Analyse de la situation et des menaces pour la Suisse à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 Rapport du Conseil fédéral à l'intention du Parlement du 26 juin 2002

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le rapport Analyse de la situation et des menaces pour la Suisse à la suite des attentats terroristes du 11 septembre afin que vous en preniez connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 juin 2002

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Kaspar Villiger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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2002-1437

Résumé I.

Suite aux événements du 11 septembre 2001, de nombreux parlementaires et partis ont demandé au Conseil fédéral, par le biais d'interventions parlementaires, de faire réaliser une analyse de la situation et des menaces pour la Suisse, dans laquelle il s'agirait de présenter et d'évaluer la situation actuelle, mais aussi d'étudier les nouvelles formes de menaces que constituent le terrorisme moderne, les crimes contre l'environnement, la cybercriminalité, la contrebande, les armes et leur prolifération, ainsi que le crime organisé, et de mettre au jour les faiblesses de la lutte contre ces phénomènes.

La présente analyse de la situation et des menaces se rapporte aux questions spécifiques soulevées dans les motions du Groupe radical-démocratique (CN) et du député Merz (CE) ­ Renforcer les services de renseignements et la sécurité de l'Etat; 01.3545 et 01.3569 ­ ainsi que dans les interpellations du Groupe radicaldémocratique (CN) et du député Fünfschilling (CE) ­ Attentats terroristes. Appréciation de la situation actuelle; 01.3552 et 01.3576. Le texte des interventions et les réponses ou avis du Conseil fédéral sont consignés en annexe de la présente analyse.

Le rapport que vous avez sous les yeux renferme une présentation complète de la situation actuelle, réalisée sous l'angle des questions soulevées dans les interventions parlementaires, et met en évidence les besoins d'action, notamment dans les domaines du terrorisme et de l'extrémisme violent, entre autres formes de criminalité, et ce en tenant compte des mutations de la politique de sécurité de la Suisse.

Les trois principaux chapitres du rapport, à savoir les chapitres «Analyse de la situation», «Moyens disponibles et lacunes» et «Mesures prises ou prévues», exposent l'éventail des mesures (législatives ou mettant en oeuvre d'autres instruments) déjà prises ou initiées sur la base de la présentation de la situation et mettent l'accent sur les mesures qui, du point de vue du Conseil fédéral, devraient faire l'objet de rapports et de propositions séparés.

II.

L'analyse de la situation parvient en substance aux conclusions suivantes: au vu de l'examen actuel des objectifs et des modes de fonctionnement des organisations terroristes, la probabilité que la Suisse ou des ressortissants suisses deviennent des cibles premières d'actes
terroristes est faible. Néanmoins, étant donné le potentiel et les intentions des organisations terroristes, la Suisse ou ses ressortissants peuvent à tout moment être touchés par des actes de terreur. Les activités de type terroriste ou extrémiste en Suisse peuvent d'une part représenter une menace pour la sécurité intérieure de notre pays, mais aussi d'autre part soumettre la Suisse à la pression politique de certains Etats qui sont directement en conflit avec les organisations terroristes.

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Il n'est pas nécessaire de procéder à une adaptation profonde de la palette des menaces présumées évoquées dans le Rapport de politique de sécurité 2000. Ce qui a changé, c'est la prise de conscience de la vulnérabilité de notre société de technologie moderne, l'appréciation du temps de préparation nécessaire et la prise en compte de l'importance de la coopération entre les autorités internationales et entre les autorités d'un même pays.

Les pays économiquement les plus avancés, qui se caractérisent par leurs nombreuses relations internationales, offrent aussi de larges possibilités d'action à d'autres organisations criminelles, notamment dans les domaines du trafic de drogue, de la traite d'êtres humains, du trafic d'armes, de la corruption, de l'extorsion et du blanchiment d'argent. Les interconnexions entre le crime organisé et le terrorisme sont particulièrement inquiétantes. Bien que rien n'indique en Suisse que le crime organisé ait infiltré la sphère politique ou la sphère économique, des activités ponctuelles ont été constatées, qui visent à tirer profit des avantages de la place économique et financière suisse.

III.

Du point de vue des moyens disponibles et des lacunes, il apparaît que la lutte contre le terrorisme, l'extrémisme violent et le crime organisé, de même que le maintien de la sécurité intérieure et extérieure, sont de plus en plus des tâches de la communauté internationale tout entière, qui nécessitent un réexamen des formes de collaboration entre Confédération et cantons, de même qu'entre la Suisse et les autorités étrangères ou organisations internationales.

Le renforcement des moyens des services de renseignements et de la police, de même que la mise sur pied d'effectifs spécialement chargés de la lutte contre les nouvelles menaces seront des tâches de longue haleine, qu'il s'agit de prendre à bras-le-corps dès maintenant. Les événements du 11 septembre 2001 ont mis en exergue des lacunes juridiques déjà connues en matière de recherche et d'évaluation d'informations à titre préventif. La protection des représentations diplomatiques, des organisations et des conférences internationales est également de prime importance aujourd'hui.

Etant donné les interconnexions au niveau international, la Suisse est astreinte, non seulement à une protection efficace de son propre
territoire, mais aussi à la coopération au-delà de ses frontières nationales. Les piliers de cette coopération sont la participation aux organisations des Nations Unies, au Conseil de Partenariat euroatlantique et aux organes de contrôle de l'armement. Grâce à la législation en vigueur et à la volonté de coopération, les mesures unilatérales, telles que le Patriot Act américain, n'ont pas de conséquences directes sur la Suisse. Tous les efforts de l'Union européenne (UE) tendent vers la construction d'un Espace européen de sécurité, de liberté et de justice, qui se caractérisera notamment par des mesures telles que le renforcement de la protection aux frontières, une politique de l'asile concertée au niveau européen et la mise sur pied d'une organisation européenne de police (Europol). La Suisse est exclue de tout ce processus.

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IV.

Les lacunes constatées appellent des mesures de la part de la Suisse. Certaines devront être prises prochainement, d'autres sont en cours de réalisation.

D'importants biens patrimoniaux ont été gelés en application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. L'échange d'informations et l'entraide judiciaire avec les autorités étrangères ont été intensifiés. La «Task Force Terror USA» instituée au sein de l'OFP effectue d'importantes recherches. Des mesures d'urgence ont été prises pour protéger la population (mesures ABC), les représentations diplomatiques et l'aviation.

Afin de combler les lacunes juridiques, le Conseil fédéral a édicté dès le 7 novembre 2001 l'ordonnance instituant des mesures à l'encontre du groupe «Al-Qaïda» et d'organisations apparentées. A la même période, il a décidé d'accélérer la ratification de la Convention des Nations Unies pour la répression du financement du terrorisme de même que la Convention des Nations Unies sur la répression des attentats terroristes à l'explosif et de les mettre en vigueur. Ces mesures entraîneront une révision du droit pénal dans le sens de l'introduction d'une nouvelle norme pénale contre le terrorisme et d'une autre norme pénale sur le financement du terrorisme. Les lois fédérales pertinentes seront adaptées. D'autres travaux de législation et d'autres projets (p. ex. la lutte contre la cybercriminalité ou la mise en place d'un Service central de coordination en matière de lutte contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants) misent surtout sur un renforcement de la coopération aux plans national et international concernant la lutte contre la criminalité générale. Les négociations qui s'annoncent entre la Suisse et l'UE sur une coopération plus étroite avec les Etats membres des Accords de Schengen et de la Convention de Dublin revêtent par conséquent une importance croissante.

Dans le cadre du réexamen de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI), les différentes possibilités d'amélioration de la recherche d'informations à titre préventif sont passées en revue et comparées. Quelle que soit la variante choisie, elle devra assurer le respect des droits fondamentaux et permettre la mise en place de moyens de contrôle.

Enfin, la Suisse soutient des
projets centraux dans le cadre d'organismes internationaux tels que le Conseil de l'Europe, l'OSCE et le Conseil de Partenariat euro-atlantique. Tous se concentrent de manière croissante sur le problème de la lutte contre le terrorisme.

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Rapport 1

Introduction

1.1

Propos et mandat

Alors que le nombre d'attaques terroristes avait diminué à l'échelle mondiale depuis le début des années 90, on a constaté à nouveau une forte augmentation en 1999 et 2000 et, paradoxalement une nouvelle baisse, légère, en 20011. De manière générale, les attentats coûtent néanmoins plus de vies; le chiffre de 3547 victimes enregistré en 2001 par le ministère américain des Affaires étrangères est un record. On a constaté une reprise des activités terroristes au cours de ces dix dernières années, tout particulièrement en Europe, mais aussi dans certaines régions d'Afrique et d'Amérique latine ou du Sud-Est asiatique. Contrairement aux opérations pratiquées dans le passé, la plupart des mouvements terroristes actifs ont aujourd'hui élargi leur zone d'action géographique et se manifestent au-delà des frontières nationales ou régionales. A cet égard, ils utilisent les vides juridiques relatifs au principe de la territorialité qui prévaut dans la poursuite des délits; parfois, ils ont pu obtenir un énorme soutien logistique et financier. De plus, en raison des avancées technologiques intervenues dans le domaine des armes et des explosifs, les conséquences réelles ou virtuelles d'une attaque terroriste sont devenues de plus en plus catastrophiques.

Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York et Washington, la question de la prévention et de la lutte contre le terrorisme est devenue plus importante et plus urgente. De nombreux Etats ont revu ou revoient leur législation et consentent d'importants efforts, tant sur le plan financier qu'en termes de personnel, pour renforcer les services compétents et les mesures existantes.

Dans différentes interventions parlementaires, des membres du Parlement et des partis politiques ont chargé le Conseil fédéral2 de faire réaliser une analyse de la 1 2

Patterns of Global Terrorism 2000, U.S. Department of State, mai 2002 Interventions parlementaires relatives aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 traitées par le Conseil fédéral au 31 mai 2002: ­ 01.1114 ­ Question ordinaire Pfister Theophil, déposée le 5.10.2001, CN, Attentats terroristes. Recherche par quadrillage, liquidée.

­ 01.1148 ­ Question ordinaire Gross Andreas, déposée le 14.12.2001, CN, La Suisse et la résolution No 1373 de l'ONU, réponse du Conseil fédéral du 13.2.2002, liquidée.

­ 01.3545 ­ Motion du Groupe radical-démocratique, Renforcer les services de renseignement et la sécurité de l'Etat, déposée le 4.10.2001, CN, déclaration du Conseil fédéral 30.11.2001: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat, la discussion est reportée.

­ 01.3552 ­ Interpellation du Groupe radical-démocratique, Attentats terroristes.

Appréciation de la situation actuelle, déposée le 4.10.2001, CN, 14.12.2001 CN, la discussion est reportée.

­ 01.3569 ­ Motion Merz Hans-Rudolf, Renforcer les services de renseignement et la sécurité de l'Etat, déposée le 4.10.2001 CE, 30.11.2001, déclaration du Conseil fédéral: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat, 10.12.2001, CE: La motion est transmise sous forme de postulat.

­ 01.3576 ­ Interpellation Fünfschilling Hans, Attentats terroristes. Appréciation de la situation actuelle, déposée le 4.10.2001, CE, 10.12.2001, CE, liquidée.

­ 01.3612 ­ Interpellation Suter Marc E., Lutte antiterroriste. Conséquences pour la Suisse des décisions de l'UE, déposée le 5.10.2001, CN, déclaration auteur/auteurs: partiellement satisfait, 14.12.2001 CN, la discussion est reportée.

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situation et des menaces pour la Suisse, dans laquelle il s'agirait de présenter et d'évaluer la situation actuelle, mais aussi d'étudier les formes de menaces, nouvelles pour certaines, que constituent le terrorisme moderne, les crimes contre l'environnement, la cybercriminalité, la contrebande, les armes et leur prolifération, ainsi que le crime organisé, et de mettre au jour les faiblesses de la lutte contre ces phénomènes.

En outre, le Conseil fédéral devra dire où il juge nécessaire d'agir, par la voie législative ou en introduisant de nouveaux instruments. Il a été invité, de plus, à soumettre une nouvelle appréciation de l'«Analyse globale des risques pour la Suisse», en mettant en lumière l'aspect du réexamen des cibles sensibles qui pourraient être l'objet d'attentats terroristes et en évaluant, premièrement, les risques auxquels pourraient être exposées des installations particulièrement complexes susceptibles de subir d'importants dommages et, deuxièmement, les préjudices qui pourraient être causés à la société, à l'écologie et à l'économie par des actes terroristes. Le rapport à établir à ce sujet à l'attention du Parlement doit démontrer la nécessité d'agir pour faire face à la menace actuelle et préconiser les mesures et les moyens financiers qui s'imposent.

Dans sa réponse à la motion Merz3 et au postulat Leutenegger Oberholzer4, le Conseil fédéral insiste sur le fait que, matériellement, un tel rapport rejoint les efforts déployés par la Confédération pour établir un rapport exhaustif en matière de sécurité intérieure et pour coordonner l'activité des services de renseignements. Eu égard à la complexité des problèmes et à l'évolution fulgurante de la situation dans nombre des domaines concernés, l'Organe de direction pour la sécurité n'a été en mesure de livrer qu'un rapport intermédiaire pour la session de printemps5. En raison de

3 4 5

­ 01.3626 ­ Motion Leu Josef, Donner aux services de renseignement les moyens de relever les défis d'aujourd'hui, déposée le 5.10.2001, CN, déclaration du Conseil fédéral 21.11.2001: le Conseil fédéral est prêt à accepter la motion. 14.12.2001 CN, opposition; discussion renvoyée.

­ 01.3633 ­ Postulat Leutenegger Oberholzer Susanne, Attentats terroristes. Réévaluation des risques en Suisse, déclaration du Conseil fédéral 21.11.2001: le Conseil fédéral est prêt à accepter le postulat. 14.12.2001 CN, adoption.

­ 01.3702 ­ Motion du Groupe démocrate-chrétien, Maintien à distance des personnes indésirables en Suisse pour des raisons de sécurité, déposée le 14.12.2001, CN, déclaration du Conseil fédéral du 15.3.2002: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat; pas encore traitée au plénum.

­ 01.3703 ­ Motion Baumann J. Alexander, Efficacité dans la lutte contre le terrorisme, déposée le 4.12.2001, CN, déclaration du Conseil fédéral du 13.2.2002: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat; pas encore traitée au plénum.

­ 01.3704 ­ Motion du Groupe démocrate-chrétien, Elimination des points faibles de la prévention du terrorisme, déposée le 4.12.2001, CN, déclaration du Conseil fédéral du 27.2.2002: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat. 22.3.2002, CN, opposition, discussion renvoyée.

­ 02.1012 ­ Question ordinaire Rechsteiner Paul, Patriot Act, déposée le 12.3.2002, CN, liquidée.

­ 02.3061 ­ Motion du Groupe démocrate-chrétien, Transport aérien et terrorisme.

Améliorer la sécurité, déposée le 14.3.2002, CN, déclaration du Conseil fédéral du 22.5.2002: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat; pas encore traitée au plénum.

01.3569 ­ Motion Merz Hans-Rudolf, Renforcer les services de renseignement et la sécurité de l'Etat.

01.3633 ­ Postulat Leutenegger Oberholzer Susanne, Attentats terroristes. Réévaluation des risques en Suisse.

Cf. les propos tenus par la cheffe du DFJP, le 10 décembre 2001, au Conseil des Etats, lors des débats concernant la motion Merz et l'interpellation Fünfschilling,

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leurs contenus très proches, le Conseil fédéral a décidé de traiter ensemble les interventions en question.

Le rapport intermédiaire a mis entre parenthèses les différents domaines de la criminalité pour se concentrer uniquement sur le thème du terrorisme. Il a été approuvé à la mi-février 2002 par l'Organe de direction pour la sécurité et, le 27 février suivant, le Conseil fédéral en a pris acte. Ce dernier a alors décidé de le soumettre à la Délégation des Commissions de gestion. Fort de l'avis de celle-ci et à la requête du DFJP, le Conseil fédéral a pris la décision, le 15 mars 2002, de ne transmettre le rapport intermédiaire qu'aux auteurs des interpellations parlementaires. Pour le reste, l'Organe de direction pour la sécurité a décidé d'établir deux rapports séparés en réponse aux interventions des membres du Parlement: la présente analyse de la situation et des menaces traite uniquement les questions soulevées dans la motion du Groupe radical-démocratique (01.3545), dans la motion Merz (01.3569), dans l'interpellation du Groupe radical-démocratique (01.3552) et dans l'interpellation Fünfschilling (01.3576); la réponse au postulat Leutenegger Oberholzer (01.3633) fera l'objet d'un autre rapport.

Le rapport que vous avez sous les yeux a été examiné les 23 mai et 4 juin 2002 par l'Organe de direction pour la sécurité, puis avalisé le 11 juin suivant par la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, avant d'être approuvé le 26 juin 2002 par le Conseil fédéral.

1.2

But et signification du rapport

La présente analyse de la situation et des menaces, établie par les autorités compétentes en la matière, a pour objectif de donner une appréciation générale de la situation actuelle sur les questions posées au Parlement et de déterminer où se situe concrètement la nécessité d'agir dans les domaines de la prévention et de la répression du terrorisme, de l'extrémisme violent et d'autres formes de criminalité. Elle est en accord avec les précédents rapports que la Confédération a dressés sur la problématique du terrorisme et de la criminalité: le Rapport sur la politique de sécurité 2000, le Rapport du Conseil fédéral du 19 décembre 2001 sur les mesures prises par la Suisse pour lutter contre le terrorisme et son financement, rédigé à l'intention du Conseil de sécurité des Nations Unies (résolution 1373), et le rapport publié par l'OFP sur la sécurité intérieure (été 2002).

L'action concrète déployée dans les domaines de la prévention et de la répression du terrorisme, de l'extrémisme violent, du crime organisé et d'autres formes de criminalité se mesure à l'aune des moyens et des mesures déployés, dont le réexamen et la mise en oeuvre avaient été ordonnés, pour une part, avant les événements du 11 septembre par le Conseil fédéral. Les lignes qui suivent donnent un aperçu des projets de réforme majeurs.

1680

1.3

Définitions

1.3.1

Les notions de terrorisme et d'extrémisme

Une définition contestée La notion de terrorisme est difficile à définir car l'usage et la signification du mot ont glissé à maintes reprises au fil du temps pour s'adapter à la situation politique de chaque époque. Dans certains cas, on voit dans le phénomène de la violence issue de la clandestinité et dirigée contre un système politique la lutte d'un mouvement de libération ou d'autodéfense, ou bien une forme de représailles légitimes, voire une guerre menée par une armée régulière. Ce n'est qu'au début du mois de décembre 2001 que, sous la pression des événements, les pays membres de l'Union européenne ont réussi à s'accorder sur une définition unique du terme «terrorisme», ce qui prouve bien la difficulté à s'accorder sur une définition unique de ce terme6.

Le phénomène du terrorisme peut se caractériser par trois éléments7: premièrement, il existe une menace de violence systématique ou un recours systématique à la violence; deuxièmement, les auteurs sont organisés et coopèrent sur la base d'un plan; troisièmement, ils poursuivent des objectifs d'ordre politique ou religieux mais également matériels; sous ce dernier aspect, ils entrent dans la catégorie, au sens large, des organisations criminelles. Les actes terroristes ne doivent pas être considérés de manière isolée, mais ils doivent être envisagés comme des actes inscrits dans un contexte de guerres de libération ou de guérillas, d'extrémisme et de crime organisé. En outre, le terrorisme est souvent révélateur de problèmes politiques, économiques et sociaux non résolus, ou manifeste une forme de violence de la part de personnes qui ne détiennent pas le pouvoir contre les gouvernants8. Cette violence peut être dirigée contre des personnes ou contre des choses (bâtiments, véhicules, etc.), et son intensité peut beaucoup varier (p. ex. utilisation d'explosifs). On remarque que les victimes ne sont pas, dans de nombreux cas et ce de manière accrue, la cible directe des terroristes mais qu'elles sont utilisées comme moyen pour perpétrer un acte terroriste. Ce faisant, les acteurs de la terreur cherchent à provoquer un choc qui touche l'opinion publique la plus large possible; ils impliquent donc aussi souvent les médias dans leurs actions. Ils peuvent avoir pour objectif politique de con6

7

8

Voir: Rapport sur le rôle de l'Union dans la lutte contre le terrorisme, A5-0273/2001, 2001/2016 (INI), Bruxelles, 12 juillet 2001; et: Règlement du Conseil concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme COM 2001 713, 2001/0228 (CNS), Bruxelles, 30 novembre 2001.

Voir également: ordonnance du 27 juin 2001 sur les mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (OMSI; RS 120.2): «Activités terroristes: menées déployées en vue d'influencer ou de modifier les structures de l'Etat et de la société, susceptibles d'être réalisées ou favorisées en commettant des infractions graves ou en menaçant de s'y livrer, et en faisant régner la peur et la terreur.» Voir la définition fondée sur la recommandation 1426 (1999) du Conseil de l'Europe.

Cette définition qualifie de terroriste tout «acte commis par des individus ou des groupes recourant à la violence ou menaçant d'utiliser la violence contre un pays, ses institutions, sa population en général ou des individus concrets, qui, motivés par des aspirations séparatistes, par des conceptions idéologiques extrémistes ou par le fanatisme religieux, ou inspirés par des mobiles irrationnels et subjectifs vise à soumettre les pouvoirs publics, certains individus ou groupes de la société, ou, d'une façon générale, la population, à un climat de terreur» (voir la résolution du Parlement européen sur la lutte contre le terrorisme; JO C 055 du 24.2.1997).

1681

traindre les autorités à adopter une conduite (politique) bien précise. En général, il s'agit d'objectifs stratégiques comme l'obtention de l'indépendance politique ou un changement de l'ordre économique et social. Ce type de criminalité se distingue, de par ses objectifs politiques, de la criminalité organisée ou de la criminalité ordinaire, dont la motivation est d'ordre matériel. Le but des activités terroristes n'est pas de s'enrichir illégalement sur le plan matériel; les terroristes considèrent la constitution de ressources financières plutôt comme un moyen pour perpétrer des actes terroristes ou atteindre un objectif politique.

Définition proposée des infractions Le projet de révision du code pénal proposé (cf. ch. 3.2.1 et 4.2.2) repose sur une nouvelle norme pénale d'ordre général visant à réprimer le terrorisme (art. 260quinquies P-CP) ainsi que sur une norme pénale autonome ayant pour objet le financement du terrorisme (art. 260sexies P-CP). La teneur de la première norme pénale est la suivante: ­

Celui qui commet un acte de violence criminel visant à intimider une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, sera puni de la réclusion.

­

Dans les cas particulièrement graves, notamment lorsque l'acte a provoqué les blessures ou la mort d'un grand nombre de personnes, l'auteur pourra être puni de la réclusion à vie.

­

Est également punissable l'auteur qui agit à l'étranger.

Intégration de l'extrémisme violent dans l'analyse de la situation Dans l'analyse de la menace qui suit, les groupes qualifiés à l'étranger de manière explicite de groupes terroristes dans le cadre d'une définition large du terme terrorisme, seront traités, d'après les infractions commises en Suisse, sous l'angle de «l'extrémisme violent» et non explicitement sous celui du «terrorisme». Notons aussi que les mouvements suisses portés à la violence, relevant de l'extrémisme ou non (p. ex. extrémismes de gauche ou de droite ou groupes violents du mouvement antimondialisation) ont été intentionnellement exclus de ce rapport intermédiaire.

Evalué selon des critères suisses, le potentiel de violence généré par ces mouvements dans notre pays ne peut, à l'heure actuelle, être qualifié de manière générale de «terroriste».

1.3.2

Comment définir le crime organisé?

Comme pour le terrorisme, il est difficile de donner une définition simple du phénomène du crime organisé. Contrairement à la criminalité générale ou à la criminalité de bandes, le crime organisé est perçu comme une menace particulière, en ce sens que les organisations criminelles érigent au sein de la société, grâce à leur influence sur les décisions économiques et politiques, leur propre système, parallèle et illégal, et qu'elles peuvent ainsi compromettre les processus transparents de la démocratie. Les pays gangrenés par le crime organisé sont confrontés principalement aux phénomènes suivants: infiltration de l'économie, concurrence menacée par la monopolisation, offres publiques d'achat, supplantation de sphères dirigeantes au 1682

moyen de ressources financières acquises illicitement ou encore pressions directes.

Qui plus est, ces systèmes affectent dans une certaine mesure la formation de la volonté politique et mettent en question non seulement la liberté de décision du citoyen mais aussi la démocratie. La Convention de l'ONU contre la criminalité transnationale organisée définit ce phénomène de manière similaire; la Suisse a été l'un des premiers Etats à la signer à la fin de l'an 2000.

A l'instar de l'opinion prévalant dans une majorité de pays, cette menace qui pèse sur la sécurité publique ou sur l'autonomie de la volonté et la liberté de décision de la population justifie, aux yeux du législateur suisse, la création d'une nouvelle norme pénale. Cette disposition devrait porter ses effets là où il n'est pas possible d'imputer des délits à des acteurs précis au vu de la division des tâches et du cloisonnement des structures qui caractérisent les organisations criminelles.

La nécessité de réprimer en Suisse la participation ou le soutien à une organisation criminelle découle également du fait que, dans la lutte contre les organisations criminelles, notre pays peut bénéficier, grâce à l'entraide judiciaire internationale, de l'assistance d'autres pays pour lesquels le crime organisé représente à certains égards une menace bien plus grave qu'en Suisse.

Dès lors, la formulation concrète de l'article en Suisse s'appuie également de manière délibérée sur la définition criminologique du crime organisé qui a cours au niveau international: Il y a crime organisé lorsqu'une organisation, dont le fonctionnement est proche de celui d'une entreprise internationale, pratique une division très poussée des tâches, dispose de structures hermétiquement cloisonnées, conçues de façon méthodique et durable et qu'elle s'efforce de réaliser des profits aussi élevés que possible en commettant des infractions et en participant à l'économie légale. Pour ce faire, l'organisation a recours à la violence et à l'intimidation, et cherche à exercer son influence sur la politique et l'économie. Elle présente généralement une structure fortement hiérarchisée et dispose de mécanismes efficaces pour imposer ses règles internes.

Ses protagonistes sont en outre largement interchangeables.9 Néanmoins, comme les organisations criminelles présentent des
structures très diverses et sont en mesure de s'adapter très rapidement aux nouvelles conditions, la disposition pénale ne peut contenir une définition exhaustive de l'organisation.

L'évolution récente montre par exemple que certaines organisations criminelles sont moins structurées selon un modèle hiérarchique, tel que la mafia italienne, mais forment plutôt un réseau de groupes spécialisés, plus ou moins liés les uns aux autres, qui se réunissent pour les opérations de grande ampleur et qui agissent également seuls le reste du temps.

9

Message du 30 juin 1993 concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (Révision du droit de la confiscation, punissabilité de l'organisation criminelle, droit de communication du financier); FF 1993 III p. 272.

1683

2

Analyse de la situation

2.1

Situation générale de la sécurité intérieure

Le contexte de la politique de sécurité en mutation Avec sa société démocratique et ouverte, son niveau de vie élevé, son économie libérale et les liens économiques qu'elle a tissés avec le reste de la planète, la Suisse constitue aussi une plate-forme pour le crime international. L'extrémisme violent, quelle que soit sa couleur, fait fi des frontières. Le terrorisme international a atteint une nouvelle dimension. L'instabilité et les conflits qui affectent les régions situées même à l'autre bout du monde sont en mesure de compromettre la sécurité intérieure de la Suisse. Ces tensions peuvent en effet se reporter sur des membres des parties au conflit qui vivent dans notre pays.

Les filières de passeurs et les organisations criminelles déploient souvent leurs activités à l'ombre des mouvements migratoires. Ces dernières années, la mobilité a, de manière générale, favorisé un accroissement notable du tourisme à but criminel.

Les autorités nationales de sécurité et de poursuite pénale ont désormais affaire à forte partie. Cela étant, consolider les frontières ne résoudrait en rien les problèmes et serait illusoire eu égard aux nombreux liens économiques qui unissent notre pays à l'étranger (tourisme, frontaliers, trafic des marchandises). Les changements en matière de politique de sécurité ont également modifié l'image de la situation de notre sécurité intérieure. Les risques et dangers inhérents à ce domaine présentent également un caractère transfrontalier auquel a contribué le développement de la communication électronique (Internet). L'instabilité et les conflits qui affectent des régions parfois très éloignées se répercutent directement sur la sécurité intérieure de la Suisse, estompant ainsi la limite qui sépare la sécurité intérieure de la sécurité extérieure.

Actualité des scénarios de dangers du Rapport sur la politique de sécurité 2000 Il n'est en principe pas nécessaire de revoir les scénarios de dangers présentés dans le rapport sur la politique de sécurité 2000 et sur lesquels se fondent les plans directeurs de l'armée et de la protection de la population. Seules ont changé la prise de conscience de la vulnérabilité de notre société technologique ainsi que l'évaluation du temps de préparation nécessaire: contrairement aux menaces militaires classiques, les attentats terroristes sont
souvent perpétrés sans préavis.

L'éventail des dangers continue à s'élargir avec la dynamique, la complexité et la perte d'importance de l'espace géographique. Le 11 septembre 2001 confirme le caractère non conventionnel et asymétrique des nouvelles formes de menace.

1684

2.2

Les formes actuelles du terrorisme international

2.2.1

Terrorisme social-révolutionnaire et ethno-nationaliste

Si l'on porte un regard sur les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, on s'aperçoit que certaines formes de terrorisme ont en quelque sorte subi une stagnation.

Une présence de moins en moins justifiée en Europe occidentale La fin de la guerre froide a retiré aux groupes terroristes sociaux-révolutionnaires leur raison d'être et leur fondement matériel non seulement en Europe, mais aussi dans le reste du monde. En dépit du processus d'intégration économique et politique en Europe, certains foyers conflictuels liés à des aspirations séparatistes ont subsisté (Pays basque, Corse). Différents conflits, dans le cadre desquels les groupes luttaient contre le pouvoir en usant de l'arme terroriste, ont pu être réglés (Haut-Adige) et d'autres sont partiellement désamorcés par des négociations de paix dont le processus s'interrompt et reprend régulièrement (Irlande du Nord).

Les conflits non résolus dans les régions périphériques et outre-mer A l'inverse, suite à l'effondrement des régimes communistes ou des régimes soutenus par l'Union soviétique, de nouveaux conflits d'origine ethnique sont apparus dans les régions marquées historiquement par les troubles dans le sud-est de l'Europe, mais aussi au Moyen-Orient et en Asie centrale. Les mouvements migratoires de travailleurs et de réfugiés ­ en partie antérieurs à ces troubles ­ ont directement confronté les sociétés démocratiques d'Europe occidentale à ces conflits et au problème des organisations extrémistes violentes étrangères.

Les répercussions sur la Suisse A titre d'exemple, on peut citer quatre conflits non résolus qui touchent en particulier la Suisse: le conflit politico-ethnique entre les Tamouls et les Cinghalais dans le nord-est du Sri Lanka, la lutte menée par les Kurdes pour obtenir un statut autonome sur les territoires turc, syrien, irakien et iranien, les aspirations séparatistes et les conflits de minorités dans le sud des Balkans (surtout au Kosovo et en Macédoine) ainsi que le conflit au Proche-Orient.

Les organisations terroristes de ces régions en conflit, inspirées par des motivations d'origine ethnique, observent actuellement, en raison des interventions ou sous la pression de la communauté internationale, une certaine retenue. Dans le cas du conflit au Proche-Orient, quelques groupes pourraient bien se radicaliser.

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2.2.2

Terrorisme islamiste10

Importance croissante des aspects religieux Depuis que le terrorisme politique existe, certains groupes ajoutent à leurs objectifs une composante religieuse. Néanmoins, la conviction politique l'emporte généralement sur la conviction religieuse. Au cours des dernières années, des courants intégristes, issus d'un fondamentalisme de plus en plus présent dans toutes les grandes religions, se sont peu à peu transformés en groupes terroristes agissant à des fins en partie religieuses. Les raisons de ce phénomène sont diverses. On peut par exemple citer le succès de la révolution islamique en Iran (1979), la perte d'attrait des idéologies communistes suite à la chute de l'Union soviétique (1991), les craintes des pays en retard sur le plan économique face à la mondialisation, ou les facteurs de société tels que la croissance démographique et le manque de sécurité, la pauvreté et le manque de perspectives d'avenir.

L'intégrisme islamique: foyer de groupes violents?

Depuis le début des années 80, on remarque, dans le monde islamique, que les actes de violence terroristes ont plus souvent une motivation religieuse que politique.

L'intégrisme islamique sert ainsi de foyer commun aux groupes violents pour recruter des activistes et des sympathisants.

A la même époque, différents Etats du Golfe (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Koweït), soutenus par des organisations religieuses, se sont efforcés d'exercer une plus grande influence sur les populations musulmanes du continent africain. Les pays arabes craignaient, d'une part, que les Etats africains, et tout particulièrement le Soudan, soient trop influencés par la Libye. D'autre part, l'Arabie saoudite voulait faire contrepoids au succès de l'islam chiite de l'ayatollah Khomeini, en mettant en place un réseau international dans les Etats musulmans. Elle a apporté, de ce fait, son soutien à l'organisation créée par les Frères musulmans. La confrérie, créée par Hassan al-Banna en 1928 en Egypte, milite en faveur de l'instauration, dans tous les pays musulmans, d'une société islamique fondée sur le modèle wahhabite11. Par la suite, les Frères musulmans ont influencé bon nombre de mouvements islamistes, par exemple le Hamas palestinien, le Front islamique du salut (FIS) en Algérie ou le mouvement En Nahdha en Tunisie.

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11

Afin de bien marquer la différence, d'un point de vue linguistique, entre l'intégrisme purement religieux et l'intégrisme politique et extrémiste, on utilise les adjectifs «islamique» au sens purement religieux et «islamiste» pour qualifier les revendications relevant de l'intégrisme religieux allié à l'intégrisme politique.

Courant extrême de l'islam sunnite, créé par le cheikh Mohammed Ibn Abdul Wahhab au 18e s. Le wahhabisme prône un islam pur, associé à un refus de toute influence culturelle en provenance de l'étranger. Le gouvernement en place en Arabie saoudite se considère comme le protecteur de ce courant religieux et tente de le propager le plus largement possible.

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Le rôle des organisations islamiques non gouvernementales dans la guerre sainte Des centres de formation paramilitaires pour le djihad12 (guerre sainte), ouverts à tous les musulmans du monde islamique, ont été installés en Afghanistan. Leur formation accomplie, certains de ces moudjahiddin ont été engagés dans différentes organisations non gouvernementales (ONG) comme International Islamic Relief Organization, Al-Haramain, Society for the Revival of Islamic Heritage ou Wafa.

Les deux premières citées sont soutenues par l'Arabie saoudite, la troisième par le Koweït. «Wafa», financée par des fonds privés en provenance des pays du Golfe, a mis en place différents programmes sanitaires, alimentaires et d'équipements publics.

L'idéologie véhiculée par ces organisations est un islam orthodoxe et rigoriste qui prône le retour aux racines de la religion. Parce qu'elles se veulent aussi un soutien pour les croyants, sur le plan humanitaire et économique, et dans leur «combat» (spirituel), ces organisations jouent un rôle essentiel dans le djihad. Elles ont aussi favorisé la création de diverses organisations en Asie centrale, dans les Balkans, au Proche-Orient, dans le Caucase ou dans d'autres régions en crise et où des populations musulmanes ont été ­ ou sont toujours ­ impliquées dans des conflits intraétatiques.

Les foyers de violence Le nombre de confrontations entre groupes islamistes et le pouvoir en place dans leur pays d'origine a augmenté, bien que les pays concernés aient renforcé leurs mesures de répression. Qui plus est, l'attitude de plus en plus intolérante dont font preuve certains Etats du monde arabe d'une part, et l'envenimement des relations israélo-palestiniennes, d'autre part, ont jeté de l'huile sur le feu. La violence terroriste s'est manifestée jusqu'ici sous des formes très diverses d'une région à l'autre.

Si les groupes terroristes sévissant en Algérie présentent toujours un danger important, leurs objectifs semblent être de moins en moins politiques et leur légitimité populaire paraît décliner.

La situation au Proche-Orient se présente différemment. L'enlisement du processus de paix israélo-palestinien a renforcé l'influence et la légitimité des groupes islamistes et dissidents de la région. Ces organisations poursuivent des objectifs politiques, mais sans pour autant
abandonner l'arme de la violence pour imposer leurs revendications. D'autres organisations, comme la Jamaa al-Islamiyya en Egypte, semblent hésiter à se distancier définitivement de la violence pour entrer dans le jeu politique.

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Djihad signifie «effort sur le chemin de Dieu» et ne se limite pas seulement à la guerre sainte menée contre les non-croyants. Le grand djihad représente le combat intérieur et spirituel de tout un chacun afin d'accomplir la loi divine, tandis que le petit djihad marque l'engagement militaire.

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2.2.3

Afghanistan, Pakistan et Oussama Ben Laden

Le mouvement de résistance islamiste en Afghanistan Depuis la fin de l'occupation soviétique (1979-1989), l'Afghanistan est devenu le bastion des militants islamistes du djihad international décidés à propager leur idéal de société. C'est encore aujourd'hui une réalité comme en témoigne la guérilla incessante menée contre les Etats-Unis et la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS). Après les attentats du 11 septembre, qui ont entraîné l'intervention américaine en Afghanistan et la chute du régime des Taliban, la majorité des terroristes ayant survécu se sont réfugiés au Pakistan, lequel avait déjà servi de zone de repli à la résistance qui luttait contre l'occupant soviétique dans les années 80. La victoire remportée sur l'Union soviétique a conféré aux combattants afghans ainsi qu'à leurs coreligionnaires arabes et asiatiques une aura d'invincibilité. Oussama Ben Laden et d'autres protagonistes sont également perçus comme les vainqueurs des Soviétiques.

Lors de la guerre contre l'occupation soviétique, Oussama Ben Laden avait organisé le recrutement des combattants arabes et leur acheminement en Afghanistan, ainsi que l'aménagement de camps d'entraînement. Irrité notamment par le maintien de la présence américaine en Arabie saoudite après la guerre du Golfe de 1991, Ben Laden ne renoncera jamais à ses activités militaires. Celles-ci lui donneront les moyens de poursuivre ses objectifs, à savoir notamment déloger les soldats américains de l'Arabie saoudite, libérer Jérusalem et réunir les territoires islamiques pour créer un seul Etat.

Entre 1989 et la prise de pouvoir des Taliban (1996), Oussama Ben Laden ne se trouvait pas en Afghanistan. Il s'est occupé, d'abord en Arabie saoudite, puis au Soudan, de ses intérêts économiques (ses ressources financières lui ont servi et lui servent encore aujourd'hui à financer ses activités politiques et terroristes). Il a également noué là-bas des liens étroits avec le régime islamiste dominé par Hassan Al-Tourabi. C'est à cette époque également qu'il a créé sa propre organisation, le groupe Al-Qaïda. Lorsqu'Oussama Ben Laden revient en Afghanistan en 1996, il se lie avec le mollah Omar, chef des Taliban, et reprend le contrôle de l'infrastructure et des camps d'entraînement qu'il avait mis en place pour lutter contre les Soviétiques. Cette
situation lui permet d'une part de recruter les meilleurs combattants pour les associer à ses propres activités et, d'autre part, de tisser des relations étroites avec d'autres groupes terroristes, ce grâce également à la création du Front islamique mondial pour le djihad contre les juifs et les croisés.

Montée de l'intégrisme au Pakistan Depuis la guerre d'Afghanistan, le Pakistan, Etat islamique dès sa fondation, est confronté à l'influence grandissante des groupes islamiques intégristes. Ces groupes présentent une grande diversité et vont des radicaux extrémistes aux réformateurs modérés. Le régime en place s'est distancié jusqu'à présent de tous les mouvements islamiques qui ne prennent pas eux-mêmes clairement leurs distances par rapport aux groupes islamistes. Les islamistes contrôlent de nombreuses écoles coraniques (madrassa), dont certaines servent aussi de centres de formation de la guerre sainte.

Les autorités indiennes reprochent régulièrement au Pakistan de soutenir des groupes islamistes qui participent aux luttes partisanes dans le conflit du Cachemire.

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Oussama Ben Laden soupçonné de terrorisme La majorité des moudjahiddin formés en Afghanistan sont retournés dans leurs pays d'origine à la fin de la guerre contre l'occupation soviétique. Ils ont créé à leur tour de nouveaux groupes, tout en maintenant les contacts avec l'organisation de Ben Laden, et orchestré ensuite plusieurs opérations, en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est par exemple. L'arrestation de quatre personnes en décembre 2002 (soupçonnées d'avoir fomenté plusieurs attentats en Europe) ainsi qu'après le 11 septembre 2001 en Allemagne, au Benelux, en France, en Italie et en Espagne pourrait dénoter la présence de réseaux de Ben Laden, en Europe également.

La responsabilité des attentats commis contre les ambassades américaines de Dar es-Salam et de Nairobi (1998), contre le bateau militaire américain USS Cole dans le port d'Aden (2000) et, le 11 septembre 2001, contre le World Trade Center à New-York et le Pentagone à Washington, de même que celle du crash d'un avion en Pennsylvanie, est imputée directement à Al-Qaïda; ces actes terroristes visaient directement les Etats-Unis. D'autres attaques perpétrées ces dernières années par des terroristes islamistes (p.ex. l'attentat de Louxor en 1997, le détournement du vol 814 d'Air India en 1999 ou l'attentat manqué contre le vol 63 d'American Airlines en décembre 2001) sont mis sur le compte de groupes ou de cellules apparentés.

Al-Qaïda reste active Même si les activités de l'organisation Al-Qaïda ont été pratiquement enrayées en Afghanistan, le sort de son leader, Oussama Ben Laden, demeure obscur. Plusieurs cellules terroristes, qui faisaient déjà l'objet d'enquêtes avant les attentats aux EtatsUnis, ont été mises au jour en Europe. Ce sont principalement des groupuscules ou des cellules de mouvements extrémistes islamistes n'appartenant pas à Al-Qaïda, mais néanmoins étroitement «associés» à l'organisation d'Oussama Ben Laden.

Ainsi, depuis fin 2000, plusieurs membres de cellules opérationnelles et logistiques ont été arrêtés en Allemagne, au Benelux, en Italie, en France, en Espagne, en Grande-Bretagne mais aussi en Asie.

Autant que l'on puisse en juger, les opérations, investigations et mesures de sécurité déployées par bon nombre d'Etats entravent les menées des organisations terroristes.

Il est toutefois difficile d'évaluer
dans quelle mesure ces initiatives contribuent à affaiblir ces mouvements en général et Al-Qaïda en particulier. Il y tout lieu de craindre que les réseaux financiers, logistiques et opérationnels n'ont pas pu être complètement neutralisés. On a en effet déjà constaté par le passé que des cellules de ce genre, mises en veilleuse, pouvaient fonctionner et être réactivées en tout temps.

Dès lors, on ne peut totalement exclure la possibilité d'un attentat en Europe au cours des prochains mois, dont les auteurs pourraient dépendre en droite ligne d'Al-Qaïda ou entretenir des relations moins étroites avec l'organisation de Ben Laden, et ce même si, à ce jour, aucun rapport n'a pu être établi entre les cellules terroristes découvertes et Ben Laden. On redoute, en particulier, d'autres attentats contre des intérêts occidentaux principalement dans des Etats islamistes, à l'image des attaques présumées contre la synagogue de Djerba (11.4.2002, acte visant des touristes allemands) et contre des techniciens français à Karachi (8.5.2002).

Cette stratégie permet à Al-Qaïda et aux groupes qui lui sont «apparentés» d'accroître la pression à la fois sur les pays européens et sur les pays musulmans qui soutiennent les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme. Enfin, il est à craindre 1689

que l'organisation d'Oussama Ben Laden s'emploie dans un avenir plus ou moins proche à commettre un attentat important contre des cibles américaines, car elle doit prouver qu'elle existe toujours.

2.2.4

Financement du terrorisme

Depuis les attentats du 11 septembre, la recherche des fonds qui ont permis de financer les actes terroristes est au coeur des investigations. La question fondamentale du financement des activités terroristes focalise donc également l'attention.

Les sources de financement Dans le financement du terrorisme, il y a lieu de faire une distinction entre les sources de financement légales et les sources de financement illégales. Les financements de l'Etat, les dons privés, les produits issus d'affaires financières légales, les gains de certaines organisations humanitaires à but non lucratif, les bénéfices de campagnes de collectes de fonds, les revenus de la vente de publications et des cotisations de membres des partis qui soutiennent les organisations sont des sources légales de financement. Par contre, l'argent d'origine illégale provient de la criminalité ordinaire et du crime organisé ­ principalement du trafic de drogue et d'armes ­, mais aussi des enlèvements, des vols à main armée, du blanchiment d'argent et du racket.

La principale difficulté des enquêtes sur le financement présumé du terrorisme avec des fonds d'origine légale réside dans l'établissement de la preuve. S'il apparaît clairement que des fonds servent à financer des activités terroristes, il est possible de procéder à leur blocage.

En principe, les organisations terroristes peuvent, quelle que soit leur spécificité, avoir accès à tous les types de financement. On remarque13 cependant que les mouvements terroristes à caractère séparatiste ou d'obédience marxiste-léniniste, tels que le Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan (KADEK, anc. PKK), les LTTE, l'UÇK RX HQFRUH O¶(7$ IRQW DSSHO à d'autres sources de financement que les organisations terroristes islamistes comme Al-Qaïda. Ces dernières sont essentiellement financées par des Etats, des fonds privés14, des organisations à but non lucratif ou des dons15, tandis que les mouvements séparatistes vivent d'abord et surtout du produit des collectes de fonds, de la vente de publications, des activités relevant de la criminalité ordinaire, du crime organisé et du racket.

S'il est impératif de pouvoir identifier et bloquer les sources de financement du terrorisme, il est tout aussi important de ne pas perdre de vue les systèmes de transfert de fonds. Ceux-ci empruntent souvent des circuits tortueux entre les lieux de provenance et de destination, car ils peuvent fournir eux aussi des indices d'ordre technique aux enquêteurs.

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Jean-Louis Bruguière: «Financing of Terrorism». Exposé présenté lors d'un symposium du BND (service de renseignements allemand) consacré au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, qui s'est tenu le 25 octobre 2001 à Munich.

La fortune d'Oussama Ben Laden lui-même est estimée à quelque 300 millions de dollars.

Ce sont essentiellement les dons récoltés au sein du système implanté dans le monde par certaines écoles coraniques radicales qui servent à financer le terrorisme.

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Les systèmes de transfert Les systèmes de transfert de fonds sont, eux aussi, de deux types, les systèmes des marchés financiers légaux côtoyant les systèmes bancaires clandestins. Si les fonds passent par le système bancaire officiel, les méthodes utilisées se rapprochent des opérations de blanchiment de fonds d'origine criminelle. Les enquêteurs sont donc confrontés aux mêmes obstacles que lors d'investigations en matière de blanchiment. Par ailleurs, les transactions transitant par des systèmes bancaires connus sont également difficiles à dépister du fait que les transferts portent souvent sur de petits montants.

On estime que les attentats terroristes du 11 septembre ont coûté entre 350 000 et cinq millions de dollars16. Or, si l'on ramène cette somme aux années de préparation nécessaires et au nombre présumé de destinataires, il apparaît qu'aucune transaction financière n'aurait dépassé le plafond habituel des transactions suspectes.

Les fonds islamistes ­ les flux financiers et les organisations terroristes islamistes sont dans la ligne de mire des investigations déployées depuis le 11 septembre ­ sont fréquemment transférés par les systèmes de type «hawala», indépendamment de leur affectation, légale ou illégale.

Les hawalas sont des systèmes de transfert archaïques répandus essentiellement au Moyen-Orient et en Asie. Ils sont utilisés pour les transactions illégales, dans la mesure où les transactions financières ne sont enregistrées ni par écrit ni électroniquement (paper trail), ce qui rend impossible, ou pour le moins extrêmement difficile, toute recherche de transactions illégales.

Le système de type hawala est un réseau de personnes établies dans différents pays et exerçant les activités les plus diverses, qui s'appuie sur un système de liens claniques basés sur la confiance. Un marchand de primeurs peut par exemple faire office de filiale en Suisse. Les initiés peuvent lui remettre leur argent en espèce en lui demandant de transférer la somme à une personne vivant dans un autre pays. Ledit marchand contacte par e-mail, téléphone ou fax une autre personne de confiance dans le pays en question en lui demandant de remettre la somme correspondante à son destinataire. Le destinataire possède un mot de passe qu'il doit alors communiquer pour recevoir l'argent. Les fonds sont transférés
physiquement après coup ou sont compensés par des contre-affaires. Le transfert est soumis à une taxe17.

On pense que les transactions financières d'Al-Qaïda, le réseau terroriste d'Oussama Ben Laden, se sont principalement déroulées de la manière décrite ci-dessus. Il s'avère nécessaire, ici également, de déployer un intense travail de service de renseignements afin de glaner des informations sur ces flux financiers.

16 17

Symposium du BND consacré au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme (Munich, 25 octobre 2001).

L'islam rigoriste condamne le prêt à intérêt. Par conséquent, soit le rendement du capital prêté dépend du produit du projet dont il a permis le financement, soit il est calculé séparément par l'introduction de taxes qui correspondent plus ou moins au produit des intérêts en Occident.

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2.2.5

La sûreté de l'aviation menacée

Quand les avions deviennent des armes...

Le mode opératoire des attentats du 11 septembre à New York a inauguré l'avènement d'une nouvelle dimension dans la menace terroriste, notamment en matière de sûreté de l'aviation. Pour la première fois, les avions détournés n'ont pas uniquement servi de moyen pour faire valoir des exigences (revendications politiques, enlèvements commis pour obtenir la libération de prisonniers politiques, extorsion de rançons, etc.), mais ont été directement utilisés comme armes. Et c'est de manière délibérée que les terroristes ont provoqué la perte de plusieurs milliers de vies humaines. Jusqu'ici, la probabilité de ce type de scénario était considérée comme faible; en effet, en 1994, un attentat suicide dont la cible devait être Paris (détournement d'un Airbus d'Alger à Marseille par le GIA algérien) avait pu être évité.

2.2.6

Le terrorisme et les moyens non conventionnels (agents CBR)

Une menace plus lourde depuis le 11 septembre 2001 Face à la brutalité des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, on craint de plus en plus que des groupes terroristes puissent aussi utiliser des moyens non conventionnels. Les attaques à l'anthrax qui ont directement suivi les événements du 11 septembre, et dont l'origine reste inconnue, ont accentué cette peur. L'attentat au gaz Sarin perpétré le 20 mars 1995 dans le métro de Tokyo par la secte japonaise Aum Shinrikyo, qui a coûté la vie à douze personnes et fait plus de 5500 blessés, a montré que l'utilisation de tels moyens par des groupes terroristes n'était plus une crainte injustifiée. Enfin, la tendance à la hausse, observée depuis le début des années 90, du nombre des victimes des attentats terroristes (pour moins d'attentats au total) n'a rien de rassurant.

On entend par moyens non conventionnels les armes de destruction massive au sens étroit (armes atomiques, biologiques et chimiques) et, particulièrement lorsqu'il s'agit du terrorisme, les substances chimiques, biologiques et radiologiques (agents CBR). L'utilisation d'armes de destruction massive semblait jusqu'ici aller à l'encontre de la logique terroriste, à savoir que les groupes terroristes utilisent la violence ou menacent de l'utiliser contre des cibles symboliques ou prises au hasard pour atteindre leurs objectifs politiques, idéologiques ou religieux concrets. Vu sous cet angle, le terrorisme consiste à «user de la violence à des fins de communication».

Cette définition vaut aussi pour les attentats du 11 septembre, malgré le nombre élevé de victimes.

L'utilisation de moyens non conventionnels et, tout particulièrement, d'armes de destruction massive doit être interprétée comme le signe d'une forme de terrorisme «irrationnel», par laquelle les auteurs tentent généralement de faire passer un message dans leur pays, et non pas à l'étranger. Cette forme de terrorisme concerne tout au plus des groupes religieux et parareligieux du type apocalyptique tels que la secte Aum Shinrikyo, et des petits groupes ou individus extrémistes, violents ou asociaux qui agissent pour exprimer la haine profonde qu'ils ont envers la société (comme

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l'extrémiste de droite Timothy McVeigh, auteur de l'attentat du 19 avril 1995, à Oklahoma City).

Si des terroristes veulent utiliser des moyens non conventionnels pour déclencher une menace, il faut d'abord qu'ils puissent en disposer réellement et qu'ils sachent ensuite s'en servir. Pour le moment, des groupes terroristes ou des individus isolés ne sont pas en mesure de produire des armes de destruction de masse. Par conséquent, c'est l'utilisation indirecte d'agents CBR qui serait privilégiée dans le contexte terroriste.

Terrorisme nucléaire Dans le domaine nucléaire, on estime que la production d'une arme nucléaire dépasse largement les capacités des groupes terroristes. C'est pourquoi la question du vol d'armes nucléaires, de matériel radioactif, ou d'une attaque contre un site nucléaire est au coeur des préoccupations.

Suite à l'effondrement de l'URSS, on a craint que des têtes nucléaires puissent être volées et tombent entre de mauvaises mains. Jusqu'à présent, rien ne laisse toutefois penser que des têtes nucléaires en provenance de l'ancien arsenal militaire soviétique aient disparues.

Un groupe terroriste serait en mesure, grâce à du matériel radioactif en provenance du domaine médical, de l'industrie civile ou de la recherche, de produire une arme radioactive. L'explosion de l'arme ne ferait pas de nombreuses victimes (tout au moins à l'heure actuelle), mais pourrait provoquer pendant longtemps, selon le matériel utilisé, une contamination radioactive sur une vaste zone. S'il est assez aisé, pratiquement partout dans le monde, de se procurer du matériel médical radioactif, il faut cependant en disposer en grande quantité pour contaminer une vaste région.

Cela dit, il ne faut pas sous-estimer l'effet psychologique provoqué par l'utilisation de substances radioactives.

Une attaque contre un site nucléaire pourrait indirectement provoquer un rayonnement radioactif. De même, des actes de sabotage ne causeraient que de faibles dommages: si l'on tirait sur une centrale nucléaire au moyen d'une arme antichars guidée, il est très improbable que cela puisse provoquer un rayonnement radioactif.

La question de savoir si des centrales nucléaires pourraient être endommagées par des attaques menées par des avions de ligne détournés est présente depuis le 11 septembre. Les enceintes de confinement
des centrales les plus récentes sont construites, tout au moins dans les pays occidentaux, de manière à pouvoir résister à un tel choc. Dans les pays de l'ex-Union soviétique par contre, les installations ne répondent que de manière très insuffisante à ces exigences de sécurité.

Terrorisme biologique On trouve des agents biologiques partout où ils sont naturellement présents (endémiques) ou là où ils sont stockés (p. ex. dans des laboratoires spécialisés ou des instituts universitaires). On ne peut pas isoler ni identifier un agent pathogène sans connaissances préalables, et encore moins l'utiliser, notamment lorsqu'il s'agit d'agents pathogènes humains, comme la variole ou la peste. La production d'un agent biologique de grande qualité exige beaucoup de savoir-faire. La production de l'anthrax utilisé aux Etats-Unis (des spores très fines, homogènes de l'ordre du

1693

micron) ou la manipulation d'agents pathogènes humains hautement contagieux requiert des connaissances et une infrastructure adaptée.

Hormis la production, la dissémination d'agents biologiques, notamment d'agents non contagieux tels que des spores ou des toxines, est loin d'être une tâche facile pour les terroristes. Si l'on veut toucher un nombre élevé de personnes avec des agents non contagieux, il faut utiliser plus de 100 kg de toxiques biologiques de combat. En revanche, pour répandre des agents très contagieux, de faibles quantités suffisent: dix personnes à qui on aurait inoculé le virus de la variole peuvent aisément déclencher une réaction en chaîne susceptible d'entraîner rapidement la mort d'un grand nombre de personnes. Cela dit, ce virus est difficile à se procurer, ce qui réduit grandement la probabilité d'une telle attaque.

Cas d'anthrax aux Etats-Unis Les affaires d'anthrax survenues aux Etats-Unis au cours de l'automne 2001 ont nettement montré l'ampleur de l'effet psychologique de masse que quelques agressions somme toute très limitées peuvent provoquer. Les spores de fièvre charbonneuse envoyées provenaient d'une préparation de très grande qualité et d'une souche très virulente avec laquelle, selon les données officielles, des recherches n'ont été faites que dans de rares laboratoires aux Etats-Unis, au Canada et en GrandeBretagne. Les autorités chargées de l'enquête s'accordent à dire que les auteurs pourraient être des chercheurs ayant collaboré à d'anciens programmes américains sur les armes biologiques ou des scientifiques travaillant dans un laboratoire militaire américain. L'hypothèse d'un auteur étranger n'est cependant pas totalement écartée.

Terrorisme chimique Dans le secteur chimique, c'est surtout l'utilisation d'un toxique chimique de combat ou d'un agent chimique toxique qui est envisageable. Il est moins vraisemblable que des armes chimiques provenant du secteur militaire soient utilisées, même s'il ne faut pas oublier les stocks énormes d'armes chimiques entreposées dans l'ex-Union soviétique, parfois dans des conditions de sécurité précaires.

Le choix de l'agent qui serait utilisé pour perpétrer un éventuel attentat terroriste dépend de la disponibilité des substances chimiques nécessaires à sa fabrication et du savoir-faire dont dispose le groupe
terroriste. Outre la production, la dissémination d'un agent chimique est loin d'être une tâche facile pour les terroristes, notamment s'ils veulent toucher un nombre élevé de personnes, car ils doivent alors disposer d'une assez grande quantité de toxiques chimiques de combat ou d'agents chimiques toxiques.

Al-Qaïda possède-t-elle des moyens non conventionnels?

Au lendemain des cas d'anthrax qui ont agité les Etats-Unis, la question s'est posée de savoir si Oussama Ben Laden et l'organisation Al-Qaïda étaient ou non impliqués dans cette affaire. Lors d'interviews, Ben Laden a certes exprimé à plusieurs reprises qu'il souhaitait se procurer et utiliser des armes chimiques et nucléaires. Si de nombreux indices suggèrent qu'Al-Qaïda a tenté de se procurer des armes de destruction massive et, spécialement, des substances radioactives, rien ne permet actuellement de dire que l'organisation d'Oussama Ben Laden détient réellement des armes chimiques ou nucléaires. Les experts estiment qu'Al-Qaïda possède de faibles 1694

quantités d'agents chimiques toxiques (acide cyanhydrique) et de toxines biologiques (toxine botulinique, ricine) et qu'elle dispose des connaissances nécessaires à leur utilisation. Ces substances pourraient, dans un premier temps, être utilisées dans des attaques improvisées contre des individus ou des petits groupes, mais pas dans le cadre d'un attentat de grande ampleur.

La menace pour la Suisse et le risque à l'échelle internationale Depuis les attentats du 11 septembre et les cas d'anthrax relevés aux Etats-Unis, on ne peut plus exclure que des groupes terroristes utilisent des moyens non conventionnels. Afin de pouvoir utiliser de tels moyens, il faut, outre la volonté de les utiliser, pouvoir en disposer et être capable de s'en servir (surtout si l'objectif est de toucher un nombre élevé de personnes). Pour l'instant, les groupes et les individus susceptibles d'être prêts à utiliser des moyens non conventionnels, et notamment des substances ABC, appartiennent essentiellement à des sectes ou à des groupes religieux et parareligieux de type apocalyptique, ou sont des individus ou des groupes portés à la violence.

Si des groupes terroristes, ou un seul individu, venaient à employer des substances ABC, comme lors des récentes affaires d'anthrax, les conséquences ne devraient pas être trop lourdes ni toucher un grand nombre de personnes. On peut cependant s'attendre (justement en raison des cas d'anthrax) à ce qu'un attentat improvisé, perpétré au moyen d'agents chimiques toxiques, de toxines biologiques ou de matériel radioactif provoque de lourds effets au niveau psychologique et entraîne, de ce fait, de graves conséquences économiques. En outre, on ne peut exclure qu'un groupe, surtout comme Al-Qaïda, puisse aussi déclencher une attaque contre des sites qui produisent ou abritent des substances dangereuses.

Rien ne permet de soupçonner actuellement une menace concrète pour la Suisse. La probabilité de voir perpétrer aujourd'hui dans le monde un attentat improvisé au moyen d'agents CBR, notamment contre des intérêts américains, juifs ou israéliens, est dans l'ensemble plutôt faible, mais ne saurait néanmoins être écartée. Un tel attentat aurait surtout de lourdes conséquences psychologiques pour l'ensemble de la population de la région sinistrée.

2.2.7

Evaluation générale des attentats du 11 septembre

Signes avant-coureurs Des signes laissant présager un attentat de grande ampleur s'étaient manifestés, au travers de fausses alertes, ces trois dernières années aux Etats-Unis et ailleurs.

L'attentat du World Trade Center en 1993 et celui perpétré deux ans plus tard contre un bâtiment administratif d'Oklahoma City avaient déjà mis en lumière la vulnérabilité des centres urbains et des bâtiments symboliques. En outre, des oeuvres littéraires et des études en matière de politique de sécurité avaient anticipé la réalité en imaginant des scénarios catastrophes. A la fin des années 90, des études américaines, notamment, situaient la menace principalement dans les domaines de la conduite de la guerre électronique (cyberwar) et de la dissémination des moyens de destruction massive. Dans l'évaluation de la situation, il faut aujourd'hui redonner une grande importance aux armes classiques du terrorisme (attentats à l'explosif, enlèvements, etc.).

1695

Marge d'alerte incertaine En matière de marges d'alerte, il faut clairement faire la distinction entre le risque de guerre et les répercussions directes ou indirectes de la violence extrémiste et terroriste. Dans le premier cas, il s'agit en effet d'une alerte stratégique, voire d'une détection précoce, tandis que dans le second cas, il s'agit d'une alerte tactique. Dans ce dernier cas, la question n'est donc plus de savoir si des groupes déterminés vont faire usage de la violence, mais plutôt où et quand. Si les terroristes prévoient leurs attentats à court terme, la marge d'alerte théorique maximale peut se réduire à quelques jours.

Détection précoce grâce au service de renseignements Les investigations actuelles révèlent que le 11 septembre a été préparé minutieusement et démontrent que les terroristes peuvent vivre des années dans les sociétés industrialisées de manière légale, intégrée et anonyme («agents dormants»). Les «agents dormants» se caractérisent par le fait qu'ils ne commettent aucun délit pendant une longue période, puis s'activent soudainement. Ce comportement est connu depuis longtemps dans le domaine du contre-espionnage. Ce constat donne à penser que, face aux dépenses croissantes engagées pour les instruments modernes de l'espionnage électronique, les efforts déployés par le renseignement classique (recherche d'informations sur les menées d'infiltration et sur les agents), qui se sont relâchés partout dans le monde à la fin de la guerre froide, n'ont pas perdu de leur importance lorsqu'il s'agit de détecter à temps des structures dissimulées.

Lien avec l'engagement international des Etats-Unis Dans l'analyse des événements du 11 septembre, il faut en outre admettre que ceuxci sont liés à l'engagement international des Etats-Unis, car les attentats visaient sciemment les Etats-Unis. Il ressort aussi clairement de ces événements qu'il ne faut pas se limiter à renforcer les mesures de sécurité, mais qu'il s'agit de rechercher activement les causes des problèmes.

Incidences possibles à l'échelle internationale Les attentats du 11 septembre ont fait apparaître les constats suivants dans le contexte international: ­

La grande vulnérabilité des sociétés industrielles modernes et l'importance de la protection des infrastructures sensibles et symboliques sont une fois de plus incontestables partout dans le monde.

­

Les modèles d'action actuels relevant de la politique de sécurité sont remis en question avec, au coeur de cette réflexion, l'influence des acteurs non étatiques, l'importance accrue de la conduite de la guerre asymétrique et la recherche d'informations effectuée à titre préventif par les services de renseignements.

­

La présence de réseaux internationaux de groupes terroristes requiert un renforcement de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme.

­

La traque menée contre l'organisation Al-Qaïda a montré comment des organisations terroristes pouvaient construire un réseau d'envergure inter-

1696

nationale principalement dans le cadre des mouvements migratoires et des mouvements de réfugiés en provenance de régions en crise.

­

Les attentats ont avivé la disponibilité à coopérer entre grandes puissances, tout spécialement dans la lutte contre le terrorisme. Mais, tant qu'aucun autre attentat ne se produit, il est probable que la disparité des intérêts des Etats rende éphémère cette «alliance mondiale» contre le terrorisme, dans sa cohésion actuelle. Il est toutefois indéniable que, dans un avenir proche, la communauté internationale continuera de traiter en priorité les questions relevant de la lutte contre le terrorisme et du financement de celui-ci.

­

Enfin, les attentats confirment le fait que les sociétés industrialisées modernes continueront d'être confrontées à une large palette de menaces, dont le terrorisme classique fait partie.

2.3

Les répercussions en Suisse des activités terroristes à l'étranger

2.3.1

Les répercussions en Suisse depuis les années 60

Années 60: décolonisation et terrorisme de l'OLP Contrairement aux pays qui l'entourent, la Suisse a été relativement peu touchée par le terrorisme. Pourtant, dans les années 60, durant la décolonisation, des actions terroristes ethno-nationalistes ou séparatistes ont, avec plus ou moins de force, porté atteinte à la sécurité intérieure de la Suisse. En octobre 1960, lorsque le médecin et homme politique camerounais Félix Moumie est assassiné à Genève, les soupçons se portent sur La Main Rouge, une organisation terroriste française. Après 1968, la violence terroriste des mouvements de libération actifs sur le plan international atteint son paroxysme en Europe. La Suisse n'est pas épargnée, comme le montrent les attentats palestiniens de 1969 contre un avion de ligne israélien à Kloten ainsi que la catastrophe de Würenlingen, où un avion de Swissair s'est écrasé suite à un attentat à la bombe. Six mois plus tard, le 6 septembre 1970, des terroristes palestiniens détournent un DC-8 de Swissair ainsi que deux autres avions de ligne étrangers, et les font exploser à Zarqa, en Jordanie.

Années 70: le terrorisme social-révolutionnaire Au début des années 70, le groupe anarchiste d'extrême gauche Bändlistrasse, à Zurich, et le groupe allemand Baader-Meinhof entretiennent des contacts étroits. En 1977, des terroristes de la Fraction armée rouge (RAF) sont arrêtés à la suite d'un incident à la frontière à Fahy (JU) et, deux ans plus tard, quatre membres de cette même organisation attaquent une banque à Zurich. En 1980, une fusillade à l'issue sanglante éclate entre la police et un membre d'un groupe dissident d'extrême droite allemand.

Années 80: le terrorisme international et le terrorisme d'Etat Les années 80 ont été le théâtre d'attentats à l'explosif, de prises d'otages et d'occupations d'ambassades (occupation de l'ambassade de Pologne à Berne en 1982, nombreux attentats de l'ASALA, l'Armée secrète arménienne pour la libération de l'Arménie, dans les années 80 et enlèvements de plusieurs citoyens suisses 1697

au Liban à la fin des années 80). En 1987, le détournement d'un avion d'Air Afrique transportant 145 passagers se termine à l'aéroport de Genève-Cointrin. Le pirate de l'air, un Libanais membre du Hezbollah pro-iranien, est arrêté après avoir tué un passager français.

La Suisse a servi de base de propagande politique et de base logistique en vue de la préparation d'attentats. En 1982, le chargé d'affaire libyen est révoqué, car considéré comme représentant un risque pour la sécurité de la Suisse. La piste de l'attentat de Lockerbie (1988) mène en Suisse. L'assassinat à Coppet/VD de l'opposant au régime iranien Kazem Radjavi, en 1990, démontre qu'un ressortissant étranger vivant en Suisse peut y être victime du terrorisme international. Les deux auteurs présumés de l'assassinat de l'ancien premier ministre iranien Chapour Bakhtiar perpétré le 27 août 1991 à Paris seront appréhendés dans notre pays et extradés vers la France.

Années 90: l'extrémisme violent à caractère ethnique Au cours des années 90, les attentats de groupes extrémistes kurdes occupent le devant de la scène (attentats du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, contre des installations turques en 1993, occupation d'ambassades en 1999, occupation du Palais fédéral en 2000). Les années 90 ont été marquées par le trafic d'armes et d'explosifs ou par la propagande de groupes extrémistes violents algériens (FIS, GIA) en exil en Suisse. A la fin des années 90, on découvre en Suisse des réseaux de trafiquants d'armes de l'organisation indépendantiste tamoule «Liberation Tigers of Tamil Eelam» (LTTE) et, en rapport avec le conflit du Kosovo, des enquêtes ont été ouvertes dans des affaires de collectes de fonds et de transfert illégal d'armes. Par ailleurs, l'attentat perpétré à Louxor en 1997 par des terroristes islamistes a démontré que les attentats commis à l'étranger peuvent également faire des victimes suisses, frappées par le sort.

Violences inspirées par des questions de politique intérieure La Suisse a également vécu des actes de violence motivés par des questions de politique intérieure, qui sont à rapprocher de la violence terroriste. Rappelons à cet égard les attentats à l'explosif et les incendies criminels aux conséquences meurtrières perpétrés par divers groupes politiques, qui ont débuté dans les années 60 et qui se sont égrenés durant trois décennies.

2.3.2

Groupes actifs en Suisse

Evaluation de la situation actuelle et points essentiels Cette évaluation de la situation actuelle se concentre exclusivement sur les organisations extrémistes violentes ou terroristes étrangères qui déploient leurs activités par le biais de l'émigration en Suisse. Tous ces groupes n'utilisent pas notre territoire pour les mêmes raisons. Leurs motifs et leurs buts peuvent se différencier d'un point de vue historique, social, économique ou stratégique. L'importance de leurs activités varie selon les organisations et peut évoluer avec le temps. Ainsi, les composantes suisses des LTTE et du PKK jouent un rôle clé dans les réseaux internationaux de ces organisations.

1698

Groupes arabo-islamistes A ce jour, les groupes arabo-islamistes d'origine nord-africaine ou moyen-orientale n'ont pas développé d'activités terroristes à proprement parler en Suisse. Toutefois, des membres de ces groupes utilisent notre pays comme lieu de séjour. Divers fonds d'aide humanitaire liés à ces organisations sont implantés en Suisse et mènent des collectes de fonds auprès de leurs compatriotes et dans la rue. Les groupes islamistes agissent de manière plus discrète que d'autres organisations et se montrent plus adaptables et plus prudents. Fortement ancrés dans le tissu social et religieux musulman présent dans le monde entier, ces groupes ont le plus fort potentiel de croissance.

Face à l'évolution du conflit israélo-palestinien au cours de ces derniers mois, de nombreuses manifestations de solidarité ont été organisées dans le monde arabomusulman, en Europe et aux Etats-Unis. C'est dans ce contexte que trois attentats à l'explosif, revendiqués par un groupe d'extrême gauche, ont été commis en Suisse en 2001. Notre pays, contrairement aux pays voisins, n'a déploré aucun acte de vandalisme contre les intérêts juifs, comme les synagogues. Les manifestations de solidarité relevées ci-devant ont servi aussi à lancer des appels à la guerre sainte (djihad) et à des actes de vengeance contre l'Etat d'Israël.

Les énormes difficultés sociales et économiques que connaissent le Maroc, la Tunisie et l'Egypte pourraient favoriser un nouvel essor des mouvements extrémistes, ce qui n'implique pas forcément une détérioration du climat politique (avec une montée de la violence, comme en Algérie). Certains groupes d'opposants politiques entretiennent des contacts également en Suisse. Ainsi, le groupe tunisien En Nahdha rassemble de nombreux membres dans notre pays et peut compter sur le soutien d'une organisation de solidarité internationale. Suivant l'évolution de la situation politique, ces groupes pourraient à tout moment se radicaliser et provoquer une recrudescence des actes de violence dans leur pays d'origine.

Certaines organisations d'aide humanitaire implantées en Suisse sont soupçonnées à l'étranger d'entretenir des liens avec des cellules arabo-islamiques ou d'être directement impliquées dans des conflits armés. Il s'agit, pour l'une d'entre elles, du Secours islamique à travers le monde
(Islamic Relief Worldwide) dont le siège en Suisse, situé à Bâle jusqu'en avril 2001, est maintenant à Genève. Le but officiel de cette organisation est de contribuer à la lutte contre la pauvreté dans le monde.

Pourtant, ses filiales à l'étranger seraient liées, par l'intermédiaire de contacts en Albanie, à des volontaires islamistes engagés dans le conflit du Kosovo. Dès le milieu des années 90, l'organisation d'aide humanitaire Aide directe, basée à Genève, aurait apporté son soutien au bataillon de moudjahiddin de l'armée bosniaque. Elle aurait également recruté des volontaires pour ce bataillon.

D'autres organisations caritatives présentes en Suisse sont rattachées à de grandes organisations internationales réputées, dont certaines soutiendraient des activités terroristes. L'une d'entre elles, le Comité de bienfaisance pour la solidarité avec la Palestine (CBSP), est proche de l'organisation islamiste palestinienne du Hamas.

Mais rien ne permet cependant d'affirmer à ce jour que le CBSP, ou d'autres organisations implantées en Suisse, ont vraiment servi à financer des actes terroristes.

1699

Oussama Ben Laden et Al-Qaïda La Suisse n'a servi ni de base logistique ni de lieu de formation aux auteurs présumés des attentats du 11 septembre 2001. Actuellement, les enquêtes indiquent que certains d'entre eux ont utilisé la Suisse uniquement comme lieu de transit vers d'autres pays d'Europe. Avant les attentats du 11 septembre, les autorités helvétiques avaient déjà été fréquemment en butte à des accusations concernant d'éventuels contacts entre Oussama Ben Laden et son demi-frère qui réside en Suisse. Jusqu'ici, ces soupçons ne se sont jamais vérifiés. De même, depuis des années, l'entreprise Al Taqwa, devenue Nada Management, avec sièges à Lugano et aux Bahamas et présente dans la principauté du Liechtenstein, est soupçonnée d'entretenir des liens avec des groupes terroristes islamistes. Les recherches entreprises par l'ancienne Police fédérale sur cette affaire n'avaient donné aucun résultat. Avant l'an 2000, la direction du groupe avait déjà été l'objet d'enquêtes menées par la Commission fédérale des banques. Les dernières investigations entreprises dans le sillage des attentats du 11 septembre se poursuivent.

Se fondant sur les art. 184 et 185 de la Constitution fédérale, le Conseil fédéral a, le 7 novembre 2001, interdit l'organisation terroriste Al-Qaïda, ainsi que toutes les organisations qui en émanent ou lui apportent leur aide. Cette interdiction s'applique aussi aux groupes qui lui servent de couverture et à ceux qui se réclament d'elle, de même qu'aux organisations et groupes dont les dirigeants, les buts et les moyens sont identiques à ceux d'Al-Qaïda, ou qui agissent sur son ordre. Jusqu'ici, la présence de structures ou de personnes apparentées à ce groupe n'a pas été constatée en Suisse. Cette interdiction se veut avant tout préventive et n'est valable que jusqu'au 31 décembre 2003.

Extrémistes de souche albanaise Depuis le début de la crise dans les Balkans, la Suisse a été particulièrement touchée par les activités de groupes extrémistes venant de cette région, surtout en ce qui concerne les organisations radicales d'origine kosovare. Ces groupes disposent de réseaux très bien structurés; la base de ces groupes a cependant une assise beaucoup moins large dans la population que pendant le conflit du Kosovo. Aucune action violente n'a pu être imputée aux deux grandes
communautés serbe et kosovare de Suisse. Pourtant, si des conflits régionaux devaient s'aggraver (sud de la Serbie, Macédoine), il n'est pas exclu que des groupes extrémistes essaient «d'enrôler» la grande diaspora albanaise dans des activités de propagande, de recrutement, de financement et de trafic d'armes au profit des groupes armés. Plusieurs dirigeants de partis militants albanais du Kosovo et de Macédoine vivent en Suisse, ou y vivaient, avec le statut de réfugié.

Groupes extrémistes kurdes La Suisse constitue une base importante pour différents groupes extrémistes turco-kurdes. Le PKK (rebaptisé KADEK depuis avril 2002) organise depuis des années des collectes auprès des Kurdes de Suisse. L'argent rassemblé est ensuite très vraisemblablement utilisé pour financer la branche armée du PKK. Après les occupations d'ambassades avec prises d'otages et les violentes manifestations de protes-tation qui ont suivi l'arrestation du leader kurde Abdullah Öcalan (15.2.1999), le PKK a suivi l'initiative de paix préconisée par Öcalan. La direction du Parti des travailleurs du Kurdistan a choisi la voie pacifique en adoptant sa 1700

«nouvelle politique». Néanmoins, des actions violentes du PKK restent à tout moment envisageables en Turquie ou en Europe. Le 19 décembre 2000, la brève occupation d'une salle du Palais fédéral par divers représentants de groupes turcokurdes d'extrême gauche, solidaires de la vague de révoltes et de grèves de la faim dans les prisons turques, a témoigné du potentiel d'agitation sur lequel peuvent compter le PKK et d'autres organisations radicales.

Si, par son changement d'appellation (KADEK, Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan), l'organisation kurde souhaite tirer un trait sur son passé sanglant, il n'en demeure pas moins qu'Öcalan reste à sa tête et que les mots «liberté» et «Kurdistan» toujours présents dans la nouvelle dénomination sont inacceptables aux yeux d'Ankara. Ce changement n'a guère d'influence sur la situation actuelle, et la probabilité d'actions violentes est faible. Relevons enfin que la liste des organisations terroristes dressée par l'Union européenne, datant de début mai, mentionne le PKK mais non le KADEK.

L'organisation extrémiste tamoule L'organisation qui milite pour l'indépendance des Tamouls au Sri Lanka, les LTTE, est fortement ancrée dans la communauté tamoule résidant en Suisse. Elle mène des actions de propagande dans toute l'Europe et collecte des fonds pour financer la lutte indépendantiste au Sri Lanka. En Suisse, les LTTE font régulièrement parler d'eux par leurs collectes de fonds et leurs activités de propagande lors des grands rassemblements de la communauté tamoule. Pendant les fêtes de commémoration du «Heroes' Day» de 1999 et 2000, les LTTE ont sollicité la communauté en faveur de la lutte indépendantiste au Sri Lanka et recueilli d'importantes sommes d'argent. A la demande du DFJP et du DFAE, le Conseil fédéral a interdit les collectes de fonds et les appels à la violence à l'occasion de la fête du «Heroes' Day», le 2 décembre 2001 à Granges-Paccot, dans le canton de Fribourg.

2.3.3

Cibles terroristes en Suisse et à l'étranger

Pas de menace directe contre la Suisse Comme divers incidents l'ont montré, des personnes et des installations situées tant en Suisse qu'à l'étranger peuvent être menacées par des actes terroristes qui ne visent pas directement la Suisse. Ces actes peuvent ainsi toucher des ressortissants étrangers, des représentations étrangères et les filiales suisses de multinationales. Le terrorisme vise des symboles, comme des sièges de gouvernements, des ambassades, des consulats ou des conférences internationales. Par ailleurs, des Suisses sont régulièrement les victimes «accidentelles» d'attentats terroristes, comme on l'a vu le 17 novembre 1997 à Louxor, où 36 des 58 touristes assassinés venaient de Suisse.

En s'attaquant au tourisme, les instigateurs de ce massacre voulaient affaiblir l'économie et le gouvernement égyptiens.

Aviation civile suisse: pas de cible directe depuis 1970 Depuis la vague d'attentats de 1969/70, l'aviation civile suisse n'a plus jamais été dans le point de mire du terrorisme. Néanmoins, des citoyens suisses ont régulièrement été victimes de menaces, de détournements ou d'attentats commis contre l'aviation civile. Par ailleurs, des commandos terroristes se sont servis d'aéroports 1701

suisses pour poser l'appareil dont ils avaient pris le contrôle lors de détournements d'avions; cela a été notamment le cas en 1987, à Genève-Cointrin.

A la suite des attentats du 11 septembre et de la tentative d'attentat à l'explosif contre un avion d'American Airlines, fin décembre 2001, les mesures de sécurité des aéroports suisses, déjà particulièrement strictes, ont encore dû être renforcées.

Cibles symboliques et victimes Voici une liste des derniers événements qui ont touché des Suisses ou des intérêts étrangers en Suisse: ­

Fin décembre 1999, un avion transportant 178 passagers est détourné de Katmandou (Népal) vers Kandahar (Afghanistan); quatre Suisses sont à bord, dont un grand industriel. Les pirates de l'air, des membres du groupe terroriste panislamique Harakat al Moudjahidin, abattent un passager étranger.

­

Le 22 avril 2001, des militants pro-tchétchènes prennent en otages 120 personnes dont douze Suisses dans l'hôtel de luxe «Swissôtel» à Istanbul. Ils cherchaient avant tout à attirer l'attention de la communauté internationale sur le conflit du Caucase.

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Les attentats terroristes, assassinats, enlèvements de civils, prises d'otages et extorsions de rançons continuent d'être monnaie courante en Colombie, malgré les négociations de paix, auxquelles la Suisse participe. Parmi les nombreux civils enlevés en Colombie en 2001 se trouvait également un Suisse, qui a été libéré après trois semaines de discrètes négociations.

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En 2001, des adversaires de la politique menée par les Israéliens et les Américains au Proche-Orient s'en prennent, au moyen de charges explosives, à des établissements privés en Suisse.

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Deux citoyens suisses domiciliés aux Etats-Unis font partie des victimes des attentats du 11 septembre.

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Le 17 mars 2002, une citoyenne suisse est légèrement blessée lors d'un attentat à la bombe contre une église protestante du quartier diplomatique d'Islamabad, qui coûte la vie à cinq personnes.

Dans l'ensemble, rien n'indique que la Suisse pourrait devenir la cible première d'attentats terroristes. Compte tenu du potentiel et des intentions des organisations terroristes, il est cependant toujours possible que la Suisse ou ses habitants soient touchés par des actes terroristes. Mais selon une analyse récente des objectifs et des modes de fonctionnement des organisations terroristes, la probabilité que notre pays ou ses ressortissants soient directement visés par des attentats est faible.

Le 20 mai 2002, l'administration américaine a informé l'opinion publique qu'il fallait s'attendre très probablement à de nouveaux attentats d'Al-Qaïda contre les Etats-Unis, mais qu'elle ne pouvait rien avancer quant à la date de ces actes.

1702

2.3.4

Propagande, recrutement et financement

Une législation qui garantit le respect des libertés fondamentales Grâce à notre législation respectueuse des libertés fondamentales, les groupes politiques étrangers disposent depuis toujours d'une marge de manoeuvre relativement importante dans notre pays. Certes, les collectes de fonds et la propagande n'ont en général que peu d'incidence sur la sécurité intérieure de la Suisse, mais pour des raisons de sécurité intérieure et de sécurité extérieure, il n'est pas dans l'intérêt de notre pays d'abriter les principales sources de financement des organisations qui n'hésitent pas à recourir à la violence pour exercer leurs activités.

KADEK La collecte de fonds (récolte de dons ou extorsion de fonds, cotisations, produit de la vente de publications, mais aussi liens présumés avec le trafic de drogue) est l'une des activités principales du KADEK en Suisse, parallèlement à l'information politique de l'opinion et à la formation politique des cadres. Le mouvement kurde, à l'instar d'autres organisations extrémistes, concentre désormais ses efforts sur l'extension de ses modes de financement et sur des activités commerciales légales. Il a créé à cet effet une union internationale des employeurs kurdes (KARSAZ), conçue comme une association professionnelle, qui a pour objectif de mettre en place un système financier et économique kurde indépendant en Europe. Le siège principal du KARSAZ doit être implanté à Francfort-sur-le-Main en Allemagne, où le PKK a déjà fait l'acquisition d'un immeuble commercial.

LTTE Les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) financent leur lutte grâce principalement aux Tamouls exilés en Europe, aux Etats-Unis, au Canada et en Australie.

Leurs ressources proviennent pour l'essentiel de collectes de fonds, de manifestations et d'activités commerciales.

En Suisse, l'activité des Tigres tamouls se résume à des campagnes de propagande et de collecte de fonds. Leurs ressources financières sont essentiellement issues de collectes de fonds et de manifestations, d'activités commerciales (people shops) et d'une forme mixte de crédit et de jeu appelée «sittu». Le total des sommes engrangées chaque année par les LTTE en Suisse est estimé à quinze millions de francs.

Le Conseil fédéral a interdit aux LTTE de collecter des fonds et de faire de la propagande prônant la violence lors
des festivités du «Heroes Day» organisées le 2 décembre 2001, à Granges-Paccot, dans le canton de Fribourg.

Les collectes organisées par le mouvement tamoul en Suisse étaient fréquemment liées à des actes de violence psychique ou physique jusque vers fin 1998, où un changement s'est amorcé. Les LTTE s'efforcent désormais de ne faire aucune entorse au droit dans le cadre de leurs collectes.

UÇK L'éclatement du conflit au Kosovo a eu des répercussions en Suisse, en transformant son territoire en base logistique. Les fameuses collectes de fonds en faveur du Kosovo se poursuivent dans notre pays, même si le volume des entrées n'est plus celui du temps du conflit. Officiellement, elles sont toujours pratiquées à des fins humani1703

taires. Tant que l'on ne peut démontrer que les fonds sont destinés à d'autres affectations et en l'absence d'infraction pénale liée à ces collectes, les autorités de poursuite pénale n'ont aucune possibilité d'intervenir.

Selon toute probabilité, des sommes de l'ordre du million sont transférées en Albanie, en Macédoine et au Kosovo par l'entremise des structures commerciales des agences de voyages albanaises. La majeure partie de cet argent provient sans nul doute du commerce illégal de drogue.

Al-Qaïda Une grande partie des investigations menées par les autorités de poursuite pénale suisses dans le prolongement des attentats terroristes du 11 septembre se concentrent sur les éventuelles sources de financement de l'organisation Al-Qaïda.

La Suisse a procédé au blocage de plus de 40 millions de francs de valeurs patrimoniales (voir chap. 4.3) et entrepris plusieurs enquêtes ciblées. Le 7 novembre 2001, le Ministère public de la Confédération (MPC), secondé de la Police judiciaire fédérale (PJF), a mené des perquisitions dans les bureaux de la société financière Nada Management (anc. Al-Taqwa) et interrogé des suspects. Plusieurs comptes bancaires ont été bloqués à cette occasion, dont celui d'Ahmed Huber, un extrémiste de droite suisse converti à l'islam. Aucun lien avec Al-Qaïda n'a toutefois pu être établi à ce jour.

Le 18 avril 2002, présumant des opérations relevant du financement du terrorisme, le MPC a, conjointement avec la PJF, mené d'autres perquisitions dans les locaux de plusieurs sociétés et dans des appartements privés situés dans les cantons des Grisons et du Tessin. Ces mesures ont donné lieu au séquestre de documents, mais elles n'ont conduit à aucune arrestation.

2.3.5

Une zone de repli et de transit

Effet du renforcement des législations à l'étranger Comme nous l'avons expliqué ci-dessus, la Suisse fait régulièrement office, depuis les années 60, de zone de repli et de pays de transit pour des individus et des groupes se livrant à des activités terroristes. Le renforcement des législations nationales à l'étranger et les interdictions explicites d'organisations (p. ex. l'interdiction du PKK en Allemagne en 1993, le Terrorism Act en 2000 en Grande-Bretagne, le Patriot Act en 2001 aux Etats-Unis et l'allongement, après le 11 septembre, des listes nationales et internationales de terroristes recherchés) multiplie immanquablement le risque de voir des groupes bénéficiant de contacts avec des communautés exilées en Suisse déplacer leurs activités dans notre pays.

Pistes de réseaux terroristes en Europe et dans le monde Il n'est pas rare que les pistes de groupes terroristes européens remontent jusqu'en Suisse. Dans les pays limitrophes, divers membres d'organisations terroristes internationales ont, ces dernières années, été traduits en justice pour des attentats commis dans le passé. Les audiences ont permis de mettre en évidence des liens avec la Suisse. Ainsi, il est établi que les Brigades rouges avaient des contacts en Suisse au cours des deux dernières années; un suspect a d'ailleurs été extradé et un autre 1704

membre présumé de l'organisation a été arrêté le 10 mars 2002, à Zurich. Dans le cas des attentats corses du FLNC (Front de libération nationale de la Corse), les autorités d'enquête françaises ont suivi une piste suisse en 2000. Dans le cadre d'une opération de prévention antiterroriste menée dans toute l'Europe à la veille de la Coupe du monde de football 1998 en France, deux Algériens résidant clandestinement en Suisse ont été appréhendés. Mi-mars 2002, une activiste allemande sous mandat d'arrêt international, soupçonnée d'appartenir à l'organisation séparatiste basque ETA, a été appréhendée à la frontière suisse et placée en détention préventive.

Des organisations islamistes se servent régulièrement de notre pays pour mener des activités illégales et, en particulier, des mouvements extrémistes d'origine maghrébine (Algérie et Tunisie) tentent d'élargir leurs réseaux sur territoire suisse. Mais rien ­ à l'exception d'un cas non encore établi ­ n'indique que des activistes islamistes présents en Suisse aient tissé des liens avec des éléments au Pakistan ou en Afghanistan.

Cela dit, il n'est pas exclu que des «agents dormants» séjournent discrètement dans notre pays. Comme en témoignent les attentats commis dans les pays touchés par le terrorisme, les autorités chargées de les identifier ont épuisé l'arsenal de mesures préventives disponibles, qui est déployé dans le respect des principes d'utilité, de proportionnalité et de compatibilité avec le droit fondamental.

2.3.6

Implication de groupes terroristes dans d'autres activités criminelles

Régulièrement, des liens sont attestés entre des organisations terroristes et d'autres activités criminelles, comme le trafic d'armes ou de drogue.

Collusion d'intérêts avec le crime organisé dans les Balkans Différents mouvements armés de souche albanaise présents au Kosovo (en particulier l'UÇK) et dans les régions limitrophes sont impliqués dans les réseaux du crime organisé dont ils dépendent en termes de soutien logistique et financier pour mener leur lutte. De plus, il existe une collusion d'intérêts entre ces groupes et le crime organisé. En Suisse comme au Kosovo, des preuves irréfutables attestent des liens entre des mouvements radicaux d'origine albanaise et le crime organisé (trafic d'héroïne et de cocaïne, prostitution, traite d'êtres humains, blanchiment d'argent).

Certains groupes de soutien extrémistes de souche albanaise seraient également impliqués dans des activités criminelles relevant du trafic d'armes. Par exemple, deux affaires de trafic d'armes ont été mises au jour en Suisse en 1998 et 1999. Un autre cas de trafic d'armes de la Suisse vers la Macédoine a montré que les criminels procédaient de manière analogue.

Groupes turco-kurdes et trafic de drogue Le PKK aussi est soupçonné depuis des années d'être impliqué dans certains secteurs de la criminalité organisée et de participer indirectement au trafic de stupéfiants par le biais de trafiquants de drogue kurdes. Le nombre de procédures pénales ouvertes contre des membres en vue de cette organisation pour racket, extorsion de

1705

fonds, trafic de drogue présumé et autres délits similaires va croissant. Ces soupçons n'ont pas encore pu être vérifiés jusqu'ici, à tout le moins en Suisse.

2.4

Crime organisé et autres formes de criminalité organisée

2.4.1

Le crime organisé en général

Le crime organisé a pris des dimensions mondiales et pourrait bien devenir l'une des principales menaces pour la société, l'Etat et l'économie. L'établissement du crime organisé dans l'économie légale par le biais du blanchiment d'argent, de la corruption et du rachat d'entreprises et de biens immobiliers menace la stabilité économique et sociale, tout particulièrement dans les jeunes démocraties d'Europe de l'Est.

Le crime organisé s'infiltre au coeur même des Etats, dans leur politique économique, dans leur système policier et judiciaire. Les groupes actifs dans le crime organisé, qui travaillent souvent en connexion étroite, sont principalement actifs dans le trafic de drogue, le trafic d'armes, la traite d'êtres humains, la corruption, l'extorsion et le chantage, ainsi que dans le blanchiment d'argent. Les éventuelles relations entre le crime organisé et les groupes terroristes sont particulièrement inquiétantes.

Les économies de marché développées, qui se caractérisent par leurs nombreuses relations internationales, offrent d'importantes possibilités d'établissement au crime organisé et permettent de blanchir le revenu des crimes. La Suisse est elle aussi confrontée à ces risques. Le système fédéraliste, le manque de moyens policiers et l'exclusion de notre pays des principales institutions européennes compliquent la lutte contre ces dangers.

Bien que rien ne permette de supposer qu'en Suisse, le crime organisé a infiltré la politique et l'économie, des activités ponctuelles ont pu être constatées par le passé.

Elles visaient à tirer profit des avantages de la place économique et financière suisse et prioritairement à réinvestir le revenu des crimes commis par l'organisation criminelle dans le pays d'origine. D'où l'importance d'un renforcement de la coopération avec les pays d'origine des organisations criminelles.

Le crime organisé en Suisse met en scène les acteurs de différentes régions. Ainsi, les acteurs de la Communauté des Etats indépendants (CEI), et de la Russie tout spécialement, constituent une menace particulièrement importante. Plusieurs ressortissants de la CEI sont soupçonnés en Suisse de blanchir des fonds pour les besoins d'organisations criminelles. Dans certains cas, cela a pu être prouvé devant les tribunaux. En intensifiant un peu plus encore la coopération avec la
CEI, il devrait s'avérer possible de recueillir des informations supplémentaires sur les activités illégales des organisations criminelles en provenance de ces pays.

D'autres acteurs du crime organisé présents en Suisse proviennent de l'Europe du Sud-Est, avec une prédominance des Balkans. Les groupes criminels exercent une influence particulièrement importante sur la vie économique, politique et sociale en République fédérale de Yougoslavie, en Albanie, en Macédoine et au Kosovo.

Les groupes de souche albanaise notamment disposent de structures leur permettant d'agir dans l'ensemble de l'Europe. Ils utilisent pour ce faire la possibilité qui leur est donnée de s'appuyer sur les parents et les connaissances qui ont quitté le pays d'origine pour s'installer à l'étranger, principalement en Suisse et dans d'autres 1706

Etats d'Europe occidentale. Ils entretiennent par ailleurs des liens avec la mafia italienne, mais aussi avec des groupes criminels serbes et bulgares. Les activités criminelles des groupes de souche albanaise se concentrent, en Suisse, sur le trafic de drogue. Certaines procédures d'enquête ont en outre confirmé que des agences de voyages du Kosovo étaient impliquées dans le blanchiment d'argent. Des liens entre des groupes de souche albanaise ainsi que le trafic de migrants ou la traite d'êtres humains sont par ailleurs attestés. Néanmoins, malgré ces informations, des structures criminelles ont rarement été mises au jour en Suisse.

D'autres groupes du crime organisé ont des liens avec la Suisse, notamment la mafia italienne et des groupes d'Afrique de l'Ouest. Dans certains domaines, on manque cependant encore de connaissances valables pour toute la Suisse.

2.4.2

Commerce illégal de stupéfiants

Selon des estimations des Nations Unies, à la fin des années 90, quelque 180 millions d'individus consommaient illégalement des stupéfiants. Le cannabis arrive en tête dans le monde entier, suivi des drogues de synthèse, de la cocaïne et des opiacés comme l'héroïne. Le volume du marché du commerce illégal de stupéfiants est estimé à environ 400 milliards de dollars américains18.

En Suisse, il n'y a pratiquement plus de scènes ouvertes de la drogue. Le trafic de rue est le fait de toxicomanes suisses, ainsi que de mineurs et de jeunes dealers originaires de l'Afrique de l'Ouest et des Balkans. Le commerce et la consommation d'héroïne se sont stabilisés et ont même tendance à reculer. Le marché de l'héroïne est majoritairement contrôlé par des groupes des Balkans et surtout du Kosovo et de la Macédoine. L'héroïne quant à elle provient surtout de l'Afghanistan.

Le 17 janvier 2002, le gouvernement transitoire afghan a annoncé l'interdiction de la production et du commerce de drogue. La récolte d'opium avait été estimée pour cette année, par le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID), à un volume se situant entre 3000 et 3300 tonnes. Les 16 000 hectares de culture d'opium anéantis par les autorités afghanes représentent une diminution d'un tiers du volume du marché. Bien que nombre des chefs des armées locales vivent de la culture de l'opium, ils soutiennent le gouvernement. La destruction de parties de la récolte d'opium afghane pourrait entraîner une pénurie d'héroïne pendant 12 à 18 mois en Suisse ou tout au moins une augmentation des prix puisque 80 % de l'héroïne vendue en Suisse est produite à base d'opium afghan. Cela dit, les importants stocks disponibles en Afghanistan et dans les pays voisins devraient permettre de relativiser la pénurie.

Le commerce et la consommation de cocaïne ont au contraire tendance à augmenter.

Bien que le marché de la cocaïne continue d'être dominé par des groupes de ressortissants de certains pays d'Afrique et de certains pays d'Amérique du Sud, les groupes des Balkans tendent également à s'y établir. Le Brésil, la Colombie et les Caraïbes sont d'importantes plaques tournantes et des points d'ancrage du commerce international de cocaïne.

18

Rapport annuel PNUCID 2000.

1707

La production, le commerce et la consommation de cannabis augmentent continuellement, notamment par effet d'anticipation de la libéralisation de la consommation du cannabis. De même, la consommation de cannabis ne cesse d'augmenter chez les mineurs. La production et le commerce sont principalement contrôlés par des ressortissants suisses. Certains marchés locaux du cannabis se caractérisent par un degré d'organisation élevé. Le tourisme de la drogue, c'est-à-dire le déplacement jusqu'en Suisse d'acheteurs et de consommateurs des pays voisins pour l'acquisition du cannabis, a fortement augmenté.

On constate également une tendance à la hausse sur le marché des drogues de synthèse. Le commerce et la consommation de pilules thaïes se concentrent dans le milieu de la prostitution. Les groupes actifs dans ce domaine sont principalement asiatiques, entre autres thaïlandais et vietnamiens. Le commerce et la consommation de l'ecstasy, produite principalement en Europe et surtout aux Pays-Bas, est l'apanage du milieu techno. Les structures semblent faire défaut et le commerce est entre les mains de jeunes gens et de jeunes adultes. De manière générale, on constate une tendance à la consommation simultanée de différents types de drogue (polytoxicomanie).

Sur le marché de l'héroïne et de la cocaïne, les groupes sont très bien organisés et se distinguent par leur grande flexibilité, leur adaptabilité et leur professionnalisme.

Les membres de ces groupes séjournent souvent illégalement en Suisse ou y demandent l'asile. La propension à la violence tend à s'accroître.

2.4.3

Traite d'êtres humains / Trafic de migrants19

Selon des estimations internationales, 100 000 à 200 000 personnes arriveraient chaque année en Europe occidentale, victimes de la traite d'êtres humains. Parmi ces victimes, on dénombre de nombreuses femmes issues de l'Europe de l'Est.20 Ces chiffres, rapportés à la taille de la Suisse, signifient que chaque année, jusqu'à 3000 personnes y sont victimes de la traite d'êtres humains. Une bonne partie d'entre elles seraient actives dans la prostitution illégale. Par ailleurs, les polices cantonales estiment que nombre des danseuses de cabaret présentes en Suisse, titulaires d'autorisations de séjour de courte durée, se prostituent illégalement en plus de leur activité officielle.

Pour la traite de femmes originaires d'Europe de l'Est, les liens avec les groupes de souche albanaise sont prouvés. Un groupe dispose ainsi d'un réseau de relations internationales et est actif dans six cantons de Suisse dans les domaines de la traite de femmes et de la prostitution.

19

20

La traite d'êtres humains est un délit qui affecte l'autodétermination des victimes. Elle comprend l'exploitation sexuelle, l'exploitation de la force de travail et, dans les cas extrêmes, le commerce d'organes. Le trafic de migrants consiste à transporter des individus illégalement par-delà les frontières de leur pays, sans qu'ils soient par la suite forcés d'accomplir des prestations de travail. Les intérêts affectés par l'aide à l'entrée illégale sont principalement ceux de l'Etat-cible. Dans la pratique, traite d'êtres humains et trafic de migrants se recouvrent souvent, par exemple lorsque les personnes qui ont été transportées doivent rembourser la prestation du passeur en travaillant au noir dans le pays-cible.

Conformément à des estimations du Conseil de l'Europe, de l'UE et de l'Organisation internationale des migrations (OIM).

1708

Les cas de traite d'êtres humains mis au jour par la police sont relativement rares.

Seuls une trentaine de cas sont poursuivis par la police chaque année, ce qui implique que de nombreux cas demeurent cachés.

Outre les évolutions concernant la traite d'êtres humains, on constate également au plan international un changement en matière de trafic de migrants. Alors que les personnes qui migrent illégalement avaient tendance à se débrouiller toutes seules par le passé ou faisaient appel à des personnes de leur connaissance pour passer la frontière, il existe aujourd'hui une véritable branche consacrée à cette activité. Les Nations Unies estiment ainsi que plus de 200 millions de migrants se trouvent aujourd'hui entre les mains de passeurs21. En Suisse, les questions de migration relèvent de la compétence de plusieurs offices. De plus, jusqu'à fin 2001, la poursuite pénale du trafic de migrants était uniquement du ressort des cantons (aujourd'hui, en cas de soupçons de crime organisé, la Confédération dispose de compétences d'enquête). Enfin, les peines dans ce domaine sont relativement indulgentes. Il en résulte que les connaissances avérées concernant le trafic de migrants à destination de la Suisse sont pratiquement inexistantes. Toujours est-il qu'en 2001, le Corps des gardes-frontière a démasqué 356 passeurs et que 41 interdictions d'entrée ont été prononcées pour trafic de migrants. Quoi qu'il en soit, beaucoup de cas demeurent inconnus. Parmi ses tâches principales, le Service de coordination de la lutte contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants qui va être institué au sein de l'OFP devra assurer le suivi de la situation et coordonner la lutte contre ces phénomènes.

2.4.4

Cybercriminalité

La technologie informatique se développe à une vitesse fulgurante, Internet ne cesse de s'étendre. Les infrastructures de l'information sont vulnérables aux attaques physiques conventionnelles et aux attaques électroniques (virus, chevaux de Troie, piratage, raz-de-marée informatiques, déni de service distribué). La cybercriminalité comprend d'une part des formes de criminalité connues, mais commises à l'aide des moyens de la technologie de l'information (diffusion d'idées racistes et relevant de l'extrémisme de droite, appels à la violence, pornographie enfantine, escroquerie, blanchiment d'argent). Par ailleurs, la cybercriminalité englobe de nouvelles formes de délits spécifiques (soustraction de données, accès indu à un système informatique, détérioration de données, utilisation frauduleuse d'un ordinateur). Le moyen le plus communément utilisé pour la commission de délits relevant de la cybercriminalité est Internet, moyen d'accès et de transmission central présent partout dans le monde. L'éventualité de voir des groupes terroristes ou des groupes du crime organisé utiliser le savoir-faire des pirates est particulièrement inquiétante. Les premiers cas de cybercriminalité commis par des groupes tels que la mafia italienne ont déjà pu être constatés.

Le code pénal suisse (CP) contient certes les infractions correspondantes (art. 143, 143bis, 144bis, 147, 150, 150bis), mais la poursuite des délits dans le domaine des infrastructures de l'information est relativement compliquée. Le problème principal réside dans le fait que les autorités de poursuite pénale ne peuvent pas s'appuyer sur

21

Conformément au communiqué de presse publié le 14 décembre 2000 à Palerme concernant le Protocole contre le trafic illicite de migrants.

1709

une jurisprudence consolidée pour répondre à la question de la responsabilité pénale des fournisseurs d'accès Internet22. Par ailleurs, la compétence cantonale en matière de poursuite pénale pose régulièrement des problèmes dans ce domaine, les menaces pesant sur les infrastructures de l'information ayant un caractère international. Rien que la question de l'attribution de la compétence pour la poursuite pénale est problématique. La lutte contre ce phénomène doit également être coordonnée de manière plus conséquente au niveau international.

Pour l'instant, aucune statistique permettant de connaître l'ampleur de la cybercriminalité en Suisse n'est disponible. En l'espace de quelques années, le nombre de cas recensés à l'étranger a fortement augmenté. Plusieurs attaques de virus au niveau international et des attaques de type «déni de service» ont montré la grande vulnérabilité des réseaux électroniques.

2.4.5

Criminalité économique / contrebande

L'importante place financière que constitue la Suisse et sa situation économique relativement favorable en comparaison internationale font des personnes et des entreprises domiciliées en Suisse des victimes potentielles de choix pour des délits relevant de la criminalité économique. Aucune étude précise n'a été faite pour la Suisse, mais les dommages sont estimés à un montant situé entre 1,5 et 5,5 milliards de francs par an.

Etant donné que les crimes économiques revêtent souvent un caractère international et sont souvent complexes, la coopération internationale entre autorités de justice et de police est indispensable. Le facteur temps joue également un rôle important dans la lutte contre la criminalité économique, étant donné que la mise en réseau des infrastructures de l'information internationales permet de régler les transactions financières de plus en plus rapidement. Dans ce domaine, Internet va continuer de gagner en importance.

La contrebande consiste à contourner les taxes existant sur certains biens ou à importer des biens qui sont interdits dans le pays-cible. Pour les groupes organisés, contourner les taxes n'est plus lucratif que pour certaines marchandises spécifiques caractérisées par des taxes élevées liées à des motifs de politique de santé publique ou de protectionnisme. Ainsi, la contrebande de cigarettes est source de revenus importants du fait des grandes différences selon les pays sur le prix de vente final.

Chaque année dans le monde, près de 5500 milliards de cigarettes sont mises sur le marché. Selon les estimations, environ 6,5 % du volume du marché serait constitué de cigarettes de contrebande. Rien que dans l'Union européenne et dans ses Etats membres, selon des données propres, le montant des taxes contournées se chiffre en milliards.

Outre les individus isolés et les petits groupes qui importent des quantités relativement petites des pays où le prix de vente final est bas vers les pays où le prix de vente final est élevé, la contrebande de cigarettes est avant tout aux mains de grands groupes. Ceux-ci utilisent un système d'intermédiaires et d'entreprises qui se divisent le travail et traitent de grandes quantités de marchandises. La contrebande de 22

Un groupe d'experts placé sous la direction de l'Office fédéral de la justice est actuellement chargé d'examiner les besoins de législation dans le domaine de la cybercriminalité.

1710

cigarettes, lorsqu'elle prend cette ampleur, doit être considérée comme du crime organisé. Elle est le fait surtout de groupes des Balkans et en particulier d'associations de malfaiteurs de souche albanaise. Souvent, les cigarettes sont transportées vers l'Europe occidentale et l'Europe centrale par le biais de la «route des Balkans».

Le Monténégro constitue un point de départ important de la contrebande.

Il n'y a pas de véritable contrebande de cigarettes organisée à destination de la Suisse qui constitue un désavantage pour notre pays au niveau fiscal. Mais la Suisse est utilisée de temps à autre pour des activités de contrebande aux dépens d'Etats de l'UE par des personnes résidant dans notre pays qui ont des relations présumées avec le crime organisé. Le financement s'effectue également en partie via la Suisse.

2.4.6

Blanchiment d'argent

Les banques suisses ont administré les dépôts de clients pour une valeur totale de 3700 milliards de francs sur la place financière helvétique en l'an 2000. La place financière helvétique détient une part de marché de 30 à 40 % dans la gestion internationale de patrimoines.

Avec les art. 305bis CP (blanchiment d'argent) et 305ter CP (défaut de vigilance en matière d'opérations financières et droit de communication), avec la loi sur le blanchiment d'argent et avec la combinaison des contrôles étatiques et de l'autorégulation, la Suisse dispose d'un dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent reconnu jusque dans les milieux spécialisés. Néanmoins, notre place financière, étant donné sa taille et son importance internationale, risque toujours d'être utilisée aux fins de blanchiment d'argent et de dépôt des fonds de potentats. Concernant l'e-banking via Internet, il y a des lacunes dans le contrôle et dans la législation.

Une attention toute particulière doit être consacrée au contrôle des maisons de jeu, qui, du fait des importantes quantités de liquide qu'elles brassent, se prêtent tout à fait au blanchiment d'argent.

2.4.7

Crimes contre l'environnement

La Suisse, qui dispose d'une législation avancée en matière de protection de l'environnement et d'un système de recyclage bien implanté ­ avec des taxes d'élimination anticipées ­ n'est en principe pas un pays propice aux crimes contre l'environnement. L'ordonnance sur les mouvements des déchets spéciaux y est entrée en vigueur dès 1987 (ODS; RS 814.610). La Suisse a ainsi été l'un des premiers pays à régler les mouvements de déchets présentant une menace pour l'environnement aussi bien à l'intérieur du pays qu'au-delà de ses frontières. Elle est également signataire de la Convention de Bâle23, dont elle assure actuellement la présidence. Le risque d'exportations illégales de déchets est donc relativement faible.

23

Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (RS 0.814.05).

1711

Dans l'acception internationale, la notion de crime contre l'environnement recouvre également le commerce d'espèces animales protégées ou d'essences de bois tropical protégées. Dans ces domaines, la Suisse est également membre de conventions internationales.

On dispose de relativement peu d'informations en Suisse sur les crimes contre l'environnement. L'Union européenne s'efforce d'intensifier la poursuite pénale dans ce domaine et entend que les crimes contre l'environnement deviennent un domaine de travail d'Europol. Même si les contrôles sévères effectués en Suisse empêchent que notre pays ne devienne un pays de destination des exportations de déchets spéciaux ou un pays de destination des importations de flore et de faune protégées, les efforts doivent se poursuivre pour que la Suisse ne serve pas dans le futur de base d'organisation pour de telles activités.

3

Moyens disponibles et lacunes

3.1

Les services de renseignements

3.1.1

Rôle des services de renseignements intérieurs et extérieurs

Détecter à temps les activités transnationales La lutte contre le terrorisme (une tâche des autorités de poursuite pénale) s'articule autour de deux axes essentiels: la détection précoce des activités terroristes («détection du terrorisme») et la recherche d'informations. Dans la recherche d'informations, il faut faire la distinction entre celle opérée dans le pays et celle effectuée à l'étranger et sur l'étranger. Par ailleurs, le Service d'analyse et de prévention (SAP), qui est le service de renseignements intérieurs de la Suisse, et le Renseignement stratégique (RS), qui est son service de renseignements extérieurs, collaborent étroitement avec leurs partenaires étrangers.

Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière l'importance d'une collaboration renforcée entre le SAP et le RS pour détecter précocement les activités terroristes déployées au-delà des frontières suisses. C'est grâce également à la recherche d'informations relatives aux capacités et aux intentions immédiates des terroristes en Suisse et à l'étranger qu'il est possible de déjouer un attentat impliquant le recours à des moyens non traditionnels. Les activités déployées en Suisse par des mouvements terroristes étrangers s'inscrivent dans le cadre de réseaux internationaux. Il est donc indispensable de renforcer la collaboration entre les services de renseignements intérieurs et extérieurs pour la détection du terrorisme.

Coordination et intégration dans la prise de décision du Conseil fédéral L'analyse opérée par le management de crise à la suite des événements du 11 septembre pose directement la question fondamentale et centrale de l'implication des services de renseignements dans la prise de décision des gouvernements. En règle générale, ce n'est pas la détection précoce en tant que telle qui constitue un problème, mais la difficulté de considérer des risques et des dangers sectoriels comme des problèmes politiques d'importance majeure. Les services disposent habituellement de suffisamment d'indices mais, au niveau politique, leurs rapports ne sont pas traités à temps et la priorité ne leur est pas donnée. Les faits mentionnés 1712

apparaissent comme des problèmes uniquement à partir du moment où ils se sont déjà produits. Il est alors souvent trop tard pour prendre des mesures préventives tant et si bien que seul s'impose un management de crise.

Les déficits en matière de collaboration constatés au niveau des services de renseignements et propres à compromettre l'appréciation de la situation et la capacité du Conseil fédéral de conduire la politique sont apparus en Suisse lors de l'affaire des fonds en déshérence et de la crise de la maladie de la vache folle (1996/97). Les deux années qui ont suivi ces événements, différentes interventions parlementaires ont donné lieu à une réorganisation de la conduite de la politique de sécurité du Conseil fédéral.

Avec cette nouvelle organisation (Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, Organe de direction pour la sécurité, coordonnateur du renseignement et Bureau d'appréciation de la situation et de détection précoce), notre gouvernement dispose d'une meilleure vue d'ensemble stratégique et d'une capacité d'action renforcée (directives du 3 novembre 1999 sur l'organisation de la conduite de la politique de sécurité du Conseil fédéral). Dans un rapport adressé le 20 février 2002 au Conseil fédéral, la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité relevait que cette nouvelle structure avait fait ses preuves. La double fonction de l'Organe de direction pour la sécurité, qui est chargé d'analyser la situation mais aussi d'élaborer des options à l'intention de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, joue un rôle central.

Recherche d'informations en Suisse La prévention et, en partie, la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent relèvent de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RS 120). La surveillance des organisations visées, destinée à dépister précocement les structures, activités et cibles des réseaux terroristes, exige des moyens relevant de la recherche d'informations. En ce qui concerne l'engagement politique et l'exercice des droits issus de la liberté d'opinion, d'association et de réunion, la recherche et le traitement d'informations sont uniquement autorisés lorsqu'une présomption sérieuse permet de soupçonner une organisation ou des personnes qui en font partie de se servir de l'exercice des droits
politiques ou des droits fondamentaux pour dissimuler la préparation ou l'exécution d'actes relevant du terrorisme, du service de renseignements ou de l'extrémisme violent.

Les activités liées à la recherche d'informations proprement dite sont énumérées à l'art. 14, al. 2, LMSI. Les informations sont collectées par le biais de l'exploitation de sources accessibles au public, de demandes de renseignements, de la consultation de documents officiels, de la réception et de l'exploitation de communications, d'enquêtes sur l'identité ou le lieu de séjour de personnes, de l'observation de faits dans des lieux publics et librement accessibles (y compris au moyen d'enregistrements d'images et de sons), du relevé des déplacements et des contacts de personnes.

Le recours à des mesures de contrainte prévues par la procédure pénale et l'observation de faits dans des locaux privés ne sont pas autorisés au stade préventif.

Ces mesures ne peuvent être prises qu'après l'ouverture d'une procédure formelle d'enquête de police judiciaire ou d'une instruction préparatoire (art. 14, al. 3, LMSI). La loi ne prévoit aucune autre mesure relevant de la puissance publique susceptible d'être ordonnée en vue du maintien de la sécurité intérieure.

1713

3.1.2

Coopération préventive avec les autorités étrangères

Interdictions d'entrée pour des raisons de sécurité Le SAP, rattaché à l'OFP, peut, conformément à l'art. 13, al. 1, de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), interdire l'entrée sur le territoire suisse à des personnes susceptibles de compromettre la sécurité intérieure ou extérieure du pays.

Cette mesure existe depuis des années et permet d'interdire l'entrée et le séjour en Suisse à des membres connus ou présumés d'organisations portées à la violence.

Rares sont les cas où le Conseil fédéral a dû expulser des personnes menaçant la sécurité intérieure ou la sécurité extérieure de la Suisse conformément à l'art. 121, al. 2, de la Constitution (art. 70 aCst.).

En raison du manque de possibilités de contrôles à la frontière et sur le territoire, toutes les personnes indésirables ne peuvent toutefois être tenues à l'écart de la Suisse.

Procédure légale d'asile Selon l'art. 53 de la loi sur l'asile (RS 142.31), l'asile est refusé aux réfugiés qui ont commis des actes répréhensibles ou qui ont porté atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ou l'ont menacée.

Il est évident que les agissements des requérants d'asile vivant sur le territoire suisse et planifiant des actions violentes ne se déroulent pas au grand jour. Face à cette clandestinité, il est extrêmement difficile pour l'OFP de présenter des éléments concrets démontrant que la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse est menacée.

L'OFP procède avec beaucoup de précautions pour savoir si une personne représente un risque pour la sécurité du pays. Les informations dont il dispose sont vérifiées afin de déterminer au cas par cas si le comportement de la personne est de nature à éveiller des craintes au sujet de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Une fois cette appréciation faite, elle est étudiée à la lumière des connaissances générales sur le groupe à risque en question et sur ses relations avec notre pays.

Cela dit, le principe de la protection des sources ne permet pas toujours de livrer une prise de position détaillée à l'Office fédéral des réfugiés (ODR) et à la Commission suisse de recours en matière d'asile (CRA).

L'OFP peut néanmoins communiquer sa connaissance d'un cas éventuel de menace pour la sécurité du pays sous la forme d'une
recommandation. C'est ensuite à l'ODR ou à la CRA de décider de l'effet de cette information sur la décision d'octroi de l'asile.

La complexité des procédures d'asile et des voies de droit permet souvent aux requérants de séjourner en Suisse pour une longue période. En outre, les extrémistes recherchés par les autorités de leur Etat d'origine ne peuvent pas être renvoyés à cause du principe du non-refoulement, et les autres pays ne sont en général guère disposés à admettre ces personnes sur leur territoire.

1714

3.1.3

Lacunes dans l'arsenal législatif interne

Décisions fondées sur la Constitution au lieu d'une réglementation légale Si les interdictions d'entrée pour des raisons de sécurité sont prononcées en application de la LSEE, d'autres mesures, le cas échéant, doivent être édictées par le Conseil fédéral directement en vertu de la Constitution. Parmi celles-ci figurent, en plus des expulsions au sens de l'art. 121, al. 2, Cst., des décisions et des ordonnances limitées dans le temps conformément à l'art. 184, al. 3, et à l'art. 185, al. 3, Cst.

(relations avec l'étranger et sécurité extérieure et sécurité intérieure).

Cela dit, il faut reconnaître que la LMSI, contrairement aux attentes suscitées par son titre, ne contient quasiment pas de mesures actives pour maintenir la sécurité intérieure. La réglementation porte essentiellement sur le traitement des données; la recherche d'informations n'engendre aucune obligation, et les mesures qui, dans le cadre de cette recherche, touchent à la sphère privée ne sont pas autorisées.

Il manque une réglementation ou un ensemble de mesures concrètes pour assurer, à titre préventif, la sécurité intérieure (p. ex. mesures relevant de la police des étrangers, interdictions et décisions en vue du maintien de la sécurité intérieure, etc.), d'où la nécessité de toujours faire appel aux compétences constitutionnelles immédiates du Conseil fédéral (p. ex. interdiction de l'organisation Al-Qaïda ou décision concernant la collecte de fonds des Tigres tamouls) pour que soient prises les mesures de sécurité ponctuellement nécessaires. En effet, il n'existe aucune base légale ordinaire appropriée.

Il serait cependant judicieux que, dans le cadre de l'élan de solidarité manifestée par la communauté internationale pour lutter contre le terrorisme, les compétences exécutives nécessaires soient progressivement déléguées aux autorités compétentes et que les principes de la procédure et de la protection juridique soient garantis sur le plan légal. Le législateur peut ainsi porter activement sa part de responsabilité dans le maintien de la sécurité intérieure (cf. art. 173, al. 1, let. a, Cst.).

Lacunes dans la surveillance préventive Mener des enquêtes dans les domaines secret et privé, par le biais notamment de la surveillance téléphonique préventive, s'avère difficile en raison des bases légales existantes. Les organes
suisses chargés de la protection de l'Etat ne peuvent effectuer les enquêtes standard menées par les services de renseignements et de sécurité dans le cadre de la coopération internationale, parce que la loi leur barre l'accès aux données transmises par télécommunication et aux informations soumises au secret postal, et leur interdit les observations dans le domaine privé, quelle que soit l'importance de l'affaire. Ainsi, les enquêtes sur les réseaux terroristes ou extrémistes s'arrêtent souvent à la frontière suisse, parce que les relations entre les acteurs connus ne peuvent alors plus être élucidées.

A titre d'exemple, les autorités italiennes ont mis au jour les contacts tissés par des cercles islamistes milanais qui, d'après les informations émanant de la surveillance des télécommunications, organisaient la formation d'extrémistes en Afghanistan par l'intermédiaire de personnes résidant à Genève et à Zurich. Les organes suisses chargés de la protection de l'Etat n'ont pas pu prendre, à l'égard de ces personnes, des mesures similaires à celles prises en Italie pour se procurer des informations

1715

supplémentaires. Eu égard à l'opération italienne, il n'a pas été question d'intervenir directement, c'est pourquoi ces personnes sont restées en Suisse sans être inquiétées.

Lacunes dans la pratique des organes chargés de la protection de l'Etat Dans la pratique, lorsque les organes chargés de la protection de l'Etat ont rempli les tâches énoncées dans la LMSI, des lacunes ont été observées notamment dans: ­

les domaines d'activité principaux de la protection de l'Etat (selon l'art. 2 LMSI),

­

la recherche d'informations (art. 14 LMSI),

­

le traitement des informations lors de faits (de prime abord) obscurs,

­

la réglementation de mesures concrètes permettant de prévenir les menaces compromettant la sécurité intérieure et

­

la présentation de la situation, en association avec les cantons.

3.2

Autorités de poursuite pénale

3.2.1

Disposition réprimant le terrorisme

Situation juridique actuelle Le droit pénal suisse ne renferme aucune disposition explicite liée au terrorisme.

Dans notre pays, la poursuite pénale d'actes terroristes repose sur une série de normes pénales générales, applicables dans des cas de préparation ou d'exécution d'actes terroristes. Il s'agit notamment des délits suivants: homicide intentionnel ou assassinat (art. 111 et 112 CP), séquestration et enlèvement (art. 183 CP), prise d'otage (art. 185 CP), délits liés aux explosifs (art. 224 ss CP), propagation d'une maladie de l'homme (art. 231 CP) ou provocation publique au crime ou à la violence (art. 259), auxquels peuvent s'ajouter le blanchiment d'argent (art. 305bis), les actes préparatoires délictueux (art. 260bis) ou l'appartenance à une organisation criminelle (art. 260ter).

Tous ces délits sont sanctionnés par des peines d'emprisonnement. De lourdes peines sont notamment prévues lorsque le délit met en danger la vie ou l'intégrité physique de plusieurs personnes ou qu'il provoque d'importants dégâts. L'instigation, la complicité et la tentative sont également passibles de peine.

Avant que les dispositions du droit pénal suisse destinées spécialement à lutter contre le terrorisme ne soient introduites, ces normes ont longtemps été considérées comme suffisantes pour réprimer le terrorisme.

Les actes préparatoires de certaines infractions sont également réprimés (art. 260bis CP), et cela avant même que l'exécution d'un acte terroriste planifié n'ait commencé. Cette norme permet de mettre fin aux activités préparatoires d'un acte terroriste et notamment à son financement. Elle prévoit une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison.

1716

Le caractère répréhensible de certains actes est étendu à l'appartenance et au soutien à une organisation criminelle, en particulier terroriste (art. 260ter CP). La peine maximale prévue pour cette infraction est une peine d'emprisonnement de cinq ans.

Cette disposition ne peut toutefois être appliquée qu'à certaines conditions.

Adaptations de la loi rendues nécessaires par l'adhésion à la convention de l'ONU Par décision du 7 novembre 2001, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de lui soumettre, d'ici à la fin du premier semestre 2002, un rapport et une proposition pour la ratification de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et pour l'adhésion à la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.

La Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif oblige les Etats parties à réprimer les attentats commis au moyen d'engins explosifs ou autres moyens meurtriers et instaure une coopération internationale aux fins de cette répression. Elle est compatible avec le droit suisse en vigueur et n'impose pas d'obligations nouvelles à notre pays. Il en va de même, dans une large mesure, pour la Convention pour la répression du financement du terrorisme. Les obligations concernant le séquestre et la confiscation, l'entraide judiciaire et l'extradition qui en découlent, ainsi que l'obligation de diligence des institutions financières sont couvertes par l'ordre juridique suisse. En outre, même l'obligation centrale de la Convention, consistant à punir le financement du terrorisme de la manière la plus globale possible, est honorée par les dispositions du code pénal suisse en vigueur: les activités de financement décrites dans la Convention, en plus de l'instigation et de la complicité dans des délits, peuvent en effet aussi être sanctionnées en tant que préparation d'un acte délictueux (art. 260bis CP) ou soutien d'une organisation criminelle (art. 260ter CP). L'art. 2 de la Convention exige toutefois que le financement du terrorisme soit punissable, sans que cela dépende de la preuve que les fonds ont effectivement été utilisés pour un acte terroriste. La simple complicité dans la tentative de financement doit également être pénalisée. Etant donné que, d'après la Convention, une organisation criminelle
n'a pas besoin d'agir pour être punissable, une disposition sanctionnant spécifiquement le financement du terrorisme doit être introduite dans le code pénal suisse. Enfin, l'art. 5 de la Convention établit la responsabilité de l'entreprise au sein de laquelle l'infraction a été commise (cf. ch. 3.2.2 et 4.2.2).

L'extradition soumise à des conditions En vertu de principes juridiques généraux, un Etat peut, même si les normes pénales concernées de l'Etat requérant et de l'Etat requis sont identiques, refuser d'extrader un suspect, lorsque le délit commis est de nature politique et que son auteur risque de ne pas être soumis à une procédure pénale conforme à la loi dans l'Etat où l'infraction a été perpétrée. La Convention européenne du 27 janvier 1977 pour la répression du terrorisme (RS 0.353.3), signée par les Etats membres du Conseil de l'Europe, a servi jusqu'à présent de base juridique dans le cas d'extradition de «terroristes» dans l'espace européen. La Suisse a ratifié cette convention le 19 mai 1983. Depuis 1981, le droit pénal suisse réprime aussi la préparation d'actes délictueux (art. 260bis CP), sans toutefois faire mention de la motivation politique. La convention européenne définit par ailleurs une série de délits (infractions commises contre des aéronefs ou à bord de ceux-ci, infractions graves constituées par une 1717

attaque contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté des personnes ayant droit à une protection internationale, enlèvements, prises d'otage ou séquestration arbitraire, infractions comportant l'utilisation de matières explosives ou d'armes à feu automatiques) pour lesquels l'exception de l'infraction politique ne peut être invoquée.

Cela dit, la Suisse est en principe en mesure de réagir rapidement à une demande d'entraide judiciaire en matière pénale déposée par un Etat, et ce même s'il n'existe aucun accord bilatéral ou multilatéral prévoyant cette assistance.

3.2.2

Interdiction de la propagande et des collectes de fonds

Moyens limités pour bloquer la propagande et les activités logistiques La législation suisse n'offre que peu de moyens pour lutter contre les réseaux de propagande et les activités logistiques. Avec l'entrée en vigueur, en 1999, de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI), l'arrêté du Conseil fédéral du 29 décembre 1948 visant la propagande subversive a été abrogé (1er juillet 1998). En principe, des mesures restrictives contre les réseaux de propagande et les activités logistiques déployés en Suisse par des groupes terroristes ne se justifient que si les intérêts publics, en faveur d'une interdiction des collectes de fonds par exemple, l'emportent sur les intérêts privés en présence, et si les mesures prises sont proportionnelles.

Ainsi, ces dernières années, les collectes de fonds de différents groupes en exil, comme les LTTE et le PKK, ont suscité de nombreuses protestations et interventions de l'étranger. Les décideurs étrangers en matière de politique de sécurité ne connaissent pas ou peu les limites de la législation suisse en vigueur. Les mesures prises par la Suisse contre des particuliers ou des organisations (mesures pour le maintien de la sécurité intérieure, interdiction d'acquisition ou de port d'armes, révocation de l'asile et ouverture de procédures pénales) sont insuffisantes si les personnes déploient leurs activités à l'étranger à partir de la Suisse, c'est-à-dire si, bien que résidant légalement en Suisse, leurs activités politiques se concentrent dans les régions de crise. Notre pays peut ainsi donner l'impression de tolérer ou d'encourager les activités terroristes. Les activités de propagande et de recrutement déployées en Suisse affectent aussi nos relations avec les pays concernés. En définitive, les interventions étrangères constituent également une entrave à la réadmission des requérants d'asile refoulés dans leur pays d'origine.

Mettre en lumière les flux financiers Les investigations sur les flux financiers des groupes terroristes sont aujourd'hui généralement considérées comme une priorité pour la sécurité internationale. Elles peuvent aussi être d'un grand intérêt pour l'ouverture de procédures pénales en Suisse, car elles peuvent mener à des soupçons pertinents d'activités répréhensibles grâce aux informations sur l'état de comptes, sur les ayants droit, sur l'origine et la transmission de capitaux.

1718

Actuellement, l'arsenal de police préventive dont dispose la Suisse ne permet guère de dépister les canaux de financement, les fonds récoltés, les personnes y ayant accès, l'utilisation de ces fonds ou leur transfert à l'étranger, au profit de groupes terroristes tels que l'UÇK en Macédoine, l'AKSH (Armée nationale albanaise, une fraction radicale de l'UÇK), les Tigres tamouls, le PKK et de nombreux autres. Lors d'une procédure pénale, la législation permet l'accès à toutes les informations bancaires. Jusqu'ici, ces groupes profitaient cependant du fait qu'il n'y avait aucune relation réprimée par la législation pénale entre les récoltes de fonds et les délits concrets ou potentiels. Ils pouvaient souvent, et parfois ouvertement, se procurer de l'argent et utiliser des comptes en Suisse sans qu'une procédure pénale ne soit entamée. Grâce à la nouvelle norme pénale générale prévue pour lutter contre le terrorisme, associée à la norme pénale autonome contre le financement du terrorisme, quiconque récoltera des fonds ou les mettra à disposition en vue de la réalisation d'un crime qualifié de ce genre sera désormais passible de peine.

Cas d'espèce de poursuite pénale Si la poursuite pénale d'actions de propagande et de recrutement est possible dans les cas d'espèce, le droit suisse n'offre cependant guère de possibilités au stade préventif. De plus, en cas de contrainte ou de racket notamment, les victimes issues des groupes ethniques tamouls et kurdes ne portent que rarement plainte.

C'est ainsi que des publications éditées et dirigées par des personnes domiciliées en Suisse diffusent dans toute l'Europe de la propagande, des appels aux dons et des comptes rendus teintés de patriotisme relatant les faits de guerre de groupes armés albanais en Macédoine ou dans le sud de la Serbie. Dans deux cas, des articles à caractère apparemment raciste ou belliciste ont fait l'objet de plaintes pour violation présumée de la norme pénale sur le racisme.

Possibilités de bloquer des fonds en Suisse Il est possible de bloquer ou geler des fonds:

24

­

dans le cadre d'une procédure pénale, lorsque celle-ci a été ouverte par les autorités de poursuite pénale et que le juge a prononcé une décision de blocage des valeurs patrimoniales;

­

en relation avec la communication de soupçons au sens de l'art. 9 de la loi sur le blanchiment d'argent (RS 955.0), lorsque l'on suspecte que les avoirs impliqués sont liés au blanchiment d'argent (art. 305bis CP), proviennent d'un crime ou que le pouvoir d'en disposer appartient à une organisation criminelle (art. 260ter CP; blocage à court terme, uniquement jusqu'à la décision d'ouvrir une procédure pénale).

­

sur la base d'ordonnances du Conseil fédéral24; les avoirs en relation avec les personnes physiques ou morales citées dans un appendice spécial de l'ordonnance sont alors automatiquement bloqués et il n'est pas spécialement nécessaire de prouver l'existence d'une activité répréhensible dans ce cas.

P. ex. l'ordonnance du 2 octobre 2000 instituant des mesures à l'encontre des Taliban (Afghanistan), RS 946.203, ou l'ordonnance du 23 juin 1999 instituant des mesures à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie (RS 946.207).

1719

Il faut noter que le secret bancaire suisse n'est pas un obstacle pour les procédures judiciaires. Il peut être levé lorsqu'il y a demande d'entraide judiciaire ou qu'une procédure pénale a été ouverte. Le cas échéant, les autorités compétentes sont habilitées à geler les actifs qui sont vraisemblablement destinés à des activités criminelles ou terroristes.

Conventions internationales La Suisse est un membre fondateur du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) et a collaboré activement à la rédaction des «40 recommandations» pour la répression du blanchiment d'argent élaborées par cet organisme.

3.2.3

Lutte contre le crime organisé et d'autres formes de criminalité

Efforts de la Confédération au cours des dernières années Au cours des dernières années, la Confédération a consenti d'importants efforts législatifs (loi sur le blanchiment d'argent, droit pénal en matière de corruption, révision de la loi sur l'entraide judiciaire internationale, loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, loi sur les mesures tendant à l'amélioration de l'efficacité et de la légalité dans la poursuite pénale, loi sur les armes, mesures de contrainte dans le droit des étrangers). Une nouvelle norme pénale générale contre le terrorisme, une norme pénale autonome contre le financement du terrorisme et une norme sur la responsabilité pénale des entreprises seront également introduites. Cette dernière permettra de mieux réprimer les délits tels que la corruption active ou passive. Dans l'ensemble et en comparaison avec les autres pays, la Suisse dispose d'un arsenal juridique de très haut niveau.

Projet d'efficacité et USIS De grands progrès ont également été faits ces dernières années dans la lutte contre le crime organisé et d'autres formes de criminalité. Ainsi la création d'un tribunal pénal fédéral a été acceptée et, dans le futur, les codes cantonaux de procédure pénale seront remplacés par un code de procédure pénale fédérale. Les compétences cantonales en matière de lutte contre le crime organisé et les affaires complexes de criminalité économique ont été transférées à la Confédération depuis le début de l'année 2002, conformément au «Projet d'efficacité». Ce transfert implique le développement du MPC, de l'OFP et du Tribunal fédéral. L'extension de l'OFP et le renforcement de l'aide accordée à l'Institut suisse de police à Neuchâtel créent les conditions structurelles indispensables à cet effet.

La possibilité d'apporter des améliorations supplémentaires et d'augmenter l'efficacité, également dans le domaine de la répression des grands secteurs de la criminalité qui ne relèvent pas de la compétence de la Confédération, est traitée dans le cadre du projet USIS (réexamen du système de sécurité intérieure de la Suisse).

Cependant, la lutte contre le crime n'est pas seulement l'affaire de l'Etat. Dans le domaine du crime organisé surtout, le concours des acteurs concernés au premier chef, c'est-à-dire de l'économie, constitue un facteur décisif. C'est pourquoi la Confédération soutient, de concert avec les cantons et les milieux économiques, la

1720

formation de spécialistes en matière de lutte contre la criminalité économique, qui est dispensée par les hautes écoles de gestion de Lucerne et de Neuchâtel.

Surveillance des télécommunications et investigations secrètes Dans le domaine de la surveillance des télécommunications et des investigations secrètes, le Conseil fédéral a également soumis de nouvelles lois au Parlement. La loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Il est pourtant déjà nécessaire d'adapter la liste des délits fixée par cette loi. De plus, le développement technique fulgurant que connaissent les télécommunications implique des adaptations permanentes (cf. à ce propos ch. 4.2.3).

En ce qui concerne la lutte contre les différentes formes de grande criminalité, les investigations secrètes sont des mesures policières essentielles. Un projet de loi tente de combler les lacunes attestées depuis des années en la matière; il fait l'objet d'un débat parlementaire depuis décembre 2001 (cf. ch. 4.2.4).

3.2.4

Coopération policière et judiciaire avec l'UE

Renforcement du dispositif de sécurité La situation de la Suisse en matière de politique de sécurité appelle une coopération aussi forte et aussi efficace que possible avec les Etats européens notamment pour juguler le crime organisé, le terrorisme et la criminalité économique, dont les acteurs agissent depuis longtemps au niveau mondial. Sans vouloir minimiser l'importance des mesures de sécurité internes, il faut admettre que la mise en place d'un dispositif de sécurité optimal nécessite un renforcement de la coopération policière et judiciaire avec l'UE. Il en va de même en ce qui concerne la politique en matière d'asile et d'immigration: les mouvements migratoires en général et le nombre de requérants d'asile et de personnes séjournant illégalement en Suisse ne dépendent pas uniquement des facteurs provoquant la migration dans les Etats de provenance; ils sont essentiellement déterminés par la coopération dans ce domaine entre les Etats européens de destination et de transit.

Espace de liberté, de sécurité et de justice Dans le cadre de la création de l'«espace de liberté, de sécurité et de justice», l'UE travaille depuis longtemps en faveur d'un renforcement de la coopération pour lutter contre le crime organisé international et le terrorisme. Avec «Schengen/Dublin», l'UE a constitué un réseau ambitieux dans les domaines de la coopération policière et judiciaire et de la politique des visas et de l'asile. En plus de la réglementation uniforme concernant les visas et l'asile, elle a mis sur pied un réseau de police et surtout un système d'information centralisé. «Schengen/Dublin» représente donc une priorité pour la sécurité intérieure de la Suisse, d'autant plus que de par sa situation géographique, notre pays est totalement ­ à l'exception du Liechtenstein ­ entouré par des Etats membres de Schengen. Si notre pays n'entre pas dans le dispositif de sécurité de l'UE, il risque de devenir la plaque tournante du crime organisé transnational et du terrorisme international, ou un «pôle d'attraction» pour les immigrés clandestins. La Suisse restera toujours concernée par le déplacement des contrôles de personnes aux frontières extérieures de la zone Schengen, qu'elle rejoigne 1721

l'alliance de sécurité de l'UE ou non. De même, l'élargissement de l'UE à l'Est pourrait avoir ­ associé à la «frontière bleue» difficilement contrôlable dans le sud de l'Europe ­ des effets indirects renforcés sur la Suisse. Consciente de ce problème, l'UE lutte contre ses causes et renforce régulièrement les contrôles.

Aspects spécifiques de l'asile et de l'immigration Les affaires de politique de sécurité ne peuvent être jugées sans prendre en compte les aspects spécifiques de l'asile et de l'immigration. Là aussi, la relation entre la Suisse et l'UE est décisive: la Convention de Dublin, qui sera bientôt transformée en règlement de droit communautaire, ainsi que ses instruments d'application représentent des moyens étatiques essentiels pour le contrôle de l'immigration illégale en tant que phénomène transfrontalier. Dans ce domaine, il n'existe en Suisse aucune possibilité d'action équivalente sur le plan interne. Une participation globale à la Convention de Dublin, y compris à la banque de données informatisée «Eurodac» pour le recensement des requérants de premier asile, serait donc un premier pas essentiel dans la coopération avec l'UE dans les domaines de l'asile et de l'immigration. En outre, cela permettrait à la Suisse d'avoir également accès aux nouvelles demandes d'asile déposées dans l'espace européen, d'être intégrée à la coopération des Etats de l'UE avec la Norvège et l'Islande et d'être déchargée dans ce domaine, en vertu des règles de compétence édictées dans la Convention de Dublin.

Schengen et Dublin Les options de politique en matière de visa ne sont pas sans effet sur les mouvements migratoires. A l'heure actuelle, en matière de visa, la Suisse mène, de manière autonome, une politique coïncidant largement avec celle de l'UE. Mais cela ne lui permet de compenser qu'un seul inconvénient, bien qu'essentiel, de son isolement par rapport à l'Europe: la reconnaissance du «visa de Schengen» en Suisse permet de diminuer les désavantages que présente la Suisse en tant que place économique et lieu de tourisme. L'accès à la base de données commune à l'UE en vue de vérifications précédant l'octroi d'un visa reste cependant interdit.

Si l'on considère les relations existantes, «Schengen/Dublin» reste bel et bien la seule option réaliste si l'on veut renforcer la coopération avec l'UE
dans les domaines de la justice, de la police, de l'asile et de l'immigration. Le processus d'adaptation autonome ne diminue en rien l'inconvénient d'une association à «Schengen/ Dublin», qui se manifeste sous la forme d'un déséquilibre institutionnel lors du développement de l'acquis; au contraire, il contraindrait la Suisse à renoncer totalement à participer à l'élaboration du futur acquis. En outre, le processus d'adaptation autonome ne peut être mis en pratique ni par rapport aux différentes banques de données, ni dans le domaine de la politique en matière de visa et d'asile.

En conclusion, pour des raisons de politique intérieure, il n'est pas question pour l'instant d'établir une coopération entre la Suisse et l'UE allant au-delà de l'association à «Schengen/Dublin», moyennant une adhésion à l'UE.

1722

3.2.5

Conséquences du Patriot Act américain pour la Suisse

Mesures législatives aux Etats-Unis Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme aux Etats-Unis est au centre des activités législatives. Dans le Patriot Act américain du 26 octobre 2001 figurent, d'une part, plusieurs dispositions à caractère policier visant à faciliter la surveillance électronique et téléphonique, à renforcer la protection des frontières nationales pour juguler l'immigration illégale et à consolider la coopération entre la police et les services secrets. Ce texte renferme également des dispositions à caractère pénal, ou relevant de la procédure pénale, qui augmentent les peines comminatoires prévues pour les actes terroristes de même que la garde à vue appliquée aux étrangers présumés.

D'autre part, le Patriot Act contient une loi complète sur le blanchiment d'argent (Money Laundering Abatement Act) qui introduit aux Etats-Unis des règles depuis longtemps en vigueur dans d'autres pays et, en particulier, en Suisse (p. ex. amélioration de l'identification des clients, surveillance plus sévère et plus efficace des activités des banques et des négociants de titres).

Nouvelle loi visant des personnes et des organisations à l'étranger Cette nouvelle loi sur le blanchiment d'argent part du principe que ce sont avant tout des clients étrangers d'institutions bancaires américaines qui représentent un risque pour la sécurité. Le renforcement des moyens de lutte vise principalement des personnes et des organisations domiciliées à l'extérieur des Etats-Unis. Le Trésor américain aura un rôle important dans la mise en oeuvre de cette loi qui exigera l'adoption de moult ordonnances d'application.

Pas de conséquence immédiate pour la Suisse Les dispositions policières et pénales du Patriot Act n'ont eu aucun effet perceptible immédiat en Suisse. En tant que place financière de premier plan, la Suisse est particulièrement concernée par les nouvelles dispositions sur le blanchiment d'argent. En introduisant de nouvelles exigences à l'égard des intermédiaires financiers (p. ex. amélioration de l'identification des clients et devoir de diligence) et en allongeant la liste des acteurs du secteur financier (p. ex. négociants en titres) soumis aux dispositions sur le blanchiment d'argent ­ lesquelles existent depuis longtemps en Suisse ­, les Etats-Unis
contribuent à combler les lacunes du dispositif international antiblanchiment et à renforcer la lutte contre la criminalité financière internationale. Mais contrairement à notre pays, les Etats-Unis n'ont pas souhaité réglementer complètement l'ensemble du secteur non bancaire.

Les nouvelles normes américaines ne visent pas la place financière suisse, qui dispose d'un vaste dispositif antiblanchiment reconnu partout dans le monde. De surcroît, les instruments nécessaires à la coopération entre les autorités de poursuite pénale américaines et suisses existent, tout comme est présente leur volonté de coopérer, sans laquelle un échange efficace et juridiquement irréprochable des informations ne saurait avoir lieu. La question de savoir si les sanctions que prévoit la loi sont susceptibles d'affecter les relations financières internationales dépend

1723

essentiellement de l'usage que l'administration américaine fera de ces instruments légaux25.

3.3

Coopération policière internationale

Coopération renforcée avec les autorités policières étrangères Les attentats terroristes du 11 septembre ont mis en lumière la nécessité non seulement de renforcer la collaboration à l'échelle nationale, mais aussi de consolider la coopération policière au niveau international. Ce constat porte également, d'une part, sur la coopération internationale entre les services de renseignements et les services de sécurité et, d'autre part, sur la collaboration nationale entre les services de renseignements intérieurs et extérieurs.

Aujourd'hui déjà, la Suisse travaille en étroite collaboration avec les autorités de police étrangères. Le canal Interpol est utilisé pour diffuser des informations de police, pour effectuer des demandes d'appui, mais aussi pour déposer des demandes d'entraide judiciaire. Plusieurs attachés de police de l'OFP sont stationnés dans des pays européens et aux Etats-Unis afin de faciliter la poursuite pénale. La Suisse a passé avec tous ses voisins des accords bilatéraux en matière de coopération policière en vue d'unir les efforts en termes de sécurité pour lutter contre la criminalité transnationale.

La task force d'Interpol En matière de police criminelle, l'organisation Interpol dont l'envergure est planétaire a créé une task force permanente au lendemain des attentats terroristes du 11 septembre. Le 25 septembre 2001, l'Assemblée générale d'Interpol a adopté une résolution condamnant les attentats aux Etats-Unis. Dans le même temps, un train de mesures a été proposé en vue d'améliorer l'engagement de l'organisation dans la lutte contre le terrorisme international. La Suisse collabore très activement avec Interpol depuis plusieurs années. Notre pays suivra attentivement l'orientation que prendra l'organisation de police criminelle dans la lutte évoquée ci-dessus; il prendra part aux groupes de travail mis en place et fournira une contribution active à l'échelon stratégique.

La lutte contre le terrorisme, priorité d'Europol Au niveau du continent, relevons notamment les activités de l'Office européen de police (Europol), qui a complété son programme 2002 en donnant une priorité absolue à la lutte contre le terrorisme. En outre, Europol a reçu des compétences opérationnelles qui prendront effet au début de l'année prochaine: il pourra constituer des équipes d'enquête communes
avec les Etats membres. La Suisse ne peut adhérer à cet organisme, car elle ne fait pas partie de l'Union européenne. Néanmoins, le Conseil des ministres européens de la Justice et de l'Intérieur a confié à Europol le mandat de conclure des accords de coopération avec des Etats tiers. Le 18 septembre 2001, la Suisse et Europol ont achevé les négociations portant sur un accord de coopération. La signature de ce document est prévue en 2002, dès qu'il 25

Voir à ce sujet: réponse du Conseil fédéral du 8 mai 2002 à la question ordinaire Rechsteiner Paul (02.1012), déposée le 12.3.2002, CN, Patriot Act. Liquidée.

1724

aura été traité par les instances européennes compétentes. La coopération avec Europol pourra débuter un fois cet accord ratifié.

3.4

Formes spéciales d'engagements antiterroristes de type civil et militaire

La lutte contre le terrorisme est en premier lieu une tâche civile incombant à la police et aux organes de protection de l'Etat. L'armée peut fournir, à titre subsidiaire, une aide (p. ex. la protection des ambassades) aux autorités civiles lorsque la Confédération et les cantons ne sont plus en mesure de s'acquitter de leurs tâches par manque de personnel, de matériel ou de temps (art. 67, al. 2, de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire). Elle peut ainsi fournir les prestations suivantes pour assurer le maintien de la sécurité intérieure: protection de personnes, protection de bâtiments, protection de conférences et de manifestations internationales, aide au Corps des gardes-frontière, défense contre les menaces sérieuses pesant sur la sécurité intérieure, garantie de la souveraineté aérienne et contrôle du droit aérien international.

3.5

Sûreté dans l'aviation

La Suisse est membre de la Conférence européenne de l'aviation civile (CEAC), qui se compose actuellement de 38 Etats membres et qui a notamment pour objectif de garantir la sûreté du système européen du transport aérien, en étroite collaboration avec l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). La CEAC a développé à cet effet un programme européen de surveillance des mesures de sûreté appliquées dans les aéroports.

La Suisse prend une part active à ce programme, premièrement, en déléguant des spécialistes dans les équipes d'inspecteurs et, deuxièmement, en acceptant des inspections dans ses aéroports. Elle a ainsi l'assurance que les prescriptions édictées par la CEAC dans son document 30, le document de référence pour les questions de sûreté, sont effectivement appliquées par les Etats membres.

Au vu de l'importance première de la coopération internationale, en particulier dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile, la Suisse s'engage également au sein de l'OACI, qui compte présentement 187 Etats membres. Notre pays a pu ainsi marqué de son sceau de nombreux projets, notamment la révision de l'annexe 17 (sûreté) à la Convention relative à l'aviation civile internationale. Suite aux attentats terroristes du 11 septembre, l'OACI a organisé, les 19 et 20 février 2002, une conférence ministérielle consacrée aux mesures de sûreté dans le transport aérien. Lors de cette réunion, décision a été prise d'introduire à l'échelle mondiale un programme obligatoire de surveillance des mesures de sûreté dans l'aviation.

1725

Le 22 mai 2002, dans sa prise de position liée à la motion déposée par le groupe démocrate-chrétien sur le problème du transport aérien et du terrorisme26, le Conseil fédéral a déclaré que les nouvelles directives internationales de la CEAC peuvent être appliquées sans qu'il soit nécessaire de légiférer, et que les mesures de sûreté au niveau national (engagement de gardes-fortifications, de gardes-frontière et d'agents de police) seront maintenues à long terme et régulièrement adaptées aux nouveaux dangers potentiels.

3.6

Conditions générales internationales

3.6.1

ONU

Avant le 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme international était déjà une préoccupation majeure pour notre pays, même si nous avons été largement épargnés par les attaques terroristes par le passé. Il s'agit par contre d'éviter que notre pays ne serve de lieu de transit ou de base logistique aux terroristes. L'engagement de la Suisse se manifeste notamment par la ratification et l'application de dix des douze conventions contre le terrorisme de l'ONU. De plus, le 13 juin 2001, la Suisse a signé la Convention pour la répression du financement du terrorisme.

Suite aux attentats terroristes aux Etats-Unis, la Suisse a prouvé sa volonté et sa capacité de coopérer sur le plan international. Ainsi, en application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU, des valeurs patrimoniales importantes ont par exemple été gelées; un échange d'informations et d'entraide judiciaire intensif avec les autorités étrangères a été entrepris et une procédure de transmission spécifique a été ouverte, permettant à la Task Force Terror USA ­ créée spécialement à cet effet ­ de procéder à d'importantes enquêtes.

3.6.2

Union européenne

La lutte contre le terrorisme: une priorité pour l'UE Dans les Etats membres de l'Union européenne, la législation concernant la lutte contre le terrorisme offrait jusqu'ici une marge d'appréciation considérable. Le traité de l'Union mentionne cependant expressément le terrorisme comme une forme de criminalité qui doit être évitée et combattue au niveau de l'Union européenne, grâce au développement d'une action commune dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale et au rapprochement des législations pénales des Etats membres.

Suite aux événements du 11 septembre 2001, le Conseil européen a affirmé que la lutte contre le terrorisme serait désormais l'une des priorités de l'Union européenne.

Le 21 octobre, il a déclaré que la coopération entre les services opérationnels compétents pour la lutte contre le terrorisme devait être renforcée dans ce but; c'est par

26

02.3061 ­ Motion du Groupe démocrate-chrétien, Transport aérien et terrorisme.

Amélioration de la sécurité, déposée le 14.3.2002, CN. Déclaration du Conseil fédéral du 22.5.2002: le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat.

Non encore traitée au plénum.

1726

exemple le cas pour Europol, Eurojust, les services de renseignements et les autorités judiciaires.

Mandat d'arrêt européen Le 21 septembre 2001, le Conseil européen a décidé d'introduire un mandat d'arrêt européen et d'adopter une définition commune de la notion de terrorisme. Ce mandat d'arrêt remplace le système d'extradition entre les Etats membres en vigueur jusqu'alors. Il offre la possibilité à l'autorité judiciaire d'un Etat de livrer une personne recherchée directement à celle d'un autre Etat. Les droits et les libertés fondamentales doivent cependant toujours être respectés.

Plan d'action de l'UE dans la lutte contre le terrorisme Le plan d'action de l'UE élaboré à la mi-avril 2002 et qui a fait l'objet d'un rapport régulier de la Commission de l'UE, prévoit les mesures suivantes:

27

­

Projet d'une décision-cadre sur l'exécution des ordres de saisie de biens ou de moyens de preuve dans l'UE.

­

Aménagement de l'entraide administrative lors de la prévention ou de la répression d'actes terroristes par la coopération policière et judiciaire.

­

Amélioration de la coopération entre Europol et les autorités de poursuite pénales américaines.

­

Négociation d'un accord d'extradition et d'entraide judiciaire entre l'UE et les Etats-Unis.

­

Adoption d'une clause sur le terrorisme dans tous les accords avec des Etats tiers.

­

Amélioration de la coopération entre Europol et Eurojust dans la lutte contre le terrorisme.

­

Actualisation de la liste des personnes, groupes et organisations prenant part à des activités terroristes, établie dans le cadre de la position commune 2002/931/PESC27.

­

Consultation sur le problème du bioterrorisme dans le cadre du groupe pour la prévention des catastrophes, du comité militaire et du comité pour les aspects civils de la gestion des crises.

­

Vérification de l'utilité du Système d'information de Schengen pour la lutte contre le terrorisme.

­

Intensification de la coopération avec la Russie concernant la répression de la criminalité (organisée) en général et la lutte contre le terrorisme en particulier.

­

Discussion régulière sur la lutte contre le terrorisme dans le cadre des relations extérieures de l'Union.

Abl L 344 du 28.12.2001, p. 90.

1727

Début avril 2002, la Présidence espagnole a déposé un projet de décision concernant la coopération renforcée entre la police et les autorités judiciaires; ce projet proposait, entre autres, la création de points de contacts pour la justice et la police dans chaque Etat membre.

Parallèlement aux formes de coopération existantes dans la lutte contre la criminalité internationale, des pourparlers sont en cours, envisageant une participation de la Suisse à certains instruments de l'Union européenne (Europol, Schengen).

3.6.3

Contrôle des armements et politique de désarmement

Participation de la Suisse à tous les grands traités La Suisse a signé et ratifié tous les accords multilatéraux sur le contrôle des armements et le désarmement qui lui sont ouverts: il s'agit précisément du Traité de nonprolifération (TNP), du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), de la Convention sur les armes biologiques et de la Convention sur les armes chimiques (CAC). Elle est également partie à toutes les conventions multilatérales visant la non-prolifération des armes de destruction massive et de leur technologie: notre pays participe notamment à l'Arrangement de Wassenaar (biens à double usage), au régime de contrôle de la technologie des missiles, au Groupe d'Australie (armes biologiques et chimiques) et au groupe des pays fournisseurs d'énergie nucléaire.

Les normes juridiques et conventions internationales en la matière ont été introduites dans la législation nationale et adaptées aux exigences pratiques par voie d'ordonnances.

Ces conventions et accords internationaux concernent d'abord et surtout les Etats.

Mais ils peuvent aussi viser, de manière indirecte, d'éventuels groupes terroristes déterminés à exécuter des attentats au moyen d'un arsenal non conventionnel.

Crédit de programme pour la promotion du désarmement et de la non-prolifération Dans la foulée de la motion Paupe (CE 00.3519), le DFAE et le DDPS ont élaboré conjointement un message qui prévoit un crédit de programme pluriannuel pour la promotion du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive. L'accent portant sur l'aide à apporter à la Fédération de Russie dans la destruction des armes chimiques, cette initiative contribue également à empêcher la commission d'attentats terroristes au moyen d'armes de destruction massive.

En 2001, à Genève, les négociations sur le protocole instituant un système de contrôle de l'interdiction des armes biologiques (armes B) ont piétiné et la conférence a été reportée à septembre 2002. Les négociations avaient déjà capoté à fin juillet, lorsque les Américains avaient déclaré qu'ils jugeaient un tel accord inacceptable parce qu'il compromettrait la sécurité nationale des Etats-Unis. Rappelons que la Suisse s'est portée candidate pour accueillir à Genève la nouvelle organisation de surveillance de la Convention sur les armes biologiques.

1728

4

Mesures prises ou prévues

4.1

Mesures préventives dans le domaine de la sécurité intérieure

4.1.1

Interdiction d'Al-Qaïda et extension des devoirs de renseigner

Le 7 novembre 2001, le Conseil fédéral, se fondant sur les art. 184 et 185 de la Constitution, a prononcé une interdiction contre Al-Qaïda et les organisations qui pourraient en émaner ou qui pourraient lui apporter un soutien. L'interdiction s'étend aux groupes de couverture, à ceux qui émanent d'Al-Qaïda, et aux organisations dont les dirigeants, les buts et les moyens sont identiques à ceux d'Al-Qaïda, ou qui agissent sur son ordre. La durée de cette interdiction de nature essentiellement préventive est limitée au 31 décembre 2003.

Par ailleurs, faisant usage de la compétence que lui confère l'art. 13, al. 3, LMSI, le Conseil fédéral a élargi, par le biais d'une ordonnance limitée au 31 décembre 2002, les devoirs de renseigner des autorités et des organisations accomplissant des tâches de service public et leur a accordé un droit de communication dans le but d'améliorer la recherche préventive d'informations. Cette collecte étendue d'informations est destinée notamment à dépister les membres et les structures des organisations terroristes présentes en Suisse.

4.1.2

Révision de la législation concernant la protection préventive de l'Etat

Actualité supplémentaire depuis le 11 septembre 2001 La révision de la législation dans le domaine de la sécurité intérieure a débuté en automne 2000 déjà, en relation avec les mesures contre l'extrémisme de droite.

Concernant le racisme et le hooliganisme, un projet sera mis en consultation au cours de 2003 concernant de nouvelles dispositions pénales (symboles à caractère raciste ou création de groupements racistes) et des bases juridiques seront établies pour régler le séquestre du matériel de propagande pertinent.

A la suite des attentats du 11 septembre, la question des mesures préventives de protection de l'Etat a gagné en importance et en urgence. De nombreux Etats ont révisé leur législation relative à la lutte contre le terrorisme ou sont en train de le faire, et prennent d'importantes dispositions ayant des effets sur les finances et le personnel pour renforcer les services et les mesures concernés.

S'agissant de la réglementation de la protection préventive de l'Etat établie par la LMSI, les points suivants doivent être analysés et remaniés: ­

description du champ d'activité de la protection de l'Etat,

­

recherche d'informations (entre autres au moyen de la surveillance préventive de la correspondance par poste et télécommunication, de la surveillance technique et par l'utilisation d'identités d'emprunt et de structures de couverture comme dans le domaine de la procédure pénale),

1729

­

traitement des informations (étendue du traitement des données personnelles particulièrement sensibles, p.ex. dans le domaine de l'extrémisme de nature religieuse),

­

mesures actives (mesures d'éloignement et d'expulsion, interdictions de certaines organisations et activités),

­

représentation de la situation (compétences du Centre fédéral de situation pour le traitement des données).

Respect des principes de l'Etat de droit libéral Il convient de relever, au sujet de ces propositions visant à compléter les bases légales régissant la sécurité intérieure, que les nouvelles mesures à prendre doivent s'inscrire dans le cadre des principes de l'Etat de droit et des libertés prévalant en Suisse. Dans la pesée des intérêts en présence et l'évaluation de l'empiètement de l'Etat sur les libertés individuelles et les droits de la personne, il faut non seulement prendre en considération la limitation des droits des personnes concernées, mais aussi le danger que le terrorisme et l'extrémisme représentent pour ces droits. Il va de soi qu'un empiètement particulièrement important sur ces droits devrait être assorti d'exigences particulières et complété par des mesures spéciales de surveillance et de contrôle.

4.1.3

Mesures de la police des étrangers

Les représentations à l'étranger, les postes frontières et les autorités cantonales de police des étrangers sont chargés de vérifier avec une attention particulière si les documents de voyage sont authentiques et si leur détention est légale.

L'Office fédéral des étrangers a introduit depuis peu une nouvelle vignette de visa afin de prévenir efficacement les falsifications. Un système d'établissement de visas automatisé (EVA) a également été développé. A l'heure actuelle, environ 70 représentations et presque tous les postes frontières sont raccordés. D'ici à la fin de l'année, 25 à 30 représentations viendront s'ajouter à ce nombre (quatre en Espagne et au Portugal; cinq en Afrique; Téhéran [juin 2002], Abu Dhabi, Dubaï, Riad, Djedda, Koweït; Tirana, Skopje, Tiflis, Ljubljana; Dhaka, Islamabad, Karachi; éventuellement Tunis, Beyrouth, Damas, Tripoli; Saint-Domingue et Port-au-Prince).

Enfin, en 2003, 30 représentations supplémentaires seront raccordées (notamment aux Etats-Unis et au Canada) à ce système, qui simplifie considérablement l'échange d'informations.

Les postes frontières ont été chargés de renforcer les contrôles à l'entrée, pour des raisons de politique de sécurité et d'immigration, et les représentations à l'étranger d'appliquer strictement les directives en vigueur.

1730

4.2

Mesures lors de la poursuite pénale

4.2.1

Procédures d'enquête et demandes d'entraide judiciaire après le 11 septembre 2001

Le 15 septembre 2001, le MPC a ouvert une procédure d'enquête de police judiciaire afin de découvrir d'éventuelles relations entre des événements qui se sont déroulés en Suisse et les attentats terroristes perpétrés aux Etats-Unis. Dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire déposée par les Etats-Unis, la Suisse a fourni rapidement les renseignements demandés et procédé aux actes d'enquête requis. De son côté, la Suisse a également déposé une demande d'entraide judiciaire auprès des autorités américaines.

L'OFP a formé un état-major spécial (Task Force Terror USA) pour assurer d'une part la coordination des instructions pénales ouvertes en Suisse et, d'autre part, la coopération avec les autorités étrangères. En parallèle, un groupe de travail interdépartemental a été créé, sous la responsabilité du DFAE, pour étudier la question du terrorisme. Ce groupe a notamment examiné la compatibilité de l'ordre juridique suisse avec la résolution 1373 du Conseil de sécurité.

4.2.2

Révision du code pénal

Nouvelle norme pénale concernant le terrorisme et norme pénale autonome concernant le financement du terrorisme Au centre de la révision du droit pénal proposée, on trouve une nouvelle norme pénale générale concernant le terrorisme (art. 260quinquies P-CP), ainsi qu'une norme pénale autonome concernant le financement du terrorisme (art. 260sexies P-CP). La disposition relative à la responsabilité de l'entreprise, déjà matérialisée par les Chambres dans le cadre de la révision de la partie générale du CP, doit ensuite être transférée de ce projet de loi dans la révision en question. Par ailleurs, cette disposition est complétée par les nouvelles normes pénales des art. 260quinquies et 260sexies P-CP qui justifient la responsabilité primaire de l'entreprise. La poursuite et le jugement du terrorisme et de son financement seront désormais sous la juridiction du Tribunal pénal fédéral, conformément à l'art. 340bis CP.

La disposition du projet concernant le terrorisme permet de punir les actes illicites spécifiques des attentats terroristes par une peine plus sévère. On fait donc appel à cette norme pénale lorsque l'auteur commet un crime violent en vue d'intimider un groupe de la population ou de faire pression sur un Etat ou une organisation internationale. Le financement du terrorisme est lié à cette définition; sera puni quiconque collecte des fonds ou les mettra à disposition en vue de la réalisation d'un crime qualifié de ce genre.

Les nouvelles normes pénales proposées permettent, d'une part, de combler les lacunes concernant la répression du terrorisme et du soutien qui lui est apporté et de répondre pleinement aux exigences de la Convention pour la répression du financement du terrorisme. D'autre part, la nécessité que l'acte soit intentionnel et la restriction de la norme aux crimes violents écartent le risque d'une punition trop sévère et non souhaitée.

1731

4.2.3

Adaptation d'autres lois fédérales

Loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication Lorsque la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT) a été édictée (message du Conseil fédéral du 1er juillet 1998; FF 1998 3689), il a été omis d'adapter la liste des délits aux révisions du droit pénal en cours. De plus, les lacunes concernent également des dispositions pénales relatives aux armes et à la corruption. La LSCPT est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Par sa décision du 2 octobre 2000, le Conseil fédéral a déjà chargé le DFJP, en relation avec les mesures contre l'extrémisme de droite, d'examiner la liste des actes répréhensibles de la LSCPT et de lui soumettre des propositions concrètes.

Dans le cadre de l'adaptation prévue du code pénal relativement au terrorisme et à son financement, la liste des délits doit encore être complétée par les délits suivants: génocide, discrimination raciale, corruption, et provocation publique au crime ou à la violence.

Ces adaptations contribueront pour une part importante à l'efficacité de la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme.

Loi fédérale sur les Offices centraux de police criminelle et loi sur le blanchiment d'argent L'adaptation du code pénal relative au terrorisme et à son financement implique également des modifications dans la loi fédérale sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération, ainsi que dans la loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier. La participation à une organisation terroriste doit ici également être considérée comme un motif de soupçon.

4.2.4

Loi fédérale sur l'investigation secrète

En 1995 déjà, le DFJP a présenté un avant-projet de loi sur l'investigation secrète.

En 1998, un message relatif à cette loi a été adopté, qui présentait les méthodes de police correspondantes comme indispensables. En outre, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a présenté un contre-projet, adopté le 11 décembre 2001 par le Conseil national. Le projet de loi a été traité par les commissions du Conseil des Etats en été 2002. Les premières adaptations ont été effectuées le 23 mai par la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats. Lors d'une investigation secrète, les agents de police sont dotés d'un «nom d'emprunt» et sont infiltrés dans le milieu criminel. Il s'agit alors pour eux d'enquêter sur les faits qui contribuent à élucider des délits particulièrement graves. Comme le fait de tromper des délinquants présumés n'est légalement pas sans risques, l'engagement d'agents infiltrés doit être autorisé par le juge. La question de savoir si la loi doit déterminer pour quels types de délits l'investigation secrète est autorisée (liste des délits) demeure ouverte.

1732

4.2.5

Révision de la loi sur les armes

Etant donné les lacunes constatées avant même le 11 septembre 2001, la loi sur les armes doit être révisée sur plusieurs points. Des nouveautés doivent être apportées dans le but d'améliorer le contrôle du commerce d'armes, notamment entre particuliers. Les soft air guns et autres armes factices doivent être soumis à la loi sur les armes, de même que les objets dangereux portés de manière abusive. Par contre, la loi ne doit plus s'appliquer aux couteaux, à quelques exceptions près. Par ailleurs, la possession d'armes particulièrement dangereuses doit être interdite. La proposition à la vente d'armes de manière anonyme doit elle aussi faire l'objet d'une interdiction.

Il s'agit en outre d'introduire une obligation de marquage pour les armes à feu et de compléter les dispositions pénales. Enfin, la loi doit contenir les bases légales nécessaires à la mise en place d'une exploitation centralisée des traces laissées par des armes à feu.

4.2.6

Crime organisé international, cybercriminalité

Comme mentionné plus haut, différents projets de législation sont en cours d'élaboration et un renforcement supplémentaire de la coopération internationale est envisagé. L'extension du MPC, de l'OFP et du Tribunal fédéral liée au Projet d'efficacité devrait en particulier mener, à moyen terme, à une amélioration de la poursuite pénale dans les procédures complexes concernant le crime organisé et la criminalité économique.

Une problématique spéciale apparaît dans les domaines de la criminalité dans lesquels la Confédération ne dispose pas, ou seulement dans des cas exceptionnels, de compétences d'enquête, mais qui peuvent présenter de très grandes interconnexions au niveau international. Il faut citer ici la cybercriminalité en général, la pédophilie sur Internet comme forme de cybercriminalité, mais aussi la traite d'êtres humains et le trafic de migrants, pour lesquels la Confédération n'est pas toujours compétente. Grâce à deux nouveaux services de coordination rattachés à l'OFP, le DFJP entend contribuer à l'amélioration de la prévention et de la poursuite pénale en la matière, aussi bien sur le plan national qu'international.

Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI) Le 1er janvier 2003, un service national de coordination chargé de lutter plus efficacement contre la criminalité sur Internet sera créé en collaboration avec les cantons.

A cet effet, le Conseil fédéral a déjà approuvé la création des postes nécessaires à l'OFP. Le nouveau service de coordination permettra de reprendre le monitoring d'Internet et garantira la cohérence dans les contacts avec l'étranger. La mise en place de ce service ne modifie en rien les compétences actuelles de la Confédération et des cantons en matière d'enquêtes. Ce service de coordination sera chargé des tâches suivantes: ­

déceler les abus répréhensibles commis via Internet (monitoring),

­

coordonner les investigations (clearing), et

­

dresser des analyses nationales de la cybercriminalité.

1733

Les collaborateurs seront assistés dans leur travail par des programmes informatiques spécialement conçus à cet effet. Neuf postes supplémentaires seront créés pour assurer le fonctionnement de cette unité. Les deux tiers des frais seront pris en charge par les cantons.

Service de coordination de la lutte contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants (THTM) Pour autant que les ressources financières le permettent, les premiers postes nécessaires en vue de la mise en place d'un service de coordination de la lutte contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants seront créés fin 2002 ou début 2003.

Les objectifs de ce service rattaché à l'OFP sont les suivants: ­

intensification et coordination de la coopération internationale dans la lutte contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants;

­

création d'un point de contact pour la coopération nationale et internationale dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine et la traite d'êtres humains;

­

coordination et centralisation, si nécessaire, des renseignements et informations relevant de ces domaines, garantie et amélioration de l'analyse;

­

coordination des mesures prises par les services fédéraux et cantonaux compétents;

­

élaboration des bases de décision politiques nécessaires.

La création de ce service de coordination est nécessaire en particulier pour la mise en oeuvre du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite de personnes, en particulier des femmes et des enfants. En janvier 2002, le Conseil fédéral a approuvé ce protocole et donné l'autorisation de le signer. L'application de ce protocole relatif à la traite des personnes requiert une adaptation de la disposition pénale réprimant la traite d'êtres humains (art. 196 CP). La révision et l'adaptation de la législation ont d'ores et déjà été entreprises.

4.3

Sanctions économiques

Sanctions des Nations Unies La Suisse a systématiquement appliqué les décisions prises par le Comité de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU après le 11 septembre 2001 concernant l'Afghanistan. Il s'agit notamment de geler les valeurs patrimoniales des personnes physiques et morales en relation avec les groupes et les organisations terroristes.

Quelque 70 comptes bancaires ont été bloqués, pour un total d'environ 40 millions de francs suisses ainsi gelés.

De plus, les autorités suisses compétentes ont transmis à tous les intermédiaires financiers les listes contenant les noms des personnes physiques et morales établies par les autorités américaines. Le devoir de diligence a été rappelé aux intermédiaires financiers, notamment en matière de blanchiment d'argent. Le Bureau de communi-

1734

cation en matière de blanchiment d'argent (BCB/MROS)28 a transmis au MPC 95 dénonciations directement liées aux attentats terroristes aux Etats-Unis.

GAFI Suite aux événements du 11 septembre 2001, la Suisse a soutenu l'adoption de huit recommandations spéciales du GAFI pour combattre le financement du terrorisme et s'est engagée à les appliquer jusqu'en juin 2002. Ces huit recommandations portent, entre autres, sur la question d'ériger en délit le financement du terrorisme, sur les diverses formes de transfert de fonds et sur les organisations à but non lucratif. A quelques détails près, la liste des mesures suisses à ce sujet est déjà compatible.

4.4

Coopération internationale

4.4.1

Ratification des conventions de l'ONU

Par sa résolution 1373 du 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité de l'ONU a invité tous les Etats à prendre des mesures spécifiques pour lutter contre le terrorisme international. Il leur a également demandé de remettre au comité créé à cette occasion un rapport sur les mesures qu'ils auront prises à cet égard. Le 7 novembre 2001, le Conseil fédéral a chargé le DFAE de coordonner la rédaction de ce rapport.

Lors de sa séance du 19 décembre 2001, il a approuvé le rapport sur les mesures prises par la Suisse pour lutter contre le terrorisme et son financement et l'a transmis au Conseil de sécurité de l'ONU. La première partie du document présente l'engagement de la Suisse contre le terrorisme, tandis que la seconde partie expose les moyens dont dispose la Suisse pour répondre aux exigences du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que les mesures qu'elle a prises ou qu'elle envisage de prendre dans ce domaine.29 Le Conseil fédéral s'est fixé pour objectif d'adhérer, au cours de 2002, à la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et à la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif. Avec la ratification de ces deux conventions, la Suisse sera partie à toutes les conventions de l'ONU relatives à la lutte contre le terrorisme.

4.4.2

Lutte contre les causes profondes du terrorisme dans le cadre du Conseil de l'Europe et de l'OSCE

L'élimination durable des causes profondes du terrorisme est une question particulière, traitée dans le cadre du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La coopération au développement, la lutte contre le crime organisé (par exemple le trafic d'êtres humains, de drogue ou d'armes) et le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la démocratie 28 29

Cf. 4e rapport d'activité du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, mai 2002.

Cf. www.eda.admin.ch/fighting-terrorism; 01.1148 ­ Question ordinaire Gross Andreas, déposée le 14.12.2001, CN, La Suisse et la résolution No 1373 de l'ONU, réponse du Conseil fédéral du 13.2.2002, liquidée.

1735

contribuent à créer un climat de stabilité et de sécurité. Il est tout aussi important que le terrorisme soit combattu dans le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. C'est pourquoi le rôle du Conseil de l'Europe et de l'OSCE est essentiel, en particulier depuis le 11 septembre.

Coordination des instruments du Conseil de l'Europe La Suisse soutient le travail du Conseil de l'Europe dans la lutte contre le terrorisme et y prend part activement. Elle préside en effet le groupe spécial du Comité directeur pour les droits de l'homme, chargé d'élaborer des lignes directrices pour aider les Etats membres à faire face aux mouvements qui menacent les valeurs et les principes fondamentaux du Conseil de l'Europe. D'autre part, elle est membre du Groupe pluridisciplinaire sur le terrorisme, dont le mandat est notamment d'assurer la cohérence des travaux entrepris par les différents organes du Conseil de l'Europe dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et de déterminer dans quelle mesure les instruments du Conseil de l'Europe en la matière doivent être mis à jour.

Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) La Suisse a pris part à l'élaboration du plan d'action pour la lutte contre le terrorisme, adopté le 4 décembre 2001 par le Conseil des ministres de l'OSCE à Bucarest, qui vise à mettre en oeuvre les moyens dont dispose cette organisation pour lutter contre les causes profondes du phénomène. En décembre 2001, la conférence de Bichkek, à laquelle la Suisse a également participé, a constitué une première occasion de transposer ce plan d'action à un niveau régional.

Le plan d'action de Bucarest, signé par 55 Etats, tend, en collaboration avec l'ONU, à coordonner les efforts entrepris au niveau mondial et régional contre le terrorisme.

La Suisse soutient ces efforts. Ses priorités sont la mise en oeuvre du Code de conduite sur les aspects politico-militaires de la sécurité et du Document de l'OSCE sur les armes légères et les armes de petit calibre.

4.4.3

Partenariat euro-atlantique

Depuis le 11 septembre 2001, le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), l'organe de consultation entre l'OTAN et les 27 Etats-partenaires du Partenariat pour la paix (PPP), a orienté son programme d'activités, entre autres, sur la thématique de la lutte contre le terrorisme. Le 12 septembre 2001, les représentants du CPEA ont affirmé leur solidarité avec les Etats-Unis et ont établi que le CPEA devait être utilisé comme cadre pour l'échange d'informations et pour la coordination d'activités pratiques. Le thème de la lutte internationale contre le terrorisme a été traité lors de toutes les rencontres des représentants, lors du symposium de programmation du PPP (janvier 2002) et tout particulièrement au séminaire du CPEA à Varsovie (février 2002). Les participants se sont dits convaincus que, pour réagir face au terrorisme, il fallait former une nouvelle coalition de forces de sécurité dans le domaine militaire et surtout dans le domaine civil. En conséquence, de nouvelles formes d'organisation ont été demandées. Le chapitre du plan d'action du CPEA de 2002 à 2004 intitulé «International Fight Against Terrorism» a été substantiellement élargi. Ce chapitre prévoit notamment la mise en oeuvre de programmes de collaboration entre les Etats membres afin de renforcer leur capacité à

1736

prévenir et à combattre les attaques chimiques, biologiques et atomiques contre la population civile. Le séminaire de Varsovie est revenu sur un document de consultation présenté par la Finlande et la Suède sous le titre «EAPC and Terrorism» et a vu émerger une foule de propositions englobant, entre autres, l'inventaire des textes de loi, l'échange d'informations, la prolifération des armes de destruction massive et le terrorisme, ainsi que la coopération dans la planification des mesures d'urgence civile.

Dans le cadre de la planification des mesures d'urgence civile au CPEA, un plan d'action a été adopté afin d'améliorer la préparation civile contre les attentats potentiels à l'arme atomique, biologique ou chimique. La centrale de coordination euro-atlantique pour l'aide en cas de catastrophe a accès à cet inventaire et pourrait servir de «clearing house» pour la coordination des prestations de soutien.

La menace terroriste a également été abordée dans le cadre de la Conférence des directeurs nationaux des armements, de l'Organisation de la recherche et de la technologie, du Comité économique et du Comité scientifique.

A l'occasion des rencontres de mai et juin 2002, un rapport d'activité a été présenté aux ministres des Affaires étrangères et de la Défense du CPEA. Afin d'éviter que le travail ne soit fait à double, les idées qui y ont été émises seront reprises et développées. L'objectif est que le partenariat puisse soumettre un plan d'action contre le terrorisme lors du sommet OTAN/CPEA qui se tiendra à Prague en novembre.

4.4.4

Désarmement et non-prolifération

La Suisse attache beaucoup d'importance à la lutte contre la dissémination et l'utilisation abusive des armes légères. Les autorités suisses ont pris les mesures nécessaires à l'application du programme d'action de l'ONU et du document de l'OSCE élaborés en la matière. Elles soutiennent l'exécution de ces mesures sur le plan régional et international. Par ailleurs, la Suisse et la France ont lancé une initiative portant sur la traçabilité, le marquage et l'enregistrement des armes légères.

La Suisse prévoit en outre de participer aux efforts internationaux pour encourager le désarmement chimique en Russie. Le message préparé en réponse à la motion Paupe (00.3519) situe ce projet dans le contexte de la politique suisse en matière de contrôle de l'armement et de désarmement. Il prévoit des contributions financières pour soutenir le désarmement dans le monde et la non-prolifération des armes de destruction massive. L'objectif de ce message est, entre autres, d'éviter que les armes de destruction massive ou que les connaissances servant à leur production ne tombent entre les mains de terroristes.

La Suisse met à la disposition de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques du matériel chimique de protection et de reconnaissance. Dans le cadre de la 5e Conférence de révision de la Convention sur les armes chimiques, elle a proposé une extension de l'entraide judiciaire.

Enfin, la Suisse a soutenu la publication de l'ouvrage «Public health response to biological and chemical weapons» par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Elle accorde un soutien financier à l'OMS en vue du réengagement de task forces, qui sont en mesure d'identifier rapidement les agents biologiques utilisés lors d'interventions militaires ou terroristes.

1737

4.5

Protection des représentations diplomatiques et sûreté aérienne

Engagement de formations de l'armée Depuis le 11 septembre 2001 et l'intervention américaine en Afghanistan, les représentations diplomatiques et les installations des Etats-Unis et des pays impliqués sont exposées à une menace accrue. Aussi, la Confédération a-t-elle ordonné des mesures préventives de protection. Fin octobre 2001, le Conseil fédéral a décidé d'approuver les requêtes du canton de Genève et de la ville de Berne sollicitant l'engagement à titre subsidiaire de membres du Corps des gardes-fortifications (CGF) pour épauler leurs forces de police dans leurs tâches de surveillance. Le 21 novembre, le canton de Berne a formulé une nouvelle demande pour obtenir un appui supplémentaire du CGF à ses formations de police en ville de Berne ou un service d'appui. Comme les capacités de ce corps à long terme n'auraient pu être garanties et que la Confédération n'aurait plus disposé de la réserve d'engagement garantissant sa liberté d'action, le Conseil fédéral a décidé, le 7 novembre 2001, d'engager des formations de l'armée en service d'appui, dès le 17 décembre 2001.

Le 13 février 2002, il a décidé que l'engagement de l'armée durerait jusqu'à fin juin 2003 au plus tard. Cet engagement se fonde sur l'art. 67 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire.

L'arrêté fédéral concernant l'engagement de l'armée pour la protection des représentations étrangères, dont l'effet s'étend jusqu'au 30 juin 2003 au plus tard, a été adopté le 11 mars 2002 par le Conseil national et le 13 mars par le Conseil des Etats (FF 2002 2047).

Il y a tout lieu de penser que ces mesures de protection devront encore être maintenues durant une période relativement longue.

Des renforts pour la garde des ambassades et pour la sûreté aérienne Le 25 octobre 2001, fort des recommandations du comité de pilotage du projet USIS (réexamen du système de sécurité intérieure de la Suisse), le Conseil fédéral a décidé de renforcer, en guise de mesure d'urgence, les forces affectées à la garde des ambassades à Genève (de 15 unités) et à Berne (de 30 unités) pour l'année 2002 et prévu un renforcement ultérieur afin de parvenir finalement à un effectif de 80 personnes à Berne et de 120 à Genève. Il a également pris la décision de conclure des conventions de prestations avec les cantons disposés à prêter leur aide dans le domaine de la sûreté des transports aériens.

4.6

Programmes de protection contre les armes non conventionnelles

Programmes de mesures pour les événements ABC Dans le sillage des cas d'anthrax aux Etats-Unis, la Suisse a enregistré plus de 1000 menaces présumées à l'anthrax, et il a été jugé nécessaire d'intervenir dans 200 cas; ces alertes se sont cependant toutes révélées être fausses. Par la suite, diverses mesures de protection ont été prises en Suisse, parmi lesquelles l'acquisition de 3,5 millions de doses de vaccin contre la variole.

1738

Des programmes ont été élaborés pour gérer efficacement les événements ABC (ainsi que pour les attentats commis au moyen d'agents CBR). Diverses commissions d'experts examinent et prennent les mesures destinées à la protection de la population lorsque cela s'avère nécessaire.

Il a paru nécessaire de développer une stratégie de communication claire eu égard aux effets psychologiques et médiatiques d'une attaque terroriste perpétrée avec des agents CBR (mais aussi en cas d'événements ABC).

Institution d'une commission spécialisée dans les armes B Face à l'aggravation de la menace liée aux armes biologiques, les autorités ont par exemple mis sur pied une commission spécialisée composée de personnalités de la Confédération et des cantons, ainsi que d'experts suisses. Sous la houlette de ces spécialistes, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et le Laboratoire AC de Spiez rédigent et diffusent, en collaboration avec l'Association des médecins cantonaux suisses et l'OFP, un bulletin d'information pour la population et diverses recommandations pour les cantons. Le Conseil fédéral a chargé cette commission de veiller à disposer de vaccins en suffisance; celle-ci examine en outre régulièrement la question des vaccins pour le personnel très exposé ou pour la population dans son ensemble. Dans les cantons également, des spécialistes conseillent les autorités politiques compétentes et les cellules de crise prévues à cet effet, en leur préconisant par exemple des mesures relatives à la prévention, à l'information et à l'intervention.

Un régime de contrôle strict existe en particulier pour les laboratoires; l'utilisation de l'anthrax notamment fait l'objet d'une réglementation et d'un contrôle sévères en Suisse.

5

Annexe: Interventions parlementaires

5.1

Conseil des Etats, motion Merz 01.3569 Renforcer les services de renseignement et la sécurité de l'Etat

Texte de la motion du 4 octobre 2001 1.

Le Conseil fédéral est chargé de consolider les services de renseignement et la sécurité de l'Etat, et d'engager une révision partielle de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire ainsi que d'autres actes normatifs concernés. Des modifications devront notamment être proposées dans les domaines suivants: ­ acquisition des informations (exploration électronique stratégique, abaissement du seuil à partir duquel l'information sera acquise, renforcement de la surveillance des télécommunications et du trafic postal, pénétration de systèmes informatiques tiers, etc.); ­ enquêteurs infiltrés; ­ traitement des informations et des données (conservation, remise à des tiers); ­ développement et renforcement du contrôle parlementaire (comme en Allemagne p. ex.); ­ punissabilité de l'appartenance à une organisation terroriste.

1739

2.

A la suite des attentats terroristes de New York et de Washington, le Conseil fédéral est chargé d'analyser en détail la situation et les menaces pesant sur la Suisse. Au-delà d'une description et d'une appréciation de la situation actuelle, il s'agira d'enquêter sur les nouvelles formes de la menace, tels le terrorisme, la criminalité environnementale, la cybercriminalité, la contrebande, les armes et leur prolifération, les droits d'auteur électroniques et le crime organisé classique, afin d'identifier les lacunes. De plus, le Conseil fédéral devra dire où il juge nécessaire d'agir, par la voie législative ou opérationnelle. Enfin, il présentera des propositions concrètes pour la suite du programme.

Un rapport sera soumis aux Chambres fédérales avant la session de printemps 2002.

Développement Les événements dramatiques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ne font que confirmer que la communauté internationale doit se préparer à de nouvelles formes de la menace. La Suisse, comme d'autres pays, a reconnu la nécessité d'agir. La coopération internationale s'est renforcée et des mesures nationales ont été prises en matière de prévention. Le plan directeur «Armée XXI» tient également compte de l'asymétrie de la menace. Indépendamment de cela, une optimisation des services de renseignement et de la sécurité de l'Etat sera nécessaire.

Les experts soulignent que les dispositions légales suisses sont, en comparaison internationale, insuffisantes dans le domaine de la prévention. On peut constater que la capacité d'agir des organes de prévention a été trop restreinte à la suite de l'affaire des fiches.

Prise de position du Conseil fédéral Le Conseil fédéral estime ne pouvoir décider de consolider la protection de l'Etat et les services de renseignement que sur la base d'une analyse de la situation et de la menace. Cette analyse que l'auteur de la motion appelle de ses voeux (cf. ch. 2 du texte de la motion) doit être effectuée préalablement à l'attribution de mandats concrets en matière de législation. Au terme de celle-ci, il s'avérera peut-être que des ressources supplémentaires doivent être sollicitées ou que certaines priorités peuvent être fixées. Aussi serait-il précipité, aux yeux du Conseil fédéral, d'accepter la motion et les indications détaillées qui y figurent au sujet de l'élaboration de nouvelles dispositions.

Le ch. 2 de la motion exige la présentation d'un rapport. Pour des raisons formelles, cette partie de l'intervention ne peut être acceptée en tant que motion, mais uniquement en tant que postulat. L'art. 22 de la loi sur les rapports entre les conseils précise en effet que «la motion charge le Conseil fédéral de déposer un projet de loi ou d'arrêté ou de prendre une mesure», alors que l'art. 22bis de cette même loi prévoit que «le postulat charge le Conseil fédéral d'examiner s'il convient de déposer un projet de loi ou d'arrêté ou de prendre une mesure et de présenter un rapport ...».

Matériellement, ce mandat rejoint les efforts déployés par la Confédération pour établir un
rapport exhaustif en matière de sécurité intérieure et de coordination des services de renseignement. Eu égard à la complexité des problèmes et à l'évolution fulgurante de la situation dans nombre des domaines concernés, seul un rapport intermédiaire pourra être fourni dans le délai imparti.

1740

Déclaration du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose de transformer la motion en postulat.

Chronologie: 10.12.2001 CE La motion est transmise sous forme de postulat.

5.2

Conseil des Etats, interpellation Fünfschilling 01.3576 Attentats terroristes. Appréciation de la situation actuelle

Texte de l'interpellation du 4 octobre 2001 Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont choqué l'opinion publique mondiale. Il est probable que l'insécurité ambiante aura des conséquences politiques, économiques et sociales non seulement aux Etats-Unis, mais également en Suisse. Dans certains domaines, il faudra prendre des mesures pour surmonter la peur et accroître la sécurité.

1.

Jusqu'ici, le Conseil fédéral s'est exprimé sur les répercussions immédiates des attentats terroristes dans des domaines précis, ce que je salue. Comment envisage-t-il d'informer la population de manière exhaustive sur la sécurité en Suisse et sur les conséquences des attentats?

2.

Quelles sont les conséquences économiques directes et indirectes auxquelles s'attend le Conseil fédéral, en particulier dans les secteurs de l'exportation, du tourisme et des entreprises de navigation aérienne?

3.

Concernant le financement d'attentats et d'organisations terroristes, les services de renseignement et les autorités de poursuite doivent être en mesure de surveiller les transactions financières. En même temps, il faut garantir le respect le plus absolu du secret bancaire vis-à-vis de tout autre groupe de personnes. Quelles sont les mesures prises par le Conseil fédéral pour protéger la vie privée de citoyens honnêtes et pour éviter que le secret bancaire ne soit violé sous prétexte de la lutte antiterroriste?

4.

Dans quels domaines et au sein de quelles organisations européennes et internationales la Suisse peut-elle s'engager davantage en faveur de la prévention et de la lutte contre le terrorisme? Devrait-elle prendre l'initiative d'organiser une conférence internationale contre le terrorisme?

5.

Partage-t-il mon avis qu'un système global de sécurité en Suisse est désormais incontournable et qu'il convient d'accélérer le projet USIS? Quel est la marge d'alerte en cas de menace de guerre ou d'actes similaires?

6.

Quelles mesures envisage de prendre le Conseil fédéral pour optimiser la sécurité d'installations et d'institutions à risque face aux menaces terroristes?

7.

Selon lui, quel est le degré de préparation de la population en cas de catastrophe nucléaire, biologique ou chimique suite à des attaques terroristes en Suisse ou dans les pays avoisinants?

1741

8.

Dans le cadre de recherches visant les auteurs d'attentats terroristes, on a découvert l'existence d'«agents dormants». Il s'agit de terroristes ayant un certain niveau d'éducation, qui vivent de manière légale dans un pays (dont le nôtre) où ils sont intégrés et où ils mènent une vie discrète depuis de nombreuses années. Quelles mesures compte prendre le Conseil fédéral en matière de protection de l'Etat, en particulier dans les domaines de la prévention, de la coopération internationale, de l'échange et de la conservation des données, et en ce qui concerne le phénomène des «agents dormants»?

Sans développement Réponse du Conseil fédéral ad 1 Il s'agit, en l'occurrence, d'une question des plus complexes au sujet de laquelle nous ne possédons pas encore actuellement tous les éléments de réponse. Pour certains des points soulevés, seul probablement le recul historique permettra d'apporter une réponse pertinente.

Les appréciations fédérales de la situation sont établies régulièrement au niveau interdépartemental. Elles sont coordonnées par l'Organe de direction pour la sécurité et par la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité, qui regroupent des représentants de plusieurs départements. Cette dernière a livré ses appréciations au Conseil fédéral et, autant que faire se pouvait, l'opinion en a également été informée.

Le Conseil fédéral prévoit de dresser une appréciation approfondie de la situation lorsqu'il disposera d'éléments suffisants. Il estime également nécessaire de prendre un certain recul par rapport aux récents événements. Il est prévu, d'ici à la prochaine session de printemps des Chambres fédérales, de rédiger un rapport dans le prolongement des présentes interventions parlementaires relatives au terrorisme.

ad 2 Durant cette année 2001, la conjoncture mondiale a subi une accélération phénoménale. L'affaiblissement économique des Etats-Unis et l'ascension des prix du pétrole ont provoqué une récession au niveau de la planète. La baisse générale de la demande au niveau national est allée de pair avec le ralentissement accru de la croissance du commerce mondial. Les attentats terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis ont fait naître un nouvel élément d'insécurité qui pèsera de tout son poids sur le développement économique futur. Si les pertes directes subies par l'économie, les secteurs de l'aviation civile et du tourisme mis à part, ont été jugées relativement faibles, la confiance des ménages et des entreprises a été entamée. Il faut s'attendre à un attentisme accru. Relevons cependant que la politique monétaire et la politique financière ont réagi ­ avant les attentats du 11 septembre déjà pour la politique monétaire ­ par des mesures visant à la croissance.

Selon les prévisions des experts, l'économie américaine en particulier, mais aussi les autres économies nationales des pays de l'OCDE devraient renouer de manière perceptible avec la croissance au second semestre de 2002.

1742

Les analystes financiers annoncent pour la Suisse, dont l'économie est fortement liée à l'économie mondiale, un profil conjoncturel en principe similaire à celui des pays de l'OCDE. En 2002, ils prévoient une croissance relativement lente, mais par contre peu de problèmes d'emploi graves. Les tendances à la stagnation qui ont marqué le secteur des exportations et qui étaient dues au marasme mondial devraient céder le pas à de nettes améliorations au cours de l'année.

Les secteurs économiques les plus directement touchés par les attentats terroristes sont incontestablement le transport aérien, l'industrie aéronautique et le tourisme.

Les experts escomptent une baisse de quelque 13 % des dépenses liées aux voyages et au tourisme aux Etats-Unis. La Société suisse des hôteliers annonce, quant à elle, une chute des réservations de 10 %. Les incidences négatives surviendront notamment en 2001 et au début de l'année prochaine. Il y a tout lieu de croire que le transport aérien et le tourisme se remettront plus rapidement que prévu. A la fin de l'année prochaine, ces deux secteurs économiques devraient, pour autant qu'aucun nouvel événement majeur ne survienne, retrouver une tendance à la croissance.

Si l'on procède de l'idée que les développements politiques et militaires n'auront pas d'incidences majeures, les attentats en tant que tels ne devraient pas, à moyen et long terme, avoir d'effets importants sur la conjoncture économique. Les pertes humaines et matérielles sont sans nul doute considérables, mais il faut les mettre en relation avec d'autres catastrophes qui, dans le passé, ont eu des conséquences gravissimes. Il n'en demeure pas moins que l'insécurité reste grande en raison de la lutte contre le terrorisme, qui se focalise actuellement sur l'Afghanistan, et de la menace que fait planer l'arme de la terreur.

ad 3 Il circule régulièrement des rumeurs ­ il peut également s'agir d'éléments concrets ­, suscitées par la renommée de la place financière suisse, selon lesquelles des organisations terroristes se serviraient des institutions financières helvétiques. Or, si l'on est en présence de soupçons concrets relevant du droit pénal qui, dans le cadre de demandes d'entraide judiciaire en matière pénale ou dans celui d'enquêtes pénales suisses, pourraient donner lieu à l'ouverture d'une instruction,
le secret bancaire ne représente plus aucun obstacle pour les autorités. Cela dit, les autorités chargées de la prévention disposent d'une faible marge de manoeuvre en cas de soupçons d'espionnage ou lorsqu'il s'agit de clarifier des situations de menace. Les organes de protection de l'Etat ne sont pas habilités à communiquer à l'étranger des informations concernant des intérêts purement fiscaux. Les possibilités de la recherche préventive d'informations sont précisément analysées dans le cadre du réexamen en cours de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI); une pesée des intérêts entre les droits fondamentaux concernés et les possibilités de contrôle y est effectuée. Le cas échéant, le Conseil fédéral soumettra aux Chambres fédérales un message concernant la révision de la LMSI, dans lequel figurera un projet de réglementation en la matière.

ad 4 La coopération internationale revêt une importance cruciale dans la lutte contre le terrorisme. Les associations et organismes internationaux ou supranationaux notamment qui s'engagent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme jouent un rôle central à cet égard. Il convient de mentionner, en matière de police criminelle, 1743

l'organisation Interpol dont l'envergure est planétaire et qui, depuis les attentats terroristes du 11 septembre, a créé une task force permanente. Le 25 septembre 2001, l'Assemblée générale d'Interpol a adopté une résolution condamnant les attentats aux Etats-Unis. Parallèlement, un train de mesures a été proposé en vue d'améliorer l'engagement de l'organisation dans la lutte contre le terrorisme international. Depuis plusieurs années, la Suisse collabore très activement avec Interpol. Notre pays suivra attentivement l'orientation que prendra l'organisation de police criminelle dans la lutte évoquée ci-dessus; il prendra part aux groupes de travail mis en place ou fournira une contribution active à l'échelon stratégique.

Au niveau du continent, relevons notamment les activités de l'Office européen de police (Europol). Europol a complété son programme pour l'année 2002 et donné une priorité absolue à la lutte contre le terrorisme. En outre, Europol a reçu des compétences opérationnelles qui prendront effet au début de l'année prochaine: il pourra constituer des équipes d'enquête communes avec les Etats membres. La Suisse ne peut adhérer à cette organisation, car elle ne fait pas partie de l'Union européenne. Néanmoins, le Conseil des ministres européens de la justice et de l'intérieur ont confié à Europol le mandat de conclure des accords de coopération avec des Etats tiers. Le 18 septembre 2001, la Suisse et Europol ont achevé les négociations portant sur un accord de coopération. La signature de ce document est prévue en 2002, dès qu'il aura été traité par les instances européennes compétentes.

La coopération avec Europol pourra débuter une fois ratifié cet accord.

Pour ce qui est de la collaboration entre services de renseignement et services de sécurité, la Suisse est très bien associée depuis de longues années aux diverses formes de coopération internationale. La coopération entre ces services, sur laquelle les ministres européens de l'intérieur se sont accordés au lendemain du 11 septembre, a lieu par le biais de groupes informels existants. Le Service suisse d'analyse et de prévention y est également intégré à titre de partenaire associé.

Il existe, en outre, une série d'organisations, à l'instar de l'ONU ou de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui sont
engagées dans la prévention et la lutte contre le terrorisme. L'OSCE et le Bureau pour le contrôle des drogues et la prévention du crime des Nations Unies ont, par exemple, organisé, les 13 et 14 décembre 2001, une conférence internationale sur le terrorisme, à Bischkek, au Kirghizstan. La Suisse participe à ces organisations dans la mesure de leur importance et en fonction de ses possibilités.

Une commission spéciale de l'ONU, créée dans le sillage de la résolution No 51/210 de l'Assemblée générale, examine actuellement la nécessité de convoquer une conférence de haut niveau afin de discuter sur la façon pour la communauté internationale de réagir face au terrorisme, quelles que soient ses formes. A ce jour, l'ONU n'a pris aucune décision à ce sujet. Le Conseil fédéral estime qu'une initiative individuelle de la Suisse ne serait guère judicieuse en l'occurrence.

ad 5 USIS: le rapport USIS I dresse un état des lieux et analyse les forces et les faiblesses du système de sécurité intérieure actuellement en place. Il a été rendu public le 5 avril 2001, après avoir été présenté au Conseil fédéral et à la Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP).

1744

Le 24 octobre 2001, le Conseil fédéral a pris connaissance du rapport USIS II. Il a pris des décisions quant à la suite à donner à ce projet: il a arrêté, en coordination avec la CCDJP, les variantes de solutions à approfondir et fixé des mesures d'urgence. Le 8 novembre 2001, la CCDJP s'est exprimée à son tour sur le contenu du rapport USIS II et s'est déterminée sur ces mêmes questions.

En automne 2002, soit dans une année, le rapport sur l'élaboration détaillée des variantes choisies sera disponible. Le rapport final USIS sera livré au printemps 2003.

A l'heure actuelle, le projet USIS a réussi à s'attacher la compétence d'experts de la Confédération (DFF, DFJP, DFAE et DDPS) et des cantons qui ont trouvé en commun des solutions globales. L'organisation de projet a donc fait ses preuves. Il s'agit maintenant de mener à bien le projet USIS dans les limites d'un calendrier indubitablement très serré au regard de l'ampleur de la tâche. Aussi, le Conseil fédéral est-il d'avis qu'aucune modification du projet USIS ne s'impose, puisqu'il a déjà été possible, dans le cadre d'USIS II, d'arrêter des mesures immédiates à appliquer en priorité. Il est primordial que le Conseil fédéral reçoive également l'appui nécessaire du Parlement lors de la mise en oeuvre, au début de 2002, de ces mesures d'urgence.

Marges d'alerte: il existe différents niveaux de violence sur l'échelle des menaces: de la guerre interétatique à la violence extrémiste ou terroriste en passant par les répercussions de la prolifération de missiles. La Suisse est touchée par ces types de menaces dans des proportions variables. Quoi qu'il en soit, il est à noter que même les menaces les plus aiguës, pourtant susceptibles de toucher des pans entiers de la population, ne mettent pas en danger l'existence même de notre pays.

Une guerre interétatique telle qu'il en existe toujours dans certaines régions du monde ne devrait pas se produire à court terme dans l'environnement proche de la Suisse. La Suisse est, en effet, entourée d'Etats démocratiques dont la politique n'est marquée ni par le désir de prendre le pouvoir à l'échelle continentale, ni par la volonté de suprématie militaire, tendances qui, rappelons-le, avaient conduit à plusieurs reprises par le passé à des guerres touchant l'ensemble du continent européen.

Par ailleurs, les
Etats voisins de la Suisse appartiennent presque tous à une seule et unique alliance militaire que tout agresseur externe devrait combattre avant de pouvoir procéder à une attaque terrestre sur la Suisse. Une modification fondamentale de ces données serait immanquablement précédée par des mutations dans le contexte de la politique de sécurité de la Suisse. Le laps de temps qu'il faudrait pour que de tels changements conduisent à un risque de guerre sérieux devrait se révéler plus long que toutes les marges d'alerte auxquelles la Suisse a eu affaire au cours du siècle passé.

Par contre, la Suisse est touchée indirectement par des conflits interétatiques et internes qui se jouent à la périphérie ou en dehors de l'Europe. Elle est également touchée par les activités extrémistes et terroristes qui en découlent. La Suisse risque en effet de servir de pays de transit et de base arrière pour les terroristes. Des attentats contre des intérêts étrangers peuvent avoir lieu sur son sol, même si la Suisse ne compte pas parmi les objectifs directs des terroristes. Enfin, des citoyens suisses à l'étranger courent le risque d'être les victimes d'attentats. En matière de marges d'alerte, il faut clairement différencier le risque de guerre et les répercussions directes ou indirectes de la violence extrémiste et terroriste. Dans le premier cas, il s'agit 1745

en effet d'une alerte stratégique, voire d'une détection précoce, tandis que dans le second cas, il s'agit d'une alerte tactique. Dans ce dernier cas, la question n'est donc plus de savoir si des groupes déterminés vont faire usage de la violence, mais plutôt où et quand. Si les terroristes prévoient leurs attentats à court terme, la marge d'alerte théorique maximale peut se réduire à quelques jours.

ad 6 Il existe déjà des concepts de sécurité pour la protection d'installations et d'institutions soumises à la menace d'attaques terroristes. Néanmoins, les événements qui se sont produits récemment tant à l'échelon national qu'à l'échelon international indiquent qu'il est nécessaire d'agir. Ainsi, le potentiel de menace pesant sur chaque installation et institution est en cours de réévaluation et d'adaptation. Les mesures de protection ont été considérablement renforcées pour les représentations étrangères et les organisations internationales. Actuellement, les corps de police cantonaux sont soutenus par des formations militaires afin de pouvoir mettre en oeuvre sur une longue durée le dispositif de sécurité exigé par la Confédération.

L'expérience des incidents survenus aux Etats-Unis et à Zoug aura sans aucun doute des conséquences sur les futurs concepts de sécurité. Cependant, en dépit de toutes les mesures prises, il restera toujours une part de risque liée aux actes criminels et aux attentats terroristes.

ad 7 Le Conseil fédéral suit avec une grande attention l'évolution de la menace dans les domaines des armes atomiques, biologiques et chimiques. Les mesures qui s'imposent ont été prises à l'échelon de la Confédération en temps opportun et en fonction de la situation de la menace. Dans ces trois domaines, des concepts ont été mis en place qui permettent d'agir efficacement en cas d'attaque impliquant des armes de type A, B ou C. Différentes commissions spécialisées prennent, avec leurs experts, les mesures propres à assurer la protection de la population. Ces dispositions sont prises sous la responsabilité et la direction du Conseil fédéral. Ainsi, en réaction à la menace élevée dans le domaine des armes B, une commission spécialisée a été mise sur pied. Elle réunit des personnes clés de la Confédération et des cantons et les principaux experts du pays. Sous la coordination de cette commission
spécialisée, l'Office fédéral de la santé publique et le laboratoire de Spiez, en collaboration avec l'Association des médecins cantonaux et l'OFP, ont élaboré et diffusé une notice d'information pour la population, de même que diverses recommandations pour les cantons. La commission spécialisée a été chargée par le Conseil fédéral de veiller à ce qu'un nombre suffisant de vaccins soient disponibles. Elle examine également la nécessité de vacciner le personnel à risque ou l'ensemble de la population.

L'organisation de protection civile du DDPS entre également en action, le cas échéant, pour maîtriser les catastrophes et les situations d'urgence. Elle travaille en étroite collaboration avec les spécialistes de la Confédération et des cantons et assume des tâches importantes grâce aux moyens dont ceux-ci disposent (abris souterrains, matériel de protection contre les armes A et C, etc.).

Les cantons, avec leurs spécialistes actifs au sein de divers départements (médecins, vétérinaires, biologistes, chimistes, physiciens, policiers, membres des services de secours) et d'autres spécialistes disposent d'instances aptes à conseiller les autorités 1746

politiques et les états-majors de crise en cas d'attaques impliquant des armes de type A, B ou C ou en cas de préparation de tels actes. Ils sont les interlocuteurs privilégiés en matière d'appréciation de la situation, de mesures d'urgence, d'information, de prévention, d'intervention et de planification prévisionnelle en vue de protéger la population.

ad 8 Le Conseil fédéral se réfère ici aux travaux de réexamen des instruments préventifs, lancés avant le 11 septembre, de même qu'à la participation de la Suisse aux comités internationaux pour la coopération en matière de services de renseignement, de services de sécurité et de police judiciaire.

Les activités des services suisses compétents se fondent sur les bases légales actuelles, à savoir principalement sur la LMSI et, en cas de soupçons relevant du droit pénal, sur la procédure pénale fédérale. Le 7 novembre 2001 par ailleurs, afin d'améliorer les possibilités de la recherche d'informations effectuée à titre préventif, le Conseil fédéral, faisant usage de sa compétence, a élargi le devoir de renseigner des autorités, des offices et des organisations accomplissant des tâches publiques, à l'égard des organes chargés d'assurer la protection de l'Etat. Il a ainsi étoffé notamment les conditions permettant, en cas d'informations concrètes, d'entreprendre les clarifications nécessaires afin de préserver la sécurité intérieure. En faisant interdire l'organisation Al-Qaïda, le Conseil fédéral a également amélioré l'enregistrement, au plan pénal, des menées terroristes.

En ce qui concerne la problématique des «agents dormants» et des attentats du 11 septembre, il faut noter que la préparation concrète d'actes de terreur n'a été mise au jour dans aucun des pays concernés. Les «agents dormants» se caractérisent justement par le fait qu'ils ne commettent aucun délit pendant une longue période, puis s'activent soudainement. Ce comportement est connu depuis longtemps dans le domaine du contre-espionnage. La Suisse suit avec une grande attention les efforts poursuivis dans les pays touchés par des cellules terroristes et qui visent à mettre au jour d'autres structures cachées.

Il s'agit d'examiner si des mesures visant à reconnaître des «agents dormants» plus poussées que celles prévues actuellement dans les bases légales suisses seraient utiles,
proportionnées et compatibles avec le droit fondamental. La volonté de sécurité publique ne doit pas ouvrir la voie à un Etat policier.

Chronologie: 10.12.2001 CE Liquidé.

1747

Table des matières Résumé

1675

1 Introduction 1.1 Propos et mandat 1.2 But et signification du rapport 1.3 Définitions 1.3.1 Les notions de terrorisme et d'extrémisme 1.3.2 Comment définir le crime organisé?

1678 1678 1680 1681 1681 1682

2 Analyse de la situation 2.1 Situation générale de la sécurité intérieure 2.2 Les formes actuelles du terrorisme international 2.2.1 Terrorisme social-révolutionnaire et ethno-nationaliste 2.2.2 Terrorisme islamiste 2.2.3 Afghanistan, Pakistan et Oussama Ben Laden 2.2.4 Financement du terrorisme 2.2.5 La sûreté de l'aviation menacée 2.2.6 Le terrorisme et les moyens non conventionnels (agents CBR) 2.2.7 Evaluation générale des attentats du 11 septembre 2.3 Les répercussions en Suisse des activités terroristes à l'étranger 2.3.1 Les répercussions en Suisse depuis les années 60 2.3.2 Groupes actifs en Suisse 2.3.3 Cibles terroristes en Suisse et à l'étranger 2.3.4 Propagande, recrutement et financement 2.3.5 Une zone de repli et de transit 2.3.6 Implication de groupes terroristes dans d'autres activités criminelles 2.4 Crime organisé et autres formes de criminalité organisée 2.4.1 Le crime organisé en général 2.4.2 Commerce illégal de stupéfiants 2.4.3 Traite d'êtres humains / Trafic de migrants 2.4.4 Cybercriminalité 2.4.5 Criminalité économique / contrebande 2.4.6 Blanchiment d'argent 2.4.7 Crimes contre l'environnement

1684 1684 1685 1685 1686 1688 1690 1692 1692 1695 1697 1697 1698 1701 1703 1704

3 Moyens disponibles et lacunes 3.1 Les services de renseignements 3.1.1 Rôle des services de renseignements intérieurs et extérieurs 3.1.2 Coopération préventive avec les autorités étrangères 3.1.3 Lacunes dans l'arsenal législatif interne 3.2 Autorités de poursuite pénale 3.2.1 Disposition réprimant le terrorisme 3.2.2 Interdiction de la propagande et des collectes de fonds

1712 1712 1712 1714 1715 1716 1716 1718

1748

1705 1706 1706 1707 1708 1709 1710 1711 1711

3.3 3.4 3.5 3.6

3.2.3 Lutte contre le crime organisé et d'autres formes de criminalité 3.2.4 Coopération policière et judiciaire avec l'UE 3.2.5 Conséquences du Patriot Act américain pour la Suisse Coopération policière internationale Formes spéciales d'engagements antiterroristes de type civil et militaire Sûreté dans l'aviation Conditions générales internationales 3.6.1 ONU 3.6.2 Union européenne 3.6.3 Contrôle des armements et politique de désarmement

1720 1721 1723 1724 1725 1725 1726 1726 1726 1728

4 Mesures prises ou prévues 4.1 Mesures préventives dans le domaine de la sécurité intérieure 4.1.1 Interdiction d'Al-Qaïda et extension des devoirs de renseigner 4.1.2 Révision de la législation concernant la protection préventive de l'Etat 4.1.3 Mesures de la police des étrangers 4.2 Mesures lors de la poursuite pénale 4.2.1 Procédures d'enquête et demandes d'entraide judiciaire après le 11 septembre 2001 4.2.2 Révision du code pénal 4.2.3 Adaptation d'autres lois fédérales 4.2.4 Loi fédérale sur l'investigation secrète 4.2.5 Révision de la loi sur les armes 4.2.6 Crime organisé international, cybercriminalité 4.3 Sanctions économiques 4.4 Coopération internationale 4.4.1 Ratification des conventions de l'ONU 4.4.2 Lutte contre les causes profondes du terrorisme dans le cadre du Conseil de l'Europe et de l'OSCE 4.4.3 Partenariat euro-atlantique 4.4.4 Désarmement et non-prolifération 4.5 Protection des représentations diplomatiques et sûreté aérienne 4.5.1 Programmes de protection contre les armes non conventionnelles

1729 1729 1729

5 Annexe: Interventions parlementaires 5.1 Conseil des Etats, motion Merz 01.3569 5.2 Conseil des Etats, interpellation Fünfschilling 01.3576

1739 1739 1741

1729 1730 1731 1731 1731 1732 1732 1733 1733 1734 1735 1735 1735 1736 1737 1738 1738

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