# S T #

N °

5 2

1489

FEUILLE FEDERALE 112e année

Berne, le 29 décembre 1960

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 30 franca par an; 16 bancs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis : 50 centimes la ligne ou son espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

# S T #

8154

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'industrie horlogère suisse (Statut légal de l'horlogerie) (Du 16 décembre 1960)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet d'arrêté fédéral concernant l'industrie horlogère suisse.

I. L'importance de l'industrie horlogère et le développement de son organisation 1. La place occupée par l'industrie horlogère dans l'économie suisse L'horlogerie est une des principales branches industrielles de l'économie suisse; du point de vue du volume des exportations, elle n'est dépassée que par l'industrie des machines et celle des produits chimiques ; du point de vue des effectifs occupés, par l'industrie des machines, la métallurgie et l'industrie textile. Cette prédominance est cependant conditionnée par des circonstances particulières qui ont amené la Confédération à intervenir dans l'horlogerie par une série de mesures, ce qu'elle n'a pas fait dans les autres grandes industries.

Feuille fédérale. 112e année. Vol. II.

104

1490 Cette situation particulière de notre horlogerie est due à différents facteurs. D'une part, cette industrie est orientée vers l'exportation à un degré qu'aucune autre industrie n'atteint. L'industrie des machines aussi bien que celle des produits chimiques, dont les exportations dépassent pourtant celles de l'horlogerie, écoulent une proportion bien plus grande de leur production sur le marché intérieur. A cette particularité s'ajoute le fait que la vente et, par conséquent, aussi la production des montres oscillent fortement sous l'effet des hauts et des bas qui se manifestent sur les marchés mondiaux. La montre n'étant, au surplus, pas considérée comme un objet de première nécessité, l'industrie horlogère est particulièrement visée par les mesures restrictives de la politique commerciale étrangère.

A ces facteurs qui se font sentir du côté de la demande, s'ajoutent quelques particularités du côté de l'offre. Mentionnons d'abord le compartimentage relativement très poussé du processus de production, qui se répartit entre diverses branches spéciales, dont certaines sont, en outre, caractérisées par une prédominance prononcée de la petite entreprise. Au surplus, l'industrie horlogère se distingue par une concentration régionale dans l'ouest et le nord-ouest de la Suisse, c'est-à-dire dans les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel, Berne, Soleure fit "Râle-Campagne. Cette concentration régionale, jointe à la structure en partie nettement artisanale de la production, a pour conséquence de faire dépendre, dans une très large mesure, la prospérité économique de certains de ces cantons de la marche des affaires dans l'industrie horlogère.

a. Le classement des entreprises par importance et la structure de la production dans l'industrie horlogère Le processus de production de la montre se subdivise en deux, voire en trois parties. D'un côté, nous trouvons la fabrication des différentes pièces de la montre dans le sens le plus large du mot et, à cet égard, la production des ébauches, de même que celle des parties dites réglantes, occupent une place spéciale ; de l'autre côté, on assemble ces parties pour en faire des montres.

Cette articulation de la production dans l'industrie horlogère revêt une importance particulière précisément parce que les méthodes de production diffèrent sensiblement non
seulement d'un stade de la production à l'autre, mais même à l'intérieur de ces stades, d'une entreprise à l'autre, Le tableau ci-après, qui groupe toutes les entreprises de l'industrie horlogère d'après leur importance (c'est-à-dire d'après l'effectif de leur personnel), fait ressortir clairement cette diversité de conditions (1) : f 1 ) Les tableaux I à IV ci-après ont été établis sur la base des résultats du recensement des entreprises eu 1955. Ces tableaux n'englobent donc paa les exploitations dites de travail à domicile qui figurent dans une colonne spéciale du tableau VI,

1491 Tableau I Classement des entreprises d'après leur importance et répartition Ace personnes occupées dans l'ensemble de l'industrie horlogère Personnes occupées

Entreprises

Répartition des entreprises d'après leurs effectifs

Nombre

1 à 20

21 à 50 51 à 100 Plus de 100 Total

°/

Nombre

%

2241 312 127 126

79 11 S 6

12471 10 180 8901 34720

20 15 13 52

2806

100

66272

100

Il ressort déjà de ce tableau que les petites et les moyennes entreprises prédominent dans l'industrie horlogère. Presque la moitié de tous les ouvriers sont employés dans des entreprises qui occupent moins de 100 personnes.

Toutefois, il convient également d'examiner si la répartition des entreprises par ordre de grandeur est la même à tous les échelons de la production ou si des différences importantes se manifestent d'un secteur à l'autre. Les tableaux II à IV donnent des renseignements à cet égard.

Tableau II Classement des entreprises d'après leur importance et répartition des personnes occupées à la fabrication des pièces détachées (sans les parties réglantes) Entreprises

Répartition des entreprises d'après leurs effectifs

%

Nombre

%

1283 184 63 57

80 12 4 4

6946 5889 4413 11 589

24 20 15 41

1587

100

28837

100

Nombre

1 à 20 21 à 60 51 à 100 Plus de 100

Total

Personnes occupées

Les conclusions générales qu'on peut tirer du tableau I sont confirmées par le tableau II. On constate tout au plus que la prédominance des petites et moyennes entreprises est encore un peu plus marquée dans la fabrication des pièces détachées. En fait, diverses opérations auxiliaires de la fabrication de ces pièces, par exemple dans le secteur de la pierre, sont encore exécutées en grande partie dans de petites exploitations familiales.

Contrairement à la situation dans la fabrication des autres fournitures, la production des parties réglantes (assortiments, balanciers, spiraux), de

1492

même que celle des ébauches, ont été concentrées d'une façon beaucoup plus poussée, parce que dans ces branches, les entreprises sont relativement peu nombreuses, qu'elles sont organisées dans un cadre très strict et qu'elles sont financièrement interdépendantes (*). Le tableau III donne sur la structure de la fabrication des ébauches et des parties réglantes des renseignements qui font ressortir le degré de concentration dans ces secteurs.

Tableau III Classement dee entreprises d'après leur importance et répartition des personnes occupées à la fabrication des ébauchée et des parties réglantes Entreprises

Répartition des entreprises d'après leurs effectifs

Nombre

1 à 20 21 à 50 51 à 100 Plus d « 100 Total

Personnes occupées

%

Nombre

%

15 21 14 18

21 31 20 28

123 746 1041 8085

8 10 81

68

100

9995

100

1

La situation apparaît encore différente si l'on considère le processus de la fabrication et le groupement des entreprises par ordre d'importance dans la production de la montre finie. Le travail à la main continue à jouer un rôle important dans cette branche de production, attendu que la mécanisation de l'assemblage de la montre finie a fait relativement peu de progrès. Une autre particularité de cette phase de la production réside dans la circonstance que l'assemblage de la montre se fait sous deux formes différentes, soit par voie d'étabHssage ou dans les manufactures.

Par établissage, il faut entendre l'assemblage et la terminaison de la montre, soit dans la propre entreprise du fabricant lui-même, soit, pour son compte, par des tiers, des termineurs en général. L'établisseur ne fabrique cependant pas lui-même les ébauches et pièces détachées dont il a besoin, il les achète à des fabriques spécialisées. Par terminage, il faut entendre l'assemblage et la terminaison de montres à la tâche, c'est-à-dire pour le compte d'un fabricant indépendant (établisseur ou manufacture). D'autre part, les manufactures sont des fabriques de montres qui produisent ellesmêmes tout ou partie de leurs ébauches et, le cas échéant, certaines pièces détachées.

f 1 ) En ce yui concerne l'organisation ot la Situation spéciale clé la fabrication des ébauches et des parties réglantes, voir plus bas, le chapitre 2, lettre a: Création et tâches de la société générale de l'horlogerie suisse S. A. (ASUAG-).

1493 En conclusion, c'est avant tout dans l'assemblage que la petite entreprise a tendance à dominer. Cette prédominance de la petite entreprise ressort clairement du tableau IV, mais il ne faut pas perdre de vue que, sur les 1151 entreprises d'assemblage indiquées, la moitié environ sont des entreprises de terminage, Tableau IV Classement des entreprises d'après leur importance et répartition des personnes occupées à la fabrication des montres terminées Personnes occupées

Entreprises

Répartition des entreprises d'après leurs effectifs

Nombre

1 à 20 21 à 50 51 à 100 Plus de 100

Total

%

Nombre

%

943 107 00 51

82 10 4 4

3545 3447 15046

20 13 13 54

1151

100

27440

100

5402

Enfin, dans cet ordre d'idées, il est intéressant de comparer l'évolution du nombre total des personnes employées dans l'horlogerie avec l'évolution du nombre des personnes occupées dans l'industrie métallurgique et dans celle des machines. Le tableau V renseigne à ce sujet. Il convient de relever dès maintenant que le développement des effectifs dans l'horlogerie est plus lent que dans l'industrie métallurgique et dans celle des machines. En revanche, les fluctuations dans les effectifs dues à la crise des années «trente» se sont manifestées beaucoup plus fortement.dans l'horlogerie.

1494 Tableau V Ouvriers occupés dans l'industrie horlogère, l'industrie métallurgique et celle des machines

Année

1929 1930 1931 1932

1933 1934

Horlogerie

Métallurgie

48 378 41 784

38 464

34 679

33 178 29 503 29 142

28084 25393 24733

35468

29967

Machines

76512 76803 69241 59446 57546

59 507 58 131 60 342

1935 1936 1937 1938

25 375 27 714

29 397 28 711

37685

35 173

37 425

34724

74378 75673

1939 1040 1941 1942 1943 1944 1945 1946 1947 1948

32709

38444

84347

--

39248 38705

40 710

37 498 42 171

-- 46 359

46982

43 463 42 730

46 688

43063 49532

49932

55 864

49 830

57044

1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 (^ 1956 1957 1958

48623 47013 54060

55520 52551

1959

J-- 109 041 111 276 110281

108 247 106 157 116191

124 169 132 269 116993

57 138

73993 78316 74480

113 795 130 003 138 317 137 100 141 118 148 840 159 146 170 412 168 935

55 024

75 351

168 314

58 350 57 412 53 967 56 107 60 351 64385

62411 62944

60 742 64187

69 712

(*) Les séries comparatives reproduites dans le tableau V contiennent les résultats de la statistique annuelle des fabriques. Etant donné la structure, en partie très artisanale, de l'industrie horlogère, le nombre des personnes occupées par celle-ci paraît ainsi inférieur à ce qu'il est en réalité, la statistique des fabriques n'embrassant pas toutes les petites exploitations. Z>e là provient la différence que l'on constatera avec le tableau VI qui donne le nombre des personnes occupées d'après le recensement des entreprises en 1955.

1495 6. La, concentration régionale de l'industrie horlogère

L'industrie horlogère présente encore la particularité d'être fortement concentrée dans l'ouest et le nord-ouest de notre pays; en outre, le Tessin possède également un nombre relativement important d'entreprises horlogères. La structure économique de certains cantons ou régions est très fortement marquée par la prédominance de l'industrie horlogère. C'est surtout le cas pour les cantons de Neuchâtel, Soleure et Berne, ainsi qu'il ressort du tableau VI ci-après. Dans le canton de Neuchâtel, presque un tiers de toutes les personnes occupées dans des exploitations artisanales ou industrielles appartiennent à l'horlogerie ; dans le canton de Soleure, cette proportion atteint à peine un sixième, et, dans le canton de Berne, un dixième.

Mais si, pour le canton de Berne, on prend en considération la concentration prononcée de l'industrie horlogère dans le Jura bernois, on constate que cette industrie y occupe une position aussi dominante que dans le canton de Neuchâtel.

Il ressort encore du tableau VI que c'est le canton de Berne qui compte le plus d'exploitations artisanales; il vient également en tête pour le nombre des ouvriers à domicile. De fait, c'est justement dans le Jura bernois que l'on rencontre un grand nombre de petites entreprises horlogères, lesquelles constituent, en général, la source principale des revenus de la population et des impôts dans les petites agglomérations, également très nombreuses; il en est de même dans certaines vallées du Jura neuchâtelois. On n'exagère guère en affirmant qu'abstraction faite de l'agriculture locale, l'existence économique des Franches-Montagnes, des vallons de Saint-Imier et de Tavannes dans le Jura bernois, ainsi que du Val-de-Ruz, dans le Jura neuchâtelois, dépend presque exclusivement de la marche des affaires dans l'industrie horlogère. Cette industrie joue, bien entendu, un rôle tout aussi déterminant dans certaines villes; à La Chaux-de-Fonds, en 1955, sur 18 381 salariés, pas moins de 8222 personnes travaillaient dans l'industrie horlogère, soit 45 pour cent. Au Locle, cette proportion est encore plus élevée; elle atteint en effet 51 pour cent et, à Granges (Soleure), même 64 pour cent.

1496

Tableau VI Répartition des entreprises et du personnel de l'industrie horlogère (*) dans les principaux cantons horlogers en 1955 Exploitations industrielles et artisanales . Total

Cantons

Nombre d'entreprises

Berne Baie-Campagne Tessin Vaud Neuchâtel . . .

Genève . . . . .

Autres cantons Suisse

,

42951 8540 5272 12072

22 340 .

7433 . 13793 . 151 472

Personnes occupées

Industrie horlogèro

Exploitations do travail i domicile (i) Total

Nombre Per- Nombre Per- Nombre Perd'entre- sonnes d'entre- sonnes d'entre- sonnes prises oocupéee prises occupées prises occupées

269 328 1322 25771 4011 4373 79 078 273 11917 1 391 1452 49 2127 724 41850 849 102 2272 478 67583 547 137 2877 1 279 1 365 130 567 57 170 714 16670 1 562 1577 91 245 709 162 3794 682 1 062 075 844 16244 19082 47

263 873 1 798 890

Industrie horlogèro

2806 66272 26 371 29954

1894 1046 217 37 267 1265 164 69

1894 1046 217 37 267 1265

4959

4959

164 69

0) Dans l'industrie horlogère, on ne peut pas parler d'exploitations de travail à domicile proprement dites, contrairement à la terminologie usuelle de la statistique.

L'ouvrier à domicile travaille seul soit chez lui, soit dans un local loué en commun avec d'autres ouvriers à domicile qui travaillent chacun pour son compte.

c. L'importance de l'exportation dans l'industrie horlogère Pour pouvoir se faire une opinion sur le rôle très important que l'exportation joue dans notre industrie horlogère, il convient de considérer que plus de 95 pour cent de la production est écoulée à l'étranger et que presque la moitié de la production mondiale en montres est assurée par notre pays. Or, la montre suisse s'est imposée par sa qualité pendant des dizaines d'années, voire des siècles. C'est ainsi que notre industrie horlogère a réussi à s'assurer une situation dominante sur les marchés mondiaux et, si l'on considère de longues périodes, à accroître constamment le volume et la valeur de ses exportations. Il en résulte que les exportations horlogères jouent aussi un rôle important du point de vue de notre balance commerciale. Cela d'autant plus que l'horlogerie constitue une industrie de main-d'oeuvre par excellence ; les matières premières utilisées ne représentent qu'une part relativement faible de la valeur finale du produit exporté. Le tableau VII renseigne sur le nombre des montres exportées de 1926 à 1959, leur valeur totale et leur valeur moyenne.

(1) A l'exclusion du rhabillage de montres, de la grosse horlogerie (horloges, pendules, réveils, etc.) et de l'outillage horloger.

1497

Tableau VII Nombre des pièces exportées (montres et mouvements finis) Valeur totale et valeur moyenne 1926 à 19S9 Nombre des pièces exportées

Valeur totale de l'exportation

Valeur moyenne par pièce

en milliers de pièces

en miniers de francs

francs

1926 1927 1928

17 185 18454 20131

258 261 273 245 300 437

13.51 13.20 12.93

1929

20758 16248

307 339 233 453 143 642 86304 96015 109 081 124 510 151 570 240 381 241 318

12.88 12.43 10.48 8.65 7.50 7.22 6.74 7.10 8.57 9.43

195 678 214 177 230 569 284 642 337 794 303 359 492 620 605 171 768 756 743 372

9.90 11.76 14.19 18.63 21.88 23.81 24.04 26.32 28.03 26.90 26.65 27.11 27.33 29.72 30.78 30.66 29.17 28.59 29.90 30.82 27.67

Année

1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938

11 554 8206 10599 12534 15203

17 740 23 916 21 850

1939 1940 1941 1942 1943 1944 1945 1946 1947 1948

16816

1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 195S

23 545

39 999 33 314

703 228 730 168 1 010 328 1 082 542 1 106 662 1 039 916 1 076 999 1 234 526 1 303 136 1 118 107

1959

37262

1 124 570

15229

14441 13957 14533

11 838 18 820 20 665 24007

24 357 24226 33549

33 323 33030

31 088 33742 39676

1498 Le tableau VIII indique la répartition des exportations entre les principaux pays clients. On constate ici que, de 1949 à 1959, l'ordre d'importance de ces principaux Etats clients s'est à peine modifié, si l'on fait abstraction de la République fédérale d'Allemagne, qui constitue un cas spécial.

Tableau VIII Exportation des montres à destination des principaux pays clients en 1949 et en 1959 En millions do francs

En pour-cent

Pays 1949

Total des exportations de montres . .

1. Etats-Unis (1er) (i) 2. Italie (28) 3. Bépublique fédérale d'Allemagne Bépublique démocratique allemande (9e) 4. Canada (7e) S. Chine/Hong-Kong (3°) 6. Grande-Bretagne (6e) 7. Espagne (12e) 9.

10.

II.

12.

13.

14.

Brésil (5«) Mexique (14e) Suède (27«) Tanger ( ) Venezuela (11e) France (10e)

703,2 229,2 50,0

16,6 24,6 42,9 29,8 11,6 32,2 9,6 3,8 13,1 13,3

1959

1124,6 286,5 66,9

63,2 1 1,3} 01,9 57,9 38,7 34,3 30,8 29,6 28,0 26,3 25,8 22,2 19,5

1949

1959

100 32,6 7,1

100 25,39 5,95

2,4

5,73

3,5 6,1 4,2 1,6

0,50 5,14 3,44 3,05 2,74 2,63 2,49 2,34 2,30 1,97 1,73

4,6 1,4 0,5 1,9 1,9

C1) Les chiffres entre parenthèses indiquent le rang de 1949.

II est également intéressant d'examiner brièvement l'évolution des exportations par continents. On constate alors nettement certains déplacements et, en particulier, un glissement de l'Europe vers l'Asie, surtout si l'on considère les pourcentages. Le fait que la proportion de l'exportation de montres à destination des pays d'Europe a sensiblement baissé tient, d'une part, à la diminution de l'importance des marchés de l'Europe orientale et, d'autre part, à l'ouverture de nouveaux marchés, .surtout eu Asie.

1499 Tableau IX Répartition dea exportations de montres entre les divers continents Pays

1938

957

1949

1958

1959

a. En inulions de _, Tança

Amérique du Nord, (EtatsUnis, Canada, Mexique) .

Amérique du Sud et Amérique centrale * . . . .

Asie Afrique . . . . . . . . .

Oceanie Total

131,8

216,7

391,9

377,9

354,4

46,5

263,4

412,2

334,2

375,4

22,3 23,2 8,9 8,6

80,6 108,5 23,1 10,9

138,5 68,6 18,3

128,7 191,3 67,8 18,2

123,7 189,6 64,3 17,2

241,3

703,2

1303,1

1118,1

1124,6

273,6

b. En pour-ce nt Amérique du Nord, (EtatsUnis, Canada, Mexique) .

Amérique du Sud et Amérique centrale . . . . .

55

31

30

34

31,5

19

38

31,5

30

34

9 10

11,5 15 3 1,5

10,5 21

11,5 17 6 1,5

11

4 3

Total

100

100

5,5 1,5 100

100

16,5 5,5 1,5 100

1500 De plus, le tableau X indique la participation de l'industrie horlogère au total des exportations suisses pendant les 30 dernières années.

TableauX Participation de l'industrie horlogère au total des exportatioos suisses Année

En pour-cent

Année

En pour-cent

1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941 1942 1943 1944

14,65 13,25 10,85 10,77 11,26 12,92

1945

33,45 22,60 23,53 21,60 20,30 18,67 21,54 22,80 21,43 19,73 19,16 19,90

15,15 17,19

18,69 18,33 15,08 16,28 16,76 18,11 20,70 26,80

1946 1947 1948 1949

1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959

19,41

16,82 15,46

Pour terminer, il convient encore de constater que les industries horlogères étrangères ne travaillent pour l'exportation que dans une proportion considérablement inférieure. Tandis que l'horlogerie suisse écoule sur les marchés étrangers de 95 à 97 pour cent de sa production, cette proportion tombe à 45,5 pour cent pour l'industrie horlogère de la République fédérale d'Allemagne, à 20,7 pour cent pour la France, à 2 pour cent pour les EtatsUnis d'Amérique, et à 1,1 pour cent seulement pour le Japon. (Tous ces chiffres concernent l'année 1958).

d. La sensibilité de l'industrie horlogère aux fluctuations économiques Sa grande sensibilité aux fluctuations économiques constitue un autre facteur qui donne à l'industrie horlogère son aspect particulier. Pays travaillant principalement pour l'exportation, la Suisse ne peut pas se soustraire aux fluctuations de l'économie mondiale ; aussi le secteur de l'horlogerie, qui est notre industrie d'exportation par excellence, est-il tout particulièrement affecté par les hauts et les bas de l'évolution économique. Des enquêtes, portant sur la dernière décennie du dix-neuvième siècle et le premier tiers du vingtième, ont démontré qu'à une seule exception près,

1501 les remous sur les marchés étrangers ont toujours eu de fortes répercussions sur les exportations et que, la plupart du temps, ces répercussions étaient même beaucoup plus fortes que celles qu'on enregistrait dans l'ensemble des exportations suisses. En outre, on constate notamment que le développement du luxe et la mode ont aussi une grande influence sur la demande de montres. Ces deux facteurs sont, à leur tour, très sensibles aux fluctuations économiques, de sorte que les hauts et les bas de l'économie générale se répercutent de façon particulièrement accusée sur les affaires de l'horlogerie et provoquent dans l'exportation des montres des écarts dépassant la moyenne. A cela vient s'ajouter la circonstance, déjà relevée, que les exportations de montres sont particulièrement exposées aux mesures restrictives prises en matière d'importation par les Etats clients.

Les données du tableau VII relatives à l'évolution du nombre des montres exportées et de leur valeur moyenne démontrent nettement que, dans les années de recul des affaires, ce n'est pas seulement le nombre des pièces exportées qui est en diminution, mais aussi, d'une manière frappante, la valeur moyenne de ces pièces. Ces chifires révèlent également, surtout si l'on examine de plus près la situation lors de la crise des années «trente», que la baisse des prix causée par le fléchissement de la demande de montres se maintient, même lorsque les quantités exportées recommencent à augmenter. On a pu constater la même tendance au cours des «récessions» des années 1953/1954 et 1958; les deux fois, la baisse des prix s'est manifestée seulement après que le nombre des pièces exportées eut déjà recommencé à augmenter.

Le sentiment d'être tout particulièrement exposés aux fluctuations économiques a certainement été une des principales raisons qui ont éveillé chez les horlogers le désir de recourir à l'aide des pouvoirs publics et de mettre sur pied, avec le concours de l'Etat, une organisation professionnelle et industrielle. L'intervention de la Confédération dans l'industrie horlogère est effectivement en étroite relation avec la grave crise du début des années «trente». A cette époque, le nombre des chômeurs totaux passa d'une moyenne de 245, en 1929, à une moyenne de 13 379, en 1933, de sorte qu'un quart environ des personnes occupées
jusqu'alors dans l'horlogerie se trouvaient sans travail. En présence de cette évolution menaçante, la population des régions horlogères s'inquiéta sérieusement et de nombreuses réunions ' publiques furent organisées pour demander avec insistance aux autorités d'intervenir, 2. Naissance et développement de l'organisation professionnelle de l'industrie horlogère. Mesures de droit public et de droit privé II ressort des explications qui précèdent que l'industrie horlogère est particulièrement exposée aux fluctuations économiques, notamment en raison de ses liens étroits avec l'économie mondiale et que les hauts et les

1502 bas sur les marchés internationaux se répercutent d'une manière encore plus forte dans notre horlogerie, étant donné la structure artisanale très accentuée de cette industrie. Pendant et immédiatement après la première guerre mondiale, l'industrie horlogère avait encore été très florissante, mais une grave crise survint déjà en 1921 et en 1922. Le nombre des chômeurs augmenta dans des proportions qu'on n'avait jamais vues auparavant; la Confédération se trouva dans la nécessité d'apporter à l'industrie horlogère une aide financière pour couvrir une partie des pertes sur le change causées par la vente dans les pays à monnaie dépréciée. Les indemnités allouées alors ont atteint le montant de 9 % millions de francs, sur un crédit total de 11 millions ouvert par l'Assemblée fédérale.

Si l'industrie horlogère réussit à se remettre d'une manière satisfaisante de cette crise au cours des années suivantes, et si en 1929, les exportations de montres sont remontées presque au niveau des années 1919 et 1920, la profonde dépression économique des années «trente» a de nouveau ramené des temps difficiles dans ce secteur industriel. Moins que toute autre branche de notre économie nationale, l'industrie horlogère pouvait échapper aux conséquences de cette crise mondiale. A cela vint s'ajouter le fait que déjà au cours des années «vingt» et notamment au début des années «trente», l'exportation d'ébauches et de mouvements non assemblés s'était développée d'une manière inquiétante au détriment de l'exportation des montres terminées, en grande partie sous l'effet de mesures de politique douanière prises par certains pays en vue d'entraver l'importation de montres terminées. Les nombreuses difficultés auxquelles l'industrie horlogère devait faire face contraignirent la Confédération à prendre, au cours des années «trente», une série de mesures en faveur de cette branche.

a. Création et tâches de la société générale de l'horlogerie suisse S. A. (ASUAG) A la suite des secousses subies par l'industrie horlogère au cours de la crise du début des années «vingt», les producteurs avaient déjà décidé de s'organiser tout d'abord aux trois grands échelons de la production, c'està-dire dans la fabrication de montres, dans celle d'ébauches et dans celle de pièces détachées. C'est ainsi que fut créée en 1924 la «Fédération
suisse de fabricants d'horlogerie», appelée F. H., qui groupait les fabricants de montres ancre et cylindre (1). En 1926, fut fondée Ebauches S. A., qui concentrait les entreprises spécialisées dans la fabrication des ébauches, et en 1927, les divers groupes de fabricants de pièces détachées constituèrent l'«Union des branches annexes de l'horlogerie», appelée UBAH. Le 1er décembre 1928, ces trois organisations se lièrent par certaines conventions ayant pour but de faire respecter des tarifs minimums et d'enrayer l'exportation des ébauches et des mouvements nus.

t1) La montre cylindre ne se fabrique presque plus; la plus grande partie de la production de montres suisses appartient au secteur de la montre ancre.

1503 En participant à la société générale de l'horlogerie suisse S. A., appelée ASUAG, créée, en 1931, sur l'initiative de l'horlogerie, la Confédération commença d'intervenir, à son tour, d'une façon active dans l'organisation de cette industrie. La constitution de l'ASUAG se révéla nécessaire du fait que même après la mise sur pied d'une réglementation de droit privé liant les trois organisations précitées, une série de fabricants d'ébauches, qui n'avaient pas adhéré à ces organisations, pratiquèrent une politique d'exportation qui devait, à la longue, rendre impossible aux maisons ayant adhéré aux conventions de respecter leurs engagements. En outre, faute de discipline de la part de divers industriels suisses, les acheteurs étrangers avaient la possibilité de se procurer sans difficultés particulières les parties réglantes, également très recherchées, (assortiments, balanciers et spiraux).

Pour parer avec efficacité au danger menaçant d'une vaste transplantation de l'industrie horlogère et pour empêcher que la fabrication de la montre ne perde de son importance, on décida de réunir dans une organisation de faîte les industries-clés du secteur de la montre ancre (fabrique d'ébauches, d'assortiments, de balanciers et de spiraux). Ce plan trouva sa réalisation dans la constitution de la société générale de l'horlogerie suisse S. A. (ASUAG), au capital social de laquelle la Confédération participa pour im montant de 6 millions de francs, en vertu d'un arrêté fédéral du 26 septembre 1931. Le Conseil fédéral fut autorisé à désigner 5 des 30 membres du conseil d'administration de l'ASUAG. Simultanément, la Confédération accordait à cet organisme, pour l'accomplissement de sa tâche d'entraide dans l'industrie horlogère, un prêt sans intérêt de 7,5 millions de francs, qui a pu être remboursé avant la fin de 1944. A cet égard, il convient de relever que la Confédération a touché, jusqu'à ce jour, la somme de 2 850 000 francs représentant les dividendes des actions dont elle est propriétaire.

Dès le début, l'ASUAG devait avoir le statut d'une superholding.

Elle acquit tout d'abord la majorité des actions d'Ebauches S. A., de façon à pouvoir contrôler tout le secteur de la fabrication des ébauches dans les entreprises spécialisées. En outre, l'ASUAG acquit la majorité des actions des entreprises
spécialisées dans la fabrication des assortiments, des balanciers et des spiraux, qui s'étaient elles-mêmes constituées en trusts. Au moyen de cette concentration dos industries-clés, on espérait pouvoir enrayer efficacement l'exportation, qui échappait jusqu'alors à tout contrôle, d'ébauches et de mouvements non assemblés, qu'on appelle «chablonnage» f 1 ). Par la suite, il apparut cependant que l'organisation mise sur pied ne pourrait pleinement atteindre son but tant que, d'une part, de nouvelles entreprises pourraient être librement créées et que, d'autre part, l'ASUAG (!) Le terme de chablonnage est employé de façon différente, selon qu'on en élargit ou restreint lo sens. Dans le présent message, comme déjà dans celui du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse, du 6 octobre 1950 (FF 1950, III 57), nous entendons par chablonnage l'exportation des ébauches et des pièces détachées constitutives du mouvement.

1504 ne contrôlerait pas l'ensemble des maisons spécialisées dans la production des ébauches et des parties réglantes.

Les maisons dissidentes pouvaient, en effet, se livrer à des opérations que les engagements conventionnels interdisaient aux maisons organisées (par exemple, approvisionner des marchés vers lesquels les maisons affiliées à l'ASUAG n'avaient pas le droit d'exporter, ou vendre à des prix inférieurs aux taux fixés par les organisations).

Afin de parfaire cette concentration, l'ASUAGr acheta, par la suite, toutes les fabriques d'ébauches et de parties réglantes qu'elle ne contrôlait pas encore. Elle n'y parvint cependant qu'au cours de l'hiver 1940/1941.

Ces entreprises dissidentes avaient perdu tout intérêt à leur indépendance, attendu qu'en réglant par des dispositions de droit public les exportations et en donnant force obligatoire aux tarifs conventionnels, les autorités fédérales avaient, dans l'intervalle, limité leur liberté en matière d'exportation et de prix. La Confédération participa à ce rachat pour un montant de 900 000 francs, sur un total de 3,3 millions.

b. Les arrêtés antérieurs à l'actuel atatut légal de l'horlogerie La création de l'ASUAG n'ayant pu, à elle seule, empêcher la dissidence de se développer, la Confédération intervint directement dans la lutte contre le chablonnage en subordonnant à un permis, par un arrêté du Conseil fédéral du 12 mars 1934, l'exportation de chablons, d'ébauches et de pièces détachées.

Cet arrêté subordonnait également à un permis l'ouverture, l'agrandissement et la transformation, non seulement des fabriques d'ébauches et de parties réglantes, mais des entreprises de l'industrie horlogère en général.

De cette manière, on espérait soumettre l'expansion de l'industrie horlogère à un certain contrôle de droit public et imposer aux entreprises nouvelles une politique commerciale qui ne fût pas contraire aux intérêts généraux de l'industrie horlogère suisse.

Cet arrêté du Conseil fédéral contribua à faire disparaître les difficultés de l'industrie horlogère. A la fin de 1935, il fut prorogé de deux ans. Etant donné que, dans le domaine des prix, les maisons qui n'avaient pas adhéré aux accords conventionnels demeuraient encore libres et pratiquaient, en partie, une politique de prix qui nuisait aux intérêts de l'industrie horlogère
dans son ensemble, le Conseil fédéral autorisa, par arrêté du 13 mars 1936, le département de l'économie publique à déclarer obligatoires pour toutes les entreprises de l'industrie horlogère les tarifs minimums adoptés par les organisations. Afin d'assurer un contrôle efficace du respect des tarifs, cet arrêté subordonna également à une autorisation l'exportation de montres et de mouvements de montres. Par un arrêté du 29 décembre 1937, toutes les dispositions édictées furent réunies en un seul texte législatif, duiil la validité fut de nouveau prorogée de deux ans.

1505 Durant toute la seconde guerre mondiale, et même après, le régime du permis de fabrication et d'exportation resta en vigueur, de même que d'autres dispositions. Lors de leurs renouvellements successifs, les arrêtés du Conseil fédéral ont cependant été complétés et adaptés sur divers points. La dernière prorogation de trois ans a eu lieu le 23 décembre 1948.

Ces arrêtés du Conseil fédéral étaient fondés sur l'arrêté fédéral du 14 octobre 1933/22 juin 1939 concernant les mesures de défense économique envers l'étranger. L'entrée en vigueur des nouveaux articles économiques de la constitution modifia la situation du point de vue de la base légale.

Lors de l'élaboration de ces articles, on avait, en effet, déclaré expressément que l'intervention de la Confédération dans l'industrie horlogère constituait un cas typique de l'application de l'article 31 bis de la constitution. Par conséquent, les mesures de droit public en faveur de l'horlogerie devaient revêtir la forme d'un arrêté fédéral spécial soumis au referendum. Ce fut l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse (1).

On ne peut se faire une juste idée de la genèse et du développement de cette réglementation, sans doute unique en son genre dans notre pays, que si l'on se remémore les divers facteurs qui ont été indiqués plus haut. La forte concentration régionale de l'horlogerie, s'ajoutant à une structure économique particulière, confère aux interventions de la Confédération dans ce domaine le caractère de mesures prises pour la défense d'intérêts régionaux.

D'autre part, si l'on veut se livrer à des considérations rétrospectives, il ne faut pas perdre de vue qu'au cours des années «trente», les idées en matière de politique économique étaient, généralement, assez favorables à certains efforts tendant à organiser l'économie sur une base professionnelle et avec l'aide des pouvoirs publics, notamment pour conserver à l'économie une structure plutôt artisanale. Pour des raisons de solidarité nationale, il a bien fallu, au cours des années de guerre et tout de suite après, conserver la réglementation mise sur pied sous l'effet de telles idées. Ces éléments ont également exercé une influence plus ou moins forte lors de l'adoption de l'actuel statut légal de l'horlogerie, cela d'autant plus que les nouveaux articles économiques qui sont entrés en vigueur dans l'intervalle devaient apparaître en quelque sorte comme une consécration constitutionnelle de certaines de ces tendances.

C 1 ) Pour les détails H'nrHrp historique, noua noua référons au message du 6 octobre 1960 sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse (FF 1950, lu, 57).

Feuille fédérale, 112e année. Vol. II.

105

1506 IL L'arrêté fédérai sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse (statut légal de l'horlogerie), du 22 juin 1951 1. La conception à la base du statut légal de l'horlogerie Les nouveaux articles économiques de la constitution fédérale, notamment l'article 31 ois, 3e alinéa, lettre a, forment la base de l'actuel statut légal de l'horlogerie. Celui-ci prolonge, dans ses grandes lignes, le régime qui était en vigueur jusqu'à fin 1951, tout en renonçant cependant à une réglementation des prix sur le plan du droit public.

La réglementation matérialisée par le statut légal de l'horlogerie repose essentiellement sur deux piliers, soit le régime du permis d'exportation (art. 2) et celui du permis de fabrication (art. 3 et 4). Ces deux instruments de politique économique dont l'Etat disposait déjà depuis 1934, devaient permettre, avec le concours de l'organisation de droit privé, de parer, aussi à l'avenir, aux dangers qui, pour des raisons diverses, menacent avec plus ou moins de régularité l'existence de l'industrie horlogère. Ainsi que nous l'avons déjà raLuvé dans noire chapitre introductif consacré à l'importance de l'industrie horlogère et au développement de son organisation, ces dangers proviennent notamment de deux côtés. La Suisse occupe depuis très longtemps une position dominante dans l'exportation des montres.

Lors de l'élaboration du statut légal de l'horlogerie, le législateur avait admis que cette position serait sérieusement menacée si l'on ne soumettait pas à certaines restrictions l'exportation de parties spécialement délicates de la montre, ainsi que celle de machines horlogères, d'outils et de plans de fabrication. Selon cet avis, dételles exportations ne devraient dès lors être autorisées qu'à destination des pays ou des industriels qui, à leur tour, ne pratiquent pas une politique contraire aux intérêts de l'horlogerie suisse. Dès l'instant où lesdites exportations ne seraient soumises à aucune restriction, on risquerait de voir certains pays étrangers se procurer en Suisse des pièces détachées dont la production exige des connaissances techniques particulières et qui ont toujours bénéficié d'une très bonne réputation, et créer ainsi leur propre fabrication de montres, ce qui compromettrait gravement l'exportation de la montre suisse finie. Le
régime du permis d'exportation doit parer à ce danger, de concert avec la réglementation de droit privé, car il permet de soumettre à un contrôle l'exportation de produits ayant une importance, en quelque sorte, stratégique pour l'industrie horlogère.

Si la subdivision de l'industrie horlogère suisse en fabrication d'ébauches et de pièces détachées, d'une part, et en fabrication de montres finies, d'autre part, constitue une forme de ce danger, le processus économique lui-même en constitue une autre. L'industrie horlogère, dont les débouchés se trouvent presque exclusivement à l'étranger, est tout particulièrement

1507 exposée aux fluctuations économiques (1). Comme, d'autre part, dans certaines parties de l'industrie horlogère, en particulier dans le secteur de l'établissage et du terminage, l'ouverture de nouvelles entreprises offre relativement peu de difficultés, tant du point de vue économique et financier que du point de vue technique, les périodes de bonne marche des affaires provoquent la création de nouvelles entreprises, ce qui a facilement pour conséquence une extension dangereuse de l'appareil de production. En période de récession ou de crise proprement dite, certains industriels s'efforceront de se maintenir par tous les moyens, de sorte que cette extension exagérée de l'appareil de production pourra déclencher une sous-enchère ruineuse. De l'avis du législateur, le régime du permis de fabrication devait avoir pour but de soumettre à un certain contrôle l'ouverture de nouvelles exploitations et, par là, de contribuer au maintien de la structure du processus de la fabrication, tout en enrayant une extension excessive de l'appareil de production, de manière à parer ainsi avec une certaine efficacité au danger de la sous-enchère et de ses conséquences dommageables pour l'ensemble de l'industrie horlogère. Le régime du permis tendait, en outre, à opérer une certaine sélection parmi les personnes désireuses de s'établir dans l'industrie horlogère. Enfin, on espérait que les permis de fabrication et d'exportation contribueraient dans une mesure notable à consolider le régime conventionnel (2).

Les deux régimes de permis assurent également, de concert avec les engagements de droit privé concernant la réciprocité syndicale, un équilibre entre les intérêts opposés au sein de l'industrie horlogère. Le permis d'exportation a pour but de promouvoir l'exportation des montres finies; il intéresse donc directement les fabricants desdites montres finies. D'autre part, ce même permis d'exportation limite les possibilités d'expansion des producteurs d'ébauches et de pièces détachées. En revanche, le permis de fabrication procure indirectement à ces mêmes industriels une protection contre un accroissement de la concurrence par de nouvelles entreprises. L'efficacité de cette protection dépend cependant en grande partie de la manière dont le régime du permis de fabrication est appliqué dans la pratique. La protection
apportée par la réciprocité syndicale est tout aussi importante que celle qui provient du permis de fabrication, car elle procure aux fabricants d'ébauches et de pièces détachées un quasi-monopole en ce qui concerne les livraisons aux fabricants de montres en Suisse.

Bien entendu, le régime du permis de fabrication ne constitue pas une mesure de protection uniquement pour la fabrication d'ébauches et de pièces détachées, puisque aux termes de l'article 3 du statut légal de l'hor(') A ce sujet, voir encore ce qui a été exposé dans le chapitre précédent; 1 d.

La sensibilité de l'industrie horlogère aux fluctuations économiques.

(*) Voir à ce propos le chapitre suivant: 2. Les relations entre le statut légal de l'horlogerie et la convention collective.

1508 logerie, l'ouverture de nouvelles entreprises est d'une manière générale subordonnée à un permis dans tous les secteurs de l'industrie horlogère. Ainsi, ce régime joue notamment un rôle important dans le domaine de la fabrication de montres, car il permet aussi de contrôler l'ouverture de nouvelles entreprises de terminage et de fabrication par voie d'établissage.

2. Les relations entre le statut légal de l'horlogerie et la convention collective Les organisations que les industriels en horlogerie ont créées aux trois principaux échelons de la production des ébauches, des fournitures et de l'assemblage, sous l'influence de la crise des années «vingt», se sont liées réciproquement par diverses conventions, la première fois en 1928, en vue d'assurer le respect de certains tarifs minimums et d'enrayer le chablonnage.

Le 1er avril 1936, ces conventions furent réunies en une seule, appelée «Convention collective de l'industrie horlogère».

Conformément à sa propre définition, la convention collective a pour but de sauvegarder, assainir et développer l'industrie horlogère suisse. Pour apprécier à sa juste valeur son importance du poiuL de vue de notre politique économique, il faut cependant examiner les moyens employés en vue d'atteindre cet objectif. Ceux-ci consistent essentiellement dans la fixation des prix pour les ébauches et les pièces détachées; dans la mise sur pied d'une réglementation de droit privé restreignant le chablonnage et dans une série de mesures destinées à garantir le respect de ces engagements. Toutefois, la fixation des prix de vente des montres et des mouvements a été réservée à la compétence de la F. H.

L'ordre consacré par la convention collective est marqué et consolidé d'une manière déterminante par l'application du principe de la réciprocité syndicale. Selon ce principe, les membres de la F. H, sont tenus de n'acheter qu'à Ebauches S. A. ou, selon le cas, à des membres de l'Ubah, les ébauches, boîtes et pièces détachées qu'ils ne produisent pas eux-mêmes ou qu'ils ne peuvent se procurer, sous certaines conditions, chez d'autres fabricants de la F. H. De son côté, Ebauches S. A. ne peut vendre des ébauches qu'à des membres de la F. H. Enfin, il n'est permis aux fabricants de pièces détachées qui font partie de l'Ubah, de livrer leurs produits qu'aux membres de la F. H.,
à Ebauches S. A. et, le cas échéant, à d'autres membres de l'Ubah.

D'autre part, Ebauches S. A., de même que les membres de l'Ubah, ont l'obligation contractuelle de livrer leurs produits aux membres de la F. H.

C'est encore en vertu de la réciprocité syndicale, que les maisons affiliées à la F. H. s'engagent à ne pas fabriquer des ébauches et des pièces détachées destinées à la vente, que l'Ubah s'interdit la fabrication d'ébauches et de montres et qu'Ebauches S. A, renonce à la fabrication de montres et de toutes pièces détachées ne faisant pas partie de l'ébauche.

1509 On peut cependant déroger au principe de la réciprocité syndicale si l'on se heurte auprès d'Ebauches S. A. ou des maisons de l'Ubah à certaines difficultés de livraison ou si on peut se procurer à l'étranger des pièces détachées dont la production rentre dans le champ d'activité de l'Ubah, à des prix: inférieurs de 20 pour cent et, depuis la dernière revision de la convention collective, même à des prix inférieurs de 13 pour cent seulement, aux prix des produits suisses de la même qualité. Il n'en demeure pas moins qu'en principe, par le jeu conjugué de la convention collective et du permis de fabrication, toutes les personnes qui veulent exercer une activité indépendante dans les principales branches de l'industrie horlogère sont pratiquement obligées d'entrer dans les organisations et de se soumettre ainsi aux dispositions de la convention collective. H convient cependant de relever que la convention collective ne s'applique qu'à la fabrication de la montre ancre et que l'industrie de la montre Boskopf (x) est restée en dehors du régime conventionnel. Cette circonstance a une certame importance qui mérite d'être soulignée.

Au début, les parties à la convention collective avaient bien l'intention d'étendre leurs engagements conventionnels au secteur de la montre Roskopf.

Lors de l'élaboration du statut légal de l'horlogerie en 1951, on espérait encore que le régime conventionnel pourrait, à plus ou moins bref délai, englober toute l'industrie horlogère suisse. Si cet espoir ne s'est pas réalisé, il faut l'imputer en bonne partie au fait que les fabriques de montres Roskopf, qui sont en pleine expansion et profitent de leur situation particulière, craignent d'être trop liées dans le cadre de la convention collective.

Or, l'efficacité de la convention collective qui régit le domaine de la montre ancre dépend dans une mesure déterminante du statut légal de l'horlogerie, et cette dépendance soulève un problème de principe du fait que la réglementation consacrée par la convention elle-même échappe à l'influence des autorités. En ce qui concerne la lutte contre le chablonnage, les tendances du statut légal de l'horlogerie et de la convention collective sont dans une large mesure parallèles. L'article premier, 3e alinéa, de l'ordonnance d'exécution du 21 décembre 1951 du statut légal de l'horlogerie,
dispose expressément que les permis d'exportation ne seront accordés que pour les livraisons d'ébauches, de chablons et de fournitures qui sont conformes aux dispositions de la convention. Toutefois, aux termes du 4e alinéa, le département de l'économie publique peut, en cas de recours, déroger à cette disposition, IL n'en reste pas moins qu'en principe, la réglementation de droit privé des exportations de l'industrie horlogère suisse trouve un appui considérable dans l'ordonnance d'exécution du statut légal de l'horlogerie, qui, au surplus, consacre une réglementation analogue dans le secteur de la montre Eoskopf.

( l ) Par montre Roskopf, il faut entendre, en plus de la montre Roskopf simple dont la production est moins coûteuse que celle de la montre ancre, la montre genre Roskopf avec grande moyenne au centre que l'on appelle aussi montre ancre à goupilles.

1510 La relation entre le régime du permis de fabrication et la réglementation des prix dans le cadre de la convention collective est moins directe et moins apparente, mais elle n'en a pas moins une importance déterminante. Il est exact que, depuis l'entrée en vigueur de l'actuel statut légal de l'horlogerie, la réglementation des prix dans l'industrie horlogère repose de nouveau exclusivement sur une base de droit privé. Cependant, le régime du permis de fabrication renforce la restriction apportée à la liberté de concurrence par la convention collective, tout en consolidant, par là, la réglementation des prix.

Nous voulons dire qu'il provoque un affaiblissement supplémentaire de la concurrence que pourrait constituer l'ouverture de nouvelles entreprises ou l'agrandissement et la transformation d'entreprises existantes (1).

S'agissant des relations entre le régime de droit privé créé par l'industrie de la montre ancre et le statut légal de l'horlogerie, il convient de mentionner la situation particulière de l'ASUAG. Cette superholding fut créée, ainsi qu'on l'a déjà indiqué, en vue de concentrer dans un seul organisme, la fabrication des ébauches et des parties réglantes. Si l'on fait abstraction de la fabrication des ébauches et des parties réglantes dans les manufactures et des possibilités, assez limitées du reste, que la convention collective admet en matière d'échanges d'ébauches entre les manufactures, on peut dire que la société générale de l'horlogerie suisse S. A. bénéficie d'un monopole, puisqu'elle contrôle dans le secteur de la montre ancre l'ensemble de la production des ébauches et des parties réglantes et établit les lignes directrices de la politique de production et de vente ( 2 ). Le monopole quasi général de l'ASUAG repose cependant tout autant sur le fait que, conformément au préambule du premier alinéa de l'article 4= de l'arrêté sur le statut légal de l'horlogerie, on n'a, en règle générale, pas autorisé l'ouverture de nouvelles fabriques d'ébauches ou de parties réglantes en dehors de cet organisme.

En effet, la naissance d'une nouvelle dissidence dans le secteur de la fabrication des ébauches et des parties réglantes pourrait gravement compromettre le principe qui est à la base du statut légal de l'horlogerie. Le message, du 6 octobre 1950, sur les mesures propres à
sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse so prononce, lui aussi, nettement en faveur de la situation particulière de l'ASUAG puisqu'on y lit ce qui suit : «en délivrant des permis d'ouvrir des fabriques d'ébauches et de parties réglantes de la montre, l'autorité fédérale contribuerait elle-même à faire renaître une nouvelle dissidence.

L'édifice construit si péniblement ne tarderait pas à s'effondrer.» (3) (1) Pour le surplus, nous nous référons aux considérations qu'on trouvera sous 4 a. Politique dans le domaine de la concurrence.

( s ) En énumérant les objectifs de la société, les statuts de l'ASUAG mentionnent expressément, à l'article 2, la fixation dea directives pour toutes les entreprises qui lui sont soumises.

(3) FF 1950, III, 92.

1511 Par ses effets, cette réglementation donne, pour ainsi dire, une force générale obligatoire aux dispositions de droit privé de la convention collective et aux tarifs qui sont fondés sur elle. Vu la pratique observée en matière de permis de fabrication, le statut légal a pour conséquence qu'à l'exception des manufactures, les ébauches et parties réglantes dans le secteur de la montre ancre ne peuvent être fabriquées et livrées à des tiers que par les trusts de la branche en cause. Grâce à cet appui si prononcé que le droit public confère aux quatre grands trusts de l'ASUAG, ceux-ci bénéficient d'une situation de monopole qui leur permet d'imposer à leurs partenaires le respect de la convention collective. Les fabricants d'horlogerie qui n'appartiennent pas aux organisations conventionnelles ou qui en ont été exclus parce qu'ils n'ont pas respecté des dispositions importantes de la convention doivent s'attendre, le cas échéant, à être boycottés et éliminés du marché par les quatre trusts agissant dans l'exercice de leur monopole. Ainsi, la Confédération consolide et sanctionne l'ensemble du régime conventionnel dans la fabrication de montres ancre en conférant, par sa pratique en matière de permis, une situation de monopole aux trusts de l'ASUAG.

3. L'application du régime du permis dans lo cadre du statut légal de l'horlogerie

a. Permis de fabrication Le principe selon lequel l'ouverture de nouvelles entreprises de l'industrie horlogère, l'augmentation du nombre des ouvriers et la transformation des entreprises existantes sont subordonnées à un permis est consacré par l'article 3 de l'arrêté sur le statut légal de l'horlogerie. Les conditions pour obtenu: les permis sont également déterminées, d'une manière exhaustive, à l'article 4 dudit arrêté. L'ordonnance d'exécution a encore précisé dans ce domaine deux points d'une certaine importance. Tout d'abord, à son article 7, 2e alinéa, elle dispose que la réouverture d'entreprises qui ont cessé leur activité industrielle depuis au moins une année est également subordonnée à une autorisation. D'autre part, l'article 8 donne la définition de ce qu'il faut entendre par transformations d'entreprises subordonnées à une autorisation, tout en précisant que, dans la fabrication des montres, mouvements et ébauches, les catégories ancre, cylindre, Roskopf et genre Eoskopf, constituent chacune une branche de fabrication différente.

Aux termes de l'article 11, 1er alinéa, de l'ordonnance d'exécution, les permis sont délivrés par le département de l'économie publique. Avant de statuer, celui-ci doit, conformément à l'article 4, 5e alinéa, de l'arrêté sur le statut légal de l'horlogerie, et à l'article 11, 2e alinéa, de l'ordonnance d'exécution, prendre l'avis d'une commission consultative, composée de représentants des principaux groupements patronaux et ouvriers de l'industrie horlogère. Cette commission, dont les membres sont désignés par le département de l'économie publique, porte le nom de «Consulthor».

1512 Lors de l'élaboration du statut légal de l'horlogerie, en 1951, les chambres fédérales attachèrent du prix à définir d'une manière plus précise que dans les arrêtés antérieurs les conditions de l'octroi ou de l'extension des permis. On a néanmoins laissé une marge assez étendue à l'appréciation, ainsi qu'il ressort clairement d'un examen critique de l'article 4, 1er alinéa, et notamment du 2e alinéa, de l'arrêté fédéral. Toutefois, le Tribunal fédéral a quelque peu limité cette marge dans sa jurisprudence relative à l'article 4, 2e alinéa, en précisant que cette disposition de droit potestatif ne pourrait être appliquée qu'en présence d'une circonstance spéciale et lorsque la viabilité de la nouvelle entreprise serait assurée. Cette interprétation restrictive était nécessaire, d'une part, pour prévenir tout arbitraire de la part de l'autorité chargée de délivrer les permis et, d'autre part, pour empêcher qu'une application trop généreuse de ce deuxième alinéa n'aille à l'encontre de la volonté du législateur, en vidant de son contenu la disposition du premier alinéa de ce même article 4.

Aux termes de l'article 11 de l'arrêté sur le statut légal de l'horlogerie, les décisions du département de l'économie publique peuvent être déférées au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif. Dans ce domaine, la substitution du Tribunal fédéral au Conseil fédéral comme autorité de recours apportait, par rapport à l'ancien droit, une modification, qui s'est révélée judicieuse. Le tableau XI ci-après, renseigne sur la pratique Tableau XI Pratique du département en matière d'ouvertures et d'agrandissements d'entreprises

de 1952 à 1959

Année

1962 1953 1954

1955 1956 1957 1958 1959 1952-1959

Ouvertures do nouvelles entreprises

Agrandissements

Autorisations accordées

Autorisations accordées

Demandes

493 402 219 130 129 164

132 59 17280)

Nombre d'entreprises

150 88 53 33 36 48 34 20 462

Nombre d'ouvriers

Belua

Demandes

Nombre d'cntreprises

087 369

339 296 162 96 93 115 94 37

276 200 119 148 250 274 122 97

197 HO 91 131 242 268

324 170 186 337 186 267 2426

1232

1

1486t )

Nombre d'ouvriers

Refus

2 847 1 305 860 1242 2 863

51 57 26 17

m

2953 1 062

96

832

8 6 S 1

1276

13964

174

(l) La différence entTM IP nombre des demandée et celui des décisions provient surtout des demandes retirées ou devenues sans objet.

1513 du département en matière de permis au cours des années 1952 à 1959.

Il ressort de ces chiffres que, dans le domaine des ouvertures et des agrandissements (augmentation d'effectifs), le département a été relativement large, tout en restant dans le cadre tracé par le statut.

En ce qui concerne l'ouverture de nouvelles entreprises, on doit, à vrai dire, constater que les deux tiers des demandes ont été refusées. Il ne faudrait toutefois pas en tirer la conclusion que les autorités ont pratiqué une politique restrictive. A la lecture des diverses demandes, on constate d'emblée que, dans de nombreux cas, les requérants ne remplissaient pas les conditions exigées par le statut légal pour obtenir le permis sollicité, même si les dispositions de ce statut étaient interprétées d'une manière très large.

Ainsi, on a pu faire l'expérience, notamment au cours des dernières années, que des personnes de valeur, occupées dans l'industrie horlogère sous contrat de travail, préfèrent garder une situation assurée, par exemple celle de chef de fabrication ou de chef de vente, dans une maison bien introduite, plutôt que de passer dans le terminage, si exposé à la crise, ou de créer leur propre entreprise d'établissage. En ce qui concerne les augmentations d'effectifs, il est indiscutable que, dans son ensemble, la pratique du département a été large.

Le tableau XII ci-uprès renseigne sur la pratique en matière de transformation d'entreprises existantes. A ce propos, il convient de relever que l'arrêté sur le statut légal lui-même contient des dispositions plutôt restrictives, car il était en grande partie fondé sur le principe que chacun doit rester Tableau XII Pratique du département en matière de transformations d'entreprises au coure des années 1952 à 1959 Année

Demandes

1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959

80 98 80

1952-- 1959

59 57 48 66 26

514 (!)

Autorisations accordées

Refus

41 22 23 18 26 30 25 16

39 70 53

201

39 31 17 39

10 298

(!) La différence entre le nombre des demandes reçues et le total des autorisations accordées et refusées provient de nouveau des demandes retirées ou devenues sans objet.

1514

dans sa branche. C'est la raison pour laquelle le nombre des demandes de cette catégorie a été considérablement inférieur à celui des requêtes ayant pour objet l'ouverture d'une nouvelle entreprise ou l'augmentation de l'effectif. Indépendamment de cela, il ne faut pas non plus perdre de vue que la question de la transformation ne se pose la plupart du temps que dans les secteurs où des branches connexes se chevauchent.

Dans cet ordre d'idées, il est intéressant de constater qu'il n'a été fait usage du recours de droit administratif que dans des cas relativement peu nombreux, quoique tous les requérants dont la demande a été écartée ou admise partiellement aient la faculté de s'adresser au Tribunal fédéral.

Au surplus, le fait que 13 recours seulement sur 195 ont été admis, comme il ressort du tableau XIII, prouve que l'autorité compétente pour délivrer les permis a, dans une large mesure, suivi, également de l'avis du Tribunal fédéral, la ligne que le législateur avait eu en vue.

Tableau XIII Recours de droit administratif soumis an Tribunal fédéral de 1952 à 1959 (*) Nombre dea recours Jormés par Année

la chambre dea suisse de requérants l'horlogerie

1952

34

1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959

38 25

19521959

19 18 13 U 9 170

8 4

Recours admis

^

2

2 1

2

3

25

9

4

4 4

Recours devenus sana objet

recours reooura recours recours de de la chambre recours de de la chambre recours de de la chambre requérants suisse de requérants requérants suisse de auisso de l'horlogerie l'horlogerie l'horlogerie

2 1 -- -- -- -- 1

2 --

Décisions du département contìrmóes

-- 2 ,, --

8 26 16 17 16 12 10 4

1

6

1

4 -- -- 1 5 1 1

16

2

8 3 2 4 2

1 --

109

13

49

S

8

.

2 1 1 .--

Si instructives que soient ces indications statistiques, elles ne donnent pas une idée exacte des réelles difficultés qu'il a fallu surmonter en appliquant le régime du permis de fabrication. Ainsi par exemple, il n'a pas toujours été facile de déterminer d'une manière objective, dans les cas particuliers, si les requérants remplissaient les conditions de l'article 4, 1er alinéa, lettre a, du statut légal de l'horlogerie, c'est-à-dire s'ils avaient exercé une activité ( x ) .Four bien comprendre ce tableau, il ne faut pas perdre de vue que le Tribunal fédéral ne statue pas sur tous les recours au cours de l'année même où il en a été saisi.

1515 technique et commerciale suffisante et s'ils justifiaient des connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise. Il s'est révélé encore plus difficile d'apprécier les demandes ayant pour objet des augmentations d'effectif et d'établir à cet égard des lignes directrices internes garantissant une certaine unité dans l'application de ces dispositions. Au cours des premières années, l'autorité partait notamment de l'idée que l'exécution des commandes devait être échelonnée dans le temps, de manière à prévenir, autant que possible, de trop forts écarts dans le degré d'occupation et, partant, des périodes de chômage. Cette manière de voir aboutit à une pratique plutôt restrictive en matière d'augmentation d'effectif. Toutefois, au fur et à mesure que la concurrence étrangère se développait et qu'augmentait le danger d'un déplacement des commandes au-delà des frontières, il fallut assouplir cette pratique.

Du point de vue des objectifs de principe assignés au statut légal de l'horlogerie, le fait que celui-ci ne subordonne pas à un permis la reprise avec l'actif et le passif d'une entreprise existante constitue une lacune très importante dans tout le système.

b. Permis d'exportation Dans ce domaine, le statut légal de l'horlogerie de 1951 s'est borné à subordonner à un permis notamment l'exportation des ébauches et des pièces détachées (à l'exception des boîtes) sans établir cependant les principes d'après lesquels les permis doivent être délivrés et l'ordonnance d'exécution n'a rien précisé non plus à ce sujet; elle s'est contentée de se référer à la réglementation de la convention collective et aux statuts et prescriptions de l'association d'industriels suisses de la montre Roskopf. C'est la chambre suisse de l'horlogerie qui fut chargée de délivrer les autorisations (1), Le département de l'économie publique intervient simplement comme autorité de recours dans des cas d'espèce, sans être toutefois lié par la réglementation de droit privé susmentionnée. (Voir article 1er de l'ordonnance d'exécution.)

Dans ce secteur, il y eut peu de recours. Il apparut cependant que l'autorité compétente pour les trancher se trouve dans une situation très difficile du fait qu'elle est renseignée d'une manière tout à fait insuffisante sur l'application pratique du régime du permis en première instance et,
notamment, sur les critères entrant en ligne de compte, ainsi que sur les modifications qui ont été apportées à ces critères depuis l'entrée en vigueur du statut. Cet inconvénient s'est manifesté d'une façon particulièrement sensible ces derniers temps, principalement en présence des assouplisse(*) La chambre suisse de l'horlogerie qui se trouve en dehors du régime conventionnel est une organisation de faîte de l'ensemble de l'industrie horlogère suisse. Elle a principalement pour but de défendre les intérêts généraux de cette industrie dans ses relations avec les autorités, les autres branches économiques et l'étranger.

1516

ments intervenus dans les dispositions conventionnelles concernant l'importation des pièces détachées.

L'exportation de machines spécifiquement horlogères est réglée d'une manière particulière à l'article 4 de l'ordonnance d'exécution. Ici, également, l'établissement des critères et l'application du régime ont été laissés dans une large mesure entre les mains des intéressés.

4. Examen critique de l'actuel statut légal de l'horlogerie La réglementation de droit privé contenue dans la convention collective a été l'objet de critiques très nettes au cours de ces dernières années. Depuis quelque temps, l'application pratique de la convention collective se heurte également à une série de difficultés, car, vu la politique essentiellement conservatrice de certaines associations, elle ne s'est pas toujours montrée suffisamment souple pour s'adapter à l'évolution, si rapide aujourd'hui, des marchés. Divers fabricants d'horlogerie se sont groupés en vue d'attaquer de l'intérieur le régime conventionnel (Cadhor, Groupe Triebold) f1). Au surplus, de nombreuses entreprises de l'industrie horlogère ont cessé, pratiquement, de tenir les engagements auxquels elles avaient souscrit en matière de fixation de prix, notamment quand, il y a quelque temps, la pression des marchés se fit fortement sentir dans ce domaine.

Toutefois, la réglementation de droit public qui est en vigueur dans l'industrie horlogère est, elle aussi, jugée actuellement sous un autre jour qu'au moment où le statut légal de l'horlogerie a été mis sur pied en 1951.

Cela est dû notamment au fait que, dans l'intervalle, les courants d'idées en matière économique ont évolué. A cette époque, le maintien de la structure traditionnelle de la production et la protection des petites et moyennes entreprises constituaient un objectif important, à côté de la réglementation des exportations, qui était le but principal. Or, dans l'intervalle, les conditions de la concurrence dans l'industrie horlogère ont subi des modifications considérables. C'est pourquoi des voix demandent toujours plus instammant, aussi bien au sein de l'horlogerie qu'en dehors de cette industrie, qu'on adapte d'une manière plus efficace la structure du processus de la production aux conditions nouvelles et qu'on change l'orientation de la politique économique.

La critique de la
réglementation actuelle de droit public et de droit privé dans l'industrie horlogère s'est exprimée d'une manière particulièrement concrète dans un rapport de la commission d'étude des prix du département de l'économie publique, intitulé: «Etude critique des conditions de ( l ) Nous nous référons à ce propos au rapport établi par la commission d'étude F,.-H. Cadhor à l'intention du département de l'économie publique, qui a paru en décembre 1957.

1517 concurrence dans l'industrie horlogère suisse» (1). Cette publication ne se borne pas à une simple description des restrictions apportées à la liberté de concurrence. Son mandat ayant été étendu par le département de l'économie publique en prévision du renouvellement du statut légal de l'horlogerie, elle a examiné simultanément la façon dont le statut légal, et aussi la convention collective, agissent sur l'aptitude de l'industrie horlogère à soutenula concurrence. Partant des principales critiques de la commission d'étude des prix, nous examinerons ci-après, d'une manière plus approfondie, les conditions de concurrence, les questions qui se posent en relation avec l'idée du maintien de la structure de la profession, ainsi que l'évolution qui se manifeste sur les marchés mondiaux.

a. Objections du point de vue de la libre concurrence

Les objections que la commission d'étude des prix soulève à l'égard du statut légal de l'horlogerie du point de vue de la libre concurrence visent en première ligne le régime du permis de fabrication et ses conséquences directes et indirectes. La commission tient pour défendables les tendances qui sont à la base de ce régime et qui avaient comme objectif de prévenir une extension excessive de l'appareil de production et par là tout avilissement des prix. Toutefois, si ce régime a pour conséquence de maintenir pendant une période assez longue la capacité de production au-dessous des possibilités de vente, la rationalisation et l'amélioration de la qualité ne subissent plus la pression de la concurrence. Selon la commission d'étude des prix, tel a été le cas dans l'industrie horlogère suisse pendant une période assez longue. Dans l'intervalle, les industries horlogères étrangères, qui ne connaissent aucun permis de fabrication, ont pu améliorer, parfois très notablement, leur productivité et, par là, leur capacité de concurrence.

D'autre part, l'effet restrictif du régime du permis se manifeste d'une manière beaucoup plus sensible lorsqu'il s'agit de l'ouverture de nouvelles entreprises que lorsqu'il s'agit de l'augmentation de l'effectif dans les entreprises existantes, celles-ci pouvant développer leur capacité de production au moyen de la mécanisation et de l'automatisation, même sans accroître leur personnel. Du reste, l'octroi d'un permis de fabrication sur la base de l'expérience et des connaissances du métier n'offre encore aucune garantie quant à une saine gestion de la nouvelle entreprise.

La commission d'étude des prix critique aussi le permis de fabrication, affirmant qu'il a conféré un monopole de fait aux industries clés qui sont concentrées dans des trusts. Grâce à cette position de force, les accords de droit privé, et notamment la convention collective, ont pu imposer des restrictions à la liberté de concurrence à un point qui finit par diminuer l'aptitude à soutenir la concurrence. La limitation des diverses opérations (!) Publié par le département fédéral de l'économie publique, à Berne, en 1959.

1518 de la production dans le cadre des branches professionnelles traditionnelles qui est indirectement à la base de la convention collective et qui a été reprise par la pratique en matière, de permis -- est particulièrement nocive, car elle fait fréquemment obstacle à une production en grandes séries, plus rationnelle et techniquement plus avancée.

En ce qui concerne le régime du permis d'exportation et la réglementation des importations par le droit privé, qui sont interdépendants, la commission d'étude des prix estime qu'ils présenteraient de sérieux désavantages à côté d'avantages incontestables. Ce système permet, certes, de combattre le chablonnage d'une manière efficace. Toutefois, il n'en est pas moins critiquable, puisque, toujours de l'avis de la commission d'étude des prix, il isole presque complètement de l'étranger certaines fabriques de pièces détachées dont le développement est ainsi retardé par rapport aux établissements dynamiques dans d'autres pays, attendu qu'elles sont soustraites à la pression de la concurrence étrangère et ne sentent pas directement la nécessité de rationaliser leur production.

La constatation selon laquelle l'isolement partiel de l'étranger aurait pour conséquence une rationalisation insuffisante ne s'applique pas à la fabrication des ébauches, mais les avis sont déjà fort divisés en ce qui concerne la fabrication des pièces détachées. Ainsi, par exemple, au sujet de l'industrie de la pierre d'horlogerie, on doit se demander sérieusement si la politique restrictive de la Suisse n'a pas précisément encouragé certains développements fâcheux à l'étranger.

Si les industries horlogères d'autres pays réussissaient, poursuit la commission d'étude des prix, à s'emparer d'une part notable du marché de la montre finie au détriment de l'horlogerie suisse, nos fabricants d'ébauches et de pièces détachées seraient empêchés de s'insérer d'une manière efficace dans cette expansion de l'étranger en qualité de fournisseurs. Us ne pourraient ainsi pas compenser le rétrécissement du débouché en Suisse et l'augmentation des frais de production qui en résulterait.

La commission d'étude des prix arrive à la conclusion que la conception du statut légal de l'horlogerie au sujet du problème de la concurrence est imparfaite, car conjuguée avec les restrictions conventionnelles,
elle limite la concurrence dans sa fonction de régulateur du marché et laisse en grande partie au bon plaisir des organisations professionnelles les autres fonctions exercées d'habitude par la concurrence (régularisation des prix, amélioration de la qualité et de la productivité, etc.). Dans un futur statut horloger, on devrait, autant que possible, renoncer aux mesures qui limitent la liberté de concurrence et insister davantage sur les moyens tendant à augmenter la productivité de l'industrie horlogère suisse (l).

f 1 ) Voir notamment les explications figurant aux pages 77 s. du rapport publié par la commission d'étude des prix.

1519 Nous pouvons nous borner, à propos de ces considérations à relever ici que, lors de la dernière revision de la convention collective, l'industrie horlogère s'est déjà efforcée de tenir compte de diverses exigences imposées par la nécessité de faire face à la concurrence, indépendamment des idées émises par ladite commission.

6. Le problème du maintien de la structure de l'industrie horlogère On ne doit pas oublier que la conception économique sur laquelle repose le statut actuel de l'horlogerie comme aussi le choix des instruments appelés à réaliser cette conception, c'est-à-dire le régime du permis de fabrication et d'exportation, ont été influencés par le souci de conserver et d'assurer la structure de l'appareil de production de cette industrie. Le message du Conseil fédéral du 6 octobre 1950 sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse exprime cette préoccupation très clairement : «L'horlogerie, y lit-on, compte de nombreuses petites entreprises à caractère artisanal; leurs exploitants appartiennent à la classe moyenne, si nécessaire à l'équilibre social et politique du pays.

Ces petites entreprises disséminées dans des villages et bourgades donnent à nombre de personnes la possibilité de gagner leur vie sans devoir quitter la localité. Elles assurent en même temps à la commune une ressource fiscale appréciable. Dans la mesure où l'exploitant possède un modeste train de campagne, sa petite entreprise horlogère lui procure un appoint bienvenu.

Il importe de protéger les moyennes et petites entreprises au même titre que les grandes et de maintenir dans l'horlogerie une certaine décentralisation, peut-être plus facile à réaliser que dans d'autres industries.» (1) Ce n'est pas seulement le régime du permis de fabrication comme tel qui contribue à atteindre le but si clairement défini dans le message de 1950 : conserver la structure de l'industrie horlogère. C'est aussi la délimitation des diverses branches horlogères qu'on appelle compartimentage et qui est consolidée par ce régime. Il convient cependant de relever que la subdivision très poussée de l'industrie horlogère en branches particulières est la conséquence d'une spécialisation qui, à l'époque, était considérée comme rationnelle, et qui, pratiquement, était déjà accomplie lorsque le permis de
fabrication fut institué. Les autorités chargées d'appliquer le régime du permis se sont donc bornées à prendre comme base une situation qui existait déjà et ont consacré cette articulation, conformément à la conception du statut légal de l'horlogerie en ce qui concerne ce point ( a ).

L'idée du maintien de la structure soulève un problème qui, tout en se posant d'une manière très aiguë dans l'horlogerie, dépasse le cadre de cette industrie. Dans diverses branches de l'économie, la conservation de la structure traditionnelle de la production peut sembler souhaitable, pour des (') FF 1050, III, 106.

( a ) Nous renvoyons encore une fois à nos explications sous : 3. a. Permis de fabrication.

1520 motifs d'ordre politique, social et démographique. D'autre part, le développement des forces économiques va plutôt dans la direction opposée, c'est-à-dire qu'il tend à une forte concentration des entreprises. Ces problèmes (qui apparaissent aussi très nettement, quoique sous une autre forme, dans l'agriculture, où ils appellent un certain changement d'orientation de la politique agricole (*), obligeront également l'industrie horlogère à s'écarter d'une manière sensible de sa politique actuelle dans la mesure où elle tend au maintien de la structure.

La commission d'étude des prix arrive ainsi à la conclusion que notre industrie horlogère, notamment à l'échelon des qualités inférieures et moyennes, où, à son avis, l'élément artisanal prédomine, ne pourra pas, à la longue, même au prix des plus grands efforts, faire face à la concurrence des grandes entreprises étrangères sans opérer une certaine concentration.

En tant que la petite industrie se révèle mal armée pour la lutte, il est par conséquent dans l'intérêt du progrès économique et social et du maintien de la branche horlogère en général (considérée comme profession et comme industrie) de ne pas limiter les possibilités de passer au régime des grands établissements ( 2 ). Pour compléter ces considérations de la commission d'étude des prix, il convient de relever que, dans certains pays étrangère, dont l'industrie horlogère a aussi, jusqu'à un certain point, un caractère artisanal, on ne pourra pas non plus éviter à la longue certaines adaptations dans la structure de l'appareil de production.

Ces considérations ne signifient cependant pas que les grandes entreprises soient, par la forme de leur organisation, supérieures aux petites entreprises dans tous les domaines. Les expériences faites dans de nombreux secteurs prouvent qu'à divers égards, on peut consolider efficacement la position des petites entreprises au moyen de mesures d'entraide collectives ou de mesures prises par les entreprises individuellement. Ainsi, dans l'industrie horlogère, il faudrait avant tout envisager une spécialisation intensifiée par une limitation accrue de la production à des séries moins nombreuses ou plus grandes, par des achats en commun d'ébauches et de fournitures et parle développement des organisations de ventes en commun.

Ces mesures laisseront
encore un vaste champ d'activité à l'entraide au sein de l'industrie horlogère. Constatons que le statut légal de l'horlogerie ne met aucun obstacle à l'intensification de telles mesures.

c. Changements survenus sur les marchés mondiaux et efforts tendant à l'intégration économique Le statut légal de l'horlogerie et la convention collective ont créé un régime qui, d'une manière générale, laisse un peu à désirer du point ( x ) Voir le second rapport du Conseil fédéral sur la situation de l'agriculture suisse et la politiquo agricolo do la Confédération, du 29 docuxubr« 1909; FF 1960, I, 205.

( 2 ) Voir à ce propos les explications de la commission d'étude des prix dans son rapport, page 99 s.

1521 de vue de la libre concurrence et qui ne semble pas non plus capable de s'adapter suffisamment aux changements survenus sur les marchés mondiaux.

Il convient cependant de se rappeler, ici aussi, que la concurrence internationale dans le secteur horloger devient de plus en plus menaçante. Immédiatement après la dernière guerre mondiale, notre horlogerie occupait encore une position dominante sur l'ensemble des marchés internationaux, en partie, il est vrai, grâce aux conditions du moment. Dans l'intervalle, on a cependant constaté, sur ces marchés, certains changements qui méritent attention. On note en particulier que divers pays qui, jusqu'ici, couvraient leurs besoins en montres par la voie des importations s'apprêtent à créer leur propre industrie horlogère.

Il convient de signaler aussi que divers Etats entreprennent une vigoureuse offensive pour développer leurs exportations dans le secteur horloger et s'efforcent d'étendre leurs possibilités de vente sur les marchés mondiaux. Il y a la concurrence japonaise, qui joue un rôle particulièrement important et qui jette sur le marché des produits dont la qualité s'améliore constamment. Cette concurrence existait déjà dans une mesure plus modeste avant la dernière guerre mondiale, mais les montres japonaises étaient alors de qualité bien inférieure. Maintenant, les montres russes apparaissent sur une série de marchés. Signalons aussi l'accroissement des exportations de montres en provenance de la République fédérale d'Allemagne et de la France. L'industrie horlogère de l'Allemagne occidentale, qui avait été contrainte de reconstituer son appareil de production et lui a donné le caractère le plus moderne, a réussi à tripler, ou presque, ses exportations au cours des cinq dernières années. Relevons toutefois que ce pays fabrique surtout de la grosse horlogerie, production qui n'occupe pas une grande place dans l'industrie suisse.

On a allégué, ces derniers temps, que la participation de la Suisse au commerce mondial de l'horlogerie est en régression. Cela n'est pas contestable si l'on se fonde sur les estimations relatives à la production mondiale.

Il faut cependant se garder d'accorder trop d'importance à cette constatation. Ce qui est déterminant, c'est l'évolution des chiffres d'exportation effectifs (en nombre de pièces et en valeur). A
cet égard, il convient de relever qu'en 1959 comme en 1960, nos exportations horlogères ont de nouveau augmenté en nombre de pièces et en valeur. Il est, bien entendu, difficile de dire si cette tendance se maintiendra pendant longtemps. Même si cette évolution de nos exportations au cours des derniers temps est plutôt favorable, on commettrait une grave erreur en oubliant que l'industrie horlogère est obligée de tenir beaucoup plus largement compte qu'autrefois de la politique des prix et de vente des industries étrangères. C'est ainsi que la vente des montres ancre bon marché et de qualité moyenne se heurte à des difficultés accrues précisément en raison des prix.

Feuille fédérale. 112e année. Vol. II.

106

1522 Notre industrie horlogère, sous le régime du statut légal et de la convention collective, n'a ressenti que dans une mesure atténuée la pression de la concurrence et ne s'est, par conséquent, pas suffisamment préoccupée de développer sa capacité de concurrence. Pendant ce temps, diverses industries horlogères de l'étranger se sont engagées dans une politique commerciale très dynamique. N'étant pas entravées par un ordre professionnel de droit privé aussi restrictif et n'étant pas non plus soumises à un statut spécial de droit public imposant certaines limites à la liberté de concurrence, ces industries ont, dans divers pays, élevé leur appareil de production à un niveau qui leur a permis, surtout ces dernières années, d'offrir certains articles à des prix plus favorables que l'industrie suisse.

Pour plusieurs de ces pays, la différence des salaires par rapport à la Suisse joue naturellement un rôle appréciable. Cela étant, les fabricants d'horlogerie suisses, liés par des tarifs minimums, ont cherché à faire face aux prix inférieurs de la concurrence étrangère en accordant des ristournes à leur clientèle. Le développement de cette pratique a provoqué un grand malaise dans les milieux horlogers suisses. L'observation des tarifs conventionnels dans les branches annexes en a également été affectée. La F. H. a essayé pendant des années, en partie en recourant à des sanctions draconiennes, de faire disparaître ces abus. Probablement sous la pression des conditions existant sur les marchés internationaux, elle a cependant adopté récemment une nouvelle politique, qui, en relation avec le contrôle de la qualité institué sur une base de droit privé, tend à créer un certain régime de liberté des prix. En même temps, la F. H. a résilié divers tarifs de pièces détachées, de sorte que, dans certaines branches de l'Ubah, il n'y a plus que des tarifs unilatéraux, ou même pas de tarifs du tout. Il est évident que ces modifications dans le domaine des prix ont fait naître de nouvelles difficultés dans l'application de la réglementation conventionnelle.

Il ne faut pas oublier cependant que dans aucun des pays concurrents, l'industrie horlogère n'occupe une place aussi importante que chez nous et n'est autant concentrée dans des régions déterminées. Nulle part ailleurs, elle n'est orientée dans une aussi forte
proportion vers l'exportation et ne dépend à un tel degré des oscillations sur les marchés internationaux. Par souci de précision, nous ajouterons que dans certains pays étrangers, l'industrie horlogère s'est développée fortement en profitant de barrières douanières relativement élevées qui lui ont permis de moderniser très rapidement son appareil de production. Aussi ne saurait-on tirer que des conclusions d'une valeur très relative des comparaisons avec les industries horlogères de l'étranger.

Il y a un certain rapport entre les changements en face desquels se trouve notre industrie horlogère sur les marchés mondiaux et les transformations qu'apportent les efforts déployés en vue de l'intégration économique, plus particulièrement ceux qui tendent à la création de grands marchés européens. L'industrie horlogère suisse ne peut pas se borner à tirer les

1523 conséquences des transformations qui se produisent sur le marché mondial.

Elle doit encore tenir compte des modifications et dee obligations qu'imposé à notre pays une collaboration économique accrue sur le plan international.

L'intégration économique de l'Europe occidentale et surtout l'Association européenne de libre-échange occupent ici la première place. Nous mentionnerons aussi la collaboration économique dans le cadre mondial du GATT, avec lequel comme on sait, la Suisse collabore.

Toutes ces considérations plaident en faveur d'un changement d'orientation de notre horlogerie dans le sens d'une politique plus dynamique.

Si cette industrie réussit à accroître son pouvoir de concurrence en adaptant aux circonstances sa politique d'importation et d'exportation, elle sera en mesure de ne pas se laisser dépasser par le développement qui s'amorce sur les marchés internationaux et elle pourra maintenir sa position malgré les changements de situation. Le renouvellement du statut légal de l'horlogerie doit dès lors tendre surtout à lui faciliter cette adaptation d'une manière efficace.

B

I. Considérations de principe sur le renouvellement du statut légal de l'horlogerie Si l'on considère le passé, on doit constater que les efforts déployés par les organisations horlogères en vue de créer un. ordre professionnel ont, conjugués avec les interventions de la Confédération, contribué à sortir l'industrie horlogère suisse de la crise des années «trente», qui paraissait parfois constituer un danger presque mortel. Ce serait cependant une erreur de vouloir tenir ledit ordre professionnel pour la cause essentielle de l'essor extraordinaire qui se manifeste dans cette industrie, notamment depuis I960. Ce qui est plus vrai, c'est que l'industrie horlogère a bénéficié, comme la plupart des autres branches économiques, de la très bonne marche des affaires en général et de la libéralisation progressive du régime international des échanges et des paiements.

Aujourd'hui, il faut bien reconnaître que la réglementation, tant de droit privé que de droit public, qui régit l'horlogerie porte encore trop l'empreinte des années de crise et qu'elle ne tient pas suffisamment compte des changements qui sont intervenus dans l'intervalle. Cette circonstance a eu pour conséquence, comme on en convient aussi dans les milieux horlogers, d'entraver dans une certaine mesure la capacité de concurrence et de créer un état d'esprit qui est tout sauf favorable à la libre initiative de l'entreprise privée, à laquelle l'économie suisse est redevable d'une part notable de son niveau élevé.

En critiquant le régime actuel, on ne doit toutefois pas non plus exagérer dans l'autre sens. Il serait erroné d'attribuer seulement au statut légal de

1524 l'horlogerie et à la convention collective certaines difficultés auxquelles notre industrie horlogère a eu à faire face, notamment ces dernières années.

Certaines déficiences qui se manifestent de plus en plus, surtout dans le domaine de l'organisation de la vente et de la prospection des marchés, se situent en dehors des véritables possibilités d'intervention de la Confédération. On oublie parfois cette circonstance lorsqu'on discute du statut légal de l'horlogerie. C'est pour cette raison que certains milieux de l'industrie horlogère attendent de ce statut qu'il leur procure une sécurité dans la production et dans son écoulement, et partant aussi dans leur existence, à un degré qu'il ne peut pas offrir et que même une organisation de droit privé ne peut procurer que dans une mesure très limitée.

L'actuel statut légal arrivant à expiration à fin 1961, les autorités responsables ont, très tôt, dû arriver à la conclusion que, vu, d'une part, les nombreuses critiques adressées à la réglementation consacrée par ce statut et, d'autre part, les changements survenus dans la capacité de concurrence de l'industrie horlogère elle-même, on ne saurait plus, par une reconduction pure et simple de l'actuel statut, répondre aux exigences économiques et politiques de l'heure présente. Il fallut même se demander très sérieusement s'il existait encore des motifs impérieux de mettre sur pied un nouveau statut légal ou s'il ne fallait pas s'efforcer d'abroger au moins le régime du permis de fabrication. Ainsi que nous allons cependant le démontrer ci-après d'une manière plus détaillée, même si le régime du permis de fabrication disparaît, on ne sera pas dispensé de l'obligation de maintenir en vigueur le régime du permis d'exportation et de prendre d'autres mesures de droit public en faveur de l'industrie horlogère. De plus, les organisations de l'industrie horlogère ont déclaré, déjà avant l'ouverture de la procédure de consultation proprement dite, qu'en principe, un renouvellement du statut de l'horlogerie, bien entendu avec des modifications, s'imposait.

Les explications qui précèdent ont cependant démontré d'une manière tout à fait nette que les objectifs que poursuit l'actuel statut ne pourraient être repris sans réserves dans le nouveau. Bien au contraire, il sera indispensable de déplacer sensiblement
le centre de gravité lors de la fixation des objectifs. Jusqu'ici, outre la lutte contre le chablonnage, les mesures prises par la Confédération visaient en premier lieu le maintien de la structure du processus de la production. En revanche, c'est la garantie et l'amélioration de la capacité de concurrence de notre industrie horlogère qui devront être considérées comme l'objectif principal lors du renouvellement du statut légal. Cette nouvelle conception doit également contribuer à rappeler à tous les milieux de l'industrie horlogère quelles sont les conditions déterminantes d'un succès économique durable. Ainsi, dans la mesure où l'idée que l'Etat doit protéger les moyennes et petites entreprises et la structure actuelle de la production constitue un obstacle au renforcement de la

1525 capacité de concurrence de notre industrie horlogère, on ne saurait plus garder comme objectif le maintien pur et simple de cette structure. En conséquence, il semble aussi indiqué de démobiliser le régime du permis de fabrication, cet instrument de la politique économique de l'Etat qui jusqu'ici, tendait, en grande partie, à protéger la structure existante.

Au cours des travaux préparatoires entrepris par le département de l'économie publique en vue de renouveler le statut légal de l'horlogerie, trois objectifs se sont notamment dégagés pour la nouvelle législation. Le premier doit consister à orienter l'industrie horlogère vers une consolidation de sa position sur les marchés internationaux et à abandonner les mesures qui ne contribuent pas effectivement au renforcement de sa capacité de concurrence ou qui l'affaiblissent même. C'est dans cet esprit qu'il faut tendre à la suppression du permis de fabrication, qui se justifie d'autant plus que l'introduction envisagée d'un contrôle technique, consacré par des mesures de droit public, dotera l'autorité d'un instrument bien plus propre à stimuler la productivité de l'industrie horlogère suisse. Ce contrôle technique doit, en première ligne, empêcher l'exportation de montres de qualité insuffisante, qui pourraient nuire au bon renom de la montre suisse et affaiblir ainsi la position de notre industrie horlogère. En établissant des exigences minimums de qualité, qui devront aussi avoir une influence sur le niveau de la production, il devra simultanément contribuer à enrayer une extension excessive de l'appareil de production, objectif qu'on a cherché à atteindre dans l'actuel statut, au moyen du permis de fabrication. IL convient tout particulièrement de relever que le contrôle technique est bien plus à même d'assurer cette sélection dans l'industrie horlogère que ledit permis de fabrication, qui ne pouvait déployer ses effets qu'à l'égard des personnes désirant ouvrir une nouvelle entreprise et non pas à l'égard de celles qui étaient déjà, établies.

A cet objectif ayant un caractère surtout positif, s'ajoute un deuxième plutôt restrictif, soit le maintien d'une réglementation des exportations par des dispositions de droit public. Cette mesure, qui tend, en première ligne, à combattre le chablonnage, vise également le maintien de la réputation
de la montre suisse quant à sa qualité et le renforcement de la capacité de concurrence de notre industrie horlogère. L'exportation sera réglée, aussi à l'avenir, au moyen du régime du permis, qui sera donc maintenu dans le nouveau statut.

Finalement, le troisième objectif du nouveau statut consiste à faciliter les adaptations qu'exigent le maintien et le développement de la capacité de concurrence de l'industrie horlogère suisse et d'amener ainsi par étapes, c'est-à-dire en évitant des transformations trop brusques, cette branche économique à une liberté de concurrence complète. Ce troisième objet doit être atteint principalement par l'institution d'un régime de transition, permettant de démobiliser progressivement le régime du pcrmia do fabri cation.

1526

H. Les travaux préparatoires en vue du renouvellement du statut légal de l'horlogerie 1. Les pourparlers avec l'industrie liorlogère Les travaux préparatoires en vue du renouvellement du statut légal de l'horlogerie ont été entrepris au début de 1958. Le département de l'économie publique avait eu tout d'abord l'intention d'instituer spécialement à cet effet une commission d'experts chargée d'élucider les problèmes soulevés par le renouvellement du statut légal. Au cours d'une séance convoquée en février 1958, sous la présidence du conseiller fédéral Holenstein, qui était alors chef du département de l'économie publique, les représentants des principales organisations de l'industrie horlogère exprimèrent le voeu de pouvoir se faire d'abord eux-mêmes une opinion sur les questions auxquelles il s'agissait de répondre. Par la suite, les organisations de faîte constituèrent un groupe interne de travail sous la présidence de M. S. de Coulon, député au Conseil des Etats, en sa qualité de directeur général d'Ebauches S. A. Toutefois, les organisations horlogères ne réussirent pas à donner à l'intention du département de l'économie publique une réponse concluante aux questions que posait le renouvellement du statut légal. Comme elles insistaient pour que les problèmes fussent d'abord étudiés dans leurs milieux, le département de l'économie publique leur suggéra de compléter leur groupe interne de travail par des experts choisis en dehors de l'horlogerie. Vu les profondes divergences de vues existant au sein de l'industrie horlogère, le groupe de travail élargi ne fut pas non plus en mesure de soumettre, dans un délai utile, au département une réponse pouvant servir à la suite des travaux.

Dans ces conditions, le département de l'économie publique se vit contraint, en 1959, de prendre lui-même en main les travaux préparatoires.

H avait déjà entrepris certaines études préalables en 1958, en confiant à la commission d'étude des prix le mandat spécial dont il a déjà été fait mention, et qui consistait à examiner, sur la base des expériences acquises au cours de l'enquête sur les cartels, la répercussion du statut légal de l'horlogerie et des accords de droit privé sur la liberté de concurrence de l'industrie horlogère. Par une circulaire du 31 juillet 1959, ledit département communiqua aux organisations
horlogères un questionnaire détaillé portant sur les principaux problèmes que soulevait le renouvellement du statut légal. Les réponses, parvenues en octobre 1959, révélèrent de nouveau des divergences de vues considérables sur certains points. Au cours des mois de novembre et de décembre de la même année, eurent lieu une première série de séances avec les organisations horlogères. Elles furent consacrées à une discussion approfondie des réponses reçues et, simultanément, à un examen de diverses questions restées en suspens.

Se fondant sur ces entretiens, les services du département de 1'euoiiomie publique établirent un permier avant-projet de nouveau statut légal qui,

1527

sans lier ledit département, devait servir de base aux discussions qui se déroulèrent au cours d'une deuxième série de séances avec les organisations horlogères de fin janvier au début de mars 1960. Ensuite, l'avant-projet fut remanié, puis discuté encore une fois le 5 avril 1960 au cours d'une dernière séance à laquelle étaient représentées toutes les organisations importantes de l'industrie horlogère. Ce fut le secrétariat général du département de l'économie publique qui, dans l'administration fédérale, fut chargé de ces travaux préparatoires, ainsi que de ceux qui suivirent. A cet effet, il fit appel, à titre d'experts permanents, à M, Walter Müller, professeur à l'université de Berne, et à M. Hugo Allemann, secrétaire de la commission d'étude des pris.

2. L'avant-projet du nouveau statut légal de l'horlogerie et les réponses des cantons et dos groupements économiques consultés a. L'avant-projet du département de l'économie publique de mai 1960 A la suite de l'échange de vues avec les organisations de l'industrie horlogère qui eut lieu le 5 avril 1960, l'avant-projet a subi encore une mise au point. Simultanément, le secrétariat général du département de l'économie publique élabora, en vue de la consultation des cantons et dea groupements économiques, un rapport introductif commentant les diverses questions que soulève le renouvellement du statut légal. Par circulaire du 27 mai 1960, le département de l'économie publique soumit l'avant-projet et le commentaire aux gouvernements cantonaux et aux groupements économiques intéressés, conformément à l'article 32 de la constitution.

La circulaire relevait qu'à maints égards, l'avant-projet s'écartait notablement de la réglementation de droit public jusqu'ici en vigueur dans l'industrie horlogère et qu'il s'était produit un déplacement sensible dans l'importance des objectifs que la politique économique doit poursuivre.

En conformité avec les «considérations de principe sur le renouvellement du statut légal de l'horlogerie», l'avant-projet prévoyait l'abrogation du régime du permis de fabrication et l'instauration, pour une durée de cinq ans, d'un régime de transition, déjà fortement assoupli, en vue de faciliter les adaptations devenues nécessaires dans l'industrie horlogère. Le régime du permis d'exportation que consacre l'actuel statut légal
fut conservé, mais avec divers changements. A cela s'ajoutait l'innovation sans doute la plus importante -- concordant dans une large mesure avec les voeux de l'industrie horlogère -- c'est-à-dire l'institution d'un contrôle officiel en vue de garantir une qualité minimum aux produits de l'industrie horlogère suisse. Une autre innovation importante se trouvait dans un article aux termes duquel le Conseil fédéral devait obtenir une nouvelle attribution, celle d'établir des règles pour le calcul des prix, en vue de pouvoir lutter d'une manière efficace contre la soua-cnchore que certains milieux de l'industrie hnrlogère craignaient de voir apparaître, comme conséquence des mesures de libéralisation. Un

1528 autre article nouveau prévoyait, pour la durée du régime de transition, l'adoption de mesures de protection contre les boycotts et autres actes discriminatoires injustifiés de la part des organisations horlogères.

En plus de cette réglementation figurant dans l'avant-projet, la circulaire mettait encore en discussion une disposition permettant de donner force obligatoire pour les dissidents à des mesures d'entraide prises dans l'intérêt de l'industrie horlogère. Elle exposait, à ce propos, qu'en raison de certaines objections d'ordre constitutionnel, dont il s'agissait auparavant de tirer au clair le bien-fondé, une telle disposition n'avait pas encore été insérée dans l'avant-projet, mais qu'on attachait Une grande importance à connaître l'avis des intéressés sur le fond de la question. Enfin, la circulaire précisait la portée de diverses dispositions de l'avant-projet et posait la question de la durée de la validité du nouveau statut légal.

b. Les principaux avis exprimés dans les réponses des cantons et des groupements économiques consultés Le point de vue des cantons On peut d'abord distinguer un groupe de canton R qui ont renoncé à se prononcer ou ont déclaré approuver l'avant-projet, sans motiver d'une façon particulière leur façon de voir. Il s'agit là essentiellement de cantons n'ayant aucune industrie horlogère sur leur territoire et qui, par conséquent, pour des raisons faciles à comprendre, ne sont pas directement intéressés aux problèmes que pose le renouvellement du statut légal.

A ces cantons s'oppose le groupe des cantons où l'industrie horlogère joue un rôle important. Dans leur ensemble, ils adoptent une attitude positive à l'égard du projet et du déplacement du centre de gravité dans la politique économique aiiquel il tend. Le Conseil exécutif du canton de Berne approuve, en principe, le but exposé dans le rapport introductif de l'avantprojet et qui consiste à doter l'industrie horlogère d'un, régime libéral. Le gouvernement du canton de Soleure adopte la même attitude et attribue plus particulièrement une grande valeur à l'institution d'un contrôle technique. Baie-Campagne serait, pour sa part, favorable à la renonciation à tout nouveau statut légal; entre autres motifs, il fait valoir certaines objections d'ordre constitutionnel ; pour des raisons d'ordre politique et
pratique, il estime toutefois qu'un tel changement serait prématuré. Le Conseil d'Etat du canton de Vaud se prononce aussi en faveur d'une libéralisation marquée dans le domaine de l'industrie horlogère ; il en est de même pour le canton de Genève. En revanche, le Conseil d'Etat neuchâtelois est plus réservé. Selon lui, il faut examiner soigneusement chaque pas conduisant vers une plus grande liberté dans le cadre de l'industrie horlogère ; il lui semble particulièrement inopportun que le droit public cesse de consacrer la situation spéciale de l'ASUAG comme le prévoit le projet.

1529 Finalement, dans le groupe des cantons qui ne possèdent pas d'industrie horlogère, mais qui se sont quand même prononcés de façon détaillée au sujet du renouvellement du statut légal, il convient de relever encore le point de vue de Zurich et de Baie-Ville. Le Conseil d'Etat du canton de Zurich se rallie, en principe, à la conception de l'avant-projet; en dépit de la nouvelle orientation de la politique économique à laquelle celui-ci tend, il ne peut cependant s'empêcher de trouver que ledit avant-projet est encore trop inspiré de considérations qui ont leur origine dans les crises du passé.

Le gouvernement du canton de Baie-Ville estime, en revanche, qu'on ne peut approuver la réglementation prévue dans l'avant-projet que si celuici ne répond pas à l'intention d'abandonner entièrement l'industrie horlogère à elle-même après le 31 décembre 1971.

Le point de vue des groupements économiques intéressés Les vues exprimées par les groupements économiques sont naturellement assez divergentes. On constate cependant qu'il y a plus d'unité dans l'appréciation que portent les organisations de faîte sur les principales questions soulevées par le renouvellement du statut légal que dans celles qui sont exprimées par les organisations directement intéressées de l'industrie hurlugère.

En ce qui concerne le point de vue des associations de faîte, relevons que le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie approuve la conception qui est à la base de l'avant-projet. Il prend la défense de ce qu'a fait l'industrie horlogère contre les critiques parfois exagérées qu'on entend au cours des discussions actuelles. Il se prononce d'une manière très nette notamment en faveur du maintien du permis d'exportation et en.

faveur de la lutte contre le chablonnage. Le directoire déclare, en principe, approuver l'abolition du régime du permis de fabrication, mais il estime nécessaire que l'ASUAG conserve sa situation spéciale et qu'en conséquence, le régime du permis soit maintenu pour la production d'ébauches et de parties réglantes dans les entreprises spécialisées pendant toute la durée du nouveau statut légal. L'union suisse des arts et métiers approuve également la tendance nouvelle que reflète l'avant-projet en ce qui concerne la réglementation de droit public dans l'industrie horlogère; elle relève
cependant que l'évolution dans la direction de la grande entreprise et le mouvement de concentration mentionnés dans le commentaire ne doivent pas être acceptés par le législateur comme un simple fait acquis. L'union suisse des paysans a de la compréhension pour le désir de l'industrie horlogère d'être protégée et se déclare favorable à l'avant-projet, tandis que l'association suisse des banquiers, bien qu'en principe favorable à une certaine protection de droit public, est surtout opposée à un contrôle officiel de la qualité, et n'admet pas non plus que les pouvoirs publics obtiennent la compétence d'édicter des normea pour le calcul des prix. Cette disposition se heurte également à l'opposition du directoire de l'union suisse du com-

1530 mercé et de l'industrie, de l'union suisse des arts et métiers et de l'union suisse des paysans, alors que l'union syndicale suisse trouve la réglementation prévue trop peu efficace. Pour le surplus, ladite union syndicale accepte également l'avant-projet dans ses grandes lignes, tout en estimant qu'il fait des concessions excessives aux partisans de la «libéralisation».

Ainsi que les entretiens directs précités l'ont déjà fait apparaître, les divergences de vues au sein des organisations horlogères se manifestent d'une façon beaucoup plus forte. Si l'on fait abstraction de certains désirs particuliers, la F. H. approuve dans l'ensemble l'avant-projet et les objectifs qu'il poursuit, cela d'autant plus que, selon elle, on ne saurait contester que le régime en vigueur ait abouti à une certaine sclérose. L'Ubah aurait préféré la reconduction pure et simple de l'actuel régime du permis de fabrication, mais elle reconnaît que, du point de vue politique, ce désir n'est guère réalisable. Il n'en est, dès lors, que plus nécessaire de prévoir pour le régime de transition une durée de cinq ans au moins. Ebauches S. A.

et l'ASUAG critiquent ouvertement le projet, parce qu'il tend à supprimer la situation spéciale réservée jusqu'ici à la fabrication des ébauches et des parties réglantes. D'autre part, à une majorité d'occasion il est vrai, l'association d'industriels suisses de la montre Roskopf s'est prononcée contre le principe du renouvellement du statut légal, cependant que la chambre suisse de l'horlogerie se déclare en faveur de l'accroissement de la capacité de concurrence de l'industrie horlogère, à la condition qu'une telle politique ne prive pas les organisations horlogères de toute possibilité d'agir avec une efficacité raisonnable.

3. Conclusions résultant des réponses à la consultation Des réponses qu'il a reçues, le département de l'économie publique tire la conclusion que la voie où il s'était engagé est approuvée par la forte majorité des cantons et des groupements consultés. Les nombreux commentaires que la presse a consacrés à l'avant-projet ont, dans leur ensemble, aussi fait un accueil favorable aux nouvelles tendances qui se manifestent dans le droit public. Dans ces circonstances, il a été possible, lors de l'élaboration du projet définitif, de se limiter à un nouvel examen de
quelques questions demeurées ouvertes et, dans la mesure où c'était objectivement justifié, à prendre en considération les voeux et suggestions contenus dans les réponses.

La disposition relative à l'institution d'un contrôle de droit public destiné à assurer à nos produits horlogers une qualité minimum n'a appelé aucune modification fondamentale ; le principe du maintien de la réglementation de l'exportation ne paraissait pas non plus combattu. Vu l'opposition presque générale, l'idée d'un article sur l'établissement de normes de droit public pour le calcul des prix a été en revanche abandonnée, et cela d'au-

1531 tant plus aisément que les autorités durent se rendre compte des nombreuses difficultés auxquelles l'application d'une telle disposition aurait pu se heurter.

D'autre part, la disposition, mise en discussion par la circulaire de mai 1960, relative à l'extension aux dissidents de mesures d'entraide répondant à l'intérêt de l'industrie horlogère a été insérée dans le projet, mais seulement en ce qui concerne certaines contributions de solidarité. Pendant les discussions préparatoires, il avait souvent été question d'un article spécial à consacrer aux conséquences sociales que pourraient avoir les transformations techniques et de structure dans l'industrie horlogère. On pensait à certaines contributions des patrons ou de leurs organisations en vue de faciliter la réadaptation ou le reclassement d'ouvriers ayant perdu leur emploi. Indépendamment des objections d'ordre constitutionnel, l'opinion prévalut que ce problème devrait trouver une solution dans un accord de droit privé conclu entre les organisations directement intéressées. Dans l'intervalle, les pourparlers à ce sujet ont abouti à une entente. Pour ce motif déjà, il convient de renoncer à une réglementation de droit public.

La durée du régime de transition a été limitée à quatre ans pour tenir compte de diverses propositions dans ce sens faites au cours de la procédure de consultation. Nous avons ajourné d'une année la faculté prévue pour les termineurs, dans le projet de mai 1960, de passer à la fabrication par voie d'établissage sans autorisation spéciale, dès l'entrée en vigueur du régime de transition. Nous avons voulu ainsi tenir compte, au moins partiellement, des graves objections formulées par les établisseurs. La question de savoir s'il fallait conserver à l'ASUAG sa situation privilégiée constitua, à proprement parler, la pièce de résistance. Contrairement aux voeux exprimés par l'industrie horlogère sur ce point -- même la F. H. s'était prononcée pour le maintien du régime du permis de fabrication dans le domaine des ébauches et des parties réglantes -- la libéralisation, qui constitue l'objectif principal de l'avant-projet, fut en définitive admise aussi dans ce secteur comme étant la solution juste. Les motifs de cette décision sont exposés d'une manière détaillée dans le chapitre suivant (l).

Les principes auxquels répond
la structure du projet qui a été définitivement mis au point pour être discuté aux chambres seront exposés d'une manière détaillée dans le chapitre ci-après ( 2 ). Le chapitre suivant, qui est le dernier, traitera de la constitutionnalité du projet et commentera les diiférents articles (3).

(1) Cf. chapitre III, 3 c : Les motifs de la suppression de la situation spéciale réservée à l'ASUAG par le droit public.

( a ) Cf. chapitre III: Les principales dispositions du projet du nouveau statut légal de l'horlogerie.

( s ) Cf. chapitre IV: Commentaire du préambule et des articles de l'arrêté fédéral.

1532 III. Lee principales dispositions du projet d'arrêté sur le nouveau statut légal de l'horlogerie

1. L'instauration d'un contrôle technique L'instauration d'un contrôle technique consacré par le droit public constitue sans doute une innovation importante dans la politique économique de notre pays. Si l'on veut justifier le principe d'un tel contrôle, il faut bien se mettre dans l'esprit que l'industrie horlogère suisse ne peut, à la longue, maintenir sa situation spéciale sur les marchés internationaux que si sa réputation n'est pas compromise par la vente de montres de qualité insuffisante. En effet, il y a toujours lieu de craindre que, pour répondre à la pression exercée sur les prix, pour réaliser des profits immédiats, ou enfin en raison d'insuffisances techniques ou commerciales de leur appareil de production ou de vente, certains industriels ne négligent la qualité de leurs produits et nuisent ainsi, à longue échéance, au «goodwill» dont bénéficie la montre suisse.

Quelques-uns des principaux critères de la qualité d'une montre, soit la régularité et la durée de la marche, échappent pratiquement à tout contrôle de la part de l'acheteur au moment de l'acquisition. Us ne peuvent être vérifiés qu'après un usage d'une certaine durée. L'appréciation de la qualité d'une montre au moment de l'achat est donc, dans une large mesure, une affaire de confiance. Si la montre est anonyme, il ne s'agit plus de confiance en un producteur déterminé, mais dans l'origine suisse de la montre. L'acheteur se trouvant presque toujours à l'étranger, il y a ainsi un intérêt majeur à ce que la confiance dans le niveau de la qualité de la montre suisse ne soit pas ébranlée sur les marchés internationaux. Dans son rapport, la commission d'étude des prix arrive aussi à la conclusion que, vu la situation particulière de l'industrie horlogère suisse, une qualité minimum devrait être assurée au moyen 'd'un contrôle de droit public (1), À ce propos, il ne faut pas perdre de vue que la production dans l'industrie horlogère s'effectue dans un très grand nombre d'entreprises qui n'offrent pas toutes la même garantie d'une exécution soignée. L'institution d'un contrôle technique se justifie également si l'on considère que la montre anonyme représente une part considérable de l'ensemble de la production et qu'une partie importante de cette production est assurée par des établissent qui, ne disposant pas pratiquement d'une
organisation de vente à eux, doivent recourir dans une large mesure à des intermédiaires anonymes.

Si le maintien du «goodwill» de la montre suisse joue un rôle aussi déterminant, le contrôle technique ne peut cependant atteindre vraiment son but que s'il est assis et appliqué sur une base légale. A défaut d'une obligation CL) Cf. les explications dans le rapport publié par la commission d'étude des pris page 94.

1533 légale, on n'aurait pas la garantie que tous les milieux de l'horlogerie satisferaient dans une mesure suffisante aux exigences imposées. Il est vrai que la fixation de critères minimums de qualité constitue, précisément pour le législateur, une tâche particulièrement délicate, cela d'autant plus que, dans ce domaine, c'est l'aspect technique et commercial qui prédomine. Tout d'abord, il faut partir du principe que ces critères ne sauraient porter que sur des valeurs mesurables d'ordre technique, de manière à éliminer d'emblée l'influence de toute appréciation subjective fondée sur des éléments d'apparence et de goût. Le problème deviendra plus difficile lorsqu'il s'agira d'établir ces critères minimums. Le contrôle technique ne devra jamais avoir pour conséquence un déplacement de la situation «concurrentielle» de certains genres de montres ou de certaines branches de fabrication à l'intérieur de l'industrie horlogère. H devra à tout prix assurer le respect de la neutralité dans la compétition; c'est pourquoi le projet de statut prévoit une solution permettant de fixer, lorsque c'est nécessaire, les critères de la qualité minimums, différents d'un genre de montre à l'autre.

D'autre part, ces critères doivent être fixés d'une manière assez souple pour pouvoir être adaptés aux changements continuels dans le domaine technique.

Or, le contrôle technique ne doit pas avoir seulement cet aspect sous l'angle de la concurrence interne; pour l'industrie dans son ensemble, il sera sans doute encore plus important à la longue qu'il amène certaines entreprises ne travaillant pas dans des conditions rationnelles, à adapter leurs méthodes de fabrication pour améliorer leur production, si elles ne veulent pas être éliminées. Le contrôle technique qui est également appelé à se substituer, en quelque sorte, à l'actuel régime du permis de fabrication, doit dès lors contribuer d'une manière efficace au renforcement de la capacité de concurrence de l'ensemble de l'industrie horlogère suisse.

Afin de prévenir des malentendus, nous tenons à relever, en conclusion, qu'il ne saurait jamais être question d'utiliser ce nouvel instrument légal, par exemple pour éliminer du marché les montres de prix inférieurs. En effet, le contrôle technique ne pourra pas non plus négliger le fait que, sur certains marchés, on ne
peut prendre pied ou s'y maintenir qu'à l'aide de produits appartenant à ces catégories de prix inférieurs. Il appartiendra, comme jusqu'ici, aux organisations horlogères intéressées, le cas échéant aux industriels eux-mêmes, de décider si, du point de vue commercial, notre industrie horlogère doit s'orienter davantage vers la fabrication des montres de marque de haute qualité, ou si elle doit continuer à produire également des articles d'autres catégories. La réponse à cette question ne relève pas des pouvoirs publics. Le contrôle technique a donc seulement pour but d'éliminer de l'exportation les produits qui pourraient, à la longue, nuire au bon renom de la montre suisse, au détriment de notre industrie horlogère dans son ensemble.

1534 2. Lo maintien du régime du permis d'exportation La lutte contre le chablonnage a été, dès le début, un des mobiles déterminants de l'intervention de la Confédération en. faveur de l'industrie horlogère. Aujourd'hui encore, cet objectif n'a pas perdu son actualité; si l'on renonçait à toute réglementation de l'exportation par les pouvoirs publics, on s'exposerait au très grand danger de voir, tout au moins à la longue, notre industrie horlogère -- à l'exception de la production de montres de marque de haute qualité -- tomber au rang d'un simple fournisseur d'ébauches et de pièces détachées aux fabricants de montres finies à l'étranger.

Cela aurait pour conséquence un recul sensible de l'occupation dans l'assemblage des montres finies, opération où la main-d'oeuvre joue un rôle prépondérant. L'industrie horlogère suisse continue d'avoir sur l'étranger une avance technique dans la fabrication des ébauches et de beaucoup de pièces détachées. D'autre part, c'est précisément l'exportation de telles ébauches et pièces détachées qui affaiblit la position de la fabrication suisse des montres finies, car au moyen de ces articles on peut, sans trop de difficultés, créer et développer à l'étranger de nouveaux centres de production. C'est du reste cette circonstance qui confère à l'industrie horlogère une situation particulière par rapport aux autres industries. A ce prupos, il faut relever que, sur certains marchés étrangers, le jeu de la libre concurrence est systématiquement faussé, au détriment de notre industrie des montres finies, par un échelonnement très différencié des droits de douane et des attributions de devises, suivant qu'il s'agit de montres finies, d'une part, ou d'ébauches et de pièces détachées, d'autre part. La réglementation des exportations doit dès lors avoir, aussi dans le nouveau statut, pour but de s'opposer, autant que possible, à ce que l'assemblage des montres soit transplanté au-delà des frontières et d'empêcher les producteurs étrangers de profiter du «goodwill» de la montre suisse au préjudice de nos propres fabricants.

Toutefois, un changement s'impose en ce qui concerne la réglementation et l'application du régime du permis d'exportation. Le but d'une réglementation légale de l'exportation ne peut consister à se mettre au service d'un protectionnisme à caractère
exclusivement restrictif devant assurer à notre industrie horlogère, en quelque sorte, une position défensive. Le dynamisme qu'on remarque dans le développement de l'économie mondiale exige que notre industrie horlogère fasse, précisément sous ce rapport, preuve d'une notable capacité d'adaptation. On ne lui faciliterait certainement pas cette adaptation en renonçant à toute réglementation légale de l'exportation. Le permis d'exportation doit au contraire être conservé comme un instrument propre à prévenir une évolution indésirable, tout en permettant à des fabricants de montres étrangers d'obtenir des ébauches et pièces détachées suisses de haute qualité dans certains cas où cela paraît judicieux. En effet, la fabrication suisse des ébauches et pièces détachées

1535 approvisionne depuis longtemps déjà toute une série de clients traditionnels à l'étranger; pour les ébauches, il s'agit surtout de clients en France et dans la République fédérale d'Allemagne; pour les pièces détachées, ce sont, en plus de ces deux pays, notamment la Grande-Bretagne et, en partie, les Etats-Unis d'Amérique qui entrent en ligne de compte.

Lorsqu'il s'agira de régler ce régime d'une manière détaillée dans l'ordonnance d'exécution et notamment de l'appliquer dans la pratique, il sera enfin très important de savoir si l'on arrive à trouver un commun dénominateur pour les intérêts en partie opposés de l'industrie de la montre finie d'une part, et de la fabrication d'ébauches et de diverses pièces détachées d'autre part. Il appartiendra en première ligne à l'industrie horlogère ellemême d'assurer cet équilibre pendant une longue période. Ce sera d'autant plus nécessaire qu'il ne saurait être question pour la Confédération d'intervenir dans le domaine des importations. Il faut admettre qu'en mettant sur pied une entente à ce sujet, on pensera principalement à la capacité de concurrence de notre industrie horlogère. Ainsi, il est bien possible que l'abandon de notre actuelle politique restrictive en matière d'exportation en ce qui concerne certaines pièces détachées réponde aux intérêts de notre industrie horlogère. La circonetance que, grâce à la production d'ébauchea et de pièces détachées en plus grandes séries, on arriverait à diminuer le prix de revient de ces articles, ce qui aurait également une influence favorable sur les prix des montres finies, peut aussi constituer un motif en faveur d'un tel changement. L'importance de cet état d'équilibre sera d'autant plus grande à l'avenir qu'à la fin du régime de transition, l'industrie des ébauches et des pièces détachées aura perdu la protection que lui procure le permis de fabrication et n'aura dès lors plus de garantie quant à la possibilité de conserver durablement le marché intérieur que lui assure dans une large mesure la réciprocité syndicale. Il appartient à l'industrie de la montre finie, dont les intérêts doivent en première ligne être protégés par le maintien du régime du permis d'exportation, de faciliter la mise sur pied d'un ordre tenant équitablement compte de tous les intérêts. Ainsi qu'il a déjà été relevé, la solution
de ce problème aura une influence déterminante sur la réglementation des exportations et sur son application.

Sous l'empire du nouveau statut légal de l'horlogerie, il s'agira de faire de la réglementation des exportations un instrument permettant de continuer la lutte contre le chablonnage et d'assurer l'accès aux marchés mondiaux à la montre finie qui constitue de loin le produit le plus important de l'industrie horlogère suisse. Mais cette réglementation devra également servir, dans une mesure accrue, à rendre les relations commerciales aussi normales que possible, conformément aux tendances qui se manifestent sur le plan international. Une condition importante de ce régime est l'institution envisagée d'un contrôle technique qui doit permettre de veiller à ce que des pièces détachées suisses de haute qualité ne parviennent pas dans

1536 les mains de fabricants étrangers n'offrant aucune garantie quant à une terminaison soignée des montres finies et pouvant dès lors porter préjudice au «goodwill» de la montre suisse.

Une réglementation des exportations, comprise dans un cadre aussi élargi, permettra d'assouplir le régime actuel partout où l'imposent les changements survenus sur les marchés internationaux au cours des dernières années et décennies. De cette manière, il devra être possible d'établir un équilibre entre la protection des intérêts nationaux et l'obligation qui nous est imposée sur le plan international de libéraliser notre politique commerciale.

3. L'abolition du régime du permis de fabrication et l'institution d'un régime de transition a. L'abolition du régime du permis de fabrication On ne saurait contester que la consécration par le droit public d'un régime de permis de fabrication constitue une mesure d'économie politique qui limite très fortement la liberté du commerce et de l'industrie. Une atteinte si profonde à la liberté individuelle ne se justifie que si l'on peut prouver qu'à défaut d'une telle mesure, la branche économique dont il s'agit serait vraiment menacée dans son existence. Lors de l'élaboration de l'actuel statut légal de l'horlogerie au cours des années 1950/1951, on a estimé que tel était le cas en se fondant sur les expériences faites lors de la crise des années «trente» et sur la situation du moment. Aujourd'hui, il faut toutefois également prendre en considération les expériences faites depuis 1952, ainsi que les exigences d'une situation de base qui, notamment dans le domaine économique, a considérablement changé depuis les années «trente » et le lendemain de la guerre.

En cherchant à empêcher une extension excessive de l'appareil de production au moyen du régime du permis de fabrication, on entendait également prévenir une pression économique indésirable sur les prix, et partant, sur la qualité des produits de notre industrie horlogère. Les expériences de ces dernières années ont cependant démontré qu'en dépit de ce régime, une telle pression sur les prix et la qualité n'a pas pu être empêchée et qu'elle a pris parfois un très grand développement. On ne saurait vraiment reprocher audit régime de n'avoir pas pu parer à de tels inconvénients. D'une part, il ne peut obtenir que dans une
mesure très limitée une sélection dans le patronat horloger, car tous les chefs d'entreprises déjà établis échappent presque totalement à son action. Le contrôle de l'augmentation du nombre des ouvriers dans l'industrie horlogère, auquel le régime du permis de fabrication, doit contribuer, est d'ailleurs devenu en partie illusoire, car les nouvelles possibilités de rationalisation, et en particulier l'automatisation, permettent d'accroître la production dans une mesure considérable sans qu'il faille pour cela augmenter le nombre des ouvriers.

1537 Ce n'est donc pas sans raison que diverses organisations de l'industrie horlogère proposent, depuis un certain temps déjà, de supprimer le régime du permis pour les augmentations d'effectifs. En effet, ce régime ne permet plus d'atteindre le but qu'il vise, de sorte que la restriction qu'il comporte ne se justifie plus. Toutefois, dès l'instant où le contrôle de l'extension de l'appareil de production des entreprises existantes devient illusoire, ne serait-ce que partiellement, et à plus forte raison s'il est aboli purement et simplement, le bien-fondé du régime du permis pour l'ouverture de nouveaux ateliers devient problématique. Il serait, en effet, difficile de défendre, pour des raisons de fond et des raisons politiques, une restriction, voire une interdiction complète de l'ouverture de nouvelles entreprises sous prétexte de vouloir prévenir une extension dangereuse de l'appareil de production, alors que les entreprises existantes auraient toute liberté pour développer leur exploitation.

Finalement, le régime du permis de fabrication n'a pas seulement déçu certains espoirs placés en lui, mais il faut relever, au contraire, qu'en général, il a aussi eu pour effet une certaine atténuation de la pression que la concurrence doit exercer, de sorte que notre horlogerie ne vouait plus une attention, suffisante à. l'amélioration constante de sa productivité. Le régime du permis de fabrication de l'actuel statut légal a contribué à créer l'état d'esprit de certains milieux horlogers qui veulent avant tout maintenir la structure actuelle du processus de la production; or, cette tendance ne tient pas compte des exigences de l'avenir. Toutes ces circonstances appellent impérieusement ime solution qui tend, tout au moins au stade final, à une réglementation sans permis de fabrication.

b. La création d'un régime de transition Ainsi qu'il ressort des réponses à la consultation, il existe dans l'horlogerie des milieux qui, tout compte fait, préféreraient garder intégralement le régime du permis de fabrication, alors que dans d'autres milieux, on rencontre une opinion diamétralement opposée selon laquelle ce régime devrait déjà être supprimé dans sa totalité au 1er janvier 1962. Or, nous avons déjà exposé plus haut qu'il faut à l'industrie horlogère un ordre tendant en définitive à l'abolition totale
du régime du permis de fabrication. Pour diverses raisons, il semble cependant que la suppression immédiate et complète de ce régime constituerait une mesure trop risquée de politique économique.

Comme l'Etat porte en grande partie la responsabilité du régime actuel, il doit, au surplus, assumer une certaine part de responsabilité lorsqu'il s'agit de ramener dans l'industrie horlogère plus de liberté sans qu'il en résulte des perturbations économiques pouvant menacer une amélioration de la capacité de concurrence. C'est à cela que doit servir l'institution d'un régime de transition.

Feuille fédérale. 112« année. Vol, II.

107

1538 II ne faut pas oublier que, depuis plus de 26 ans, l'industrie horlogère vit sous un régime assez rigide qui repose, en partie, sur une base de droit privé et, en partie, sur une base de droit public. Cette réglementation a abouti à la conservation d'une structure déterminée du processus de la production, et, comme cela a été relevé à plusieurs reprises, à une atténuation de la pression que la concurrence exerce sous un régime de liberté.

Le démantèlement du régime du permis de fabrication aura certainement une influence sur cette structure et, ce qui est voulu, sur la pression exercée par la concurrence. L'industrie horlogère devra procéder à certains remaniements et adaptations, désirables dans l'intérêt de l'augmentation de la capacité de concurrence, mais nécessitant un certain temps pour être réalisés. Il est essentiel que, d'une part, le démantèlement du régime du permis de fabrication commence réellement le 1er janvier 1962 et que la décision ne soit pas simplement renvoyée d'un certain nombre d'années. Ce processus doit être échelonné, c'est-à-dire réalisé par étapes, mais de telle manière qu'on soit, dès le début, tout à fait au clair en ce qui concerne ces diverses étapes et notamment la date à laquelle le régime en cause disparaîtra complètement de la loi. Autrement, on n'aura pas la certitude que les remaniements et adaptations désirables seront réellement entrepris. De plus, il serait opportun de recueillir, sous le régime de transition, certaines expériences en ce qui concerne l'assouplissement de l'intervention des pouvoirs publics, car il est difficile de prévoir avec certitude les effets de ces mesures de libéralisation dans tous les domaines.

Pour cette raison, nous envisageons une solution consistant à répartir en trois étapes le démantèlement du régime du permis de fabrication. Pendant la période de quatre ans du régime de transition, le principe du permis de fabrication sera maintenu dans la plupart des branches, mais la voie vers une concentration sera déjà largement ouverte à l'intérieur de l'industrie horlogère. Après une année, le passage du terminage à l'établissage cessera d'être subordonné à un permis. Après quatre ans, le régime du permis de fabrication devra disparaître complètement. Cette période de transition a aussi une grande importance pour l'instauration
du contrôle technique.

Sous ce régime de protection partielle, il sera plus facile à l'industrie horlogère de s'adapter aux exigences dudit contrôle. Mieux l'industrie horlogère saura faire usage des possibilités que lui laissera ce régime, plus elle sera en mesure de faire face avec succès aux exigences de la période où il n'y aura plus de permis de fabrication, conformément aux nouvelles tendances du futur statut.

c. Les motifs de la suppression de la situation spéciale réservée à l'ASUAO par le droit public Si, en général, les avis sont encore relativement concordants en ce qui concerne l'opportunité de la suppression du régime du permis de fabrication et la façon dont les mesures de transition doivent être conçues, ils sont

1539 beaucoup plus divisés sur la question spéciale de savoir si la situation particulière dont l'ASUAG bénéficiait jusqu'ici doit être maintenue seulement dans le cadre dudit régime de transition, ou si elle doit être consacrée par des dispositions de droit public pendant toute la durée du nouveau statut légal de l'horlogerie. Ainsi qu'il ressort des réponses à la consultation, de nombreux milieux de l'industrie horlogère continuent d'estimer que les industries clés, c'est-à-dire les fabriques d'ébauches et de parties réglantes, soumises au contrôle de l'ASUAG, devraient rester assujetties au régime du permis de fabrication pendant toute la durée du nouveau statut. Toutefois, il existe des divergences fondamentales au sein de l'horlogerie, notamment entre la F, H,, l'Ubah et les quatre trusts de l'ASUAG, relativement aux conditions dont devrait être assorti le maintien de la situation spéciale de l'ASUAG. On ne saurait donc parler d'une unité de doctrine en ce qui concerne précisément cette question cruciale.

Le régime du permis de fabrication auquel le statut actuel soumet les fabriques d'ébauches et de parties réglantes constitue une très forte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Cette atteinte a une portée beaucoup plus grande que dans la production des montres unies ou des pièces détachées, à l'exception des parties réglantes. En effet, sauf dans des cas très spéciaux, il n'est pratiquement jamais délivré d'autorisation d'ouvrir en dehors de l'ASUAG une entreprise dans ces branches. Pour ne pas démanteler dans ce secteur le permis de fabrication, contrairement au principe approuvé dans les autres secteurs par une grande partie des milieux consultés, et pour maintenir encore pendant dix ans ce régime, il faudrait avoir des motifs vraiment impérieux à invoquer. Vu son importance pour toute l'industrie horlogère, cette mesure devrait aussi répondre à l'avis unanime de la grande majorité de ceux qui sont directement intéressés; or, nous avons constaté que tel n'est pas le cas.

Y a-t-il vraiment des motifs si impérieux en faveur d'une telle solution ?

Les milieux qui demandent le maintien du régime du permis de fabrication dans les quatre branches groupées en trusts font valoir que cette mesure d'exception est indispensable pour assurer le respect de l'interdiction du
chablonnage. Nous avons déjà exposé en détail l'importance de principe que revêt la lutte contre le chablonnage (1). H suffit donc d'examiner si, pour pouvoir combattre d'une manière efficace ce trafic, il est indispensable de maintenir le permis de fabrication dans les quatre branches spéciales des ébauches et des parties réglantes pendant toute la durée du nouveau statut, et pas seulement pendant la période de transition, comme dans les autres secteurs. Pour répondre à cette question, il faut se représenter la situation en présence de laquelle on se trouvera à la fin de la période de transition.

( T ) Voir en particulier les considérations du précédent chapitre : 111. 2. Le maintien du régime du permis d'exportation.

1540 A ce moment, chacun sera libre d'ouvrir une manufacture et en particulier de transformer son entreprise de fabrication par voie d'établissage en une manufacture. Conformément à la réglementation qui sera en vigueur pendant la période de transition, les manufactures auront alors déjà le droit de fabriquer sans restriction des ébauches et des pièces détachées, non seulement pour couvrir leurs propres besoins, mais aussi pour les vendre à d'autres manufactures, dans des limites que déterminera l'ordonnance d'exécution. Si, à la fin de la période de transition, le régime du permis de fabrication disparaît aussi dans les quatre branches groupées en trusts, chacun aura, en principe, la faculté d'ouvrir également une fabrique d'ébauches et de parties réglantes, et cela en dehors de l'ASUAG. Il est toutefois peu probable qu'il soit fait un large usage de cette liberté. Depuis leur concentration au début des années «trente», les quatre grands trusts groupés dans l'ASUAG ont pu consolider leur position économique à tel point que la suppression du régime du permis de fabrication ne mettra pas leur existence en danger. Ce sera d'autant moins le cas si, grâce au régime de transition, ils ont encore la possibilité de se préparer à un régime de liberté totale. Au surplus, l'ouverture de nouvelles fabriques dans ces quatre secteurs, plus particulièrement dans celui des ébauches, nécessite une telle mise de fonds qu'elle ne présenterait un intérêt économique que si la nouvelle entreprise pouvait produire en grandes séries. Le danger de voir s'ouvrir, à l'expiration du régime de transition, un grand nombre de nouvelles fabriques d'ébauches ou de parties réglantes, n'est donc pas très grand.

Du reste, même si quelques entreprises dissidentes apparaissaient dans les quatre branches spéciales, le danger qu'elles pratiquent le chablonnage serait insignifiant par rapport à celui qui pourrait provenir des manufactures. On ne doit pas oublier que, suivant l'évolution de la situation, un assez grand nombre de manufactures pourraient avoir un intérêt, facile à comprendre, à se livrer au chablonnage. Il pourrait en être ainsi, par exemple, si, en raison de mesures restrictives prises en matière de politique commerciale par un Etat client, une fabrique d'horlogerie ne pouvait plus livrer des montres finies sur un marché
traditionnel, tout en étant libre d'y livrer des ébauches et des pièces détachées. On pourrait également concevoir qu'une manufacture entreprenne le chablonnage à destination de certains pays, afin d'arriver à de plus grandes séries dans sa fabrication d'ébauches et de réduire en conséquence les frais de production de la montre finie.

Or, si l'on accepte en principe ces risques de la part des manufactures, qui, de l'avis presque unanime des milieux consultés, ne doivent plus être assujetties à un régime de permis de fabrication à l'expiration des mesures de transition, on ne voit vraiment pas pourquoi les entreprises nouvelles qui pourraient se créer dans le secteur des quatre grands trusts devraient continuer à être soumises à un régime spécial. En effet, si l'on allègue que, grâce à un contrôle bien organisé de la fabrication, tel qu'il trouvera sa

1541 consécration dans le nouveau statut légal, la prévention du chablonnage est possible dans les manufactures alors qu'il y en a plus de cinquante, elle doit l'être d'autant plus dans les quelques fabriques spéciales qui pourraient être créées.

Dans les discussions avec les organisations de faîte de l'industrie horlogère, qui ont été poursuivies précisément au sujet de ce problème, après la clôture de la procédure de consultation, deux manières de voir nettement opposées se sont formées; on peut les résumer comme suit: Selon la première de ces manières de voir, le maintien du régime du permis de fabrication dans les quatre branches groupées en trusts exigerait également son maintien dans le secteur des manufactures. Le droit des manufactures de produire et, le cas échéant, de vendre à des tiers des ébauches et des parties réglantes devrait toutefois être limité aux situations acquises et à celles qui sont consacrées par la convention collective, des modifications ultérieures des engagements contractuels étant réservées. Mais les manufactures et la F. H. comme telle s'opposent à cette solution, qui d'ailleurs irait tout à fait à l'encontre des réponses à la consultation, du rapport de la commission d'étude des prix et de la conception fondamentale qui est à la base du présent message. Il faudrait notamment s'attendre que d'autres milieux (étabhsseurs, fabricants de pièces détachées, etc.) prendraient prétexte d'une telle réglementation pour demander à nouveau d'être protégés par le maintien du régime du permis de fabrication. Il serait difficile de leur opposer une fin de non-recevoir si l'on avait déjà admis une telle dérogation à la conception fondamentale du projet. On reviendrait alors plus ou moins à la conception de l'actuel statut légal, qui s'est révélée erronée du point de vue politique, ne pourrait plus guère être maintenue.

Selon la seconde façon de considérer les choses, le régime du permis de fabrication pourrait très bien devenir une institution permanente limitée aux quatre branches groupées en trusts. Sous cette forme restreinte, il répondrait à une nécessité puisque l'on veut empêcher le chablonnage. Nous rappelons cependant nos explications ci-dessus, aux termes desquelles le danger principal du chablonnage provient plutôt des manufactures que des entreprises spécialisées. En
outre, les quatre branches réunies en trusts soulèvent elles-mêmes de très sérieuses objections contre une telle réglementation, car elles craignent que celle-ci non seulement ne réussisse pas à éliminer la principale source du chablonnage, mais qu'elle dérange aussi d'une manière inacceptable pour elles, l'équilibre entre les entreprises spécialisées et les manufactures, et cela tant pendant toute la durée de la validité du statut que sous le régime de transition.

Après avoir pesé le pour et le contre, nous sommes arrivés à la conclusion que la bonne solution consiste à englober toutes les branches dans

1542 le régime de transition et à ne pas réserver à l'ASTIA G une situation spéciale en matière de permis de fabrication.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que si Ton voulait rendre permanent l'appui accordé par les pouvoirs publics au monopole de l'ASUAG, sans le limiter à la période de transition, la Confédération serait obligée de s'occuper aussi des conséquences lointaines de cette réglementation. On ne saurait notamment empêcher que, pour protéger l'intérêt général et les intérêts légitimes des minorités, les autorités compétentes ne soient obligées de soumettre à un contrôle approfondi la politique de livraison des trusts et de vouer leur attention aux autres conséquences de l'interdépendance du monopole de l'ASUAG et de l'organisation conventionnelle.

Une intervention aussi poussée de l'Etat semble toutefois, pour diverses raisons, indésirable, voire dangereuse. D'autre part, différentes expériences démontrent que l'appui accordé par le droit public à l'ASUAG gêne jusqu'à un certain point cette superbolding dans l'application d'une politique devant servir à longue échéance les intérêts de l'industrie horlogère suisse. On doit dès lors se demander sérieusement si une ASUAG, sans ses privilèges de droit public et sans son obligation de prendre en considération toutes les demandes qui lui étaient adressées, ne pourrait jouer un rôle dirigeant en faveur de l'ensemble de l'industrie horlogère d'une façon plus efficace que ce n'est le cas aujourd'hui.

IV. Commentaire du préambule et des articles de Parrete fédéral 1. La constitutionnalité du projet Ainsi qu'il ressort du préambule, le projet d'arrêté fédéral que nous vous soumettons repose sur les articles 31 bis, 32, 34(er, 1er alinéa, lettre a, et 64bis de la constitution.

Aux termes de l'article 31 bis, 3e alinéa, lettre a, de la constitution, la Confédération a le droit, lorsque l'intérêt général le Justine et en dérogeant s'il le faut au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'édicter des dispositions pour sauvegarder d'importantes branches économiques menacées dans leur existence. Selon le 4e alinéa, des dispositions de ce genre ne peuvent cependant être édictées que si la branche a préalablement pris les mesures d'entraide qu'on peut équitablement exiger d'elle. L'industrie horlogère est sans aucun doute une branche
économique importante.

D est évident que -- en tant qu'elles apparaissent nécessaires --· des mesures législatives visant à sauvegarder l'existence de cette industrie répondent à l'intérêt général tant du point de vue économique que social.

L'existence de l'industrie horlogère est-elle menacée ? C'est plutôt une question de fait que de droit. Pour y répondre, on ne saurait se contenter de l'appréciation que le législateur donna de la situation lorsqu'il élabora l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 encore en vigueur. H convient, au contraire,

1543 de considérer l'état actuel des choses et les changements qui se sont produits depuis, mais sans perdre de vue ce que nous pourrions appeler les constantes de l'industrie horlogère. Pour ce faire, il est cependant nécessaire de traiter la question de la constitutionnalité du projet, dans son ensemble ou ses détails, à la lumière d'explications données antérieurement.

On s'étonnera peut-être que nous proposions des mesures spéciales de protection en faveur d'une industrie en plein essor depuis de longues années et qui traverse actuellement une phase de prospérité sans précédent.

Il ne faut cependant pas oublier que cette branche bénéficie de la protection de l'Etat depuis une trentaine d'années. La question se pose dès lors de savoir si elle serait aussi florissante sans cette protection. La réponse est négative si l'on considère cette période dans son ensemble. Pour déterminer si l'existence de l'industrie horlogère est menacée ou non, il faute se garder de tabler uniquement sur la prospérité présente ; il faut se demander plutôt ce qui adviendrait si cette branche était privée du jour au lendemain de la protection de droit public dont elle bénéficie. Les conséquences d'une abrogation brusque du statut légal en vigueur seraient si profondes qu'elles aboutiraient à une menace au sens de l'article 3lois de la constitution.

L'industrie horlogère est tout particulièrement exposée aux fluctuations de l'économie mondiale ; elle subit constamment les effets des mesures protectionnistes prises par l'étranger. Les fluctuations qui ont marqué l'évolution économique des dernières décennies et en particulier les deux crises profondes que cette industrie a traversées démontrent que certains événements -- dommageables dans n'importe quelle branche économique -- risquent, dans l'horlogerie, de prendre une ampleur ayant des répercussions de nature à menacer son existence.

Dans la mesure où l'évolution économique, qui n'est que partiellement prévisible, autorise des conjectures, on a lieu d'admettre que les risques d'une menace prochaine sont nettement moindres qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. De surcroît, l'industrie horlogère est capable de surmonter elle-même certaines difficultés en adaptant son organisation, la structure de son processus de production et ses méthodes de fabrication aux
exigences d'une concurrence qui s'intensifie. Nous avons tenu compte de ces possibilités en élaborant le nouveau projet de statut. Non seulement il est nettement plus libéral que l'actuel, mais il doit aussi permettre l'établissement d'un ordre toujours plus souple.

L'industrie horlogère, il faut le reconnaître, a pris elle-même les mesures d'entraide requises par l'article 31 bis, 4e alinéa, de la constitution. La principale d'entre elles est, sans contredit, la création d'une organisation professionnelle fortement charpentée. Bien que les abus liés à cette organisation et sa trop grande rigidité aient été l'objet de critiques, il est incontestable qu'elle a coiilribué de manière efficace à protéger lea intérêts généraux de l'industrie horlogère. Il convient aussi de mentionner quelques mesures

1544 récentes d'entraide telles que l'institution d'un contrôle facultatif de la qualité, les efforts de rationalisation (calibres standards) et de concentration (création d'une coopérative de fabricants d'horlogerie en vue de centraliser les achats et de coordonner les efforts dans le domaine de la production et de la vente). Parmi les autres mesures importantes de ce genre, mentionnons l'activité du laboratoire suisse de recherches horlogères -- qui collabore avec les milieux scientifiques et industriels --, les campagnes collectives de publicité et la prospection commune des principaux marchés mondiaux.

On peut dès lors tenir pour remplie la condition à laquelle l'intervention de l'Etat est subordonnée.

A titre de mesures durables fondées sur l'article 31 bis, 3e alinéa, lettre a, de la constitution, nous prévoyons l'institution d'un contrôle technique des produits horlogers, la réglementation des exportations, ainsi qu'une disposition destinée à renforcer l'efficacité de l'entraide horlogère. Pour apprécier la constitutionnalité de ces mesures, il faut déterminer leur contribution -- moins isolément que dans leur ensemble -- à la sauvegarde do l'industrie horlogère.

Pour ce qui est du contrôle technique et de la réglementation des exportations, les commentaires du chapitre III (1 et 2) démontrent incontestablement qu'ils sont propres à contribuer au maintien de l'horlogerie suisse.

L'opinion prédomine que l'article Slbis de la constitution ne permet pas à la Confédération de donner force obligatoire générale aux décisions d'associations professionnelles. Il ne serait donc pas possible, en se fondant sur cet article, d'obliger les entreprises dissidentes à se conformer à certaines décisions que prendraient les organisations horlogères pour promouvoir l'entraide, quand bien même elles seraient conformes à l'intérêt général.

L'article 8 du projet n'a pas cette portée. Il se borne à autoriser le Conseil fédéral à contraindre les entreprises dissidentes, par une ordonnance de droit public, à participer de manière appropriée au financement des mesures d'entraide conformes à l'intérêt général et à les assimiler sous ce rapport aux entreprises liées conventionnellement. Ainsi conçue, cette disposition est parfaitement constitutionnelle. Cette conviction est partagée par les juristes éminents que
nous avons consultés. D'ailleurs, les faits requièrent aussi cette solution.

A titre de mesure transitoire fondée sur l'article 31 bis, 3e alinéa, lettre a, de la constitution, nous prévoyons le maintien pendant quatre ans, mais sous une forme considérablement atténuée, du régime dit du permis de fabrication. Si l'industrie horlogère était actuellement privée de toute protection de droit public, on ne saurait guère, pour les raisons que nous avons déjà exposées, assumer la responsabilité de proposer cette réglementation.

Il y aurait alors lieu de se demander très sérieusement si elle est vraiment indispensable pour sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère. C'est d'ailleurs en raison de ce doute que nous vous proposons d'abroger défini-

1545 tivement cette réglementation au 31 décembre 1965. Il faut considérer toutefois que le régime du permis de fabrication existe et qu'il s'applique à l'ensemble de la branche. Même s'il est critiquable à maints égards, nous pouvons, en nous fondant sur l'article Slfrw, 3e alinéa, lettre a, tenir pour admissible de le maintenir temporairement pour réduire au minimum les difficultés inhérentes aux mesures d'adaptation. Une étude du professeur Max Imboden arrive à la même conclusion. De surcroît, des raisons d'ordre politique commandent cette solution. La Confédération, qui a accordé pendant des dizaines d'années sa protection à l'industrie horlogère, assumerait une très lourde responsabilité si elle la lui retirait du jour au lendemain sur un point essentiel.

L'article 31 Us, 3e alinéa, lettre d, de la constitution, permet à la Confédération, lorsque l'intérêt général le justifie et en dérogeant s'il le faut au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'édicter des dispositions pour remédier aux conséquences nuisibles d'ordre économique ou social, des cartels ou des groupements analogues. L'article 21 du projet d'arrêté fédéral, qui institue une procédure spéciale de protection contre les atteintes à la liberté de concurrence, est fondé sur cette disposition constitutionnelle.

Le préambule fait également mention de l'article 32 de la constitution en liaison avec le fait que les organisations horlogères peuvent être appelées à coopérer à l'application de l'arrêté fédéral. L'article 34fer, 1er alinéa, lettre oe, de la constitution, permet de réglementer le travail hors fabrique.

Quant à l'article 64ôis, il donne à la Confédération la compétence d'édicter des prescriptions dérogeant à celles du code pénal.

2. Commentaire des divers articles du projet Ad article premier 1er alinéa : Cet alinéa définit le champ d'application de l'arrêté fédéral.

La délimitation est conforme à celle de la réglementation en vigueur.

2e alinéa : A la différence de la définition de la montre qui figure dans l'arrêté en vigueur, les dimensions techniques ont été abaissées pour tenir compte, d'une part, des pourparlers qui se déroulent entre les fabricants suisses et ceux d'autres pays de l'Europe occidentale en vue de la conclusion d'un accord horloger européen et, de l'autre, des nouvelles normes
internationales de la convention sur la nomenclature pour la classification des marchandises dans les tarifs douaniers du 15 décembre 1950, revisée en 1954. Dans l'arrêté actuel, il est question de 60 et de 30 millimètres.

3e alinéa: Le projet emploie encore d'autres termes techniques. Us seront plus nombreux dans l'ordonnance d'exécution. Nous mentionnons, à titre d'exemple, les divers systèmes de fabrication de la montre, pour lesquels on établira, le cas échéant, des critères de qualité différents (art. 2,

1546 2e al.); si les quatre systèmes sont énumérés à l'article 11, 3e alinéa, ils ne sont pas définis. Ces définitions peuvent toutefois revêtir la plus grande importance en liaison avec l'application du statut, comme l'ont démontré les controverses auxquelles a récemment donné lieu la délimitation des systèmes ancre et genre Roskopf. Il est donc indispensable de donner expressément au département de l'économie publique la compétence de préciser ces notions techniques, d'autant plua qu'elles évoluent. De cette manière, il ne sera pas nécessaire de modifier constamment l'ordonnance d'exécution du Conseil fédéral.

Dans l'arrêté sur le statut et dans l'ordonnance d'exécution encore en vigueur, on a renoncé à insérer de telles définitions. Il en a été conclu que les définitions qui figurent dans les conventions de droit privé sont déterminantes. Etant donnés les intérêts qui s'affrontent dans l'industrie horlogère, on ne peut laisser aux organisations professionnelles la compétence de formuler elles-mêmes des définitions qui lient l'autorité.

Ad article 2 1er alinéa : La première phrase définit l'objectif du contrôle technique.

Il s'agit d'empêcher l'exportation de montres de qualité insuffisante., pouvant porter préjudice au bon renom de toute l'horlogerie suisse. On a fait remarquer qu'un objectif de ce genre peut être mentionné dans un message, mais qu'il ne saurait figurer dans la législation. Si néanmoins nous le mentionnons expressément dans l'arrêté fédéral, c'est avant tout parce que l'article 6 délègue au Conseil fédéral et au département de l'économie publique le pouvoir de fixer de manière plus précise les limites des prescriptions d'exécution à édicter par ces deux autorités en matière de contrôle technique. Cette précision est au premier chef dans l'intérêt des producteurs assujettis à ce contrôle.

L'alinéa premier rend ce contrôle obligatoire pour les montres et les mouvements de montres. Il n'est pas exclu que l'on soit obligé ultérieurement de l'étendre à certaines pièces détachées pour le rendre plus efficace. La dernière phrase de l'alinéa laisse ouverte cette possibilité. Un accroissement éventuel des exportations de certaines pièces détachées pourrait aussi justifier une extension de ce contrôle.

Lors des discussions préliminaires consacrées au projet, un groupement a demandé
que les pendulettes et les réveils soient libérés de ce contrôle.

Nous sommes d'avis que cette question ne peut pas être tranchée de manière définitive dans l'arrêté sur le statut et qu'elle doit l'être dans l'ordonnance d'exécution.

La date à partir de laquelle ce contrôle sera introduit revêt une importance toute particulière (art. 2, 1er al.). La F. H. a vivement insisté pour qu'il aoit appliqué, sur ime base de droit public, dès le 1er janvier 1962, dans l'intérêt de l'industrie horlogère suisse, notamment parce que d'autres pays

1547 connaissent déjà un contrôle similaire. Ce voeu est certainement justifié.

Il n'en reste pas moins que l'élaboration des dispositions d'application exigera encore un gros travail. Nous espérons que les études et les expériences faites par la F. H. en ce qui concerne le contrôle facultatif faciliteront largement l'élaboration de la réglementation de droit public.

2e alinéa: Comme nous l'avons relevé, les critères du contrôle et les exigences minimums doivent être fondés exclusivement sur des valeurs mesurables d'ordre technique. Il peut cependant paraître opportun de fixer, selon les circonstances, des exigences minimums différentes pour les diverses catégories de montres sans que l'on se mette par là en contradiction avec la seconde phrase du 2e alinéa. C'est la raison pour laquelle la dernière phrase a été insérée dans cet alinéa.

3e alinéa: II eût été souhaitable de contrôler la production horlogère dans son ensemble. Si l'on considère que cette industrie exporte 40 millions de montres environ par an, on conviendra qu'un contrôle administratif sans lacunes se heurterait à d'extraordinaires difficultés ; peut-être serait-il même impossible. C'est pourquoi nous nous sommes résolus à ne prévoir qu'un contrôle par sondages opérés au moyen de prélèvements statistiques. Ce procédé est assez souvent appliqué a des fins analogues dauts l'industrie.

Appliqué correctement, il permet un contrôle aussi objectif qu'efficace.

Ad article 3 L'article 3 détermine de manière détaillée le fonctionnement de ce contrôle technique. Le 2e alinéa prévoit l'application d'un contrôle renforcé pour le cas où, malgré deux avertissements, la qualité des produits ne répondrait pas aux exigences minimums. A ce stade également, le contrôle est opéré par sondages. A la différence du contrôle normal, les sondages porteront non pas sur des séries isolées choisies au hasard, mais sur l'ensemble des produits sujets au contrôle. Simultanément, le contrôle renforcé est lié à une sanction: il est interdit à l'entreprise d'exporter tout produit horloger soumis au contrôle technique s'il ne répond pas aux exigences minimums.

Le projet de mai 1960 qui a été soumis à l'appréciation des cantons et des associations économiques prévoyait des sanctions beaucoup plus sévères en relation avec le contrôle technique. Il interdisait de
manière générale la vente des produits horlogers qui ne répondaient pas aux exigences minimums. Parallèlement, il prévoyait une série de mesures administratives en vue de rendre effective cette interdiction et d'assurer l'application d'autres dispositions, indépendamment des poursuites pénales éventuelles.

A un état antérieur des travaux préliminaires, on s'était même demandé s'il ne fallait pas, dans les cas graves, prévoir la fermeture de l'entreprise.

La consultation a montré que notamment l'industrie directement intéressée, de même que plusieurs des groupements économiques de faîte,

1548 avaient de sérieuses réserves à formuler l'égard de ces mesures draconiennes.

D'autres associations, en revanche, ont exprimé l'avis que le contrôle technique n'a de sens que s'il est assorti de sanctions sévères.

Cette conception est certainement défendable. Nous avons dû néanmoins nous laisser convaincre que les objections formulées par l'industrie horlogère ne pouvaient pas être ignorées. En effet, il s'agit au premier chef d'assurer l'application pratique de ce contrôle. C'est la raison pour laquelle nous avons donné la préférence à une solution nettement plus simple en ce qui concerne les modalités du contrôle et les sanctions. En revanche, cette solution implique probablement un contrôle moins efficace que celui que proposait le projet de mai 1960. Il faut considérer toutefois qu'on ne saurait se contenter d'établir un contrôle théoriquement sans lacunes, mais difficilement applicable, voire inapplicable parce que trop compliqué.

Relevons enfin que les sanctions prévues au 2e alinéa de l'article 3 ne s'appliquent pas aux montres vendues en Suisse. Il est uniquement question de l'exportation. Sans parler du fait que le marché national n'absorbe que quelques pour-cent de la production horlogère, il convient de relever que l'approvisionnement de la clientèle suisse fait l'objet d'une convention entre un groupe de fabricants d'horlogerie et un groupe de détaillants. Il serait souhaitable que l'application de cette convention fût étendue en vue d'empêcher que le contrôle technique ne soit éludé.

Ad article 4 Cette disposition confère à l'entreprise le droit de former opposition contre les résultats du contrôle technique des produits horlogers qu'elle fabrique ou utilise et de requérir un nouveau contrôle. Il s'agit là d'une procédure préalable à l'exercice du droit de recours prévu à l'article 19.

Cette solution permettra de liquider rapidement un certain nombre de réclamations sans importuner la commission de recours, d'autant plus que la plupart de ces réclamations porteront sur de simples constatations de fait ou seront d'ordre strictement technique. Si le nouveau contrôle opéré après opposition révèle que les produits contrôlés une seconde fois ne satisfont pas aux exigences minimums, le régime des sanctions --r- premier, éventuellement second avertissement et, si deux avertissements
ont été adressés, contrôle renforcé assorti d'une interdiction conditionnelle d'exporter --· entrera immédiatement en jeu, indépendamment du recours que l'entreprise a la faculté d'adresser à la commission précitée. Il est, en effet, nécessaire qu'un recours de ce genre n'ait pas d'effet suspensif parce qu'il permettrait à une entreprise, en usant d'une procédure dilatoire, d'éluder toute sanction.

Ad article 5 L'entreprise supportera les frais du contrôle technique exécuté conformément aux articles 2 et 3. Ces frais, ceux du contrôle renforcé en parti-

1549 culier, seront assez élevés. Elle aura donc tout intérêt à ne rien négliger pour améliorer la qualité de sa production, afin de se libérer du contrôle renforcé et de faire tomber aussi rapidement que possible l'interdiction conditionnelle d'exporter qui la frappe.

Ad article 6 Cette disposition énurnère les points principaux qui devront être l'objet de prescriptions d'exécution en liaison avec l'application du contrôle renforcé. Le Conseil fédéral réglera les questions les plus importantes, en particulier celles qui peuvent être réglées pour toute la durée du statut. Le département de l'économie publique fixera les modalités du contrôle et édictera les prescriptions sujettes à des modifications plus fréquentes.

Ad article 7 1 alinéa: Le préambule se réfère à notre politique traditionnelle en matière d'exportation, par laquelle il faut entendre la lutte contre le chabloimage, de même que le maintien et l'accroissement de nos ventes de montres et de mouvements de montres. Il relève que le permis d'exportation est également un moyen de faciliter l'application du contrôle technique.

La liste des produits dont l'exportation est actuellement subordonnée à un permis a été complétée par les montres, les mouvements de montres et les boîtes. Cette extension est nécessitée exclusivement par l'application du contrôle technique. Elle n'a nullement pour but de permettre un prélèvement d'émoluments spéciaux à l'exportation de montres, de mouvements de montres et de boîtes. La perception de contributions de solidarité aux termes de l'article 8 est, bien entendu, réservée.

Relevons que c'est intentionnellement que la compétence de fixer les critères de la réglementation des exportations a été déléguée au Conseil fédéral. Cette solution s'impose, car une réglementation dans le cadre du statut serait trop rigide. Dans le domaine de l'exportation, la situation est si fluente qu'il est indispensable que l'autorité fédérale ait la possibilité d'ajuster rapidement ces critères aux circonstances et nécessités nouvelles.

Le préambule de l'alinéa premier fixe le cadre dans lequel les critères peuvent être établis.

La définition de la délégation de compétence est une innovation considérable en ce sens qu'elle oblige le Conseil fédéral à fixer lui-même les critères de la réglementation des exportations. Il ne sera
plus admissible de se référer simplement, comme le fait l'article premier de l'ordonnance d'exécution actuelle, aux prescriptions correspondantes de droit privé.

Nous avons examiné d'une manière très approfondie la question de savoir si la réglementation des exportations de machines spécifiquement horlogères ne devrait pas être réservée à un accord de droit privé entre les deux industries directement intéressées. En effet, divers motifs d'une certaine er

1550 importance militent en faveur d'une telle solution. Si nous avons néanmoins inséré dans le projet d'arrêté une disposition de droit public subordonnant à un permis l'exportation de machines spécifiquement horlogères, c'est parce qu'il ressort de l'étude du problème qu'une réglementation reposant exclusivement sur un accord de droit privé risquerait de ne pas être reconnue par les tribunaux de certains pays étrangers. H est, toutefois, bien entendu que le champ d'application de ce régime doit être limité au minimum indispensable.

2e alinéa: Cette disposition est en relation avec la lutte contre le chablonnage. Les expériences ont démontré qu'à lui seul, le contrôle des exportations ne permet pas une application sans lacunes des prescriptions contre le chablonnage. Le contrôle de la fabrication et de la vente, qui peut être éventuellement assorti d'un contrôle de l'achat des matières premières, doit garantir à titre subsidiaire l'application des prescriptions relatives au chablonnage. L'exécution de ce contrôle, qui sera réglée par des dispositions détaillées de droit public, pourra être confiée, par exemple, à des fiduciaires.

Etant donné l'extension des droits de fabrication des manufactures, il est possible que ces contrôles de la fabrication et de la vente jouent déjà un rôle relativement important pendant la durée du régime de transition; leur importance grandira notamment après la suppression du régime du permis de fabrication.

3e alinéa: La raison d'être de cette disposition ne peut être appréciée à sa juste valeur que si l'on a conscience de l'importance de la lutte contre le chablonnage. Les entreprises qui justifient une présomption sérieuse d'exportation illicite au sens de cet article ou qui ont effectivement pratiqué cette exportation, pourront être soumises à des contrôles supplémentaires en vertu d'un contrat de contrôle qu'elles seront tenues de conclure. Il importe de relever que ce contrat de contrôle prévoira des peines conventionnelles. L'ordonnance d'exécution désignera l'organisme avec lequel ce contrat devra être passé. On fixera dans chaque cas d'espèce la durée d'assujettissement de l'entreprise à ce régime spécial. La décision dépendra du comportement de la maison en cause. Si l'organisme compétent arrive à la conclusion que l'entreprise s'efforcera désormais de
respecter les prescriptions en vigueur et d'établir de manière convenable les documents requis, il pourra la libérer de ce contrôle spécial.

En édictant les prescriptions prévues par le 2e alinéa, le Conseil fédéral désignera également l'organe qui sera compétent pour constater l'accomplissement des conditions requises pour l'application des mesures prévues par le 3e alinéa, c'est-à-dire la conclusion d'un contrat de contrôle -- sans lequel l'entreprise ne pourra poursuivre son activité industrielle.

4e alinéa ; Cette disposition est conforme à la réglementation en vigueur.

Le Conseil fédéral aura la possibilité de confier de nouveau à la chambre

1551 suisse de l'horlogerie ou, si cela paraît plus judicieux, à un organe de la Confédération le soin de délivrer les permis. La première solution a la préférence.

Ad article 8 er 1 alinéa: L'industrie horlogère suisse doit faire face à de grandes tâches dans les domaines de la recherche scientifique et de la prospection des marchés. Il est inévitable que des dissidents bénéficient indirectement des résultats des coûteux efforts déployés par les entreprises affiliées aux organisations. Il est même possible que certaines entreprises quittent leur association pour se libérer de toute participation financière à la couverture des dépenses qu'impliqueront les mesures d'entraide. Selon l'ampleur qu'elle pourrait prendre, cette tendance risquerait de compromettre l'intensification nécessaire de la recherche scientifique et de la prospection des marchés.

L'article 8 tend à prévenir cette éventualité.

2e alinéa: Cette disposition doit empêcher qu'une entreprise dont la candidature a été refusée par une organisation se voie imposer le versement d'une contribution de solidarité.

3e alinéa: Le Conseil fédéral aura la tâche importante de veiller à ce que la contribution de solidarité ne grève pas de manière excessive les dissidents. Il va cependant sans dire que cette contribution devra être fixée à un taux suffisamment élevé pour permettre d'atteindre les objectifs de l'article 8.

Ad article 9 1er alinéa: L'article 5 de l'arrêté actuel contient déjà une disposition spéciale sur le travail à domicile. Le législateur s'est fondé sur la loi sur le travail à domicile du 12 décembre 1940, dont l'article 10, 2e alinéa, dispose que le Conseil fédéral peut soumettre à des restrictions particulières le travail hors fabrique dans l'industrie horlogère. Dans notre message du 30 septembre 1960 concernant le projet de loi sur le travail, nous avons proposé l'abrogation de cette disposition spéciale de la loi sur le travail à domicile. Nous ajoutions que si le travail hors fabrique dans l'horlogerie --lequel comprend le travail à domicile -- appelle des mesures spéciales, cellesci ne peuvent être insérées que dans l'arrêté sur le statut légal de l'horlogerie.

L'actuelle ordonnance d'exécution du statut de l'horlogerie contient de nombreuses prescriptions spéciales qui règlent le travail à domicile, ainsi que dans
les petits établissements et les entreprises familiales. Elles visent à protéger les personnes occupées à domicile et dans ces entreprises.

Certaines restrictions tendent au surplus à garantir de bonnes conditions de travail dans les fabriques. Tous les milieux de l'industrie horlogère ont dès lors un intérêt au maintien de cette réglementation spéciale.

Les résultats de la consultation ont démontré que l'on continue à tenir pour souhaitable une réglementation spéciale dans l'industrie horlogère. Il ne

1552 saurait cependant s'agir de retendre encore. Lors de l'élaboration de la nouvelle ordonnance d'exécution, il conviendra au contraire de déterminer avec soin dans quelle mesure les prescriptions spéciales répondent encore à un besoin réel.

L'alinéa 1er de l'article 9 crée les bases légales de cette réglementation spéciale.

2e alinéa : Cette disposition a été reprise textuellement de l'arrêté en vigueur. Son maintien s'impose, afin d'empêcher qu'une rétribution insuffisante des ouvriers à domicile ne compromette la réglementation des conditions de travail des ouvriers dans les fabriques.

Ad article 10 1 alinéa: II importe de relever que l'augmentation du nombre des ouvriers ne sera plus subordonnée à une autorisation.

Le projet innove en ce sens que ce n'est plus l'ordonnance d'exécution, mais l'arrêté lui-même qui précise que la réouverture d'entreprises ayant interrompu leur activité industrielle pendant plus de deux ans est également subordonnée à un permis. La législation actuelle prévoit un délai d'une année seulement (art. 7, 2e al., de l'ordonnance d'exécution).

La durée du régime de transition est limitée à quatre ans. Nous vous renvoyons à ce sujet à notre exposé des motifs.

C'est le département de l'économie publique qui, comme actuellement, statuera sur les demandes, à cette différence près que la compétence sera déjà fixée dans l'arrêté et non pas dans l'ordonnance d'exécution.

2e alinéa : La définition de la transformation est fondée sur le droit en vigueur.

3e alinéa : Cette disposition revêt une grande importance. Elle permet d'assouplir sur des points essentiels le régime du permis.

Actuellement déjà, la reprise d'une entreprise existante avec l'actif et le passif n'est pas subordonnée à un permis. Cependant, l'ordonnance d'exécution prévoit une restriction, en ce sens qu'elle soumet à une autorisation l'adjonction d'une entreprise existante à une autre. Cette restriction disparaît. Selon le nouveaxi statut, les entreprises existantes ont toute liberté de fusionner. Mentionnons encore une innovation importante : Le passage d'une forme d'activité industrielle à une autre n'est plus subordonné à un permis s'il s'opère dans la même branche (au sens de l'art. 11). Par exemple, une entreprise de la fabrication de pierres qui exécute un certain travail à façon pourra dorénavant
fabriquer sans autorisation, pour son propre compte, le produit entier. Le 3e alinéa de l'article .10 ouvre donc une première et sérieuse brèche dans le trop rigide système actuel du compartimentage.

er

1553 4e alinéa: Cette disposition libère de l'assujettissement au permis certains domaines périphériques de l'horlogerie où les entreprises travaillent en grande partie aussi pour d'autres industries. Cette libération représente une première étape dans la démobilisation.

L'empierrage constitue un cas particulier. Les avis divergent sur la question de savoir si c'est une branche spéciale. Plusieurs secteurs de l'horlogerie revendiquent le droit d'exécuter ce travail. Un examen de la situation nous fait penser que cette branche peut être, sans dommage essentiel, libérée dès le 1er janvier 1962 de l'assujettissement au permis de fabrication.

Ad article 11 1 alinéa: Le projet donne, pour la première fois, une nomenclature exacte des diverses branches de l'industrie horlogère. Jusqu'ici, la pratique en matière d'autorisation s'en tenait à la délimitation qui s'était créée librement avant l'institution du permis de fabrication. Bien que les non-initiés puissent trouver ce compartimentage encore très poussé, la nouvelle délimitation est nettement plus libérale que celle d'aujourd'hui, ce que nous démontrerons à l'aide de quelques exemples.

Actuellement, le secteur de la production de pierres comprend quatre branches principales (préparage, perçage, fabrication de pierres à trou et de contre-pivots et fabrication de levées et ellipses). Elles constitueront dorénavant une seule et unique branche (lettre k).

La lettre k de l'alinéa premier n'est pas le seul exemple de cet assouplissement sensible du compartimentage. Sans prétendre donner des indications complètes, mentionnons les lettres c, d et en particulier n; en effet, jusqu'à maintenant, la fabrication de boîtes était répartie en six branches (l).

La question de savoir si le passage du terminage de mouvements à l'établissage doit cesser d'être subordonné à un permis dès le premier janvier 1962 ou ultérieurement seulement s'est révélée particulièrement délicate.

Le projet de mai 1960 prévoyait la première solution. Il est compréhensible que les établisseurs cherchent à écarter aussi longtemps que possible l'aggravation de la concurrence dont ils sont menacés par l'extension de l'activité des termineurs. Aussi les fabricants par voie d'établissage de montres ancre et Roskopf se sont-ils prononcés pour le maintien du cloisonnement entre le terminage
et l'établissage pendant toute la durée du régime de transition.

Cette crainte d'une aggravation de la concurrence ne saurait cependant être déterminante pour le législateur. En effet, il est incontestable que les termineurs seront particulièrement touchés par le processus de concentration qui se dessine dans la fabrication de la montre finie.

er

(1) Boites en métal et en acier, en argent, plaqué or laminé, plaqué or galvanique, boîtes en or et terminage de la boîte.

Feuille fédérale. 112e année. Vol, II.

108

1554 A cela s'ajoute le fait que les fabricants d'horlogerie remontent de plus en plus leurs produits dans leur propre entreprise. Le contrôle technique accentuera cette évolution. Si les termineurs ne doivent pas être complètement éliminés du processus de la production, l'accès à l'établissage doit leur être ouvert avant l'expiration du régime de transition. Plus cette mesure interviendra rapidement et mieux les termineurs pourront s'adapter à l'intensification de la concurrence, à laquelle tend le nouveau statut de l'horlogerie. Cette adaptation est tout à la fois dans l'intérêt des termineurs et dans celui de toute l'industrie horlogère. Ce serait aussi une erreur de maintenir trop longtemps le cloisonnement entre le terminage et l'étabh'ssage parce qu'aujourd'hui déjà, une partie non négligeable des établissent effectuent dans une forte proportion des travaux de terminage et exercent ainsi la même activité que les termineurs. Or, leur position juridique est nettement plus favorable que celle des termineurs. En particulier, us ont, en tant que fabricants de montres, la faculté de fusionner.

D'autre part, il faut considérer qu'en prévision de l'intensification de la concurrence, les organisations de l'industrie de la montre ancre et de la montre Roskopf ont à résoudre nombre de problèmes, qui ne seraient certainement pas rendus plus faciles si l'on devait envisager, dès le 1er janvier 1962, un afflux de termineurs dans le secteur de l'établissage. Quoiqu'on ignore combien de termineurs se décideront à faire ce pas, il paraît nécessaire de prévoir ici un régime spécial de transition. Quant à savoir s'il doit s'étendre sur un ou deux ans, c'est surtout une affaire d'appréciation. Si nous proposons de limiter cette phase de transition à un an, c'est parce que nous pensons que, le régime général de transition étant fixé à quatre ans, le délai de deux ans seulement dont bénéficieraient alors les termineurs pour s'adapter aux exigences nouvelles serait trop court.

2e alinéa : La complexité de la matière et les transformations constantes consécutives au progrès technique justifient la délégation de cette compétence au Conseil fédéral. Il y a également lieu d'admettre que l'application du premier alinéa de l'article 11 soulèvera diverses questions de délimitation dont on ne peut pas encore prévoir
l'étendue. Il va sans dire qu'en confiant cette compétence au Conseil fédéral, on n'entend pas l'autoriser à subdiviser de nouveau des branches qui auront été réunies conformément au projet (par exemple dans le secteur de la fabrication des boîtes).

3e alinéa: Ici, nous sommes également en présence d'une question controversée; les deux groupes d'établisseurs de la montre ancre et de la montre Roskopf font valoir d'une manière catégorique qu'à tout le moins à leur stade, le statut doit maintenir entre les divers genres de fabrication le cloisonnement mentionné à l'article 8 de l'actuelle ordonnance d'exécution.

Du point de vue technique, ce cloisonnement ne se justifie plus. Il faut reconnaître, en revanche, que certains producteurs de montres ancre pourraient passer à la fabrication de montres Roskopf et accroître la concurrence

1555 à laquelle ce secteur doit faire face. L'inverse serait aussi possible. L'aggravation de la compétition qui en résulterait ne saurait cependant constituer pour le législateur une raison suffisante de maintenir dans la fabrication de la montre finie un cloisonnement suranné.

L'opposition à la suppression de ce cloisonnement a encore une autre raison. La F. H. et l'association d'industriels suisses de la montre Roskopf craignent, chacune pour son compte, que la simplification qui est proposée ne menace la cohésion de leurs organisations respectives. Il ne doit pas être impossible de trouver des moyens de maintenir cette cohésion soit par une fusion des deux organisations, soit en instituant le double sociétariat des entreprises qui veulent étendre leur activité aux deux secteurs. D'ailleurs, aujourd'hui déjà, un certain nombre d'entreprises ont le droit de fabriquer plusieurs genres de montres.

Pendant la phase de transition, le cloisonnement en vigueur doit être maintenu uniquement dans les secteurs des fabriques spécialisées d'ébauches, d'assortissements et de balanciers. Une autre solution serait en contradiction avec la protection que le droit public assure au statut spécial de l'ASUAG.

Ad article 12 1 alinéa: La définition de la «manufacture» est l'une des dispositions les plus contestées du projet.

Les anciens arrêtés du Conseil fédéral donnaient une définition de la manufacture. Celle-ci n'existe cependant pas dans le droit en vigueur.

Lors de l'élaboration du statut de l'horlogerie en 1951, on a admis que cette notion était à un tel point acquise qu'il était superflu de la définir expressément dans le droit public. Notons que ce dernier entend par «manufactures» les fabriques d'horlogerie qui produisent tout ou partie des ébauches nécessaires à leur fabrication et parfois certaines pièces détachées, mais seulement dans le cadre de leur situation acquise ou d'autorisations spéciales obtenues depuis l'entrée en vigueur du régime du permis de fabrication. Par situation acquise, on entend celle dont l'entreprise bénéficiait, en ce qui concerne sa propre fabrication de pièces détachées, lors de l'entrée en vigueur du régime du permis de fabrication. La livraison d'ébauches et de fournitures par une manufacture à une autre manufacture est actuellement réglée par des dispositions spéciales
de la convention collective; ces dispositions n'offrent toutefois, particulièrement en ce qui concerne les pièces détachées, que des possibilités très restreintes.

Il s'agit donc tout d'abord de déterminer si dans le futur statut, on peut de nouveau renoncer à définir la manufacture. Cette solution ne serait pas satisfaisante du point de vue juridique. En effet, du moment que le droit public utilise celle uuliuu, il doil aussi la lorcoiiscrïre. De surcruîl, celle définition s'impose pour une autre raison: le résultat des analyses de la er

1556 commission fédérale d'étude dés prix et dea travaux préliminaires du département de l'économie publique ainsi que les réponses des cantons et des groupements économiques à la consultation postulent un élargissement des droits de fabrication des manufactures. La compétition actuelle et la nécessité d'augmenter, dans l'intérêt de l'ensemble de l'industrie horlogère, les possibilités de concurrence entre les entreprises spécialisées dans la production d'ébauches et de fournitures, d'une part, et les manufactures, d'autre part, commandent qu'on insère dans le nouvel arrêté une disposition accordant expressément aux manufactures le droit de produire non seulement des ébauches, mais aussi des pièces détachées de toutes sortes, y compris les parties réglantes. Ce droit serait sans restriction; il ne serait donc pas limité aux situations acquises ou aux permis délivrés par le département de l'économie publique. Actuellement, seules quelques rares manufactures ont le droit de fabriquer l'ensemble des pièces détachées nécessaires à leurs propres besoins. La plupart des manufactures doivent acheter la plus grande partie de leurs fournitures, ou même la totalité -- en particulier les parties réglantes -- aux entreprises spécialisées. On peut s'attendre à ce que cette extension du droit des manufactures donne une impulsion souhaitable à la concurrence. L'octroi aux manufactures d'un droit de fabrication général ouvre à ces entreprises la possibilité d'adapter, selon qu'il leur semble opportun, leur technique de production aux exigences résultant de l'intensification de la concurrence internationale (nous rappelons ici le problème des grandes séries).

Le droit public ne saurait se borner à réglementer la fabrication des ébauches et des fournitures par les manufactures tout en laissant ouverte la question de la vente de ces produits aux autres fabriques d'horlogerie.

Ce régime aurait, déjà pendant la période de transition, pour effet de laisser toute liberté aux manufacures d'approvisionner les établisseurs. Il en résulterait une brusque rupture de l'équilibre que la législation encore en vigueur a maintenu entre les principales branches de l'industrie horlogère.

De surcroît, il ne serait pas juste de limiter par des dispositions légales le droit des manufactures à la production des ébauches et des pièces
détachées destinées à leurs propres besoins. Ce serait un recul au regard de la réglementation actuelle, qui admet déjà certaines livraisons à d'autres fabriques d'horlogerie.

Enfin, la proposition de réserver à des accords de droit privé la réglementation de la vente des ébauches et des pièces détachées à des tiers, c'està-dire d'admettre par des dispositions dé droit public de telles ventes dans le cadre de la convention collective, ne donne pas satisfaction, notamment du point de vue juridique. Nous n'avons d'ailleurs aucune assurance que cette convention, qui arrive à expiration le 30 juin 1962, sera remplacée par un autre arrangement de droit privé réglant cette question d'une manière satisfaisante.

1557 II n'en reste pas moins que si cette question était réglée expressément et d'une manière exhaustive dans le statut légal lui-même, on risquerait d'aboutir à une solution trop rigide, oe qui serait dangereux du point de vue économique.

En conséquence, nous vous proposons de déléguer au Conseil fédéral le pouvoir de régler cet aspect subsidiaire du droit de fabrication des manufactures conformément à la formule proposée au premier alinéa. Il conviendra de mettre sur pied une réglementation qui, tout en sauvegardant de manière appropriée les intérêts légitimes des branches spéciales apporte un assouplissement par rapport à la situation actuelle. Cette délégation de pouvoir au Conseil fédéral ne doit notamment pas avoir pour but de permettre d'insérer dans l'ordonnance d'exécution une réglementation donnant aux manufactures la possibilité de se spécialiser dans la production de certaines pièces détachées. Même pendant la période de transition, la manufacture doit rester une entreprise qui fabrique avant tout des montres et des mouvements de montres.

Ad article 13 Aux termes de l'article 4 de l'arrêté fédéral en vigueur, le permis de fabrication doit être délivré ei les conditions fixées au premier alinéa sont remplies; il peut l'être dans les cas mentionnés au 2e alinéa (1). Le premier alinéa de l'article 13 du projet renonce à cette seconde possibilité, car l'application de cette disposition a toujours été très difficile attendu que, dans la pratique, il a été malaisé de faire une distinction nette entre les champs d'application de ces deux alinéas de l'article 4. La formule potestative du 2e alinéa est d'ailleurs peu satisfaisante, parce qu'elle laisse à l'autorité un trop large pouvoir d'appréciation. Nous donnons donc la préférence à la formule de l'article 13 du projet, qui oblige l'autorité compétente à accorder le permis si celui-ci ne lèse pas d'importants intérêts de l'industrie horlogère considérée dans son ensemble et si le requérant remplit les conditions énoncées aux lettres a, 6 ou c de cet alinéa.

L'article 13, premier alinéa, du projet correspond à la conception de l'article 4, premier alinéa, de l'arrêté fédéral en vigueur. Cette disposition a (*) L'article 4, 1« alinéa, lettre a, de l'arrêté en vigueur dispose ce que voici: Une autorisation au sens de l'artiole 3 sera accordée,
si elle ne lèse pas d'importants intérêts de l'industrie horlogère dans son ensemble ou d'une de ses branches dans son ensemble, au requérant qui déaire ouvrir une entreprise horlogère, s'il prouve qu'il a déjà exercé dans la branche dont il s'agit une activité technique et commerciale suffisante et s'il Justine des connaissances nécessaires pour exploiter l'entreprise qu'il se propose d'ouvrir.

Le 2e alinéa, lettre a, dispose ce que voici: Indépendamment des cas visés par le premier alinéa et à la condition qu'elle ne lèse pas des intérêts prépondérants de l'industrie horlogère considérée dans son ensemble, une autorisation au sens de l'article 3 peut être accordée, notamment, au requérant qui désire ouvrir ou transformer une entreprise horlogère, s'il justifie de connaissances techniques ou commerciales suffisantes ou d'une expérience suffisante.

1558 donné de bons résultats; elle a permis d'appliquer le régime du permis de fabrication d'une manière satisfaisante.

La possibilité d'accorder un permis en dehors des cas visés au 1er alinéa n'existant pas, nous avons estimé nécessaire, afin que les nouvelles dispositions ne soient pas plus restrictives que celles d'aujourd'hui, d'assouplir quelque peu les conditions que le requérant doit remplir pour obtenir le permis. En conséquence, l'article 13, 1er alinéa, lettre a, dispose qu'il suffit que le requérant prouve qu'il possède les connaissances nécessaires pour exploiter une entreprise, notamment s'il a déjà exercé une activité suffisante dans la branche dont il s'agit. Il n'est donc plus indispensable qu'en plus des connaissances nécessaires, il justifie encore d'une activité technique et commerciale suffisante. L'autorité doit avoir la faculté de mettre l'accent sur l'une plutôt que sur l'autre de ces exigences. En effet, si des connaissances commerciales sont nécessaires pour un établisseur, par exemple, elles le sont moins pour un termineur; on peut admettre aussi que même un requérant qui ne dispose pas d'une longue expérience peut posséder les aptitudes nécessaires pour exploiter d'une façon indépendante une entreprise.

Les lettres b et c du premier alinéa, ainsi que les alinéas 2 et 3, correspondent à la réglementation y relative de l'actuel statut et n'appellent pas d'observations spéciales.

Ad article 14 Plusieurs des cantons et associations consultés jugent insuffisante cette obligation de faire rapport à l'Assemblée fédérale. On a demandé qu'elle soit complétée par une prescription conférant au Conseil fédéral -- ou a l'Assemblée fédérale -- le pouvoir de prolonger de quelques années, entièrement ou partiellement, le régime de transition.

Si, contre toute attente, il ressortait des expériences faites pendant la durée du régime de transition que le permis de fabrication doit être maintenu dans certains secteurs au-delà du 31 décembre 1965, nous serions en présence d'une situation toute nouvelle. Dans ce cas, la décision relative à la prorogation devrait de nouveau être l'objet d'un arrêté fédéral soumis au referendum.

Ad article 15 L'établissement d'un registre des entreprises horlogères revêt une grande importance en relation avec l'article 14, qui donne au Conseil fédéral
mandat de présenter un rapport à l'Assemblée fédérale. En effet, déjà pendant la période de transition, de nombreuses transformations de l'activité industrielle ne seront plus subordonnées à un permis, de sorte qu'à défaut de ce registre, les autorités compétentes ne seraient pas renseignées d'une manière suffisante. Or, le Conseil fédéral ne peut rapporter sur les expériences faites en matière d'assouplissement du compartimentage que si le département de l'économie publique est régulièrement informé des conséquences pratiques de la démobilisation consacrée par les articles 10 à 13.

1559 Ce registre revêtira également une grande importance à l'expiration du régime de transition. Après la suppression du permis de fabrication, l'autorité n'aurait plus connaissance de l'ouverture de nouvelles entreprises si un registre n'était pas établi. Pour pouvoir cependant appliquer d'une manière efficace le nouvel arrêté, notamment les dispositions relatives au contrôle technique, les autorités devront disposer, aussi à l'avenir, d'un registre tenu à jour des entreprises horlogères exploitées en Suisse. Ce registre devra renseigner sur la nature de l'activité de chacune de ces entreprises. L'article 15 a un caractère purement administratif. L'enregistrement qu'il prévoit n'est assorti d'aucun émolument et il ne pourra être refusé que pendant la période de transition, si l'entreprise en cause n'a pas obtenu l'autorisation d'exploitation nécessaire.

Ad article 16 Aux termes du 2 alinéa, les dépenses exigées par les enquêtes, expertises ou mesures de contrôle peuvent être mises à la charge des personnes et des entreprises qui les auront rendues nécessaires (indépendamment du contrôle technique, dont les frais sont l'objet d'une disposition spéciale à l'article 5). Le Conseil fédéral précisera dans l'ordonnance d'exécution les conditions qui détermineront la participation partielle ou intégrale aux frais.

Ad article 17 Cet article, calqué sur de nombreuses dispositions correspondantes de la législation fédérale, doit permettre aux agents chargés de l'exécution de l'arrêté fédéral et du contrôle de remplir leur mission. De plus, il sauvegarde les intérêts légitimes des personnes et entreprises qui sont l'objet d'une investigation ou d'un contrôle.

e

Ad article 18 Cet article figure déjà dans la législation en vigueur. Il n'appelle pas de commentaires.

Ad articles 19 et 20 L'avant-projet de statut légal de l'horlogerie que nous avons soumis à l'appréciation des cantons et des groupements économiques prévoyait des voies de recours diverses selon que la décision contestée concernait le contrôle technique, le régime du permis de fabrication ou d'autres matières réglées par le projet. Lors de la procédure de consultation, on a fait observer, avec raison, qu'il y aurait avantage à simplifier, et surtout à unifier le régime de recours, une seule autorité devant avoir la compétence de statuer en dernière instance sur toute décision rendue en application de l'arrêté.

Nous avons cherché dans ce sona une nouvelle solution, qui est l'objet des articles 19 et 20.

1560 Alors que l'on s'emploie à libérer le Conseil fédéral de diverses obligations pour lui permettre de se pencher plus longuement sur les grands problèmes, il ne paraît pas indiqué que l'arrêté le désigne en qualité d'unique autorité de recours contre les décisions des organes d'exécution. Cette solution eût d'ailleurs rompu, sans justification suffisante, arec le système en vigueur, selon lequel les décisions relatives au permis de fabrication peuvent être déférées au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif.

Les dispositions de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 limitent la compétence du Tribunal fédéral, en tant que juridiction de droit administratif, aux questions de violation du droit fédéral et de constatations de fait, à l'exclusion des questions d'appréciation. Or, la suite à donner à des recours se rapportant à des permis d'exportation, par exemple, peut dépendre dans une très large mesure de l'appréciation des circonstances, de l'opportunité qu'il y a, du point de vue économique, d'accorder ou de refuser un permis. Ce sont là autant d'éléments dont l'appréciation échappe, par leur nature, au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral. Même dans le domaine du régime du permis de fabrication, qui ressortit jusqu'à maintenant à ce tribunal, l'appréciation des circonstances jouera probablement un rôle important aussi à l'avenir (art. 13, 1er al., lettre a), en dépit de la disparition de la disposition actuelle de droit potestatif. Dès lors, la désignation du Tribunal fédéral comme autorité de recours unique n'assurerait aux intéressés qu'une protection juridique insuffisante, à moins que le Tribunal fédéral ne sorte de son rôle naturel, qui consiste à faire respecter e droit, et n'intervienne dans des questions spécifiquement économiques.

Ces considérations nous ont engagés à vous proposer une solution analogue à celle qui est prévue dans la loi sur le blé du 20 mars 1959, c'est-à-dire l'institution d'une commission spéciale, auprès de laquelle il sera possible de recourir, sous réserve de l'article 21 dont il sera question ci-après, tant pour violation du droit fédéral que parce que la décision attaquée resposerait sur des constatations de fait inexactes ou incomplètes, ou encore parce qu'elle ne serait pas appropriée aux circonstances. Cette commission
sera désignée par le Conseil fédéral. Elle comprendra des juristes et des personnes qui ont une expérience approfondie des problèmes économiques.

Nous estimons cependant qu'il n'y a pas lieu de supprimer complètement, dans le nouvel arrêté, la possibilité d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral, d'autant inoins que le régime du permis de fabrication sera maintenu à titre de solution transitoire seulement et qu'il serait dès lors inopportun de modifier radicalement, pendant la période de transition, un système de recours qui a donné de bons résultats. Nous vous proposons, par conséquent, en dérogation à l'article 101, lettre b, de la loi d'organisation judiciaire, de prévoir que toute décision de la commission de recours pré-

1561 citée pourra être déférée au Tribunal fédéral par la voie du recours de droit administratif, Préalablement à la mise au point définitive du projet, le département de l'économie publique a invité le Tribunal fédéral à se prononcer sur la nouvelle réglementation qui est proposée en matière de recours. Dans sa réponse du 14 novembre 1960, ce tribunal a exprimé l'avis, comme il l'avait déjà fait d'ailleurs en 1958, à l'occasion de la revision de la loi sur le blé, que des lois spéciales ne sauraient contenir des dispositions dérogeant à la réglementation générale prévue par la loi d'organisation judiciaire. Cela revient à dire ce qui suit: Comme l'article 101, lettre 6 de cette loi exclut le recours de droit administratif contre les décisions qui peuvent être déférées à des autorités fédérales spécialement instituées et qu'il ne précise nulle part que les décisions de ces autorités spéciales peuvent faire à leur tour l'objet de recours de droit administratif, il convient de procéder comme suit : ou bien confier à la commission de recours le pouvoir de trancher tous les recours en dernière instance, ou bien déterminer expressément dans l'arrêté la répartition des cas entre le Tribunal fédéral et la commission de recours.

Pour les raisons que nous avons développées plus haut, nous ne pouvons pas donner suite à. la proposition du Tribunal fédéral. Il va sans dire que la compétence du Tribunal fédéral au sens de la loi d'organisation judiciaire demeurera limitée aux violations du droit fédéral et aux constatations de fait, à l'exclusion des questions de pure appréciation.

Ad articles 21 et 22 Dans le chapitre qui traite des relations entre le statut légal et la convention collective, nous avons exposé jusqu'à quel point le régime du permis de fabrication contribue à renforcer l'organisation conventionnelle de l'industrie horlogère. En expliquant le rôle particulier de l'ASUAG, nous avons également signalé l'importance que revêt l'appui accordé par le droit public au monopole des quatre trusts, notamment du point de vue de l'application de certaines mesures prises par les associations en vue de limiter la concurrence. Si l'Etat confère de tels pouvoirs à des associations de droit privé, il doit aussi accorder aux groupements minoritaires et aux entreprises individuelles une protection suffisante
contre les mesures qui restreignent la concurrence au-delà de ce qui est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de l'industrie horlogère considérée dans son ensemble. On ne saurait admettre, par exemple, que l'autorisation d'ouvrir une entreprise fût rendue inopérante par l'interdiction de lui livrer des ébauches et des pièces détachées que pourraient décréter les organisations horlogères.

En l'absence d'une loi spéciale sur les cartels, il paraît indispensable que, pour créer le contrepoids nécessaire à la protection particulière dont bénéficie l'horlogerie, le droit public assujettisse cette industrie à une réglementation spéciale devant prévenir un abus de la puissance économique.

1562 Le pouvoir de combattre ces abus doit être confié au Conseil fédéral, en sa qualité d'autorité exerçant la haute surveillance sur l'application du statut de l'horlogerie. C'est lui, en effet, qui est responsable d'une application de l'article 21 conforme aux objectifs de l'arrêté fédéral.

L'article 21 est destiné à remplacer le 6e alinéa de l'article 4 et l'article 8 de l'arrêté en vigueur. L'expérience a montré -- nous pensons en particulier au procès Triebold -- que ces deux dispositions n'ont pas donné satisfaction.

Le 6e alinéa de l'article 4 n'est pas assez précis pour donner dans tous les cas au Conseil fédéral le pouvoir d'intervenir d'une manière assez efiicace en vue de sauvegarder les intérêts légitimes des minorités. Quant à l'article 8, s'il est insuffisant, c'est parce que l'intervention du Conseil fédéral dépend d'une demande émanant de toutes les parties intéressées. L'article 21 du projet d'arrêté permet au Conseil fédéral de protéger les intérêts légitimes d'entreprises individuelles ou de groupements minoritaires qui sont lésés dans leur liberté de concurrence ou d'une autre manière par des mesures de droit privé limitant cette concurrence, à la condition toutefois que ces mesures aient été prises avant l'expiration du régime de transition consacré par les articles 10 à 13. A partir de ce moment, il n'y aura plus de raisons suffisantes d'assujettir l'industrie horlogère à un régime différent de celui des autres branches économiques en ce qui concerne les atteintes à la liberté de concurrence.

La procédure d'approbation sera obligatoirement précédée d'une tentative de conciliation qui devrait permettre de régler à l'amiable la plupart des cas litigieux. Aux termes de l'article 22, il appartiendra au Conseil fédéral de désigner la commission de conciliation. Afin d'obtenir l'indispensable unité de jurisprudence, cette commission comprendra les membres de la commission de recours prévue à l'article 19, auxquels on adjoindra quelques personnes; notamment pour assurer à l'industrie horlogère une représentation appropriée.

Si cette commission ne parvient pas à concilier les parties, il appartiendra au Conseil fédéral d'accorder ou de refuser son approbation aux mesures attaquées et, le cas échéant, de prendre les dispositions propres à éliminer les restrictions à la concurrence
qu'il considérera comme injustifiées.

La solution que nous vous proposons et qui est fondée sur un avis de droit des professeurs Hans Huber et Hans Merz, permettra à la procédure de conciliation et d'approbation de suivre son cours indépendamment d'un éventuel procès civil. Si le Conseil fédéral refuse d'entériner une mesure qui limite la concurrence, sa décision liera le juge civil, qui sera obligé de considérer la mesure comme illicite. Cette conséquence, qui est précisée dans l'arrêté, est d'ailleurs conforme à la doctrine et à la jurisprudence concernant les effets et la portée des décisions administratives. En tout état de cause, seul le juge civil sera compétent pour connaître d'une action en dommagesintérêts intentée par l'intéressé. Si le Conseil fédéral donne son approbation

1563 à une mesure qui limite la concurrence, cela ne signifie pas que le juge civil doive d'emblée tenir cette mesure pour licite. Il doit apprécier cette question en se fondant sur les principes du droit civil.

En proposant de soumettre l'horlogerie à cette réglementation spéciale, nous n'entendons ni créer un précédent dont doive tenir compte la future loi sur les cartels, ni perpétuer un régime d'exception dans cette industrie.

Si la loi sur les cartels entre en vigueur avant l'expiration du nouveau statut horloger, il s'agira d'examiner si l'industrie horlogère ne doit pas être assujettie à cette loi, au même titre que les autres branches économiques.

H suffira à cet effet d'insérer dans la loi sur les cartels une disposition abrogeant les articles 21 et 22 du nouvel arrêté fédéral.

Ad article 23 Cet article n'appelle pas de commentaires.

Ad articles 24 à 27 Comme c'est le cas actuellement, les infractions aux dispositions de l'arrêté et de l'ordonnance d'exécution sont considérées comme des contra·ventions et non pas comme dos délits. Etant donnés les avantages économiques que ces infractions peuvent procurer à leurs auteurs, nous estimons cependant qu'il y a lieu de porter à 50 000 francs l'amende maximum de 2000 francs prévue par le code pénal. Il est également nécessaire de fixer à cinq ans le délai de prescription de l'action pénale, ainsi que le prévoit l'arrêté fédéral en vigueur. En effet, si l'on se contentait du délai d'un an fixé par le code pénal, il serait impossible, dans la plupart des cas, de réprimer les infractions.

L'article 26 innove sur un point; il permet à l'entreprise de dégager sa responsabilité solidaire quant au paiement de l'amende et des frais si elle prouve qu'elle n'a rien négligé pour engager à temps les personnes qui sont devenues passibles de sanctions à observer les prescriptions. Cette réglementation est conforme à la solution consacrée par d'autres textes légaux de la Confédération, comme par exemple par la loi sur le blé.

Nous prévoyons de donner à nouveau à la chambre suisse de l'horlogerie la faculté d'intervenir comme partie civile dans les procès pénaux, afin de lui permettre de représenter et de défendre les intérêts généraux de l'industrie horlogère. Pour qu'elle soit habilitée à se constituer partie civile, il y a lieu de lui conférer le droit
de réclamer le remboursement des frais, au sens de l'article 16 notamment, même si ces frais sont consécutifs à des mesures qu'elle n'a pas ordonnées.

Ad article 28 Le département de l'économie publique ne pourra édicter des prescriptions d'exécution de portée obligatoire générale que dans les cas où l'arrêté

1564 lui-même le prévoit expressément. Dans tous les autres cas, cette compétence est réservée au Conseil fédéral, qui ne pourra pas la déléguer.

Ad article 29 Nous envisageons de confier l'exécution de certaines tâches telles que le contrôle technique, non pas à des fonctionnaires de la Confédération, mais, par exemple, à certains organes des associations horlogères. Dans les cas de cette nature, lesdits organes exerceront des fonctions de droit public; lea agents qui rempliront ces fonctions seront assimilés à des fonctionnaires au sens du code pénal. En conséquence, la Confédération devra délimiter les modalités de la collaboration des organisations horlogères, qui s'exercera sous sa surveillance.

Ad article 30 Pour la validité du nouveau statut, on prévoit une durée de dix ans, comme c'est le cas pour l'arrêté actuel. La durée du régime de transition est cependant limitée à quatre ans. Une durée de dix ans est justifiée vu que les mesures figurant aux chapitres II et III du projet, en particulier le contrôle technique et la réglementation des exportations, ont un caractère durable.

Une réduction de la durée de validité du nouveau statut aurait pour effet d'affaiblir la distinction qui doit être faite entre les dispositions du régime de transition d'une part, qui doivent être abrogées définitivement à une date fixée d'avance, et les mesures prévues aux chapitres II et III, d'autre part, dont aucune disposition n'amorce la démobilisation.

Une diminution de la durée de validité impliquerait aussi le danger que diverses branches ne renoncent aux adaptations et aux transformations de caractère urgent que l'on veut favoriser par la démobilisation du permis de fabrication. Ce serait notamment le cas si l'on fixait pour le régime de transition la même durée que pour les dispositions destinées à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère et celles qui règlent le travail hors fabrique. Les intéressés pourraient être tentés de spéculer quand même sur le fait que les mesures prévues dans les chapitres II et III seraient prorogées à l'expiration du nouveau statut. Par conséquent, ils pourraient aussi être tentés de spéculer sur une prorogation du régime de transition et de renoncer à s'adapter dès maintenant aux exigences qu'impliqué une intensification de la liberté de concurrence.

Relevons encore
que le contrôle technique est une mesure nouvelle dont l'application exigera une certaine période de «rodage» et qui revêt, pour le maintien du renom de la montre suisse et pour le développement des exportations, une telle importance qu'une durée de validité limitée à quelques années seulement ne permettrait pas d'atteindre le but.

Poux les problèmea qui se poseront en liaison avec l'entrée en vigueur du nouvel arrêté fédéral, l'abrogation des articles 10 à 13 et l'expiration du

1565 nouveau statut, il est prévu que le principe de la lex mitior (1) s'appliquera lorsqu'il s'agira du fond et le principe de la rétroactivité lorsqu'il s'agira de la forme. Dans le domaine du pénal, l'arrêté prescrit que les infractions aux dispositions qui auront été abrogées dans l'intervalle devront continuer à être poursuivies et jugées sur la base de ces dispositions. Il s'agit d'empêcher qu'un intéressé ne spécule sur le fait qu'une infraction commise peu avant l'abrogation des prescriptions ne serait plus réprimée.

Nous fondant sur les explications qui précèdent, nous vous recommandons d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint et vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 16 décembre 1960.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Max Petitpierre 18369

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser (*) Principe selon lequel l'intéressé est toujours mis au bénéfice des dispositions qui lui sont plus favorables.

1566 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

l'industrie horlogère suisse (Statut légal do l'horlogerie)

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles Slbis, 32, 34fer, 1er alinéa, lettre a, et 64ôis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 16 décembre I960, arrête: I. Champ d'application et définitions Article premier Font partie de l'industrie horlogère au sens du présent arrêté : a. La fabrication et la terminaison de montres, mouvements de montres et porte-échappements; b. La fabrication de l'ébauche et des fournitures (y compris les boîtes et les sous-produits) ainsi que les opérations nécessaires entrant dans cette fabrication; c. La fabrication d'étampes et d'outillages de tout genre destinés à la fabrication d'ébauches et de fournitures (y compris les boîtes et les sous-produits) utilisés dans l'industrie horlogère, ainsi que la fabrication de tout appareil servant au montage et à la mise au point de mouvements, ébauches et fournitures (y compris les boîtes et les sous-produits).

2 Par montres ou mouvements de montres au sens du présent arrêté, il faut entendre les appareils à mesurer le temps dont le mouvement ne dépasse pas 50 millimètres de largeur, de hauteur ou de diamètre ou dont l'épaisseur, mesurée avec la platine et les ponts, 1

1567 ne dépasse pas 12 millimètres. En ce qui concerne la largeur, la hauteur ou le diamètre, ne sont prises en considération que les dimensions techniquement nécessaires.

s Le département de l'économie publique formule les autres définitions techniques en tant qu'elles sont nécessaires à l'application du présent arrêté.

II. Mesures destinées à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse

Art. 2 En vue d'empêcher l'exportation de produits horlogers propres à porter gravement atteinte au renom de l'industrie horlogère suisse à l'étranger, le Conseil fédéral introduira, dès le 1er janvier 1962, un contrôle technique des montres et mouvements démontres fabriqués en Suisse. Il pourra exclure de ce contrôle certaines catégories de réveils et de pendulettes ou retendre à d'autres produits horlogers fabriqués en Suisse ou importés.

2 Les critères de contrôle et les exigences minimums seront fondés sur des valeurs mesurables d'ordre technique, à l'exclusion de tout critère d'apparence et de présentation. Ils seront établis de manière à ne pas porter préjudice à certains genres de montres. Les critères de contrôle seront adaptés à l'évolution technique et les exigences minimums aux besoins des marchés. Les exigences minimums pourront différer selon la catégorie ou, le cas échéant, selon la sous-catégorie des produits terminés pour lesquels elles seront requises.

3 Le contrôle technique est opéré par sondages.

1

Art. 3 Lorsqu'il résulte du contrôle technique opéré conformément à l'article 2, 3e alinéa, que les produits horlogers fabriqués ou utilisés par une entreprise ne répondent pas aux exigences minimums, l'organisme compétent adresse un avertissement à cette entreprise.

2 Si, malgré deux avertissements, l'entreprise se trouve derechef en défaut au sens du 1er alinéa, elle est soumise à un contrôle technique renforcé, également opéré par sondages mais portant sur l'ensemble des produits horlogers sujets au contrôle qu'elle fabrique ou utilise. En outre, il lui est interdit de vendre en vue de l'exportation, d'exporter ou de vendre à un client domicilié à l'étranger tout produit horloger sujet au contrôle technique qui ne répond pas aux exigences minimums. Cette interdiction devient caduque et l'entreprise est libérée du contrôle technique renforcé si, durant un certain délai, sa production ne donne lieu à aucune contestation justifiée.

1

A. Contrôle technique de produits horlogers a. But et principes d'application

b. Contrôle technique renforcé et sanctions

1568

e. Opposition

A. Frais du contrôle technique

e. Tâches incombant aux autorités d'exécution

Art. 4 Si les résultats dû contrôle technique opéré en application dea articles 2 ou 3 donnent lieu à contestation, l'entreprise peut, dans les dix jours dès leur communication, faire opposition et requérir un nouveau contrôle. L'organisme compétent rend alors une décision susceptible de recours au sens de l'article 19. Ce recours n'a pas d'effet suspensif.

Art. 5 Les frais du contrôle technique au sens des articles 2 et 3 sont à la charge de l'entreprise contrôlée.

Art. 6 Le Conseil fédéral fixe les critères du contrôle technique. Il désigne les organismes chargés de ce contrôle et définit leurs attributions. H fixe le délai visé à l'article 3, 2e alinéa. Il règle la procédure d'opposition et édicté un tarif des frais du contrôle technique au sens des articles 2 et 3.

a Le département de l'économie publique fixe les exigences minimums auxquelles devront satisfaire, dans leurs catégories ou souscatégories respectives, les produits horlogers sujets au contrôle technique. Il détermine ces catégories et sous-catégories. Il règle les modalités du contrôle technique au sens des articles 2 et 3 et prend les dispositions nécessaires pour en assurer l'impartialité.

1

Art.

B. Réglementation ita exportations

1

7

Dans la mesure requise pour soutenir la politique traditionnelle en matière d'exportation de produits horlogers et atteindre le but assigné au contrôle technique de ces produits, le Conseil fédéral subordonne à un permis la vente en vue de l'exportation, l'exportation et la vente à un client domicilié à l'étranger : 1. De montres, de mouvements de montres, d'ébauches, de sousproduits de l'ébauche, de pignons, ainsi que de parties réglantes de la montre (assortiments, balanciers et spiraux) ou d'autres fournitures d'horlogerie (y compris les boîtes et les sous-produits), qu'il s'agisse de parties détachées ou de parties assemblées; 2. a. D'étampes et d'outillages de tous genres, aussi bien neufs qu'usagés, destinés à la fabrication d'ébauches et de fournitures (y compris les boîtes et les 'sous-produits) ; b. De plans de construction de calibres et de dessins d'étampes et d'outillages entrant dans la fabrication horlogère ;

1569 e. De tous appareils servant au montage et à la mise au point de mouvements, ébauches et fournitures (y compris les boîtes et les sous-produits).

3. De machines spécifiquement horlogères.

2 Dans l'intérêt d'une application efficace de la réglementation des exportations au sens du 1er alinéa, le Conseil fédéral peut édicter des dispositions spéciales sur le contrôle de la fabrication et de la vente des ébauches et de certaines fournitures, et indiquer les documents que les entreprises intéressées devront tenir à la disposition des organes de contrôle, 3 Si un contrôle opéré en application du 2e alinéa justifie une présomption sérieuse d'exportation illicite d'ébauches ou de fournitures sujettes au contrôle de la fabrication et de la vente, l'entreprise ne pourra poursuivre son activité industrielle que si elle conclut avec l'organisme désigné à cet effet un contrat de contrôle stipulant une peine conventionnelle. Sera l'objet de la même mesure l'entreprise qui aura exporté illicitement de telles ébauches ou fournitures pendant qu'elle était soumise au contrôle prévu au 2e alinéa.

ì Lo Conseil fédéral désigne les autorités compétentes pour délivrer les permis au sens du 1er alinéa.

Art. 8 Si des organisations de l'industrie horlogère prennent des C. Contribution mesures d'entraide en faveur de cette industrie dans son ensemble de8olidariw ou d'une branche particulière, notamment sur le plan de la recherche scientifique et de la prospection des marchés, le Conseil fédéral peut, sur proposition desdites organisations, obliger les entreprises qui ne leur sont pas affiliées mais qui peuvent bénéficier directement ou indirectement de ces mesures, à payer des contributions de solidarité.

a Des contributions de solidarité ne peuvent être prélevées que si les entreprises non affiliées ont la possibilité d'adhérer à l'organisation d'entraide.

s Les contributions de solidarité seront fixées de manière que la charge financière des mesures d'entraide soit équitablement répartie entre les entreprises affiliées aux organisations horlogères et celles qui ne le sont pas. Le Conseil fédéral édicté des prescriptions à cet effet, ainsi que pour garantir l'utilisation des contributions conformément à leur but.

III. Travail hors fabrique Art. 9 1 Le Conseil fédéral édicté des dispositions en vue de régler le travail à domicile dans l'industrie horlogère, ainsi que le travail dans 1

Feuille fédérale. 112e almée. Vol. II.

109

1570

les ateliers non régis par les dispositions de la loi fédérale du 18 juin 1914 (l) sur le travail dans les fabriques.

2 Les ouvriers à domicile seront rétribués selon les mêmes normes que les ouvriers en atelier ou en fabrique, IV. Régime de transition

Art. 10 Régime du permis

Délimitation dfi'lZS horiogere

x

Pendant la période du 1er janvier 1962 au 31 décembre 1965, l'ouverture de nouvelles entreprises de l'industrie horlogère, la réouverture d'entreprises ayant interrompu leur activité industrielle pendant plus de deux ans et la transformation d'entreprises existantes demeurent subordonnées à un permis. Le département de l'économie publique statue sur les demandes.

2 Sont considérés comme transformations au sens du 1er alinéa le passage d'une branche de fabrication à une autre, ainsi que l'adjonction d'une branche de fabrication à une autre.

a Ne sont pas subordonnés à un permis la reprise d'une entreprise horlogère existante avec l'actif et le passif, l'adjonction d'une entreprise existante à une autre, la fusion d'entreprises existantes et, lorsqu'il s'agit de la même branche, le passage d'une forme d'activité industrielle à une autre, par exemple le passage du travail à façon à la fabrication.

4 Ne sont pas subordonnés à un permis : a. La fabrication de vis, de barrettes à ressort, de pendants et anneaux, de ressorts-fil et de brides de ressorts; 6. Le polissage de pièces d'acier, la gravure de mouvements de montres et de boîtes, la gravure sur acier, l'adoucissage d'aiguilles, le posage de radium et l'empierrage.

Art. 11 Sont considérés comme branches de l'industrie horlogère au sens de l'article 10, 2° et 3" alinéas: a j^ fabrication de l'ébauche complète; b. La fabrication des mécanismes de montres compliquées (calendrier, chronographe, compteur) et des mécanismes de remontage automatique ; c. La fabrication de la raquetterie, des pare-chocs et des chatons combinés ; 1

(i)~RS 8, 3.

1571

d. La fabrication des roues et des pignons, le décolletage et taulage, ainsi que le pivotage; e. La fabrication d'assortiments; /, La fabrication de balanciers; g. La fabrication de spiraux; h. Le dorage, argentage et nickelage de mouvements; i. La fabrication de ressorts; 1t. La fabrication de pierres, y compris le préparage et toutes les saisons de ladite fabrication de pierres; l. La fabrication d'aiguilles; m. La fabrication et la frappe de cadrans; n. La fabrication de boîtes, y compris le placage galvanique et le terminage de boîtes; o. La fabrication de verres de montres; p. La fabrication de montres par des manufactures; q. La fabrication de montres par voie d'établissage, y compris le terminage depuis le 1er janvier 1963 ; r. Le terminage de mouvements jusqu'au 31 décembre 1962; s. La fabrication d'étampes et d'outillages.

2 Le Conseil fédéral peut modifier, selon les besoins, la délimitation des branches figurant au 1er alinéa.

3 Dans le terminage de mouvements et la fabrication des montres et des mouvements de montres, que ce soit par des établisseurs ou des manufactures, aucune distinction n'est faite entre les systèmes ancre, cylindre, Roskopf et genre Roskopf. Toutefois, dans la fabrication des ébauches ainsi que des assortiments et balanciers par des entreprises spécialisées, chacun de ces systèmes est considéré comme une branche de fabrication.

Art. 12 1 La manufacture est une fabrique d'horlogerie qui produit des ébauches et des fournitures (réglantes ou autres) pour sa propre fabrication. Le Conseil fédéral détermine dans quelle mesure eUe peut aussi livrer des ébauches et des fournitures à des tiers.

2 L'établisseur est un fabricant d'horlogerie qui achète toutes les ébauches et fournitures nécessaires à sa fabrication et qui les assemble lui-même ou les fait assembler par des tiers, H peut aussi terminer des montres ou des mouvements de montres pour autrui (manufacture ou autre établisseur) sous contrat d'entreprise.

3 Est termineur celui qui termine des montres ou des mouvements de montres pour autrui (manufacture ou établisseur) sous contrat d'entreprise.

Champ d'activité dee manufactures, établisseurs et termineurs

1572

Octroi dee permis

Rapport à l'Assemblèe «dénie

Art. 13 Un permis au sens de l'article 10 sera accordé, s'il ne lèse pas d'importants intérêts de l'industrie horlogère considérée dans son ensemble, au requérant: a. Qui désire ouvrir, rouvrir ou transformer une entreprise horlogère s'il prouve qu'il possède les connaissances nécessaires pour exploiter une telle entreprise, notamment s'il a déjà exercé dans la branche dont il s'agit une activité suffisante; 6. Qui désire ouvrir, rouvrir ou transformer une entreprise horlogère en vue d'exploiter une invention brevetée, un nouveau procédé de fabrication, ou une amélioration technique, s'il en résulte un progrès pour l'industrie horlogère. Le département de l'économie publique ne prend sa décision qu'après avoir consulté un ou plusieurs experts indépendants; c. Qui veut transformer une entreprise, s'il prouve qu'en raison de changements qui se sont produits dans la fabrication ou sur le marché de la montre, la transformation dont il s'agit est nécessaire pour que l'entreprise demeure viable.

2 Le département de l'économie publique ne statue qu'après avoir pris l'avis d'une commission consultative composée des représentants des principaux groupements patronaux et ouvriers de l'industrie horlogère. Il désigne les membres de cette commission.

3 Les permis ne peuvent être l'objet d'une transaction commerciale. Toute opération de ce genre est nulle.

1

Art. H Pour le 31 octobre 1964 au plus tard, le Conseil fédéral fera rapport à l'Assemblée fédérale sur les expériences faites quant à l'application du présent arrêté et notamment des articles 10 à 13.

V. Dispositions générales

Eegistre des entreprises borkigeres

Art. 15 Les personnes physiques ou morales et les sociétés commerciales qui entendent exercer une activité industrielle dans l'horlogerie doivent se faire inscrire sur un registre tenu par un service du département de l'économie publique désigné à cet effet. Doivent également être signalés à ce service les reprises, adjonctions, fusions et transformations d'entreprises existantes, ainsi que tout autre changement d'activité industrielle dans le secteur de l'horlogerie, de même que les changements d'adresse.

1

1573 2

A moins que le permis nécessaire selon l'article 10 n'ait pas été accordé, le service chargé de la tenue du registre précité ne peut pas refuser l'inscription sollicitée.

Art. 16 Le département de l'économie publique peut ordonner les enquêtes, expertises et mesures de contrôle que requiert l'application du présent arrêté.

2 Les personnes ou entreprises qui les ont rendues nécessaires peuvent être astreintes à en supporter les frais.

1

Art. 17 Chacun est tenu de fournir aux agents chargés de l'exécution et du contrôle, sur les faits en rapport avec l'application du présent arrêté, des renseignements véridiques, de produire les documents requis et de permettre l'accès aux locaux d'exploitation. Les articles 75 et 77 à 79 de la loi fédérale du 15 juin 1934 (l) sur la procédure pénale sont réservés.

2 Les agents chargés de l'exécution et du contrôle, ainsi que les experts et autres mandataires, sont tenus de garder le secret sur leurs constatations et observations. Us ne sont en droit de fournir des renseignements à ce sujet qu'aux autorités ou organes qui les ont mandatés.

Art. 18 Des émoluments peuvent être perçus pour l'octroi des permis prévus aux articles 7 et 10. Le Conseil fédéral en fixe le montant.

1

Enquêtes et contrôles

Obligation de renseigner et secret de fonction

Emoluments

VI. Protection juridique et dispositions pénales

Art. 19 Sous réserve de l'article 21, les décisions prises en application du présent arrêté peuvent être déférées à une commission de recours dont les membres sont nommés par le Conseil fédéral.

2 L'article 23 ois de la loi fédérale du 26 mars 1914 (2) sur l'organisation de l'administration fédérale est applicable |par analogie.

Pour le surplus, le Conseil fédéral règle l'organisation et la procédure de la commission de recours.

1

(i) RS 8, 295.

(») KS 1, 243.

A. Voies de recours a. Recours à la commission

1574 s

Le droit de recours appartient à celui qui est intéressé, comme -partie, à la décision attaquée et à toute personne dont les droits sont lésés par cette décision. En outre, la chambre suisse de l'horlogerie est également habilitée à recourir.

b. Recours do droit administratif

Art. 20 Les décisions de la commission prévue à l'article 19 sont susceptibles du recours de droit administratif au Tribunal fédéral.

1

2

B. Protection contre les atteintes a la liberté de concurrence a. Procédure de conciliation et d'approbation

S'agissant de la qualité pour recourir, l'article 19, 3e alinéa, est applicable.

Art. 21 1 En vue de protéger les intérêts légitimes d'entreprises ou de groupements horlogers entravés dans leur liberté de concurrence ou lésés de quelque autre manière par des mesures que les organisations horlogères prennent notamment sous la forme de dispositions conventionnelles ou de décisions fondées sur de telles dispositions, le Conseil fédéral peut soumettre ces mesures à une procédure d'approbation ultérieure si elles ont été prises avant l'expiration du régime de transition au sens des articles 10 à 13. Les intérêts des entreprises ou groupements horlogers en cause seront protégés sauf s'ils sont incompatibles avec des intérêts vitaux de l'industrie horlogère considérée dans son ensemble, 2 La procédure est ouverte sur plainte du lésé, ou d'office par le département de l'économie publique. La plainte est adressée à ce département, qui décide à titre préalable si, selon le 1er alinéa, il y a lieu d'en examiner le mérite. Si tel est le cas, il la transmet à une commission spéciale de conciliation. Au besoin, il ordonne la suspension provisoire de la mesure contestée ou prend toutes autres dispositions provisionnelles qu'exigent les circonstances.

3 La commission cherche à concilier les parties. En cas d'échec, elle transmet le dossier, avec son avis, au département de l'économie publique à l'intention du Conseil fédéral.

4

La décision du Conseil fédéral porte approbation ou refus d'approuver la mesure contestée. Lorsqu'il refuse l'approbation, le Conseil fédéral peut prendre des dispositions propres à éliminer les restrictions à la liberté de concurrence qu'il estime injustifiées. Il peut ordonner la publication de sa décision aux frais des organisations horlogères en cause ou du plaignant.

5 La compétence des tribunaux civils en matière de restrictions à la liberté de concurrence est réservée. Toutefois, lorsque le Conseil fédéral refuse d'approuver la mesure contestée, sa décision lie ces tribunaux.

1575 Art. 22 La commission de conciliation est une formation élargie de la commission de recours prévue à l'article 19. Les membres en sont nommés par le Conseil fédéral. L'industrie horlogère y est représentée de façon minoritaire.

2 Le Conseil fédéral règle l'organisation et la procédure de la commission de conciliation.

1

Art. 23 Toute décision susceptible de recours doit indiquer l'autorité et le délai de recours.

Art. 24 Celui qui enfreint les dispositions du présent arrêté ou ses prescriptions d'exécution, notamment celui qui vend en vue de l'exportation, exporte ou vend à un client domicilié à l'étranger des produits horlogers sujets au contrôle technique et ne répondant pas aux exigences minimums, alors que l'entreprise est soumise au contrôle technique renforcé, celui qui vend en vue de l'exportation, exporte ou vend à un client domicilié à l'étranger un objet sans être au bénéfice du permis nécessaire, celui qui ouvre une nouvelle entreprise horlogère, rouvre une entreprise ayant interrompu son activité industrielle pendant plus de deux ans ou transforme une entreprise existante sans être au bénéfice du permis nécessaire, celui qui négocie un permis au sens de l'article 10, celui qui, intentionnellement ou par négligence, ne se conforme pas aux obligations qui lui incombent en vertu du présent arrêté quant inscriptions à requérir, aux faits à signaler et aux renseignements à donner, celui qui, intentionnellement ou par négligence, ne tient pas à la disposition des organes de contrôle les documents prescrits par le Conseil fédéral, est passible d'une amende pouvant s'élever à 50 000 francs au maximum.

2 A moins que le 1er alinéa n'en dispose autrement, seule l'infraction intentionnelle est punissable.

1

3

L'action pénale se prescrit par cinq ans.

4

La tentative et la complicité sont également punissables.

b. Commission do conciliation

C. Indication des voies de recours

D- Dispositions pénales a. Infractions

1576

b. Liaison avec le code pénal

o. Responsabilité solidaire

d. Procédure

Art. 25 Si une infraction est punissable tant selon l'article 24 du présent arrêté qu'en vertu du code pénal du 21 décembre 1937 (1), le présent arrêté et le code pénal sont l'un et l'autre applicables.

8 Les dispositions générales du code pénal sont applicables dans la mesure où le présent arrêté n'en dispose pas autrement.

1

Art. 26 Si l'infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou qui auraient dû agir en leur nom. Toutefois, la personne morale, la société où le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement du paiement de l'amende et dea frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle a usé de toute la diligence nécessaire pour que les personnes en cause observent les prescriptions.

2 Les tiers solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

Art. 27 1 La poursuite et le jugement des infractions incombent aux cantons.

a La chambre suisse de l'horlogerie a la faculté de se constituer partie civile et, en cas de condamnation, de réclamer le remboursement de ses dépens et des frais au sens de l'article 16.

3 Tous les jugements et ordonnances de non-lieu seront communiqués sans délai, en expédition intégrale et gratuitement, au ministère public de la Confédération à l'intention du Conseil fédéral.

1

VII. Exécution et dispositions finales Exécution de l'arrêté et haute surveillance

Art. 28 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté dans la mesure où elle n'incombe pas au département de l'économie publique. Il exerce la haute surveillance sur son application.

a Avant d'édicter les dispositions d'exécution, tant le Conseil fédéral que le département de l'économie publique consulteront les organisations horlogères intéressées et lorsqu'il s'agira de régler l'exportation des machines spécifiquement horlogères, ils consulteront également les représentants de l'industrie des machines.

1

(i) RS 3, 193.

1577 Art. 29 Le Conseil fédéral et le département de l'économie publique peuvent, pour l'exécution du présent arrêté, faire appel à la coopération des cantons et des organisations horlogères.

* La coopération des organisations horlogères se fait sous la surveillance de la Confédération. L'autorité compétente doit déterminer les tâches et les attributions qui leur sont confiées. Leur gestion et leurs comptes seront soumis à cette autorité. Le contrôle parlementaire de la Confédération est réservé.

1

Art. 30 Le présent arrêté entre en vigueur le 1er janvier 1962. H a effet jusqu'au 31 décembre 1971, sauf les articles 10 à 13.

2 Les requêtes et recours pendants au 31 décembre 1961 seront réglés conformément aux dispositions d'organisation, et de procédure du présent arrêté et de ses prescriptions d'exécution.

3 Quant à leur mérite, ces requêtes et recours seront appréciés selon les dispositions du présent arrêté et de ses prescriptions d'exécution si elles sont plus favorables à l'intéressé que les dispositions précédemment en vigueur (arrêté fédéral du 22 juin 1951 (1) sur les mesures propres à sauvegarder l'existence de l'industrie horlogère suisse et prescriptions d'exécution). Les permis délivrés et les décisions prises en vertu des dispositions précédentes restent valables en tant qu'ils ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent arrêté ou ses prescriptions d'exécution; leur validité est étendue dans les limites desdites dispositions et prescriptions.

4 Les infractions aux dispositions de l'arrêté fédéral du 22 juin 1951 précité et à ses prescriptions d'exécution seront poursuivies et jugées conformément aux dispositions dudit arrêté.

5 A l'expiration de la validité des articles 10 à 13 ainsi qu'à l'expiration de la validité du présent arrêté, les règles énoncées aux alinéas 2 à 4 s'appliqueront par analogie.

8 Le Conseil fédéral est chargé de publier le présent arrêté conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

1

(!) RO 1951, 1239.

1335»

Coopération dee cantons et des organisations horiogèree

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'industrie horlogère suisse (Statut légal de l'horlogerie) (Du 16 décembre 1960)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1960

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

52

Cahier Numero Geschäftsnummer

8154

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

29.12.1960

Date Data Seite

1489-1577

Page Pagina Ref. No

10 096 011

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.