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FEUILLE FÉDÉRALE 113e année

Berne, le 1er juin 1961

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 30 franca par on; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis : 50 centimes la ligne ou son espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie dea Hoirs C.-T.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 24sexies sur la protection de la nature et du paysage (Du 19 mai 1961)

Monsieur le Président et Messieurs, Noua avons l'honneur de vous soumettre, par le présent message, un projet d'article constitutionnel sur la protection de la nature et du paysage, donnant suite à une motion adoptée en 1955 par les conseils législatifs.

I. INTRODUCTION Le 10 décembre 1924 déjà, le conseiller national R. Gelpke proposait une motion de la teneur suivante : Le Conseil fédéral est invité à déposer, en application de l'article 702 du code civil, un projet de loi sur la protection des sites et la conservation des antiquités et curiosités naturelles.

Cette motion fut rejetée, notamment pour des motifs juridiques. Un rapport de la division de justice du 14 mars 1925 concluait: «1. Que la Confédération n'était pas compétente pour légiférer sur la protection de la nature ; 2. Que, même si cette compétence était admise, une telle loi n'apparaissait ni nécessaire ni opportune. » En 1931, la ligue suisse pour la protection de la nature présenta aux différents groupes des chambres une requête dans le même esprit que la motion Gelpke. L'année suivante, de nombreuses associations culturelles Feuille fédérale. 113e année. Vol. I.

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1090 importantes et la ligue susmentionnée prirent derechef l'initiative, en adressant la «résolution d'Olten 1932», qui invitait le Conseil fédéral 1° A désigner ou à créer un office chargé de recueillir toutes les dispositions édictées par la Confédération, les cantons, les communes, etc., au sujet de la protection de la nature et des sites, de la conservation des monuments, de la protection du patrimoine artistique de la Suisse, etc., de suivre les lois édictées à l'étranger dans ce domaine, de tenir à jour une liste des édifices, paysages, ruines, etc., protégés, de rester en contact permanent avec les gouvernements cantonaux pour leur suggérer de compléter et d'améliorer les dispositions cantonales et communales édictées dans tout ce domaine ; 2° A créer une commission fédérale devant avoir un caractère consultatif et devant travailler de pair avec l'office précité. Cette commission préaviserait sur tout ce qui touche à la protection du patrimoine national, de la nature, des édifices historiques et des oeuvres artistiques; 3° A préparer un projet de loi fédérale garantissant une protection efficace de la nature.

Presque en même temps (le 23 décembre 1931), le conseiller national Oldani déposait une motion (transformée ensuite en postulat) rédigée comme il suit: Considérant que les rives de nos lacs et de nos rivières, ainsi que les forêts et d'autres oeuvres de la nature qui présentent un intérêt pour la santé publique, sont de plus en plus fermés à la circulation et qu'il sera bientôt impossible d'y accéder librement, le Conseil fédéral est invité à déposer un projet de loi sur la protection des sites, dont les dispositions larges permettent de faire cesser cet abus. Il serait indiqué, à cette occasion, de s'inspirer des besoins actuels pour reviser les dispositions sur la protection de la faune et de la flore et pour régler à nouveau la question des parcs réservés.

Le département de l'intérieur consulta les cantons par circulaire du 18 juillet 1933; neuf d'entre eux se déclarèrent favorables à une loi fédérale sur la protection de la nature (si la constitution reconnaît à la Confédération la compétence de légiférer), et seize s'y opposèrent.

L'association pour la conservation des rives du lac de Zurich adressa au Conseil fédéra] le 1er novembre 1934 une requête qui allait plus loin que le postulat Oldani. Elle proposait un article constitutionnel 23 bis, dont le texte était le suivant: La protection du paysage et de la nature relève des cantons et des communes.

La Confédération est cependant autorisée, à la requête d'un canton intéressé, à placer sous sa protection des paysages et des points de vue ainsi que des curiosités naturelles et dee monuments, si leur conservation revêt une importance nationale. Si un tel objet est menacé de destruction, d'enlaidissement, de modification de caractère, si son effet et son accessibilité sont compromis ou si un dommage de cette nature s'est déjà produit, et si le canton, sans recourir à la protection de la Confédération, ne prend toutefois aucune mesure pour écarter le danger ou rétablir un état satisfaisant, la Confédération est également autorisée à placer ledit objet sous sa protection après avoir, sans effet, imparti au canton un délai convenable pour agir.

Elle est autorisée à intervenir de son propre chef contre la publicité qui, le long des voies de communication, nuit au paysage ou qui est projetée sur le ciel, ainsi qu'à légiférer d'une manière uniforme sur la lutte contre la pollution des eaux et des rives.

1091 Le département de justice et police, consulté, répondit le 28 décembre 1934: «1. Que la Confédération n'était pas compétente pour légiférer en matière de protection de la nature et du paysage; 2. Qu'il serait utile de lui conférer certaines attributions restreintes, s'il était possible d'établir un partage satisfaisant des compétences avec les cantons, mais que cette réglementation devrait être renvoyée à une date ultérieure s'il n'y avait pas péril en la demeure. » Lors d'une conférence réunie le 15 mai 1935 pour discuter l'ensemble du problème, les signataires de la résolution d'Olten renoncèrent finalement à la re vision constitutionnelle, tout en restant fidèles à leurs autres principes. Puis, à l'unanimité, la conférence vota la résolution suivante, recommandée par son président (le chef du département fédéral de l'intérieur) : La conférence reconnaît unanimement qu'il faut pour l'instant s'abstenir d'édicter une loi fédérale sur la protection de la nature. En revanche, elle exprime à l'adresse du département fédéral de l'intérieur le voeu que l'on étudie et résolve dans un avenir prochain la question de la création d'une commission fédérale pour la protection de la nature, solution qui doit permettre de grouper toutes les forces (autorités, associations, etc.) pouvant agir en l'occurence,

Le Conseil fédéral créa alors, le 1er mai 1936, la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage, dont l'ancien conseiller fédéral Haberlin fut le premier président. Selon le règlement du 20 mai 1936, que le Conseil fédéral approuva le 19 mai 1937, elle «sert au Conseil fédéral d'organe consultatif dans les questions du domaine susnommé (la protection de la nature et du paysage) lorsque celles-ci ont une importance fédérale ou intéressent plusieurs cantons». Elle a notamment les tâches suivantes: 1° Servir de trait d'union entre les autorités de la Confédération et les associations ou institutions qui s'occupent do la protection de la nature, ainsi qu'entre ces dernières elles-mêmes, dans l'intérêt de la cause pour la défense de laquelle cette commission a été constituée ; 2° Emettre à l'adresse des autorités fédérales et cantonales des préavis au sujet des questions relatives à la protection de la nature; 3° Stimuler le développement de la législation de la Confédération et des cantons sur la protection de la nature et la collaboration intercantonale dans ce domaine ; 4° Proposer ou appuyer dee mesures qui doivent être ou sont prises pour protéger la nature en des lieux et des cas où elle est menacée.

L'inspection des forêts, chasse et pêche, qui avait reçu pour mission de poursuivre l'étude des problèmes relatifs à la protection de Ja nature et d'examiner les possibilités d'une future réglementation, adressa derechef aux cantons, en 1948, une circulaire pour se renseigner sur l'état de la protection de la nature dans notre pays comme sur la nécessité d'une législation fédérale.

Treize cantons approuvèrent l'institution, de dispositions fédérales d'ordre général, ou du moins déclarèrent en comprendre l'utilité. Douze

1092 jugèrent de telles dispositions inutiles ou s'y opposèrent (ce dernier nombre comprend trois cantons qui ne se sont pas prononcés). L'opinion avait donc évolué en faveur d'un accroissement de l'influence fédérale, sans toutefois considérer encore une intervention comme opportune.

Dix ans de fort développement économique et technique, et surtout la concession et le début des travaux du barrage de Bheinau, ainsi que la campagne pour la défense du paysage rhénan firent mûrir l'idée qu'il importait de mieux protéger la nature et le paysage. Le 28 septembre 1954, une commission du Conseil national déposa la motion suivante : Dans son rapport du 4 mai 1954 à l'Assemblée fédérale concernant l'initiative populaire pour la protection des sites depuis la chute du Rhin jusqu'à Rheinau, le Conseil fédéral relève qu'il est permis de se demander si cette protection ne pourrait pas être assise sur une plus large base, sous la forme d'un article spécial de la constitution fédérale. -- Etant donnée cette constatation, le Conseil fédéral est chargé d'étudier avec les autorités cantonales et les représentants des organisations pour la protection de la nature et des sites la question d'insérer dans la constitution un article satisfaisant aux exigences que posent le maintien et la sauvegarde des beautés naturelles de notre pays. Il est chargé de présenter aux chambres un rapport et des propositions à ce sujet.

Vous avez adopté cette motion. Quelques temps après, nous vous informions qu'une sous-commission d'experts dirigée par le préaident de la commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage avait reçu mandat d'élaborer un article constitutionnel et de faire rapport sur ses travaux. Ce rapport fut soumis le 15 février 1957 au département de l'intérieur et distribué aux autres départements ainsi qu'aux gouvernements des cantons et aux principales associations intéressées. Le principe même de l'insertion d'un article dans la constitution fut combattu par cinq cantons (dont, chose surprenante, trois de ceux qui était d'avis contraire en 1948) ; toutes les associations et dix-huit cantons s'exprimèrent en faveur du projet, tandis que deux cantons réservèrent encore leur opinion. On assistait donc à un revirement décisif en faveur d'une réglementation fédérale. Quelques réponses positives soulevaient, à vrai dire, d'importantes objections à propos de certains alinéas du projet. La commission d'experts les examina toutes et estima pouvoir tenir compte d'une partie d'entre elles. Il en sortit, fin décembre 1958, un projet amélioré. Par décision du 20 janvier 1959, nous chargeâmes le département de l'intérieur d'élaborer un message à votre intention. Mais comme quelques départements avaient, dans leurs rapports joints, fait des réserves de forme et de fond à l'égard du texte proposé par la commission d'experts, le département de l'intérieur dut remanier ce texte une nouvelle fois. Nous avons, le 19 décembre 1960, approuvé la teneur à proposer pour l'article constitutionnel qui fait-l'objet du présent message, lequel pouvait alors être rédigé.

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II. REMARQUES GÉNÉRALES La Confédération, bien qu'elle n'ait jusqu'ici pas vraiment légiféré sur la protection de la nature, s'occupe de cette protection en vertu d'articles d'un certain nombre de lois et d'ordonnances fédérales (voir le chapitre III ci-après).

La plupart des cantons possèdent leur propre législation en la matière, généralement fondée sur leur loi d'introduction du code civil; si certaines de ces lois et ordonnances ne tiennent pas compte des données récentes, il en est aussi de modernes. Leur efficacité et leur application laissent cependant à désirer dans bien des cas; mais il existe aussi des exemples réconfortants.

Ainsi, tous les cantons ont, par des ordonnances spéciales, placé sous leur protection un certain nombre de sites particulièrement intéressants. II faut mentionner également les efforts nombreux et efficaces déployés par la ligue suisse pour le patrimoine national comme par la ligue suisse pour la protection de la nature. Ces deux organismes sont très fréquemment parvenus à attirer l'attention des autorités fédérales, cantonales et communales ainsi que celle du peuple suisse tout entier sur des objets d'importance nationale et à sauver ceux-ci de l'altération et de la destruction en réunissant des fonds considérables. C'est ainsi qu'il a été possible de préserver le Grütli, la forêt d'Aletsch, le lac de Sils, les fles de Brissago, le sommet du Righi, le lac de Baldegg, le lac de Muzzano et d'autres paysages, et de restaurer des monuments historiques tels que le château de Stockalper à Brigue, la chapelle de Tell, la maison «zur Treib», le bourg de Werdenberg, etc. -- II est toutefois certain que ni la législation fédérale ou cantonale, ni ]es efforts des associations pour la protection de la nature n'ont pu empêcher que ne disparussent des monuments de la culture et des curiosités naturelles d'un grand prix ainsi que des espèces végétales et animales rares ou que de splendides paysages ne fussent gravement altérés. Des biens nombreux se sont ainsi perdus sans retour, ce qui ne devrait plus se produire.

L'évolution stupéfiante qui a été celle de l'économie, de la science et de la technique ces dernières décennies se poursuivra ; elle ne peut ni ne doit être retardée, étant donné qu'elle est une manifestation accessoire, à la fois inévitable et nécessaire, de
l'expansion démographique et du développement de la civilisation. Plus les hommes sont, dans leur travail et leur rythme quotidien, astreints à une vie contraire à la nature, ou du moins étrangère à elle, plus le contact avec une nature encore intacte est indispensable à la restauration de leurs forces physiques et psychiques. Ce fait est généralement reconnu aujourd'hui. C'est pourquoi ceux qui ont des responsabilités doivent, dans l'intérêt du peuple et de la santé publique, veiller à ce que les espaces propices à la détente des esprits et à la récupération des forces physiques soient conservés et que des barrières soient dressées contre la recherche du gain et le besoin d'action des techniciens. Il faut contenir ces forces, ennemies ou dédaigneuses de la nature. Nous devons aussi mieux protéger le patri-

1094 moine d'un pays si riche et si divers dans ses paysages comme dans sa culture.

Bien comprises, la protection de la nature et la technique ne se contredisent d'ailleurs nullement : l'opposition de principe entre ces deux domaines s'est révélée peu utile et peu fructueuse. Nous voyons le présage d'une collaboration profitable dans le fait que le recteur de l'école polytechnique fédérale a, dans son allocution inaugurale du 15 novembre 1958, proposé qu'on encourageât cette entente ; il a en outre déclaré qu'il importait «d'insérer le plus tôt possible dans notre constitution le principe de la protection de la nature, pour répondre aux efforts actuels».

L'idée qu'il faut protéger la nature est profondément enracinée dans la population; les effectifs des associations intéressées le prouvent, ainsi que les vives réactions de la presse et de l'opinion publique lorsque des éléments de notre patrimoine naturel ou culturel sont sacrifiés à des intérêts purement matériels. Il serait faux d'admettre que les seuls adversaires d'une exploitation impitoyable de la nature sont des idéalistes incapables de faire la part de ce que réclame le progrès technique et industriel. L'opposition vient surtout des gens réfléchis, qui sont sérieusement préoccupés du bien spirituel et culturel de la population dans une époque où la technique fait irruption partout.

L'idéalisme est souvent peu eificace contre les grandes forces d'ordre matériel qui sont en action. Les hommes éclairés, les chefs politiques, les autorités de tous les degrés et les institutions intéressées à la protection de la nature doivent être d'autant plus vigilants. Il appartient surtout à ces institutions d'accroître leurs moyens et de les engager à bon escient.

Certains pays ont reconnu bien avant nous la nécessité de protéger la nature. Dans la plupart des Etats européens et aux Etats-Unis, les lois prescrivent des mesures radicales, très souvent assorties de crédits considérables, pour la conservation des beautés naturelles, des parcs nationaux, etc. Il existe par exemple dans la République fédérale d'Allemagne une loicadre qui protège la faune et la flore, les curiosités naturelles et les sites et qui institue des autorités et des offices à cet effet. Chaque «pays» a en outre sa propre autorité chargée de la protection de la nature, dont l'une
des tâches consiste à tenir le registre des sites protégés. Il incombe à l'institut fédéral pour la protection de la nature de coordonner l'activité des divers offices et délégués.

Si nous citons l'exemple allemand, ce n'est pas pour recommander de copier l'étranger. A chaque Etat ses besoins et ses moyens. La protection des beautés naturelles et artistiques du pays est, bien entendu, possible même sans article constitutionnel. Un tel article serait en lui-même peu efficace.

L'appui du peuple est nécessaire. Ce qui est décisif, c'est que la population comprenne de quoi il s'agit et soit disposée à faire les sacrifices nécessaires.

1095 Une réglementation fédérale soutenant les efforts des cantons permettrait cependant d'atteindre beaucoup plus facilement et en temps utile des résultats meilleurs. Nous estimons que la Confédération a l'obligation de collaborer à la solution du problème que pose la conservation d'une nature toujours plus menacée. Les responsabilités encourues à l'égard des générations futures doivent l'inciter à cette collaboration, et cela avant qu'il ne soit trop tard.

III. LE DROIT EN VIGUEUR 1. Le droit fédéral Au même titre que l'encouragement des arts et des activités intellectuelles, la protection des beautés naturelles et des sites importants pour la culture et l'histoire du pays constitue pour la Confédération une obligation qui dérive directement de sa qualité d'Etat. En réglementant les divers domaines de sa compétence, la Confédération doit donc veiller, d'une manière toute générale, à ce que la législation tienne le plus large compte possible de ce qu'exigé la protection de la nature. C'est pourquoi certaines lois et ordonnances fédérales contiennent des dispositions spéciales sur cette protection, dans les domaines où des atteintes aux beautés naturelles, aux paysages, à la faune et à la flore paraissent possibles ou probables. Ainsi, l'article 22 de la loi du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques et l'article 9 de la loi du 20 mars 1930 sur l'expropriation disposent que les ouvrages doivent déparer le moins possible le paysage. L'article 72 de l'ordonnance du Conseil fédéral de 1933 concernant les installations électriques à courant fort et l'article 12 de l'ordonnance, de la même année, qui concerne les installations électriques à courant faible contiennent les mêmes prescriptions, sous une forme un peu atténuée. L'article 79 de la loi du 3 octobre 1951 sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la population paysanne dispose que, lors d'améliorations foncières, «il sera tenu compte...

de la protection de la nature et des sites» et que la protection des oiseaux sera prise en considération. La loi du 16 mars 1955 sur la protection des eaux contre la pollution contient à son article 2 une prescription sur la protection du paysage. Enfin, l'article 5 de la loi du 8 mars 1960 sur les routes nationales statue que si les exigences du trafic entrent, lors de la
construction des routes nationales, en conflit avec des intérêts de la protection de la nature et des sites, il y a lieu de déterminer ceux qui doivent l'emporter.

La législation fédérale réglemente certains domaines très étroitement liés à la protection de la nature; son effet s'étend donc aussi à la défense du paysage, à la protection des sites historiques ou à la conservation de la faune et de la flore. C'est surtout le cas de l'arrêté fédéral du 14 mars 1958 concernant l'encouragement de la conservation des monuments historiques ainsi que son ordonnance d'exécution du 26 août 1958; la conservation de notre patrimoine artistique, historique et culturel est solidaire de la proteo-

1096 tion du paysage, comme noue le montrerons encore par la suite. Dans cet ordre d'idées, nous mentionnerons encore la loi sur la pêche, du 21 décembre 1888, et celle du 10 juin 1925 sur la chasse et la protection des oiseaux, qui ont trait à une protection générale de la nature.

L'article 702 du code civil, réserve à la Confédération, aux cantons et aux communes le droit d'apporter dans l'intérêt public des restrictions à, la propriété foncière, notamment en ce qui concerne les mesures destinées k la conservation des antiquités et des curiosités naturelles ou à la protection des sites. Bien entendu, cet article ne confère nullement à la Confédération la compétence de légiférer en matière de protection de la nature et du paysage ; il faut pour cela un principe exprès, inscrit dans la constitution. Mais cette disposition ne formule pas non plus une réserve en faveur du droit cantonal, étant donné que les cantons sont, aux termes de l'article 3 de la constitution, compétents pour adopter des prescriptions de droit public en matière de protection de la nature (ATF 41, I, 489; 57, I, 211; 64, I, 208).

L'article 702 du code civil reconnaît et met en évidence d'une manière toute générale la compétence qu'ont les cantons, voire les communes, d'apporter à la propriété foncière des restrictions primant le droit civil fédéral dans les domaines dont il s'agit, donc aussi dans celui de la protection de la nature.

2. Le droit cantonal Stimulés par cet article 702, la plupart des cantons ont posé, dans leurs lois d'introduction du code civil, les fondements des ordonnances sur la protection de la nature. H existe ainsi aujourd'hui, dans la majorité d'entre eux, des ordonnances du pouvoir exécutif relatives à la protection de certains paysages, localités, monuments historiques, beautés naturelles, végétaux et animaux. -- Quelques cantons ont des lois spéciales en la matière. Il existe aussi des lois cantonales qui touchent certains domaines en rapport avec la protection de la nature (police des constructions surtout) et qui contiennent des règles particulières sur la sauvegarde des intérêts ressortissant à cette protection; il s'agit en partie de dispositions qui autorisent les communes à insérer des prescriptions de cette sorte dans leurs règlements.

IV. L'UTILITÉ D'UNE DISPOSITION CONSTITUTIONNELLE
L'abondance des lois et ordonnances cantonales protégeant la nature montre que tous les cantons accordent une grande importance à cette protection. Ils sont efficacement soutenus dans leurs efforts par les nombreux organismes privés qui, sur les plans cantonal, régional et local, décèlent à temps les multiples dangers qui guettent la nature et le paysage et cherchent à y parer en adressant aux autorités compétentes des requêtes, des oppositions et des plaintes.

1097 Nous reconnaissons les très grands efforts que les cantons déploient pour conserver le plus possible leurs paysages, cités, monuments historiques et trésors culturels, mais nous devons constater qu'ils rencontrent toujours plus d'obstacles presque insurmontables. A notre époque où le développement économique et technique est si considérable, l'extension rapide des localités, les installations et dépôts industriels, les nouvelles routes, voies ferrées et conduites, la réclame, etc., menacent très gravement les beautés naturelles. L'essor économique et la recherche du bien-être matériel qui en est la conséquence ont beaucoup diminué le respect o^t la nature dans de larges milieux de la population. C'est pourquoi, depuis la fin de la guerre, un grand nombre de sites, de paysages urbains et de beautés naturelles ont été définitivement compromis, enlaidis, ou même détruits.

Les lois cantonales sur la protection de la nature (dont certaines ne répondent plus aux enseignements de la science contemporaine) attribuent aux autorités des pouvoirs qui ne permettent pas d'affronter efficacement l'évolution actuelle. Contre des menaces concrètes pesant sur des sites ou des objets importants, il a fallu parfois créer d'abord de toutes pièces les fondements juridiques nécessaires, ce qui a fait perdre un temps précieuxi Ici et là, les mesures cantonales ont été tardives, et les beautés naturelles ou les monuments qu'elles devaient protéger avaient déjà disparu. Ces considérations mettent en évidence la nécessité d'instituer une protection fédérale des paysages et des monuments historiques on culturels encore intacts. Ces sites, dont la grande valeur est reconnue dans tout le pays, ne sont plus très nombreux.

Les lieux, beautés naturelles et monuments dignes de protection appartiennent, pour la plupart, à des particuliers, le reste se partageant entre des corporations privées ou publiques. La garantie de la propriété, inscrite dans toutes les constitutions cantonales, exige qu'une pleine indemnité soit versée pour les empiétements de la communauté sur la propriété privée, y compris ceux qui tendent à protéger la nature. En conséquence, la conservation d'en, semblés naturels méritant d'être conservés ne peut être assurée que par un accord avec le propriétaire du fonds, l'achat du terrain ou, si la loi le
permet, par l'expropriation. Toutes ces mesures entraînent, bien entendu, des dépenses souvent très lourdes pour la collectivité. Il est fort douteux que tous les cantons soient en mesure de réunir en temps utile les fonds nécessaires à la sauvegarde de leurs paysages et monuments. Notons qu'un nombre considérable de paysages et d'ouvrages à protéger en raison de leur importance nationale se trouvent sur le territoire de cantons dont la capacité financière est très faible. Il y a donc une nécessité générale, reconnue par la plupart des gouvernements cantonaux, de conférer à la Confédération une compétence nouvelle, inscrite dans la constitution ; cette compétence lui permettra de soutenir les cantons et les organismes intéressés à la protection de la nature lorsque les mesures à prendre exigent de grosses ressources financières.

1098 L'un des avantagea importants d'une nouvelle disposition constitutionnelle serait, enfin, d'assurer la coordination et une certaine unité. Si la protection du patrimoine national revêt plutôt un caractère régional et local, celle de la nature appelle, en revanche, une meilleure collaboration des cantons, agissant d'après des directives communes. On a constaté qu'il n'était pas judicieux qu'une protection de sites nationaux et d'espèces animales ou végétales s'étendant sur plusieurs cantons fût assurée différemment dans chacun d'eux. Pour conserver intacts des paysages entiers et empêcher la disparition de certaines espèces animales ou végétales, il est en général nécessaire, et parfois indispensable, que les cantons intéressés coopèrent étroitement. Cette collaboration en vue d'un but commun serait, sans aucun doute, le mieux garantie si la Confédération, se fondant sur l'article constitutionnel proposé, exerçait une fonction de direction, de coordination et de soutien.

Il ne peut s'agir ici, cela va de soi, que d'une intervention fédérale ménageant le plus possible l'autonomie cantonale.

Voici encore un dernier argument en faveur d'un article constitutionnel : les dangers que font courir à la nature et au paysage l'accroissement de la population, la rapide extension des agglomérations, le développement inquiétant de la technique et de l'industrialisation, le tourisme, etc., sont aujourd'hui tels qu'il n'y va plus des seuls intérêts des cantons, et que l'intérêt du pays tout entier est en jeu. Ces intérêts du pays lui-même ne peuvent plus être protégés à l'aide des dispositions dont nous avons parlé au chiffre premier du chapitre III, car les périls les plus graves qui menacent la nature sont dus bien plus à des constructions, installations ou projets, publics et privés, non soumis au droit fédéral qu'aux activités régies par les dispositions fédérales que nous avons rappelées. Un article figurant dans la constitution fédérale attirerait l'attention des cantons sur la grande importance que leurs mesures de protection revêtent pour le pays tout entier, encouragerait leurs efforts et leur assurerait, le cas échéant, une aide financière de la Confédération.

V. LE NOUVEL ARTICLE 24sexies SON CHAMP D'APPLICATION L'article que nous vous proposons d'insérer dans la constitution a la teneur suivante : Article 24 sexies 1

La protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal.

La Confédération doit, dans l'accomplissement de ses tâches, ménager le paysage, l'aspect des localités, les sites historiques ainsi que les curiosités naturelles et les monuments clé la culture et les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant.

3 La Confédération peut soutenir par des subventions les efforts en faveur de la protection de la nature et du paysage et procéder par voie contractuelle ou d'expropriation, pour acquérir ou conserver des réserves naturelles, des sites historiques et des monuments de la culture d'importance nationale, 4 Elle est autorisée à légiférer sur la protection de la faune et de la flore du pays.

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1099 1, Lors de la rédaction du projet d'article ci-dessus, il était d'emblée parfaitement clair que la protection de la nature et du paysage, dans la mesure où elle constituerait une tâche de la Confédération, ne pourrait être comprise comme une protection unilatérale et absolue, fondée sur des dispositions d'application générale. Aux exigences de la protection de la nature s'opposent le plus souvent d'autres intérêts de caractère public, comme ceux qui concernent l'utilisation accrue des forces hydrauliques, la construction des routes nationales, le décongestionnement des villes, etc. Mais il y a aussi des intérêts contraires d'ordre privé, touchant, par exemple, la construction de maisons de week-end sur les rives des lacs. Comme l'article constitutionnel ne doit pas contrecarrer systématiquement l'évolution économique et industrielle, ni le progrès technique, par des dispositions rigides, il importe de pouvoir tenir équitablement compte des intérêts qui s'affrontent dans un cas donné. L'article constitutionnel doit donc se borner à donner des directives générales pour la solution de ces cas, toujours différents, dans lesquels des intérêts nombreux sont en conflit.

2. En rédigeant l'article constitutionnel, il a fallu décider ce que devaient signifier les termes «protection de la nature» et «protection du paysage». Le danger de nivellement qui guette les individus, les exigences d'une vie trépidante, l'intervention toujours plus poussée de la technique avec toutes ses conséquences fâcheuses et d'autres manifestations des temps modernes ont fait naître le désir d'étendre les notions de nature et de patrimoine national à l'ensemble des domaines où l'homme trouve un refuge contre la dure réalité quotidienne. Entrent ainsi dans la notion de protection de la nature et du patrimoine national, au sens le plus large, la lutte contre le bruit, l'épuration des eaux, la défense des terrains agricoles contre les projets routiers excessifs et même l'utilisation des loisirs, la construction de logements à loyers modérés, etc. Tout cela n'a qu'une certaine parenté avec la protection de la nature proprement dite. Celle-ci, dans son sens courant, se limite à la conservation et à la protection des beautés et curiosités naturelles, de l'aspect des localités et des monuments de la culture ainsi que de la flore et
de la faune du pays. Elle vise donc à entretenir des valeurs existantes et à les préserver de toute lésion, mais ne tend pas à des buts de planification et d'aménagement. Ce qui ne signifia pas que, dans sa fonction conservatoire, elle ne puisse être créatrice à sa manière. L'achat de terrains en vue d'agrandir ou de créer une réserve naturelle et la réacclimatation d'espèces animales disparues de notre territoire constituent, par exemple, des tâches importantes de la protection de la nature. -- Comme l'article constitutionnel ne peut régler qu'une seule matière, en vue d'une fin unique, il y a lieu de laisser à des dispositions futures, fédérales ou cantonales, le soin de régler la question de la «protection de la nature» au sens large.

La nécessité d'observer la règle de l'unité de la matière s'opposait à ce qu'on inclût dans l'article constitutionnel la planification nationale, règio-

1100 naie et locale, qui touche pourtant d'assez près à la protection de la nature.

Le but principal de la planification reste en dehors de la protection de la nature: la planification est par définition une activité créatrice, son objet est d'utiliser l'espace et le sol; elle concerne surtout l'expansion et l'aménagement des localités, des industries et des voies de communication. En poursuivant son but principal, la planification peut parfois entrer en conflit avec les intérêts de la protection de la nature. Ce sera, par exemple, le cas lorsqu'on transforme un paysage encore intact, situé à proximité d'une grande agglomération, en un lieu destiné aux loisirs et au repos. L'occasion se présente pour nous de reconnaître expressément que l'adoption de règles générales relatives à la planification nationale, régionale et locale revêt la plus haute importance en raison de l'accroissement considérable des surfaces bâties ou utilisées de façon très intensive.

L'activité des associations de protection des animaux et groupements analogues, dont le but est de préserver les animaux domestiques des mauvais traitements n'appartient pas au domaine dont nous nous occupons maintenant. Seules les mesures destinées à empêcher la disparition d'animaux indigènes vivant en liberté peuvent ressortir à la protection de la nature.

n existe une parenté extrêmement étroite entre la notion de protection de la nature et du paysage au sens de l'article constitutionnel et la conservation des monuments historiques encouragée par la Confédération en vertu de l'arrêté fédéral du 14 mars 1958 et de son ordonnance d'exécution du 26 août 1958. La conservation des monuments historiques s'étend à la restauration, à l'exploration archéologique, aux fouilles et aux relevés d'objets ou de parties d'objets immobiliers qui sont importants du point de vue de l'histoire de l'art ou de l'histoire tout court. Aux termes de l'article que nous proposons, ménager et sauvegarder des sites historiques et des monuments, c'est protéger un paysage. On voit ainsi que la conservation des monuments historiques et la protection d'un site avec monument historique sont des notions voisines qui se recouvrent même, en un certain sens.

Les mesures ayant, par exemple, pour objet de maintenir l'aspect extérieur d'édifices religieux ou profanes importants,
ou de parties de villes ou de villages anciens avec leurs environs immédiats, ressortissent aussi bien à la conservation des monuments historiques qu'à la protection du paysage. Ce qui a trait à l'aménagement intérieur n'intéresse en revanche que la conservation des monuments et l'architecture.

Il faut en outre exclure de la notion de protection du paysage l'exploration scientifique, la transformation ou la restauration de bâtiments importants pour l'histoire ou l'histoire de l'art, ainsi que les fouilles archéologiques. Toutes ces tâches débordent la fonction purement conservatoire et préservatrice de la protection du paysage.

1101 3. On peut concevoir de diverses manières un article constitutionnel sur la protection de la nature et du paysage. Il y avait donc lieu de choisir la solution répondant le mieux aux exigences actuelles.

Avec la commission qui a élaboré l'article, nous estimons qu'il serait erroné de s'en tenir à une simple déclaration accordant un appui purement moral aux cantons, communes et particuliers dans leurs efforts pour la protection de la nature. La constitution est la loi fondamentale de l'Etat; elle ne doit donc pas contenir des nobles déclarations dépourvues de tout caractère obligatoire. Il faut résolument renoncer à un article constitutionnel ne posant aucune règle de droit.

Une étude minutieuse nous a convaincus que la solution la meilleure consiste à rédiger un article qui permette à la Confédération d'encourager la protection (cantonale et privée) de la nature et lui donner en même temps la compétence de légiférer et de prendre certaines mesures en la matière. Il fallait en outre que la conception de la nouvelle compétence fédérale tînt le plus large compte de la structure federative du pays. Cette compétence ne doit pas restreindre celle des cantons. Elle doit, au contraire, stimuler ceux-ci à commencer par agir de leur propre chef, en vertu de leur souveraineté, pour conserver leurs sites et curiosités naturelles. La nouvelle compétence fédérale doit donc être surtout subsidiaire; la Confédération n'interviendra que si, dans un cas donné, un canton n'est pas en mesure d'imposer lui-même sa volonté, en raison de difficultés insurmontables ou d'oppositions trop puissantes.

4. Partage de la compétence entre la Confédération et les cantons.

Aux termes de l'article 3 de la constitution, «les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n'est pas limitée par la constitution fédérale».

Il n'est pas possible d'énumérer expressément dans la constitution les attributions des autorités fédérales dans chacun des domaines qui ressortissent à la Confédération et de les y circonscrire avec précision; c'est pourquoi l'étendue d'une compétence fédérale dépendra souvent de la législation ou de l'interprétation des autorités administratives ou du Tribunal fédéral.

Il a fallu constater qu'on aurait beaucoup de peine à rédiger une disposition constitutionnelle qui, en matière de protection de la
nature, délimiterait de façon nette les attributions conférées à la Confédération et celles qui demeurent aux cantons. La raison principale est que cette disposition ne doit créer aucune compétence fédérale à la fois intégrale et exclusive. Comme nous l'avons dit sous chiffre 2 du chapitre III, une série de cantons ont inséré des dispositions de portée très diverse sur la protection de la nature dans la législation applicable aux domaines de leur compétence. Certaines de ces prescriptions sont indissolublement liées aux matières qu'elles concernent. Ainsi, par exemple, l'application des dispositions sur la protection du paysage figurant dans les règlements de construction est assurée par

1102 l'application des prescriptions de police des bâtiments. Il ne pourrait être question de retirer aux cantons une partie de leur compétence en matière de police des constructions pour la transférer à la Confédération en vertu du nouvel article constitutionnel. Les cantons, lorsqu'ils règlent des questions de leur compétence, doivent pouvoir continuer à légiférer sur la conservation du paysage, des beautés naturelles et des monuments de la façon qu'ils estiment appropriée.

L'article que nous proposons n'a pas non plus pour fin de limiter la compétence législative des cantons en matière de protection de la nature.

Au premier alinéa, le principe suivant lequel la protection de la nature et du paysage constitue une tâche des cantons est exprimé avec netteté.

Comme les autorités responsables oeuvrent dans chaque canton avec des organismes nationaux, cantonaux, régionaux et locaux pour assurer le plus possible la protection de la nature, il n'est pas indispensable de réglementer uniformément ce domaine dans la législation fédérale. Les cantons ressentiraient sans nul doute un tel déplacement de compétence comme une immixtion indésirable; il comporterait en outre le danger d'une généralisation, préjudiciable surtout aux intérêts régionaux et locaux de la protection de la nature. C'est pourquoi nous avons voulu que la disposition constitutionnelle ne crée une compétence législative fédérale que dans la mesure où il y avait une nécessité urgente d'uniformiser le droit. Les prescriptions tendant à protéger la faune et la flore sont le seul cas de ce genre. En les rédigeant, le législateur fédéral devra réduire leur contenu à l'essentiel, pour maintenir la compétence fédérale dans des limites étroites.

A part la compétence fédérale en matière de protection de la faune et de la flore, le projet d'article accorde à la Confédération celle de soutenir financièrement la protection de la nature et du paysage et d'instituer des mesures destinées à sauvegarder les beautés naturelles et les monuments d'importance nationale. Sont prévus comme mesures fédérales: l'achat, la protection par contrat et l'expropriation de curiosités et réserves naturelles d'importance nationale. -- Peuvent être considérés comme encouragement de la protection de la nature aussi bien le soutien financier accordé à des campagnes
organisées ou approuvées par des cantons que l'aide directe à des communes, à des organismes ou à des propriétaires privés. L'aide fédérale directe aux communes et particuliers risque toutefois d'aboutir à un certain transfert de compétence des cantons à la Confédération. Pour l'empêcher, il y aura lieu de vouer l'attention nécessaire aux conditions de la subvention.

Il ne serait naturellement pas possible que la Confédération subordonnât le versement de subventions au respect de règles fédérales lésant la souveraineté cantonale. -- En donnant à la Confédération le pouvoir de protéger par des conventions de droit privé ou d'exproprier des réserves naturelles et des sites d'importance nationale, le troisième alinéa de l'article crée une compétence fédérale purement subsidiaire. Elle ne porte pas atteinte à la

1103 compétence qu'ont les cantons d'acquérir, de grever de servitudes ou d'exproprier des sites ou curiosités naturelles dignes de protection. Les dispositions d'application de l'article constitutionnel devront régler le rapport entre les attributions cantonales et la nouvelle compétence fédérale complémentaire, de façon que la Confédération n'assume directement la protection de certains biens par le moyen du droit civil, voire par l'expropriation, que si le canton intéressé n'est pas lui-même en mesure d'y pourvoir, parce qu'il manque de ressources ou rencontre d'autres difficultés insurmontables.

5. La commission d'experts a envisagé d'introduire une disposition supplémentaire dans l'article Zisexies pour tenir compte des difficultés que présente aujourd'hui la protection de la nature et du fait qu'en quelques années un grand nombre de beautés naturelles, de paysages et de monuments ont disparu parce que mal protégés. Cette disposition aurait permis à la Confédération d'intervenir promptement par des mesures conservatoires si des paysages étaient menacés de dangers imminents. Elle était rédigée comme il suit : En tant que les dispositions cantonales sont insuffisantes, la Confédération peut, après avoir entendu les cantone intéressés, prendre dos mesures conservatoires pour préserver des paysages et des beautés naturelles importantes.

Cette disposition aurait autorisé une intervention fédérale dans des circonstances extrêmes. Elle n'aurait été appliquée qu'au cas où un canton serait notoirement incapable d'empêcher des enlaidissements ou des destructions jouant un rôle dans la protection du paysage; en d'autres termes, son application aurait supposé que le canton avait renoncé à s'acquitter d'une tâche cantonale.

Divers cantons ont élevé de sérieuses objections contre cette forme d'intervention fédérale. Après un examen attentif, nous avons renoncé à inclure ledit alinéa dans le projet. -- II est clair que la Confédération se serait malaisément et très rarement résolue à intervenir en vertu de cette nouvelle compétence; elle aurait certainement voulu épargner le plus possible au canton intéressé le reproche d'avoir renoncé à exercer ses droits.

Mais même si la disposition devait avoir une importance pratique extrêmement réduite, elle aurait sans aucun doute produit un effet psychologique indésirable, puisqu'elle supposait que les autorités cantonales pouvaient renoncer à leurs droits et qu'elle portait atteinte au principe fédéraliste énoncé dans l'article. Nous aimons à croire que les cantons prendront aussi rapidement que possible, dès que le nouvel article sera entré en vigueur, des mesures cantonales efficaces si leur législation ne répond plus aux exigences actuelles.

1104 VI. COMMENTAIRE Premier alinéa La protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal.

a. Selon l'article 3 de la constitution, les cantons exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral. On aurait donc pu estimer superflu de réserver expressément la compétence cantonale. Ce serait justifié aussi du point de vue formel. Toutefois, le premier alinéa revêt une importance spéciale du fait que les nouvelles attributions fédérales prévues dans l'article sont en concurrence avec la souveraineté cantonale; il est donc nécessaire d'inscrire en tête de l'article le principe de la primauté de la compétence cantonale. Il y a lieu d'établir nettement que la protection de la nature ressortit aux cantons et que la Confédération, respectant le plus possible le fédéralisme, ne doit agir en vertu de sa compétence constitutionnelle que si les cantons ne sont pas à même d'atteindre leur but ou si l'intérêt général du pays exige des mesures fédérales urgentes. Cette idée fondamentale exprimée au premier alinéa devra donc être suivie lors de l'élaboration des dipositions fondées sur l'article 24tsexie$ et de la fixation des conditions requises pour l'octroi de subventions. On aura ainsi la garantie que la nouvelle compétence fédérale ne sera pas étendue aux dépens des cantons par le biais des dispositions d'exécution. La réserve expresse de la compétence cantonale fait ressortir l'esprit fédéraliste de la disposition.

Elle donne une directive pour l'application de l'article tout entier.

Le premier alinéa, qui confirme une compétence cantonale existante a sa place dans la constitution. Les articles 64, 3e alinéa, et 64ôis, 2e alinéa, contiennent des dispositions analogues, qui déclarent expressément les cantons compétents en matière d'organisation judiciaire, de procédure et d'administration de la justice. Or, ces tâches leur incombaient déjà avant l'unification du droit civil et du droit pénal.

6. On peut en outre espérer que ce premier alinéa attirera efficacement l'attention des cantons sur l'importance que la protection de la nature et du paysage revêt pour leur territoire et le pays tout entier, et qu'il les encouragera à accroître leurs efforts.

2e alinéa La Confédération doit, dans l'accomplissement de ses tâches, ménager le paysage, l'aspect des localités, les sites
historiques ainsi que les curiosités naturelles et les monuments de la culture et les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant.

a. Les cas où la Confédération est elle-même en état de protéger efficacement la nature et les sites sont relativement nombreux. Elle peut agir sans que les cantons soient tenus d'intervenir ou de prêter leur appui. Un partage d'attributions n'est pas nécessaire. Ces cas sont ceux où la Confédération peut, dans l'accomplissement de ses tâches, entrer en conflit avec les intérêts de la protection de la nature.

1105 Ce principe selon lequel la Confédération doit respecter ces intérêts en accomplissant ses tâches figure déjà dans diverses dispositions de la législation fédérale. Nous renvoyons à ce propos au chiffre premier du chapitre III.

Le principe fait en revanche défaut dans une série de lois, arrêtés et ordonnances de la Confédération qui règlent certains domaines ayant parfois trait à la protection de la nature. On conçoit fort bien que des téléphériques, des pylônes de radio ou de télévision, des installations de radar, des ouvrages militaires puissent enlaidir sensiblement un paysage ou même l'altérer. Le second alinéa de l'article établit que la Confédération a le devoir général de vouer, dans toutes les affaires qui la concernent, l'attention requise pour que les beautés naturelles et les monuments soient conservés dans la mesure du possible, b. Contre le principe énoncé au 2e alinéa, on pourrait faire valoir l'argument suivant ; la protection de la nature rentrant dans les attributions générales de l'Etat, la Confédération est tenue, même à défaut d'une obligation sanctionnée par la constitution, de veiller à cette protection dans l'accomplissement de ses tâches ; il n'y a donc pas lieu d'alourdir la constitution d'une disposition purement déclarative. Nous objecterions que la Confédération elle-même, par suite de l'empire croissant de la technique, risque de perdre de plus en plus le souci de la nature en construisant ses propres ouvrages. La menace toujours accrue que la Confédération fait peser sur les sites en bâtissant, en faisant bâtir ou en encourageant la construction d'installations de toute espèce justifie pleinement l'insertion dans la constitution d'une règle l'obligeant à tenir dûment compte de ces intérêts.

On ne voit non plus pas pourquoi la Confédération ne serait expressément obligée, par des dispositions légales, à protéger la nature dans certains domaines et ne le serait pas dans d'autres. Le second alinéa comble donc une lacune manifeste en déclarant que la protection de la nature, qui est un des buts généraux de l'Etat, entre, dans les obligations de la Confédération.

Il s'ensuit que cet alinéa n'a pas seulement un caractère déclaratif, mais aussi normatif. Cela signifie que la Confédération, dans sa législation future et dans toutes les mesures de ses compétences,
devra se préoccuper de la protection de la nature et du paysage.

c. Le 2e alinéa ne précise pas ce qu'il entend par «tâches de la Confédération», car cela irait trop loin. Il s'agit au premier chef des ouvrages que la Confédération construit elle-même et des autorisations (concessions, permis) qu'elle accorde pour de tels ouvrages. Dans ce dernier cas, la disposition constitutionnelle est le fondement nécessaire pour subordonner, lorsque la Confédération est compétente, la concession et l'autorisation à des conditions protégeant la nature et le paysage ou pour créer des charges dans ce sens. -- Nombre de tâches fédérales consistent à aider financièrement des cantons, communes ou particuliers à atteindre certains buts. On peut, semble-t-il, admettre que la Confédération, même lorsqu'elle se borne à Feuille fédérale. 113e année- Vol. I.

79

1106 subventionner, doit toujours examiner si les mesures bénéficiant de son appui respectent l'obligation, de protéger la nature. Sinon, elle pourrait être contrainte de soutenir de ses deniers un projet préjudiciable à la nature ou au paysage, bien qu'un article constitutionnel l'obligeât à les protéger.

La Confédération doit donc pouvoir refuser une subvention dans l'intérêt d'une chose à protéger ou n'accorder son aide qu'à certaines conditions.

En formulant ces dernières, elle devra veiller à ne point empiéter sur la compétence cantonale.

d. Pour des raisons faciles à comprendre, il n'était pas possible d'énumérer exhaustivement dans le second alinéa ce qui doit faire l'objet d'une protection répondant aux exigences modernes. L'énumération est donc indicative. Le texte mentionne d'une manière toute générale les paysages et l'aspect des localités comme particulièrement dignes de protection; mais il il y a lieu de protéger aussi ce qui a un caractère plus spécial, comme les sites historiques, les curiosités naturelles et les monuments de la culture. -- En plus de ce que mentionne le second alinéa, il existe, bien entendu, un grand nombre de choses moins importantes qui, sans avoir nettement le caractère de monuments de la culture, méritent d'être protégés. La Confédération leur vouera l'attention requise lorsqu'elle construira, autorisera ou subventionnera des ouvrages. On peut enfin s'attendre que les cantons et les associations se chargeront de conserver les biens d'importance secondaire.

e. Le 2e alinéa enjoint aux autorités fédérales compétentes de peser, dans chaque cas, les intérêts contradictoires en présence, et de conserver les beautés naturelles intactes là où il y a un intérêt général prédominant. Si un acte purement conservatoire suffit, l'autorité doit encore décider les mesures à prendre. La pratique et la jurisprudence permettront d'établir des directives précises pour l'appréciation des cas d'espèce.

3e alinéa.

La Confédération peut soutenir par des subventions les efforts en faveur de la protection de la nature et du paysage et procéder par voie contractuelle ou d'expropriation, pour acquérir ou conserver des réserves naturelles, des sites historiques et des monuments de la culture d'importance nationale.

a. La première partie du 3e alinéa est une disposition qui tend à
encourager la protection de la nature. Elle a été insérée dans l'article constitutionnel parce que c'est en soutenant largement les cantons de ses deniers que la Confédération permet le mieux d'accroître les efforts déployés dans ce domaine. Si les cantons et organismes privés ne peuvent en général pas faire front contre les nombreux dangers et résistances qui se produisent ici, cela est certainement dû surtout au manque de ressources financières. Si la Confédération entend, par une revision constitutionnelle, user de son autorité en faveur de la nature et appuyer les cantons, on ne comprendrait guère qu'elle ne fît pas usage du moyen approprié : l'aide financière. Comme cette protection demeurera du ressort des cantons et qu'en général ces mesures

1107 ne causent pas de frais particulièrement élevés, il n'y a pas lieu de craindre que la nouvelle disposition n'entraîne de grosses dépenses pour la Confédération. Celle-ci encourage déjà la très coûteuse conservation des monuments historiques. La législation devra établir les conditions auxquelles les subventions seront allouées, et leurs taux. En traitant du partage des compétences entre la Confédération et les cantons (voir chiffre 4 du chapitre V), nous avons déjà montré comment il fallait traiter cette disposition et les dangers auxquels il convenait de parer, 6. Le 3e alinéa donne en outre à la Confédération le pouvoir de protéger des réserves naturelles et des monuments d'importance nationale en les acquérant ou en passant quelque autre convention avec leur propriétaire.

En plus du parc national, il existe des réserves fort étendues et de grande valeur, dont l'achat par la Confédération ou la protection en vertu d'un contrat pourrait, le cas échéant, paraître souhaitable dans l'intérêt du pays.

Mentionnons, comme exemples d'efficacité de telles mesures, la protection du lac de Sils, de la forêt d'Aletsch, des alpages de Lauterbrunnen, de la forêt de Derborence, par les soins de la ligue suisse pour la protection de la nature. En ce qui concerne la protection de monuments et de sites historiques, la Confédération est parvenue^ avec les autorités cantonales et communales et les organismes privés intéressés, à conserver des monuments importants par des restaurations et des contrats.

Nous ne tenons pas pour indiqué de régler ou de modifier le statut juridique du parc national dans l'article constitutionnel. Le parc existe depuis plus de quarante ans et il y a là une situation en partie très complexe qui ne peut être supprimée ou modifiée sans autre formalité par une revision constitutionnelle. Comme la conservation du parc semble assurée par un certain nombre de contrats, la question de son acquisition par la Confédération ne se posera guère.

c. En cas d'extrême nécessité, la Confédération devrait pouvoir sauver une curiosité naturelle de la destruction ou un monument d'importance nationale très menacé en recourant à l'expropriation. Elle ne devrait toutefois faire usage de cette possibilité prévue au 3e alinéa que si les dispositions à prendre par le canton intéressé ne permettent pas
cette protection et si tous les autres moyens dont la Confédération dispose, en particulier la protection par contrat de droit privé, ont échoué. Le respect du principe fédératif commande que le canton ait eu chaque fois l'occasion d'agir en vertu de sa compétence.

Le 3e alinéa vise avant tout l'expropriation proprement dite, celle par laquelle l'Etat acquiert des droits de propriété et des droits distincts et permanents. Cette expropriation s'imposera toujours lorsque des propriétaires projetteront de détruire ou d'altérer une curiosité naturelle ou un monument et que la conservation de la chose ne sera possible que par un acte de souveraineté faisant passer la propriété en main de l'Etat. Il sera parfois nécessaire

1108 d'exproprier des servitudes menaçant certains sites ou monuments, telles que servitudes de passage, de conduites, d'usage, etc. --· Mais il peut aussi y avoir une expropriation de fait, consistant dans la restriction du droit de propriété par des prescriptions et mesures officielles empêchant l'ancien usage d'une chose. Tel serait le cas si, par exemple, la Confédération, pour protéger un monument, prononçait une interdiction ou une restriction du droit de bâtir sur les parcelles voisines.

L'expropriation par la Confédération en vertu de l'article constitutionnel sera fondée sur la loi du 20 juin 1930.

Pour toute expropriation, il faut non seulement une base légale, mais aussi la preuve d'un intérêt public. La garantie de la propriété ne permet une expropriation que si l'intérêt public l'emporte sur celui du propriétaire.

Le texte du 3e alinéa ne donne qu'une indication toute générale pour l'appréciation de l'intérêt public : la Confédération ne doit user de l'expropriation que si la conservation de réserves naturelles, de sites historiques ou de monuments d'importance nationale est en jeu. Comme la nature des intérêts divergents des propriétaires touchés par l'expropriation pourra être également très diverse, ni la constitution ni la loi ne peuvent définir exactement en quoi consistera l'intérêt pufclic requis pour l'expropriation. Les autorités d'exécution et la jurisprudence permettront dans chaque cas, de peser les intérêts qui s'affrontent.

Si, exceptionnellement, la Confédération procède à une expropriation en se fondant sur le 3e alinéa, elle sera tenue, conformément aux principes en la matière, d'allouer à l'exproprié une indemnité correspondant à la valeur de sa propriété. Elle devra donc indemniser les propriétaires et autres titulaires de droits acquis d'une façon appropriée ou veiller à ce que les cantons intéressés les indemnisent. Les dispositions d'exécution indiqueront qui, de la Confédération ou du canton, supportera en définitive, la charge de l'indemnité.

4e alinéa Elle (la Confédération) est autorisée à légiférer sur la protection de la faune et de la flore du pays.

Le 4e alinéa crée une nouvelle compétence fédérale, d'ordre législatif.

Nous avons déjà relevé (voir chapitre V, chiffre 4) l'urgente nécessité d'unifier une partie du droit touchant la protection de la faune et de la flore.

Certaines espèces animales et végétales ne peuvent être protégées que si l'on prend soin en même temps du territoire où elles vivent. Ce territoire s'étend le plus souvent au-delà des frontières d'un canton. Les mesures prises par un canton peuvent donc être illusoires si elles ne reposent pas sur une base plus générale. On peut même concevoir que des dispositions cantonales divergentes relatives à un habitat ne puissent arrêter l'extermination d'espèces rares.

1109 II existe déjà différentes prescriptions de droit fédéral sur la protection de la faune. L'article 264 du code pénal frappe «celui qui, intentionellement, aura maltraité, gravement négligé ou surmené inutilement un animal». Cette disposition a pour but de protéger les animaux (familiers et domestiques surtout) des mauvais traitements, mais non d'empêcher la disparition d'animaux vivant en liberté. Nous avons, sous chiffre 2 du chapitre V, marqué la distinction à faire entre cette protection et celle de la nature en général. Les lois fédérales sur la chasse et la protection des oiseaux et sur la pêche contiennent en outre des prescriptions essentielles pour la protection de la nature. Mais comme elles ne s'appliquent pas à de nombreux animaux dignes de protection -- notamment aux petits animaux non considérés comme gibier --, elles ne suffisent pas à assurer la protection de la faune dans sa totalité. Les prescriptions fédérales qui se fonderont sur le 4e alinéa auront trait à la conservation de ces animaux-là.

Les dispositions protectrices édictées par la Confédération peuvent être de nature très différente. Pour la flore, il y aura des interdictions de cueillir, d'arracher et de vendre. Pour la faune, il faudra instituer des mesures de conservation des diverses espèces. La Confédération pourra, pour protéger certains animaux qui causent des dégâts aux arbres, aux cultures, etc., prévoir éventuellement des indemnités. La plupart des cantons en versent déjà en vertu de l'article 33 de la loi sur la chasse et la protection des oiseaux, pour les dommages causés par le gibier; si le dommage s'est produit dans un district franc fédéral, la Confédération prend à sa charge la moitié de l'indemnité (art. 21 de la loi sur la chasse et la protection des oiseaux). Une réglementation analogue pourrait être instituée en vertu du nouvel article 24 se xies pour les animaux non considérés comme gibier.

Dispositions d'exécution des 2e, 3e et 4& alinéas de l'article constitutionnel Comme le premier alinéa le montre clairement, les nouvelles attributions de la Confédération seront étroitement limitées. La législation restera du ressort des cantons, et la Confédération n'interviendra que si les intérêts du pays l'exigent impérieusement. C'est pourquoi nous ne croyons pas qu'il y ait lieu d'édicter une loi
fédérale en la matière. Les dispositions d'exécution de l'article 2
La diversité des buts visés par chacun des alinéas ne plaide pas non plus pour une législation d'ensemble. Le second alinéa crée pour la Confédération l'obligation générale de tenir compte des intérêts de la nature et du paysage dans son activité législative et administrative. Une loi d'application de cette disposition n'est donc pas nécessaire. Le 3e alinéa a pour but de protéger des paysages, des sites historiques et des monuments de la culture d'importance nationale. Les mesures fédérales nécessaires à cette protection devront être prises dans chaque cas par arrêté fédéral.

ino Le subventionnement de la protection fera l'objet d'une loi particulière, qui devra notamment dire quand il sera possible d'allouer une subvention fédérale et indiquer le montant de cette dernière et les conditions auxquelles elle sera versée. Il n'y a pas lieu non plus d'envisager une loi générale d'application pour le 4e alinéa, qui concerne la protection de la faune et de la flore. Les mesures de conservation de diverses espèces et de territoires menacés feront l'objet, elles aussi, d'arrêtés fédéraux. Certaines espèces animales pourront être protégées par un complément à la loi sur la chasse et la protection des oiseaux.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-après. Nous vous proposons en outre de classer la motion des conseils législatifs de 1955 (n° 6556), citée au chapitre premier, étant donné que notre projet y a donné suite.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 19 mai 1961.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Wahlen 13575

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

lili (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL insérant

dans la constitution fédérale un article 24 sesie» sur la protection de la nature et du paysage

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14,118et 121, premier alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 19 mai 1961, arrête:

I

La constitution fédérale est complétée par la disposition suivante: Art. 24:Sexies 1

La protection de la nature et du paysage relève du droit cantonal.

La Confédération doit, dans l'accomplissement de ses tâches, ménager le paysage, l'aspect des localités, les sites historiques ainsi que les curiosités naturelles et les monuments de la culture et les conserver intacts là où il y a un intérêt général prépondérant.

3 La Confédération peut soutenir par des subventions les efforts en faveur de la protection de la nature et du paysage et procéder, par voie contractuelle ou d'expropriation, pour acquérir ou conserver des réserves naturelles, des sites historiques et des monuments de la culture d'importance nationale.

4 Elle est autorisée à légiférer sur la protection de la faune et de la flore du pays.

2

II Le présent arrêté sera soumis à la votation du peuple et des cantons» 2 Le Conseil fédéral est chargé de son exécution.

1

13676

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'insertion dans la constitution d'un article 24sexies sur la protection de la nature et du paysage (Du 19 mai 1961)

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01.06.1961

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