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8330 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la loi sur les chemins de fer fédéraux (Du 10 octobre 1961)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-après le projet d'une loi fédérale modifiant celle du 23 juin 1944 sur les chemins de fer fédéraux, entrée en vigueur le 1er janvier 1946.

I. Généralités La loi en vigueur sur les chemins de fer fédéraux (RS 7, 197) a été acceptée en votation populaire du 21 janvier 1945 par 388 831 oui contre 296 809 non. Elle a libéré nos chemins de fer d'Etat d'une charge très lourde et institué en même temps différentes mesures pour éviter un nouvel endettement. La plus grande entreprise du pays a été mise en état de bien marcher en appliquant les principes d'une saine économie commerciale. La situation actuelle et le potentiel des chemins de fer fédéraux montrent que la solution choisie était judicieuse. Les modifications, que nous vous proposons d'apporter aujourd'hui à la loi de 1944, ne changeront donc rien aux considérations de principe qui ont inspiré les mesures prises pour l'assainissement des chemins de fer fédéraux. Nos propositions se limitent à un petit nombre d'articles qui sont tous en rapport étroit avec le financement des constructions. Elles tiennent compte des expériences faites ainsi que de l'accroissement des exigences imposées à un service public qui doit être efficace et constitue l'épine dorsale de notre économie nationale tout entière.

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II. Le financement des constructions selon la législation en vigueur Aux termes de l'article 18 de la loi, les chemins de fer fédéraux peuvent disposer au plus, pour les acquisitions et constructions auxquelles ils procèdent, des ressources provenant des amortissements industriels. Si ces ressources ne suffisent point et qu'il faille les compléter en accroissant les dettes à intérêt fixe, le volume de ces dettes ne pourra être augmenté qu'en vertu d'un arrêté fédéral soumis au referendum.

Pour comprendre cette disposition, il faut se reporter à l'époque à laquelle elle a été conçue. Les mesures d'assainissement prises alors visaient à rétablir, moyennant d'importants sacrifices de la Confédération, l'équilibre financier des chemins de fer fédéraux, dont les difficultés étaient dues à l'excès des charges résultant du prix de rachat, au déficit des années de guerre et à la crise qui suivit. Des dispositions légales devaient empêcher que cet équilibre ne fût à nouveau compromis. On considérait que l'un des dangers auxquels l'entreprise était exposée résidait dans un développement trop poussé des constructions. L'aménagement des chemins de fer fédéraux était tenu pour à peu près terminé. Les choses étant considérées de cette façon, on trouvait que les ressources provenant des amortissements devaient suffire pour le simple renouvellement de l'appareil des transports.

Tôt après l'entrée en vigueur de la loi, il apparut cependant que l'article 18 entravait l'activité dans le domaine des constructions, ce qui, dans une telle mesure, n'était ni prévisible ni voulu. Le phénomène avait double cause. D'une part, l'accroissement considérable des frais de production et de construction dans les quinze années écoulées avait pour effet que les amortissements, fixés en principe d'après les frais primitifs d'acquisition ou d'établissement, ne suffisaient de loin pas à couvrir les frais de remplacement des installations et des véhicules. D'autre part, le trafic des chemins de fer fédéraux atteignit une ampleur tout à fait imprévisible. Les chemins de fer fédéraux étaient ainsi placés en face de nouvelles et importantes tâches de construction pour le financement desquelles les bases fixées à l'article 18, 1er alinéa, se révélaient trop étroites. Différentes requêtes présentées par les chemins de fer fédéraux au
département des postes et des chemins de fer comme aussi des postulats du Conseil national des 21 juin et 14 décembre 1950 attirèrent l'attention des autorités sur cet état de choses et demandèrent une revision des bases légales.

Le bien-fondé de ces considérations ne nous a pas échappé, mais nous avons estimé qu'avant de reviser la loi, il convenait d'épuiser toutes lès possibilités offertes par les dispositions en vigueur. L'une de ces possibilités résidait dans le relèvement des annuités d'amortissement. Les chemins de fer fédéraux ont ainsi pu augmenter leurs amortissements ordinaires en relevant certains taux fixés trop bas ; grâce, aux excédents, de produits, ils ont encore pu procéder à d'importants amortissements supplémentaires.

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L'arrête fédéral du 14 décembre 1956 (BO 1957, 307) leur permit en outre de faire usage, pour la première foie, de la possibilité offerte par l'article 18, 3e alinéa, d'augmenter leurs dettes à intérêt fixe. Cet arrêté, soumis au referendum, les autorisa en effet à accroître ces dettes de 500 millions de francs. Lee nouveaux fonds étaient destinés à financer un programme extraordinaire de constructions et d'acquisitions comprenant notamment l'acnat de véhicules moteurs électriques et Diesel pour remplacer des locomotives à vapeur et, de wagons à marchandises, d'un coût global de 250 millions de francs. Il comprenait aussi la mise en chantier de grands travaux d'agrandissement des gares de Zurich, Berne et Baie (lre étape), représentant également 250 millions. A vrai dire, le plafond ordinaire du financement des dépenses de construction n'était pas atteint puisque les chemins de fer fédéraux disposaient encore, à fin 1955, de 250 millions de francs de ressources provenant d'amortissements d'années antérieures non rengagés. Ces fonds durent toutefois être réservés au financement du programme ordinaire de construction, les amortissements courants ne suffisant pas à cet effet.

A fin 1960, la réserve d'amortissement disponible pour ce programme ordinaire de construction s'était amenuisée à 140 millions de francs. Elle sera vraisemblablement épuisée en deux ans au plus. Les chemins de fer fédéraux ne disposeraient plus, pour financer le programme ordinaire, que des ressources provenant des amortissements annuels.

Les montants réservés à l'achat de véhicules sur les 500 millions de francs prévus pour la réalisation du programme extraordinaire de constructions et d'acquisitions seront absorbés en deux ans, tandis que les fonds disponibles pour les grandes transformations des gares de Zurich, Berne et Baie suffiront pour quelques années de plus.

Même si les programmes correspondant au plafond ordinaire et extraordinaire de financement étaient réunis, ce qui impliquerait une modification de l'arrêté fédéral du 14 décembre 1956, le plafond serait fort probablement atteint en trois ans. Si l'on veut que nos chemins de fer d'Etat soient en mesure de satisfaire aux exigences accrues de l'économie nationale et d'accomplir ainsi leur première tâche, qui est de servir cette économie, il importe avant tout que
le financement des travaux et acquisitions urgents soit assuré. Il est tout aussi important que les organes responsables de l'entreprise et les autorités supérieures, c'est-à-dire le Conseil fédéral et les chambres disposent de la liberté de mouvement nécessaire dans la conduite de l'entreprise. Comme il faudra prévoir pour les grands travaux de construction à inclure dans les budgets des prochaines années le besoin de fonds pour plusieurs exercices, il n'est plus possible d'attendre que le plafond de finan cément ait été atteint pour le relever. Les bases juridiques indispensables au financement des projets de construction doivent donc

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être créées sans retard. Et il importe que ces bases soient conçues de façon à permettre aux chemine de fer fédéraux d'établir leurs plans de construction à longue échéance.

III. Les projets de construction des chemins de fer fédéraux pour les prochaines années La politique de construction des chemins de fer fédéraux, comme celle de n'importe quelle autre entreprise, est axée sur les trois buts principaux ci-après : -- Renouvellement et amélioration courants des installations; -- Augmentation du potentiel d'exploitation par le développement des installations ; -- Accroissement de la productivité et amélioration du rendement de l'exploitation.

La plus grande entreprise de notre pays doit cependant ajuster sa politique de construction à la situation économique générale. Etant en premier lieu au service de l'économie, qui a besoin d'un service public de transport efficace, elle ne peut toutefois obéir que dans une mesure restreinte à des considérations de politique économique. Il faudra de toute façon que les chemins de fer fédéraux amènent leur appareil de transport au niveau, correspondant au degré d'évolution de notre économie, au développementgénéral du tourisme et aux exigences de la sécurité du trafic. Cela ne doit pas empêcher de vérifier de manière approfondie l'urgence do chaque ouvrage projeté.

Le besoin de renouvellement dépend dans une large mesure du degré de vieillissement des installations. Or une partie importante des installations des chemins de fer fédéraux sont nettement vieillies. Malgré les remarquables efforts entrepris ces dix dernières années, il n'a pas encore été possible de rattraper complètement le retard causé principalement par la stricte limitation appliquée au renouvellement des installations pendant la crise des années «trente». C'est ainsi qu'à fin 1960, les chemins de fer fédéraux faisaient encore circuler 718 voitures à deux ou à trois essieux en service depuis plus de quarante ans. Ces 718 voitures représentaient 22 pour cent du parc de voitures. Il y avait encore 1200 wagons à marchandises (5%) en service depuis plus de soixante ans, 7297 (31 %) depuis plus de quarante ans et 7913 (34%) depuis plus de trente ans.

A ce retard dans le renouvellement s'ajoute le fait que les importantes constructions et acquisitions de la première période d'électrification des
années «vingt» parviennent, dans une mesure croissante, à l'âge où un renouvellement s'impose. Il s'agit notamment des véhicules moteurs datant de cette époque, qui ont donc près de quarante ans de service, ainsi que de parties essentielles des installations de lignes de contact, de sécurité et de télécommunications, comme aussi de l'équipement des usines électriques.

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Le rythme naturel du renouvellement est encore accéléré par les progrès incessants de la technique. Il est de moins en moins possible d'employer les installations et les véhicules jusqu'à la fin de la durée d'usage qui serait techniquement admissible. Signalons, par exemple, que les locomotives électriques du Gothard datant des débuts de l'électrification sont encore en mesure d'assurer leur service, mais sont devenues trop lentes et trop faibles pour le trafic actuel. L'horaire extrêmement serré des trains sur la ligne du Gothard ne pouvant être amélioré ou même simplement tenu qu'au moyen de convois roulant tous à peu près à la même vitesse, il est absolument nécessaire que ces locomotives soient remplacées par des engins de type moderne et plus puissant. De même, les vieilles voitures à deux ou à trois essieux pourraient encore rouler, mais elles ne répondent plus aux exigences des voyageurs.

L'augmentation du potentiel d'exploitation est devenue une nécessité urgente, principalement du fait de l'accroissement prodigieux du trafic.

Le nombre des voyageurs transportés en 1960 a doublé par rapport à 1938, la dernière année d'exploitation normale de l'avant-guerre, passant de 113 à 226 millions. Quant au tonnage des marchandises, il a augmenté dans une mesure encore plus forte, savoir de 14 à 30 millions de tonnes. Un tel trafic ne peut plus être assuré qu'à grand-peine avec les installations et le matériel actuels. Le manque de matériel roulant et les nombreux étranglements dans les installations fixes nuisent à la fluidité et à la régularité du trafic.

Enfin, l'accroissement de la productivité et l'amélioration du rendement de l'exploitation prennent toute leur importance quand on considère l'augmentation des salaires, la réduction de la durée du travail et les difficultés toujours croissantes que rencontre le recrutement d'un nombre suifisant d'agents qualifiés. Une entreprise ne peut supporter à la longue l'augmentation des charges qui découlent du renchérissement de la maind'oeuvre que s'il lui est possible de la compenser partiellement par une amélioration générale de la productivité. Comme partout dans l'industrie, il faut pour cela des investissements massifs de fonds, pour remplacer le travail par le capital et épuiser les possibilités de l'automatisation.

Eu égard à l'ampleur de leurs
tâches dans le domaine des constructions, les chemins de fer fédéraux ont entrepris, depuis bien des années déjà, de dresser des programmes de travaux à longue échéance, afin de concentrer leurs ressources en personnel et leurs moyens techniques et financiers sur les mesures les plus importantes à prendre pour l'entreprise dans son ensemble. Sur la base de cette planification, ils s'attendent, pour les dix prochaines années, aux dépenses moyennes suivantes, en regard desquelles nous indiquons, à titre de comparaison, les montants correspondants d'années antérieures:

757 Dépenses effectives en moyenne dea années 1953 à 1961 (pulir 1961, selon budget) en millions de francs

Dépenses évaluées en moyenne des dis prochaines années en millions de franca

Matériel roulant, ateliers et installations de production d'énergie . .

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Renouvellement de la superstructure

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Renouvellement et amélioration courantes de l'infrastructure, des bâtiments, des ponts, des lignes de contact et des installations de sécurité et de télécommunications

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20-30

52 240

90-100 280-300

Transformation et aménagement des installations de gares et de pleine voie (y compris les grands travaux de gares à Zurich, Berne et Baie). .

Ne sont pas comprises dans ce programme les mesures toujours plus urgentes rendues nécessaires par l'accroissement du trafic dans le secteur d'Olten et sur les tronçons du Plateau empruntés conjointement par les communications nord-sud et est-ouest, ce qui les charge fortement. Notons aussi que les montants évalués ci-dessus s'accroîtront encore du fait du renchérissement persistant.

Il n'est pas possible d'exposer ici dans ses détails le programme de construction des chemins de fer fédéraux. Aussi nous bornerons-nous à fournir quelques explications au sujet des deux rubriques dont les montants sont les plus élevés et qui présentent la plus forte augmentation par rapport aux années antérieures: Matériel roulant, ateliers et installations de production d'énergie: Les ateliers d'entretien des véhicules et les installations de production d'énergie sont groupés, dans le programme, avec les acquisitions de véhicules parce qu'ils sont en rapport direct avec le parc de matériel roulant. Sur les 130 millions de francs de dépenses annuelles évaluées pour ce chapitre, 100 millions environ concernent l'acquisition de véhicules. Ce montant correspond à peu près à celui qui a été dépensé, en moyenne, ces dernières années, y compris pour le programme extraordinaire d'acquisition prévu par l'arrêté fédéral du 14 décembre 1956. Le vieillissement persistant et l'insuffisance du parc au regard de l'ampleur actuelle du trafic, comme aussi les besoins toujours croissants en véhicules spéciaux pour l'économie font que le programme actuel d'acquisition devra être poursuivi plusieurs années encore.

Feuille fédérale. 113e année. Vol. II.

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Transformation et aménagement des installations de gare» et de pleine voie : Sur les 90 à 100 millions de francs de dépenses évaluées sous ce chapitre, près de 40 millions concernent les seuls grands chantiers ouverts à Zurich, Berne et Baie. A Zurich, une première étape est en cours d'exécution et vise à l'établissement d'une nouvelle installation d'enclenchement.

En 1962 sera entreprise la construction de la nouvelle ligne de ZurichOerlikon à Zurich-Altstetten, avec agrandissement de cette dernière gare; ce sera le premier pas vers la construction de la nouvelle gare de triage de Zurich-Limmattal. Ces travaux entraîneront des dépenses annuelles de l'ordre de 15 millions de francs. La transformation de la gare de Berne est en cours depuis quatre ans. Elle exigera pendant six années encore des dépenses annuelles d'une dizaine de millions de francs. A Baie, les travaux pour la construction de la deuxième partie de la gare de triage de Muttenz doivent commencer l'année prochaine. Les frais totaux s'élèveront vraisemblablement à plus d'une centaine de millions et il faudra s'attendre à des dépenses annuelles de 15 millions de francs.

Les 50 à 60 millions de francs restant après déduction des frais pour les trois grandes gares précitées correspondent aux dépenses effectives des dernières années. Ils serviront d'abord à financer les nombreuses transformations de grandes et de petites gares ; parmi ces constructions il se trouve même des travaux d'assez grande envergure, comme l'extension de la garefrontière de Chiasso, l'établissement de la nouvelle gare de triage de Lausanne-Denges, l'aménagement de la ligne de raccordement entre les gares de G-enève-Cornavin et de La Praille, avec déplacement de la gare de marchandises et de triage de Cornavin à La Praille, l'agrandissement de la gare de Schaffhouse, etc. Les charges financières considérables imposées par l'électrification ont retardé les chemins de fer fédéraux au cours des dix dernières années dans l'aménagement de leurs grandes gares, de sorte que la question de la gare se pose pour presque toutes les villes d'une certaine importance. Ce même chapitre comprend encore les frais de la transformation de plusieurs tronçons à simple voie en tronçons à double voie. Les dépenses moyennes de 15 millions de francs engagées jusqu'ici à ce titre devront
donc être prévues à l'avenir aussi.

Pour que les chemins de fer fédéraux puissent concentrer leurs efforts sur ces transformations de gares et de lignes indispensables pour améliorer le déroulement du trafic, il faudra que le renouvellement et l'amélioration courants des autres installations soient réduits au strict minimum.

IV. Le financement des dépenses îuturcs de construction des chemins de fer fédéraux Des dépenses non actives de l'ordre de 30 millions de francs doivent être déduites des charges annuelles do construction des chemina de fer fédéraux, évaluées à 280 ou 300 millions. Elles sont automatiquement

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mises à la charge du compte d'exploitation et directement couvertes par les produits d'exploitation. Le financement effectif des acquisitions et constructions au sens de l'article 18 de la loi sur les chemins de fer fédéraux portera donc sur 250 à 270 millions de francs par an.

Au cours des dix prochaines années, les amortissements ordinaires procureront quelque 160 millions de francs par an en moyenne. Cette moyenne tient compte de l'accroissement des amortissements qui résulte chaque année du fait de l'augmentation de la valeur d'établissement. Il reste ainsi une charge de construction de 90 à 110 millions de francs par an non couverte par les amortissements ordinaires, ce qui représente environ un milliard de francs pour les dix prochaines années.

La tâche qui incombe dans ces conditions au législateur peut être accomplie de différentes manières.

Tout d'abord, on pourrait songer, en se fondant sur l'article 18, 3e alinéa, de la loi sur les chemins de fer fédéraux, à créer par voie d'arrêté fédéral soumis au referendum, les conditions voulues pour assurer le financement sous forme de dettes à intérêt fixe (l). Mais une augmentation unilatérale des dettes à intérêt fixe pourrait rendre encore noims souple la structure des frais d'une entreprise déjà grevée de lourdes charges fixes. Il importe d'éviter cet inconvénient, tant il vrai que les chemins de fer fédéraux, comme n'importe quelle entreprise engagée dans ime lutte de concurrence sévère, sont fortement exposés aux risques découlant de l'alternance de bonnes et de mauvaises périodes. Cela étant, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il faudrait trouver une solution qui donnerait aux chemins de fer fédéraux une structure financière tenant suffisamment compte de ces risques.

Telle était aussi la volonté du législateur lorsqu'au moment de l'assainissement, il pourvut l'entreprise d'un capital de dotation. Dans notre message complémentaire du 17 septembre 1943 relatif au projet de loi sur les chemins de fer fédéraux (FF 1943, 825), nous écrivions à ce propos: Les chemins de fer fédéraux disposent de moyens très limités pour ajuster leurs recettes d'exploitation (comme d'ailleurs une grande partie de leurs dépenses d'exploitation) aux variations de valeur de leur trafic. Grâce au capital de dotation, l'entreprise pourra traverser les mauvaises
années plus aisément que ce fut le cas dans le passé. Ledit capital remplira la fonction du capital-a,ctions dans une société anonyme et permettra, en période de stagnation, de réduire ou même d'interrompre le service d'une dette de montant équivalent sans pour autant faire subir une perte de substance à l'entreprise. Le capital de dotation mettra des ressources à la disposition de l'entreprise, qui n'aura pas l'obligation de les rémunérer en tout état de cause, de telle sorte qu'elle jouira d'une certaine élasticité financière, ce qui a manqué jusqu'ici.

(*) Etant donné qu'à fin 1960, les chemins de fer fédéraux disposaient de 140 millions provenant d'amortissements non encore rengagés et de 330 autres millions fournis par l'arrêté fédéral du 14 décembre 1956 pour le financement du programme extraordinaire de construction, il suffirait de demander l'assentiment des chambres fédérales pour une nouvelle augmentation d'environ 530 millions de francs des dettes à intérêt fixe.

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Vu ces considérations, qui n'ont rien perdu de leur pertinence, nous estimons que les fonds nécessaires aux chemins de fer fédéraux pour l'exécution de leur programme de construction à longue échéance ne devraient pas leur être procurés uniquement par l'augmentation des dettes à intérêt fixe. En liaison avec l'arrêté fédéral du 14 décembre 1956 concernant l'augmentation des dettes à intérêt fixe des chemins de fer fédéraux, nous avons été invités par un postulat du Conseil national du 7 juin 1957 à examiner s'il ne conviendrait pas de soumettre aux chambres un rapport et des propositions en vue d'augmenter d'au moins 100 millions de francs le capital de dotation des chemins de fer fédéraux. On a fait valoir à cette occasion qu'il n'était pas admissible, après les expériences des dernières décennies, d'assurer le financement des constructions de l'entreprise par le seul relèvement du plafond des dettes, c'est-à-dire par le moyen unilatéral des fonds empruntés; on déclarait également que cette mesure devait au contraire aller de pair avec une augmentation des fonds propres, non pas pour assurer un dégrèvement, mais pour empêcher un endettement trop prononcé. Nous partageons la manière de voir exprimée dans le postulat et formulons les propositions correspondantes dans le présent projet de loi.

La distinction entre tâches ordinaires et extraordinaires de construction, qui est à la base de l'ordonnance du 15 décembre 1956, ne pouvant être maintenue à la longue, nous croyons cependant judicieux de régler d'une façon nouvelle l'ensemble du financement des constructions pour les chemins de fer fédéraux et de vous recommander l'abrogation de l'arrêté fédéral en question.

Nous partons donc de l'idée qu'en plus des ressources provenant des amortissements, les chemins de fer fédéraux devront pouvoir disposer, dans les dix prochaines années, d'environ un milliard de nouveaux fonds.

Pour couvrir ces besoins, nous vous proposons d'une part de doubler l'actuel capital de dotation de 400 millions de francs. Il resterait alors à leur procurer 600 millions de francs sous forme de dettes à intérêt fixe, en tant que le compte de résultats n'aurait pas permis de constituer de nouvelles retenues ou réserves. Il ressort du bilan au 31 décembre 1945 qu'après l'assainissement, le capital de dotation nouvellement créé,
de 400 millions de francs, faisait face à un capital étranger, composé d'engagements fixes et courants, de 1805 millions. Le capital de dotation était donc dans un rapport de 1 à 4,5 avec le capital emprunté. A fin 1960, ce rapport était pratiquement inchangé, le capital de dotation étant toujours de 400 millions de francs et le capital emprunté de 1773 millions. Le premier étant augmenté de 400 millions de francs et le second de 600 millions, nous aurions, au terme des dix ans, 800 millions de capital de dotation et 2373 millions de fonds empruntés, ce qui donne une relation de 1 à 3. Cette amélioration par rapport à la situation après l'assainissement paraît opportune et défendable vu le développement de l'activité et l'importance accrue des investissements des chemins de fer fédéraux. C'est ainsi que les

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recettes totales ont passé de 620 millions de francs en 1946 à 1095 millions en 1960. Les immobilisations s'accroîtront d'environ 50 pour cent au cours des dix prochaines années et atteindront plus de 3 milliards de francs.

Etant donnée l'importance des charges fixes qui pèsent sur les chemins de fer fédéraux, un fléchissement économique pourrait rapidement avoir des conséquences fâcheuses, en sorte que l'amélioration du rapport entre capital de dotation et capital emprunté est conforme aux plus sains principes de l'économie d'entreprise.

A côté de l'augmentation du capital de dotation, nous proposons de renoncer à faire dépendre l'accroissement des dettes à intérêt fixe d'un arrêté fédéral soumis au referendum. Connue nous l'avons exposé plus haut, cette disposition s'inspirait de l'idée que l'aménagement des chemins de fer fédéraux était à peu près achevé et qu'il convenait dès lors de n'user que tout à fait exceptionnellement de la possibilité d'augmenter les dettes.

Cette manière de voir n'est plus pertinente dans les circonstances actuelles.

L'essor du trafic a fait naître au contraire un gros besoin d'investissements, dont la couverture par de nouveaux fonds empruntés est judicieuse si ce modo de financement doit servir non seulement à maintenu1 les installations en état, mais encore à les développer.

L'application de l'article 18 suscite d'ailleurs, comme l'expérience l'a montré, des difficultés pratiques. Selon une interprétation stricte de la loi, il faudrait, avant d'inclure un quelconque projet de construction dans le budget, s'assurer que le financement au moyen des ressources provenant des amortissements en est garanti. Si l'on part de l'idée qu'à la longue les amortissements suffiront tout au plus à financer le remplacement des installations, il faudrait prendre un arrêté soumis au referendum pour chaque investissement dépassant le simple renouvellement. Vouloir faire une différence entre le renouvellement et le développement est cependant chose hasardeuse, car, en règle générale, ils vont de pair. Comme, d'autre part, il n'arrive jamais que toutes les installations doivent être renouvelées en même temps, une partie des frais de développement pourra vraisemblablement toujours être financée provisoirement au moyen des ressources provenant des amortisseements. L'importance de cette
part ne pourra pas être déterminée par avance avec certitude.

L'abrogation de l'article 18 ne portera en aucune façon atteinte aux droits de surveillance des chambres et du Conseil fédéral. Il appartiendra toujours au Conseil fédéral d'exercer la haute surveillance sur la gestion et l'administration financière des chemins de fer fédéraux conformément à l'article 8, 1er alinéa, lettre c, de la loi qui les régit, et, en particulier, d'examiner les budgets et les comptes annuels de l'entreprise avant qu'ils ne soient soumis au parlement; celui-ci, de son côté, conserve, en vertu de l'article 7, lettre c, le droit de les approuver.

Comme toutes les entreprises du trafic général, les chemins de fer fédéraux ont droit, en vertu de l'article 49 de la loi sur les chemins de fer,

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à une indemnité pour les désavantages financiers découlant de leurs prestations en faveur de l'économie générale et résultant des charges étrangères à leur exploitation, en tant que ces prestations et charges leur sont imposées par la loi ou de toute autre manière. Or, les prestations en faveur de l'économie générale sont liées d'une façon tellement étroite à la gestion et à l'exploitation d'une entreprise ferroviaire qu'il est extrêmement difficile d'évaluer, et en tout cas impossible de calculer exactement, quelles sont les prestations qu'un chemin de fer géré commercialement ne pourrait assumer sans compensation.

Après avoir étudié soigneusement toute la question, nous sommes arrivés à la conclusion que si notre proposition de doubler le capital de dotation était acceptée, les chemins de fer fédéraux ne pourraient plus faire valoir un droit quelconque à une indemnisation pour les prestations en faveur de l'économie générale et pour les charges étrangères à l'exploitation, qu'il s'agisse de prestations et charges qui aient été assumées dans le passé ou dans les temps actuels.

Parallèlement à l'augmentation du capital de dotation, il conviendrait d'adapter l'article 16 de la loi aux conditions nouvelles. D'après les dispositions en vigueur, les chemins de fer fédéraux doivent, après avoir couvert tous leurs engagements, y compris les amortissements, prélever un montant pouvant aller jusqu'à 8 millions de francs sur leur bénéfice net pour l'affecter à une réserve destinée à couvrir les déficits à venir, jusqu'à ce qu'elle ait atteint 20 pour cent du capital de dotation. A défaut d'une modification de l'article 16,1er alinéa, lettre a, de la loi, les chemins de fer fédéraux n'auraient pas la possibilité, même en cas de résultats extrêmement favorables, de verser, avant les intérêts au capital de dotation, plus de 8 millions de francs à la réserve légale; de plus, celle-ci serait limitée à 160 millions de francs au maximum pour un capital de dotation de 800 millions. C'est pourquoi nous vous proposons d'instituer en principe, pour les chemins de fer fédéraux aussi, le régime prévu à l'article 69 de la loi sur les chemins de fer pour les entreprises concessionnaires. Il y est pré-vu que ces entreprises doivent prélever annuellement un dixième du produit net jusqu'à ce que cette réserve atteigne 30
pour cent du capital social versé. Une telle dotation de réserve doit être considérée comme un minimum. Pour un grand chemin de fer d'Etat, elle devrait être fixée plus haut. En conséquence, nous vous proposons de fixer le versement à opérer à la réserve légale, avant tout intérêt au capital de dotation, à 20 pour cent du bénéfice net et de prescrire, à l'instar de ce qui est prévu pour les chemins de fer concessionnaires, que cette réserve devra être alimentée aussi longtemps qu'elle n'aura pas atteint 30 pour cent du capital de dotation.

Aux termes de l'article 16, 1er alinéa, lettre a, il faut, en premier lieu, verser chaque année un montant de 8 millions de francs au plus à la réserve.

Comme nous vous proposons de considérer désormais le bénéfice net et

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de relever le plafond de la réserve légale de 80 à 240 millions de francs en rapport avec le doublement du capital de dotation, il convient de revoir en même temps la question du montant minimum à verser chaque année à cette réserve. Selon le régime actuel, les 8 millions de francs représentent 2 pour cent du capital de dotation. Pour maintenir ce taux, il aurait fallu prescrire un versement minimum pouvant aller jusqu'à 16 millions de francs.

Si nous ne vous proposons que 8 millions comme jusqu'ici, c'est que nous pensons que l'on doit pouvoir exiger des chemins de fer fédéraux, même dans les années où les résultats sont peu brillants, qu'ils versent au moins un modeste intérêt au capital de dotation. Pour la Confédération, il est d'ailleurs plus avantageux d'ordonner une augmentation des amortissements, qui servent au renouvellement des installations et des véhicules et auxquels il faut procéder, en vue de fortifier la structure de l'entreprise, avant de constituer les retenues nécessaires à l'exploitation, que d'alimenter outre mesure la réserve légale destinée seulement à couvrir les déficits à venir.

T. Le projet do loi Vu les considérations qui précèdent, nous vous proposons, dans une première partie du projet de loi, de modifier les articles qui suivent de la loi du 23 juin 1944 sur les chemins de fer fédéraux: Art. 7, lettre d. Cette disposition peut être abrogée puisque l'abrogation de l'article 18 la rend sans objet.

Art. 16, 1er alinéa. Nous vous proposons un nouveau texte. Dans la première phrase seul le mot «engagements» est remplacé par «charges du compte de résultats», formule qui embrasse toutes les rubriques de charges.

Cette modification ne revêt pas d'importance quant au fond.

Cette disposition, conformément à la pratique actuelle, devra être interprétée en ce sens que par «amortissements» on entend tous ceux qui figurent dans un règlement à approuver par le département des postes et des chemins de fer d'entente avec celui des finances et des douanes, et qu'avant de déterminer le bénéfice net, les retenues nécessaires à l'exploitation et approuvées par le département des postes et des chemins de fer pourront également être portées en compte.

Sous lettre a, le versement à la réserve légale, qui doit être prélevé en premier lieu une fois déterminé le bénéfice net, est exprimé,
conformément au régime institué pour les entreprises concessionnaires à l'article 69 de la loi sur les chemins de fer, en pour-cent du bénéfice net, le taux applicable étant fixé à 20 pour cent. En outre, le versement d'un montant allant jusqu'à 8 millions de francs par an à opérer avant le versement d'intérêts au capital de dotation est maintenu.

Enfin, la réserve légale devra pouvoir être alimentée jusqu'à ce qu'elle atteigne non plus 20 mais 30 pour cent du capital de dotation, à l'instar de ce qui est prescrit pour les chemins de fer concessionnaires.

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La lettre b et la dernière phrase du 1er alinéa sont reprises telles quelles.

Art. 18. L'ancien article est remplacé par une disposition prévoyant que les chemins de fer fédéraux sont pourvus d'un capital de dotation supplémentaire de 400 millions de francs. Le capital de dotation primitif, de 400 millions de francs également, étant mentionné à l'article 21, 2e alinéa, sous le titre «dégrèvement», nous avons voulu marquer par là que le nouveau capital est sans rapport avec l'assainissement de 1944.

Dans une IIe partie du projet de loi, nous vous proposons, pour les raisons déjà exposées, d'abroger l'arrêté fédéral du 14 décembre 1956 concernant l'augmentation des dettes à intérêt fixe des chemins de fer fédéraux. Ainsi, la différence qui y est faite entre dépenses de construction ordinaires et extraordinaires serait supprimée, de sorte que le financement des constructions serait traité à l'avenir comme un tout.

Enfin, dans une IIIe partie, il est prévu de déclarer la modification de l'article 16, 1er alinéa, applicable déjà aux résultats des comptes de l'exercice 1961. La raison en est que, selon le régime en vigueur, la réserve légale est fixée à 20 pour cent du capital de dotation, c'est-à-dire à 80 millions de francs, et que ce plafond est atteint. Si donc le nouveau régime peut entrer en vigueur à fin 1961 déjà, les comptes de l'exercice 1961 pourront être établis sur la base des nouvelles dispositions, ce qui permettra aux chemins de fer fédéraux de continuer à alimenter la réserve légale déjà pour l'année 1961.

Nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-annexé et de classer le postulat du Conseil national du 7 juin 1957 (n° 7381) auquel notre message a donné suite.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 10 octobre 1961.

Au nom du Conseil fédéral suisse :

* 13815

Le président de la Confédération, Wahlen Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

765

(Projet)

LOI FÉDÉRALE modifiant celle sur les chemins de fer fédéraux

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 10 octobre 1961, arrête:

La loi fédérale du 23 juin 1944 ( x ) sur les chemins de fer fédéraux est modifiée comme il suit: Art. 7, lettre d, abrogé Art. 16, 1er a].

Le bénéfice net restant après la couverture de toutes les charges du compte de résultats, y compris les amortissements, doit être employé de la façon suivante: a. En premier lieu, versement d'une part de 20 pour cent, mais d'au moins 8 millions de francs si le bénéfice atteint cette somme, à une réserve destinée à couvrir les déficits à venir, jusqu'à ce qu'elle ait atteint 30 pour cent du capital de dotation; b. Ensuite, paiement d'un intérêt au capital de dotation à un taux de 4 pour cent au plus.

L'Assemblée fédérale statue sur l'emploi d'un solde lors de l'approbation des comptes annuels.

Art. 18 La Confédération pourvoit les chemins de fer fédéraux d'un capital de dotation supplémentaire de 400 millions de francs (cf. art. 21, 2e al.).

(!) BS 7, 197.

766

II

L'arrêté fédéral du 14 décembre 1956 1 concernant l'augmentation des dettes à intérêt fixe des chemins de fer fédéraux est abrogé.

in Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi. L'article 16, 1er alinéa, nouvelle teneur, est déjà applicable aux resultata de l'exercice de 1961.

1 RO 1957, 307, 13815

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la loi sur les chemins de fer fédéraux (Du 10 octobre 1961)

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