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Initiative parlementaire Avoirs en déshérence Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 26 août 1996

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, En vertu de l'article 21quater, 3e alinéa, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), nous vous soumettons le présent rapport et nous le transmettons par la même occasion au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'approuver son projet d'arrêté fédéral ci-annexé.

26 août 1996

1996-548

Au nom de la commission: La présidente, Nabholz

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Condensé Les questions concernant l'étendue et le sort des avoirs des victimes du régime national-socialiste ainsi que le rôle de la place financière suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale prennent de plus en plus d'ampleur.

Afin d'élucider le rôle de la Suisse et de sa place financière pendant cette période, il conviendra de déterminer, de manière exhaustive et définitive, le sort des avoirs éventuels ayant appartenu aux victimes du régime national-socialiste, déposés à cette époque en Suisse auprès des banques, des assurances, des avocats, des notaires, des agents fiduciaires, des gérants de fortune, de la Banque nationale suisse ou d'autres personnes physiques ou morales, ou encore d'associations de personnes. Cette démarche vise à renforcer la crédibilité de la Suisse ainsi que la confiance en sa place financière.

Pour éclaircir la question, des investigations doivent être menées par des experts indépendants mandatés par le Conseil fédéral. Au vu de la nécessité et de l'urgence de cette mesure, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a décidé d'élaborer un projet d'arrêté fédéral qui doit constituer la base légale permettant aux experts d'examiner le rôle de la place financière suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Il s'agira également d'analyser l'application des dispositions qui se rapportent à cette période, notamment l'accord de Washington de 1946 et l'arrêté fédéral du 20 décembre 1962 sur les avoirs en Suisse d'étrangers ou d'apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses et politiques.

Avec l'arrêté fédéral proposé, on disposera d'une base légale formelle qui, dans le cadre de cette enquête, prime l'obligation de garder le secret auquel sont astreints les banques, les assurances, les avocats, les notaires, les agents fiduciaires, les gérants de fortune, les personnes physiques ou morales et les associations de personnes; ceux-ci sont tenus de permettre de consulter les pièces et de révéler s'ils sont en possession d'avoirs éventuels de victimes du régime national-socialiste. Cette base légale formelle devrait garantir que les experts puissent remplir leur mandat de manière aussi efficace et complète que possible.

L'exécution de l'arrêté fédéral reviendra au Conseil fédéral, qui sera notamment chargé de nommer les experts.

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Rapport I

Partie générale

I II

Situation initiale Introduction

Le 24 mars 1995, Madame Verena Grendelmeier, conseillère nationale, a déposé une initiative parlementaire demandant de réglementer, par le biais d'un arrêté fédéral de portée générale, le recensement ainsi que la restitution des fortunes tombées en déshérence à la suite des persécutions national-socialistes et qui ont été confiées à la garde des banques suisses.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-CN) a été chargée d'examiner l'initiative et de faire rapport à son Conseil sur la suite à l donner à celle-ci.

Après la décision de la Commission d'élaborer un arrêté fédéral devant donner les moyens légaux de faire des recherches concernant non seulement les banques, mais aussi les autres établissements financiers et les gestionnaires de fortune en Suisse, Madame Grendelmeier, auteur de l'initiative qui est à l'origine des travaux de la Commission, a retiré son initiative.

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Rappel des faits

En 1995, avec le cinquantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question des avoirs des victimes du régime national-socialiste est redevenue d'actualité. Dans ce contexte, des reproches ont été émis à rencontre de l'attitude de la Suisse durant la dernière guerre mondiale et contre le secteur bancaire. Il a été fait, en particulier, état de l'existence en Suisse, encore à l'heure actuelle, de sommes énormes appartenant aux victimes de l'holocauste.

En septembre 1995', l'Association suisse des banquiers (ASB) a édicté à l'attention de ses membres des directives concernant le traitement des avoirs en déshérence.

Ces directives sont entrées en vigueur le 1er janvier 1996. En outre, l'Office central de recherches, dirigé par l'Ombudsman des banques suisses est chargé de la recherche des avoirs en déshérence déposés dans les banques suisses. Enfin, l'ASB a effectué une recherche auprès des établissements bancaires sur les comptes et dépôts ouverts avant 1945 par des clients étrangers et dont les titulaires ne se sont pas manifestés depuis au moins dix ans.

Des recherches ont été engagées non seulement par les banques mais aussi par d'autres institutions extérieures au secteur bancaire. Ainsi, les compagnies d'assurance ont annoncé leur intention de créer un service chargé de faciliter la recherche d'éventuels héritiers. Par ailleurs, la Société Générale de Surveillance (SGS) se voit contrainte d'effectuer des recherches dans ses archives.

Le problème des avoirs des victimes de l'holocauste ne touche pas seulement la Suisse. L'ouverture des archives aux Etats-Unis et dans les pays de l'Est a suscité un regain d'intérêt pour cette question dans différents Etats. Les organisations 75 Feuille fédérale. 148e année. Vol. IV

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juives ont exprimé leur intention d'effectuer des recherches également dans d'autres pays, en particulier les pays de l'Est et les autres pays neutres pendant la Seconde Guerre mondiale.

13 131

Les développements récents Le Mémorandum of Understanding (MolJ) entre, d'une part, l'ASB et, d'autre part, la World Jewish Restitution Organization et le World Jewish Congress, représentant également la Jewish Agency et les Allied Organizations

La signature du MoU entre l'ASB et les organisations juives a eu lieu à New York le 2 mai 1996. Cet accord porte sur la création d'un «Comité indépendant de personnalités chargé d'examiner les recherches des banques suisses sur les avoirs dont les titulaires n'ont plus été en contact avec leur banque depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » (« Comité des hautes personnalités »), composé de trois représentants des organisations juives et de trois membres de l'ASB (membres: MM. Reuben Beraja, Avraham Burg, Curt Gasteyger, Alain Hirsch, Klaus Jacobi, The Hon. Ronald S. Lauder; membres suppléants: MM. Hans J. Bär, Zvi Barak, Peider Mengiardi, Israël Singer). Lors de la première séance, le 14 août 1996, M. Paul A. Volcker, ancien président du US Fédéral Reserve Board, a été élu président du comité. Ce dernier doit examiner les recherches des banques suisses sur les avoirs en déshérence déposés en Suisse au cours de la Seconde Guerre mondiale. En l'occurrence, des sociétés de révision internationales reconnues par la Commission fédérale des banques (CFB) vont être chargées d'examiner avant tout les méthodes de recherche utilisées par les différentes banques et par l'ASB. Le comité aura également un droit de regard sur la méthode appliquée par l'Office de recherche auprès de l'Ombudsman des banques suisses pour la recherche d'avoirs en déshérence des victimes du nazisme.

Le MoU ne porte donc que sur le volet bancaire. Mais, le MoU stipule en outre que l'ASB et les organisations juives demandent au Gouvernement suisse de se saisir de la question des avoirs confisqués et déposés en Suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Ceci démontre que l'affaire comporte, aux yeux des organisations juives, une dimension plus vaste que la simple recherche de biens en déshérence déposés auprès des banques ou d'autres gestionnaires de fortune institutionnels: il s'agit plutôt d'élucider le rôle de la Suisse et de sa place financière pendant la période en question.

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La situation aux Etats-Unis

Les organisations juives aux Etats-Unis jouent un rôle très actif dans cette affaire.

Le Sénateur D'Amato, républicain de New York et président du Comité bancaire du Sénat, parraine les activités de ces organisations. Monsieur D'Amato a organisé une audition au Sénat américain qui a eu lieu le 23 avril 1996 à laquelle Monsieur H. Bär, président d'honneur du Julius Bär Holding Zurich, a participé en qualité de membre du Conseil d'administration de l'ASB. On ignore à l'heure actuelle si le sénateur D'Amato a l'intention d'entreprendre d'autres démarches, et si oui, lesquelles.

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L'administration américaine a montré, par diverses interventions, qu'elle suit de près l'évolution et qu'elle est intéressée à une solution rapide et transparente. Elle a voulu souligner la nécessité de ne plus laisser la gestion de cette affaire uniquement aux mains du secteur bancaire et a exprimé le souhait qu'une autorité officielle suisse soit désignée pour s'occuper de tous les aspects pertinents, y compris le rôle des secteurs non bancaires. Le représentant spécial du Ministère américain des affaires étrangères en charge de la recherche des avoirs en déshérence, le sous-secrétaire d'Etat Stuart Eizenstat, a confirmé le souhait américain que les autorités suisses entreprennent une action déterminée dans ce sens.

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La situation en Israël

Le Gouvernement israélien a laissé le champ libre à la Jewish Agency et aux autres organisations juives d'effectuer la recherche des avoirs des victimes de l'holocauste. Le président de la Knesset, M. Shevah Weiss, avait initialement été proposé comme membre du « Comité indépendant de personnalités », créé aux termes du MoU, mais les élections intervenues en Israël ont retardé la mise sur pied définitive du Comité.

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Les travaux de la Commission des affaires juridiques

La Commission des affaires juridiques a examiné le 28 août 1995 l'initiative parlementaire Grendelmeier qui visait à modifier l'arrêté fédéral de 1962 de façon à l'adapter à la situation actuelle et à réglementer le recensement et le remboursement des fortunes qui avaient été confiées à la garde de banques suisses avant de tomber en déshérence suite aux persécutions national-socialistes. La Commission a estimé qu'il convenait d'examiner le bien-fondé des préoccupations ainsi exprimées. Elle a, par conséquent, décidé de revenir sur la question après la parution, le 12 septembre 1995, des directives de l'ASB relatives au traitement appliqué aux avoirs auprès de banques suisses, lorsque la banque dépositaire est sans nouvelles du client.

Réunie le 23 octobre 1995, la Commission a décidé de charger une souscommission d'étudier la question. Cette sous-commission a été habilitée à faire appel aux milieux concernés pour mener ses travaux. Sa composition est la suivante: MM. Engler (président), Fischer-Hägglingen, Rechsteiner-Saint-Gall, Stamm Luzi, M mes Grendelmeier (auteur de l'initiative), Nabholz (présidente CAJ-CN). Par ailleurs, il fallait attendre que le Conseil des Etats ait traité la motion Piller «Biens sans maître dans les banques suisses», dont la transmission au Conseil fédéral a finalement été rejetée le 20 décembre 1995 par six voix contre quatre dans des circonstances fortuites (BÖ E 7995 1278).

Les directives de l'ASB en vigueur depuis le 1er janvier 1996 relatives au traitement appliqué aux avoirs auprès de banques suisses, lorsque la banque dépositaire est sans nouvelles du client doivent permettre de faciliter la recherche des fortunes en déshérence. Le nouvel Office central de recherche, dirigé par l'ombudsman, est chargé d'aider les ayants droit dans la recherche de fortunes

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auprès des banques suisses. La Commission, qui s'est félicitée des dispositions qui ont ainsi été prises, ne manquera pas par ailleurs de s'informer des résultats des travaux qui auront été menés par l'ombudsman.

Par ailleurs, l'ASB avait procédé auprès de toutes les banques à une enquête en vue de déterminer les comptes et dépôts ouverts avant 1945 par des clients étrangers dont elles sont sans nouvelles depuis au moins dix ans. Cette enquête portait sur les comptes de tous les clients étrangers, et non seulement sur les comptes des victimes juives de l'Holocauste. L'ASB a publié en février 1996 les résultats de cette enquête, qui a permis d'identifier 775 comptes ou dépôts d'une valeur totale de 38,7 millions de francs. Le résultat est à présent examiné aux termes du MoU par des sociétés de révision.

Le fait que ce chiffre représente un montant plus élevé que celui qui avait résulté de la procédure de l'arrêté fédéral de 1962 (RO 1963 427), soit 9,46 millions de francs (FF 1974 802), s'explique en raison des différents critères pris en considération lors de la dernière enquête effectuée auprès des banques. Il est vrai que l'arrêté de 1962 concernait uniquement les avoirs dont les propriétaires connus étaient des étrangers ou des apatrides dont on était sans nouvelles sûres depuis mai 1945 et dont on sait ou présume qu'ils ont été victimes de persécutions raciales, religieuses ou politiques. Par contre, l'enquête récente auprès des banques a été menée sur une échelle beaucoup plus vaste.

Le 20 février 1996, la sous-commission a entendu à Berne des représentants du Congrès juif mondial, de la Fédération suisse des communautés israélites, de l'Association suisse des banquiers et de la Commission fédérale des banques, ainsi que l'ombudsman des banques suisses, l'avocat Sigi Feigel et l'historien Jacques Picard. Cette audition a permis de constater qu'il y avait effectivement lieu d'étudier la question et d'agir, même s'il convenait de distinguer entre, d'une part, les prétentions individuelles émises relativement aux avoirs concernés, et d'autre part, le règlement de la problématique en général soulevée par ces avoirs. En ce qui concerne le traitement des prétentions individuelles, l'ASB avait introduit, comme indiqué plus haut, le 1er janvier 1996, le nouveau système de recherches surveillées
par la Commission fédérale des banques (CFB). Etant donné que le «Comité des hautes personnalités» aux termes du MoU charge des sociétés internationales d'audit reconnues par la CFB d'étudier la méthode selon laquelle seront effectuées les investigations auprès des différentes banques et de l'ASB elle-même, la commission estime que ces mesures d'autorégulation permettront de préserver suffisamment les intérêts des personnes concernées. La Commission considère cependant qu'il y a effectivement lieu de mener des recherches en ce qui concerne la problématique en général de l'étendue et du sort des avoirs des victimes du régime national-socialiste.

Le 30 avril 1996, la sous-commission a entendu des représentants de l'administration fédérale, de l'ASB et de la CFB, M. Marc Richter, un avocat des milieux juifs, et M. le professeur Hausheer, qui était en 1974 vice-directeur de l'Office fédéral de la justice, chargé alors de l'exécution de l'arrêté fédéral de 1962. La Commission a, par ailleurs, été informée des auditions organisées le 23 avril 1996 au Congrès américain par l'US Senate Committee on Banking, Housing and Urban Affairs.

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Le 2 mai 1996, les organisations juives internationales et l'ASB ont signé le Mémorandum of Understanding (MoU). Cet accord prie notamment le gouvernement suisse d'éclaircir les questions relatives aux biens confisqués avant, durant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale et d'examiner si de telles valeurs ont pu être déposées auprès d'institutions financières ou des banques en Suisse et auraient échappé à un recensement (point 5 du MoU).

Dans sa déclaration du 8 mai 1996, le Conseil fédéral s'est dit disposé à examiner les moyens les plus adéquats pour donner suite à la demande des parties au Mémorandum of Understanding (MoU), conclu le 2 mai à New York, de se pencher sur la question de savoir si des établissements financiers suisses ont reçu en garde des valeurs confisquées aux victimes de l'Holocauste.

Réunie le 13 mai 1996, la Commission a décidé à l'unanimité qu'il convenait de déterminer une fois pour toute l'étendue et le sort des avoirs des victimes du régime national-socialiste déposés en Suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Dans l'intérêt de la recherche historique, mais aussi pour préserver les intérêts économiques et financiers suisses, il s'agit de faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé pendant cette période troublée et d'examiner objectivement les faits.

Face à la nécessité d'agir, la Commission a décidé de prendre elle-même l'initiative et de soumettre un arrêté fédéral au Parlement. Dans sa déclaration du 29 mai 1996, le Conseil fédéral a assuré le Parlement de son soutien et a fait part de sa décision de collaborer étroitement avec la Commission dans la recherche d'instruments juridiques permettant de déterminer de façon rapide, exhaustive et transparente le sort des avoirs des victimes de l'Holocauste.

Une action concertée du Parlement et du Conseil fédéral s'imposait vu l'importance de cette affaire. Une approche rapide était indiquée, ne serait-ce que parce que ce moment coïncidait avec la commémoration du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Grâce à une collaboration efficace avec l'administration, en particulier avec le groupe interdépartemental ad hoc placé sous l'égide du directeur de la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères, les travaux ont pu
être menés à un rythme soutenu et terminés rapidement.

L'arrêté fédéral proposé constitue le cadre légal nécessaire pour confier à des experts la tâche d'examiner le rôle de la place financière suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Dans ce contexte, il conviendra également d'étudier l'efficacité des mesures prises jusqu'ici par les autorités suisses concernant cette période. Il y a lieu d'agir par voie législative dans la mesure où il est nécessaire de faire obligation aux services publics, aux archive:' et aux personnes privées de fournir tous renseignements utiles aux experts nommés par le Conseil fédéral, ce qui suppose, en partie du moins, la levée du secret de fonction et du secret professionnel auxquels ils sont soumis.

L'exécution de l'arrêté fédéral reviendra au Conseil fédéral, qui sera chargé de nommer les experts. Ceux-ci auront des tâches différentes de celles du Comité institué par le MoU entre l'ASB et les organisations juives: en effet, le Comité du MoU ne s'occupera, en premier lieu, que de l'évaluation des aspects technicofinanciers des recherches d'avoirs juifs menées ces derniers temps par les banques

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suisses. Les experts nommés par le Conseil fédéral seront en revanche chargés d'une autre tâche: ils devront mener une étude globale sur le rôle de la place financière suisse avant, pendant et immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. En l'occurrence, l'étude menée par les experts ne touche pas seulement les banques, mais aussi les assurances, les avocats, les notaires, les agents fiduciaires, les gérants de fortune, d'autres personnes physiques ou morales ou encore des associations de personnes domiciliées ou sises en Suisse ainsi que la Banque nationale suisse.

En ce qui concerne les prétentions individuelles, les mesures prises par l'ASB ainsi que celles découlant de l'accord du MoU semblent suffire pour permettre de juger du bien-fondé de ces prétentions. La Commission ne manquera pas de s'informer des mesures qui seront prises à cet égard ainsi que du résultat des investigations qui auront été menées dans le cadre du MoU. Les experts désignés par le Conseil fédéral sur la base du présent arrêté sont chargés quant à eux d'informer régulièrement celui-ci sur l'état des travaux, notamment sur des indices pouvant donner lieu à d'éventuelles prétentions, qui pourraient résulter des recherches. Le Conseil fédéral, pour sa part, devra décider quelles mesures il prendra lorsque de tels indices relatifs à d'éventuelles prétentions seront portés à sa connaissance.

3

Procédure de consultation

A la demande de la Commission, le Conseil fédéral a mis en consultation l'avant-projet et le rapport explicatif du 1er juillet 1996, intitulé « Arrêté fédéral concernant les recherches juridiques et historiques sur le sort des avoirs juifs en Suisse entre 1933 et 1945 ». La procédure de consultation a été menée par le Département fédéral des affaires étrangères; elle s'est déroulée du 3 juillet au 9 août 1996. Les résultats ont été transmis par le Département à la Commission.

Dans l'ensemble, les 18 prises de position reçues par le Département accueillent favorablement les objectifs de l'arrêté fédéral.

Toutes les personnes qui se sont exprimées ont manifesté leur approbation quant aux buts visés par l'arrêté fédéral et soutiennent le projet dans son principe. Elles partagent la même détermination que celle des autorités fédérales de faire définitivement toute la lumière sur le sort des avoirs déposés en Suisse et de rétablir l'image de la place financière suisse.

Dans le cadre de considérations générales, il a.été fréquemment rappelé que l'arrêté ne doit en aucun cas avoir pour objet le traitement des recherches individuelles d'avoirs en déshérence, ni statuer sur le sort d'avoirs non réclamés.

Les principaux points concernant le projet d'arrêté qui ont été soulevés sont les suivants: - la notion de «juif» doit être abandonnée, d'une part dans le but de tenir compte d'autres groupes de personnes persécutées et, d'autre part, parce qu'il est pratiquement impossible de déterminer, après 50 ans, la religion ou l'appartenance raciale du déposant; - le mandat confié aux experts mériterait d'être précisé; - l'obligation de discrétion à laquelle sont tenus les experts devrait être renforcée, notamment en prévoyant de les assujettir également au secret de fonction;

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- le droit de consultation des documents doit être limité aux seuls documents nécessaires pour l'exécution du mandat; - il a été fait état à plusieurs reprises de la nécessité, pour les personnes physiques et morales concernées, de bénéficier des garanties de procédure prévues par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021).

4

Les mesures prises depuis 1945 par les autorités suisses

Depuis 1945, les autorités suisses ont pris différentes mesures touchant la question des avoirs juifs. Parmi les principaux textes pertinents, citons l'accord de Washington du 25 mai 1946 et l'arrêté fédéral du 20 décembre 1962 sur les avoirs en Suisse d'étrangers ou d'apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques. Des thèses et des dissertations ont par ailleurs déjà été publiées sur tel ou tel aspect de la question. Abstraction faite de ces mesures, la Suisse est aujourd'hui confrontée à la demande que le sort des avoirs déposés en Suisse à cause du régime national-socialiste soit examiné d'un point de vue historique et politique.

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L'accord de Washington du 25 mai 1946

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont décidé de geler les avoirs allemands à l'étranger et de les utiliser pour payer réparation des torts commis. Le 30 octobre 1945, ils ont demandé à la Suisse de liquider les avoirs allemands et de les mettre à leur disposition. La Suisse a d'abord vivement contesté la légalité de cette démarche. A l'issue d'âpres négociations, les Alliés se sont déclarés prêts à accepter une liquidation partielle des avoirs allemands sous contrôle des autorités suisses, ce qui a débouché sur l'accord de Washington (RS 14 356) aux termes duquel la Suisse s'est déclarée prête à maintenir le blocage et ensuite à liquider en partie les avoirs allemands en Suisse. Le Conseil fédéral a décidé de lui-même le 16 février 1945 de bloquer les avoirs allemands, qui s'élevaient à cette date à quelque 470 millions de francs.

La Suisse s'est également engagée à l'égard des Etats-Unis à verser 250 millions de francs en compensation de l'or confisqué que l'Allemagne nazie aurait transféré à la Banque nationale suisse, ce qui lui a permis d'obtenir, en contrepartie, le déblocage des avoirs suisses aux Etats-Unis.

Les négociations en vue de la conclusion de l'accord, mais aussi la conclusion elle-même de celui-ci et son application se révélèrent fort difficiles. Le Conseil fédéral s'opposait notamment aux intentions américaines de placer purement et simplement sous séquestre les avoirs allemands. Finalement, la Suisse et la RFA ont conclu en 1952 un accord par lequel les Alliés renonçaient à leurs prétentions relatives aux avoirs allemands en Suisse en contrepartie du versement par la RFA d'un montant forfaitaire, rendu possible grâce à la liquidation d'une partie (en l'occurrence un tiers) des avoirs allemands en Suisse. La somme ainsi obtenue, à savoir 121,5 millions de francs, a été versée par la Suisse aux Etats-Unis. Ainsi, la Suisse avait rempli définitivement l'intégralité des engagements qu'elle avait contractés en signant l'accord de Washington.

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L'arrêté fédéral du 20 décembre 1962 sur les avoirs en Suisse d'étrangers ou d'apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques (RO 7965 427)

Dans le message relatif à l'arrêté de 1962, le Conseil fédéral estimait que la Suisse ne devait pas être ne serait-ce que soupçonnée de vouloir s'enrichir aux dépens de victimes de persécutions odieuses (FF 7962 I 936).

Cet arrêté a institué l'obligation de déclarer tous les avoirs en Suisse dont les derniers propriétaires connus étaient des étrangers ou des apatrides dont on était sans nouvelles depuis le 9 mai 1945 et dont on savait ou présumait qu'ils avaient été victimes de persécutions raciales, religieuses ou politiques.

Dans la mesure du possible, ces avoirs ont été remis à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit; le cas échéant, une déclaration d'absence du propriétaire a été prononcée et une procédure successorale ouverte. En date du 29 février 1964, un montant de 9,46 millions de francs avait été déclaré, appartenant à 961 étrangers ou apatrides disparus (FF 1974 II 802). Pour autant que ces avoirs n'ont pu être remis aux ayants droit, ces biens ont été attribués à un fonds sous forme de succession ouverte. Conformément à l'arrêté fédéral du 3 mars 1975 sur l'utilisation des avoirs en Suisse d'étrangers ou d'apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques (RO 7975 533), le capital et les intérêts produits par ce fonds ont été répartis de la façon suivante: deux tiers à la Fédération suisse des communautés israélites à Zurich, et un tiers à l'Office central suisse d'aide aux réfugiés, également à Zurich.

Les expériences faites dans l'application de cet arrêté fédéral ont montré que )a définition « étrangers ou apatrides persécutés pour des raisons raciales, religieuses ou politiques » n'était pas à même de résoudre le problème des avoirs dont les possesseurs ne s'étaient plus manifestés. Du fait de la restriction de la notion de « persécutés », l'annonce qu'un avoir soit resté « sans nouvelle » a pu être omise lorsque les personnes soumises à l'obligation de renseigner estimaient que les possesseurs de ces fortunes n'étaient pas des victimes persécutées à titre personnel ou des personnes morales telles que des communautés de personnes.

II

Partie spéciale

5 51

Commentaire des différentes dispositions de l'arrêté fédéral Champ d'application et portée de l'article premier

1er alinéa

Le but de l'enquête est d'éclaircir, de façon définitive, complète et transparente, la question de l'étendue et du sort de toutes formes de valeurs patrimoniales déposées en Suisse à cause du régime national-socialiste qui sont demeurées sans nouvelle ou ont été confisquées. Il s'agit avant tout d'une recherche historique qui prendra également en considération le cadre juridique et législatif pertinent.

L'étendue et le sort des avoirs des victimes juives de l'Holocauste étaient à l'origine de l'élaboration de l'arrêté fédéral. Au cours des travaux, il s'est 1180

cependant avéré que l'enquête ne devait pas se limiter spécifiquement aux victimes juives de l'Holocauste mais qu'il convenait de saisir cette occasion d'étudier de manière exhaustive le rôle de la place financière suisse pendant le régime national-socialiste. Les recherches portent également sur le sort des avoirs volés ou délibérément confisqués de membres d'autres ethnies et d'autres groupes de personnes persécutées par le régime national-socialiste, comme les tsiganes.

Les avoirs déposés en Suisse par les nazis de même que l'application des instruments légaux en rapport avec le thème traité doivent être également élucidés au cours de l'enquête. Le rôle de la Banque nationale suisse (BNS) et, avant tout, ses transactions d'or avec la Deutsche Reichsbank au cours de la Seconde Guerre mondiale doivent aussi être étudiés.

L'indication d'une période précise, par exemple de 1933 à 1945, a été délibérément abandonnée. En effet, il n'est pas exclu que les propriétaires de fortunes remises avant 1933 aient également été victimes de persécutions. De même, pendant une période déterminée après la fin de la Seconde Guerre mondiale, des avoirs remplissant les critères de l'absence de nouvelles ou de biens confisqués ont pu être déposés en Suisse par des victimes du régime national-socialiste.

La notion de toute forme de valeur patrimoniale doit être interprétée largement; elle recouvre non seulement l'argent, l'or et les titres, mais aussi tous les objets ayant une valeur pécuniaire, à savoir les antiquités, les oeuvres d'art, les bijoux ou les créances.

Les recherches concernant les relations financières de la Suisse avec le Troisième Reich prennent en compte trois aspects: 1. celui des victimes (v. let. a); 2. celui des biens confisqués (v. let. b); 3. celui de l'appartenance au Troisième Reich (v. let. c).

Lettre a

La formulation choisie doit exprimer le fait que l'arrêté fédéral traite de manière exhaustive l'étendue et le sort des avoirs en déshérence à cause du régime national-socialiste, soit que ces avoirs appartenaient à des personnes dont on peut admettre, vu les circonstances, qu'elles ont péri à cause du régime nationalsocialiste, soit que le décès de ces personnes est prouvé pour les mêmes raisons.

Ne sont pas concernés les avoirs qui ont été remis aux ayants droit ou pour lesquels les contacts avec les clients ont été maintenus au-delà de la période considérée ainsi que les relations financières n'offrant aucun problème, pour lesquelles les prétentions ont été satisfaites ou qui sont encore entretenues à l'heure actuelle.

En outre, le terme de «réclamé» signifie que des contacts existent certes encore à l'heure actuelle, mais n'implique pas nécessairement l'exercice de droits de propriété.

L'expression «personnes» concerne les personnes physiques et morales ainsi que les institutions.

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Lettre b Le terme de «mesures» ne recouvre pas uniquement des mesures légales mais également des mesures de fait.

Lettre c Cette disposition a pour but de garantir que les transactions financières de personnes ayant été identifiées avec le Troisième Reich soient recensées, même si elles n'étaient pas formellement membres du Parti national-socialiste (NSDAP), comme des dirigeants économiques. Le fait que ces avoirs proviennent de représentants, d'institutions et de sympathisants du Troisième Reich ne signifie cependant pas que l'enquête doive être limitée au patrimoine en mains allemandes au sens étroit du terme. La recherche historique a précisément pour but de découvrir l'origine et le sort de ces fortunes.

Dans ce contexte, le rôle de la BNS, qui a déjà fait l'objet de l'accord de Washington de 1946, doit être examiné. La BNS a d'ailleurs indiqué que depuis le début des années quatre-vingt, elle garantit le plein accès à ses archives afin de permettre aux historiens d'étudier la question de l'or confisqué.

2e alinéa Ces recherches concernent notamment l'accord de Washington de 1946 et l'arrêté fédéral de 1962. L'exécution de l'arrêté de 1962 a suscité des critiques dans différents milieux. Il convient donc d'en contrôler l'exécution et l'efficacité. Il s'agit notamment de déterminer définitivement ce que la Suisse a entrepris pour rendre aux ayants droit les avoirs tombés en déshérence.

Il n'y a pas de relation directe entre l'accord de Washington et la question des avoirs tombés en déshérence, car l'accord de Washington et les accords y relatifs concernaient des avoirs appartenant à des Allemands vivant en Allemagne.

Puisque des recoupements pourraient être établis, il est logique, d'un point de vue historique, d'inclure ces mesures étatiques dans la recherche.

3e alinéa Cette disposition potestative autorise le Conseil fédéral à modifier le champ d'application afin de tenir compte d'éléments nouveaux ou de travaux de recherche conduits par d'autres commissions, en vue d'éviter que certaines recherches ne soient menées deux fois. Il s'agit notamment de faire en sorte qu'il y ait une concertation aussi efficace que possible avec le «Comité de hautes personnalités» nommé aux termes du MoU. Des modifications éventuelles du champ d'investigation doivent résulter des objectifs de l'enquête.

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Champ d'application et portée de l'article 2

1er alinéa

Le Conseil fédéral nomme les experts. Il veille avant tout à ce que le groupe d'experts indépendants soit composé de spécialistes de divers domaines, surtout, bien entendu, d'historiens, mais aussi de juristes et de spécialistes des questions financières.

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Il est souhaitable que le Conseil fédéral entende notamment des spécialistes de la question et les organisations juives, en particulier la Fédération suisse des communautés israélites, avant de choisir les experts.

Les recherches doivent être effectuées de manière indépendante selon des critères scientifiques.

2e alinéa

Cet alinéa a pour but, en particulier, de donner la possibilité au Conseil fédéral d'informer de manière appropriée d'éventuels ayants droit. Si, lors de leurs recherches, les experts découvrent des indications concrètes d'avoirs et d'éventuelles prétentions patrimoniales pouvant donner lieu à des demandes, les ayants droit doivent être informés avant la clôture des travaux de recherche et la publication des résultats.

En l'occurrence, il s'agit de garantir que le Conseil fédéral soit informé. Cependant, l'arrêté fédéral n'a ni pour but de réglementer la procédure ayant trait aux prétentions individuelles ni d'attribuer d'éventuels avoirs.

53

Champ d'application et portée de l'article 3

Le projet soumis à la consultation prévoyait l'obligation de garder le secret. En lieu et place, l'arrêté fédéral propose maintenant une réglementation soumettant au secret de fonction les chercheurs et leurs collaborateurs. Par ailleurs, dans l'intérêt d'une vision d'ensemble, il convient d'empêcher que des détails ou des résultats intermédiaires, détachés de tout contexte et pouvant conduire à des interprétations erronées, soient rendus publics avant la publication. D'autre part, les personnes physiques et morales tenues de laisser les experts consulter les pièces (voir art. 5) doivent obtenir l'assurance que les informations qu'ils ont fournies soient traitées de manière confidentielle jusqu'à la publication des résultats des recherches (voir art. 6).

La violation du secret de fonction est régie par l'article 320 du code pénal (CP; RS 311.0). La protection du secret de fonction selon l'article 320 CP constitue une protection du secret matérielle autonome, laquelle ne présuppose pas une obligation de garder le secret régie par le droit des fonctionnaires ou faisant l'objet d'une réglementation d'un autre type. Selon l'article 320 CP, les faits relativement peu connus (c'est-à-dire ni notoires ni accessibles au public), pour lesquels le détenteur du secret fait valoir un intérêt justifié à ne pas les divulguer sont couverts par le secret de fonction (v. Stratenwerth, Droit pénal suisse, Partie spéciale 2, 4e édition révisée, Berne 1995, p. 355, N 5). Quant au champ d'application personnel de l'article 320 CP sont aussi considérées, selon l'article 110, chiffre 4, CP, comme fonctionnaires les personnes «qui occupent une fonction ou un emploi à titre provisoire ou qui exercent une fonction publiqu'e temporaire». Le critère déterminant pour la soumission au secret de fonction n'est pas la nature du rapport de travail avec l'Etat mais l'accomplissement d'une tâche au service de l'Etat. Selon la conception de l'arrêté fédéral, les personnes participant aux recherches remplissent une telle tâche.

1183

L'article 320 CP prévoit en outre expressément la punissabilité de la violation du secret de fonction également après la fin de la charge ou de l'emploi. La révélation ne sera pas punissable si elle a été faite avec le consentement écrit de l'autorité supérieure.

Cette conception de la réglementation du secret présente un avantage. En effet, les personnes participant aux recherches demeurent punissables pour les violations du secret de fonction selon l'article 320 CP également au-delà de l'expiration de la durée de validité de l'arrêté fédéral. Cette particularité doit être soulignée en l'occurrence. Ces explications sont pertinentes pour l'interprétation du champ d'application matériel et personnel de l'article 320 CP. Elles doivent, à cet égard, être également prises en compte après l'expiration de la durée de validité de l'arrêté fédéral.

Le recours à des experts indépendants doit s'effectuer sur une base contractuelle, c'est-à-dire sur la base de mandats. Une réglementation détaillée dans l'arrêté fédéral n'est par conséquent pas nécessaire. Elle fera l'objet du mandat et se déterminera en fonction des personnes auxquelles le mandat sera confié. Le choix de l'organisation susceptible de mener à bien l'enquête est laissé à l'appréciation du Conseil fédéral.

54

Champ d'application et portée de l'article 4

Cet article rend obligatoire la conservation des pièces, en interdisant toute menée visant à détruire des pièces susceptibles de servir les investigations visées à l'article premier, à leur faire quitter le territoire ou à entraver leur consultation.

55

Champ d'application et portée de l'article 5

L'obligation de permettre la consultation des pièces s'applique également aux successeurs en droit des personnes citées à l'article premier. Elle s'applique aussi aux archives concernées, telles que les Archives fédérales, les archives cantonales, les archives d'entreprises et d'institutions.

En ce qui concerne l'obligation de permettre la consultation des pièces, les personnes, offices et institutions concernés n'ont pas à agir d'eux-mêmes, mais sur demande.

Une minorité de la commission propose que les experts désignés par le Conseil fédéral décident définitivement quels documents pourront être consultés.

56

Champ d'application et portée de l'article 6

L'établissement d'un climat de confiance constitue l'un des objectifs des recherches entreprises. Il est par conséquent judicieux que les résultats de l'enquête fassent l'objet d'une publication exhaustive. Les résultats publiés ne doivent cependant pas être confondus avec la documentation en relation avec les recherches qui sera utilisée pour l'élaboration du rapport final. L'arrêté fédéral exige la publication exhaustive des résultats. Le Conseil fédéral décide si la 1184

documentation doit être publiée. La forme que prendra la publication sera influencée pour l'essentiel par le résultat des recherches, en particulier par son ampleur. Il serait envisageable que la publication intervienne sous la forme d'un rapport global sous la responsabilité des experts.

Le renvoi à l'article 6, 3e alinéa, selon lequel les références personnelles doivent être supprimées dans la mesure où des intérêts prépondérants dignes de protection de personnes vivantes l'exigent, vise à ce qu'il soit exclu que la publication des résultats des recherches ne porte atteinte à des droits prépondérants de la personnalité de personnes physiques vivantes.

57

Champ d'application et portée des articles 7 et la

Article 7 Pour des raisons de légalité, les dispositions pénales et le montant des amendes sont indiqués. Dans leur étendue, elles s'orientent d'après le montant de délits comparables.

Article la Cette disposition a été adoptée à la demande de divers participants à la procédure de consultation. Elle souligne le principe de la légalité, selon lequel le même droit s'applique à tous. Le danger existe, il est vrai, d'entraîner des retards par des recours procéduriers et de faire ainsi obstruction à la justice. Au vu de l'intérêt manifesté par le public et la pression politique, le risque que cette disposition soit utilisée dans le but de provoquer des retards semble peu élevé. Elle pourrait notamment avoir des conséquences favorables pour les experts lorsque ceux-ci rencontrent des résistances au cours de leur travail.

Comme objet de «décisions prises dans le cadre de l'exécution de recherches» entreront en ligne de compte principalement le refus de permettre la consultation des pièces selon l'article 5 et la suppression des références personnelles selon l'article 6, 3e alinéa. Il paraît judicieux, pour de tels litiges, de déclarer applicables les dispositions générales de la procédure administrative - à savoir la loi sur la procédure administrative (PA; RS 172.021) ainsi que la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ; RS 173.110; en particulier art. 97 ss). Dans le cas de décisions sur la suppression des références personnelles, l'article 25, 5e alinéa, de la loi sur la protection des données (LPD; RS 235.1) sera déterminant (recours à la Commission fédérale de la protection des données, recours de droit administratif au Tribunal fédéral).

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Champ d'application et portée de l'article 8

Selon l'article 25 de la loi fédérale sur les finances de la Confédération (RS 611.0), un crédit spécial est requis pour une tâche spécifique s'étendant sur plusieurs années. Comme c'est le cas ici, un crédit d'engagement sera soumis séparément sous la forme d'un d'arrêté fédéral simple.

1185

59

Champ d'application et portée de l'article 9

La durée de validité de l'arrêté est limitée à cinq ans. Ceci doit mettre en évidence le fait qu'un délai réaliste doit être prévu afin de mener les recherches à terme. Il serait souhaitable, pour des raisons historiques, de parvenir à des conclusions en 1998 déjà, soit avant le prochain millénaire.

Conformément à l'article 6,1er alinéa, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), les actes législatifs de durée limitée qui contiennent des règles de droit doivent être édictés sous forme d'arrêté fédéral de portée générale.

En l'occurrence, « toutes les normes générales et abstraites qui imposent des obligations ou confèrent des droits aux personnes physiques ou morales, ainsi que celles qui règlent l'organisation, la compétence ou les tâches des autorités ou fixent une procédure, sont des règles de droit » (art. 5, 2e al., LREC).

La forme de l'arrêté fédéral de portée générale est également indispensable, étant donné que l'arrêté prévoit la primauté de l'obligation de renseigner sur d'éventuelles obligations de garder le secret prévues par la loi. Cette obligation doit être édictée au moins au même niveau législatif que l'obligation éventuelle de garder le secret.

Par ailleurs, l'Office fédéral de la justice, dans une expertise du 7 mai 1996 à l'intention de la commission concernant l'initiative parlementaire Walter Frey (activité de la Stasi en Suisse: préposé spécial aux recherches), a souligné qu'une base légale formelle était indispensable en rapport avec des données personnelles nécessitant une protection particulière.

Les arrêtés fédéraux de portée générale sont soumis au référendum facultatif (art. 89, 2e al., est.; RS 101).

6

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

L'arrêté entraînera des dépenses supplémentaires pour la Confédération. Les conséquences financières ne seront toutefois chiffrables définitivement qu'une fois les sources identifiées.

7

Constitutionnalité

L'arrêté fédéral concerne un domaine régi par le droit civil et s'appuie donc sur la compétence de la Confédération de légiférer en matière de droit civil (art. 64 est.).

En ce qui concerne les dispositions pénales, elles s'appuient sur l'article 64bis est., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal.

N38716

1186

Arrêté fédéral concernant les recherches historiques et juridiques sur le sort des avoirs déposés en Suisse à cause du régime national-socialiste

Projet

du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 64 et 64bls de la constitution; vu le rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national, du 26 août 1996 V; vu l'avis du Conseil fédéral du 16 septembre 19962\ arrête:

Article premier Champ d'investigation 1 Les recherches portent sur l'étendue et le sort de toute forme de valeurs patrimoniales qui ont été, soit confiées en dépôt ou placement, ou pour transmission à un tiers, à des banques, à des assurances, à des avocats, à des notaires, à des fiduciaires, à des gérants de fortune ou à d'autres personnes physiques ou morales ou associations de personnes ayant leur domicile ou leur siège en Suisse, soit reçues par la Banque nationale suisse, et qui: a. appartenaient à des personnes qui ont été victimes du régime nationalsocialiste, ou dont on est sans nouvelles sûres à cause de ce régime, et dont le patrimoine n'a pas été réclamé par les ayants droit; b. ont été confisquées à leurs propriétaires légitimes en vertu des lois raciales ou d'autres mesures discriminatoires relevant de la sphère d'influence du Reich allemand national-socialiste; ou c. appartenaient à des membres du Parti national-socialiste, au Reich allemand national-socialiste, à ses institutions ou à ses représentants ou à des personnes physiques ou morales qui lui étaient proches, et ceci en tenant compte de toutes les transactions financières qui ont été effectuées avec ces avoirs.

2 Ces recherches doivent également porter sur les mesures prises par les autorités suisses depuis 1945 relativement aux valeurs patrimoniales concernées par le 1er alinéa.

3 Sur proposition des experts, le Conseil fédéral peut modifier le champ des recherches afin de tenir compte d'éléments nouveaux ou de travaux menés par d'autres commissions d'enquête.

') FF 1996 IV 1171 > FF 1996 IV 1190

2

1187

Recherches sur le sort des avoirs déposés en Suisse à cause du régime national-socialiste. AF

Art. 2 Exécution des recherches 1 En vue de l'exécution des recherches, le Conseil fédéral nomme comme experts des spécialistes de diverses disciplines et leur confie la direction des travaux de recherches.

2 Les experts informent régulièrement le Conseil fédéral de l'état des travaux, notamment lorsque les recherches révèlent l'existence d'indices concrets de prétentions patrimoniales conformément à l'article premier.

Art. 3 Confidentialité des recherches Les personnes chargées de procéder aux recherches et leurs collaborateurs sont soumis au secret de fonction. Le Conseil fédéral précise les modalités dans les mandats de recherche.

Art. 4 Obligation de conserver les pièces Est interdite toute démarche tendant à détruire des pièces utiles pour les recherches visées à l'article premier, à les faire passer à l'étranger ou à en rendre la consultation plus difficile de toute autre manière.

Art. S Consultation des pièces 1 Les personnes physiques ou morales concernées par l'article premier, leurs successeurs juridiques ainsi que les autorités et les organismes publics sont tenus de laisser les experts nommés par le Conseil fédéral et leurs collaborateurs consulter tous les documents qui peuvent être utiles à leurs recherches.

2 L'obligation de laisser consulter les documents prime toute obligation légale ou contractuelle de garder le secret.

Art. 6 Utilisation des résultats des recherches 1 Le Conseil fédéral a la disposition exclusive de l'ensemble de la documentation en relation avec les recherches.

2 II publie intégralement les résultats des recherches.

3 Les références personnelles sont supprimées avant la publication si des intérêts prépondérants dignes de protection de personnes vivantes l'exigent.

Art. 7 Dispositions pénales 1 Celui qui, intentionnellement, aura contrevenu aux articles 4 ou 5, 1er alinéa, sera puni des arrêts ou de l'amende jusqu'à 50 000 francs. Si l'auteur a agi par négligence, la peine sera l'amende jusqu'à 10 000 francs.

1188

Recherches sur le sort des avoirs déposés en Suisse à cause du régime national-socialiste. AF

2

La sanction d'une violation du secret de fonction prévue à l'article 320 du code pénal suisse1' reste réservée.

3 Les infractions commises dans une entreprise sont régies par les articles 6 et 7 de la loi sur le droit pénal administratif2'.

4 La poursuite pénale incombe aux cantons.

Art. la Protection juridique Les dispositions générales de la procédure administrative fédérale s'appliquent aux décisions prises dans le cadre de l'exécution des recherches.

Art. 8 Financement L'Assemblée fédérale ouvre un crédit pluriannuel d'engagement pour le financement de l'exécution des recherches décrites à l'article premier.

Art. 9 Référendum, durée de validité et entrée en vigueur 1 Le présent arrêté, qui est de portée générale, est sujet au référendum facultatif.

2 Sa durée de validité est fixée à cinq ans.

3 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

Minorité (Jutzet, Aeppli Wartmann, de Dardel, Grendelmeier, Hollenstein, Jeanprêtre, Rechsteiner St. Gallen, Pini, Thanei, Tschäppät, von Feiten) Art. 5, 3e al.

3

Les experts nommés par le Conseil fédéral décident quels sont les documents qui pourront être consultés.

N38716

') RS 311.0 > RS 313.0

2

76 Feuille fédérale. 148'année. Vol. IV

1189

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Initiative parlementaire Avoirs en déshérence Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 26 août 1996

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1996

Année Anno Band

4

Volume Volume Heft

42

Cahier Numero Geschäftsnummer

96.434

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

22.10.1996

Date Data Seite

1171-1189

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10 108 795

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