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FEUILLE FEDERALE 113e année

Berne, le 29 juin 1961

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 30 francs par an; 16 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J.Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à l'approbation de l'accord entre la Confédération suisse et la République populaire fédérative de Yougoslavie concernant un prêt à la Yougoslavie (Du 9 juin 1961)

Monsieur le Président et Messieurs, Le 24 avril 1961, des négociations menées à Berne entre une délégation suisse et une délégation yougoslave ont abouti à la signature d'un accord qui prévoit que, dans le cadre d'une action multilatérale visant l'octroi de crédits à la Yougoslavie, la Confédération suisse consentira à ce pays un prêt de 22 millions de francs suisses.

Nous avons l'honneur de soumettre cet accord à votre approbation.

I. GÉNÉRALITÉS Depuis la guerre, mais plus particulièrement depuis la réforme économique et monétaire de 1952, l'économie yougoslave a subi des transformations radicales et se trouve aujourd'hui en pleine expansion. Pays agricole gui ne possédait, avant la guerre, qu'une industrie peu développée, la Yougoslavie se transforme rapidement en un Etat relativement fort industrialisé.

L'évolution de l'économie yougoslave et les progrès accomplis dans certains secteurs ressortent des tableaux suivants, qui indiquent les variations de divers chiffres essentiels de l'économie dans l'après-guerre : Feuille fédérale. 113e année. Vol. I.

110

1566 Iodice Produit social de lü 'prix do "époque) production en milliards industrielle de dinars

Indice de la production agricole

Indice du oofït de la. TÎC 1953 = 100

1955 - 100

1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957

1958 1959 1960

69 949

1134 1299 1552 1612 1991 1988 2370 f 1 )

68 76 86 100 110 129 143 162

Importation ( 2 )

Exportation

Valeur ea millions de dinars

91 65 91

81 100 83 121 106 141 ··

100 100

111 119 125 129 131 150

115 100 111 900 118600 101 800 132 300

53 600 74000 55 800 72 100 77 000 97000 118 500 132 400 143 000 170 100

142 200 198 400 205 500 206 200 248 200

(i) Estimation.

(2) Aide de l'étranger inclue.

L'industrialisation poussée ne resta évidemment pas sans répercussions sur la part au revenu national des importantes catégories de salariés, ainsi que sur la répartition par groupes de produits du commerce extérieur. Le détail en est indiqué dans les tableaux ci-dessous: a. Répartition du revenu national:

1938

195S

en pour-cent

Agriculture et économie forestière Industrie et mines Commerce, artisanat, banques, transports et divers

45,9 17,7

29,3 49,7

36,4

21,0

6. Répartition du commerce extérieur par groupes de produits de 1956 à 1959: 1958

Exportations industrielles Exportations agricoles . .

Total

67,5 32,5 100,0

1958 1957 en pour-cent

70,8 29,2 100,0

68,3 31,7 100,0

1959

75,6 24,4 100,0

Ce changement structurel des exportations et des importations yougoslaves eut en outre pour conséquence de transformer à fond la répartition géographique du commerce extérieur yougoslave, comme il ressort du tableau suivant:

1567 Exportation« yougoslaves:

ö

»^

B^

(fâ£%$

en pour-cent

1948 1959

40 40

50 30

10 20

Importations yougoslaves: 1948 40 45 11 1959 .

40 25 32 Le mouvement ascensionnel marqué au cours des dernières années dans le secteur des importations yougoslaves provenant des pays d'outre-mer est dû notamment aux acquisitions de produits agricoles excédentaires effectuées aux Etats-Unis à des conditions financières spéciales.

En 1960, 46 pour cent des exportations yougoslaves totales se dirigèrent vers l'Europe occidentale et 32 pour cent vers les pays de l'Europe orientale.

Quant aux importations yougoslaves, 48 pour cent provinrent des pays de l'Europe occidentale et 26 pour cent de l'Europe orientale.

Les chiffres ci-dessus montrent que les exportations yougoslaves ont continuellement progressé au cours des dernières années et qu'elles ont plus que doublé en 9 ans. Les importations subirent une évolution semblable avec, pour conséquence, une balance commerciale chroniquement déficitaire.

Le passif s'élève en moyenne à 70 milliards de dinars et n'a pas encore pu être éliminé, malgré les efforts des autorités yougoslaves. Etant donné que les recettes en devises provenant du tourisme, des transports et autres prestations de services yougoslaves ne suffirent pas à couvrir le passif de la balance commerciale, la balance des paiements demeurait également déficitaire. Durant les 10 dernières années, la Yougoslavie dépendait donc dans une très large mesure de l'octroi de crédits à court et à long terme accordés par ses principaux partenaires commerciaux étrangers, ainsi que d'autres prestations à fonds perdu.

II. RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE LA SUISSE ET LA YOUGOSLAVIE La transformation structurelle de l'économie et notamment du commerce extérieur yougoslaves que nous venons d'exposer a influencé également l'évolution des relations économiqties de la Suisse avec ce pays, L'échange des marchandises et le trafic des paiements entre la Suisse et la Yougoslavie demeurent réglés par l'accord du 27 septembre 1948 (1).

Le transfert de l'indemnité de nationalisation, de 75 millions de francs, a laissé un arriéré qui se montait encore à 25 millions de francs vers le milieu (*) Cf. le message du 29 octobre 1948 concernant un traité de commerce, un accord sur l'échange des marchandises et le règlement des paiements et un accord sur le» nationalisations, FF 1948, HT, 672.

1568 de l'année 1959. L'avenant du 3 juin 1959 prévoit que ce solde sera réglé par des versements semestriels fixés de 2,5 millions de francs jusqu'au 1er mars 1964 (1). Par un autre accord du 23 octobre 1959, la Yougoslavie s'est engagée en outre à verser, dans un délai de 4 ans, une somme globale de 6,5 millions de francs suisses en chiffre rond, en vue du rachat des plus importantes catégories d'emprunts serbes et yougoslaves d'avant-guerre (z).

Lors des négociations qui aboutirent à la signature de l'avenant du 3 juin 1959 concernant l'amortissement du solde de l'indemnité de nationalisation, un nouveau pas a été fait vers l'assouplissement du service des paiements entre la Suisse et la Yougoslavie, qui était jusqu'alors entièrement réglementé. Aux termes de cet avenant, la banque nationale yougoslave a le droit d'utiliser multilatéralement, c'est-à-dire librement, à chaque fin de semestre, soit pour la première fois à fin 1959, le solde éventuel du compte du clearing. En contre-partie de ce droit de disposition, la banque nationale yougoslave a l'obligation d'alimenter le compte en moyens librement utilisables en vue d'assurer en tout temps le paiement de toutes les créances suisses. Le fait que le service des paiements avec la Yougoslavie est devenu partiellement multilatéral eut pour effet de supprimer le système de primes pratiqué d'une manière autonome par la Suisse depuis plusieurs années.

Il se traduisit par une tendance régressive des importations yougoslaves en Suisse et, notamment, par la cessation complète de l'alimentation complémentaire du clearing au moyen d'affaires de transit. Nos exportations à destination de la Yougoslavie se développèrent néanmoins de façon réjouissante, comme le montrent les chiffres de la statistique du commerce suisse reproduits ci-après.

Importations

Exportations

Excédent des exportations

en millions de francs

1956 1957 195S 1959 1960

28,1 31,4 24,9 18,7 20,4

41,4

45,7 56,5 58,1 80,0

15,3 14,3 31,6 39,4 59,6

La structure de nos exportations restait cependant peu équilibrée. En 1960, 59 pour cent des exportations totales, de 80 millions de francs, consis(l) Cf. le message du 3 novembre 1959 relatif à l'avenant à l'accord entre la Suisse et la Yougoslavie concernant l'indemnisation des intérêts suisses en Yougoslavie, FF 1959, II, 805.

(*) Cf. le message du 19 février 1960 relatif à l'approbation de l'accord entre la Confédération suisse et la République populaire federative de Yougoslavie concernant le règlement de certairven créances financières suisses, FF 1960,1, 697.

1569 talent en produits de l'industrie des machines et appareils et 29 pour cent en produits de l'industrie chimique. Le reste se répartit sur l'industrie textile et l'horlogerie, ainsi que sur un certain nombre d'autres positions. Dans les livraisons yougoslaves en Suisse, les denrées alimentaires et fourragères représentaient en 1960 40 pour cent, les matières premières 18 pour cent et les autres positions-, dont divers produits finie et demi-finis, 42 pour cent.

Vu la modification du système des paiements décrite ci-dessus, ainsi que l'actif croissant de la balance commerciale en faveur de la Suisse et du fait que dans le secteur financier la Yougoslavie a des obligations de paiements jusqu'en 1964, la banque nationale yougoslave a dû verser, au cours des dernières années, des montants en devises. Ceux-ci atteignirent, en francs suisses (chiffre net), en 1959 2,5 millions, en 1960 27 millions et durant le 1er trimestre de 1961 8,7 millions.

III. LA RÉFORME ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE YOUGOSLAVE 1. Le nouveau plan économique quinquennal yougoslave, qui s'étend sur les années 1961 à 1965, tend entre autres à rétablir l'équilibre de la balance commerciale et, partant, de la balance des paiements jusqu'en 1965 au plus tard. Bien qu'au cours des derniers 10 ans le régime du commerce yougoslave ait été assoupli à plusieurs reprises, il était toujours grevé d'hypothèques datant du temps de l'économie dirigée. Cette situation a souvent entraîné des distorsions dans la structure des prix et, par voie de conséquence, une fausse orientation des investissements. Les jeunes industries yougoslaves ne subissaient le plein effet de la concurrence étrangère, les produits fabriqués étaient en partie et surtout inaptes à satisfaire aux exigences du marché libre quant à la qualité et aux prix. Aussi les autorités yougoslaves cherchent-elles à mieux intégrer l'économie yougoslave dans le marché libre.

2. C'est pourquoi le gouvernement yougoslave a décidé d'accomplir avec effet au 1er janvier 1961, une réforme économique et monétaire radicale.

Dans le domaine du commerce extérieur, qui intéresse particulièrement le commerce d'exportation suisse, cette réforme prévoit en premier lieu les importantes innovations suivantes: Le cours du dinar est fixé, à titre d'essai, à 750 dinars = 1 dollar des Etats-Unis, l'ancienne
parité officielle de 300 dinars = 1 dollar des EtatsUnis étant toutefois maintenue. Une exception est faite, jusqu'à nouvel ordre, en ce qui concerne les paiements aux missions diplomatiques et les transferts afférents au tourisme, pour lesquels le cours est désormais de 600 dinars = 1 dollar. Cette fixation des cours se substitue au système dit des coefficients appliqués depuis plusieurs années et qui équivalait à un système de cours multiples des changes. Immédiatement avant la réforme,

1570 il existait encore 22 coefficients, dont 10 pour les importations et 12 pour les exportations, qui oscillaient entre 0,8 et 2,5. Les coefficients furent fixés et déclarés applicables aux différentes catégories de marchandises selon qu'il s'agissait d'encourager, de restreindre ou de supprimer les exportations de marchandises yougoslaves à destination de l'étranger ou les importations de marchandises étrangères en Yougoslavie. Les entreprises en question recevaient donc en contre-valeur de leurs exportations, ou payaient pour leurs importations, des sommes en dinars plus ou moins élevées. La Yougoslavie n'ayant jusqu'ici pratiquement pas reçu de droits de douane, ce système des coefficients a rempli entre autres fonctions celle d'une protection douanière.

Ces cours multiples des changes ne s'accordaient cependant plus avec la libération progressive du trafic international des paiements et compliquaient en outre, par leur complexité, les opérations des entreprises économiques yougoslaves.

En second lieu, le gouvernement yougoslave a.institué, dans le cadre de l'importante réforme décidée dans le secteur du commerce extérieur, un régime douanier, mesure qui s'imposait du fait de l'élimination des coefficients. Ce régime doit assurer aux industries yougoslaves une protection contre la concurrence étrangère, conforme à leur stade d'évolution. Le tarif douanier qui est entré en vigueur le 15 mars 1961 et se fonde sur la nomenclature de Bruxelles subira sans doute encore plusieurs ajustements. Il prévoit la perception de droits de douane ad valorem et comprend, à côté des taux généraux, des taux de faveur qui s'appliquent aux échanges avec les Etats qui ont conclu avec la Yougoslavie des accords prévoyant la clause de la nation la plus favorisée. Aux termes de cette clause de l'accord de commerce du 27 septembre 1948 entre la Suisse et la Yougoslavie, les marchandises suisses seront donc admises au bénéfice des droits conventionnels réduits. L'institution d'un tarif douanier facilitera également à la Yougoslavie une coopération adéquate aux travaux des organisations commerciales internationales, telles que le GATT, dont elle est actuellement membre associé.

La troisième mesure importante que le gouvernement yougoslave a décidé de prendre dans le cadre de la réforme économique et monétaire est en
rapport étroit avec l'élimination des coefficients et le nouveau tarif douanier. Elle consiste à reviser le système des attributions de devises pour le financement des importations et la pratique suivie lors de la délivrance de licences d'importation et d'exportation et à apporter ainsi des assouplissements considérables à l'ancienne réglementation. Certaines catégories de marchandises, actuellement surtout des matières premières et certains produits semi-fabriques, peuvent être importées sans licence ou sont soumises à un régime de permis libéral. Les devises pour le financement de ces importations sont automatiquement mises à la disposition des entreprises. Les autres importations (notamment les biens de consommation et d'investissement) restent contingentées. Les devises nécesaires aont, en règle générale,

1571 attribuées dans la proportion des importations effectuées dans une période antérieure. Vu la complexité et l'entrée en vigueur récente des dispositions en la matière, il n'est pas possible pour le moment de se faire une idée exacte de l'importance que prendront en réalité les mesures de libération.

3. Les autorités yougoslaves estiment que l'assouplissement du régime d'importation se traduira en 1961 par un surcroît d'importations de 160 millions de dollars, dont 40 millions (22 millions en 1960) pour des biens de consommation.

Les industries frappées par l'élimination des coefficients encourageant l'exportation auront besoin d'une période d'adaptation afin de pouvoir ajuster leurs prix à ceux du marché mondial. Aussi les autorités yougoslaves s'attendent-elles, dans le secteur des exportations, à une perte de recettes de 40 millions de dollars en 1961 et de 20 millions de dollars en 1962 par suite des mesures de réforme.

Si le développement résultant de la réforme économique est tel qu'il a été prévu, il s'ensuit pour la balance des paiements un déficit supplémentaire de 220 millions de dollars dans les années 1961 et 1962. Ces dépenses supplémentaires en devises convertibles causées par la réforme s'ajoutent au passif permanent de la balance des paiements yougoslave. Ce passif s'est monté à 170 millions de dollars en 1959 et a été estimé, pour 1960, à 140 millions de dollars, chiffre qu'il dépassera sans doute en réalité. Le besoin se fait sentir en outre, du côté yougoslave, de renforcer ses réserves monétaires, extrêmement modestes jusqu'ici, afin de pouvoir faire face avec plus de souplesse aux obligations de paiements de l'économie envers l'étranger.

IV. ACTION MULTILATÉRALE VISANT L'OCTEOI DE CRÉDITS A LA YOUGOSLAVIE 1. Le développement indiqué amena le gouvernement yougoslave en été 1960 à entamer des négociations avec le Ponds monétaire international, dont la Yougoslavie est membre, et à lui soumettre les programmes de réforme établis. L'aide financière extraordinaire nécessaire à l'exécution de ces programmes avait été estimée tout d'abord, du côté yougoslave, à 320 millions de dollars en chiffre rond.

Le Fonds monétaire international examina de manière approfondie la situation économique yougoslave, ainsi que les mesures de réforme qui devaient être prises en vue d'atteindre
les objectifs du nouveau plan économique quinquennal. Il considère la réforme proposée de la monnaie yougoslave et du régime du commerce extérieur comme un changement décisif et salutaire de la politique économique yougoslave. Le Fonds a recommandé depuis longtemps déjà d'uniformiser les cours multiples du dinar afin d'éviter les distorsions dans la structure des prix et les investissements mal orientés

1572 et de créer ainsi des conditions saines pour un essor futur de la production yougoslave. Le secteur agricole s'est développé de façon remarquable au cours des dernières années et promet de progresser vers une expansion encore plus vaste et de prendre un aspect plus varié à l'avenir. L'industrie subit une évolution semblable. La réforme et les mesures projetées dans le domaine de l'économie intérieure, qui doivent resserrer encore les liens entre la Yougoslavie et l'économie mondiale, semblent de nature à améliorer à la longue la balance des paiements. Ces considérations ont amené le Fonds monétaire international à émettre l'opinion qu'une aide financière extraordinaire de 280 millions de dollars environ se justifiait en vue de neutraliser les effets immédiats de la réforme sur la balance des paiements et afin de renforcer les réserves monétaires particulièrement modestes de la banque nationale yougoslave.

2, Par la suite, le Fonds monétaire international décida de seconder la Yougoslavie dans sa réforme par un montant de 75 millions de dollars. Le gouvernement des Etats-Unis, avec lequel la Yougoslavie avait également mené des pourparlers en été 1960, promit d'accorder, de son côté, un crédit de 100 minions de dollars environ. Les prêteurs sont l'Export-Import Bank, l'International Coopération Administration et le Development Loan Fund, Les Etats-Unis ont cependant prêté leur concours dans l'attente qu'une série d'Etats européens se déclarent prêts à ajouter à la somme totale de 175 millions de dollars des prestations du Fonds monétaire international et des Etats-Unis d'Amérique un montant de 100 millions de dollars environ.

Dans le courant de l'automne, les gouvernements de l'Italie, de l'Autriche, de la République fédérale d'Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de la Suède et le Conseil fédéral furent invités à participer à une opération multilatérale de crédits aux fins de la réforme économique et monétaire envisagée par la Yougoslavie. Les tentatives de charger une organisation internationale appropriée, telle que i'OECE, de l'exécution de cette opération de crédits furent abandonnées du fait que les relations de la Yougoslavie avec cette organisation n'étaient pas assez développées et que cette dernière allait être réorganisée.

3. Le 16 décembre 1960, une
conférence eut lieu à Paris sur l'initiative des Etats-Unis, Le Fonds monétaire international, les Etats-Unis, ainsi que les pays européens susmentionnés, y étaient représentés. Le délégué du Fonds monétaire international releva que le programme yougoslave d'une réforme économique et monétaire avait été examiné de manière approfondie et trouvé digne d'être secondé. Les déclarations faites à la conférence par les délégués des Etats européens représentés n'avaient pas toutes effet obligatoire. Elles permirent toutefois de conclure que ces Etats étaient prêts à octroyer des crédits de 100 millions de dollars au total. L'opération en faveur de la Yougoslavie semblait donc assurée. Divers pays n'étaient cependant pas en mesure, à l'époque, de se prononcer sur la forme que prendraient

1573 les crédits. Eu égard au but de l'opération, la Yougoslavie plaida énergiquement en faveur de crédits inconditionnels dont elle pourrait disposer sans restrictions selon ses besoins et l'évolution de la balance des paiements.

Certains Etats, qui ont eux-mêmes des difficultés de balance des paiements et dont les exportations à destination de la Yougoslavie ne se développaient pas de manière satisfaisante, ont cependant fait entendre qu'en contrepartie d'une part au moins des fonds qu'ils mettraient à la disposition de la Yougoslavie, ils seraient contraints de lui imposer l'obligation d'acquérir des marchandises chez eux. Au reste, l'opinion générale émise lors de cette conférence était qu'en raison de la différenciation de l'aide, il serait impossible de coordonner les conditions de la participation des différents pays. Chaque pays devait donc trouver lui-même les modalités de sa participation par des négociations bilatérales avec la Yougoslavie.

V. LES NÉGOCIATIONS 1. Situation initiale Lors de l'ouverture des négociations avec une délégation présidée par l'ambassadeur de Yougoslavie en Suisse, le 27 mars 1961, la situation se présentait comme suit : Parmi les autres Etats européens qui devaient participer à l'aide, l'Italie et l'Autriche avaient terminé leurs négociations bilatérales avec la Yougoslavie. Selon les données qui sont à notre disposition, l'Italie prêtera en tout une somme de 35 millions de dollars. Deux tiers environ de ce montant seront affectés à des paiements de la Yougoslavie en Italie, c'est-à-dire au financement d'acquisitions de marchandises ou d'autres prestations italiennes, telles que l'octroi de licences, etc. Un tiers environ de la contribution italienne sera accordé à la Yougoslavie sous forme de crédits financiers dont elle pourra disposer librement. Compte tenu des relations économiques étroites qui lient les deux pays, on peut supposer cependant que cette part du crédit sera, dans une très large mesure, également utilisée en Italie. L'échéance du crédit dans son ensemble est de 9 ans et demi.

L'Autriche a octroyé à la Yougoslavie un crédit de 7 millions de dollars, dont 5 millions sont également destinés au paiement de livraisons de marchandises. Le reste sera à la libre disposition de l'emprunteur. Les crédits de livraison viendront à échéance dans 10 à 12
ans, puisqu'ils sont automatiquement renouvelables, alors que le remboursement du crédit financier devra se faire dans un délai de moitié moins long environ. Si toutefois la Yougoslavie utilise aussi la part de 2 millions de dollars librement disponible pour le paiement de marchandises autrichiennes, ce qui semble probable du fait de l'évolution des relations économiques entre les deux pays, l'ensemble de la contribution autrichienne de 7 millions de dollars viendrait à échéance

1574 dans 10 à 12 ans. Le taux d'intérêt correspond aux conditions du marché autrichien des capitaux.

Les négociations avec la République fédérale d'Allemagne étaient déjà avancées à l'époque. Etant donné que les deux Etats n'entretiennent pas de relations diplomatiques pour le moment, la fonction de prêteur sera confiée à un consortium de banques allemandes. La contribution totale prévue est de 35 millions de dollars, dont 25 millions seront accordés sous forme de crédits financiers librement disponibles. Le solde sera utilisé, en relation avec les livraisons de marchandises de l'Allemagne occidentale, comme assurances contre les risques des crédits à l'exportation.

La France et la Grande-Bretagne ont envisagé chacune de participer avec une somme de 10 millions de dollars. Ces montants seront affectés à l'augmentation du plafond des assurances accordées contre les risques des crédits à l'exportation. Pour autant que nous en sommes informés, les négociations en vue de la réglementation de la participation de ces deux Etats ont débuté. Avec la Hollande et la Suède, les choses ne sont pas plus avancées.

Elles coopéreront probablement à cette opération avec des montants qui ne seront guère supérieurs à ceux qui sont accordés par la Suisse. Quant à la forme que ces deux pays donneront à leurs crédits, il s'agira sans doute également d'assurances contre les risques des crédits à l'exportation.

Si, à la suite de négociations futures, ces Etats s'engagent à octroyer les crédits envisagés et compte tenu des contributions dont l'Italie et l'Autriche sont déjà convenues, la somme totale prêtée par les partenaires européens de la Yougoslavie se monterait donc à 100 millions de dollars environ. Ces crédits cumulés avec ceux du Fonds monétaire international et des Etats-Unis atteindront probablement 280 millions de dollars en chiffre rond, un montant qui correspond assez exactement aux besoins en devises qui, selon les calculs du Fonds, résulteront pour la Yougoslavie de l'exécution de son programme de réformes.

2. Le résultat des négociations avec la Suisse Dès le début, la Suisse se rendait compte qu'elle ne pourrait pas se tenir à l'écart de cette oeuvre de solidarité. Des considérations générales et des raisons de politique commerciale décidèrent en outre notre pays à y participer. La réforme économique
et monétaire envisagée, ainsi que la convertibilité croissante de la monnaie yougoslave et la politique d'importation libérale qui en résulteront, promettent sans doute d'influencer favorablement le développement futur de nos relations économiques avec la Yougoslavie.

La délégation yougoslave, en soulignant le caractère particulier de cette aide, s'efforça, dès le commencement des négociations, d'obtenir du gouvernement suisse un crédit librement disponible, à échéance aussi longue que

1575 possible. Dérogeant en partie au procédé adopté par les autres Etats participants, la délégation suisse a renoncé à lier expressément le crédit offert à la Yougoslavie à la condition que celle-ci achète des marchandises dans notre pays. Nous aurions pu songer à affecter notre contribution à l'augmentation du plafond des garanties contre les risques à l'exportation. D'autre part, il aurait été possible de réserver une partie du crédit au paiement des biens de consommation qui restent soumis en Yougoslavie à dos restrictions à l'importation. Dans le courant des négociations, la délégation suisse dut cependant se rendre compte qu'un crédit inconditionnel correspondait mieux au besoin de la Yougoslavie d'utiliser les fonds mis à sa disposition en vue de l'exécution des réformes d'une manière aussi souple que possible, selon la situation de la balance des paiements. En considérant l'aspect particulier du trafic des marchandises et des paiements entre la Suisse et la Yougoslavie, on pouvait également renoncer à affecter les crédits à la livraison de marchandises.-Par suite des continuels excédents considérables des exportations suisses, des engagements yougoslaves existant encore dans le secteur des finances ainsi que de l'obligation contractuelle de la banque nationale yougoslave d'alimenter en devises le compte de clearing, notre partenaire sera sans doute obligé de continuer, dans les années à venir, de verser des montants considérables dans le service bilatéral des paiements. C'est pourquoi la contribution a été consentie sous forme de crédit financier pur, de telle sorte que la Yougoslavie pourra en disposer librement.

Parmi les quelques anciennes questions auxquelles il n'a pas encore été trouvé de solution avec la Yougoslavie, il convient de mentionner les créances suisses afférentes à des capitaux et intérêts dus par la compagnie des chemins de fer Danube-Save-Adriatique (DOSAG). En rapport avec l'accord du 23 octobre 1959, le gouvernement yougoslave s'était proposé de régler l'affaire des obligations DO S AG par la voie de négociations avec le comité international chargé de la défense des intérêts des créanciers. Etant donné que dans l'intervalle la Yougoslavie n'a rien entrepris à ce sujet, le gouvernement yougoslave s'est engagé maintenant à soumettre audit comité, dans un proche avenir,
des propositions concrètes visant à la réglementation de cette ancienne dette.

3. L'accord de prêt L'accord entre la Confédération suisse et la Eépublique populaire federative de Yougoslavie est calqué sur le modèle d'autres accords de crédit semblables conclus par la Confédération au cours des dernières années.

Le préambule de l'accord se réfère à la réforme économique et monétaire yougoslave ainsi qu'au caractère multilatéral de l'opération. Il exprime de plus l'espoir que le développement favorable des relations économiques réciproques se poursuivra à l'avenir.

1576 Aux termes de l'article premier, la Confédération suisse accorde à la République populaire federative de Yougoslavie un prêt de 22 millions de francs suisses aux conditions définies aux articles suivants. Cette somme correspond à un montant peu au-dessus de 5 millions de dollars. Elle semble tout à fait adéquate par rapport aux prestations accordées ou envisagées par les autres partenaires européens de la Yougoslavie et si l'on considère différents autres facteurs entrant en ligne de compte pour une telle comparaison.

Conformément à l'article 2, la Confédération suisse mettra, après l'entrée en vigueur de l'accord, le montant intégral du prêt à la libre disposition de la banque nationale yougoslave, agissant pour le compte du gouvernement yougoslave.

A l'article 3, la Yougoslavie s'engage à payer sur les sommes dues un intérêt annuel de 5% pour cent. Les intérêts seront payés semestriellement, selon un plan d'amortissement. En fixant le taux d'intérêt, la Suisse s'est en premier lieu conformée aux conditions du marché. Si la Yougoslavie avait pu songer à s'adresser à des banques suisses, elle aurait dû verser un intérêt de 5% pour cent au moins. La Confédération, devant agir exceptionnellement comme prêteur, ne peut ignorer la situation du marché, si elle veut éviter d'être appelée de plus en plus à intervenir en cette qualité.

L'article 4, en prévoyant une échéance de 10 ans, avec une première tranche d'amortissement après deux ans, respecte dans une très large mesure le désir yougoslave de ne pas grever d'obligations de paiement excessives les prochaines 5 ou 6 années. Les modalités du remboursement sont définies avec plus de détails dans le plan d'amortissement qui forme partie intégrante de l'accord.

A l'alinéa 2 de cet article, la Yougoslavie se réserve le droit de rembourser avant terme, intégralement ou partiellement, sa dette envers la Confédération suisse.

Selon l'article 5, le paiement des intérêts et des amortissements s'effectuera en dehors de tout service réglementé entre la Suisse et la Yougoslavie, auprès de la banque nationale suisse, agissant pour le compte de la Confédération suisse.

L'article 6 prévoit que l'accord entrera en vigueur le jour de l'échange des instruments de ratification.

L'accord ne doit pas être soumis au referendum facultatif, puisque sa validité
est limitée à dix ans.

En conclusion, on peut constater que l'opération de crédit envisagée pour faciliter la réforme économique et monétaire yougoslave constitue une ceuvre de solidarité à laquelle participent outre le Fonds monétaire interna-

1577

tional les principaux partenaires commerciaux de la Yougoslavie, En exécutant son programme de réformes et en atteignant le but visé, la Yougoslavie réussira à resserrer ses liens avec le marché mondial et à se rapprocher ainsi d'une économie saine et évoluée. Le Fonds monétaire international, ainsi que les Etats-Unis d'Amérique, ont donné par leurs contributions considérables l'impulsion déterminante à l'aide financière. Convaincu que cette oeuvre facilitera la réalisation des programmes de réforme yougoslaves, le Conseil fédéral a envisagé la coopération de la Suisse.

Une participation de la Suisse se justifie également pour des considérations relatives aux relations bilatérales. Nous avons déjà montré qu'en raison du développement de nos échanges de marchandises avec la Yougoslavie et ensuite des obligations yougoslaves dans le secteur financier, la balance des paiements entre la Suisse et la Yougoslavie marquera un actif considérable en faveur de la Suisse, notamment dans les 4 ou 5 prochaines années. Aussi la Yougoslavie devra-t-elle verser, en devises, des montants élevés pour restituer l'équilibre. Nous avons donc également intérêt, en vue du maintien et du développement de nos propres relations économiques avec la Yougoslavie, à ce que ce pays puisse surmonter sans trop de difficultés les problèmes que soulèveront au cours des prochaines années la transformation de son économie et les engagements financiers qui viendront à échéance.

Nous avons l'honneur dès lors de vous proposer d'approuver le présent accord en adoptant le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 9 juin 1961.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le, président de la Confédération, Wahlen 136B

i

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

1578 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL approuvant

l'accord entre la Confédération suisse et la République populaire federative de Yougoslavie concernant un prêt à la Yougoslavie

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffre 5, de la constitution ; vu le message au Conseil fédéral du 9 juin 1961, arrête: Article unique L'accord conclu le 24 avril 1961 entre la Confédération suisse et la République populaire federative de Yougoslavie concernant un prêt de 22 millions de francs suisses à la Yougoslavie est approuvé.

Le Conseil fédéral est autorisé à ratifier l'accord.

13651

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à l'approbation de l'accord entre la Confédération suisse et la République populaire fédérative de Yougoslavie concernant un prêt à la Yougoslavie (Du 9 juin 1961)

In

Bundesblatt

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Jahr

1961

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

26

Cahier Numero Geschäftsnummer

8272

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

29.06.1961

Date Data Seite

1565-1578

Page Pagina Ref. No

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