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FEUILLE FEDERALE 112e année

Berne, le 4 août 1960

Volume II

Paraît, en règle générale, chaque semaine, prix: 30 francs par an; ~ 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou dt remboursement Avis : 50 centimes la ligne ou son espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J,Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur le contrôle des fermages agricoles (Du 19 juillet 1960)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi sur le contrôle des fermages agricoles. Il s'agit ici d'une des mesures durables de politique économique mentionnées dans notre message du 25 août 1959 (FF 1959, II, 441) sur le maintien du contrôle des prix. Cette mesure n'ost plus prévue dans l'additif constitutionnel sur le maintien de mesures temporaires en matière de contrôle des prix qui a été voté dans la session de printemps et accepté par le peuple et les cantons le 29 mai 1960. Elle doit reposer sur l'article 31bis, 3e alinéa, lettre 6, de la constitution.

I. LES MESURES ADOPTÉES JUSQU'ICI POUR LE CONTROLE DES FERMAGES AGRICOLES Les premières dispositions prises par l'Etat pour exercez une influence sur les fermages agricoles remontent à la dévaluation du frane intervenue en septembre 1936. Le Conseil fédéral autorisa à cette occasion le département de l'économie publique à édicter en particulier des dispositions sur les fermages pour parer à une augmentation injustifiée du 3oût de la vie et pour faciliter l'adaptation de l'économie aux conditions créées par la dévaluation de la monnaie. Par une ordonnance I du 27 septembre 1936 sur Feuille fédérale. 112e année. Vol. II.

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les mesures extraordinaires concernant le coût de la vie, le département décréta un blocage général des prix. L'ordonnance interdisait d'augmenter des fermages sans autorisation. Le département de l'économie publique édicta les dispositions de détail sur le contrôle des fermages, sous la forme d'ordonnances XI du 25 février 1937, Xla du 11 juillet 1938 (ES 10, 885) et XV du 31 janvier 1939. Ces ordonnances délimitaient en particulier le champ d'application du contrôle des fermages, posaient le principe du calcul des fermages selon la valeur de rendement et réglaient la compétence pour statuer sur les demandes d'autorisation et la procédure de recours. Lorsque la seconde guerre mondiale éclata, ces dispositions furent incorporées dans les ordonnances sur le contrôle des prix édictées au titre de mesures d'économie de guerre et maintenues en vigueur sous cette forme.

En vertu de l'arrêté fédéral du 18 décembre 1950 supprimant les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral (RO 1950, II, 1539), les arrêtés pris par le Conseil fédéral en vertu des pouvoirs extraordinaires cessèrent leurs effets à fin 1952. Le 26 septembre 1952, un additif constitutionnel sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit (RO 1952, 1081) était adopté par les conseils législatifs afin de reconduire les mesures de contrôle, notamment en ce qui concerne les fermages. Cet additif était valable jusqu'à fin 1956. Le peuple et les cantons l'acceptèrent le 23 novembre 1952. Il fut prorogé ensuite par un arrêté du 22 décembre 1955. Se fondant sur ces additifs constitutionnels de 1952 et 1955 et les arrêtés d'exécution pris par l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral régla le contrôle des fermages agricoles tout d'abord par une ordonnance du 30 décembre 1953 (RO 1953, 1310), puis par une autre du 28 décembre 1956, valable jusqu'à fin 1960 (RO 1956, 1751).

Le contrôle des fermages agricoles repose ainsi, depuis quelque 24 ans, sur les mêmes bases juridiques, tout comme les autres mesures de contrôle des prix, sans avoir subi d'importantes modifications d'ordre matériel. Le maintien du droit de contrôler les fermages agricoles n'a jamais donné lieu à une critique sérieuse concernant son principe même.

IL L'IMPORTANCE DU FERMAGE AGRICOLE Le fermage, mis à part le faire-valoir direct, a été de tout temps la forme d'entreprise la plus répandue dans l'agriculture suisse. Les résultats des recensements agricoles de 1939 et 1955 donnent une idée de la part des terres affermées dans la totalité des surfaces cultivées et du nombre des exploitations avec terres affermées:

491 Recensement des exploitations 1939

Recensement des exploitations 1955

Augmentation ou diminution par rapport à 1939

1 342 697 ha 1 273 005 ha -- 69962 ha Total des surfaces cultivées 337 253 ha + 42 593 ha 294 660 ha dont terres affermées . .

en pour-cent des surfaces totales 21,9 26,5 augmentation de l'affermage depuis 1939 . . .

+ 1*4 %

Total des exploitations agricoles avec terres affermées . . .

en pour-cent de toutes les exploitations exploitations avec 100 pour cent de terres affermées .

avec 80 à 99,9 pour cent de terres affermées . . . .

avec 50 à 79,9 pour cent de terres affermées . . . .

avec moins de 50 pour cent de terres affermées . . .

238481 100781

205997 95921

42,3

46,6

25 892

24 277

4 816

4 658

11543 58 530

11 177 55 809

--32484 -- 4860

-- 1 615 --

158

--366 -- 2 721

Par rapport à ce qu'il était au début de la seconde guerre mondiale, l'affermage s'est donc considérablement développé. Si la surface des terres cultivées a diminué de 69 692 hectares, la part des terres affermées a augmenté de 42 593 hectares. Elle atteint maintenant 26,0 pour cent, contre 21,9 pour cent en 1939. Alors que 32 484 exploitations agricoles ont cessé d'exister entre 1939 et 1955, le nombre des exploitations avec terres affermées ne s'est réduit que de 4860 et celui des exploitations comprenant uniquement des terres affermées que de 1615. 46,6 pour cen des exploitations recensées en 1955 comprennent dans une mesure plus ou moins forte des terres affermées.

Rien n'indique que le contrôle des fermages ait exerce une influence quelconque sur cette évolution. Les causes en sont de nature différente.

Comme le bureau de statistique le constate, elles résident en partie dans l'amélioration de l'aide à la vieillesse et dans l'essor économique. L'affermage au sein des familles s'est développé, semble-t-il, par le fait que l'assurancevieillesse et survivants a facilité dans bien des cas le transfert anticipé du domaine aux enfants, ce qui a du même coup empêché que ces derniers n'embrassent d'autres professions. Une part importante des nouveaux baux à ferme est constituée par le cas de petits agriculteurs qui ont changé de profession et ont affermé leur domaine en entier ou par parcelles. C'est

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l'affermage parcellaire qui s'est, proportionnellement, le plua développé.

On cherche volontiers des parcelles à affermer là où les bâtiments, les machines, la main-d'oeuvre et les forces de traction peuvent être utilisés plus rationnellement par l'exploitation d'autres terres. Notons enfin que, depuis 1939, les terrains agricoles en mains de personnes étrangères à l'agriculture se sont augmentés de 30 000 hectares environ, dont près de la moitié ont été acquis par des communes politiques ou bourgeoises. La conséquence naturelle en est une extension des surfaces affermées. Nous ne croyons pas qu'il s'agisse, dans l'ensemble, d'un développement alarmant. Si l'on considère comme exploitations affermées celles dans lesquelles l'agriculteur fait valoir principalement des terres affermées, c'est-à-dire dans une proportion de 50 à 100 pour cent, on constate qu'il ne s'agit là que de 19,5 pour cent du total des exploitations, alors que la proportion était déjà de 17,7 pour cent en 1939.

III. LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR LE CONTRÔLE DES FERMAGES AGRICOLES Les conditions de production étant très variables dans l'agriculture suisse, les fermages se meuvent dans des limites extrêmement larges. C'est pourquoi il est pratiquement impossible de traduire en chiffres l'effet exercé sur leur évolution par le contrôle auquel les ont soumis les pouvoirs publics.

Des données statistiques générales font d'ailleurs défaut. On peut toutefois affirmer qu'une augmentation excessive et générale des fermages a pu être évitée. Depuis que le contrôle existe, il a toujours été admis que les fermages doivent être dans un rapport raisonnable avec la valeur de rendement du bien-fonds. Pour cela, les règles concernant l'estimation de la valeur de rendement ont été périodiquement revues et adaptées aux données plus récentes concernant le rendement dans l'agriculture. Dans les principales formes d'exploitation, la valeur de rendement a ainsi subi des augmentations moyennes de 10 à 20 pour cent lors de la dernière revision des règles en 1958.

Si l'exercice du contrôle des fermages n'a jamais rencontré jusqu'ici d'opposition plus ou moins généralisée, cela est dû en bonne partie à la façon dont les autorités se sont acquittées de leur tâche. Peu après la suppression des pouvoirs extraordinaires, on demanda même, ici et là, que ce
contrôle soit érigé en une institution durable de la législation ordinaire. Nous signalons notamment la motion Stähli (adoptée sous forme de postulat par le Conseil national le 24 septembre 1954) qui demandait l'insertion du contrôle des fermages dans la législation sur le maintien de la propriété foncière rurale (droit foncier). Nous reprendrons ce problème dans le chapitre suivant.

En 1956, lors de la discussion du projet d'arrêté sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit, des postulats ont été déposés et adoptés au Conseil national et au Conseil des Etats qui demandaient des mesures propres à assurer le contrôle des fermages agricoles après l'abolition du contrôle des prix réduit.

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Ces interventions sont, à nos yeux, justifiées. Les tendances à la hausse des fermages, que les mesures prises après la dévaluation e't au début de la guerre ont permis de combattre, n'ont point faibli. EHeK sont peut-être même devenues plus fortes dans les régions particulièrement productives.

Comme les terres à prendre à ferme sont très demandées et que l'offre est faible et tend même à fléchir, on voit bien qu'il s'agit là d'une situation durable. Il semble que la demande -- surtout la demande de parcelles ·-- augmentera encore, en raison de la nécessité de donner à nombre d'exploitations agricoles une grandeur plus appropriée.

Il y a lieu de rappeler ici que la loi de l'offre et de la demande n'exerce que des effets limités sur les conditions d'affermage et les fermages. Cela provient du fait que le sol, et a fortiori les biens-fonds à affermer, ne sont pas susceptibles d'accroissement. Il en résulte que ces biens-fonds se paient souvent au prix des choses rares, c'est-à-dire à un prix qui est loin de correspondre à la valeur de rendement. Les tendances à la hausse qui se manifestent dans le domaine des fermages deviennent particulièrement fortes lorsqu'il s'agit de terrains qui se prêteront un jour ou l'autre à la construction. Dans ces cas-là, la valeur vénale atteint souvent un multiple de la valeur de rendement agricole -- qui serait normalement déterminante pour la fixation du fermage -- et tend nettement à faire augmenter ce dernier.

Le maintien du contrôle des fermages se justifie aussi pair le fait qu'il est de nature à freiner indirectement la hausse des prix des terrains agricoles.

Les terres affermées étant nombreuses, il ne faut pas non plus oublier que le chiffre du fermage exerce une action non négligeable sur les frais de production et que toute augmentation appréciable des fermages amènerait les agriculteurs à chercher une compensation dans une hausse de prix des produits mis en vente.

Pour ces raisons, nous vous proposons un projet de loi qui maintient en principe le contrôle général et obligatoire des fermages. La question de savoir si l'on ne pourrait pas passer au régime d'une simple surveillance, analogue à celle qui est prévue dans le domaine des loyers, ne se pose pas du tout ici. La raison en est ique le contrôle des fermages doit être incontestablement --- nous
l'avons dit -- une institution durable, ce qui n'est pas le cas du contrôle des loyers. On ne saurait songer à laisser au fermier le soin de décider si le fermage sera fixé par l'autorité, car les dispositions sur les fermages cesseraient ainsi d'être efficaces. L'expérience nous apprend d'ailleurs que les rapports entre les parties seraient presque toujours troublés si le fermier devait exercer son droit de faire opposition. Les terres agricoles étant encore très recherchées, la seule façon d'enlever leur âpreté à ces contestations consiste à instituer un contrôle général qui oblige le bailleur à soumettre le fermage à l'approbation de l'autorité.

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IV. LES RAPPORTS ENTRE LE CONTROLE DES FERMAGES ET LE DROIT FONCIER Dans notre message du 30 décembre 1947 concernant un projet de loi sur le maintien de la propriété foncière rurale (FF 1948, I, 25), noua exprimions l'avis que les dispositions sur les fermages ne devaient pas être établies en relation avec le droit foncier. Craignant la disparition du contrôle des fermages institué par les dispositions de durée limitée sur le contrôle des prix, le Conseil national décida cependant, à la requête des milieux intéressés, d'insérer dans la loi sur la propriété foncière une disposition permettant aux fermiers de réclamer la réduction de fermages manifestement excessifs.

Le Conseil des Etats entendit aller moins loin et apporta plusieurs tempéraments aux dispositions votées par le Conseil national. Les deux conseils finirent par adopter une disposition qui devint l'article 25 de la loi du 12 juin 1951 sur le maintien de la propriété foncière rurale (RO 1952, 415). Cet article a la teneur suivante : «Lorsque par suite de circonstances nouvelles, le fermage convenu, y compris, s'il y en a, les prestations accessoires, se révèle être manifestement exagéré et que le fermier se trouverait ou risquerait de se trouver, de ce fait, aux prises avec des difficultés financières, il peut demander à l'autorité compétente de réduire le fermage de sorte que, compte tenu de la valeur de rendement de la chose affermée, il puisse disposer de moyens d'existence suffisants. » Cette disposition, bien qu'elle soit en vigueur depuis le 1er janvier 1953, n'a pas encore été appliquée. La raison en est que, d'après les documents relatifs à l'élaboration de la loi, il faut considérer comme «circonstances nouvelles» des troubles économiques atteignant l'ensemble du pays et non pas un simple changement se produisant dans des cas isolés. L'article 25 institue pratiquement la liberté complète des contrats dans le domaine des fermages. Cette manière de voir étant inconstestée, on est arrivé à régler le contrôle des fermages dans des dispositions étrangères au droit foncier, c'est-à-dire dans l'additif constitutionnel sur le contrôle des prix du 26 septembre 1952/22 décembre 1955. L'expérience montre que l'article 25 crée plutôt la confusion et suscite chez les fermiers de fausses idées sur les possibilités réelles de réduire les
fermages. C'est pourquoi le département de l'économie publique a mis en discussion, dans la procédure de consultation, la question du maintien de l'article 25 dans le droit foncier ou de son insertion dans la loi sur les fermages.

Nous désirons laisser ici ouverte la question de savoir si le contrôle des fermages, peut-être selon une formule différente de celle de l'article 25, ne devrait quand même pas figurer dans le droit foncier. En principe, nous serions d'avis qu'il faut traiter cette matière dans la loi sur le maintien de la propriété foncière rurale. Si nous envisageons néanmoins une loi particulière, c'est parce que les nouvelles dispositions sur le droit foncier ne pourront

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certainement pas entrer en vigueur au 1er janvier 1961, bien que les travaux de revision aient déjà commencé. Cette façon de procéder n'empêchera cependant pas d'examiner, le moment venu, s'il convient d'insérer le contrôle des fermages dans le droit foncier ou de grouper dans quelque autre acte législatif toutes les dispositions concernant les fermages agricoles. Le chapitre du droit foncier concernant les fermages devrait quoiqu'il en soit être compris dans la revision, eu égard à la requête des organisations de fermiers qui réclame notamment la prolongation de la durée minimum du bail et l'institution d'une protection contre les résiliations injustifiées.

V. L'AVIS DES GOUVERNEMENTS CANTONAUX ET DES GROUPEMENTS ÉCONOMIQUES Conformément à l'article 32 de la constitution, le département de l'économie publique, par circulaire du lei avril I960, a consulté les gouvernements cantonaux et les groupements économiques sur le projet d'une loi sur le contrôle des fermages agricoles. Le projet prévoit pratiquement le maintien inchangé du contrôle actuel. En outre, les trois questions suivantes ont été posées: 1. L'article 25 de la loi fédérale du 12 juin 1951 sur le maintien de la propriété foncière rurale doit-il être inséré dans le projet de loi sur les fermages agricoles ?

2. Faut-il y insérer une disposition suivant laquelle les avantages pécuniaires, obtenus illicitement en contravention aux prescriptions sur les fermages agricoles, sont dévolus au canton intéressé ?

3. Faut-il compléter le contrôle des fermages agricoles par une protection contre les résiliations injustifiées ?

Tous les avis des gouvernements cantonaux (six d'entre eux n'ont pas répondu) reconnaissent la nécessité d'arrêter pour l'avenir des mesures dans le domaine des fermages agricoles. Les cantons approuvent en principe le projet de loi, à l'exception de Schwyz, qui est opposé à une solution centralisatrice. Lucerne estime que la possibilité d'une abolition et d'un rétablissement du contrôle par régions devrait être prévue. Appenzell (Rhodes-Extérieures) est d'avis qu'il suffirait d'accorder au fermier le droit de faire opposition.

Aucun des groupements économiques qui se sont prononcés ne s'oppose en principe au maintien du contrôle. Le directoire de l'union suisse du commerce et de l'industrie et l'union centrale des
associations patronales suisses proposent que la validité de la loi soit limitée à dix ans par exemple. Une association régionale de bailleurs de la Suisse centrale s'oppose seule au principe d'un contrôle des fermages.

Seuls quelques gouvernements cantonaux et groupements économiques approuvent sans réserve la reprise de l'article 25 de la loi sur le maintien de

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la propriété foncière rurale. La plupart d'entre eux déclarent que cette disposition, interprétée comme elle l'est, n'a pas de portée pratique. On est en général d'avis que.l'article 25 devrait être rédigé d'une façon plus précise pu plus complète s'il était inséré dans, la loi sur le contrôle des fermages.

Comme divers milieux continuent à penser qu'il convient d'insérer le contrôle des fermages dans la future loi sur le maintien de la propriété foncière rurale, nous renonçons à incorporer l'article 25 au présent projet ou à proposer son abrogation, eu égard aux constatations figurant à la fin du chapitre précédent.

Les avis sont divisés au sujet de l'insertion d'une disposition relative à la dévolution à l'Etat des avantages pécuniaires obtenus indûment. La moitié des gouvernements cantonaux qui se sont prononcés sont favorables à une telle disposition alors que les autres la rejettent. La proportion entre adversaires et partisans est à peu près pareille dans les groupements économiques. Les adversaires sont notamment d'avis qu'on peut faire observer plus strictement les prescriptions sur les fermages en adoptant d'autres moyens. Ce n'est d'ailleurs pas toujours le bailleur qui détermine le fermage.

H arrive fréquemment que le fermier offre sciemment un fermage trop élevé.

Une disposition prévoyant la dévolution à l'Etat et la restitution éventuelle de montants indûment perçus au fermier serait génératrice d'abus. Les partisans relèvent principalement que le bailleur est tout de même en général la plus forte des parties. Pour obtenir un affermage, le fermier est souvent obligé de consentir à, payer un fermage trop élevé. En ce cas, la voie ordinaire de l'action fondée sur l'enrichissement illégitime suivant le code des obligations permet rarement au fermier d'arriver à ses fins devant le juge. Une réglementation particulière, qui assurerait non seulement une observation générale des dispositions sur le contrôle des fermages mais contribuerait aussi à combattre indirectement la spéculation foncière, serait bienvenue.

Nous concluons que nous devons proposer l'adoption d'une disposition relative à la dévolution des avantages pécuniaires illicitement acquis. Ce point sera repris dans le commentaire des articles du projet.

Seule une minorité de gouvernements cantonaux et de groupements considèrent
la protection contre les résiliations injustifiées comme un complément indispensable au contrôle des fermages. La plupart pensent que les fermiers sont suffisamment protégés par la durée du bail minimum de trois ans actuellement prévue par le droit foncier et que les cantons peuvent prolonger à 6 ans. En tout cas, l'avis le plus répandu est que ce problème ne pourrait être traité qu'en rapport avec la revision du droit foncier. Nous partageons cette manière de voir et renonçons à insérer lesdites dispositions dans le présent projet de loi.

Nous avons tenu compte de certains amendements proposés par les cantons et les associations au sujet de divers articles du projet; ils seront traités dans le chapitre suivant, en tant que cela est nécessaire.

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VI. COMMENTAIRE DES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI Les diverses dispositions du projet appellent les remarques suivantes: Titre. ·--· La forme de la loi est celle que la pratique a adoptée lorsqu'il s'agit de dispositions sans limite de durée. Limiter la durée du contrôle des fermages serait en contradiction avec la remarque selon laquelle on est en présence d'un problème durable. Même si le contrôle des fermages devait être un jour prévu par le droit foncier, il ne conviendrait pas de limiter la durée de la loi, car on ignore quand une nouvelle loi sur le droit foncier entrera en vigueur et si elle reprendra effectivement les dispositions sur le contrôle des fermages.

Préambule. -- Nous avons déjà dit dans notre message du 25 août 1959 sur le maintien du contrôle des prix pourquoi le contrôle des fermages doit se fonder sur l'article 31 bis, 3e alinéa, lettre b, de la constitution. Nous nous bornons à nous référer à l'avis de droit remis au département de l'économie publique par le professeur Huber (Berne). Cet avis de droit exposait en particulier que, devant la question de la constitutionnalité du contrôle des fermages agricoles, on devait considérer que pour conserver une forte population paysanne et assurer la productivité de l'agriculture, les dispositions légales devaient maintenir une juste relation entre la valeur de rendement du sol et le fermage. L'avis de droit ajoutait qu'il était justifié, en l'occurrence, d'édicter, dans l'intérêt général, des dispositions dérogeant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

La compétence accordée à la Confédération par l'article Slbis, 3e alinéa, lettre 6, de la constitution, déclare le professeur Huber, implique la faculté d'édicter des dispositions sur les fermages, car le fermier, considéré sous l'angle agricole général, est un producteur qui doit bénéficier de la protection prévue par la disposition constitutionnelle. Lors de la procédure de consultation, aucun gouvernement cantonal ni aucun groupement économique n'a contesté la base constitutionnelle du projet de loi, Article premier. -- Les 1er et 2e alinéas délimitent l'objet du contrôle dés fermages. Us correspondent aux anciennes dispositions, qui ont, d'une manière générale, donné satisfaction. Deux cantons proposent de ne plus soumettre au contrôle les droits de pacage et
d'estivage, parce que ce contrôle ne peut, en pratique, guère être exercé et qu'on manque de règles précises pour fixer les valeurs. H est sans doute difficile de soumettre à un contrôle général les droits d'estivage, qui sont convenus, le plus souvent chaque année, par les exploitants des alpages et les propriétaires de bétail.

Nous tenons cependant pour logique de soumettre ces droits au contrôle, précisément parce que les fermages des alpages seront aussi soumis au contrôle officiel. Les droits d'estivage étant déjà très élevés dans certaines régions, une libération complète pourrait, semble-t-il, faire augmenter indirectement les frais occasionnés par la garde du bétail.

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Le 3e alinéa est également emprunté à l'ancien droit. Il autorise les cantons à exclure du contrôle les fermages des petites parcelles de ·vingt-cinq ares au maximum. Ce droit, qui avait été prévu pour donner suite au désir de certains cantons, n'a été exercé jusqu'à présent que par quatre d'entre eux (Vaud, 10 ares au maximum, Lucerne, Thurgovie et Tessin, 25 ares au maximum). Au cours de la procédure de consultation, on a proposé de relever la limite de 25 ares ou de libérer du contrôle tout affermage de parcelles de domaines. D'un point de vue purement objectif, l'exclusion des petites parcelles n'est guère justifiée. Si la possibilité d'une exception a néanmoins été prévue pour les parcelles de 25 ares au maximum, c'est surtout pour décharger les autorités compétentes. Comme nous l'avons dit, l'affermage de parcelles s'est assez fortement développé. Sous la pression des circonstances, des agriculteurs offrent et paient souvent des fermages extrêmement élevés pour les parcelles dont ils ont besoin pour agrandir leur exploitation. Il y a aussi une tendance indirecte à introduire ces fermages élevés dans l'affermage de domaines entiers. Libérer les parcelles de domaines du contrôle des fermages signifierait en outre favoriser la spéculation foncière. On ne cesse en effet de constater que les acheteurs de biens-fonds destinés à des constructions futures cherchent à obtenir un fermage correspondant au prix élevé qu'ils ont payé. Nous sommes donc d'avis qu'il faudrait conserver la limite de 25 ares. Mais il est indispensable que l'exception ne vaille pas dans le cas où un domaine entier est affermé par parcelles. Le contrôle des fermages doit également s'exercer lorsque des biens-fonds agricoles d'une certaine importance sont affermés par parcelles. Nous pensons ici surtout aux terrains de collectivités de droit public. La politique agraire active que ces collectivités ont aussi l'impérieux devoir de pratiquer pour répondre aux besoins actuels de l'agriculture serait contrariée si les dispositions sur le contrôle des fermages favorisaient indirectement le morcellement des terrains en petites parcelles.

Article 2. -- Cet article énumère les cas dans lesquels une autorisation officielle est nécessaire pour fixer le fermage. Comme sous le régime actuel, l'autorisation officielle doit être requise
lorsqu'il s'agit d'augmenter le fermage, lorsque des biens-fonds sont affermés pour la première fois et lorsqu'un fermage sujet à autorisation selon les dispositions précédemment en vigueur n'a pas encore été officiellement autorisé. Suivant la proposition de quelques cantons, il sera désormais spécifié que les deux parties sont tenues de faire autoriser officiellement le fermage. L'expérience a montré qu'on ne savait souvent pas très bien si c'était le bailleur seul ou les deux parties qui devaient requérir l'autorisation. Il paraît indiqué de préciser ce point.

Article. 3. -- Le 1er alinéa dispose que le fermage est fixé d'après la valeur de rendement. La référence à la loi du 12 décembre 1940 sur le désendettement de domaines agricoles indique qu'il s'agit de la valeur de rende-

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ment définie dans cette loi. Il en découle que les dispositions pour l'estimation de domaines et de biens-fonds agricoles (règlement fédéral d'estimation) édictées par le Conseil fédéral en exécution de la loi sur le désendettement sont applicables. Il demeurera cependant possible de fonder l'estimation sur une évaluation cantonale pourvu qu'elle ait été faite d'après des règles applicables sur tout le territoire cantonal et reconnues par le département de justice et police.

Le 2e alinéa prévoit que le fermage s'élèvera, en règle générale, à 4% pour cent de la valeur de rendement. Pour des motifs importants, il pourra être majoré d'un supplément de 20 pour cent au maximum. La définition de la valeur de rendement sert de base de calcul au taux de 4y2 pour cent. On comprend en général par «valeur de rendement» la rente, capitalisée au taux de 4 pour cent, que produit un domaine pendant une assez longue période avec un mode d'exploitation usuel. Pour établir la rente du domaine, on déduit du rendement brut les frais d'exploitation et le service de l'intérêt du capital fermier. Les frais d'exploitation comprennent la rétribution du travail de l'exploitant et des siens. Il en découle que la rente du propriétaire qui exploite lui-même le domaine est, en moyenne annuelle, de 4 pour cent de la valeur de rendement. Dans le cas de l'affermage, il faut cependant tenir compte du fait que le propriétaire conserve la charge de certains frais (réparations importantes à faire aux bâtiments, impôts fonciers, assurance des bâtiments et amortissement du capital représenté par le domaine). Ces dépenses spéciales du bailleur représentent en moyenne 1,5 pour cent de la valeur de rendement. Si le bailleur devait être dans une situation qui ne soit pas inférieure à celle où il serait en exploitant lui-même le domaine, il faudrait que le fermier lui verse outre la rente du domaine, 1,5 pour cent de la valeur de rendement, soit un fermage représentant 5,5 pour cent de cette valeur. Il n'y a cependant aucune raison pour que le propriétaire qui exploite lui-même le domaine et celui qui le donne à bail soient mis, économiquement, sur le même pied. Le propriétaire qui donne son domaine à bail transfère au fermier ses fonctions d'entrepreneur ainsi que la charge des risques. Il est juste que, de ce fait, le fermier bénéficie
d'une partie de la rente du domaine. Lors de l'institution du contrôle des fermages, cette part a été fixée à 1 pour cent, de sorte que le fermage représente 4% pour cent de la valeur de rendement.

Dans la plupart des réponses données dans la procédure de consultation, il est reconnu que le taux actuel est approprié. On a, en revanche, affirmé, de différents côtés, que les valeurs de rendement établies pour une assez longue période sont relativement faibles et ne permettent souvent plus d'assurer l'entretien normal des bâtiments devenu plus coûteux. La question a été aussi l'objet d'études scientifiques fondées sur les résultats des recherches comptables enregistrés par le secrétariat des paysans suisses. Il en ressort que, calculées par hectare, ces dépenses spéciales du bailleur que nous

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avons mentionnées plus haut n'ont cessé de s'accroître depuis la dernière guerre. Mais les valeurs moyennes de rendement ont aussi augmenté et même plus fortement. C'est ainsi que, d'après le résultat des recherches, les charges du bailleur ont été, en moyenne, de 1,67 pour cent de la valeur de rendement durant la période de 1926 à 1945 et n'était plus que de 1,56 pour cent durant la période de 1931 à 1950. Les règles d'estimation étant revisées périodiquement (la dernière fois en 1958), on a pu déterminer les résultats d'exploitation jusqu'à l'année 1955, ce qui a révélé, en partie, d'importantes augmentations de la valeur de rendement. On peut donc affirmer, semble-t-il, que les frais du bailleur, calculés dans la moyenne d'une longue période, sont aujourd'hui encore d'environ 1,5 pour cent de la valeur de rendement. Dans ces conditions, nous considérons qu'un relèvement général du taux des fermages ne serait pas justifié.

On doit cependant reconnaître qu'un fermage représentant 4% pour cent de la valeur de rendement ne tient pas toujours compte dans une mesure suffisante des frais du bailleur, étant donné que le coût de la construction est actuellement élevé et qu'il y a une tendance persistante à la hausse. C'est pourquoi notre projet prévoit une marge un peu plus large de majoration du fermage calculé à 4% pour cent de la valeur de rendement.

En vertu des dispositions en vigueur jusqu'ici, un supplément, de 20 pour cent au maximum, pouvait être autorisé surtout lorsque le bailleur était dans une situation financière précaire. Pour laisser aux autorités une liberté d'action un peu plus grande, notre projet prévoit que le fermage pourra être majoré d'un supplément de 20 pour cent au maximum si des motifs importants le justifient. Un motif important sera, par exemple, des améliorations apportées aux bâtiments dans l'intérêt du fermier si l'intérêt et l'amortissement ne peuvent être assurés suffisamment par le fermage calculé d'après la valeur de rendement. Le fermier reste néanmoins assez protégé, étant donné qu'un supplément éventuel ne peut excéder 20 pour cent et qu'il est, quoiqu'il en soit, tenu équitablement compte de sa situation. Pour que le contrôle des fermages atteigne son but, l'autorité devra juger avec une certaine sévérité s'il existe des motifs importants. L'application de cette
disposition devra ainsi demeurer une exception.

Article 4. ·-- Cet article règle l'exécution par les cantons. Comme sous le régime actuel, il sera loisible aux cantons de désigner ou bien une autorité cantonale unique ou bien une autorité de première instance et une autorité de recours. Sauf de rares exceptions, il y a une autorité unique. Au cours de la procédure de consultation, on a déclaré, au nom des paysans, que la délégation aux communes devrait être empêchée, car elle est préjudiciable à un contrôle impartial et objectif des fermages. Il a aussi été affirmé que chaque canton devrait créer une autorité de première instance et une autorité de recours. Nous sommes d'avis qu'il n'est point vraiment nécessaire

501

d'abandonner la réglementation actuelle qui ménage une certaine liberté aux cantons dans ce domaine.

Article S. -- Cet article innove en prévoyant que toutes les décisions de la dernière autorité cantonale doivent être motivées alors que l'approbation de baux à ferme conformes aux prescriptions légales n'était jusqu'ici pas obligatoirement motivée. Comme ces approbations données par l'autorité cantonale peuvent faire l'objet d'une demande de nouvel examen ou d'un recours, un exposé au moins sommaire des motifs est dans l'intérêt de tous ceux qui cherchent à défendre leurs droits.

Article 6. -- Cet article dispose, comme le droit actuel, que les décisions rendues en dernière instance cantonale peuvent être déférées à la commission fédérale des fermages. Eu égard à l'importance économique du contrôle des fermages, une autorité de recours fédérale est indispensable. Comme il s'agit d'un domaine particulier, la désignation d'une commission de spécialistes se Justine. La commission fédérale des fermages est devenue depuis 1937 l'organe consultatif du département fédéral de l'économie publique, qui était alors la première autorité fédérale de recours. Pour décharger le département de l'économie publique et le Conseil fédéral, la commission est devenue dès 1957 la seule autorité fédérale de recours. Les membres de la commission, présidée par un avocat ou un juge, ne doivent pas appartenir à l'administration fédérale. Le travail de secrétariat de la commission est exécuté par le secrétariat général du département de l'économie publique, de sorte qu'aucun appareil administratif particulier n'est nécessaire. Mentionnons, pour illustrer l'activité de l'autorité fédérale de recours, qu'elle a rendu 1634 décisions de 1937 à 1959. Dans 69 pour cent des cas, le recourant était un bailleur, dans 31 pour cent un fermier. 50 pour cent des recours formés par les bailleurs ont été rejetés et 50 pour cent partiellement ou totalement admis. En ce qui concerne les recours de fermiers, la proportion est de 42 et 58 pour cent.

Article 7. -- Cette disposition prévoit que le fermier ne peut renoncer d'avance aux moyens de droit dont il dispose en vertu de la loi. Le droit actuellement en vigueur contient encore une clause de nullité rédigée comme il suit : « Les conventions sont nulles dans la mesure où elles prévoient
pour le fermier des dispositions moins favorables que celles de la présente ordonnance. Cette nullité doit être constatée d'office.» Cette disposition devient inutile si l'on considère les articles 19 et 20 du code des obligations et si l'on prévoit, selon notre proposition, que les avantages pécuniaires illicitement acquis sont dévolus au canton.

502

Article 8. -- Cet article se rapporte à l'obligation de renseigner. Dans le projet du département de l'économie publique (art. 9), un second alinéa (*) prévoyait l'obligation de renseigner aussi pour les tiers. Dans la procédure de consultation, deux groupements économiques critiquèrent vivement cette disposition qui, à leurs yeux, allait trop loin. H convient de reconnaître que, dans le domaine du contrôle des fermages, une obligation aussi étendue ne répond à aucun besoin pratique. C'est la raison pour laquelle nous y renonçons. Là où l'obligation de renseigner doit être imposée aux tiers afin d'obtenir par exemple la dévolution à l'Etat des avantages pécuniaires illicitement acquis (art. 12), le juge pénal compétent disposera des moyens nécessaires pour obtenir de tiers les renseignements dont il a besoin.

Article 9. -- Cet article impose aux cantons l'obligation de faire rapport.

On a vu un défaut dans le fait que les autorités fédérales étaient en partie insuffisamment renseignées sur l'exécution du contrôle des fermages dans les cantons. Eu égard en particulier à la revision du droit foncier, une meilleure information sur l'évolution des fermages dans les cantons est d'un grand intérêt. Cette obligation de faire rapport ne saurait constituer une charge insupportable pour les cantons puisque, dans la plupart des cas, elle ne dépassera pas les limites du rapport de gestion d'une administration cantonale.

Article 10. -- Cet article contient les dispositions pénales. Le droit actuel se limitait à une clause générale. La présence d'une telle clause dans une loi accessoire a cependant fait, ces derniers temps, l'objet de critiques sévères, qui rencontrèrent un écho aux chambres lors de la discussion de nouveaux projets. Tenant compte de ce mouvement d'opinion, nous avons inséré dans notre projet, outre une clause générale, des dispositions particulières visant les actes punissables les plus importants. Nous n'avons pas prévu de maximum pour l'amende, ce qui a pour conséquence que le maximum de 2000 francs indiqué à l'article 106 du code pénal pour les contraventions est ici déterminant. Nous estimons que cela est suffisant, d'autant plus que le juge n'est pas lié par ce maximum lorsque l'auteur a agi par cupidité.

Article 12. -- Cette disposition donne la possibilité d'obliger le bailleur à
transférer à l'Etat les avantages illicitement acquis ou, le cas échéant, à les remettre au fermier en tout ou en partie. Dans sa circulaire aux gouvernements cantonaux et groupements économiques, le département de l'économie publique proposait une rédaction selon laquelle les avantages pécuniaires devaient être en principe dévolus au canton chargé de contrôler (*) Art. 9, 2e al.: «Les tiers sont tenus de donner des renseignements exacts BUT des faits qui peuvent revêtir de l'importance pour la formation des fermages et des loyers, de présenter des documents et de permettre la visite dea meubles et immeubles en question. Cette obligation tombe lorsque le témoignage peut être refusé en. vertu des articles 75 et 77 à 79 de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale.»

503

les fermages. Il était prévu en outre que les gouvernements cantonaux devraient désigner les autorités habilitées à réclamer la prestation et, au besoin, d'ouvrir action devant le Tribunal fédéral statuant en instance unique selon la procédure de droit administratif. Vu l'avis donné par le Tribunal fédéral concernant ce moyen de droit, nous avons décidé de vous proposer de confier la décision sur la dévolution des avantages illicites à la juridiction pénale cantonale. Cela présente pour l'administration, comme pour les particuliers, l'avantage de pouvoir recourir jusqu'au Tribunal fédéral, selon une procédure qui est connue et a donné satisfaction. Suivant la teneur de l'article 12 telle qu'elle vous est proposée, le juge peut décider la dévolution à l'Etat d'un avantage pécuniaire acquis en violation de la loi ; il devra alors prendre en considération la situation financière de l'obligé.

Cette formule permet d'éviter les injustices trop criantes. D'autre part, le fermier ne disposera pas d'une action en restitution puisqu'il appartiendra au juge de rechercher dans quelles conditions le paiement illicite a été fait et si, pour des raisons d'équité, il convient de faire restituer au fermier tout ou partie des avantages pécuniaires. Les expériences faites, notamment en matière de contrôle des loyers (cf. ATF 85, IV, 101 et suivants) montrent que les règles ordinaires du code des obligations sur les actes illicites et l'enrichissement illégitime ne suffisent généralement pas à atteindre d'une manière satisfaisante le but que vise le contrôle des fermages. Chacun sait que les fermiers -- qu'ils soient ou non contraints -- font souvent au bailleur des paiements sous la main en plus du fermage. Des dispositions pénales ne suffisent pas pour mettre fin à ces abus. Le fermier, qui est en général plus faible économiquement que le bailleur, ne prend pas le risque de poursuivre civilement celui-ci. Point n'est besoin d'ajouter qu'il a aussi peu de chances de faire aboutir, en invoquant le code des obligations (63, 66 et 67) une prétention qui répondrait à l'équité. Si l'on insère dans la loi l'article 12 ainsi que les dispositions pénales et si les prescriptions sur les fermages étaient publiées périodiquement dans la presse agricole, des résultats positifs pourraient être obtenus avec le temps. Cela
contribuerait à faire régner l'ordre dans le domaine des fermages.

Article 15. --- II convient de mentionner, à propos de l'entrée en vigueur de la loi, que la validité des dispositions actuelles, comme celle des autres mesures de contrôle des prix qui sont fondées sur l'additif constitutionnel du 26 septembre 1952/22 décembre 1955 expire à fin 1960. La nouvelle loi n'entrera toutefois pas en vigueur le 1er janvier 1961, en raison du délai référendaire. Nous devrons par conséquent vous soumettre, pour la session de décembre, un projet d'arrêté muni de la clause d'urgence pour assurer le passage de l'ancien droit au nouveau.

504 Nous fondant sur l'exposé ci-dessus, nous vous recommandons d'adopter notre projet de loi sur le contrôle des fermages agricoles. Nous vous proposons simultanément de classer le chiffre 1er du postulat ad 7087 du Conseil des Etats du 26 juin 1956 et le chiffre 1er du postulat 7238 du Conseil national du 21 septembre 1956, le présent projet tenant compte du désir de voir assurer le maintien du contrôle des fermages agricoles. Le Conseil national a adopté le 24 septembre 1954 un postulat Stähli (voir le chap. III), qui concerne l'insertion des dispositions sur le contrôle des fermages dans le droit foncier. Ayant traité cette question dans le chapitre IV du message, nous vous proposons de classer également ce postulat.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 19 juillet 1960.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le. préaident de la Confédération, Max Petitpierre 1Î17S

Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

005

(Projet)

LOI FÉDÉRALE sur

le contrôle des fermages agricoles

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 316is, 3e alinéa, lettre b, 32, 2e alinéa, et 646Ϋ de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 19 juillet 1960, arrête: Article premier Sont l'objet d'un contrôle officiel : a. Les fermages de parcelles de domaines, de domaines entiers, d'alpages et de pâturages donnés à ferme par des particuliers, corporations, communes, cantons ou par la Confédération et qui servent à la production agricole ; b. Les loyers de biens immobiliers et de biens mobiliers accessoires de biens-fonds affermés au sens de la lettre a ; c. Les droits de pacage et d'estivage.

Ä L'alinéa premier s'applique également au métayage et au colonage partiaire, ainsi qu'aux contrats analogues à l'affermage.

3 Les cantons peuvent exclure du contrôle les fermages de petites parcelles de 25 ares au maximum. Ces mesures d'exception ne sont pas applicables à l'affermage parcellaire de domaines entiers, d'importantes parties de domaines ou de biens-fonds agricoles d'une certaine importance.

Art. 2 Bailleur et fermier sont tenus de faire autoriser officiellement le fermage : a. Lorsqu'il s'agit d'en augmenter le montant valablement appliqué au 31 décembre 1960 ; 1

Feuille fédérale.. 112e année. Vol. II.

35

Champ d'application

Autorisation obligatoire

506

b. Lorsque les choses visées à l'article premier sont affermées pour la première fois après le 31 décembre 1960. La chose est également réputée affermée pour la première fois au sens de la présente disposition lorsque son étendue, sa nature ou sa composition, ou lorsque les droits et obligations du fermier sont modifiés; c. Lorsqu'un fermage sujet à autorisation selon les dispositions précédemment en vigueur n'a pas encore été officiellement autorisé.

Fixation u ermäße

Art. 3 i Le fermage est fixé d'après la valeur de rendement au sens de l'article 6 de la loi fédérale du 12 décembre 1940 sur le désendettement de domaines agricoles et de ses dispositions d'exécution.

2 En règle générale, le fermage s'élèvera à 4% pour cent de la valeur de rendement. Si des intérêts légitimes du bailleur ou d'autres motifs importants le justifient, le fermage pourra être majoré d'un supplément de 20 pour cent au maximum; à cet égard, on tiendra compte dans une mesure équitable des intérêts du fermier.

3

Après l'achèvement de travaux augmentant la valeur ou le rendement de la chose affermée, l'autorité compétente accordera une hausse du fermage déterminée selon le mode de calcul prévu au 2e alinéa. L'article 2 est réservé.

Autorités eômpétentes

Art. 4 ! Les gouvernements cantonaux désignent les autorités compétentes pour fixer les fermages au sens des articles 2 et 3, 3e alinéa.

2 A moins qu'une autorité cantonale unique ne soit déclarée compétente, les gouvernements cantonaux doivent instituer une juridiction de recours à laquelle pourront être déférées les décisions rendues en première instance.

3

Les gouvernements cantonaux sont autorisés à établir, selon les principes énoncés aux articles 151 et 153 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, un règlement sur les frais à l'usage des autorités compétentes. Les décisions passées en force de ces autorités sont assimilées à des jugements exécutoires des tribunaux cantonaux.

Notification et6indloationn des voies de recoure

Art. 5 Les décisions, rendues en vertu de la présente loi seront notifiées par écrit ; elles contiendront un exposé des motifs et indiqueront les voies de recours.

507

Art. 6 Les bailleurs et fermiers intéressés peuvent déférer les décisions rendues en dernière instance cantonale à la commission fédérale des fermages, par écrit et dans les 30 jours dès leur notification, lies articles 32 à 35 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 s'appliquent aux délais de recours. La décision de la commission est définitive.

2 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral ou parce que la décision attaquée repose sur des constatations de fait inexactes ou incomplètes.

8 Le Conseil fédéral édicté les dispositions nécessaires d'organisation et de procédure, lesquelles porteront aussi sur les émoluments et débours au sens de l'article 158 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943. Les membres de la commission et leurs suppléants ne peuvent faire partie de l'administration fédérale.

1

Art. 7 Le fermier ne peut renoncer d'avance aux moyens de droit (art. 4 et 6) dont il dispose en vertu de la présente loi.

Commission fédérale des fermages

Stipulations nulles

Art. 8 Les autorités chargées d'appliquer la présente loi ont le pouvoir Renseignements d'exiger des personnes auprès desquelles elles vérifient si les dispositions sur le contrôle des fermages agricoles ont été observées qu'elles leur donnent à cet égard les renseignements nécessaires, avec preuves à l'appui, et qu'elles les autorisent à visiter les biens immobiliers et mobiliers auxquels s'appliquent ces dispositions. Si les personnes visées n'obtempèrent pas ou si elles sont suspectes d'infractions à ces dispositions, les autorités peuvent porter plainte pénale.

Art. 9 Les cantons adressent chaque année au Conseil fédéral un rapport sur l'exécution de la présente loi et, notamment, sur le nombre et la solution des affaires traitées.

Art. 10 Celui qui, intentionnellement ou par négligence, enfreint la présente loi ou ses dispositions d'exécution, notamment celui qui ne requieit pas pour un fermage une autorisation nécessaire, celui qui augmente un fermage sans autorisation, 1

Rapport des cantons

Dispositions pénales et mesures

a. infractions

508

celui qui ne se conforme pas à une décision d'espèce autorisant ou réduisant un fermage, celui qui, de quelque manière, se fait promettre ou promet, exige ou alloue des fermages ou d'autres rétributions illicites, est passible d'une amende.

2 La tentative et la complicité sont punissables. L'action pénale se prescrit par cinq ans.

3 La poursuite pénale des infractions aux dispositions spéciales du code pénal est réservée.

4 Si la gravité de l'infraction le justifie, le juge peut ordonner l'inscription de l'amende au casier judiciaire.

b. Entreprises commerciales

Art. 11 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou qui auraient dû agir en leur nom.

1

z

La personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent solidairement du paiement de l'amende et des frais, à moins que les organes directeurs responsables ne prouvent qu'ils ont pris toutes les précautions nécessaires pour faire observer les prescriptions par les personnes visées au premier alinéa.

3

La responsabilité des collectivités et des établissements de droit public est réglée d'une manière analogue en cas d'infractions commises dans leur gestion ou leur administration.

4

Les personnes co-responsables au sens du présent article ont, à tous les stades de la procédure, qualité de partie au même titre que l'inculpé.

o. Dévolution de l'avantage pécuniaire illicite

Art. 12 Si l'inculpé, le tiers dans l'exploitation commerciale duquel l'infraction a été commise ou leurs ayants cause ont acquis un avantage pécuniaire illicite, le juge peut les condamner à payer au canton compétent une somme correspondant à cet avantage, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable. Le juge peut également ordonner la dévolution de tout ou partie de cette somme au fermier.

a Les personnes co-responsables au sens du premier alinéa ont, à tous les stades de la procédure, qualité de partie au même titre que l'inculpé.

1

509 3

Pour déterminer le montant de l'avantage pécuniaire illicite soumis à la dévolution, le juge prendra en considération la situation financière de la personne tenue au paiement.

* Si, conformément à l'article 10, 2e alinéa, l'action pénale est prescrite, la dévolution au canton ou au fermier d'une somme correspondant à l'avantage pécuniaire illicite n'est plus possible.

Art. 13 La poursuite pénale incombe aux cantons.

2 Les jugements, les prononcés administratifs ayant un caractère pénal et les ordonnances de non-lieu doivent être communiqués immédiatement, en expédition complète, au ministère publique de la Confédération, à l'intention du Conseil fédéral.

1

Art. 14 Les faits survenus sous l'empire de l'additif constitutionnel du 27 juin 1956 sur le maintien temporaire d'un contrôle des prix réduit, de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1956 fondé sur lui et instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit et de l'ordonnance du 28 décembre 1956 sur le contrôle des fermages agricoles, demeurent régis par ces dispositions.

2 Tant qu'elles ne sont pas abrogées, les dispositions cantonales antérieures d'organisation et de procédure restent en vigueur.

1

Art. 15 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

2 II est chargé de l'exécution dans la mesure où elle n'incombe pas aux cantons.

1

18178

Poursuite pénale

Dispositions transitoires

Entrée en vigueur

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur le contrôle des fermages agricoles (Du 19 juillet 1960)

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1960

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8062

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

04.08.1960

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