02.078 Message relatif au nouveau régime financier du 9 décembre 2002

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de vous soumettre, en vous proposant de les adopter, l'arrêté fédéral sur le nouveau régime financier ainsi que l'arrêté fédéral sur le taux spécial de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations du secteur de l'hébergement.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 décembre 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

1388

2002-2338

Condensé Les principales ressources financières de la Confédération ­ l'impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ­ sont limitées dans le temps, à savoir jusqu'à la fin de 2006. Le nouveau régime financier (NRF) n'a pas d'autre but que de remplacer certaines dispositions constitutionnelles et d'introduire une nouvelle base constitutionnelle pour assurer les recettes de la Confédération pour la période allant au-delà de 2006.

Le nouveau régime financier vise trois objectifs: ­

garantir les deux principales ressources que sont la TVA et l'IFD;

­

mettre la Constitution fédérale à jour;

­

simplifier et améliorer le système fiscal.

Les modifications constitutionnelles proposées ne concernent que la TVA et l'IFD.

Concrètement, il s'agit des modifications suivantes: 1.

la suppression de la limitation dans le temps de la TVA et de l'IFD;

2.

la suppression de l'impôt fédéral direct sur le capital des personnes morales;

3.

l'adaptation du taux maximal de l'impôt fédéral direct applicable aux personnes morales au taux en vigueur qui s'élève à 8,5 %;

4.

la mise à jour et l'abrogation des dispositions transitoires concernant la TVA;

5.

la limitation de la TVA à un taux normal et à un taux réduit, assortie de la suppression définitive à fin 2006 du taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement.

La première mesure correspond au premier objectif précité, les mesures 2 à 4 concourent au deuxième. Quant à la suppression du taux spécial, elle tend à assurer la neutralité des impôts en matière de concurrence et à simplifier le système fiscal.

Il s'agit du troisième objectif.

Vu le caractère sensible de cet objet, le taux spécial applicable aux prestations du secteur de l'hébergement ne sera pas intégré dans le projet du nouveau régime financier proprement dit, mais sera soumis séparément.

Le nouveau régime financier est un projet de portée réduite, cela étant dû notamment au rejet par le peuple et les cantons, le 24 septembre 2000, de l'article constitutionnel sur une taxe incitative sur l'énergie non renouvelable. Suite au résultat de ce scrutin, le Conseil fédéral n'a pas jugé opportun de présenter aujourd'hui une nouvelle version de régime financier assorti d'incitations écologiques.

1389

Message 1

Partie générale

1.1

Point de la situation

1.1.1

Nécessité d'instituer une nouvelle base constitutionnelle

Les principales ressources de la Confédération que sont l'impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sont limitées dans le temps, soit jusqu'à la fin de 2006. A cette date, les dispositions constitutionnelles instituant ces deux impôts devront être remplacées par un nouveau régime financier constitutionnel (NRF) assurant les recettes de la Confédération au-delà de 2006.

Dans les lignes directrices des finances fédérales du 4 octobre 1999, le Conseil fédéral avait relevé que le nouveau régime financier offrait l'occasion de «procéder à des réformes fiscales supplémentaires», prévoyant notamment «l'introduction d'incitations écologiques»1 Dans la foulée, il avait proposé de soumettre l'énergie non renouvelable à une taxe dont le produit devait servir à réduire les charges salariales.

Dans le même temps, cette taxe incitative devait permettre d'élargir l'assiette fiscale.

Or en rejetant, le 24 septembre 2000, l'article constitutionnel relatif à une taxe incitative sur l'énergie non renouvelable, le peuple et les cantons en ont décidé autrement. Soucieux de respecter le verdict populaire, le Conseil fédéral a décidé de présenter un projet de nouveau régime financier dépourvu de toute réforme fiscale écologique. Toutefois, à plus long terme, le Conseil fédéral relancera le débat. Ainsi, les modifications du régime financier de la Confédération sont nettement moins importantes que prévu à l'origine.

1.1.2

Explication de la terminologie

Le ch. 3 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 s'intitule «Régime des finances». Cette réglementation des finances fédérales comporte trois volets fondés sur les art. 126 à 135, décrits ci-dessous:

1

Lignes directrices des finances fédérales: Objectifs, principes et instruments de la politique budgétaire du Conseil fédéral, 4 octobre 1999, p. 32.

1390

Régime des finances de la Confédération Art. 126 à 135 ainsi que 196 et 197 Cst.

Gestion des finances (art. 126 Cst.)

­ Equilibre du compte financier ­ Amortissement du découvert au bilan ­ Mécanisme du frein à l'endettement

Projet de nouveau régime financier(NRF) Principes régissant l'imposition (art. 127 à 134 Cst.)

Péréquation financière (art. 135 Cst.)

entre les cantons, en prenant en compte

­ leur capacité financière ­ Principes généraux ainsi que (art. 127 Cst.)

­ la situation particulière ­ Bases juridiques des des régions impôts perçus par la de montagne Confédération (art. 128, 130 à 134 Cst.)

­ Harmonisation (formelle) en matière d'impôts directs (art. 129 Cst.)

­ Dispositions transitoires sur l'affectation des recettes de TVA et l'inscription du taux spécial temporaire pour les prestations du secteur de l'hébergement (art.196 à 197 Cst.).

Dans le présent projet, la notion de régime financier ne s'applique qu'à la deuxième colonne du schéma, à savoir aux bases constitutionnelles des recettes fiscales de la Confédération ainsi qu'à l'harmonisation (formelle) des recettes fiscales des cantons. Dans le présent message, on entend par «nouveau régime financier» (NRF) le régime financier de la deuxième colonne, sauf indication contraire.

Le NRF se réfère à la Constitution, et par conséquent à des normes et des réglementations-cadres relativement générales de l'imposition par la Confédération. Au niveau de la Constitution, la limitation du nombre de taux de TVA peut être comprise comme la concrétisation des principes des lignes directrices des finances fédérales. Néanmoins un certain nombre d'objectifs formulés dans les lignes directrices sont déjà trop concrets pour faire l'objet du NRF. En d'autres termes, la plupart des objectifs peuvent être atteints à travers la loi, comme l'illustrent les deux exemples suivants.

1391

Train de mesures fiscales 2001: Le 28 février 2001, le Conseil fédéral a adopté le message sur le train de mesures fiscales 2001. Cette vaste réforme, qui tient compte de nombreuses interventions parlementaires, a pour objet des améliorations structurelles du système fiscal dans les domaines de l'imposition des couples mariés et des familles, du droit de timbre de négociation et de l'imposition de la propriété du logement.

Imposition des sociétés: La réforme de 1997 concernant l'imposition des sociétés a permis d'atteindre des objectifs importants (en particulier dans le domaine de l'imposition des holdings), et d'améliorer ainsi notablement le cadre fiscal de l'économie suisse. Au niveau de la Confédération, l'extension de la réduction pour le rendement des participations aux bénéfices sur les participations a constitué l'élément central de la réforme. Cette dernière comprenait également l'introduction d'un impôt proportionnel sur le bénéfice au taux de 8,5 % (4,25 % pour les associations, fondations, etc.) et, partant, la suppression du barème à trois paliers qui désavantageait en particulier les sociétés disposant de capitaux propres modestes, notamment les PME. En janvier 2000, le DFF a chargé une commission d'experts de comparer la charge totale actuelle d'impôts et de taxes pesant sur les sociétés organisées corporativement et sur les participants à ces sociétés, d'une part, ainsi que sur les détenteurs de sociétés de personnes, d'autre part, et d'élaborer ensuite un système d'imposition des sociétés indépendamment de leur forme juridique. Il en est ressorti qu'une imposition des sociétés totalement indépendante de leur forme juridique n'était guère réalisable dans le contexte du système fiscal suisse. En revanche, en intégrant le traitement des assurances sociales selon la forme juridique, il serait possible d'éliminer les distorsions de concurrence entre sociétés de capitaux et sociétés de personnes. Le Conseil fédéral a donc chargé l'Administration fédérale des contributions de rédiger un projet de réforme dans ce sens. Il soumettra vraisemblablement au Parlement le message sur la deuxième réforme de l'imposition des sociétés au cours du deuxième semestre 2003. Ce projet prévoit d'améliorer les conditions-cadres fiscales pour les sociétés. Ainsi, la double imposition économique qui subsiste
encore devrait être supprimée dans une large mesure par le biais de l'introduction d'une imposition partielle des revenus des investisseurs en capital-risque (actionnaires, sociétaires, etc.). L'objectif est de renforcer la neutralité du système d'imposition au niveau de la prise de décisions et de diminuer le poids de l'aspect fiscal sur les décisions de réinvestissement ou de distribution des bénéfices. Pour y parvenir, le Conseil fédéral envisage de supprimer la distinction entre les rendements du capital et les gains en capital.

En outre, d'autres mesures d'accompagnement en faveur des sociétés de personnes sont prévues. Le cadre financier pour l'ensemble de ces nouveautés est cependant limité.

1392

1.2

Le régime financier actuel

1.2.1

Aperçu du statu quo

1.2.1.1

La situation sur le plan des recettes

La Constitution prévoit expressément la compétence de la Confédération de percevoir certaines contributions. Tel est le cas de la taxe d'exemption de l'obligation de servir (art. 59, al. 3, Cst.), des impôts directs (art. 128 Cst.), de la taxe sur la valeur ajoutée (art. 130 Cst.), de divers impôts de consommation spéciaux (art. 131, al. 1, Cst.), du droit de timbre (art. 132, al. 1, Cst.), de l'impôt anticipé (art. 132, al. 2, Cst.) et des droits de douane (art. 133 Cst.). Elle autorise aussi implicitement la perception par la Confédération, à certaines conditions, de taxes d'orientation, de contributions particulières, telles les taxes de surveillance des banques et des assurances privées, et de contributions causales. La Constitution fait également mention des recettes fédérales affectées à des financements particuliers comme l'impôt sur les recettes des maisons de jeu (art. 106 Cst.), la redevance pour l'utilisation des routes nationales (art. 86 Cst.) ou celle sur la circulation des poids lourds (art. 85 Cst.).

Recettes de la Confédération en 2001

T V A ( 3 5%) 7% Impôt f édér al di r ect ( 2 5%) 12 % 3 5%

12 %

Impôt ant i ci pé et dr o i t s de t i mbr e ( 9 %) A ut r es r ecet t es ( 12 %)

Impôt s ur l es hui l es mi nér al es et dr o i t s d' ent r ée ( 12 %)

9%

2 5%

A ut r es r ecet t es f i s cal es ( 7%)

L'impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) constituent les sources de revenu les plus importantes de la Confédération. Ces deux impôts fournissent à eux deux environ 60 % du total des recettes fédérales. La compétence conférée à la Confédération de prélever ces deux impôts est limitée dans le temps par des dispositions transitoires de la Constitution, à savoir jusqu'à la fin de 2006 (art. 196, ch. 13, et 14, al. 4, Cst.). Si l'on entend assurer le financement des tâches de la Confédération au-delà de 2006, il est nécessaire de modifier ces dispositions.

1393

Les taux maxima de l'IFD et de la TVA sont inscrits dans la Constitution, en raison de leur importance politique. Le taux maximal actuel de l'impôt fédéral direct appliqué aux revenus des personnes physiques et au bénéfice net des personnes morales s'élève respectivement à 11,5 % et 9,8 % (art. 128 Cst.). Quant à la taxe sur la valeur ajoutée, son taux maximal a été fixé à 6,5 % lors de son introduction (art 130 Cst.). Pour assurer le financement de l'AVS, il a été relevé d'un point le 1er janvier 1999. Puis, il a été augmenté temporairement à 7,6 % le 1er janvier 2001, afin de cofinancer les coûts des grands projets d'infrastructures des transports publics (dont les nouvelles transversales ferroviaires alpines). Alors que les impôts dits de consommation sont perçus avant tout par la Confédération, l'impôt sur le revenu est prélevé également par les cantons et les communes. La Confédération perçoit l'IFD, d'une part parce qu'elle ne peut guère renoncer aux recettes qui en découlent, d'autre part parce qu'elle utilise cet impôt pour financer la péréquation financière intercantonale.

1.2.2

Le système suisse en comparaison internationale

1.2.2.1

Structure fédéraliste

Le système fiscal suisse se caractérise par une forte décentralisation, basée sur le fédéralisme. Le droit de chacune des collectivités publiques, à savoir la Confédération, les 26 cantons et les quelque 2900 communes, à lever des impôts est ancré dans la Constitution fédérale. La Confédération a un droit exclusif de prélever certains impôts ou taxes. Elle partage avec les cantons le droit de prélever des impôts directs sur le revenu des personnes physiques et le bénéfice des personnes morales. La Confédération ne peut prélever d'autres impôts que ceux qui sont prévus (explicitement ou implicitement) par la Constitution fédérale. Les cantons usent de leur souveraineté fiscale pour prélever eux aussi des impôts directs ou d'autres impôts et taxes pour autant qu'ils ne soient pas réservés à la Confédération. Les communes ne peuvent percevoir des impôts que dans les limites de la compétence qui leur est octroyée par la constitution de leur canton.

Ces dernières années, les impôts directs ont fait l'objet d'une harmonisation par le biais de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) du 14 décembre 1990. Afin qu'elle permette également une harmonisation verticale, cette loi-cadre coïncide dans ses grandes lignes avec la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD) qui avait été acceptée le même jour. La LHID contient les grands principes régissant les impôts sur le revenu et la fortune des personnes physiques, le bénéfice et le capital des personnes morales, ainsi que l'impôt sur les gains immobiliers. Cette harmonisation dite «formelle» concerne en particulier l'assujettissement à l'impôt, l'objet des impôts, la procédure et le droit pénal en matière fiscale, ainsi que ­ dans une certaine mesure ­ l'imposition dans le temps. Elle ne concerne toutefois pas la fixation des barèmes, des taux et des montants exonérés d'impôt, qui demeurent de la compétence des cantons. Dès lors, il n'y a pas harmonisation matérielle, et les différences de charge d'un canton à l'autre subsistent. La LHID est entrée en vigueur le 1er janvier 1993. Elle octroyait aux cantons un délai de huit ans, soit jusqu'à la fin de l'an 2000, pour adapter leur législation fiscale. Quant à la LIFD, elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1995. A l'heure actuelle, la plupart des cantons ont pris les mesures requises au titre de 1394

l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes.

1.2.2.2

Impôts directs et indirects

Cette organisation fédéraliste propre à la fiscalité helvétique est également à la source d'une autre particularité, à savoir la prépondérance des impôts directs (impôts sur le revenu et le patrimoine) sur les impôts indirects (impôts sur la consommation). Ainsi, le fait que la compétence des cantons et des communes en matière fiscale soit en grande majorité limitée aux impôts sur le revenu et sur le patrimoine et que leurs recettes fiscales totales soient supérieures à celles de la Confédération aboutit à ce que la Suisse retire une grande part de ses ressources de l'imposition directe. En comparaison internationale2 la Suisse figurait en 1999 dans le peloton des pays de l'OCDE ayant le rapport impôts directs/impôts indirects le plus élevé avec 69,1 % de ses impôts provenant des impôts directs. Elle était précédée par les USA (78,5 %) et l'Australie (75,0 %) et suivie par le Japon (67,6 %). La moyenne de l'OCDE s'élevait à 55,4 %, celle de l'UE 56,0 %.

1.2.2.3

La charge fiscale globale

La méthode la plus utilisée actuellement pour mesurer le poids de la fiscalité en comparaison internationale consiste à examiner le rapport entre les recettes fiscales totales (impôts et cotisations obligatoires de sécurité sociale) d'un Etat et le produit intérieur brut (PIB). Selon les dernières statistiques disponibles de l'OCDE3, en 1999 la Suisse présente une quote-part fiscale de 34,4 %. Ce chiffre est largement inférieur à la moyenne des Etats membres de l'UE (41,6 %). Il se situe au-dessus des Etats-Unis (28,9 %) et du Japon (26,2 %), mais en dessous de la moyenne des pays membres de l'OCDE (37,3 %).

Les modifications successives du calcul du PIB au cours de ces dernières années ont conduit pour les pays de l'UE à une diminution de ce ratio en raison d'une augmentation de la valeur obtenue pour le PIB (placé au dénominateur). Le Danemark a vu ainsi son PIB augmenter sensiblement, provoquant une baisse de sa quote-part fiscale de 2,5 points. La Suisse n'a pas encore mené à bien ces modifications. En fin 2003, la comptabilité nationale sera révisée pour passer au système en vigueur dans l'ensemble des pays de l'UE (SEC 95). On peut s'attendre en conséquence à une baisse de la quote-part fiscale suisse. En outre, la nouvelle délimitation des administrations publiques suisses retenue dans ce contexte entraînera encore une réduction supplémentaire de l'ordre de 4,5 points de pourcentage du fait de l'exclusion des cotisations des primes à l'assurance maladie et de la CNA/SUVA.

2 3

Source: revenue statistics of OECD Member countries 1965­2000, OECD Paris 2001.

Source: revenue statistics of OECD Member countries 1965­2000, OECD Paris 2001.

1395

1.3

Genèse du régime financier actuel

1.3.1

Vue d'ensemble des plus récents projets de réforme

Les travaux préliminaires concernant le régime financier en vigueur remontent à la fin des années quatre-vingt. Lors du programme de la législature 1987­1991 (FF 1988 I 335), le Conseil fédéral a présenté son plan de réforme des finances fédérales. Il s'agissait à l'époque de la modernisation de l'impôt sur le chiffre d'affaires, notamment la suppression de la taxe occulte et la prise en compte de certaines prestations de service, ainsi que de l'introduction d'une taxe sur l'énergie non renouvelable.

Lors du débat parlementaire sur les lignes directrices de la politique gouvernementale, le projet de taxe sur l'énergie non renouvelable a suscité une vive opposition.

Le 21 novembre 1988, le Conseil fédéral a mis en consultation quatre variantes de réforme des finances fédérales. La première variante comprenait l'impôt modernisé sur le chiffre d'affaires et l'introduction d'une taxe sur l'énergie. La deuxième concernait une révision de l'impôt sur le chiffre d'affaires sans modifications constitutionnelles. La modernisation de l'impôt sur le chiffre d'affaires et d'autres propositions relatives à une imposition plus forte de l'énergie faisaient l'objet de la troisième variante, tandis que la dernière ne prévoyait que l'introduction de la TVA.

Une analyse minutieuse des résultats de la consultation avait montré que de nombreux milieux consultés étaient favorables au passage à la TVA. Le Conseil fédéral a cependant jugé qu'il était trop risqué de soumettre au scrutin ce nouveau système. Il a proposé un article constitutionnel formulé de manière large, qui aurait permis d'introduire ultérieurement la TVA. La modernisation de l'impôt sur le chiffre d'affaires a été proposée simultanément, dans le cadre de dispositions transitoires.

Ce projet a été jugé trop timoré par les Chambres fédérales et critiqué comme une solution inachevée. Les délibérations parlementaires ont finalement débouché sur un éventail de mesures: introduction de la TVA, révision des droits de timbre et passage à l'imposition proportionnelle des personnes morales pour ce qui est de l'impôt fédéral direct. Lors du scrutin populaire du 2 juin 1991, le nouveau régime financier de la Confédération a essuyé un refus relativement net du peuple et des cantons. Ce rejet s'explique probablement par l'ampleur du train de mesures proposées et
par la complexité des propositions.

Par la suite, dans le message du 18 décembre 1991 (FF 1992 I 781), le Conseil fédéral a proposé un projet se caractérisant par sa simplicité. Ce projet visait essentiellement à assurer le prélèvement de l'impôt sur le chiffre d'affaires et de l'impôt fédéral direct au-delà de 1994, date où expirait le régime des finances fédérales de l'époque. De l'avis du Conseil fédéral, le système fiscal devait être maintenu tel quel dans un premier temps. Il s'agissait d'ancrer d'abord dans la Constitution les bases d'une imposition moderne de la consommation. Dans le cadre de la législation d'exécution, le changement de système devait ensuite être proposé. Le projet du Conseil fédéral ne liait pas l'impôt sur le chiffre d'affaires à d'autres questions spécifiques telles que le remplacement du régime financier et la transformation des droits de douane fiscaux en impôts de consommation spéciaux. Ces questions faisaient l'objet de deux arrêtés fédéraux distincts.

1396

Divers points du projet du Conseil fédéral ont été modifiés lors des débats au Parlement. Ce dernier décida de soumettre au peuple et aux cantons le remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaires par une taxe sur la valeur ajoutée. Il adopta quatre projets distincts, à savoir le remplacement de l'impôt sur le chiffre d'affaires par la TVA, une majoration de 0,3 point du taux de l'impôt sur le chiffre d'affaires, la compétence de percevoir un point de TVA en faveur du financement de l'AVS/AI, ainsi que la transformation des droits de douanes fiscaux en impôts internes de consommation. Les quatre objets ont été acceptés le 28 novembre 1993 par le peuple et les cantons. Ils constituent depuis lors la base légale du régime financier actuel qui arrive à échéance à la fin de 2006.

1.3.2

Leçons du passé

L'histoire des finances fédérales montre que des modifications du régime financier de la Confédération ne sont pas acceptées aisément lors des votations populaires.

Plusieurs projets financiers ont ainsi échoué par le passé, le dernier refus remontant à la votation de 1991. Diverses leçons peuvent être tirées du passé, même si les motifs des refus varient selon les projets.

Les finances fédérales composent un système complexe aux effets multiples sur l'économie et la société. Des redistributions notables de la charge fiscale peuvent se produire, en particulier lorsque le régime financier est l'objet d'adaptations importantes. Cela signifie qu'il y a des gagnants et des perdants. Il convient donc de veiller à ce que d'éventuelles redistributions de la charge fiscale soient équilibrées à divers titres. Les effets sur la répartition entre ménages privés et entreprises, entre diverses classes de revenu, ainsi qu'entre les branches économiques et les régions sont par exemple déterminants.

Par ailleurs, plus le nombre de modifications est important, plus il est malaisé d'en prévoir et d'en communiquer les conséquences. On peut en conclure que les projets de nouveaux régimes financiers devraient si possible comporter un nombre restreint de nouveautés. Une telle approche permet de garantir la transparence. Les propositions ne donnent ainsi pas l'impression d'être trop complexes, ce qui facilite leur acceptation par le peuple et les cantons.

Finalement, les projets assortis de majorations des taux d'imposition passent sans nul doute moins facilement la rampe lors des votations que les réformes sans incidences sur le revenu disponible et sur la charge fiscale. Même si la votation sur le dernier régime financier de 1993, qui entraînait une hausse des impôts, a été acceptée, il faut s'attendre à ce que de tels projets suscitent une résistance notable de la population et de l'économie. La population doit en effet pouvoir comprendre qu'une hausse d'impôt lui sera bénéfique de manière tangible, comme cela fut lors de la votation sur le pourcentage de la TVA visant à financer l'AVS et l'AI.

Le nouveau régime financier que nous vous soumettons à travers la présente consultation tient pleinement compte de ces aspects. Il n'entraîne pas de modification majeure de la répartition de la charge fiscale et comprend
quelques adaptations limitées du régime actuel. Il s'agit donc d'un projet de portée réduite. Les recettes supplémentaires pour la Confédération sont limitées à la suppression du taux spécial de la TVA pour les prestations du secteur de l'hébergement. L'objectif visé est

1397

d'assurer à la Confédération ses principales sources de revenus lorsque le régime actuel arrivera à échéance (fin 2006).

Le fait de préparer les adaptations le plus tôt possible permet d'élaborer les propositions avec tout le sérieux voulu. Il laisse ainsi suffisamment de temps à disposition pour les débats parlementaires ainsi que pour le débat précédant le scrutin.

1.4

Objectifs du nouveau régime financier

Le nouveau régime financier présenté dans le présent rapport requiert cinq modifications constitutionnelles. Ces dernières poursuivent trois objectifs: ­

doter les principales sources des recettes actuelles de la Confédération d'une assise constitutionnelle solide.

­

adapter le régime financier, dans le domaine fiscal, aux conditions effectives (mise à jour de la Constitution fédérale).

­

apporter des améliorations et des simplifications ciblées au système fiscal.

Ces objectifs peuvent être classés comme suit en fonction des modifications constitutionnelles: 1.

Suppression de la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA

2.

Suppression de l'IFD sur le capital pour les personnes morales

3.

Pour les personnes morales, adaptation du taux maximal de l'impôt fédéral direct sur le bénéfice au taux en vigueur

4.

Mise à jour de certaines dispositions transitoires relatives à la TVA et suppression d'autres dispositions

5.

Limitation à deux taux de TVA.

Inscription temporaire du taux spécial de TVA pour les prestations du secteur de l'hébergement jusqu'à 2006 sans prolongement possible.

Garantir les principales ressources financières

Mettre la Constitution fédérale à jour

Améliorer et simplifier le système fiscal

Dans les lignes directrices des finances fédérales du 9 octobre 1999, le Conseil fédéral a défini les grandes lignes ­ objectifs, principes et instruments nécessaires à la mise en oeuvre ­ de la politique budgétaire de la Confédération. Les lignes directrices des finances fédérales fixent des stratégies budgétaires fondées sur des principes scientifiques reconnus. Elles servent de guide pour une politique budgétaire moderne permettant de relever les défis de l'avenir. Elles sont également un étalon de mesure servant à évaluer le nouveau régime financier.

1398

Les trois objectifs du nouveau régime financier sont en adéquation avec les exigences fixées dans les lignes directrices des finances fédérales, à savoir: ­

la neutralité budgétaire;

­

l'objectif en matière de quote-part fiscale;

­

les principes régissant l'imposition.

Explications Neutralité budgétaire: les lignes directrices des finances fédérales mettent en exergue les deux objectifs suivants: a.

La politique budgétaire vise à encourager la stabilité et la croissance économique, donc l'emploi, le bien-être général et la cohésion sociale.

b.

Pour réaliser ses objectifs économiques et sociaux de façon durable, la Confédération veille à disposer de finances saines.

Exigence clé de la politique budgétaire, l'équilibre budgétaire ne saurait être remis en question par la réforme du régime financier. Des réductions d'impôts ne sont admissibles que dans la mesure où elles ne risquent pas de précipiter les finances publiques dans les déficits structurels. Dans la perspective actuelle, il n'existe pas de marge de manoeuvre pour une baisse d'impôt autre que celles prévues dans le train de mesures fiscales 2001. En d'autres termes, un objectif essentiel de la réforme consiste à aménager le nouveau régime financier de manière à obtenir une neutralité des coûts du point de vue budgétaire, et à garantir les principales recettes qui permettent actuellement à la Confédération de financer ses tâches.

Objectifs en matière de quote-part fiscale: eu égard aux dispositions constitutionnelles relatives à la fiscalité, les lignes directrices des finances fédérales posent des exigences claires quant à la quote-part fiscale. Notre charge fiscale doit figurer parmi les plus basses des pays de l'OCDE comparables au nôtre. En vertu de cet impératif, le Conseil fédéral propose de maintenir l'inscription des taux maximaux de TVA et d'IFD dans la Constitution fédérale. Pour prévenir un accroissement de la charge fiscale, il importe de disposer de garde-fous aussi efficaces que possible de manière à prévenir des décisions discrétionnaires visant à augmenter les recettes. Le mécanisme du frein à l'endettement applique un régime analogue aux dépenses. En prévoyant le statu quo quant à la charge maximale autorisée par la Constitution pour l'IFD (taux de l'impôt sur le bénéfice; suppression de l'impôt sur le capital), le nouveau régime financier supprime la marge de manoeuvre que confère actuellement la Constitution pour augmenter l'impôt. Le nouveau régime financier contribue donc à maintenir une quote-part fiscale basse.

Principes régissant l'imposition: Les lignes directrices des finances fédérales mettent le doigt sur quelques réformes nécessaires du système fiscal et énumèrent du même coup une série de principes régissant l'imposition (équité fiscale, charge fiscale la moins lourde possible; neutralité du point de vue de la concurrence; rentabilité de la perception), ainsi que des principes fiscaux et techniques.

1399

Par rapport aux exigences des divers groupes d'intérêts et aux propositions de réforme formulées par les experts, les modifications présentées ici peuvent paraître modestes. Elles se justifient néanmoins pour quatre raisons: ­

En ce qui concerne le système fiscal, il est plus judicieux de régler certaines exigences dans la loi plutôt que dans la Constitution.

­

En ce qui concerne la charge fiscale, le Conseil fédéral estime que la marge de manoeuvre pour opérer des baisses d'impôts allant plus loin que le train de mesures fiscales 2001 fait défaut pour le moment.

­

L'expérience a montré qu'une limitation dans le temps n'a, en soi, pas favorisé de réformes fondamentales de la politique fiscale. Par conséquent, le Conseil fédéral estime qu'une réflexion approfondie visant à réformer totalement le système fiscal ne dépendra pas du statut temporaire de l'IDF et de la TVA, mais de l'existence d'une volonté politique soutenue par un grand nombre d'acteurs politiques. Or, à ce jour, cette requête n'est pas soutenue par une majorité. De plus, la TVA et l'IFD constituent les deux sources principales de recettes de la Confédération dont celle-ci ne saurait se passer.

La suppression de leur limitation dans le temps doit surtout être considérée sous cet angle. Enfin, l'IFD est appelé à jouer un rôle clé dans le projet de réforme de la péréquation financière. Premièrement, l'indice des ressources se fonde sur la statistique de l'IFD et deuxièmement, 13/30 de la part actuelle des cantons au produit de cet impôt doivent servir à financer la péréquation financière au sens strict.

­

Le passé a montré que les projets de réforme du régime financier trop complexes avaient généralement du mal à passer la rampe. Il s'agit par conséquent de faire preuve de prudence en aménageant le nouveau régime.

C'est pourquoi le Conseil fédéral a opté pour un projet de portée réduite. Lors de la procédure de consultation, tous les cantons et la majorité des partis (à l'exception du Parti Socialiste (PS) et du Parti Chrétien Social (PCS)) ont estimé judicieux que ce projet se limite à l'essentiel, afin de ne pas compromettre son succès en votation populaire. Cette opinion a été partagée par un grand nombre d'associations professionnelles. En revanche, la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) et les organisations patronales ont jugé que le projet manquait de vision. Ces dernières ont regretté que la Confédération n'ait pas tenu compte plus largement du «Concept fiscal pour la Suisse» établi par les milieux économiques.

1.5

Eléments du nouveau régime financier

Les modifications et les adaptations prévues ne visent que l'IFD et la TVA, dont les taux maximaux resteront fixés dans la Constitution. Pour l'IFD grevant les personnes morales, le taux maximal est adapté au taux en vigueur de 8,5 % et l'impôt sur le capital est abrogé. La compétence de la Confédération de prélever la TVA et l'IFD n'est plus limitée dans le temps. Pour la TVA s'appliqueront un taux normal et un taux réduit. A fin 2006, le taux spécial applicable aux prestations du secteur de l'hébergement sera supprimé. Enfin, la majorité des dispositions transitoires concernant la TVA est abrogée ou mise à jour.

1400

1.5.1

Adaptation et fixation des taux maximaux dans la Constitution

Pour limiter de manière efficace les recettes fiscales totales et la charge fiscale des contribuables, il suffit d'inscrire les taux maximaux dans la Constitution. Ainsi, ces taux ne sont modifiables à volonté. L'attrait de la place économique s'en trouvera renforcé. En effet, toute modification de la Constitution nécessite l'accord du peuple et des cantons. En l'occurrence, cela signifie que le contribuable entend continuer d'avoir son mot à dire si la charge des impôts fédéraux dépasse les taux inscrits.

1.5.1.1

Impôt fédéral direct

Dans le cas de l'IFD, la Confédération, les cantons et les communes se disputent la même assiette fiscale. Depuis l'entrée en vigueur de la dernière prorogation du régime financier de la Confédération, le taux maximum de l'impôt sur le bénéfice net des personnes morales a été abaissé par voie législative de 9,8 à 8,5 % conformément à l'abrogation du barème à trois paliers au profit d'un impôt proportionnel sur le bénéfice. Le nouveau régime financier tient compte de cette réduction, en ramenant le taux maximal au taux actuel de 8,5 %.

Lors de la procédure de consultation, tous les cantons, la majorité des partis (PRD, PDC, UDC, le Parti évangélique, le Parti chrétien social, les Jeunes radicaux) et les autres participants à la consultation ont soutenu la proposition du Conseil fédéral visant à inscrire le taux maximal de l'IFD et de la TVA dans la Constitution. Pour la plupart des cantons, les impôts directs relèvent essentiellement de la compétence cantonale et communale, raison pour laquelle ils estiment impératif de continuer à limiter constitutionnellement les possibilités fiscales de la Confédération. D'autres ont relevé l'importance et l'utilité de l'IFD dans la péréquation financière intercantonale.

L'ensemble des cantons, le PRD, le PDC et les partis chrétiens non gouvernementaux soutiennent la proposition tendant à aligner sur le taux en vigueur le taux maximal de l'impôt sur le bénéfice des personnes morales. L'UDC et les organisations faîtières de l'économie souhaitent que ce taux soit ramené à 8 % comme l'a décidé le Conseil national dans le cadre de la discussion sur le paquet fiscal 2001.

Le PS et l'USS tiennent au contraire à conserver le taux maximal en vigueur, soit 9,8 %. Dans le cadre des délibérations concernant le train de mesures fiscales lors de la session d'automne 2002, le Conseil des Etats a décidé de maintenir le taux à 8,5 % par 31 voix contre 11.

Par conséquent, le Conseil fédéral propose d'adapter le taux maximal de l'impôt sur le bénéfice des personnes morales au taux en vigueur de 8,5 %. A l'heure actuelle, la situation budgétaire ne permet pas d'effectuer des baisses d'impôts supplémentaires.

Lors de la consultation, le PRD, Economiesuisse, l'USAM et Gastrosuisse ont demandé que le Conseil fédéral atténue la progressivité de l'IFD pour les personnes physiques. Les
nouvelles mesures fiscales touchant les familles réduiront pour un certain nombre de contribuables la progressivité de l'IFD. De plus, le Conseil fédéral procédera prochainement à une compensation de la progression à froid de l'IFD,

1401

en adaptant les barèmes de sorte qu'un certain nombre de contribuables verra sa charge fiscale diminuer.

1.5.1.2

Taxe sur la valeur ajoutée

Le système des taux maximaux offre au législateur la possibilité de prévoir un taux plus bas pour certaines opérations. A l'heure actuelle, la TVA suisse comporte en principe deux taux d'imposition: un taux normal et un taux réduit; le taux normal est déjà limité vers le haut par la Constitution. En sus de ces deux taux, la Confédération a introduit temporairement un taux spécial jusqu'à fin décembre 2003 pour les prestations du secteur de l'hébergement. Le taux normal de 7,6 % s'applique à toutes les opérations soumises à l'impôt auxquelles ne s'appliquent ni le taux réduit ni le taux spécial. La liste des prestations soumises au taux réduit est exhaustive. Le taux normal est donc le taux d'imposition de base; le taux réduit et le taux spécial constituent des exceptions qui doivent être utilisées de façon restrictive. Par souci de simplification, le nouveau régime financier fixe une limite inférieure au taux réduit.

En cas d'adaptation du taux normal, le rapport entre celui-ci et le taux réduit ne sera plus prescrit par la Constitution. Le législateur aura donc le loisir de décider s'il veut maintenir une différence relative ou absolue entre ces deux taux.

La proposition d'inscrire le taux maximal de la TVA dans la Constitution a reçu l'approbation de tous les cantons, de la majorité des partis (PRD, PDC, UDC, Parti évangélique, Parti chrétien social et Jeunes radicaux) ainsi que des autres participants à la consultation. Seul le PS et la CSC s'y opposent.

1.5.2

Abrogation de l'impôt sur le capital

L'impôt prélevé sur le capital et les réserves des personnes morales a été totalement aboli à l'occasion de la réforme de 1997 de l'imposition des sociétés. Dans son message du 26 mars 1997 (FF 1997 II 1084), le Conseil fédéral a proposé cette abolition notamment pour les raisons suivantes: «Les personnes morales qui ne font pas de bénéfice et doivent quand même payer l'impôt sur le capital doivent prélever le montant de cet impôt sur leurs fonds propres. Un système fiscal basé sur la capacité contributive ne devrait pas laisser de place à des impôts qui conduisent à entamer la substance économique du contribuable. A quelques exceptions près, aucun impôt sur le capital n'est prélevé à l'étranger sur les personnes morales. En abolissant cet impôt au niveau fédéral, la Suisse se débarrasserait d'un inconvénient de sa fiscalité pour sa place économique.» Pour ces raisons, le Conseil fédéral ne pense pas que l'impôt sur le capital soit à l'avenir réintroduit au niveau fédéral. Des accroissements passagers ou durables de recettes devraient être couverts par d'autres moyens.

L'ensemble des participants à la consultation a considéré que la disposition constitutionnelle portant sur l'imposition du capital des personnes morales pouvait être abrogée.

1402

Le Conseil fédéral propose donc de renoncer à la base constitutionnelle relative à un impôt sur le capital.

1.5.3

Suppression de la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA

La Confédération peut prélever l'IFD et la TVA jusqu'à fin 2006 (art. 196, ch. 13 et ch. 14, al. 4, Cst.). En matière de prélèvement de l'impôt sur le chiffre d'affaires (ancien IChA, aujourd'hui TVA) et de l'IFD, la compétence de la Confédération a toujours été limitée dans le temps. A l'origine, l'idée de limiter la durée des compétences en matière de prélèvement des impôts inscrits dans la Constitution remontait aux pleins pouvoirs accordés au Conseil fédéral pendant la Deuxième Guerre mondiale. Cette limitation a été ensuite maintenue et, depuis 1959, elle figure dans la Constitution pour les deux impôts principaux de la Confédération. Elle avait pour but de maintenir la charge fiscale des contribuables à un niveau raisonnable. Il s'agissait de réfléchir à intervalles réguliers à la politique fiscale et de permettre au peuple et aux cantons de statuer de temps à autre sur les bases du régime financier de la Confédération.

Il est ressorti de la consultation que la grande majorité des cantons, le PS et la plupart des partis non gouvernementaux estimaient nécessaire d'abolir la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA. Ils soulignent tous que ces deux impôts constituent en effet les deux sources principales de recettes dont la Confédération ne saurait se passer. En revanche, l'Union démocratique du centre (UDC), le Parti démocrate-chrétien (PDC), le Parti radical-démocratique (PRD) et le parti libéral s'y sont opposés. A l'instar des organisations faîtières de l'économie et de la majorité des associations professionnelles, ils ont estimé opportun de pouvoir réfléchir sur le système fiscal à intervalles réguliers.

De nos jours, on peut se demander si cette limitation temporelle, justifiée à l'époque de la guerre, est encore souhaitable et adéquate, lorsque l'on sait que la Confédération tire près de 60 % de ses recettes fiscales de ces deux impôts. La TVA est du seul ressort de la Confédération (art. 134 Cst.). Elle n'entre pas en concurrence avec les recettes des cantons et des communes. Eu égard à la situation internationale et à l'accent mis par les autres pays de l'OCDE sur la fiscalité indirecte, il n'est pas souhaitable de remettre en question le principe de l'impôt à la consommation. Quant à l'IFD, lors du débat sur l'initiative populaire «pour l'abolition de l'impôt fédéral direct»,
les cantons se sont prononcés pour le maintien de l'IFD, notamment en raison de son importance au niveau de la péréquation intercantonale. De plus, l'IFD devra jouer un rôle clé dans la mise en oeuvre de la réforme de la péréquation financière.

Les leçons du passé ont montré que la limitation dans le temps n'avait pas accru la volonté de procéder à des réformes. Et il existe d'autres mécanismes permettant de lutter contre une croissance démesurée des impôts fédéraux, tel que le référendum facultatif (art. 141 Cst.), ou ­ comme il a été évoqué plus haut ­ la fixation de taux maximaux dans la Constitution. Ces mécanismes garantissent en effet que le peuple puisse se prononcer sur le prélèvement de nouvelles recettes. Les droits politiques sont donc un bon moyen de réfréner l'appétit fiscal de l'Etat, même en l'absence d'une limitation temporelle de la compétence de prélever des impôts. Enfin, il est 1403

important de pouvoir mettre en oeuvre les réformes au moment opportun, sans la pression du calendrier. Une planification financière doit être conçue à long terme en tenant compte des priorités politiques, de la situation économique et des développements internationaux.

En dépit de l'opposition des partis bourgeois et des organisations patronales, le Conseil fédéral propose de supprimer la limitation dans le temps de l'IFD et de la TVA. Il ne saurait en effet se passer de ces recettes. A ce jour, il n'a pas trouvé d'autres alternatives valables à l'IFD pour assurer un montant équivalent de recettes, sans qu'il n'en résulte d'importantes modifications de la répartition de la charge fiscale des contribuables.

1.5.4

Nombre de taux de TVA

1.5.4.1

La limitation à deux taux

Le taux normal et le taux réduit L'art. 1 de la loi du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA) mentionne expressément les principes de neutralité concurrentielle, de transférabilité de l'impôt ainsi que le principe de rentabilité de la perception. Ainsi, la TVA doit être perçue selon des modalités aussi simples et rationnelles que possible, impliquant le moins de travail et de coûts tant pour l'administration que pour les contribuables. De même, les charges des entreprises et de l'administration fiscale doivent être maintenues à un niveau modeste par rapport au produit de la taxe. La faible charge administrative que supportent les entreprises est dictée par le caractère d'impôt de consommation de la TVA. Selon la volonté du législateur et du peuple, ce ne sont pas les entreprises assujetties qui doivent supporter cet impôt, mais bien les consommateurs.

La simplicité et la transparence du système fiscal sont aussi un atout important pour la place économique. En limitant le nombre de taux de TVA on contribue à une meilleure transparence. Des taux divers entraînent en effet une distorsion des prix relatifs: la tendance sera de produire trop peu de biens et de prestations fortement imposés, et d'en produire trop qui sont imposés faiblement, voire pas du tout.

Pour des raisons de rentabilité de la perception et de politique économique, il convient, de réduire le nombre de taux de TVA à un taux normal et à un taux réduit. Le taux réduit doit être utilisé de façon restrictive; de plus, la liste des prestations auxquelles il s'applique est exhaustive. L'art. 36, al. 1, LTVA ne prévoit le taux réduit que pour des objets courants (l'eau, les produits alimentaires, les médicaments, les journaux) et pour quelques rares prestations de service bien définies (certaines prestations culturelles).

Du fait des exonérations au sens de l'art. 19 LTVA, la TVA comprend un véritable taux zéro qui n'est appliqué, en principe, qu'aux exportations. Dans le cas des prestations mentionnées de manière exhaustive, d'une part l'opération elle-même est exonérée de l'impôt, et d'autre part l'impôt frappant toutes les livraisons et prestations de services utilisées pour la réalisation des prestations en question est déductible au titre de l'impôt préalable.

1404

Il convient de distinguer des exonérations les opérations exclues du champ de l'impôt au sens de l'art. 18 LTVA, qui ne sont certes pas soumises à l'impôt mais pour lesquelles l'impôt préalable n'est pas remboursé. Tant les opérations exclues du champ de l'impôt que celles bénéficiant de l'exonération sont réglées de manière exhaustive dans la LTVA.

Les nouvelles revendications La limitation de la TVA à deux taux est critiquée par quelques milieux qui suggèrent une plus grande différenciation des taux, pour désamorcer la critique selon laquelle la TVA est une imposition antisociale. L'USAM a revendiqué un taux spécial pour les secteurs à forte intensité de main d'oeuvre, Gastrosuisse un taux spécial pour la restauration, l'Association des transports publics et les remontées mécaniques un taux spécial pour les transports publics et touristiques.

L'USAM a fait référence à l'Union européenne, dont plusieurs pays appliquent à l'heure actuelle un taux de TVA réduit pour certains secteurs à forte intensité de main d'oeuvre. L'objectif de cette directive est de lutter contre le chômage et les poches de pauvreté. En baissant sensiblement les charges liées aux travailleurs non qualifiés, l'UE veut inciter les employeurs à engager du personnel peu qualifié. Elle espère aussi qu'indirectement, une partie des activités du marché noir réintègre le circuit officiel. En Suisse, le taux de chômage n'atteint pas les proportions de l'Union, et plus de 60 %4 des chômeurs sont des travailleurs qualifiés. L'objectif ne saurait donc être le même. De plus, il convient de relever que cette directive est optionnelle. Neufs Etats membres sur les quinze ont décidé de la mettre en place, deux partenaires économiques de poids (l'Allemagne et l'Autriche) ne l'appliquent en revanche pas. Il s'agit d'une directive mise en oeuvre à titre expérimental pour une période s'achevant probablement au 31 décembre 2003. Au terme de cette période, les Etats membres et la Commission procéderont à une évaluation des résultats en termes de création d'emploi et d'efficience, et des implications sur le régime même de la TVA.

La directive européenne prévoit un taux réduit de TVA pour les services à forte intensité de main d'oeuvre à condition qu'ils remplissent quatre critères: impliquer une forte intensité de main d'oeuvre, être en grande
partie fournis directement aux consommateurs finaux, être principalement locaux et non susceptibles de créer des distorsions de concurrence et établir un lien étroit entre la baisse de prix découlant de la réduction du taux et l'augmentation prévisible de la demande et de l'emploi.

Les pays de l'UE ont ensuite défini cinq types de services à forte intensité de main d'oeuvre5 répondant à ces critères.

L'USAM revendique un taux spécial pour trois des secteurs compris dans la directive: la coiffure, la rénovation de logements privés, et le nettoyage de logements.

Mais en demandant également un taux spécial pour la construction de logements privés, le nettoyage des textiles et la restauration, les revendications de l'USAM dépassent sensiblement celles de l'UE.

4 5

Source: seco, le marché du travail et l'assurance-chômage, juin 2002.

Il s'agit des petits services de réparation (bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtements et linges de maison), de la rénovation et la réparation de logements privés (à l'exclusion des matériaux), du lavage des vitres et du nettoyage de logements privés, du service de soins à domicile et de la coiffure.

1405

Le Conseil fédéral a décidé de ne pas entrer en matière sur ces revendications. Elles vont en effet à l'encontre des principes des lignes directrices que sont le respect de la neutralité en matière de concurrence, ainsi que l'amélioration et la simplification du système fiscal. Pour ne pas avantager une branche de l'économie plutôt qu'une autre, le Conseil fédéral a décidé de ne pas considérer les revendications de Gastrosuisse demandant un taux spécial pour la restauration. De même, le Conseil fédéral n'est pas entré en matière sur les revendications de l'Union des transports publics et des remontées mécaniques qui demandent à l'avenir un taux spécial pour les services de transports publics et touristiques.

1.5.4.2

Le taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement

L'art. 130, al. 1, Cst. en vigueur est formulé de façon très large. Comme il ne prescrit que le taux maximal et non pas le nombre des taux, il n'exclut pas l'adoption de taux spéciaux. Sur cette base, le législateur a fixé dans l'art. 36, al. 2, de la loi sur la TVA, un taux moins élevé pour les prestations du secteur de l'hébergement.6 Le taux spécial s'élève à 3,6 % pour les prestations du secteur de l'hébergement et le petit déjeuner. Ce taux est valable jusqu'au 31 décembre 2003.

Dans le projet du nouveau régime financier mis en consultation, le Conseil fédéral a proposé de supprimer ce taux spécial. A l'époque, ce taux avait été introduit provisoirement pour tenir compte de la situation critique de la branche. C'est pourquoi il avait été inscrit dans les dispositions transitoires de l'article constitutionnel sur la TVA, puis dans la loi régissant la TVA. Il est incontestable que ce taux spécial constitue aujourd'hui de facto une aide financière au titre de la politique structurelle.

Or, l'art. 7, let. g, de la loi sur les subventions stipule que l'on renonce en principe aux aides sous forme d'allégements fiscaux. Le taux spécial fait partie des mesures visant à promouvoir le tourisme en Suisse. Par rapport à d'autres mesures promotionnelles qui s'appliquent de manière ciblée, le taux spécial est une mesure générale appliquée indépendamment de toute nécessité (subvention selon le principe du saupoudrage). Néanmoins, sa suppression ne peut pas être considérée isolément, elle doit l'être dans le contexte global de la promotion du tourisme.

Le Conseil fédéral a approuvé un train de mesures de promotion en faveur du tourisme destiné à permettre aux régions touristiques d'améliorer leurs structures hôtelières et la qualité de leur offre. Les mesures prévues permettront de pallier les lacunes structurelles de la branche de manière plus ciblée et plus efficace qu'un privilège fiscal forfaitaire. Ce programme s'étalera sur cinq ans de 2003 à 2007. Il comprendra trois volets: 1.

6

La prolongation du projet Innotour pour une période de cinq ans. Ce projet de 25 millions a pour objectif de stimuler et encourager l'innovation et la coopération dans le domaine du tourisme.

Avant l'entrée en vigueur de la loi sur la TVA le 1er janvier 2001, l'autorisation explicite à fixer un taux spécial pour certaines «prestations touristiques fournies sur le territoire suisse» était inscrite dans les dispositions transitoires de la Constitution (art. 196, ch. 14, al. 3).

1406

2.

L'octroi d'un crédit de 100 millions sans intérêt répartis sur cinq ans à la société suisse des hôteliers (SSH). Ce montant permettra à la SSH de doter un certain nombre d'hôtels en capital-risque par le truchement de «prêts mezzanines» qui leur permettront de combler leurs lacunes en capital propre.

On appelle prêts mezzanines les financements mixtes qui combinent des capitaux de tiers et des éléments de capitaux propres. Les crédits seront octroyés en fonction du cash flow disponible ou de la capacité d'endettement de ces hôtels. Le modèle fédéral tablera sur un niveau d'endettement des hôtels plus élevé que celui des banques. Il demandera un amortissement sur 20 à 25 ans à la place des 15 ans requis par les banques. Ce mécanisme permettra ainsi aux établissements considérés comme rentables d'améliorer la qualité de leurs offres pour faire face aux nouveaux besoins de la clientèle.

3.

La participation de la Confédération, pour un montant de 10 millions répartis sur cinq ans, au lancement d'une campagne de qualification pour la formation professionnelle dans la branche du tourisme.

Comme le nouveau régime financier sera vraisemblablement soumis au peuple en 2004, il est possible que ces mesures n'aient pas encore eu le temps de déployer tous leurs effets au moment de la suppression du taux spécial. C'est pourquoi le projet soumis à la consultation proposait deux variantes, l'abolition du taux spécial à fin 2003 (variante 1) ou la prolongation temporaire de ce taux jusqu'à fin 2006 (variante 2), l'échéance la plus lointaine possible du régime financier actuel.

Lors de la procédure de consultation, une dizaine de cantons ainsi que le PS et la plupart des partis non gouvernementaux ont reconnu que le taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement constituait bien une aide financière au titre de la politique structurelle de la Confédération. La variante 2003 (variante 1) n'a été soutenue que par quelques participants. Un bon nombre de cantons, le PRD, le PDC, les partis non gouvernementaux chrétiens et quelques organisations faîtières (à l'exception de l'Union suisse des arts et métiers (USAM)) ont donné la préférence à la prolongation par voie législative du taux spécial jusqu'à 2006 (variante 2), afin que l'hôtellerie suisse puisse s'adapter au nouveau contexte et bénéficier préalablement des mesures d'accompagnement prévues. Par contre, l'UDC, la Conférence des directeurs des finances cantonaux (CDF), les cantons touristiques et ceux des régions de montagne, l'USAM et toutes les associations liées de près ou de loin au développement du tourisme (hôtellerie, restauration, chambres de commerce régionales, construction, transports publics, etc.) se sont catégoriquement opposés à la suppression du taux spécial après 2006.

A leur avis, la suppression du taux spécial pourrait entraîner un affaiblissement de la position concurentielle des hôteliers suisses. Pour juger de la compétitivité de l'hôtellerie suisse par rapport aux autres pays européens, il faut examiner de plus près les arguments avancés par les milieux du tourisme.

Le caractère d'exportation du tourisme et l'application du principe du pays de destination sont invoqués entre autres pour justifier le taux spécial. Aujourd'hui, les cantons et les milieux favorables au maintien du taux spécial estiment que le caractère d'exportation du tourisme justifie encore ce taux spécial. En effet, les statistiques hôtelières des vingt dernières années laissent apparaître une prédominance des touristes étrangers (59 %) par rapport aux suisses. Relevons toutefois que,

1407

contrairement aux biens d'exportation, la consommation des prestations n'a pas lieu à l'étranger, mais en Suisse, de sorte que si ces prestations bénéficient d'un privilège fiscal en Suisse, elles ne sont imposées dans aucun autre pays par la suite. Ainsi, l'application du principe du pays de destination et d'un taux spécial pour l'hôtellerie se traduit suivant l'ampleur de la réduction par un privilège fiscal définitif dont les consommateurs suisses et étrangers profitent dans la même mesure.

Sur les quinze pays de l'Union, douze ont introduit un taux de TVA réduit pour l'économie hôtelière. En moyenne, ce taux reste toutefois plus élevé que le taux normal suisse. Il atteint actuellement 10 % en Italie, 7 % en Espagne, 5,5 % en France, 16 % en Allemagne, 10 % en Autriche, et 17,5 % en Grande-Bretagne.

Cependant, les milieux du tourisme tiennent à le mettre en relation avec la charge fiscale totale. En comparaison internationale, la quote-part des impôts par rapport au produit intérieur brut suisse est une des plus basses des pays de l'OCDE. Selon les dernières statistiques à disposition7, en 1999 la quote-part d'impôt suisse est de 22,2 %, aucun pays de l'UE ne détient une quote-part aussi basse. La moyenne de l'Union européenne est de 30,2 % et les concurrents de poids comme la France (29,3 %), l'Italie (30,9 %) ou l'Autriche (28,9 %) ont tous une quote-part d'impôt plus importante. Des études portant sur la charge fiscale des entreprises conduisent à des résultats semblables. En relevant le taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement au taux normal, l'hôtellerie suisse ne devrait pas supporter une charge fiscale globale plus lourde que ses concurrents européens.

Dans leurs prises de position, les milieux liés au tourisme ont également mentionné la situation concurrentielle et en particulier la force du franc suisse pour justifier ce taux spécial. L'examen du rapport entre le nombre de nuitées des étrangers et la situation économique ainsi que le taux de change a mis effectivement en évidence l'importance des taux de change (voir les graphiques concernant la relation entre le taux de change et le nombre de nuitées d'Allemands et d'Américains)8.

Relation entre le taux de change CHF/DM et le nombre de nuitées des hôtes allemands 95

7800 7400

90

7000 85 6600 80

6200 5800

75

2001

2000

1999

1998

1997

1996

1995

1994

7 8

1993

1992

1991

1990

1989

1988

1987

1986

1985

1984

1983

1982

1981

1980

Nombre de nuitées des hôtes allemands

Taux de change CHF/DM

Source: Revenue statistics of OECD Member Countries 1965­2000, OECD Paris 2001.

Source: Revenue statistics of OECD Member Countries 1965­2000, OECD Paris 2001.

1408

Relation entre le taux de change CHF/US$ et le nombre de nuitées des hôtes américains

3500

2.60

3000

2.20

2500

1.80

2000

1.40

1500

1.00 2000

1998

1996

1994

1992

1990

1988

1986

1984

1982

1980

Nombre de nuitées des Américains en 1000 Taux de change CHF/US$ Après l'appréciation du franc suisse par rapport à ces devises, le nombre de nuitées avait reculé de 4 % en 1986, alors qu'en 1989 et en 1997, le nombre de nuitées avait augmenté de 4 % et 7 % respectivement, suite à la dépréciation du franc suisse. Par conséquent, l'augmentation sensible du nombre de nuitées en 1997 était essentiellement due au taux de change particulièrement favorable à l'époque, comme cela avait été le cas en 1989. Cette hausse de 1997 ne peut être principalement imputée à l'introduction du taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement, mais à un concours de circonstances favorables où la dépréciation du franc suisse a joué un rôle déterminant. De plus, l'hôtellerie n'est pas la seule industrie tributaire des taux de change, cette dépendance constitue le lot de toutes les industries d'exportation. Or les deux premières industries d'exportations suisses ne bénéficient pas de subventionnement spéciaux pour faire face aux fluctuations du franc suisse face au dollar ou à l'euro ainsi qu'aux aléas des cycles économiques.

Les partisans du maintien du taux spécial invoquent aussi souvent le niveau élevé des prix en Suisse. Une comparaison entre, d'une part, le nombre de nuitées et, d'autre part, le développement du niveau des prix en Suisse ainsi que le taux de change du DM, respectivement de l'euro, et du dollar américain, a montré ici aussi l'influence dominante du taux de change. Ces résultats s'expliquent aisément. En effet, lorsqu'un touriste étranger compare la destination suisse avec une autre destination, il lui importe peu de savoir si le coût de la vie a augmenté en Suisse. Il calculera le prix final de sa prestation dans sa propre devise (en prenant en compte le taux de change et le niveau des prix en Suisse) et la comparera ensuite avec d'autres offres.

1409

Les milieux liés au tourisme rappellent que le système de la TVA impose une charge particulièrement lourde aux branches à forte intensité de main d'oeuvre. Ils soulignent que 40 % du chiffre d'affaires imposable de l'hôtellerie sert à payer les charges de personnel, et qu'il ne peut y avoir aucune déduction de l'impôt préalable.

En principe, les entreprises ont la possibilité de répercuter une partie de la TVA sur les consommateurs, les fournisseurs et les employés. Cela dépend de l'élasticité de l'offre et de la demande des marchés de facteurs et de biens. Lorsqu'ils peuvent répercuter la TVA sur les consommateurs, les secteurs à forte intensité de main d'oeuvre ne sont pas plus désavantagés que les secteurs à forte intensité de capital.

Dans leur argumentation, les milieux touristiques soulignent aussi que les pays européens ont un plus grand budget pour la promotion du tourisme que la Suisse (42,5 millions d'euros). Ils citent ainsi pour 1997 l'exemple de l'Espagne avec 147,1 millions d'euros, la France avec 58,2 millions et l'Autriche avec 57,3. Ces chiffres se basent sur le rapport de l'Organisation Mondiale du Tourisme (World Tourism Organisation) de 1997. Or cet organisme met justement en garde ses lecteurs, en relevant que les budgets des différents pays ne peuvent pas être comparés entre eux, car leur structure de coûts est fondamentalement différente. Dans certains cas, les dépenses des régions ne sont pas intégrées, dans d'autres cas la participation du secteur privé est aussi comptabilisée etc.

Suite à la procédure de consultation, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats a constaté que le secteur de l'hôtellerie devait s'adapter aux nouvelles exigences de la clientèle et améliorer les infrastructures en engageant des investissements. Or depuis la fin des années 90, les instituts bancaires ont resserré les conditions d'octroi des crédits. Cette situation ne touche pas seulement l'hôtellerie mais de nombreux autres secteurs de l'économie. A long terme, personne n'a intérêt à ce que la Confédération subventionne de manière forfaitaire une branche entière de l'économie dont certaines infrastructures ne sont peut-être pas viables. Un processus de restructuration de la branche, aussi douloureux soit-il, doit être entrepris pour assurer la pérennité du tourisme
suisse. Par contre, le Conseil fédéral peut aider l'hôtellerie dans son processus de modernisation grâce à certaines mesures de promotion du tourisme.

Face aux impératifs précités, à savoir le respect de la neutralité sur le plan de la concurrence, la nécessité de réduire le nombre de taux et l'aménagement de l'impôt de façon aussi simple et transparente que possible, le Conseil fédéral propose de ne pas proroger le taux spécial dans le cadre du nouveau régime financier. Pour que les régions touristiques aient le temps de bénéficier des mesures d'accompagnement en faveur de la promotion touristique, le Conseil fédéral propose de prolonger le taux spécial jusqu'à fin 2006, et non pas fin 2003 comme prévu initialement. Il s'agit d'une mesure exceptionnelle, qui sera inscrite dans les dispositions transitoires. Elle ne pourra être prolongée au-delà de 2006. Il ne serait en effet pas justifiable tant du point de vue économique que politique, d'une part, d'encourager la restructuration de ce secteur par le biais d'une série de mesures de promotion touristique et, d'autre part, de maintenir un taux spécial qui n'est autre qu'un saupoudrage de subventions.

En cas de hausse sensible du taux normal de TVA pour préparer l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne, la question d'un taux spécial serait à nouveau examinée, compte tenu des taux de TVA spéciaux accordés à l'hôtellerie dans d'autres pays européens.

1410

A l'heure actuelle, la LTVA prévoit un taux spécial jusqu'en 2003. Lors de sa séance du 3 mai 2002, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats a déposé une initiative qui propose de modifier l'art. 36, al. 2, de la LTVA pour prolonger la validité de ce taux spécial jusqu'au 31 décembre 2006. Elle estime que ce laps de temps est nécessaire pour que le secteur hôtelier se restructure à l'aide des mesures d'accompagnement visant à promouvoir le secteur touristique. Le 19 septembre 2002, le Conseil des Etats a décidé de prolonger le taux spécial pour les prestations d'hébergement jusqu'en fin 2006.

Vu le caractère sensible de cet objet, la question du taux spécial ne sera pas intégrée dans la votation sur le nouveau régime financier (projet A). Le taux spécial sera réglé dans les dispositions transitoires et sa suppression fera l'objet d'un vote séparé (projet B).

1.5.5

Abrogation et mise à jour des dispositions transitoires concernant la TVA

Dans la foulée du NRF, les dispositions transitoires de la Constitution fédérale qui avaient été nécessaires pour introduire à temps la TVA, en 1995, seront abrogées.

1.5.5.1

Dispositions d'exécution

En ce qui concerne les nombreuses dispositions d'exécution (art. 196, ch. 14, al. 1, Cst.), l'abrogation des dispositions transitoires a déjà eu lieu matériellement du fait de l'entrée en vigueur de la loi sur la TVA au début de 2001. Les passages concernés peuvent donc être supprimés dans la Constitution au titre d'une mise à jour.

1.5.5.2

Mesures en faveur des classes inférieures de revenus

A travers la disposition transitoire actuelle (art. 196, ch. 14, al. 2, Cst.), la Constitution stipule que, de 1995 à 1999, 5 % du produit des recettes de la TVA est affecté à la réduction des primes de l'assurance-maladie en faveur des classes inférieures de revenus. Les Chambres fédérales ont prolongé cette affectation jusqu'à fin 20039. Le rapport soumis à la consultation proposait d'intégrer cette disposition transitoire au droit permanent. Mais cette proposition a été critiquée. Quelques cantons, les partis chrétiens non gouvernementaux et quelques associations l'ont acceptée. L'UDC, le Parti libéral, les jeunes radicaux, la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF), ainsi qu'un bon nombre de cantons et d'organisations patronales s'y sont opposées, considérant que le financement des assurances sociales (AVS/AI et assurance-maladie) constituait une des tâches fondamentales de l'Etat, à laquelle ce dernier ne pouvait se soustraire, avec ou sans recettes affectées.

9

Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 16 décembre 1999 concernant l'affectation du produit de la taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2000 à 2003.

1411

En 1999, les Chambres fédérales avaient accepté sans discussion de prolonger le statu quo. Il n'y a donc pas lieu de lancer une nouvelle discussion sur un fait acquis à ce jour. Par conséquent, le Conseil fédéral propose de mettre à jour la disposition transitoire concernant l'affectation des 5 % des recettes TVA pour la réduction des primes d'assurance-maladie en faveur des classes de revenus inférieures, de façon à ce que cette affectation soit prolongée avec l'entrée en vigueur du nouveau régime financier; l'Assemblée fédérale sera appelée en outre à décider du mode d'utilisation de cette part de la TVA dans les cinq ans qui suivent l'entrée en vigueur du NRF.

1.6

Stratégie à long terme

1.6.1

La réforme fiscale écologique

Le 24 septembre 2000, le peuple et les cantons ont rejeté la disposition constitutionnelle sur laquelle aurait reposé le nouveau régime financier assorti d'incitations écologiques. Eu égard au verdict populaire, le Conseil fédéral ne soumettra pas de nouvel article constitutionnel portant sur un réaménagement du système fiscal sur des bases écologiques. Toutefois le transfert de la charge fiscale vers l'énergie demeure un élément important de la politique gouvernementale en matière d'environnement. Par conséquent, le Conseil fédéral juge légitime de réexaminer cette question dans quelques années.

Lors de la procédure de consultation, le Conseil fédéral a donc proposé de relancer le débat sur la réforme fiscale écologique. Ce point ne faisait pas proprement dit partie du nouveau régime financier, mais le Conseil fédéral tenait à connaître l'avis des participants pour établir sa stratégie à plus long terme. La proposition du Conseil fédéral a reçu l'appui du PDC, du Parti libéral, de l'ensemble des cantons ainsi que d'un grand nombre d'associations professionnelles. Le Parti socialiste, l'Union syndicale suisse (USS), la Conférence des Syndicats Chrétiens (CSC) et la Société suisse pour la protection de l'environnement demandent que la Confédération étudie cette question dès aujourd'hui, tandis que l'UDC, le PRD, les organisations patronales et celles qui sont liées au secteur de l'automobile ne tiennent pas du tout à ce que le Conseil fédéral remette l'ouvrage sur le métier.

Le Conseil fédéral procédera à un nouvel état des lieux vers la fin de la présente législature. Fin 2003, il soumettra aux Chambres fédérales un rapport où figureront son analyse de la situation et les mesures envisagées. Ce rapport examinera deux axes: l'axe écologique et l'axe de politique économique. Premièrement, il conviendra de prendre en compte l'éventuelle nécessité d'agir conformément à la loi sur le CO2 qui est déjà en vigueur. En effet, si les objectifs visés en matière d'émissions ne peuvent pas être atteints par des mesures spécifiques comme celles préconisées au niveau de la politique énergétique (SuisseEnergie), la loi sur le CO2 constitue un instrument approprié pour y parvenir. Une taxe sur le CO2 pourrait être introduite dès 2004; elle constituerait la première étape en direction d'un système fiscal plus
écologique. Deuxièmement, le rapport examinera l'évolution du débat au niveau européen, afin de pas désavantager les entreprises suisses par rapport à leurs concurrents européens. Les pays de l'UE se sont engagés à aboutir à un accord sur le projet de directive de fiscalité de l'énergie avant la fin 2002. Il en résultera une nouvelle situation pour la Suisse qu'il conviendra d'examiner en détail. Enfin, le rapport

1412

analysera aussi l'expérience faite en matière de réforme fiscale écologique par des Etats européens comme l'Allemagne.

1.6.2

L'harmonisation des impôts sur les successions et les donations

Dans ses lignes directrices des finances fédérales, le Conseil fédéral avait souligné que «l'harmonisation formelle des impôts cantonaux sur les successions et donations devait être poursuivie» et que ces travaux devaient «être entrepris en étroite collaboration avec les cantons.» Ces dernières années, diverses interventions parlementaires ont demandé l'introduction d'un impôt fédéral sur les successions et donations ou l'harmonisation des impôts cantonaux sur les successions et donations. Le Conseil fédéral a estimé que les impôts cantonaux sur les successions et donations ne devraient pas être abandonnés au profit d'un impôt fédéral. Par conséquent, la question de l'harmonisation des impôts cantonaux sur les successions et donations restait ouverte. Par analogie avec le droit régissant les impôts directs, cette harmonisation ne pouvait porter que sur l'assujettissement à l'impôt et l'assiette fiscale, la procédure et le droit pénal en matière fiscale, mais pas sur la fixation des barèmes, des taux d'imposition et les montants exonérés. Elle présupposait l'inscription d'une compétence correspondante de la Confédération dans la Constitution, sur la base de laquelle une loi-cadre contraignante pour les cantons aurait été élaborée.

Lors de la procédure de consultation, le Parti socialiste et les partis non gouvernementaux chrétiens ont soutenu l'idée de créer une base constitutionnelle relative à l'harmonisation formelle des impôts cantonaux sur les successions et les donations, pour arrêter l'érosion de ces revenus et une surenchère contre-productive entre cantons. Cependant, la Conférence des directeurs des Finances cantonaux, la grande majorité des cantons, le PRD, le PDC, l'UDC, le Parti libéral, les Jeunes radicaux, les organisations patronales et la majorité des associations professionnelles s'y sont opposés. Les cantons ont en effet estimé qu'une harmonisation formelle des impôts cantonaux sur les successions et donations leur enlèverait une part importante de souveraineté fiscale. Comme une telle réforme ne peut être entreprise sans l'aval des cantons et que, de plus, elle se heurte à la résistance de la majorité des participants, le Conseil fédéral a décidé de ne pas poursuivre l'harmonisation formelle.

2

Partie spéciale: détails concernant les nouvelles dispositions constitutionnelles

Les modifications de la Constitution fédérale sont commentées brièvement ci-après.

Le libellé exact des nouvelles dispositions proposées par le Conseil fédéral se trouve en annexe.

1413

2.1

Impôt fédéral direct

2.1.1

Taux maximal sur le bénéfice net des personnes morales (art. 128, al. 1, let. b)

Les taux maximaux de l'impôt fédéral direct doivent être maintenus dans la Constitution. Or s'agissant de l'impôt sur le bénéfice net des personnes morales, le taux maximal de 9,8 % qu'elle prévoit n'est pas atteint dans la législation actuelle sur l'IFD. Ce décalage remonte à l'entrée en vigueur de la réforme de l'imposition des sociétés en 1997. Depuis le 1er janvier 1998, un tarif proportionnel remplace celui à trois paliers dépendant du rendement. Ce tarif s'élève à 8,5 % du bénéfice net pour les sociétés de capitaux et les coopératives, et à 4,25 % pour les associations, les fondations ou autres personnes morales et les fonds de placement.

Le taux maximal de 9,8 % inscrit dans la Constitution ne correspond donc plus à la réglementation en vigueur. Comme de surcroît, du fait de la concurrence entre les différentes places économiques, la tendance générale ne sera pas dans un proche avenir au retour à des taux d'imposition plus élevés, le Conseil fédéral juge logique de reprendre dans la Constitution le taux en vigueur de 8,5 %. La transparence juridique s'en trouvera par là-même améliorée.

2.1.2

Imposition du capital des personnes morales (art. 128, al. 1, let. c)

Bien que la réforme de l'imposition des sociétés de 1997 ait supprimé au niveau légal l'imposition du capital et des réserves des personnes morales, celle-ci apparaît encore dans la Constitution. Comme la réintroduction de cet impôt n'est pas à l'ordre du jour, pour les raisons évoquées au ch. 7.1.1, cette disposition constitutionnelle doit être biffée.

2.1.3

Suppression de la limitation dans le temps (art. 196, ch. 13)

Il suffit de biffer l'art. 196, ch. 13, des dispositions transitoires en vigueur pour supprimer la limitation dans le temps du prélèvement de l'impôt fédéral direct. Cette opération permettra d'assurer définitivement au niveau constitutionnel la deuxième source de revenus par ordre d'importance de la Confédération.

2.2

Taxe sur la valeur ajoutée

2.2.1

Principe du taux maximal et du taux minimal (art. 130, al. 1)

Au nouvel art. 130, al. 1, la Constitution confère explicitement à la Confédération la compétence de percevoir une TVA d'un taux normal plafonné à 6,5 % et d'un taux réduit de 2,0 % au minimum. Ainsi, seul un taux réduit peut être pratiqué, ce qui

1414

simplifie grandement le système fiscal. Quant au taux d'impôt, il est désormais limité aussi bien vers le haut que vers le bas.

2.2.2

Supplément démographique affecté à l'AVS/AI (art. 130, al. 2)

Le mécanisme en place est repris pour l'affectation à l'AVS/AI: l'inscription dans la Constitution, la mention explicite du facteur démographique, la délégation au législateur. Cette manière de procéder pérennise les effets de l'arrêté fédéral du 20 mars 1998 sur le relèvement des taux de la taxe sur la valeur ajoutée en faveur de l'AVS/AI (RS 641.203). Le taux normal de la taxe (6,5 %) avait alors été relevé d'un point de pourcentage, le taux réduit (2 %; voir art. 196, ch. 14, al. 1, let. e, Cst.) de 0,3 % et le taux spécial pour l'hébergement (initialement 3 %; voir l'arrêté fédéral du 22 mars 1996 instituant un taux spécial de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations du secteur de l'hébergement, RO 1996 2379) de 0,5 %.

L'Assemblée fédérale peut abroger l'arrêté fédéral du 20 mars 1998 sur proposition du Conseil fédéral, au cas où les conditions fixées à l'art. 41ter, al. 3bis, aCst. (correspond à l'art. 130, al. 3, de la Cst. en vigueur) ne seraient plus remplies.

2.2.3

Supplément pour les grands projets ferroviaires (art. 196, ch. 3, al. 2, let. e)

Le passage à un système comparable à celui qui s'applique à l'AVS/AI serait envisageable pour l'affectation d'une part de la TVA aux grands projets ferroviaires.

Toutefois, si les besoins de financement des assurances sociales dus à la démographie sont de durée indéterminée et ont un caractère potentiellement récurrent, les grands projets ferroviaires une fois réalisés rendent le financement spécial superflu.

Dans ce secteur, le Conseil fédéral souhaite donc maintenir l'inscription du supplément dans les dispositions transitoires de la Constitution fédérale et la délégation de compétences en faveur du Conseil fédéral.

2.3

Mise à jour des dispositions transitoires sur la TVA

2.3.1

Pourcentage affecté en faveur des classes inférieures de revenu (art. 130, al. 3, et 197, ch. 2)

Selon l'art. 130, al. 3, Cst., 5 % du produit non affecté de la TVA sont consacrés à des mesures en faveur des classes inférieures de revenus. La précision apportée à l'art. 130, al. 2, de la Cst. en vigueur, spécifiant que seules les recettes non affectées sont prises en compte, correspond au statu quo: les recettes fiscales tirées du supplément affecté à l'AVS/AI et aux grands projets ferroviaires échappent en partie aussi à cette affectation. Au sens strict, l'ajout au texte se déduit déjà de l'affectation claire de ces suppléments aux art. 130, al. 2, et 196, ch. 3, al. 2, let. e, Cst. La limitation explicite à la part non affectée des recettes vise à éviter tout malentendu (suite notamment à l'adaptation des al. 2 et 3), tout en montrant clairement la volonté du Conseil fédéral de ne pas laisser la quote-part des recettes totales affectée à des 1415

mesures en faveur des classes inférieures de revenus progresser lors de futurs relèvements de taux en faveur des assurances sociales. La nouvelle disposition transitoire portant sur l'art. 130 (art. 197, ch. 2) constitue une nouvelle version de l'art. 196, ch. 14, al. 2, Cst., le point de départ n'étant plus bien sûr l'introduction de la TVA, mais l'entrée en vigueur du nouveau régime financier.

En prévoyant la réduction des primes de l'assurance-maladie pendant les cinq ans premières années, la disposition transitoire de l'art. 197, ch. 2 (1e phrase) consacre l'allégement des classes inférieures de revenu. Elle confère par ailleurs à l'Assemblée fédérale (2e phrase) le droit d'édicter des ordonnances indépendantes (fondées directement sur la Constitution), conformément à l'art. 163, al. 1, Cst. Un tel arrêté de l'Assemblée fédérale constituerait donc une ordonnance indépendante du Parlement, telle que la Cst. en prévoit ailleurs également.10 Les ordonnances parlementaires se signalent en ceci qu'elles contiennent des normes ayant force obligatoire (art. 4, al. 1, et art. 7 LREC; RS 171.11) mais ne sont pas sujettes au référendum selon l'art. 141, al. 1, Cst. (a contrario).

2.3.2

Suppression des dispositions transitoires provisoires (art. 196, ch. 14, al. 1)

Le 28 novembre 2003, le peuple et les cantons ont approuvé un nouveau régime des finances fédérales aux termes duquel la Confédération peut percevoir une taxe sur la valeur ajoutée sur les livraisons de biens et les prestations de services, y compris les livraisons à soi-même et les importations. Comme le temps pressait, on a confié alors l'introduction de la TVA non pas au législateur ordinaire mais au Conseil fédéral, spécialement habilité à édicter les dispositions d'exécution valables jusqu'à l'entrée en vigueur de la Constitution fédérale (voir disposition transitoire de l'art. 8 aCst.; phrase introductrice de la disposition transitoire en vigueur de l'art. 196, ch. 14, al. 1, Cst.). Cette procédure a permis de remplacer dans les délais l'ancien régime financier qui expirait à la fin de 1994. Le Conseil fédéral n'était toutefois pas entièrement libre quant à l'aménagement concret de la TVA, mais lié par toute une série de principes (sujet et objet de l'impôt, opérations exclues, opérations exonérées, taux de l'impôt, impôt préalable) établie par la Constitution (voir l'art. 196, ch. 14, al. 1, Cst. en vigueur). Ces principes ne s'appliquent toutefois pas au législateur ordinaire, qui doit se conformer uniquement aux directives (en particulier pour le taux de l'impôt) figurant à l'art. 130 Cst. (selon la version en vigueur et la nouvelle). Pour cette raison, l'art. 196, ch. 14, al. 1, des dispositions transitoires de la Constitution en vigueur est simplement abrogé.

2.3.3

Suppression de la limitation dans le temps (art. 196, ch. 14, al. 4)

Par analogie à l'impôt fédéral direct, il suffit d'abroger l'art. 196, ch. 14, al. 4, des dispositions transitoires en vigueur pour éliminer l'actuelle limitation temporelle de la perception de la TVA.

10

Voir art. 82, al. 3 (circulation routière), art. 159, al. 4, (frein aux dépenses), art. 173, al. 1, let. c, (circonstances extraordinaires) et art. 196, ch. 3, al. 3, (grands projets ferroviaires).

1416

2.4

Nouvel article dans les dispositions transitoires sur le taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement (art. 197, ch. 2, al. 2)

La limitation à deux taux d'imposition décrite au dernier alinéa implique la suppression du taux spécial aujourd'hui en vigueur pour les prestations du secteur de l'hébergement. Or comme indiqué dans la partie générale, sa suppression immédiate serait néfaste pour l'hôtellerie si les mesures d'accompagnement prévues devaient tarder à agir. Plutôt qu'une suppression immédiate du taux spécial, le Conseil fédéral propose donc sa reconduction limitée jusqu'à la fin de 2006. Ce point fait l'objet d'une nouvelle disposition transitoire qui porte sur l'art. 130 Cst., disposition qui s'inspire de l'art. 36, al. 2, de la loi sur la TVA et qu est complétée par la limitation dans le temps en question. Cette disposition ne fixe pas le taux de manière précise, mais l'inscrit entre le taux normal et le taux réduit.

La procédure de consultation a montré que la question du taux spécial pour l'hôtellerie est controversée. L'avis du Conseil fédéral, pour qui le taux spécial avantage certes en bloc une branche de l'économie, mais contribue faiblement à résoudre ses problèmes structurels n'a pas fait l'unanimité. Afin de ne pas mettre en péril l'ensemble du projet et connaître l'avis du peuple en la matière, le Conseil fédéral propose de soumettre séparément au vote le taux spécial sous la forme d'un arrêté fédéral distinct (projet B).

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

La prolongation de l'IFD n'a pas de conséquences financières, ni d'effets sur l'état du personnel au niveau de la Confédération, des cantons et des communes. Quant à la TVA, sa prolongation n'a pas non plus d'effet sur l'état du personnel. Sur le plan financier, en revanche, l'abandon du taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement se traduira par une augmentation des recettes annuelles de quelque 150 millions de francs. La simplification engendrée par la perception de deux taux à la place de trois engendra un allègement des charges administratives pour l'Administration fédérale des contributions et les contribuables. Certes, le secteur de l'hôtellerie devra d'abord adapter ses formulaires. Par la suite, il n'aura cependant plus de problèmes de délimitation entre le taux normal et le taux spécial, ce qui engendrera moins de travail.

3.2

Conséquences sur le plan de l'informatique

En ce qui concerne l'informatique, le nouveau régime financier n'entraîne pas de coûts supplémentaires ni dans le cas de l'IFD ni dans celui de la TVA.

1417

3.3

Conséquences économiques

Le nouveau régime financier décrit est un projet d'envergure réduite. Il correspond pour l'essentiel à un maintien du statu quo, mis à part la suppression du taux spécial.

L'adaptation du taux de l'IFD sur le bénéfice des personnes morales au taux en vigueur et la suppression de l'impôt sur le capital correspondent au statu quo et n'auront donc pas de conséquences économiques.

3.3.1

Suppression du caractère temporaire de l'IFD et de la TVA

L'impôt fédéral direct, appelé à l'origine impôt pour la défense nationale, et l'IChA, remplacé par la TVA en 1995, ont été institués en 1941. Ces impôts, qui constituent les deux sources principales de ressources de la Confédération, existent ainsi depuis soixante ans. La compétence de la Confédération de les prélever est toutefois limitée dans le temps et a dû être renouvelée à plusieurs reprises. La suppression de cette limitation ne modifierait dès lors pas le système fiscal en vigueur depuis un grand nombre d'années et, a priori, ne devrait pas avoir de répercussions économiques.

Néanmoins, il n'est pas exclu que le caractère temporaire de ces impôts ait par le passé fait obstacle à la mise en place de réformes structurelles en temps utile. La suppression de la limitation dans le temps permettra de se concentrer sur les adaptations qui s'imposent dans un monde en constante évolution, sans avoir à mener parallèlement, et à intervalles réguliers, de longues discussions sur la justification de ces deux impôts. En outre, on peut penser qu'une telle décision confortera l'image de stabilité politique dont jouit notre pays à l'étranger et pourrait, en ce sens, renforcer l'attrait de la Suisse comme lieu d'implantation d'activités et d'investissements.

3.3.2

Réduction du nombre de taux de TVA

La TVA est généralement appréciée du fait qu'elle n'entraîne que de légères distorsions de concurrence, à condition que l'imposition soit uniforme. L'application de plusieurs taux modifie les prix relatifs et favorise certains secteurs économiques par rapport à d'autres. D'une façon générale, et dans une optique macro-économique, il convient d'éviter autant que possible de taxer le chiffre d'affaires à des taux s'écartant du taux normal. La suppression de taux spéciaux se traduit par un gain d'efficacité macro-économique.

La réduction du nombre de taux de TVA entraînera la suppression du taux spécial accordé aux prestations du secteur de l'hébergement, en vigueur jusqu'à la fin de 2006. Le tourisme est la seule branche de l'économie pour laquelle un taux spécial a été prévu. Il s'agit donc en fait du subventionnement d'une branche économique, alors que le taux réduit vise plutôt des objectifs sociaux et politiques. En outre, la perte de compétitivité qui justifiait le taux spécial a été en partie compensée par l'évolution favorable des taux de change enregistrée depuis l'introduction de la TVA. Le taux spécial est un instrument contestable en termes de politique budgétaire et de régime économique. Sa suppression permettra d'imposer de manière plus uniforme l'ensemble de l'économie et de simplifier le système fiscal, mais elle 1418

entraînera indubitablement des désavantages pour l'hôtellerie. Le train de mesures visant à promouvoir le tourisme permettra aux régions touristiques d'améliorer leurs structures hôtelières et la qualité de leur offre pour faire face à la suppression du taux spécial à la fin 2006. Il les aidera à poursuivre et à accélérer le processus de restructuration entamé il y a quelques années. Tous ces points ont été examinés en détail aux ch. 1.5.4.2. sur le taux spécial pour les prestations du secteur de l'hébergement.

4

Programme de la législature

Le message sur le nouveau régime financier a été annoncé dans le programme de la législature 1999­2003. Le nouveau régime financier vise à assurer les bases de la perception de la TVA et de l'IFD au-delà de 2006. A l'origine, il devait également comprendre une réforme fiscale assortie d'incitations écologiques. Comme l'article constitutionnel relatif à une taxe incitative sur l'énergie a été rejeté par le peuple et les cantons en septembre 2000, le Conseil fédéral a décidé de ne pas intégrer une nouvelle version de réforme fiscale écologique dans le NRF.

5

Rapports avec le droit européen

Le droit fiscal européen n'a pas de conséquences directes sur la fiscalité suisse même si son influence se fait de plus en plus sentir notamment par l'introduction en Suisse de la TVA.

Après avoir mis en place en 1967 le système de taxe à la valeur ajoutée, la Communauté européenne a créé une assiette commune de la TVA, par la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO L 145 du 13 juin 1997, p. 1 ss). En vue d'un rapprochement des taux de TVA, des taux minimaux contraignants ont été fixés pour la première fois pour tous les Etats membres par le biais de la directive 92/77/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, complétant le système commun de taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388/CEE (JO L 316 du 31 octobre 1992, p. 1 ss). Ces taux minimaux s'appliquaient jusqu'au 31 décembre 1996. Le Conseil les a ensuite redéfinis pour des périodes successives de deux ans. La dernière en date de ces redéfinitions, qui s'applique jusqu'au 31 décembre 2005, se trouve dans la directive 2001/4/CE du Conseil, du 19 janvier 2001, modifiant, en ce qui concerne la durée d'application du minimum du taux normal, la sixième directive (77/388/CEE) relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 22 du 24 janvier 2001, p. 1 ss). Conformément à cette directive, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé par chaque Etat membre à un pourcentage de la base d'imposition. Ce pourcentage ne peut être inférieur à 15 %. Les Etats de l'Union ont en outre le droit d'appliquer un ou deux taux réduits.

Ceux-ci doivent également être fixés à un pourcentage de la base d'imposition et ils ne peuvent être inférieurs à 5 %. Ces taux réduits ne sont d'ailleurs admis que pour certaines livraisons de biens et certaines prestations de services (comme les biens de première nécessité et des prestations culturelles) énumérées dans l'annexe H de la sixième directive 77/388/CEE.

1419

La réglementation suisse en matière de TVA s'en tient aux directives européennes pour ce qui est de l'objet de l'impôt. Les taux suisses proposés restent toutefois nettement inférieurs à ceux de l'UE. En cas d'adhésion à l'Union européenne, la Constitution devrait être modifiée pour que le taux de TVA atteigne 15 %, le pourcentage minimum exigé à ce jour par l'Union européenne. Il en irait de même du taux réduit, dont le pourcentage minimum devrait être fixé à 5 % pour être conforme aux exigences du droit communautaire. Celui-ci ne règle actuellement pas de manière générale l'imposition des bénéfices des personnes morales. La fixation des taux est laissée à l'appréciation des Etats membres. Dès lors, les modifications constitutionnelles proposées en ce qui concerne l'IFD ne posent pas de problème par rapport au droit européen.

6

Bases juridiques

6.1

Du principe de l'unité de la matière

L'instauration d'un nouveau régime financier implique une révision partielle de la Constitution. Or, à teneur de l'art. 194, al. 2, Cst., toute révision partielle doit, entre autres, respecter le principe de l'unité de la matière.

Le principe de l'unité de la matière est une limite formelle à observer pour chaque révision partielle de la Constitution. Il s'applique sans autre à une initiative émanant des autorités. A teneur de l'art. 75, al. 2, de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques, «l'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative».

Le principe de l'unité de la matière vise à garantir que les personnes disposant du droit de vote puissent effectivement manifester leur volonté en toute liberté et sans altération, notamment lors de votations. En cas de votation, il faut ainsi veiller à ne pas proposer au vote une initiative réunissant plusieurs objets différents n'ayant pas entre eux un rapport de connexité suffisant.

Le constituant et le législateur ont une conception très large du principe de l'unité de la matière, opposant ainsi relativement peu d'entraves à la libre interprétation. La récente évolution laisse toutefois présager d'une pratique plus restrictive.

L'un des deux objets que le Conseil fédéral envisage de soumettre au vote (projet A) porte aussi bien sur l'impôt fédéral direct, d'une part, que sur la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part. Au vu des différences notoires que présentent ces deux types d'impôts, l'on peut se demander si le rapport de connexité qui les lie est suffisant au sens de l'art. 194, al. 2, Cst. tel qu'exposé ci-dessus.

Le Conseil fédéral est toutefois d'avis que le principe de l'unité de la matière n'est pas enfreint par le projet A: la seule modification matérielle que celui-ci propose est la suppression de la limitation dans le temps. Bien qu'elle concerne autant l'impôt fédéral direct que la taxe sur la valeur ajoutée, cette modification, du point de vue des objectifs budgétaires, constitue une mesure législative unique qui doit assurer à long terme les principales sources de recettes de la Confédération.

1420

6.2

Forme de l'acte à adopter

La mise en oeuvre du nouveau régime financier nécessite une révision partielle de la Constitution fédérale (modification des art. 128, 130, 196 et introduction d'un nouvel art. 197 ch. 2). Le Conseil fédéral prévoit à cet effet deux arrêtés fédéraux séparés: un arrêté concernant un nouveau régime financier (projet A) et un arrêté sur le taux spécial de TVA pour des prestations touristiques (projet B). Les deux arrêtés seront soumis au référendum obligatoire et devront entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2007.

L'arrêté B dépendra de l'acceptation de l'arrêté A par le peuple et les cantons. Il ne pourra entrer en vigueur que si l'arrêté A est accepté en votation populaire. Partant, l'arrêté B ne pourrait pas entrer en vigueur, même s'il était, contrairement à l'arrêté A, accepté. Le peuple et les cantons se prononceront séparément sur les deux arrêtés.

Cette procédure de votation est compatible avec le principe constitutionnel de la libre formation de l'opinion des citoyennes et des citoyens et de l'expression sûre et fidèle de leur volonté (art. 34, al. 2, Cst.), dans la mesure où l'on part de l'idée que l'arrêté B ne couvre qu'une matière d'importance secondaire par rapport à celle que couvre l'arrêté A. Si tel n'était pas le cas, les deux arrêtés devraient être confrontés l'un à l'autre dans la forme de variantes ayant un contenu partiellement différent; dès lors, la procédure de votation devrait avoir lieu sur le modèle de la votation sur une initiative populaire et un contre-projet (art. 139, al. 6, Cst.), quand bien même le droit fédéral ne la prévoit (cf. à ce sujet Pierre Tschannen, «Stimmrecht und politische Verständigung», 1995, no 214 et 720).

1421