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96.435

Initiative parlementaire Abus sexuels commis sur des enfants.

Modification du délai de prescription Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 27 août 1996

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, En vertu de l'article 21quater, 3e alinéa, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport que nous transmettons par la même occasion au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'approuver son projet d'arrêté fédéral ci-annexé.

27 août 1996

1996 - 537

Au nom de la commission: La présidente, Lili Nabholz

1315

Rapport 1

Situation initiale

La révision du droit pénal en matière d'atteinte à l'intégrité sexuelle des enfants, entrée en vigueur en 1992, prévoit, pour les actes d'ordre sexuel commis avec des enfants n'ayant pas été victimes de violences ou de contraintes, un délai de prescription de cinq ans (art. 187, ch. 5, du code pénal, CP).

Le 20 septembre 1994, le Conseil des Etats a décidé à l'unanimité de transmettre une motion de M. Béguin, député au Conseil des Etats, laquelle demande que l'article 187, chiffre 5, CP, soit modifié en sorte que la prescription pour les atteintes à l'intégrité sexuelle des enfants soit adaptée au délai de prescription ordinaire de dix ans pour les crimes (art. 70 CP).

Dans son avis, le Conseil fédéral a rejeté la motion Béguin, arguant notamment que des décisions législatives ne devraient pas être modifiées après un laps de temps aussi court. La commission estime cependant qu'il existe une nécessité urgente de légiférer en la matière. Elle a par conséquent décidé, le 23 janvier 1996, de présenter, en vertu de l'article 21ter, 3e alinéa, de la loi sur les rapports entre les conseils, un projet de modification de l'article 187, chiffre 5, CP, par le biais d'une initiative de commission et de repousser en même temps la motion CE (Béguin). Etant donné qu'une autre prolongation du délai de prescription demanderait de nombreux travaux, la commission a décidé de transmettre une motion (96.3004) priant le Conseil fédéral de proposer une révision du code pénal en matière d'infraction contre l'intégrité sexuelle dans le sens qu'en cas d'abus commis sur des enfants, la prescription ne court pas avant que la victime ait atteint 18 ans révolus. Par contre, la majorité de la commission a proposé de ne pas donner suite à l'initiative parlementaire Goll (94.441) visant à supprimer le délai de prescription pour les abus sexuels commis sur des enfants de moins de seize ans.

2

Droit en vigueur

Les nouvelles dispositions du code pénal en matière d'atteinte à l'intégrité sexuelle sont entrées en vigueur le 1er octobre 1992. Cette nouvelle version du code pénal établit une différence entre les atteintes à l'intégrité sexuelle des enfants sans violences ni contraintes (art. 187 CP) et les agissements liés à des violences, des menaces, des contraintes, l'abus de la capacité de discernement ou d'une relation de dépendance (art. 189 à 193 CP).

L'article 187 CP vise à garantir le développement des enfants jusqu'à l'âge de seize ans à l'abri de toute perturbation, en d'autres termes, jusqu'à ce que ceux-ci puissent assumer leur propre responsabilité en matière de sexualité. Indépendamment du stade de développement de l'enfant, le législateur ne reconnaît pas à celui-ci la maturité nécessaire dans ce domaine avant l'âge de seize ans. La notion d'«acte d'ordre sexuel» ne recouvre pas uniquement le rapport sexuel en tant que tel ou les actes analogues, mais aussi d'autres actes tels que le petting. En ce qui concerne les actes punissables aux termes de l'article 187 CP, qui ne sont pas à 1316

même, à eux seuls, de perturber le développement sexuel de l'enfant ou de porter atteinte à son droit de disposer de lui-même - et uniquement pour ces cas-là - le législateur est parti du principe qu'il existe une chance pour qu'un enfant parvienne à surmonter les suites de ces actes après un certain temps. L'introduction du délai de prescription de cinq ans devait protéger la victime en empêchant que celle-ci soit à nouveau perturbée à une date ultérieure lors de procédures d'enquête et d'instruction. Le fait que, selon les cas, l'ouverture d'une procédure pénale cinq ans après les faits pouvait constituer une atteinte plus grave à la personnalité de l'enfant que l'acte lui-même, était alors déterminant pour le législateur. L'intérêt public à ce que les actes punissables soient poursuivis devait par conséquent céder le pas aux intérêts de la victime. Enfin, la fixation du délai de prescription à cinq ans permettait également de prendre en compte le fait qu'au-delà d'une période déterminée, il devient de plus en plus difficile d'établir les preuves fiables requises pour la poursuite d'un acte punissable (v. BÖ E1987 p. 385; BÖ E 1991 p. 82).

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Considérations de la commission

De l'avis de la commission, la révision du droit pénal en matière d'atteinte à l'intégrité sexuelle a certes apporté des améliorations; cependant, l'abaissement du délai de prescription à l'article 187 CP a entraîné une dégradation de la position juridique des enfants. Par ailleurs, les rapports d'études scientifiques démontrent que des abus sexuels commis sur la personne d'enfants ne sont souvent révélés que des années sinon des décennies après les faits. Plus sa relation avec l'auteur de l'acte est étroite, plus il devient difficile pour la victime de se défendre. Au demeurant, les personnes concernées sont souvent si traumatisées qu'elles n'osent pas parler de ce qu'elles ont subi, notamment en raison de sentiments de honte, de peur ou de craintes pour leur existence. De nombreuses personnes concernées sont forcées de se taire par l'auteur de l'acte. Du courage ainsi qu'un soutien approprié sont donc nécessaires à ces personnes pour leur permettre de rompre le silence. En outre, les victimes développent souvent une stratégie de survie consistant à refouler les abus subis, ce qui explique pourquoi l'existence de tels sévices n'apparaît que des années plus tard lors de consultations médicales ou psychothérapeutiques. Vu sous cet angle, l'abaissement du délai de prescription laisse le champ libre aux auteurs d'abus sexuels. Rétrospectivement, l'abaissement du délai de prescription ne va par conséquent pas dans le sens de l'intérêt des victimes.

Lors de son assemblée des délégués du 26 octobre 1995, la Conférence des autorités pénales de Suisse a également pris acte, en tant qu'association des procureurs généraux et des juges d'instruction de l'ensemble des cantons, des exigences de la motion Béguin; à cette occasion, elle s'est déclarée convaincue que la modification du délai de prescription correspond à une nécessité urgente pour la protection des victimes de délits sexuels.

Vu la nécessité urgente de légiférer en la matière, la commission considère la voie choisie par elle de l'initiative de commission en faveur d'une modification de l'article 187, chiffre 5, CP, comme le moyen le plus adéquat de satisfaire, dans les plus brefs délais et sans efforts disproportionnés, aux exigences d'une protection optimale des victimes.

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4

Proposition de la commission

Au vu des considérations précédentes, la commission propose, à l'unanimité, d'abroger l'article 187, chiffre 5, CP, ce qui permet ainsi d'adapter le délai de prescription des atteintes à l'intégrité sexuelle des enfants au délai de prescription ordinaire de dix ans pour les crimes (art. 70 CP).

N38708

1318

Code pénal suisse

Projet

Modification du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le rapport du 27 août 1996 ^ de la Commission des affaires juridiques du Conseil national; vu l'avis du Conseil fédéral du 30 septembre 19962), arrête:

I

Le code pénal suisse3) est modifié comme suit:

Art. 187, ch. 5 Abrogé

II . 1 La présente loi est sujette au référendum facultatif.

2

Elle entre en vigueur le premier jour du deuxième mois après l'expiration du délai de référendum ou le jour de son acceptation en votation populaire.

N38708

') FF 1996 IV 1315 > FF 1996 IV 1320 > RS 311.0

2 3

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05.11.1996

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