que les données permettant l'identification d'un témoin soient séparées du dossier et que le témoin ne soit pas visible pendant l'audition. Selon l'art. 170, al. 2, CPP FR, le huis clos total ou partiel peut être ordonné pendant les débats dans l'intérêt de la sécurité d'un témoin. En outre, le témoin a le droit, pendant son audition, de ne pas répondre à certaines questions si, lui-même ou l'un de ses proches, risque sa vie ou son intégrité corporelle à cause de ses réponses (art. 81, let. a, CPP FR). Enfin, il est expressément prévu à l'art. 43, al. 1, let. a, que le droit d'être entendu prévu à l'art. 42, ainsi que les droits de la défense, peuvent être limités si cela est nécessaire à la sécurité d'une personne.

Le code fribourgeois n'indique toutefois pas expressément que les intérêts de la défense et ceux des témoins doivent être mis en balance et ne prévoit pas de disposition garantissant les droits de la défense ni la conduite d'un procès équitable.

80

Cf. Thomas Maurer, Das bernische Strafverfahren, Berne 1999, p. 211 ss; Jürg Aeschlimann, Einführung in das Strafprozessrecht. Die neuen bernischen Gesetze, Berne 1997, n° 906 à 908.

711

1.5.2.1.3

Bâle-Ville

Le code de procédure pénale révisé du canton de Bâle-Ville (CPP BS) du 8 janvier 1997, en vigueur depuis le 1er janvier 1998, règle au § 50, al. 3, la protection des témoins. Selon cette disposition, l'identité des témoins peut être exceptionnellement gardée secrète pendant la procédure pénale. Même si cette disposition n'est pas précisée, on peut cependant en déduire que, comme pour la disposition concernant la protection des agents infiltrés (§ 93 CPP BS), les déclarations des témoins sont inclues dans l'appréciation des preuves, sous réserve des droits de la défense.

On peut se demander si cette norme constitue une base légale suffisante pour limiter les droits de la défense.

1.5.2.1.4

Bâle-Campagne

Le code de procédure pénale révisé du canton de Bâle-Campagne (CPP BL) du 3 juin 1999, en vigueur depuis le 1er janvier 2000, règle au § 40 la protection des participants à la procédure. Ainsi, afin d'assurer dans des circonstances particulières la protection personnelle des témoins, des informateurs, des experts ou des traducteurs, leur identité peut être gardée secrète pendant la procédure pénale. Les mesures permettant de sauvegarder ce secret ne sont pas énumérées. Elles doivent cependant correspondre aux intentions du législateur. Ainsi, les mesures prévues au § 117, al. 2, let. b et c, CPP BL pour la protection des agents infiltrés81 (huis clos et autres mesures appropriées comme la séparation visuelle ou la modification de la voix) s'appliquent par analogie à la protection des participants à la procédure.

1.5.2.1.5

Saint-Gall

La loi du 1er juillet 1999 sur la procédure pénale du canton de Saint-Gall (LPP SG), en vigueur depuis le 1er juin 2000, règle à l'art. 83 la protection des témoins. Selon cette disposition, le juge d'instruction peut assurer au témoin le traitement confidentiel de son identité lorsque des intérêts importants, tout particulièrement l'intégrité physique ou psychique du témoin, l'exigent (art. 83, al. 1, LPP SG). Il est expressément prévu que la déposition en présence d'un autre membre des autorités de poursuite pénale doit être inscrite au procès-verbal et que toute référence à l'identité du témoin doit être évitée (art. 83, al. 2, LPP SG). L'art. 92, al. 2, LPP SG précise que l'on peut empêcher un prévenu de participer à l'audition d'un témoin dans le but de sauvegarder l'anonymat de ce dernier, conformément à l'art. 83. Par contre, la restriction des droits de la défense d'une autre manière, les autres mesures en faveur de la protection des témoins éventuellement admissibles et le poids de la déclaration anonyme d'un témoin pendant les débats ne sont pas réglés. De plus, il n'est pas précisé que les droits de la défense peuvent être limités uniquement si une défense efficace reste possible et qu'un procès équitable est garanti.

81

712

Cf. ATF 125 I 127 ss.

Il est donc douteux que la base légale pour la limitation des droits de la défense soit suffisante.

1.5.2.1.6

Zurich

Le § 131a du code de procédure pénale zurichois adopté par le parlement cantonal le 15 janvier 2001 et entré en vigueur le 1er janvier 2002, permet de prendre des mesures de protection des agents infiltrés et des autres personnes à interroger. Lorsqu'un danger important ou sérieux est vraisemblable (cf. al. 1), les mesures de protection suivantes peuvent notamment être prises: le huis clos, le traitement confidentiel de l'identité, l'exclusion d'une confrontation directe de la personne à interroger avec le prévenu et des tiers ainsi que la protection optique et acoustique, par des moyens techniques de la personne à interroger (al. 1, ch. 1 à 4). L'al. 2 de cette disposition précise que le danger menaçant la personne concernée ne doit pas pouvoir être écarté d'une autre manière et que les mesures de protection doivent être proportionnelles au danger. L'identité d'un agent infiltré peut être tenue secrète afin d'assurer sa sécurité personnelle et de protéger sa couverture. En compensation, un officier de police doit cependant témoigner pour l'agent infiltré et rendre vraisemblable ses déclarations, et ceci tant que l'identité de cette personne ne peut être révélée.

En premier lieu, il est frappant de constater que cette disposition prévoit que l'identité d'un agent infiltré peut être tenue secrète alors que celle des autres personnes à protéger ne doit manifestement être traitée que confidentiellement. En outre, la compensation de la limitation des droits de la défense par des mesures de protection n'est prévue qu'en rapport avec le secret de l'identité des agents infiltrés. Les mesures de protection des témoins sont conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme, mais admissibles seulement si les limitations des droits de la défense qui en découlent sont compensées. La nouvelle disposition zurichoise peut être facilement interprétée, mais sa formulation n'est pas suffisamment claire.

1.5.2.2

Cantons prévoyant des dispositions de protection des témoins en faveur des agents infiltrés et des informateurs

1.5.2.2.1

Thurgovie

Le code de procédure pénale du canton de Thurgovie (CPP TG) du 3 juin 1970, révisé le 5 novembre 1991, ne pas de disposition générale de protection des témoins.

Des mesures sont cependant prévues au § 127d CPP TG pour protéger les informateurs menacés. Mais comme il n'y a pas de renvoi permettant d'appliquer ces mesures aux autres personnes, elles ne peuvent être employées pour la protection des témoins «ordinaires».

713

1.5.2.2.2

Valais

A l'instar du code de procédure pénale du canton de Thurgovie, celui du canton du Valais (CPP VS) du 22 février 1962, révisé le 13 mai 1992, prévoit des mesures pour la protection des informateurs. Ainsi, l'art. 103k, ch. 4, CPP VS est une base sommaire pour la protection des informateurs. Ce code ne contient cependant pas de disposition générale pour la protection de tous les témoins. Il ne prévoit pas non plus de base légale pour étendre les mesures de protection aux témoins occasionnels.

1.5.2.3

Cantons sans réglementation de la protection des témoins

Les cantons ci-après ne connaissent aucune réglementation de la protection des témoins: Argovie, Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Genève, Glaris, Grisons, Jura, Lucerne, Neuchâtel, Nidwald, Obwald, Schaffhouse, Soleure, Schwyz, Tessin, Uri, Vaud et Zoug.

1.5.3

Etranger

1.5.3.1

Tribunaux des Nations Unies pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie

Les tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) donnent aux accusés, à l'art. 20 respectivement 21 du statut du tribunal concerné, des garanties de procédure et des droits de la défense qui correspondent aux garanties prévues par les art. 6 CEDH et 29 à 32 Cst.. En outre, la protection des victimes et des témoins est expressément prévue dans les deux statuts (art.

21 TPIR et 22 TPIY). Ainsi, chaque tribunal pénal doit prévoir des mesures de protection des témoins dans son règlement sur le déroulement de la procédure et de l'administration des preuves (règlement de procédure et de preuve, RPP). Il doit tout particulièrement prévoir la possibilité de conduire les débats à huis clos et de protéger l'identité des victimes.

Le RPP du TPIR82 prévoit à l'art. 75 que «le juge ou une Chambre peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une des parties, ou de la victime ou du témoin intéressé, [...] ordonner des mesures appropriées pour protéger la vie privée et la sécurité des victimes ou des témoins, à condition toutefois que lesdites mesures ne portent pas atteinte aux droits de l'accusé». En particulier, les débats peuvent avoir lieu à huis clos, les déclarations de la victime menacée et des témoins peuvent être facilitées par l'emploi d'un circuit de télévision fermé ou les témoins rester anonymes vis-à-vis du public ou des médias. Cette dernière mesure permet de garantir que le nom et des indications permettant d'identifier ces personnes ne soient pas cités lors des débats et au dossier et que les témoignages puissent être facilités par des techniques permettant d'altérer l'image ou la voix ou au moyen de la télévision interne du tribunal. En outre, l'art. 69 permet au procureur ou à la défense, dans des cas excep82

714

http://www.ictr.org/wwwroot/french/rules/index.htm

tionnels, de demander à la Chambre de première instance d'ordonner la non divulgation de l'identité des victimes ou des témoins qui pourraient être exposés à un danger ou à un risque, jusqu'à nouvel avis. Conformément à la règle 69 C, l'identité de la victime ou des témoins doit être cependant rendue publique suffisamment tôt avant le procès pour que la défense dispose du temps nécessaire pour préparer sa défense efficacement.

En plus de ces dispositions procédurales, la Chambre de première instance peut placer sous la protection du tribunal les victimes et les témoins menacés ainsi que leurs proches et ordonner que des mesures extra-procédurales de protection et de prise en charge soient prises par la Section d'aide aux victimes et aux témoins (art. 69 RPP).

Cette unité s'assure que les témoins et leurs proches puissent voyager en toute tranquillité et en toute sécurité jusqu'au lieu où la procédure doit se dérouler et qu'ils puissent s'exprimer dans un environnement sûr et agréable. Cette prise en charge et ce soutien incluent, d'une part, la réadaptation physique et psychique et, d'autre part, le paiement des frais effectifs du voyage, des vêtements et du logement du témoin, la remise de documents de voyage, le règlement des formalités d'entrée ainsi que la mise à disposition d'un traducteur, d'un logement sûr et d'un soutien financier pour les dépenses nécessaires du témoin. Les mesures de protection policières pour le témoin et sa famille sont valables pendant et après la procédure et comprennent la protection des personnes, des biens, la mise à disposition d'une nouvelle identité ainsi que le déplacement en un nouveau lieu avec tout le soutien financier et personnel que cela implique jusqu'à l'intégration en ce lieu (programme de protection des témoins).

Pour l'évaluation des mesures de protection des témoins, les tribunaux pénaux internationaux prennent en compte les intérêts divergents des témoins menacés et ceux des accusés. La déposition anonyme du témoin est admissible aux conditions suivantes: ­

l'existence d'un danger réel pour le témoin et sa famille;

­

le témoignage est si important pour l'accusation qu'il serait injuste d'y renoncer;

­

le témoin ne doit pas être manifestement indigne de foi;

­

il n'existe pas de programme de protection pour le témoin et sa famille ou le programme de protection est insuffisant, et

­

les mesures prises doivent absolument être nécessaires.

Les tribunaux reconnaissent cependant également que la déposition anonyme d'un témoin limite les droits de la défense. L'interrogatoire d'un témoin anonyme doit, par conséquent, obéir à des principes définis et donner lieu à des mesures compensatoires: ­

les juges doivent connaître l'identité des témoins et pouvoir observer leur comportement pendant l'audition;

­

la défense doit pouvoir suffisamment questionner les témoins sur le contenu de leur déposition et sur les circonstances de leur témoignage, pour autant que ces questions ne remettent pas en question l'anonymat des témoins;

­

l'identité des témoins doit être tenue secrète aussi longtemps que cela est nécessaire pour leur protection; 715

­

il faut renoncer à la déposition d'un témoin si la limitation d'éléments essentiels des droits de la défense ne peut être pleinement compensée et qu'aucune autre mesure de protection du témoin ne peut être prise83.

Les tribunaux pénaux ont reconnu que ni les droits procéduraux du prévenu ni les droits des témoins n'ont une valeur absolue. Il faut plutôt équilibrer les intérêts en présence afin de garantir un procès équitable.

1.5.3.2

Cour pénale internationale

Les possibilités de protection des témoins prévues par les statuts du TPIR et du TPIY sont également valables pour la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI). Les droits de la défense sont régis par l'art. 67 du Statut de Rome et la protection des victimes et des témoins par l'art. 6884. Les différentes mesures de protection sont définies et énumérées exhaustivement dans les règles 87 et 88 du règlement de procédure et de preuve de la CPI. Elles correspondent, en substance, aux dispositions pertinentes du TPIR.

1.5.3.3

Conseil de l'Europe

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adopté, le 10 septembre 1997, une recommandation concernant les mesures de protection des témoins contre les tentatives d'intimidation de toute nature et la compatibilité de ces mesures avec les droits de la défense85. Le Comité estime qu'il n'est pas admissible qu'une poursuite pénale bien engagée échoue parfois parce que des témoins sont intimidés au point de ne plus pouvoir fournir un témoignage complet et véridique. Bien que témoigner relève du devoir civique, les autorités de poursuite pénale doivent accorder plus d'attention aux droits et aux exigences des témoins afin que ces derniers collaborent pour la plus grande efficacité de la poursuite pénale. La recommandation invite les Etats à prendre des mesures efficaces pour assurer la protection des témoins, tout en sauvegardant les droits inaliénables de la défense prévus par la CEDH et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

La partie «principes généraux» (ch. 1 à 7) de la recommandation prévoit des mesures pratiques et législatives visant à garantir la protection des témoins contre toute intimidation toute en sauvegardant les droits de la défense (ch. 1 s.). Il est, en outre, recommandé de punir les actes d'intimidation des témoins ou les menaces contre eux 83

84

85

716

Cf. décision «mesure de protection Tadic» du 10.8.1995, www.un.org/icty/tadic/trialc2/decision-e/100895pm.htm; voir également le commentaire de cette décision par Faizer Patel King/ Anne-Marie La Rosa, International Criminal Tribunal for the Former Yugoslawia: Current Survey, European Journal of International Law 1997, p. 123 à 179, plus particulièrement p. 146-150; Kley (note 43), p. 180 ss.

Cf. le message du 15.11.2000 relatif au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, à la loi fédérale sur la coopération avec la Cour pénale internationale ainsi qu'à une révision du droit pénal; in FF 2001 359, plus particulièrement l'annexe 3, p. 515.

Recommendation N° R (97) 13 du Comité des Ministres aux Etats membres sur l'intimidation des témoins et les droits de la défense, http://cm.coe.int/ta/rec/1997/f97r13.html; publiée aussi dans: RUDH 1997, p. 298.

Cf. aussi Kley (note 43), p. 178 ss; ATF 125 I 127, 144 ss consid. 7b à 7c.

(ch. 3). Il est prévu que les témoins puissent participer à l'administration des preuves avec d'autres méthodes afin qu'ils ne soient pas exposés à des actes d'intimidation ou de vengeance suite à une confrontation avec l'inculpé, tout en respectant les droits de la défense. Le témoin peut par exemple faire sa déposition dans une autre pièce que celle dans laquelle se trouve l'inculpé (ch. 6).

La recommandation du Comité des Ministres concerne tout particulièrement les témoins occasionnels, les témoins-victimes et les participants entendus comme témoins qui sont souvent les seuls à pouvoir faire des déclarations probantes sur une situation donnée. Ils ont besoin d'une protection particulière en raison de leur vulnérabilité. La recommandation consacre un chapitre à la protection des témoins en cas de crimes au sein de la famille, plus particulièrement contre les enfants, les femmes et les personnes âgées (ch. 17 ss); en Suisse, ces points sont traités essentiellement dans la LAVI et ils seront intégrés dans le code de procédure pénale dans le cadre de l'unification de la procédure. Par ailleurs, la recommandation traite également des mesures qui peuvent être prises contre la criminalité organisée (ch. 8 s.).

Ce chapitre est important pour la protection des témoins lors de procès pour crimes de guerre et recommande notamment que les dépositions faites lors de l'enquête soient enregistrées par un moyen technique et qu'elles soient reconnues devant le tribunal comme un témoignage formel (ch. 9). Selon la recommandation, l'anonymat du témoin doit être une mesure exceptionnelle lorsque sa déposition est importante et que l'intégrité corporelle ou la vie de la personne concernée est sérieusement menacée (ch. 11). Une procédure de vérification doit cependant permettre à l'inculpé de contester l'anonymat du témoin, sa crédibilité et l'origine de ses connaissances (ch. 10). Si cela est nécessaire, des mesures peuvent être prises comme la modification de l'apparence et de la voix (ch. 12). Le ch. 13 précise que les condamnations ne doivent pas se fonder exclusivement ou principalement sur les dépositions de témoins anonymes. Le ch. 79 de l'exposé des motifs précise que le maintien de l'anonymat du témoin peut conduire à un non-lieu ou, à défaut d'autres preuves, à l'acquittement de l'accusé. En outre,
des programmes de protection spéciaux, comme la protection policière ou les mesures de modification de l'identité ainsi que du cadre de vie et de travail, peuvent compléter la protection des repentis («témoins de la Couronne», voir ch. 14 à 16) et des personnes qui ont besoin d'une protection particulière.

Selon l'ATF 125 I 127 (cf. surtout p. 145), ces recommandations ne sont que des directives non contraignantes dont le non-respect ne constitue pas une infraction à des droits constitutionnels ou à un traité. Cependant, les recommandations du Comité des Ministres expriment la conviction juridique commune des Etats membres du Conseil de l'Europe. Le Tribunal fédéral en tient donc compte dans la mise en oeuvre des droits fondamentaux garantis par la Cst. et la CEDH86. Par conséquent, les recommandations du Comité des Ministres doivent être observées dans la révision de la PPM.

86

Cf. ATF 125 I 127, en particulier p. 145 consid. 7c.

717

1.5.3.4

République fédérale d'Allemagne

La nécessité d'établir de nouveaux instruments pour lutter contre le trafic de drogue a poussé la République fédérale d'Allemagne (RFA) à élaborer dès 1992 une réglementation concernant les agents infiltrés permettant notamment de garder secrète leur identité. Elle a également inscrit dans son code de procédure pénale les premières mesures générales de protection des témoins87. Depuis lors, la protection des témoins a été complétée et précisée dans plusieurs amendements au code de procédure pénale, tout particulièrement par la loi du 30 avril 1998 sur la protection des témoins88. Les dispositions procédurales de protection des témoins permettent la tenue d'auditions à huis clos et garantissent l'anonymat de la personne menacée et le secret sur toutes les données permettant son identification. Les témoins peuvent être protégés pendant les débats par la diffusion audio-visuelle de leur audition qui sera menée ailleurs. De plus, ils peuvent être assistés par un avocat pendant leur interrogatoire. La RFA a également mis sur pied des programmes extra-procéduraux de protection, notamment pour les témoins hautement menacés. Afin de protéger les personnes menacées pendant la durée du danger et d'assurer le bon déroulement de la poursuite et du procès, les personnes peuvent être protégées avant, pendant et après les débats, la protection de leur lieu de séjour est assurée, leur identité peut être modifiée et elles peuvent revoir une aide pour s'installer dans un nouveau lieu89.

Les Etats-Unis et l'Italie ont également des dispositions détaillées concernant la protection des témoins. De plus, la plupart des Etats européens, notamment la France, le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas, règlent sommairement la protection des témoins.

1.6

Conception de la réglementation proposée

1.6.1

Les dispositions matérielles

Les nouvelles dispositions proposées pour la protection des témoins se fondent sur la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme selon laquelle les témoins doivent être mieux protégés contre les représailles de toute nature, en raison de l'évolution de la criminalité et de la poursuite pénale. La prise de mesures visant à limiter les droits de la défense peut se justifier dans ce contexte. La protection des témoins ne doit cependant pas réduire de manière insupportable les droits élémentaires de la défense et empêcher un procès équitable90.

87 88

89

90

718

Cf. ATF 125 I 127, en particulier p. 143 ss.

Cf. BGBl 1998 I 820; ainsi que Rainer Griesbaum, Der gefährdete Zeuge, Neue Zeitschrift für Strafrecht 1998, p. 433 à 441; Peter Cäsar, Noch stärkerer Schutz für Zeugen und andere nicht beschuldigte Personen im Strafprozess ?, Neue Juristische Wochenschrift 1998, p. 2313 à 2318; Bernd Schünemann, Der deutsche Strafprozess im Spannungsfeld von Zeugenschutz und materieller Wahrheit, Strafverteidiger 1998, p. 391 à 401.

Cf. Gemeinsame Richtlinien der Innenminister/-senatoren und der Justizminister/senatoren der Länder zum Schutz gefährdeter Zeugen vom 16. 5.1997, Ministerialblatt für das Land Nordrhein-Westfalen Nr. 33 vom 17.6.1997, 624 à 626.

ATF 118 Ia 457, surtout p. 461 consid. 3b et 125 I 127, p. 131 ss, p. 139 consid. 6d/dd, p. 141 consid. 6d/ee, p. 146.

L'importance de cette exigence explique que la protection des témoins proposée pour la procédure pénale militaire soit réglée de manière plus contraignante et restrictive que celle qui est prévue par l'AP CPP (cf. art. 98b du projet de révision de la procédure pénale militaire, et 162 de l'AP CPP).

Les mesures de protection des témoins ne peuvent être unifiées, mais doivent au contraire être examinées et ordonnées dans chaque cas d'espèce. Le législateur doit élaborer un arsenal de mesures qui peuvent être combinées afin d'assurer une protection convenable du témoin lorsque la menace est crédible.

Etant donné que les mesures de protection des témoins, selon leur genre et leur importance, peuvent empiéter considérablement sur les droits de la défense, il faut que la loi règle les conditions auxquelles elles peuvent être ordonnées: ­

les mesures de protection des témoins ne peuvent être prises que si l'intérêt public à la poursuite pénale ainsi qu'à la protection du témoin l'emporte sur l'exercice illimité des droits de la défense. Les mesures qui restreignent les droits de la défense ne peuvent être ordonnées qu'en cas de délit d'une certaine gravité et lorsque le témoin est sérieusement menacé.

­

le principe de la proportionnalité doit être respecté: les mesures doivent être appropriées pour empêcher la survenue d'un dommage au témoin ou à ses proches. On ordonnera les mesures les plus utiles pour assurer la protection et les moins restrictives pour les droits de la défense, c'est-à-dire les plus légères et les mieux adaptées. La proportionnalité entre le but de la protection et son effet sur les droits de la défense doit être garantie. Les droits fondamentaux de la défense ne doivent pas être touchés.

­

les limitations nécessaires et proportionnelles des droits de la défense sont équilibrées autant que possible par des mesures compensatoires visant à garantir l'équité de la procédure. Afin de rétablir l'équilibre procédural et l'efficacité de la défense, des moyens compensatoires doivent être mis à la disposition du prévenu. Il sera notamment informé du contenu des dépositions, il pourra poser des questions complémentaires, exiger des comptes rendus et demander au président du tribunal un rapport sur la crédibilité du témoin. Si les droits de la défense ne peuvent pas être exercés de manière suffisante malgré les mesures compensatoires, le témoignage de la personne concernée ne doit pas être déterminant et l'accusé sera acquitté en vertu du principe in dubio pro reo.

En conséquence, les mesures de protection nécessaires peuvent donc être prises pour toutes les personnes participant à la procédure si elles ou leurs proches peuvent être exposés à un danger en raison de leur participation à la procédure (art. 98a révPPM). De plus, les art. 98b à 98d révPPM prévoient la garantie de l'anonymat du témoin et du tiers appelé à fournir des renseignements sous certaines conditions.

L'anonymat peut être garanti lorsqu'un témoin ou un tiers appelé à fournir des renseignements participe à une procédure portant sur un délit grave et qu'il paraît vraisemblable qu'il puisse, en raison de sa déposition, lui-même ou l'un de ses proches, être exposé à une atteinte grave à ses biens juridiquement protégés (art. 98b révPPM). Les mesures de protection de même nature pour tous les participants à la procédure et la possibilité de garantir l'anonymat aux témoins et aux personnes appelées à fournir des renseignements, s'écartent de la réglementation proposée par l'AP CPP (art. 160, al. 2, en relation avec l'art. 162). Les domaines dans lesquels 719

des restrictions des droit de la défense peuvent être admises doivent être limités au strict nécessaire.

L'al. 1 de l'art. 98d révPPM décrit exhaustivement les mesures de protection des témoins admissibles. L'al. 2 prévoit que les mesures de protection sont prises conformément au principe de la proportionnalité et qu'elles ne doivent pas restreindre les droits de la défense au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer une protection efficace. Le droit des parties à être entendues ne doit pas être expressément mentionné, puisqu'il est garanti par la Constitution (art. 29, al. 2, Cst.). Les restrictions justifiées des droits de la défense sont équilibrées par des mesures de compensation afin d'assurer un procès équitable. Etant donné qu'il paraît impossible d'incorporer dans la loi toutes les mesures de protection imaginables et leur gradation ainsi que les mesures de compensation correspondantes, le législateur s'est limité à établir un catalogue des mesures de protection dont les mesures compensatoires possibles seront déduites.

Les mesures de protection des témoins doivent être prises dans le cadre d'une procédure. Les garanties procédurales sont commentées au ch. 1.6.2 ci-dessous. L'identité des témoins doit être gardée secrète lors des auditions, dans les procès-verbaux et dans les pièces du dossier. Il faut donc pouvoir identifier les témoins pour éviter toute substitution de personnes, comme le prévoit l'art. 98d, al. 3, révPPM.

Il peut être nécessaire de protéger, d'aider ou d'assister certains témoins également en dehors de la procédure, afin de garantir leur déposition. L'art. 98d, al. 4, révPPM est la base légale de ces mesures qui ne doivent pas porter atteinte aux droits des parties.

Les dispositions sur la protection des témoins proposées en vue de la modification de la PPM et la protection des victimes selon la LAVI doivent se compléter. Si un témoin-victime est au point menacé que les conditions de l'art. 98b révPPM sont remplies et que les mesures selon l'art. 98d révPPM peuvent être prises, alors la protection selon la PPM prime celle de la LAVI. Par contre, si la menace est moins grave, seul l'art. 98a révPPM, qui prévoit un large pouvoir discrétionnaire, est envisageable. Puisque la LAVI prévoit des mesures de protection et d'assistance plus spécifiques, c'est elle qui s'appliquerait en l'occurrence en tant que loi spéciale.

1.6.2

Les garanties procédurales

La garantie de l'anonymat ne doit pas dépendre uniquement de l'autorité qui l'ordonne. Un système de contrôle doit être mis en place. Les systèmes proposés par le Conseil fédéral, concernant l'emploi d'agents infiltrés selon la LFIS et dans le domaine de la LSCPT, ont donc été examinés en vue de leur intégration dans la réglementation de la protection des témoins. Les mesures de protection des témoins doivent prendre effet dès qu'elles sont ordonnées. Les personnes menacées sont donc rapidement protégées et prêtes à déposer. D'autre part, la garantie de l'anonymat est une mesure radicale obligatoirement soumise au contrôle judiciaire. Ce contrôle doit avoir lieu avant que le témoin dépose de manière anonyme devant un tribunal. La possibilité de recourir contre le prononcé de mesures de protection des témoins, quasiment une procédure dans la procédure, n'a pas été retenue car elle compliquerait excessivement la procédure pénale, la ralentirait et risquerait de révéler l'identité des témoins. C'est donc le système proposé par la commission 720

d'experts, qui prévoit que la garantie de l'anonymat doit être examinée et, le cas échéant, approuvée par le président du Tribunal militaire de cassation (TMC) ou son suppléant, qui a été retenu91. La décision d'approbation du président du TMC est définitive, c'est-à-dire qu'elle lie les autorités qui traitent l'affaire et ne peut plus être annulée. Ce système d'approbation correspond à l'autorisation judiciaire des écoutes téléphoniques92.

Les informations qui ont conduit à l'octroi de la garantie doivent être transmises à l'autorité d'approbation, qui procède alors à une pesée des intérêts et s'assure des possibilités de compensation. Le droit d'être entendu ne peut cependant pas être garanti à ce stade, car il rendrait inutile la mesure de protection. Toutefois, l'approbation de la garantie de l'anonymat ne dispense pas l'autorité de jugement de vérifier si les moyens de preuve ont été obtenus légalement et que la limitation des droits de la défense par l'anonymat a été suffisamment compensée pour que le procès soit équitable. La garantie de l'anonymat est irrévocable et contraignante pour toutes les autorités saisies de l'affaire à tous les stades de la procédure dès qu'elle a été approuvée. Le témoin auquel l'anonymat a été garanti doit avoir la certitude que son identité restera secrète. S'il a le moindre doute sur la validité de la garantie, il ne témoignera pas. Si l'autorité de jugement établit, lors de l'examen des preuves durant la procédure probatoire, que l'anonymat a été garanti à tort, il ne peut pas révoquer la garantie. Les dépositions faites lorsque l'anonymat a été garanti à tort sont considérées comme des moyens de preuve obtenus illégitimement et ne peuvent pas être utilisées par le tribunal; les procès-verbaux d'audition et certaines pièces du dossier doivent être détruits. Si le témoin refuse de refaire sa déposition sans mesures de protection, ce moyen de preuve devra être écarté, ce qui pourra avoir pour conséquence un acquittement selon le principe in dubio pro reo (cf.

ch. 2.1.6).

1.7

Résultats de la procédure préliminaire

Les gouvernements cantonaux, les partis politiques et les autres organisations intéressées n'ont pas été consultés, étant donné que les cantons ne sont pas directement concernés par la révision prévue, qui n'est pas contestée et dont les conséquences sur les finances et le personnel sont de moindre importance. Toutefois, la Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police a été informée de la révision. Elle a chargé le représentant bernois de rédiger un avis qu'il a transmis au procureur général du canton de Berne. Ce dernier a émis un avis détaillé dont les suggestions ont été en partie intégrées dans le présent message.

91 92

Voir ch. 2.1.1 et 2.1.6.

Cf. art. 7 LSCPT (RS 780.1).

721

2

Partie spéciale

2.1

Modification de la procédure pénale militaire

2.1.1

Remplaçant du président du Tribunal militaire de cassation (art. 15, al. 3, révPPM)

La modification de l'art. 15, al. 3, PPM permet au remplaçant du président du TMC d'approuver les mesures de protection. Ceci évitera que la personne, chargée de l'approbation, soit par la suite récusée ou exclue dans une procédure ultérieure devant le TMC pour avoir examiné le bien-fondé des mesures de protection des témoins. Grâce à cette nouvelle disposition, le président du TMC ne sera pas soupçonné de prévention.

La problématique étant la même en matière de détention préventive et de détention, ainsi qu'en ce qui concerne la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication, la modification de l'art. 15, al. 3, PPM donne au remplaçant du président du TMC la compétence de prendre des décisions dans ces trois domaines.

2.1.2

Refus de témoigner (art. 75, let. a et c, révPPM)

L'actuel art. 75, let. a, accorde aux époux, mais non aux personnes menant une vie de couple, le droit de refuser de témoigner. Cette disposition vise à éviter au témoin un problème de conscience s'il doit choisir entre son devoir de déposer conformément à la vérité et sa loyauté envers son partenaire. Un témoin peut donc refuser de déposer contre son partenaire. Selon l'opinion communément admise, le droit de refuser de témoigner ne doit plus être réservé aux seuls époux, mais être accordé à toutes les personnes qui vivent maritalement. La formulation «partenaire actuel» correspond à celle de l'art. 176, al. 1, let. a, AP CPP. Elle englobe les couples hétérosexuels et homosexuels.

L'art. 75, let. c, PPM donne le droit de refuser de témoigner aux personnes qui allèguent d'une manière digne de foi que leurs réponses les exposeraient ou exposeraient l'un de leurs proches à des poursuites pénales ou à un grave préjudice. Ce droit vise à protéger le témoin et ses proches d'un tort moral et de préjudices matériels93. En cas de mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle, le grave préjudice au sens de cette disposition est réalisé et la personne concernée peut s'en prévaloir pour refuser de témoigner94.

Le droit de refuser de témoigner peut être considéré comme une des nombreuses possibilités de protection des témoins. Du point du vue du témoin, il s'agit d'un moyen de protection particulièrement efficace, car il réduit considérablement le danger. Sous l'angle de l'intérêt public à une poursuite pénale efficace, le refus de témoigner est cependant une mesure de protection qui peut réduire à néant un moyen de preuve95. Il faut par conséquent inciter le témoin afin qu'il renonce à exercer son droit de ne pas témoigner et contribue ainsi, par sa déposition, à une poursuite pénale efficace. Les art. 98a à 98d définissent des mesures incitatives.

93 94 95

722

Cf. Robert Hauser, Der Zeugenbeweis, Zurich 1974, p. 163, 167 à 175.

Cf. par exemple Landshut (note 51), p. 117 ss.

Cf. par exemple Hug (note 7), p. 409 ss.

Si des mesures visant spécifiquement à assurer l'anonymat, selon les art. 98b à 98d du présent projet, sont accordées au témoin en fonction du danger qu'il court et qu'elles sont objectivement propres à empêcher la réalisation de la menace, le témoin ne peut plus refuser de témoigner. Si l'Etat est lié à sa promesse de discrétion (art. 98c, al. 4, révPPM), le témoin doit être lié à son obligation de témoigner.

Si, malgré les mesures de protection garanties, le témoin refuse de déposer , il est passible des sanctions pénales prévues à l'art. 82 PPM. Il serait abusif d'accorder à un témoin des mesures de protection objectivement insuffisantes et de le priver, en conséquence, du droit de refuser de témoigner prévu par l'art. 75, let. c, PPM.

2.1.3

Renvoi aux nouvelles dispositions des art. 10a à 10d LAVI (art. 84a révPPM)

Le 23 mars 2001, le Parlement a arrêté la modification de la LAVI qui introduit les art. 10a à 10d (voir ch. 1.5.1). Ces dispositions visent à améliorer la position procédurale des victimes âgées de moins de 18 ans et permettent d'éviter leur confrontation avec le prévenu en cas d'infractions, notamment contre l'intégrité sexuelle. On a malheureusement omis de compléter par un renvoi aux art. 10a à 10d LAVI l'art. 84a PPM, qui rend applicables les art. 5 à 7, 8, al. 2 et 10, LAVI dans la procédure pénale militaire. Cet oubli doit être réparé à l'occasion de la présente révision, afin de rendre les art. 10a à 10d LAVI également applicables dans la procédure pénale militaire.

2.1.4

Titre de la nouvelle section 14a et art. 98a révPPM: Principe

La nouvelle section 14a, qui précède l'art. 98a révPPM, fait référence aux participants à la procédure, car, en conséquence de l'élargissement de la notion de témoin (cf. ch. 1.2.), toutes les personnes qui déposent dans le cadre d'une procédure pénale en vue d'établir des faits ou qui participent à une telle déposition doivent le cas échéant être protégées. Cette idée est reprise à l'art. 98a révPPM qui mentionne toutes les personnes entendues pouvant bénéficier de mesures de protection. C'est article est la base légale qui permet d'ordonner des mesures de protection pour tous les participants au procès et plus uniquement pour le tribunal et les accusés (cf. art. 48 à 50 PPM). Les témoins par profession sont également visés par cette disposition, même si leur emploi est réglé dans la LFIS. En outre, les mesures de protection peuvent être prises pour les témoins à charge ou à décharge. La protection des témoins à charge est cependant beaucoup plus fréquente.

Du point de vue de la systématique, les nouvelles dispositions suivent les articles traitant des participants à la procédure auxquelles elles s'appliquent et avant les articles concernant les participants qui ne sont par concernés. Elles sont donc insérées après les art. 74 à 98 PPM concernant les témoins, les tiers appelés à fournir des renseignements, les victimes, les experts, les interprètes et les traducteurs, mais avant l'art. 99 PPM qui concerne les défenseurs. Les nouveaux art. 98a à 98d seront intégrés dans la section 14a entre les art. 98 et 99 PPM.

723

L'art. 98a révPPM est la disposition de principe de la protection des témoins de la section 14a PPM. Elle permet de prendre toutes les mesures de protection possibles et appropriées pour contribuer à la protection des personnes menacées, à l'exception des mesures de protection spécifiques prévues aux art. 98b à 98d révPPM. Elle est donc la clause générale applicable aux mesures de protection des témoins. Les mesures particulières, notamment la garantie de l'anonymat, qui sont une atteinte importante aux droits de la défense, sont liées à des conditions particulières, définies à l'art. 98b révPPM. Cette approche est différente de celle de l'AP CPP. Selon l'art. 98b rév PPM, la garantie de l'anonymat, qui a des répercussions particulières sur les droits de la défense, ne doit être accordée qu'aux témoins et aux tiers appelés à fournir des renseignements, qui sont irremplaçables, à l'exclusion des autres participants à la procédure, qui eux, peuvent être remplacés s'ils sont menacés.

La participation à la procédure doit impliquer un danger afin que des mesures de protection puissent être ordonnées. La formulation souple de l'art. 98a révPPM permet d'agir en cas de menace contre la vie et l'intégrité corporelle et d'autres préjudices graves, mais également de prendre des mesures de protection adéquates, généralement accessoires et sans répercussions sur les droits de la défense ou pouvant être compensées sans difficultés, en cas de menace moins grave. En cas de danger, des mesures de protection peuvent être prises, avant toute participation à la procédure, notamment avant toute déposition. On a volontairement renoncé à imposer une limite de temps pour la prise de mesures de protection. Certes, le juge d'instruction ou le président du tribunal ne saurait ordonner des mesures de protection des années après que cela soit nécessaire. Les mesures de protection ne doivent cependant pas être limitées à la clôture formelle de la procédure. Le cas échéant, d'autres autorités doivent pouvoir continuer de prendre des mesures aussi longtemps que nécessaire.

2.1.5

Garantie de l'anonymat, conditions (art. 98b révPPM)

L'anonymat comprend tous les cas pour lesquels aucune relation ne peut être établie entre l'identité et les caractéristiques d'une personne. Par conséquent, cette définition ne comprend pas seulement les cas où l'identité, l'apparence et les caractéristiques sont gardées secrets, mais aussi ceux où l'apparence du témoin est connue, mais où la divulgation de son identité doit être est empêchée. La garantie de l'anonymat désigne les mesures de protection des témoins, ou l'assurance que ces mesures seront prises, qui permettent de garder secrète l'identité du témoin et empêchent que celle-ci soit découverte involontairement ou fortuitement. Le choix du terme «garantie de l'anonymat», plutôt que celui d'«anonymat» indique que l'anonymat ne peut jamais être garanti absolument. Si, par exemple, une personne menacée n'a pas suffisamment protégé son identité à l'égard de tiers avant l'octroi de la protection, l'anonymat absolu ne peut plus être garanti. La seule chose qui puisse être garantie est que l'identité du témoin ou du tiers appelé à fournir des renseignements sera tenue secrète pendant la procédure pénale et que l'anonymat sera préservé durant toute la procédure. Cette formulation signifie que l'état ne répond pas de la divulgation par négligence de son identité par la personne concernée, avant que la garantie ne soit donnée. L'AP CPP traite également de l'octroi de la garantie de l'anonymat (cf. art. 162).

724

La formulation «à un témoin ou à un tiers appelé à fournir des renseignements afin qu'il ne puisse être identifié par les personnes pouvant le mettre en danger», indique que le droit à l'anonymat n'existe pas à l'égard des autorités, notamment du juge d'instruction ou du tribunal, pour lesquelles l'identification est essentielle. Toutefois, l'identité ne sera révélée que si nécessaire. Lorsque le tribunal est composé de cinq juges, comme le tribunal de division, il suffit que l'identité réelle soit connue du président du tribunal (cf. ch. 2.1.7 ad art. 98d, al. 2, révPPM). Moins les personnes sont nombreuses, plus la probabilité que les informations resteront secrètes est grande. Dans l'affaire F. N., seul le président du tribunal connaissait le nom du témoin. D'autre part, la phrase introductive de l'art. 98b révPPM précise que l'identité doit être tenue secrète à l'égard de toutes les autres personnes qui représentent un danger.

L'art. 98b, let. a, révPPM prévoit que la garantie de l'anonymat peut être donnée si la procédure porte sur une infraction passible de plus de cinq ans de réclusion. Cette formulation s'écarte de celle de l'art. 160, al. 1, AP CPP. Etant donné que l'anonymat des témoins est une atteinte grave aux droits de la défense (cf. ch. 1.1.3.4. et 1.1.3.5.), il ne devrait pas être garanti lorsque la procédure porte sur une infraction mineure et que les mesures selon l'art. 98a révPPM, qui ne restreignent pas les droits de la défense, peuvent être ordonnées. Les mesures extraordinaires ne se justifient que lorsque la situation est extraordinaire96. La garantie de l'anonymat se fonde sur l'intérêt de la poursuite pénale à obtenir des moyens de preuve. Cet intérêt est prépondérant par rapport à l'exercice illimité des droits de la défense, mais n'existe en règle générale qu'en cas d'infractions particulièrement graves, telles que les crimes graves passibles de plus de cinq ans de réclusion. Il s'agit avant tout des infractions suivantes: ­

96

le meurtre, l'assassinat et le meurtre passionnel (art. 115 à 117 CPM);

­

les lésions corporelles graves (art. 121 CPM);

­

le brigandage (art. 132 CPM), ainsi que les formes qualifiées de l'abus de confiance (art. 130, ch. 2, CPM), du vol (art. 131, ch. 3 et 4, CPM), de l'escroquerie (art. 135, al. 4, CPM), de l'extorsion et du chantage (art. 137a, ch. 2, CPM), du recel (art. 137b, ch. 2, CPM), du pillage (art. 139, ch. 2, CPM) et du brigandage de guerre (art. 140, al. 2, CPM);

­

la prise d'otage qualifiée (art. 151c, ch. 3, CPM), mais pas la séquestration et l'enlèvement (art. 151a CPM);

­

la contrainte sexuelle, le viol ainsi que les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 153 à 155 CPM);

­

l'incendie intentionnel, l'explosion, les infractions perpétrées au moyen d'explosifs (art. 160, 161, 162 et 164 CPM);

­

les formes qualifiées de certaines infractions et les infractions commises en temps de guerre, telles que la désobéissance, la mutinerie, la lâcheté, la capitulation, l'espionnage, la trahison militaire, les services rendus à l'ennemi (art. 61, 63, 74, 75, 86 à 91 CPM); Selon l'AP CPP, l'anonymat peut être garanti en cas d'infractions de moyenne importance, cf. rapport explicatif relatif à l'AP CPP (note 62), p. 118.

725

­

les infractions graves contre le droit des gens en cas de conflit armé (art. 109 CPM).

La garantie de l'anonymat est une mesure de protection spécifique que ne s'applique qu'aux témoins et aux tiers appelés à fournir des renseignements97. Comme nous l'avons dit plus haut98, elle peut restreindre considérablement les droits de la défense. Elle ne devrait donc être accordée que lorsqu'il existe un intérêt public important, c'est-à-dire quand l'efficacité de la poursuite pénale repose sur un témoignage. Alors que les autres participants à la procédure, tels que les traducteurs et les experts, sont en général protégés du fait qu'on peut les remplacer, les témoins et les tiers appelés à fournir des renseignements sont irremplaçables si on veut poursuivre la procédure pénale. L'expérience a montré que lors des procès pour crimes de guerre les témoins craignent pour leur sécurité et celle de leurs proches. Ils attendent donc en règle générale que la direction de la procédure leur accorde la garantie de l'anonymat pour déposer sur les événements qu'ils sont seuls à connaître. Pour inciter les personnes menacées à collaborer ou à déposer, les autorités de poursuite pénale doivent pouvoir garantir l'anonymat des témoins et des tiers appelés à fournir des renseignements.

La protection prévue par l'art. 98b révPPM est plus restreinte que celle qui découle de l'art. 98a révPPM et de l'art. 160, al. 1, AP CPP. Elle ne peut être accordée qu'aux témoins et aux tiers appelés à fournir des renseignements et pas aux autres participants à la procédure. Si les mesures générales de protection selon l'art. 98a révPPM ne suffisent pas à protéger le personnel du tribunal, les traducteurs ou les experts, ils seront remplacés. Les parties, telles que les témoins qui participent également en tant que partie civile ou défenseurs, ne sont pas visées par l'art. 98b. La position procédurale de la partie est inconciliable avec la garantie de l'anonymat. On ne peut pas exercer les droits de la partie sans être identifiable. Si une partie civile se sent menacée, elle doit choisir entre le statut de témoin et être protégée le cas échéant et celui de partie qui dépose sans garantie de l'anonymat ou sans mesure de protection et faire valoir ses prétentions civiles. En outre, si l'infraction a été commise en Suisse, une indemnisation ou une réparation morale selon la LAVI peuvent être demandées pour un témoin, un tiers
appelé à fournir des renseignements ou une partie s'il est la victime au sens de la LAVI d'une infraction commise en Suisse, ou est un proche de la victime et rencontre des difficultés économiques du fait de l'infraction. Enfin, les mesures de l'art. 98d révPPM, qui sont ordonnées pour garantir la protection des témoins, doivent remplir les conditions de l'art. 98b révPPM.

Si ces conditions ne sont pas remplies, il est possible de prendre des mesures visant à éviter la confrontation entre la victime et le prévenu selon l'art. 5 LAVI.

Si la procédure pénale porte sur un crime grave selon l'art. 98b, let. a, révPPM et que les autres conditions sont également réunies, des mesures de protection des témoins peuvent être garanties, et ceci indépendamment du fait qu'un témoin le demande ou que le juge d'instruction ou le président du tribunal agisse d'office. Seules des mesures appropriées selon l'art. 98d révPPM peuvent être ordonnées.

97 98

726

Cf. cependant art. 160, al. 1, AP CPP, ainsi que le rapport explicatif, selon lequel l'anonymat des traducteurs et des experts doit également pouvoir être garanti.

Cf. ch. 2.1.4.

Tandis que la let. a définit l'objet de la procédure, la let. b établit les conditions auxquelles l'anonymat peut être garanti.

Le témoin ou le tiers appelé à fournir des renseignements doit être exposé, ou exposer l'un de ses proches (cf. art. 75, let. a, PPM), à un danger du fait de sa déposition.

Etant donné que l'anonymat peut restreindre considérablement les droits de la défense, le préjudice pour le témoin doit être suffisamment important pour justifier cette atteinte. La notion de «biens juridiquement protégés» est plus générale que la formulation de l'art. 160, al. 1, AP CPP et de l'art. 98b, let. a, révPPM. Elle décrit la nature du danger auquel doit être exposé le témoin pour que lui soit garanti l'anonymat: il doit s'agir d'une atteinte grave à l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, ou aux moyens d'existence. Contrairement à l'art. 160, al. 1, AP CPP, l'art. 98b, let. b, révPPM exige que l'exposition à un danger sérieux soit vraisemblable. C'est le cas lorsque la déposition peut objectivement provoquer un danger.

La notion de «sérieux» indique que le danger doit être concret et qu'un danger éloigné ou abstrait ne suffit pas à fonder des mesures de protection des témoins.

2.1.6

Procédure (art. 98c révPPM)

L'autorité compétente pour l'octroi de la garantie de l'anonymat est le juge d'instruction ou le président du tribunal saisi de la cause si la nécessité de prendre des mesures de protection des témoins est établie à un stade ultérieur de la procédure (art. 98c, al. 1, révPPM). La garantie de l'anonymat est donnée en premier lieu par le juge d'instruction parce qu'il est, en règle générale, le premier à entendre le témoin et que ce dernier refuse de déposer avant d'avoir cette garantie. S'agissant des témoins à décharge, le président du tribunal peut être compétent dès le stade de l'instruction pour ordonner des mesures de protection, notamment lorsque des témoins à charge et à décharge sont menacés et que la compétence du juge d'instruction pour les deux groupes de témoins pourrait conduire à des difficultés.

La garantie de l'anonymat déploie un effet immédiat. Les mesures de protection peuvent être prises sans délai, notamment en ce qui concerne la tenue du dossier de l'instruction. Elles sont valables pour toutes les étapes de la procédure et tous les participants. Lorsqu'elles ont été examinées et approuvées par l'autorité compétente, le président du TMC (art. 98c, al. 4, révPPM), elles sont contraignantes et irrévocables (al. 4; cf. ch. 1.6.2). L'approbation porte sur la garantie de l'anonymat en tant que telle, et non pas sur la nature des mesures ordonnées et leur mise en oeuvre. Le tribunal ne peut procéder à l'audition d'un témoin auquel l'anonymat a été garanti que lorsque l'approbation a été donnée (art. 98c, al. 3, 2e phrase, révPPM). Le tribunal de première instance doit dès lors attendre que l'approbation ait été donnée par l'instance compétente pour procéder à l'audition des témoins.

L'autorité qui garantit l'anonymat doit demander l'approbation du président du TMC ou de son remplaçant (voir ch. 2.1.1) dans un délai de 30 jours. Les éléments nécessaires à l'appréciation du bien-fondé de la garantie doivent également être transmis au président du TMC. Seules les informations qui ont motivé l'octroi de la garantie doivent être soumises à l'autorité d'approbation. Il n'est pas nécessaire de transmettre le dossier complet, parce que l'examen deviendrait trop compliqué et trop long. Pour pallier le manque d'informations, le président du TMC ou son remplaçant peut exiger des renseignements complémentaires ou d'autres pièces 727

(art. 98c, al. 2, révPPM). Si l'approbation de la garantie n'est pas demandée dans le délai de 30 jours, les déclarations recueillies sous garantie de l'anonymat sont inexploitables; les procès-verbaux sont retirés du dossier pénal, conservés jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruits (art. 98c, al. 3, 1re phrase, révPPM).

Il est cependant possible de redonner la garantie de l'anonymat, de la faire approuver et de répéter les auditions.

Lors de l'examen du bien-fondé de la garantie de l'anonymat, le président du TMC ou son remplaçant procède, conformément à l'art. 98d, al. 2, révPPM, à la pesée des intérêts du prévenu, de la poursuite pénale et des témoins menacés. Lorsque l'approbation a été donnée, la garantie de l'anonymat lie toutes les autorités saisies du dossier et ne peut plus être annulée (art. 98c, al. 4, révPPM)99. Si le président du TMC refuse l'approbation, les déclarations déjà recueillies sous la garantie de l'anonymat ne peuvent plus être exploitées. De plus, les procès-verbaux d'audition et les conclusions qui en ont été tirées sont retirés du dossier pénal, conservés séparément sous clé jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruits (art. 98c, al. 3, 1re phrase, révPPM)100. Si le témoin refuse de déposer sans mesure de protection, ce moyen de preuve disparaît.

Aucun délai n'est imparti au président du TMC ou à son remplaçant pour décider de l'approbation. La décision doit toutefois survenir aussi rapidement que possible, car il convient d'éviter qu'une procédure importante et complexe échoue parce que le président du TMC ne peut examiner de manière approfondie la garantie de l'anonymat dans un certain délai. Cette approche vise à garantir la qualité de la décision d'approbation.

La décision d'approbation du président du TMC ou de son remplaçant est définitive.

Une fois approuvée, la garantie de l'anonymat lie toutes les autorités saisie et ne peut plus être annulée; elle est irrévocable (art. 98c, al. 4, révPPM)101. La situation au moment de l'octroi de la garantie est déterminante pour l'évaluation de la menace. Le fait que la menace peut changer et ne plus exister au moment du jugement ne doit pas conduire à la levée de l'anonymat sans que le témoin ne donne son consentement. Une garantie de l'anonymat obtenue de manière illégale lie également
les autorités et est aussi irrévocable, afin d'assurer la sécurité du droit. Lorsque le témoin décide de déposer, il doit pouvoir se fier à la garantie de l'anonymat. Mais, si celle-ci présente des défauts, qu'elle a été obtenue d'une manière illégale ou qu'elle a été accordée en méconnaissance de la situation, les dépositions recueillies sont nulles. Si le tribunal compétent ne peut révoquer une garantie de l'anonymat, il peut toutefois examiner lors de la procédure probatoire les circonstances dans lesquelles elle a été donnée et approuvée, et, en cas de défauts, déclarer que la déposition ne peut pas être retenue. La personne protégée peut, dans de tels cas, déroger à la règle de l'irrévocabilité et renoncer à la garantie de l'anonymat pour déposer en justice comme un témoin «ordinaire». Le témoin protégé peut aussi renoncer à la garantie de l'anonymat dans l'intérêt de la poursuite pénale si sa déposition est le moyen de preuve unique ou déterminant et qu'une déposition anonyme conduirait à un verdict d'acquittement conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme.

99 100 101

728

Cf. art. 162, al. 4, AP CPP et rapport explicatif (note 62), p. 119.

Cf. art. 162, al. 3, AP CPP.

Cf.art. 162, al. 4, AP CPP.

Il n'est toutefois pas concevable de modifier ou de révoquer la garantie de l'anonymat s'il s'avère qu'elle n'est plus nécessaire ou qu'elle a été obtenue abusivement.

Si le témoin sait que la garantie peut être révoquée sans son accord pendant la procédure, il ne sera pas disposé à déposer. De plus, le droit suisse, contrairement à celui des tribunaux pénaux internationaux, ne prévoit pas de programme de protection des témoins pouvant assurer la sécurité d'un témoin dont l'identité a été divulguée102. Les mesures de protection, même si elles ne sont plus nécessaires ou qu'elles ont été obtenues abusivement, ne peuvent pas être révoquées lorsqu'on ne peut exclure qu'il en résulterait un danger sérieux pour le témoin ou ses proches. Si la garantie de l'anonymat a été obtenue abusivement ou que les mesures de protection ne sont plus nécessaires, les droits de la défense sont lésés d'une manière injustifiée et disproportionnée. Lorsque le tribunal compétent arrive à cette conclusion lors de la procédure probatoire, il ne peut pas révoquer la garantie de l'anonymat, mais constate que la déposition concernée ne peut pas être utilisée comme preuve et l'écarte de la procédure. De plus, le témoin qui a induit abusivement l'autorité compétente à lui garantir l'anonymat devra, le cas échéant, répondre d'un délit contre l'administration de la justice (art. 176 à 179a CPM).

Les mesures de protection doivent être mises en oeuvre dès leur approbation, si elles ne l'étaient pas déjà. Il est inadmissible de faire approuver des mesures de protection pour ne les mettre en oeuvre que des semaines, voire des mois, plus tard103.

2.1.7

Mesures (art. 98d révPPM)

L'al. 1 énumère de manière exhaustive les mesures ou catégories de mesures qui peuvent être prises pour garantir l'anonymat104. Aucune autre mesure, issue de la pratique, ne peut être ajoutée à celles qui sont prévues aux let. a à g. La restriction considérable aux droits de la défense que représentent ces mesures exige que les catégories soient fixées par le législateur et non par la jurisprudence. Cependant, pour un groupe de mesures, comme celui de la let. d («modifier l'apparence et la voix de la personne entendue ou camoufler celle-ci»), diverses possibilités de mises en oeuvre sont admissibles. Ainsi, l'emploi d'un paravent dans la salle du tribunal pour cacher le témoin; l'audition du témoin dans une autre salle et la diffusion de cette audition dans la salle du tribunal par des moyens audiovisuels; l'emploi de moyens techniques pour modifier l'apparence ou la voix. Les diverses mesures énumérées à l'al. 1 peuvent également être combinées. Ainsi, afin de garantir l'anonymat, le droit de la défense de consulter les pièces du dossier est généralement limité (let. f). Cette mesure ne permet pas à elle toute seule d'assurer la protection du témoin. Il faut donc prévoir l'une ou l'autre mesure complémentaire, comme l'audition de la personne sans révéler son nom (let. c). Il est également possible d'appliquer d'autres dispositions de la PPM, comme le huis clos selon l'art. 48 PPM, en plus de celles qui sont prévues à l'art. 98d révPPM.

102 103

Voir ch. 1.4.1.2.

Cf. décision de la CEDH du 14.2.2002, affaire Visser c/ Pays-Bas, recours no 26668/95, § 47.

104 A comparer toutefois avec l'art. 161, al. 2, AP CPP et le rapport explicatif (note 62), p. 118, selon lesquels les mesures de protection ne sont pas exhaustives.

729

La let. a permet, le cas échéant, de procéder aux auditions en l'absence des parties.

L'interrogatoire peut, par exemple, se dérouler en l'absence du prévenu, mais avec la participation de son avocat. Dans certaines circonstances exceptionnelles, la participation du prévenu et de son avocat peut être exclue. Le cas échéant, le représentant de l'accusation peut également être exclu d'une audition aux débats. L'exclusion des parties lors de l'audition, notamment celle du prévenu et de son avocat, est une mesure particulièrement restrictive étant donné qu'elle empêche la perception immédiate de la façon dont l'audition se déroule, des réactions, des mimiques et du langage corporel du témoin pendant sa déposition et prive ainsi l'évaluation de la crédibilité des témoins. Les procès contre les terroristes de la «Rote Armee Fraktion» (RAF) en Allemagne ont montré qu'il n'est pas exclu que la défense transmette des informations sensibles à des personnes dangereuses. Il faut donc pouvoir, à titre exceptionnel, exclure le défenseur de l'audition devant le tribunal.

La let. b permet au tribunal de vérifier, en l'absence des parties, l'identité de la personne entendue, tandis que la déposition proprement dite a lieu en présence des parties. Ainsi, pour l'affaire F. N., les témoins ont été identifiés par le président du tribunal dans une autre pièce, puis ont été entendues dans la salle du tribunal sans que leur identité et d'autres signes distinctifs soient révélés.

La let. c prévoit expressément qu'une audition peut avoir lieu sans révéler de nom, en dérogation à l'établissement des circonstances personnelles prévues à l'art. 80 PPM. Cette mesure de protection est fréquemment prise en plus des mesures prévues aux let. b et f. L'anonymat peut être assuré par des pseudonymes, des numéros ou d'autres moyens adaptés, selon l'appréciation de l'autorité compétente.

La let. d permet l'utilisation de moyens techniques ou autres afin d'assurer une protection optique et acoustique et la modification de l'apparence et de la voix. Un visage peut être rendu méconnaissable notamment par le maquillage, une perruque ou des lunettes noires. On peut modifier la voix en plaçant une pièce d'étoffe devant la bouche ou en déformant les sons lors de la retransmission audio105. Attendu que, dans l'intérêt de la défense et de
l'équité de la procédure, il est préférable que le témoin comparaisse devant le tribunal même masqué à la vue, et dépose en personne en présence de la défense plutôt que par écrit ou verbalement en l'absence de celleci (cf. let. a et e), les mesures prévues à la let. d sont capitales106. Le choix des moyens adéquats est laissé à l'appréciation de l'autorité compétente.

La let. e prévoit que l'on peut exceptionnellement lire aux débats, en lieu et place d'une audition, les déclarations faites devant le juge d'instruction par la personne entendue. Cette mesure, comme celle prévue à la let. a, est une restriction particulièrement importante des droits de la défense car elle empêche celle-ci d'évaluer ou de remettre en question la crédibilité personnelle du témoin au vu de sa déposition107.

La lecture du procès-verbal d'instruction ne doit avoir lieu que si l'interrogatoire lors des débats pourrait entraîner la levée de la garantie de l'anonymat.

La let. f établit que la restriction du droit de la défense de consulter les pièces du dossier peut être prolongée après la clôture de l'enquête ordinaire en dérogation à l'art. 110, al. 3, PPM. Cette restriction n'est cependant admissible que pour ce qui concerne l'identité des personnes protégées et les informations qui pourraient per105 106 107

730

Cf. ATF 125 I 149 ss.

Cf. ATF 125 I 127, 149 ss, 156.

Cf. ATF 125 I 127, 156.

mettre leur identification. La let. f ne permet aucune restriction générale de l'accès au dossier ou à certaines pièces. Au contraire, la consultation des dépositions, ou du moins de parties de celles-ci doit être assurée si elle ne compromet pas les mesures de protection108. Si cela n'est pas possible, il faut communiquer à la défense le contenu essentiel des dépositions. Les documents et les pièces inaccessibles en vertu de la let. f sont conservés sous pli scellé et rescellé après chaque consultation autorisée.

Après la clôture de la procédure, ils sont archivés avec le dossier sous plis scellé.

La let. g permet de procéder à un interrogatoire par écrit en lieu et place d'une audition aux débats. Ainsi, les questions et les réponses, peuvent être posées ou données par écrit. Cette mesure est généralement prise lorsque la personne entendue a une particularité telle qu'un défaut de prononciation qui la rend identifiable et ne peut pas être cachée d'une autre manière109 ou si le contenu de la question permet d'identifier la personne interrogée.

L'al. 2 exige la pesée des intérêts du prévenu, de la poursuite pénale et de la personne à protéger lorsque les mesures de protection sont décidées110. Les mesures ordonnées doivent respecter le principe de la proportionnalité; elles doivent être appropriées à la protection envisagée, être proportionnée à la limitation des droits de la défense et être la mesure la plus légère permettant d'atteindre la protection recherchée. Le nombre des mesures de protection doit être raisonnable et approprié du point de vue personnel et temporel. Le type, la durée, l'intensité et l'étendue des mesures de protection détermine le degré de restriction des droits de la défense. Une atteinte aux droits de la défense n'est justifiée que si elle semble nécessaire à la protection de la personne entendue, qu'il existe un intérêt public essentiel ou prépondérant à la poursuite pénale et qu'il est impossible de renoncer à la poursuite pénale faute de témoignage (cf. ch. 2.1.6). Les droits de la défense, y compris le droit d'être entendu garanti par l'art. 29, al. 2, Cst., ne peuvent donc être limités que dans la mesure indispensable pour assurer la protection des témoins.

La restriction des droits de la défense découlant des mesures de protection est compensée par des mesures
compensatoires111. Afin que l'autorité compétente pour ordonner les mesures de protection puisse se conformer à cette exigence, elle doit tout d'abord constater et évaluer la menace, examiner les mesures de protection possibles et prendre en considération les possibilités de compensation existantes. Si les droits de la défense ne peuvent pas être compensés suffisamment et que l'équité des procès, fondée sur l'efficacité de la défense, n'est pas assurée, il faut renoncer à la déposition de la personne menacée, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l'homme (cf. ch. 1.1.3.5)112.

Les relations entre les mesures de protection et la sauvegarde des droits de la défense sont complexes113. Ainsi, la déposition d'un témoin a d'autant moins de valeur que les droits de la défense ont été limités. Il est dans l'intérêt de la poursuite pénale que la protection du témoin menacé soit suffisante pour qu'il dépose, mais pas étendue au point de restreindre irréparablement les droits de la défense, car la 108 109 110 111

Cf. ATF 125 I 127, 146, 156 ss.

Cf. ATF 125 I 127, 150.

Cf. ATF 125 I 127, 155.

Cf. ATF 125 I 127, 139 consid. 6d/dd, 145 consid. 8, 151 ss consid. 9, 156 ss consid. 10a.

112 Cf. ATF 125 I 127, 157.

113 Cf. ATF 125 I 127, 155 ss consid. 10a, 157; ainsi que ci-dessus ch. 1.1.3.5.

731

déposition anonyme du témoin perdrait alors de sa valeur probatoire. L'audition d'un témoin caché au public lors des débats permet au moins aux parties et au tribunal d'évaluer la crédibilité de ses déclarations parce qu'ils perçoivent immédiatement son comportement lors de la déposition, ses réactions, ses mimiques, son langage corporel. La lecture des dépositions faites lors de l'instruction à la place d'une audition devant le tribunal empêche la défense d'évaluer par elle-même la crédibilité d'une déposition. Les droits de la défense sont considérablement restreints et la compensation par l'évaluation de la crédibilité sous la forme d'un interrogatoire mené par une tierce personne est pratiquement impossible. La situation est encore plus difficile en ce qui concerne la crédibilité personnelle du témoin anonyme ou caché.

Sa crédibilité ne peut en effet pas être contrôlée par la défense même lorsqu'il dépose devant le tribunal. La défense doit pouvoir se fonder sur des informations concernant la personne du témoin, sa personnalité, sa vie, sa famille, sa situation et ses relations privées et professionnelles. Elle a donc besoin des informations qui doivent être tenues secrètes s'agissant des personnes à protéger. La défense doit se limiter à contester la crédibilité du témoignage dans l'affaire en cause. C'est une restriction importante des droits de la défense qui peut être partiellement compensée. Le président du tribunal, qui connaît l'ensemble des pièces du dossier et l'identité du témoin qu'il peut entendre sans restriction, peut notamment faire un rapport écrit sur les connaissances, les expériences et les observations qu'il a accumulées lors de l'audition. Ce rapport permet à la défense d'évaluer, même indirectement, de la crédibilité du témoin114. Les connaissances, voire les preuves, obtenues au moyen des mesures compensatoires exigent à chaque fois une appréciation particulièrement circonstanciée par le tribunal, ainsi qu'un tri entre ce qui constitue dans le cas d'espèce un témoignage effectif et ce qui constitue une appréciation subjective115.

Selon l'al. 3, la personne qui procède à l'audition d'une personne protégée s'assure auparavant qu'il n'y a pas erreur sur la personne afin d'éviter toute confusion avec d'autres témoins ou des tiers116. Elle doit veiller à ne pas compromettre
l'anonymat garanti par cette vérification117. Le TPIR s'assure que la personne entendue est bien celle qu'il veut entendre au moyen du numéro, du pseudonyme ou de l'abréviation fictive qui a été attribué au témoin lorsque l'anonymat lui a été garanti et qui figure avec la véritable identité de la personne dans un document secret gardé sous clé par la cour. La personne est nommée par cet attribut lors des auditions ainsi que dans les procès-verbaux et les pièces du dossier. Au besoin, notamment au début de l'audition, le président du tribunal peut exclure les parties et le public, pour identifier la personne au moyen de l'attribut et du document secret. Il peut également se faire confirmer l'identité par le juge d'instruction chargé de l'enquête préliminaire ou par le président de l'instance précédente118.

L'al. 4 est la base légale des mesures d'assistance et de protection qui ne limitent pas les droits des parties, notamment de la défense. L'assistance et les conseils étendus dont ont bénéficiés les témoins originaires du Rwanda, en raison des différences culturelles, n'affectent pas les droits de la défense et doivent être possibles en vertu de l'al. 4. D'autres mesures de protection extra-procédurales, qui ne touchent ni les 114 115 116 117 118

732

Cf. ATF 125 I 127, 156 ss.

Cf. ATF 125 I 127, 157; Gnägi (note 51), p. 153 ss.

Cf. art. 162, al. 5, AP CPP.

Cf. ATF 125 I 127, 153 consid. 9c.

Cf. rapport explicatif de l'AP CPP (note 62), p. 119 ss.

droits de la défense ni les intérêts de la poursuite pénale, peuvent également se fonder sur cette disposition. Ces mesures neutres doivent pouvoir être ordonnées par l'autorité compétente, qui peut être une autorité administrative, notamment en matière d'assistance et de conseil, avant, pendant et après la procédure. La garantie de l'assistance d'un avocat pour les témoins ne fait en revanche pas partie des mesures neutres, car elle modifie les rapports entre les participants à la procédure. Contrairement à l'art. 161, al. 3, AP CPP, le conseil aux témoins n'est pas expressément réglé, car le système judiciaire suisse leur accorde une assistance suffisante.

2.2

Modification du code pénal militaire

2.2.1

Contexte

En 1967, la Suisse a révisé son code pénal militaire et rendu punissables les infractions contre le droit des gens en cas de conflit armé. La révision visait avant tout à satisfaire les obligations découlant de la signature des conventions de Genève (cf. ch. 1.1.4). Ces accords obligent les Etats parties à rechercher les auteurs d'infractions aux conventions, y compris les criminels de guerre présumés, quelle que soit leur nationalité, à les déférer devant leurs tribunaux ou à les remettre pour jugement à un Etat contractant intéressé à la poursuite pénale119. Cette formulation ne précise pas si c'est le principe de l'universalité du droit ou celui de la délégation de la poursuite pénale qui doit s'appliquer120. Ces deux principes visent à éviter que l'auteur de délits, que la communauté internationale a reconnus comme particulièrement graves, n'échappe à la poursuite pénale en fuyant dans un autre pays. On songe en particulier aux auteurs de génocides, de crimes de guerre, de traite des femmes, des enfants et des êtres humains, de détournements d'avions, ou d'actes de terrorisme violents121. Dans sa forme la plus pure, le principe de l'universalité implique que les Etats s'engagent réciproquement à poursuivre et à sanctionner les délits dont la gravité a été reconnue internationalement, indépendamment du lieu de commission, de la nationalité de l'auteur ou de la victime122, peu importe que l'extradition soit possible ou non123. La délégation de la poursuite pénale est, en revanche, caractérisée par le fait que l'obligation de poursuivre est subsidiaire, et que 119 120

121

122

123

Cf. p. ex. art. 50, al. 2, de la 2e convention de Genève (note 20) et art. 129, al. 2, de la 3e convention de Genève (note 20).

Cf. Dietrich Oehler, Internationales Strafrecht, 2e éd., Cologne 1983, p. 521; Kathrin Bremer, Nationale Strafverfolgung internationaler Verbrechen gegen das humanitäre Völkerrecht, Francfort 1999, p. 123 ss; Marc Henzelin, Le principe de l'universalité en droit pénal international, Bâle 2000, p. 351 ss, qui parle de «compétence de représentation».

Cf. p. ex. Michael Herdegen, Völkerrecht, Munich 2000, § 26 ch. 13; Stefan Trechsel/Peter Noll, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 5e éd., Zurich 1998, § 14 B.6., p. 61 ss; José Hurtado Pozo, Droit pénal, partie générale I, 2e éd., Zurich 1997, ch. 443.

Souvent, le «principe de l'universalité» se confond avec celui de la «compétence de représentation». Voir par ex. Jörg Rehberg/Andreas Donatsch, Strafrecht I, 7e éd., Zurich 2001, p. 40; Hurtado Pozo (op. cit.), p. 446 ss.

Cf. à cet égard Rehberg/Donatsch (note 121), p. 47 ss; Oehler (note 120), p. 497 ss et 519 ss; ATF 116 IV 247, p. 249 cons. 3; Bremer (note 120), p. 123 ss, 132 ss et 258 ss; Henzelin (note 120), p. 29; Hurtado Pozo (note 121), no 443 ss; Franz Riklin, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, Zurich 1997, § 8 no 34.

ATF 116 IV 247, p. 249 cons. 3.

733

la délégation de la poursuite pénale n'est possible que parce que l'extradition est exclue124. La délégation de la poursuite pénale découle de la primauté du principe de la territorialité en matière de compétence pénale125. En règle générale, c'est donc l'Etat du lieu de commission qui revendique la compétence de poursuivre. Conformément au principe de la délégation de la poursuite pénale, ce n'est que si l'Etat du lieu de commission ne peut ou ne veut engager les poursuites attendues par la communauté internationale qu'un autre Etat, généralement l'Etat du lieu de séjour de l'auteur, est appelé à prendre le relais. Il en va de même lorsque le droit de l'Etat de séjour s'oppose à l'extradition vers l'Etat du lieu de commission du délit, parce que l'auteur pourrait être exécuté ou subir une atteinte à son intégrité physique126.

L'extradition est alors inadmissible pour l'Etat requis. La délégation de la poursuite pénale est une sorte de principe de l'universalité subsidiaire127.

Le Conseil fédéral a, comme les conventions de Genève prévoient la possibilité d'extrader au lieu de juger, considéré les obligations qui en découlent comme l'obligation de juger ou d'extrader l'auteur présumé (aut judicare aut dedere), c'està-dire comme une obligation du type de la délégation de la poursuite pénale ou du principe de l'universalité subsidiaire128. Par ailleurs, l'obligation de poursuivre les ressortissants étrangers qui se sont rendus coupables hors de nos frontières de violations graves des conventions de Genève, des conventions de La Haye, d'autres accords internationaux ratifiés par la Suisse ou du droit coutumier international, présuppose toujours que les personnes concernées sont en Suisse de leur plein gré et qu'elles ont été arrêtées dans notre pays ou y ont été extradées129, une sorte de principe universel d'arrestation130. Cela étant, une base légale expresse paraissait inutile, ce d'autant plus que la Justice militaire se fonde en premier lieu sur le principe de la personnalité, qui interdit tout jugement prononcé par défaut ou par contumace dans les affaires où la compétence est revendiquée pour un acte commis à l'étranger131.

Le principe de l'universalité a été consacré dans la loi en 1975, sous la forme subsidiaire de la délégation de la poursuite pénale132. Selon l'art. 19, ch. 4, de la loi
du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)133, l'auteur d'une infraction commise à l'étranger, appréhendé en Suisse et qui n'est pas extradé, est punissable si l'acte est 124 125 126 127 128 129

130 131 132 133

734

ATF 116 IV 247, p. 249 cons. 3; cf. Hurtado Pozo (note 121), no 445.

ATF 108 IV 145 cons. 3; Rehberg/Donatsch (note 121), p. 49.

ATF 113 Ib 185 cons. 3; Hauser/Schweri (note 40), § 21.14; cf. également 3.2.

Cf. dans ce sens Henzelin (note 120), p. 29; Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, 5e éd., Berne 1995, § 5 no 21.

Cf. FF 1967 I 610 ss, 613; Bremer (note 120), p. 268 ss; Hurtado Pozo (note 121), no 443 ss.

Cf. FF 1967 I 610 ss, 613; ATF 116 IV 247, p. 249 cons. 3; FF 1995 IV 1078 ss et les art. 10 ss de l'arrêté fédéral du 21.12.1995 relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire (note 24); ATF 123 II 176 ss; Rehberg/Donatsch (note 121), p. 47; Hurtado Pozo (note 121), no 443; Stratenwerth (note 127), § 5 no 20; Wehrenberg (note 6), p. 3 ss; Andreas R. Ziegler, Die Kooperation der Schweiz mit den internationalen Strafgerichten der UNO, RPS 1997, p. 382 à 408, 386; Bremer (note 120), p. 268 ss.

La condition que l'auteur présumé a été appréhendé en Suisse n'est pas toujours mentionnée expressément. Cela étant, la possibilité d'extrader implique de manière intrinsèque le fait que l'auteur soit à disposition de l'Etat qui souhaite l'extradition.

Cf. dans ce sens Henzelin (note 120), p. 29.

ATF 108 IV 145 cons. 3; Rehberg/Donatsch (note 121), p. 46.

Cf. Riklin (note 122), § 8 no 34; Rehberg/Donatsch (note 121), p. 47 ss; Hurtado Pozo (note 121), no 447.

RS 812.121

réprimé dans le pays où il l'a perpétré. En 1981, la Suisse s'est également donnée la compétence expresse de juger les personnes qui ont été arrêtées sur son territoire suite à une prise d'otage commise à l'étranger et qui ne sont pas extradées (art. 185, ch. 5, CP)134. Dans la perspective de l'adhésion de la Suisse à la Convention européenne du 27 janvier 1977 pour la répression du terrorisme135, le législateur a élaboré l'art. 6bis CP en 1982. Il s'agit d'une norme générale qui a pour modèle les art. 240, al. 3, et 245, ch. 1, al. 4, CP. Une infraction commise à l'étranger est punissable dès lors que la Confédération s'est engagée à la poursuivre en vertu d'un traité international, que l'acte est réprimé dans l'Etat où il a été commis et que l'auteur se trouve en Suisse et n'est pas extradé vers un autre pays136. La législation suisse ne connaît le principe de l'universalité que sous une forme subsidiaire qui s'applique lorsque l'extradition n'est pas possible. Le principe de l'universalité a finalement été établi dans la forme de la délégation de la poursuite pénale (la poursuite est subsidiaire à une éventuelle extradition et implique que l'auteur se trouve dans notre pays) en 2000, lors de l'adoption de l'art. 264, al. 2, 1re phrase, CP sur le génocide.

En revanche, ni le principe de l'universalité ni celui de la délégation de la poursuite pénale ne figurent expressément dans le CPM. Il n'y a donc pas de disposition prévoyant l'arrestation en Suisse en vue de son jugement de l'auteur d'infractions contre le droit des gens en cas de conflit armé.

La législation belge est similaire. Les dispositions de 1993 et 1999 relatives à la répression des violations des conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels, des crimes contre l'humanité et du génocide posent le principe de l'universalité sans fixer la condition de l'arrestation de l'auteur en Belgique137. On en a déduit que la justice belge était aussi compétente pour juger de tels crimes lorsque l'auteur se trouve hors des frontières belges. De ce fait, des plaintes ont été déposées contres des politiciens et des hommes d'Etat étrangers, comme le chef du gouvernement israélien Ariel Sharon, le Président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat et l'ancien dictateur Augusto Pinochet. Dans un arrêt controversé de juin 2002, un tribunal
belge a toutefois refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée contre Ariel Sharon au motif que celui-ci ne se trouvait pas en Belgique. La question de la compétence universelle n'est pas définitivement réglée pour autant138.

Étant donné que les principes de l'universalité et de la délégation de la poursuite pénale sont consacrés dans le CP, notamment à l'art. 6bis (délégation de la poursuite pénale), mais pas dans le CPM, et au vu des graves problèmes d'application découlant de la formulation de la loi belge, la compétence de la justice militaire en matière de poursuite des criminels de guerre présumés doit absolument être précisée. Le CPM doit donc expressément prévoir que les étrangers ne sont punissables en Suisse 134

135 136 137

138

Cf. le message du 10.12.1979 concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Actes de violence criminels); FF 1980 I 1201, 1237; Stratenwerth (note 127), § 5 no 63.

RS 0.353.3 Cf. le message du 24.3.1982 concernant la Convention européenne pour la répression du terrorisme; FF 1982 II 1, 3 ss; Rehberg/Donatsch (note 121), p. 48.

Loi du 16.6.1993 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire (avec les amendements du 10.2.1999), art. 7, http://www.worldpolicy.org/americas/treaties/Belgique-loi.html.

Cf. NZZ no 131 du 9.6.2001, p. 5; Eugenio José Guilherme de Aragao, Grenzen des Weltrechtsgrundsatzes: Der Haftbefehl-Fall des IGH, Humanitäres Völkerrecht 2002, p. 77 à 88, 77 et 87 ss; http://news.findlaw.com/news/s/20020626/crimebelgiumsharondc.html.

735

pour des infractions commises à l'étranger que s'ils ont été arrêtés en Suisse. Sans une telle précision, on pourrait donc croire à tort, en lisant simplement le texte de loi, que le principe de l'universalité prévaut dans la justice militaire et qu'elle devrait donc mener également des procédures contre des étrangers qui se trouvent hors de nos frontières et qui sont soupçonnées d'avoir commis à l'étranger des infractions contre le droit des gens en cas de conflit armé. Dans le cadre de la révision en cours de la partie générale du CP et du CPM, il est prévu que l'art. 6bis CP devienne l'art. 6 CP. Aucune disposition correspondante n'est prévue dans le CPM. La consécration formelle de la situation juridique actuelle s'avère donc d'autant plus importante dans le CPM139. Il y a également lieu, en cas d'adoption de l'art. 9, al. 1bis, CPM, de reprendre cette disposition telle quelle à l'art. 10, al. 1bis, de la partie générale révisée du CPM.

2.2.2

A propos de l'art. 9, al. 1bis, CPM

2.2.2.1

Aperçu

Le nouvel art. 9, al. 1bis, CPM ne vise que les étrangers qui commettent à l'étranger une infraction contre le droit des gens en cas de conflit armé, au sens des art. 108 à 114 CPM. Ces personnes sont jugées par des tribunaux suisses si elles se trouvent dans notre pays et ne peuvent être extradées, ou déférées. En revanche, les ressortissants étrangers qui enfreignent en Suisse les art. 108 à 114 CPM répondent de leurs actes en vertu de l'art. 9, al. 1, CPM. Il en va de même des citoyens suisses, soumis au CPM, qui se rendent coupables d'infractions audit code à l'étranger. Ils tombent toujours sous le coup de l'art. 9, al. 1, CPM et peuvent être déférées aux tribunaux suisses, quel que soit leur lieu de séjour. La Suisse revendique en tous les cas la compétence primaire de juger ses ressortissants qui ont commis une infraction au CPM, en Suisse ou à l'étranger, ainsi que les étrangers qui ont commis un tel acte dans notre pays. En pareil cas, la Suisse requiert l'extradition de l'auteur de l'Etat de séjour ou d'arrestation alors qu'elle ne la demande pas pour des actes réprimés par le CPM lorsqu'ils ont été commis à l'étranger par des étrangers. A leur égard, la compétence de la justice suisse n'est que subsidiaire, notamment lorsque les auteurs se trouvent en Suisse et ne peuvent être extradés vers un Etat intéressé à la poursuite ou transférés à un tribunal pénal international.

139

736

Cf. message du 21.9.1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (FF 1999 1987, 2103 et 2173 ss).

2.2.2.2

Commentaire

Le renvoi à l'art. 2, ch. 9, CPM précise que seules les personnes soumises au CPM sont visées par l'art. 9, al. 1bis, CPM. Par civils, on entend tout civil suisse ou étranger de même que tout militaire étranger140. La restriction supplémentaire, posée à l'art. 9, al. 1bis, CPM vise à garantir que la situation des ressortissants suisses ne change pas et établit la nécessité de la présence sur le territoire suisse des étrangers.

D'un point de vue matériel, les personnes visées tombent sous le coup du CPM lorsqu'elles commettent une infraction contre le droit des gens en cas de conflit armé, au sens des art. 108 à 114 CPM, comme le précise le renvoi à l'art. 9, al. 1bis, CPM. Les art. 108 à 114 CPM rendent notamment punissables les infractions aux conventions internationales relatives au droit de la guerre et à la protection des personnes et des biens, telles que les conventions de Genève et de La Haye, que la Suisse a ratifiées141.

Sur le plan territorial, les ressortissants étrangers qui ont commis à l'étranger une infraction aux art. 108 à 114 CPM ne sont visés par l'art. 9, al. 1bis, CPM que lorsqu'ils séjournent en Suisse et ne peuvent être extradés à l'étranger ou être déférés à un tribunal pénal international. La présence sur le territoire suisse est une condition sine qua non de l'ouverture d'un procès en Suisse contre un auteur étranger ayant commis à l'étranger des infractions contre le droit des gens en cas de conflit armé.

Cette exigence est établie par la loi, la doctrine et la jurisprudence. La personne concernée doit donc séjourner de son plein gré en Suisse et y être arrêtée ou être extradée en Suisse. Les infractions perpétrées à l'étranger par des citoyens suisses, de même que toutes les infractions commises en Suisse aux art. 108 à 114 CPM, tombent sous le coup de l'art. 9, al. 1, CPM.

Les ressortissants étrangers ne sont déférés aux tribunaux militaires suisses en vertu de l'art. 9, al. 1, CPM que si l'extradition n'a pas été requise, n'est pas possible ou n'est pas admissible. Les motifs de refus de l'extradition, ainsi que les conditions posées par la Suisse à l'Etat requérant, sont notamment énumérés aux art. 32, 37 et 38 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP)142 et s'appliquent également aux cas d'extradition découlant du
CPM, en vertu de l'art. 1 EIMP. Seuls les ressortissants étrangers sont susceptibles d'être extradés. En outre, l'extradition sera refusée s'il y a des raisons de craindre que la tenue d'un procès équitable, conformément aux principes de procédure de la CEDH ou du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politi-

140

Même si l'art. 2, ch. 9, CPM parle expressément de «civils», il faut partir de l'idée en se basant sur le texte des Conventions de Genève (cf. note 20) et le message concernant la révision du CPM de 1967 («personnes», cf. FF 1967 I 613) que le CPM doit s'appliquer aux crimes de guerre commis par des civils suisses ou étrangers. Dans ce sens Dietrich Schindler, Fremde Kriegsverbrecher vor Schweizer Militärgerichten ?, NZZ du 14.4.1994, 24; Ziegler (note 129), 386. Le texte doit être précisé dans le cadre de la révision de la Partie générale du CPM (cf. message Partie générale du CPM (note 139), FF 1999 1803, 2009 et 2171).

141 Cf. Kurt Hauri, Militärstrafgesetz (MStG), Kommentar, Berne 1983, Remarques préliminaires relatives aux art. 108 à 114 CPM ainsi que les art. 108 ss; Peter Popp, Kommentar zum Militärstrafgesetz, Besonderer Teil, Saint-Gall 1992, avant l'art. 118 CPM et les art. 108 ss.

142 RS 351.1. Voir également Hauser/Schweri (note 40), § 21.13 ss.

737

ques143 (art. 2, let. a, EIMP)144 n'est pas assurée, que l'Etat requérant ne donne pas la garantie que le prévenu ne sera pas condamné à mort ou, si une telle condamnation a été prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée, ou que la personne poursuivie ne sera pas soumise à un traitement portant atteinte à son intégrité physique (art. 37, al. 2, EIMP). Pour la remise à un tribunal pénal international, il suffit que la Suisse reconnaisse ledit tribunal et que la remise ait été demandée. La reconnaissance est exclue à l'égard d'un tribunal qui n'offrirait pas toutes les garanties nécessaires quant à la tenue d'un procès équitable ou qui ne veillerait pas à ce que les conditions de l'extradition soient réunies et à l'absence de motif de refus. Le tribunal peut être reconnu dans une loi fédérale145, un arrêté fédéral146 ou dans un cas d'espèce.

La règle de l'art. 9, al. 2, CPM s'applique également aux cas visés par le nouvel art. 9, al. 1bis, CPM.

2.2.3

Rapport avec la révision totale de la partie générale du CPM

Lors de la révision totale de la partie générale du CPM, on a malheureusement omis d'inscrire dans la loi que les auteurs d'infractions contre le droit des gens commises à l'étranger à l'occasion d'un conflit armé doivent être arrêtés en Suisse pour que la justice militaire puisse ordonner une enquête147. Cette lacune doit être comblée dans le cadre de la présente révision. Si la partie générale du CPM entre en vigueur après la présente révision, l'art. 9, al. 1bis, CPM serait abrogé si son intégration dans la partie générale du CPM n'était pas expressément prévue. L'art. 9, al. 1bis, deviendra donc l'art. 10, al. 1bis, de la future partie générale du CPM.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour les finances et le personnel

Les conséquences pour les finances et le personnel de la Confédération devraient être modestes et facilement absorbées par les moyens disponibles, si la justice militaire reste compétente pour ce genre de procédures et que le temps nécessaire compte en tant que service militaire soldé. Le projet ne devrait avoir aucune conséquence pour les finances et le personnel des cantons et des communes.

Le procès du Rwandais F. N. a cependant démontré (cf. ch. 1.3.1) que les mesures de protection de témoins lors de procès pour crimes de guerre peuvent entraîner des frais importants en cas de procédure judiciaire. Cette affaire est toutefois la première depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral du 21 décembre 1995 relatif à la coopération avec les tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves du droit international humanitaire (cf. note 24), et la mise en oeuvre de l'obligation 143 144 145

RS 0.103.2 Cf. ATF 123 II 175 cons. 7.

Cf. loi fédérale du 22.6.2001 sur la coopération avec la Cour pénale internationale (LCPI; RS 351.6).

146 Cf. note 24.

147 Cf. message concernant la Partie générale du CP (note 139); FF 1999 1803, 2009 ss et 2173 ss.

738

internationale de poursuivre et de juger les crimes de guerre (cf. ch. 1.1.4). Le présent projet n'aura des conséquences importantes sur les finances et le personnel que si le nombre de procès pour crimes de guerre augmentait considérablement en Suisse. Cette probabilité est toutefois très faible et diminuera encore lorsque la Cour pénale internationale entrera en fonction.

3.2

Reconnaissance internationale de la Suisse

La justice militaire a poursuivi et jugé les criminels de guerre de manière exemplaire, avec un engagement énorme et une grande connaissance de la matière; l'affaire du Rwandais F. N. a eu un grand retentissement sur le plan international148.

La célérité et la compétence avec lesquelles la procédure a été menée ont été unanimement reconnues149.

L'image et la haute considération dont jouit la Suisse en tant qu'Etat de droit doté d'une justice compétente et efficace, garant des bons offices, dépositaire des conventions de Genève, siège du CICR et membre fondateur de la Cour pénale internationale doivent être entretenues. A cette fin, la Suisse doit pouvoir continuer à respecter ses engagements internationaux en matière de poursuite pénale et mener d'éventuelles procédures pour crimes de guerre de manière exemplaire.

4

Programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le programme de la législature 1999­2003.

L'étendue de la lacune normative de la PPM et la nécessité de nouvelles règles adéquates n'ont été mesurées qu'en avril 1997 lors d'un procès pour crimes de guerre.

Le projet de révision qui en découle ne peut être reporté, car d'autres procédures contre des criminels de guerre présumés sont pendantes devant la justice militaire.

Des mesures de protection de témoins peuvent s'avérer nécessaires dans ce type de procédures, même si elles finissent par être déférées, avec le dossier d'instruction et le criminel présumé, à un tribunal international, comme l'affaire du prêtre rwandais en septembre 2001150.

148

Cf. Dick Marty pour la Commission lors des délibérations concernant l'art. 264 CP sur la punissabilité du crime de génocide, BOCE session de printemps 2000, http://www.parlament.ch/ab/data/d/s/4602/8713/d_s_4602_8713_8722.htm.

149 Cf. Luc Reydams, Niyonteze v. Public Prosecutor, American Journal of International Law 2002, S. 231-236.

150 Cf. Markus Felber, Rukundo wird ausgeliefert, dans: Jusletter du 17.9.2001, http://www.weblaw.ch/jusletter/Artikel.jsp?ArticleNr=1304 avec renvoi à l'ATF non publié du 3.9.2001 (arrêt 1A.129/2001).

739

5

Bases juridiques

5.1

Constitutionnalité

Selon l'art. 60, al. 1, Cst., la législation militaire relève de la compétence de la Confédération. La promulgation et la modification des dispositions réglant la procédure pénale militaire font partie de la législation militaire.

La réglementation est conforme à la Constitution sur le plan matériel car elle vise à concilier aussi équitablement que possible le droit à la protection des participants à la procédure, les droits de la défense et l'intérêt de l'Etat à l'établissement de la vérité et à l'efficacité de la poursuite pénale.

5.2

Forme de l'acte à adopter

Selon l'art. 36, al. 1, Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale et les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les modifications proposées doivent, par conséquent, être inscrites dans une loi fédérale.

740

Table des matières Condensé

694

1 Partie générale 1.1 Contexte 1.1.1 Risque encouru par les témoins et importance de la preuve par témoignage 1.1.2 Nécessité de légiférer dans le domaine de la protection des témoins 1.1.3 Protection des témoins: conflits d'intérêts 1.1.3.1 Nécessité de protéger les témoins 1.1.3.2 Intérêts à la protection et obligation de protéger 1.1.3.3 Mesures de protection des témoins 1.1.3.4 Droits de la défense 1.1.3.5 Conflits d'intérêts et nécessité de la mise en balance des intérêts 1.1.4 Obligation internationale de la Suisse de poursuivre les crimes de guerre et les crimes de génocide 1.2 Les témoins et leur mise en danger 1.2.1 Définition du témoin 1.2.1.1 Les témoins occasionnels 1.2.1.2 Les victimes appelées à déposer 1.2.1.3 Les témoins par profession 1.2.1.4 Les participants entendus comme témoins 1.2.2 Mise en danger 1.3 Déroulement des travaux 1.3.1 Groupe de travail de l'auditeur en chef et enseignements tirés de la pratique 1.3.2 Commission d'experts «Protection des témoins» 1.3.3 Mandat de la commission d'experts 1.4 Relation avec d'autres projets législatifs 1.4.1 Unification de la procédure pénale en Suisse 1.4.1.1 Coordination avec les travaux d'unification 1.4.1.2 Unification matérielle 1.4.2 Loi fédérale sur l'investigation secrète (LFIS) 1.4.3 Modification du mandat de la commission d'experts 1.5 Situation juridique actuelle 1.5.1 Confédération: LAVI 1.5.2 Cantons 1.5.2.1 Cantons prévoyant des dispositions générales sur la protection des témoins 1.5.2.1.1 Berne 1.5.2.1.2 Fribourg 1.5.2.1.3 Bâle-Ville 1.5.2.1.4 Bâle-Campagne 1.5.2.1.5 Saint-Gall

695 695 695 695 696 696 696 697 697 698 699 701 701 702 702 702 703 703 704 704 705 705 706 706 706 707 707 708 709 709 711 711 711 711 712 712 712

741

1.5.2.1.6 Zurich 1.5.2.2 Cantons prévoyant des dispositions de protection des témoins en faveur des agents infiltrés et des informateurs 1.5.2.2.1 Thurgovie 1.5.2.2.2 Valais 1.5.2.3 Cantons sans réglementation de la protection des témoins 1.5.3 Etranger 1.5.3.1 Tribunaux des Nations Unies pour le Rwanda et l'exYougoslavie 1.5.3.2 Cour pénale internationale 1.5.3.3 Conseil de l'Europe 1.5.3.4 République fédérale d'Allemagne 1.6 Conception de la réglementation proposée 1.6.1 Les dispositions matérielles 1.6.2 Les garanties procédurales 1.7 Résultats de la procédure préliminaire 2 Partie spéciale 2.1 Modification de la procédure pénale militaire 2.1.1 Remplaçant du président du Tribunal militaire de cassation (art. 15, al. 3, révPPM) 2.1.2 Refus de témoigner (art. 75, let. a et c, révPPM) 2.1.3 Renvoi aux nouvelles dispositions des art. 10a à 10d LAVI (art. 84a révPPM) 2.1.4 Titre de la nouvelle section 14a et art. 98a révPPM: Principe 2.1.5 Garantie de l'anonymat, conditions (art. 98b révPPM) 2.1.6 Procédure (art. 98c révPPM) 2.1.7 Mesures (art. 98d révPPM) 2.2 Modification du code pénal militaire 2.2.1 Contexte 2.2.2 A propos de l'art. 9, al. 1bis, CPM 2.2.2.1 Aperçu 2.2.2.2 Commentaire 2.2.3 Rapport avec la révision totale de la partie générale du CPM

713 713 713 714 714 714 714 716 716 718 718 718 720 721 722 722 722 722 723 723 724 727 729 733 733 736 736 737 738

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour les finances et le personnel 3.2 Reconnaissance internationale de la Suisse

738 738 739

4 Programme de la législature

739

5 Bases juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Forme de l'acte à adopter

740 740 740

Procédure pénale militaire (PPM) (Projet)

743

742