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8259 MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant l'accord conclu entre la Suisse et l'Espagne sur l'engagement de travailleurs espagnols en vue de leur emploi en Suisse (Du 5 juin 1961)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur do vous soumettre un accord conclu le 2 mars 1961 entre la Suisse et l'Espagne sur l'engagement de travailleurs espagnols en vue de leur emploi en Suisse. Nous y joignons un projet d'arrêté fédéral approuvant cet accord.

I. LE RECRUTEMENT DE MAIN-D'OEUVRE A L'ÉTRANGER DEPUIS LA DERNIÈRE GUERRE MONDIALE L'expansion économique presque incessante que la Suisse a connue depuis la dernière guerre mondiale a fait naître des besoins en main-d'oeuvre que notre marché du travail n'a pu satisfaire que partiellement. Très iôt après la guerre, il est apparu que nos employeurs devraient recourir dans une large mesure à des travailleurs étrangers, sans lesquels notre économie n'aurait pas été à même de développer son activité comme les circonstances l'ont exigé. Jusqu'à ces dernières années, l'engagement de cette maind'oeuvre n'a guère soulevé de difficultés. Plusieurs des pays qui nous entourent n'étaient pas à même d'occuper suffisamment toute leur maind'oeuvre; de plus leurs conditions d'existence et de travail étaient nettement inférieures à celles dont la Suisse bénéficiait alors. Cela étant, les ressortissants de ces pays, c'est-à-dire principalement l'Italie, l'Allemagne et l'Autriche, se montraient très désireux de travailler en Suisse et offraient spontanément leurs services à nos employeurs. Ceux-ci pouvaient donc le plus souvent choisir les travailleurs étrangers dont ils avaient besoin

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parmi ceux qui entraient en Suisse pour chercher un emploi ou qui leur faisaient des offres de l'étranger. Lorsque ce mode d'engagement ne suffisait pas, nos employeurs ou leurs associations n'avaient généralement pas de peine à procéder à des opérations de recrutement dans les régions étrangères limitrophes de la Suisse.

D'une manière générale, les autorités suisses n'ont pas eu à intervenir directement dans le recrutement de la main-d'oeuvre étrangère. La responsabilité de ce recrutement incombe aux employeurs et à leurs associations professionnelles, et c'est dès lors aux milieux intéressés qu'il appartient de de prendre les mesures nécessaires pour assurer à notre économie la maind'oeuvre dont elle a besoin. Néanmoins, il va sans dire que les pouvoirs publics ne peuvent se désintéresser de la question. Leur rôle est en effet de veiller, dans toute la mesure du possible, à ce que l'offre et la demande soient équilibrées sur notre marché du travail et, partant, de s'efforcer d'écarter les obstacles qui pourraient compromettre cet équilibre. Lorsque le recrutement de travailleurs étrangers est nécessaire mais qu'il rencontre des difficultés d'ordre administratif ou pratique, il incombe aux pouvoirs publics d'aplanir ces difficultés et, au besoin, de conclure à cet effet des accords avec les gouvernements des pays d'émigration. Cette aide officielle doit rester naturellement dans le cadre de la politique suivie en matière d'admission de la main-d'oeuvre étrangère, de sorte que le recrutement à l'étranger ne doit entraîner aucun préjudice pour notre marché du travail.

Les accords de ce genre que la Suisse a conclus jusqu'ici sont très peu nombreux. Nous n'en avons qu'avec la France et l'Italie. Le traité de travail franco-suisse du 1er août 1946, qui contient des dispositions sur le recrutement de main-d'oeuvre, est resté sans effet pratique dans ce domaine.

En revanche, l'arrangement italo-suisse du 22 juin 1948, relatif à l'immigration de travailleurs italiens en Suisse, joue un rôle considérable en raison de l'importance de l'apport de main-d'oeuvre italienne pour notre marché du travail. Il nous a permis jusqu'ici d'écarter les principales difficultés qui auraient pu entraver les opérations de recrutement de nos employeurs en Italie et a contribué ainsi, dans une large mesure, à assurer
l'équilibre de notre marché du travail. En ce qui concerne l'Allemagne et l'Autriche, dont la main-d'oeuvre est également un élément important de notre marché du travail, il n'a pas été nécessaire d'envisager la conclusion d'accords du même genre, car les questions touchant l'engagement de travailleurs de ces pays se présentent d'une manière différente.

II. LES PERSPECTIVES ACTUELLES Si, jusqu'ici, le recrutement traditionnel de main-d'oeuvre dans les régions limitrophes de la Suisse a suffi généralement à satisfaire les besoins de notre économie, les difficultés n'en ont pas moins grandi au cours de ces

1177 dernières années. La prospérité économique, qui a gagné presque tous les pays d'Europe occidentale, y a fait disparaître peu à peu la plus grande partie des réserves de main-d'oeuvre. Les travailleurs qualifiés surtout font défaut. Parmi les pays qui nous entourent, seule l'Italie peut encore mettre à la disposition de nos employeurs un nombre considérable de travailleurs.

La plupart des autres pays d'Europe occidentale souffrent eux-mêmes d'un manque de main-d'oeuvre et cherchent aussi à satisfaire leurs besoins dans les quelques pays qui possèdent encore des réserves appréciables, c'està-dire avant tout en Italie. L'amélioration du niveau d'existence et des salaires dans ces pays d'immigration, jointe aux avantages que plusieurs d'entre eux offrent en matière de sécurité sociale, contribue à rendre plus sévère la concurrence sur le marché du travail italien. D'autre part, la situation s'est également améliorée d'une manière très sensible en Italie même, ce qui diminue beaucoup l'attrait que notre pays exerçait naguère sur les travailleurs italiens, en particulier sur ceux du Nord de l'Italie.

Pour l'instant, les difficultés de recrutement apparaissent surtout dans une diminution de la qualité professionnelle de la main-d'oeuvre étrangère et dans la nécessité d'étendre toujours plus l'aire de recrutement, notamment vers le sud de l'Italie. D'autre part, les travailleurs étrangers disponibles sont de moins en moins prêts à accepter des emplois dans les branches de notre économie où les conditions de travail et de rémunération leur paraissent manquer d'attrait. C'est ainsi que les difficultés de recrutement se font déjà sentir assez fortement dans l'agriculture, le service de maison et l'industrie hôtelière. En revanche, dans l'industrie du bâtiment, les textiles, la fabrication des denrées alimentaires et l'industrie des métaux et machines, s'il est toujours plus difficile d'engager des éléments qualifiés à l'étranger, le recrutement des travailleurs mi-qualifiés ou non qualifiés se fait encore normalement, sous réserve peut-être de la main-d'oeuvre féminine.

Selon l'évolution de la situation politique, économique et sociale en Europe occidentale, il est à craindre que les difficultés présentes ne s'amplifient au cours de ces prochaines années et ne finissent par prendre une tournure plus
grave pour notre économie. Comme c'est d'Italie que nous viennent actuellement environ 70 pour cent de notre main-d'oeuvre étrangère, toute modification importante du degré de l'emploi et des conditions de travail dans ce pays doit entraîner des conséquences pour notre marché du travail. D'autre part, l'intégration progressive des marchés du travail et des systèmes de sécurité sociale des Etats membres delà Communauté économique européenne ne peut manquer d'influer, dans une mesure difficile à évaluer pour l'instant, sur les mouvements migratoires européens. A moins d'un revirement de l'évolution, il est à prévoir que nos employeurs auront toujours plus de peine à engager des travailleurs dans les pays qui nous entourent, notamment en Italie. Aussi les milieux compétents de notre économie envisagent-ils de plus en plus d'étendre le recrute-

1178 ment de main-d'oeuvre à d'autres pays d'Europe disposant encore de réserves de main-d'oeuvre, ce qui est le cas essentiellement dans la zone méditerranéenne.

Il est évident que l'organisation d'un recrutement dans des paya qui ne sont pas limitrophes de la Suisse se heurte à des difficultés plus grandes que dans les pays voisins. En général, les employeurs suisses ne peuvent surmonter ces difficultés sans le concours des autorités des pays d'émigration, surtout dans les pays où les opérations de recrutement et de placement des travailleurs sont le monopole d'organismes officiels. Le plus souvent, ces autorités ne veulent pas traiter avec les employeurs seuls, mais exigent l'intervention des autorités suisses pour régler les questions générales. Tout en sauvegardant le principe selon lequel le recrutement de main-d'oeuvre à l'étranger est une activité qui incombe essentiellement aux employeurs et, éventuellement, à leurs associations, les autorités fédérales peuvent donc être amenées, en cas de besoin, à envisager la conclusion d'accords bilatéraux pour faciliter ce recrutement et écarter les difficultés administratives qui s'y opposeraient.

Les questions de recrutement de main-d'oeuvre à l'étranger ne peuvent naturellement pas être dissociées de la politique générale que nous suivons en matière d'admission des étrangers eri Suisse. Dans ce domaine, la situation actuelle de notre pays soulève des problèmes très graves que nous devons examiner avec soin, en tenant compte de nos intérêts généraux d'ordre démographique, économique et social. Soucieux d'éclairer tous les aspects de ces problèmes, le département de l'économie publique a constitué, de concert avec le département de justice et police, une commission d'étude, composée d'experts scientifiques, qui est chargée d'examiner l'ensemble des mesures prises en matière d'admission et d'emploi des étrangers et de faire des propositions sur la politique à suivre dans ce domaine. Cette commission est actuellement au travail et pourra présenter son rapport dans le courant de l'année prochaine. Ainsi, le recrutement de main-d'oeuvre à l'étranger est englobé dans un examen général qui permettra de préciser encore la position des autorités fédérales dans ce domaine.

III. LA SITUATION EN CE QUI CONCERNE LA MAIN-D'OEUVRE ESPAGNOLE Depuis un certain
temps, nos milieux patronaux montrent de l'intérêt pour l'Espagne, pays qui semble offrir encore certaines réserves de maind'oeuvre, principalement pour l'agriculture, le bâtiment, le service de maison, ainsi que pour des emplois non qualifiés ou semi-qualifiés dans l'hôtellerie, les textiles et l'habillement, la fabrication des produits alimentaires et l'industrie des métaux et machines. Bien qu'il faille juger avec prudence l'importance de ces réserves et la possibilité de mobiliser la main-d'oeuvre

1179 espagnole pour une émigration temporaire en Suisse, il est incontestable que ces ressources pourraient nous permettre de remédier, au moins partiellement, aux insuffisances du recrutement dans les pays qui nous entourent. Ainsi, l'emploi de travailleurs espagnols pourrait contribuer à tirer d'embarras certains secteurs de notre économie qui souffrent d'une pénurie chronique de braSj comme par exemple l'agriculture, le bâtiment ou l'hôtellerie. Au cours de ces dernières années, les premières expériences faites avec des travailleurs espagnols ont été généralement bonnes, en ce qui concerne leur comportement et leur activité professionnelle. Les employeurs qui ont engagé des Espagnols ont été le plus souvent satisfaits de cette main-d'oeuvre; ils s'accordent pour reconnaître que si l'on tient compte comme il convient des particularités nationales des travailleurs espagnols et si l'on s'efforce de faciliter leur adaptation initiale aux conditions de travail et d'existence en Suisse, ces gens s'intègrent dans notre économie nationale sans plus de difficultés que les ressortissants des pays voisins.

Devant ces résultats favorables, les milieux intéressés de notre économie ont manifesté l'intention de développer le recrutement de maind'oeuvre en Espagne. Toutefois, l'engagement des travailleurs espagnols personnellement connus de nos employeurs ne suffit pas à satisfaire les besoins, pas plus que l'appel à ceux qui viennent spontanément offrir leurs services en Suisse. Il est vrai que, pour utiliser toutes les ressources disponibles, les autorités fédérales ont institué à Genève, d'entente avec les associations patronales suisses, un service de placement qui procède à une sélection des travailleurs espagnols arrivant en Suisse sans engagement préalable. Ceux à qui il est possible d'assigner des emplois dans le cadre des dispositions légales sont immédiatement placés et acheminés vers leur lieu de travail, tandis que les autres doivent quitter notre pays. Mais l'activité de ce bureau, dont la gestion a été reprise depuis peu par les associations patronales, a un caractère exceptionnel et ne peut à la longue résoudre le problème du recrutement de main-d'oeuvre espagnole.

Aussi nos employeurs doivent-ils envisager de recruter les travailleurs dont ils ont besoin en Espagne même et de les faire venir
ensuite en Suisse sous le couvert d'un engagement régulier. Cette procédure était impraticable jusqu'à maintenant, parce que le recrutement privé de main-d'oeuvre est interdit en Espagne et que les opérations de recrutement et de placement doivent avoir lieu par l'entremise d'organismes officiels. Nos employeurs ne peuvent donc recruter eux-mêmes dans ce pays et doivent obligatoirement recourir à l'aide de ces organismes. Or les autorités espagnoles, tout en déclarant que l'Espagne avait un intérêt à placer de la maind'oeuvre en Suisse, ont fait dépendre leurs bons offices dans ce domaine de la conclusion d'un accord bilatéral entre les deux pays. Nous avons accepté d'entrer en négociations sur cette proposition, dans l'idée que la conclusion d'un accord était le seul moyen d'assurer à nos employeurs la possibilité

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de procéder à un recrutement régulier en Espagne. Nous avons cependant précisé d'emblée qu'un tel accord devrait reposer sur les principes qui sont à la base de notre recrutement à l'étranger et de l'admission de maind'oeuvre étrangère en Suisse. Ainsi, le recrutement de la main-d'oeuvre espagnole devrait continuer à incomber en premier lieu à nos employeurs eux-mêmes ou aux associations patronales ou d'utilité publique intéressées.

Des entretiens préliminaires entre les administrations compétentes des deux pays ayant fait apparaître une communauté de vues sur l'organisation du recrutement et le contenu de l'accord, des négociations officielles eurent lieu à Madrid du 30 janvier au 2 février 1961. Ces négociations aboutirent à la signature, le 2 mars 1961, de l'accord que nous vous soumettons.

IV. OBJET ET CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD HISPANO-SUISSE L'accord hispano-suisse a essentiellement pour but de rendre accessible à nos employeurs la procédure officielle de recrutement de maind'oeuvre fixée par la législation espagnole sur la matière. Les autorités suisses ne participent pas aux opérations de recrutement à proprement parler. La collaboration entre les administrations compétentes des deux pays, l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail, d'une part, et l'institut espagnol d'émigration, d'autre part, se limite à des mesures d'ordre général, c'est-à-dire à l'échange périodique d'informations sur l'état de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre (art. 1er) et à la transmission aux employeurs suisses de listes de travailleurs espagnols disponibles (art. 6). Pour les demandes concrètes de main-d'oeuvre, les employeurs suisses traitent directement avec l'institut espagnol d'émigration (art. 2, 1er al.). L'accord assimile aux employeurs les organisations professionnelles ou d'utilité publique qui, en vertu du droit suisse, sont autorisées à recruter de la main-d'oeuvre à l'étranger (art. 2, 2e al.). En revanche, les bureaux de placement à fin lucrative n'ont pu être admis à participer au recrutement, la législation espagnole prohibant l'activité de ces organismes.

L'accord permet en premier lieu de présenter des demandes mimétiques de main-d'oeuvre à l'institut espagnol d'émigration, c'est-à-dire des demandes concernant un ou plusieurs travailleurs non encore connus
(art. 3). En pareil cas, l'institut recherche des candidats remplissant les conditions posées, de concert avec le service national espagnol de placement, et présente aux employeurs des offres de services appropriées. Il assume les opérations de recherche et de présélection des candidats, y compris une visite médicale préliminaire et, à la demande des employeurs, un examen des aptitudes professionnelles des travailleurs présentés (art. 4, 1er al.). En revanche, le choix définitif des candidats incombe à l'employeur

1181 suisse qui peut se fonder sur le rapport que l'institut lui adresse sur chaque candidat, mais peut aussi, s'il le préfère, se rendre en Espagne et, d'entente avec l'institut, prendre personnellement contact avec les candidats proposés avant de les engager (art. 4, 2e al.). D'une manière générale, l'accord autorise les employeurs suisses et les organismes assimilés à se faire représenter auprès de l'institut par des personnes de confiance, autorisées au besoin à résider en Espagne (art. 2, 3e al.). Ces représentants peuvent naturellement participer, dans la même mesure que l'employeur lui-même, à la sélection des candidats. Ainsi, l'accord prévoit une large participation des employeurs à la procédure de recrutement, ce qui est particulièrement avantageux pour la bonne marche des opérations et le choix judicieux des candidats.

Les employeurs qui sont déjà en relations personnelles avec des travailleurs espagnols peuvent également les engager en recourant à la procédure officielle; ils présentent à cet effet des demandes nominatives à l'institut espagnol d'émigration (art. 5). Cette possibilité mérite d'être relevée, car il y a toujours un nombre appréciable de travailleurs espagnols qui font directement des offres de services à des employeurs suisses et il est nécessaire que l'engagement de tels travailleurs puisse être entériné par l'institut, afin que leur départ d'Espagne ne rencontre aucune difficulté.

Une fois les candidats engagés, la procédure suit le même cours pour les travailleurs recrutés nominativement que pour les autres. L'institut se charge des formalités de départ; il veille à ce que les travailleurs soient en possession des pièces nécessaires et à ce qu'ils partent pour la Suisse dans un délai utile (art. 7).

A côté des prescriptions relatives à la procédure de recrutement à proprement parler, l'accord contient des dispositions régissant les relations des employeurs et des travailleurs entre eux. L'engagement des travailleurs espagnols se détermine en principe d'après les dispositions du droit privé.

Cependant l'accord prévoit des garanties particulières en faveur de la main-d'oeuvre espagnole. Tout d'abord, il confirme le principe de l'égalité de traitement entre les travailleurs espagnols et les nationaux, principe déjà suivi en droit administratif suisse à l'égard des
travailleurs étrangers en général (art. 11). Ce principe vise ici particulièrement les conditions de travail et de rémunération et, d'une manière générale, l'application des différentes lois régissant le travail. L'insertion de cette disposition dans l'accord a pour effet de la rendre obligatoire pour les employeurs.

En outre, l'accord prévoit l'obligation pour les employeurs de remettre à chaque travailleur espagnol recruté par la procédure officielle un contrat de travail conforme à un modèle approuvé par les autorités des deux pays (art. 4, 3e al. et 5). Les formules de contrat établies en vertu de cette disposition remplacent pour les employeurs suisses celle qui était précédemment imposée unilatéralement par les autorités espagnoles. Elles n'introduisent

1182 pas d'obligations fondamentalement nouvelles pour les employeurs suisses; leur contenu se détermine essentiellement d'après le principe de l'égalité de traitement entre travailleurs étrangers et nationaux. Les autorités espagnoles n'acceptent de placer des travailleurs espagnols en Suisse que sur la base de ces nouvelles formules de contrat; en revanche, elles ont pu renoncer à maintenir un contrôle préalable des contrats par les consulats d'Espagne en Suisse, en considérant que les conditions d'engagement y sont maintenant clairement fixées et que, d'autre part, ces conditions font de toute façon l'objet d'une vérification par les autorités cantonales compétentes lors de l'octroi de l'assurance d'autorisation de séjour. A cet égard, l'accord apporte donc une simplification bienvenue de la procédure officielle de recrutement.

L'accord règle encore de façon détaillée la répartition des frais de voyage entre l'employeur et le travailleur (art. 8). L'expérience a montré que des dispositions de ce genre sont indispensables pour assurer la bonne application d'un accord de recrutement. La réglementation prévue reste dans le cadre des mesures prises jusqu'ici à l'égard de la main-d'oeuvre étrangère.

Les travailleurs espagnols sont soumis au régime de droit commun des étrangers pour ce qui regarde leur entrée et leur séjour en Suisse, sous réserve des dispositions de l'Organisation européenne de coopération économique auxquelles la Suisse comme l'Espagn3 ont donné leur adhésion (art. 9 à 10). L'accord n'a donc aucune influence sur le régime applicable aux travailleurs espagnols ou à leurs familles.

En ce qui concerne la sécurité sociale, l'accord se borne à renvoyer à la convention sur la matière, conclue entre la Suisse et l'Espagne en date du 21 septembre 1959 (art. 12, 1er al.). Toutefois, la question de l'assurancemaladie n'a pu être réglée dans cette convention, faute de bases légales en Suisse. Vu l'importance particulière que cette question revêt pour les travailleurs occupés dans un pays étranger, les autorités espagnoles ont demandé que les employeurs suisses assument l'obligation minimum de veiller à ce que leur personnel espagnol soit assuré contre la maladie, et que cette obligation, de même que les obligations supplémentaires qu'ils pourraient avoir à assumer dans ce domaine en vertu
du principe de l'égalité de traitement, soient fixées dans les contrats de travail individuels. C'est pourquoi l'accord dispose que les obligations des employeurs envers les travailleurs en matière d'assurance contre la maladie doivent être fixées dans le modèle de contrat de travail (art. 12, 2e al.). Cette disposition doit être interprétée dans le sens que l'employeur n'a pas à faire d'autres prestations financières dans ce domaine que celles qu'il fait également pour son personnel suisse.

L'immigration de travailleurs espagnols en Suisse soulève encore diverses questions accessoires qui sont également traitées dans l'accord:

1183 transfert d'économies en Espagne (art. 13), information des travailleurs espagnols sur les conditions de vie et de travail en Suisse (art. 14), assistance sociale et spirituelle (art. 15), réadmission et rapatriement en Espagne (art, 16). On peut relever à ce propos que les organisations sociales et religieuses des deux pays peuvent être appelées à collaborer aux mesures d'ordre social et spirituel destinées à faciliter l'adaptation dés travailleurs espagnols à nos conditions de vie et de travail (art. 15, 2e al.).

Au demeurant, l'accord contient les dispositions d'application qu'on trouve habituellement dans les conventions de cette espèce: collaboration entre les autorités administratives des deux pays (art. 17), institution d'une commission mixte (art. 18).

Il sied d'ajouter que le champ d'application de l'accord est limité aux travailleurs espagnols recrutés par l'entremise des autorités espagnoles. Les travailleurs espagnols engagés en Suisse par une autre voie ne sont donc pas soumis à ces dispositions; ils relèvent uniquement des dispositions générales applicables aux étrangers dans notre pays.

Comme nos employeurs devaient être en mesure de recruter de la main-d'oeuvre en Espagne le plus tôt possible, l'accord a été déclaré provisoirement applicable dès sa conclusion. Mais sa mise en vigueur définitive n'aura lieu qu'après sa ratification par les deux gouvernements (art. 19, 1er al.).

V. VALEUR DE L'ACCORD HISPANO-SUISSE En l'absence d'un accord avec l'Espagne, le recrutement de travailleurs espagnols ne pourrait avoir lieu sur place; il serait donc très difficile, du moins pour certaines branches de notre économie et, surtout, pour nos petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas de relations personnelles en Espagne. En pareil cas, le recours à la collaboration des autorités espagnoles est indispensable et cette collaboration ne peut être assurée pleinement à nos employeurs que par la conclusion d'un accord entre les gouvernements. Il ne faut pas perdre de vue que l'Espagne a déjà conclu des accords de recrutement avec plusieurs pays d'Europe occidentale, notamment avec l'Allemagne, et que si nous n'en faisions pas de même, nous courrions le risque de voir les demandes de nos employeurs rencontrer trop peu d'attention de la part des autorités espagnoles.

C'est pourquoi
la conclusion d'un accord avec l'Espagne nous paraît nécessaire pour procurer un apport convenable de main-d'oeuvre espagnole à notre économie. Quelle que puisse être l'évolution des mouvements migratoires européens, il est prudent de prendre dès maintenant les dispositions nécessaires pour garantir le recrutement de main-d'oeuvre dans les quelques pays qui, telle l'Espagne, entrent encore en ligne de compte.

1184 D'autre part, l'accord conclu est conforme aux principes que nous avons suivis jusqu'ici dans ce domaine; il reste dans le cadre de notre réglementation touchant l'admission et l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère.

Par conséquent, nous vous recommandons d'adopter le projet d'arrêté fédéral approuvant l'accord que nous vous soumettons et de nous autoriser à ratifier celui-ci. S'agissant d'un traité international pouvant être dénoncé d'année en année par une notification faite six mois à l'avance, l'arrêté fédéral n'est pas soumis au referendum.

Nous saisissons l'occasion de vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 5 juin 1961.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le préaident de la Confédération, Wahlen Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

1185 (Projet)

ARRÊTE FÉDÉRAL approuvant

l'accord conclu entre la Suisse et l'Espagne sur l'engagement de travailleurs espagnols en vue de leur emploi eu Suisse

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 5, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 5 juin 1961, arrête:

Article unique 1

L'accord conclu le 2 mars 1961 entre la Suisse et l'Espagne sur l'engagement de travailleurs espagnols en vue de leur emploi en Suisse est approuvé.

2 Le Conseil fédéral est autorisé à le ratifier.

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