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FEUILLE FÉDÉRALE 89e année

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Berne, le 14 juillet 1937

Volume II

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le rachat de la subvention annuelle allouée à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne.

(Du 2 juillet 1937.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi concernant le rachat de la subvention annuelle qui a été allouée à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne, en vertu notamment de la loi du 29 septembre 1911 sur la bibliothèque nationale.

I. HISTORIQUE 1. Le 18 juin 1891, un arrêté fédéral désignait la ville de Zurich comme siège du musée national, de préférence aux villes de Berne, Bâle et Lucerne, qui s'étaient également mises sur les rangs. Peu d'années après, la commission centrale de la bibliographie suisse, la société helvétique des sciences naturelles et l'union des sociétés suisses de géographie demandaient au Conseil fédéral de faire collectionner par la bibliothèque centrale fédérale les imprimés publiés en Suisse (livres, brochures, revues, comptes rendus annuels, etc.). L'idée de créer une bibliothèque fédérale des helvetica, qui avait déjà été émise antérieurement par Ph.-A. Stapfer, le clairvoyant ministre de la République helvétique, trouva immédiatement un accueil sympathique. L'enquête à laquelle le département fédéral de l'intérieur procéda permit, il est vrai, de constater que plusieurs établissements, parmi lesquels la bibliothèque nationale de Baie, la bibliothèque du couvent d'Einsiedeln, et surtout la bibliothèque de la ville de Zurich ainsi que la bibliothèque bourgeoise de Lucerne, travaillaient déjà avec succès à constituer des collections d'helvetica. Le Conseil fédéral reconnut cependant la nécessité de créer une bibliothèque nationale suisse; celle-ci devait, en tant qu'institution centrale chargée de recueillir les helvetica, comprendre tous les ouvrages et imprimés importants de notre pays ou sur Feuille fédérale. 89e année. Vol. II.

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notre pays. Mais, contrairement aux auteurs de l'initiative, le Conseil fédéral estima que la bibliothèque centrale fédérale, faite principalement pour les besoins de l'administration, ne pouvait pas, vu son but et l'exiguïté de ses locaux, suffire à cette nouvelle et importante tâche; qu'il était nécessaire, par conséquent, de fonder une autre bibliothèque. Il fut, lui aussi, d'avis que la nouvelle institution devait avoir son siège à Berne, siège du gouvernement et du parlement de la Confédération, et il envisagea de lui attribuer une des ailes du bâtiment des archives fédérales.

Ces deux propositions, que le Conseil fédéral formula dans son message du 8 mars 1893 et dans le projet d'arrêté fédéral annexe, furent adoptées par les conseils législatifs. Le voeu de la ville de Lucerne, de devenir le siège d'une institution fédérale importante, n'était ainsi pas rempli. Comme, d'autre part, la bibliothèque bourgeoise de Lucerne possédait la plus riche collection d'helvetica, les conseils jugèrent devoir lui accorder un certain privilège par rapport aux autres bibliothèques du pays. L'arrêté fédéral du 28 juin 1894, qui créait une bibliothèque nationale et lui attribuait la tâche de recueillir et de mettre à la disposition du public les Helvetica postérieurs à 1848, chargea donc la bibliothèque bourgeoise de Lucerne de collectionner les Helvetica antérieurs à cette date ; une subvention annuelle devait l'aider à accomplir cette mission. Le 21 janvier 1896, le Conseil fédéral conclut avec la bibliothèque bourgeoise une convention aux termes de laquelle la subvention devait être de 2000 à 5000 francs par an et se prélever sur les crédits ordinaires de la bibliothèque nationale. En fait, elle fut fixée, de 1896 à 1911, à 3500 francs par an, sous la condition de servir exclusivement à l'acquisition d'helvetica. Manquant toutefois de ressources suffisantes pour entretenir la bibliothèque bourgeoise, l'administration des biens de la corporation de Lucerne sollicita à plusieurs reprises une augmentation de la subvention. Ses demandes ayant été rejetées, elle offrit à la Confédération, en 1897, de lui céder gratuitement la bibliothèque bourgeoise. Elle0 mettait comme conditions à cette cession que la Confédération prendrait entièrement à sa charge les dépenses pour la conservation et la continuation des
collections de la bibliothèque et que celles-ci ne seraient jamais transportées hors de Lucerne. La Confédération ne put toutefois se résoudre à accepter l'offre. D'autre part, la contre-proposition qu'elle fit d'acheter la bibliothèque bourgeoise et d'en transférer le contenu à la bibliothèque nationale ne fut pas agréée par l'administration des biens de la corporation de Lucerne. En 1899, celle-ci renouvela sa demande d'augmentation de la subvention fédérale; elle sollicitait en même temps l'autorisation d'affecter une part importante de cette subvention à des buts administratifs, particulièrement à l'amélioration du traitement de son bibliothécaire. Ce désir fut satisfait par la loi fédérale du 29 septembre 1911 sur là bibliothèque nationale, laquelle alloua à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne une subvention annuelle de 12 000 francs, « dont 5000 francs au moins devaient être affectés à des achats et

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le surplus à l'administration ». Cette loi définissait ce qu'il fallait entendre par Helvetica ; elle étendait également le champ d'activité de la bibliothèque nationale, en chargeant celle-ci de recueillir « de préférence » les Helvetica parus depuis 1848. Enfin, l'article 7 précisait que les ouvrages acquis au moyen de la subvention fédérale demeuraient la propriété de la bibliothèque bourgeoise de Lucerne. Lors de la discussion qui précéda l'adoption de ladite loi, M. Meister, conseiller national, déclara, avec l'assentiment de la commission du Conseil national, que si la ville de Lucerne décidait un jour de construire un nouveau bâtiment pour la bibliothèque bourgeoise, dont les locaux étaient déjà insuffisants, la Confédération aurait l'obligation morale de contribuer aux frais de construction par une subvention équitable, car il était de l'intérêt général du pays d'améliorer l'accès et l'utilisation de la bibliothèque en question.

De 1911 à 1915, la bibliothèque bourgeoise employa régulièrement 5000 francs par an à accroître ses collections d'helvetica. A partir de 1915, en revanche, l'augmentation de ses dépenses administratives l'empêcha de remplir entièrement cette obligation ; il ne lui fut plus possible d'affecter à ce but qu'un montant annuel de 3500 francs environ. Sa situation devint plus difficile encore lorsque, en exécution des programmes financiers de 1933 et de 1936, la subvention fédérale de 12 000 francs fut réduite à 10 000 francs, puis à 7200 francs par an.

2. Une autre difficulté avec laquelle la bibliothèque bourgeoise eut constamment a lutter depuis l'accroissement de ses collections, est le manque de place. A cela s'ajoute un sérieux danger d'incendie, comme le directeur des constructions fédérales l'a constaté lors de l'examen auquel 11 a procédé en octobre 1930; le bâtiment de la bibliothèque, qui était autrefois une maison privée, possède en effet une poutraison partiellement en bois et de grands combles tout en bois. Une transformation totale ne suffirait pas pour écarter ce danger et pour remédier au manque de place (absence de salles de lecture, d'exposition, etc.). S'en étant rendu compte, les autorités lucernoises et l'administration des biens de la corporation ont, après l'échec de divers autres projets, manifesté, la première fois en 1933, l'intention de
construire pour l'administration cantonale un nouvel édifice où seraient aussi logées la bibliothèque bourgeoise et la bibliothèque cantonale, réunies en une bibliothèque centrale de la Suisse primitive. Par une lettre du 5 avril 1935, l'administration des biens de la corporation, se fondant sur la « promesse Meister », pria le Conseil fédéral de lui allouer, sur les crédits pour la création de possibilités de travail, une subvention aussi élevée que possible en vue de la construction projetée; les frais étaient évalués, suivant une lettre du département cantonal des travaux publics à la centrale fédérale des possibilités de travail, à 2,7 millions de francs. L'administration des biens de la corporation demandait en outre au Conseil fédéral de racheter, par une indemnité globale, la subvention fédérale annuelle

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à la bibliothèque bourgeoise. En capitalisant à trois et demi pour cent la subvention légale de 12 000 francs, l'administration dont il s'agit estimait que l'indemnité globale devrait être de 350 000 francs au minimum ; elle-même se disait incapable de fournir les 368 000 francs auxquels on voulait fixer sa part des frais. La commission de la bibliothèque nationale, dont le département de l'intérieur sollicita l'avis, se déclara résolument en faveur de la fusion des deux bibliothèques lucernoises et du rachat de la subvention fédérale. D'autre part, la centrale fédérale des possibilités de travail confirma le 7 janvier 1936 à ce département qu'elle était d'accord, vu le chômage sévissant à Lucerne dans l'industrie du bâtiment, de payer pour le bâtiment projeté quinze pour cent des frais de construction, soit 400 000 francs au maximum. Les pourparlers relatifs au rachat de la subvention fédérale annuelle, qui avaient été interrompus, reprirent alors.

Nous dirons dans le prochain chapitre quels en ont été les résultats.

II. OBSERVATIONS SUR LA REQUÊTE DE L'ADMINISTRATION DES BIENS DE LA CORPORATION DE LUCERNE 1. Constatons tout d'abord que, contrairement à l'opinion de l'administration des biens de la corporation, la bibliothèque bourgeoise de Lucerne ne constitue pas, en droit, un « établissement fédéral » analogue à la bibliothèque nationale, mais simplement une institution subventionnée par la Confédération et appartenant à un tiers, qui est l'administration des biens de la corporation de Lucerne. Il n'est en effet question nulle part, dans les messages du Conseil fédéral, dans les décisions de l'assemblée fédérale, dans les conventions conclues entre la Confédération et l'administration des biens de la corporation, d'un rattachement de la bibliothèque bourgeoise à la bibliothèque nationale ou d'une autre communauté juridique entre elles. On y parle seulement d'une subvention annuelle. Si les autorités avaient eu l'intention de lier juridiquement les deux institutions, elles l'auraient certainement dit expressément. Toujours dans ce cas, l'offre faite en 1897 par l'administration des biens de la corporation de céder gratuitement la bibliothèque bourgeoise à la Confédération ainsi que la contre-proposition de cette dernière d'acheter la susdite bibliothèque n'auraient eu aucun sens. Mais ce qui
est décisif dans cette affaire, c'est la disposition de l'article 7, 1er alinéa, de la loi du 29 septembre 1911, aux termes de laquelle les collections acquises au moyen de la subvention fédérale sont la propriété de la bibliothèque bourgeoise. Dans le compte rendu sténographique de la discussion au cours de laquelle les conseils législatifs introduisirent de leur propre chef la disposition complémentaire de l'article 7, on ne trouve pas non plus de passage indiquant qu'ils aient considéré la bibliothèque bourgeoise de Lucerne comme un établissement de la Confédération. Au contraire, dans son rapport général sur le projet de loi, le porte-parole de la commission du Conseil national, M. Meister,

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signala que les dispositions fédérales n'avaient pas modifié le caractère de la bibliothèque bourgeoise, qui était restée « une institution autonome administrée par la bourgeoisie de Lucerne ». Il déclara, d'autre part, que si le Conseil fédéral avait décliné l'offre faite en 1897 par l'administration des biens de la corporation de céder gratuitement la bibliothèque bourgeoise à la Confédération, c'était parce que son intention était encore, comme en 1894, d'avoir une seule bibliothèque nationale, à Berne, et non pas d'en posséder encore une seconde à Lucerne. En outre, le Conseil fédéral ne voulait pas que, le jour où il deviendrait nécessaire d'ériger un nouveau bâtiment pour la bibliothèque bourgeoise, on vînt lui demander de construire et d'entretenir lui-même ce bâtiment. Il ressort à l'évidence de ce qui précède que la Confédération n'a aujourd'hui aucune obligation juridique de participer financièrement à la construction du nouveau bâtiment de la bibliothèque bourgeoise, pas plus que de racheter par une indemnité globale la subvention annuelle allouée à cette institution. Le soin de créer les locaux nécessaires incombe comme par le passé à l'administration des biens de la corporation, propriétaire de la bibliothèque.

En ce qui concerne le rachat de la subvention, la Confédération peut l'accepter ou le refuser librement; le prix de ce rachat éventuel est affaire de négociations entre elle et l'administration des biens de la corporation.

2. En instituant, d'une part, une bibliothèque nationale et en subventionnant, d'autre part, la bibliothèque bourgeoise de Lucerne, on se proposait un certain ordre dans le groupement des Helvetica; mais ce but n'a pu être atteint jusqu'ici qu'imparfaitement. Les rapports actuels entre les deux bibliothèques ne satisfont ni la Confédération, ni la bibliothèque bourgeoise de Lucerne. La répartition entre les deux bibliothèques du soin de collectionner les helvetica antérieurs ou postérieurs à 1848, telle qu'elle fut statuée par l'arrêté fédéral de 1894, se révéla déjà inopportune lorsque, peu de temps après, la bibliothèque nationale acheta, avec l'assentiment des conseils législatifs qui lui allouèrent pour cela des crédits spéciaux, tout d'abord la bibliothèque Staub (prix: 24000 francs), puis une bibliothèque grisonne (8000 francs) ; ces deux acquisitions
se composaient en majeure partie d'helvetica antérieurs à 1848. Le compromis de 1911, qui déplaça quelque peu la limite fixe de 1848 en chargeant la bibliothèque nationale de collectionner « de préférence » les helvetica postérieurs à cette date, se révéla bientôt, lui aussi, insuffisant. En effet, il ne donnait pas à la bibliothèque nationale la liberté d'action nécessaire et l'on ne put éviter, d'autre part, que des documents ne fussent achetés en double par les deux bibliothèques, avec l'argent de la Confédération. Mais l'état de choses est encore moins satisfaisant pour la bibliothèque bourgeoise elle-même: la majeure partie du modeste crédit mis à sa disposition par l'administration des biens de la corporation, ainsi que de la subvention fédérale, est nécessaire à son administration; et la faible part qui lui reste pour acheter d'anciens helvetica ne lui permet d'augmenter ses collections

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que très lentement. A cela vient s'ajouter que l'administration des biens de la corporation est incapable, avec ses propres ressources, de faire face à la tâche toujours plus urgente de procurer à la bibliothèque des locaux suffisants et à l'abri du danger d'incendie. Pour toutes ces raisons, nous nous rallions à la manière de voir de notre département de l'intérieur et de la commission de la bibliothèque nationale, selon laquelle il faut donner suite à la requête de l'administration des biens de la corporation et racheter la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise. Nous pensons toutefois que le rachat de cette subvention, par le versement d'une indemnité globale, n'est en soi pas à même de remédier aux inconvénients signalés, II ne suffira pas à sortir la bibiliothèque de la situation précaire dans laquelle elle se trouve présentement. En effet, elle devra, après comme avant, consacrer une part importante tant des intérêts de l'indemnité que des allocations de l'administration des biens de la corporation, à des buts administratifs ; le reste serait, comme par le passé, nécessaire pour accroître les collections, de sorte que la question des locaux resterait en suspens.

On n'obtiendra une solution vraiment satisfaisante que si les autorités lucernoises mettent à exécution leur projet de réunir la bibliothèque bourgeoise et la bibliothèque cantonale en un centre de culture de la Suisse centrale, et de construire un bâtiment pour les besoins de la nouvelle institution.

Nous estimons, par conséquent, que la Confédération doit faire dépendre de la réalisation de ce projet le rachat de sa subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise. Les intérêts de Lucerne eux-mêmes exigent absolument cette solution. Seule la réunion des collections générales de la bibliothèque cantonale et des collections essentiellement historiques de la bibliothèque bourgeoise donnera à Lucerne une bibliothèque répondant à ses besoins et à ceux de toute la Suisse centrale. C'est aussi le seul moyen de mettre en valeur les collections de dessins et gravures constituées par la bibliothèque bourgeoise au cours des ans et les nombreux ouvrages, autres que les Helvetica, qui lui ont été donnés ou légués, ainsi que de les faire concourir au développement intellectuel de Lucerne et de la Suisse centrale. Cette fusion des
bibliothèques lucernoises, ainsi que la possibilité pour la bibliothèque nationale de sortir, grâce au rachat de la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise, des limites trop étroites dans lesquelles elle était tenue jusqu'ici pour collectionner les Helvetica, seront du plus heureux effet. Cela ne signifie pasque la bibliothèque nationale modifiera sa politique d'achat et se mettra à agrandir systématiquement ses collections d'anciens Helvetica; en revanche, elle pourra mieux développer son service de documentation en complétant progressivement le catalogue général des bibliothèques suisses, en groupant dans ses locaux tout au moins les titres des anciens Helvetica qui sont dispersés dans le pays. Alors seulement se réalisera la grande idée qui a présidé à la création de la bibliothèque nationale, celle d'y collectionner la littérature du pays

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et sur le pays ; alors, l'ère des doubles emplois et de l'insécurité fera place à une situation claire, qui profitera non seulement à la bibliothèque nationale, mais à toutes les bibliothèques de la Suisse et au public.

A condition que le canton et l'administration des biens de la corporation de Lucerne décident effectivement de réunir leurs bibliothèques et de construire pour elles un nouveau bâtiment, il nous paraît du devoir de la Confédération de contribuer au succès de l'effort culturel de la Suisse centrale, lequel est de l'intérêt de tout le pays. Ce devoir nous semble d'autant plus impérieux que les revendications de cette région n'ont souvent pas été prises en considération. Il conviendrait, par conséquent, que la Confédération accordât définitivement au canton et à l'administration des biens de la corporation de Lucerne la subvention de quinze pour cent des frais du nouveau bâtiment, mais de 400 000 francs au maximum, que la centrale des possibilités de travail leur a promise ; bien entendu, cette subvention suppose d'abord une demande accompagnée de plans définitifs et d'un devis. En revanche, il n'est pas possible d'augmenter cette subvention pour donner suite à la « promesse Meister » ; l'arrêté fédéral du 21 décembre 1934 concernant la lutte contre la crise et la création de possibilités de travail, sur lequel est fondée la promesse de la centrale fédérale, ne nous autorise pas, en effet, à prendre en considération de tels facteurs. Au surplus, on ne saurait déduire d'un voeu formulé il y a plus de vingt-six ans, et dans des circonstances toutes différentes, par le président d'une commission parlementaire, une obligation juridique pour la Confédération; celle-ci est tenue par sa situation financière à la plus stricte économie. La seconde façon dont la Confédération devrait aussi, à notre avis, faciliter la réalisation très souhaitable du projet lucernois consiste à racheter la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise en versant à cette dernière une indemnité globale. Toujours à condition que le projet de bibliothèque centrale soit mis à exécution, nous vous recommandons donc de donner suite également sur ce point à la requête de l'administration des biens de la corporation.

En accordant, d'une part, une subvention prise sur les crédits de chômage pour la construction d'un
nouveau bâtiment et, de l'autre, une indemnité unique en lieu et place de la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise, la Confédération aura, nous semble-t-il, tenu compte dans une large mesure de l'obligation morale dont il était question dans le discours de M. Meister. Au demeurant, nous devons constater qu'il n'aurait pas été possible d'allouer à l'administration des biens de la corporation de Lucerne une subvention aussi importante pour la construction de son nouvel édifice avant l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral concernant la lutte contre la crise et la création de possibilités de travail; plus tard, il serait également difficile d'aller aussi loin dans ce sens, en cas de diminution du chômage et de réduction correspondante des crédits pour possibilités de travail.

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III. MONTANT DE L'INDEMNITÉ GLOBALE A VERSER Comme nous l'avons vu dans le premier chapitre du présent message, la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise fut primitivement fixée, par l'arrêté fédéral du 28 juin 1894 et par la convention du 21 janvier 1896, au montant de 2000 à 5000 francs par an, puis elle fut portée à 12000 francs par la loi du 29 septembre 1911. Il est exact qu'une loi fédérale ne peut être modifiée que par une autre loi fédérale, comme le conseiller juridique de l'administration des biens de la corporation de Lucerne l'a fait observer à celle-ci. En revanche, il ne faut pas oublier que, vu la nécessité de sauvegarder les intérêts supérieurs du pays, les programmes financiers I et II des 13 octobre 1933 et 31 janvier 1936 ont donné le pouvoir et fait un devoir au Conseil fédéral de réduire de 20, puis de 40 pour cent par rapport à l'année 1932 toutes les subventions, même celles qui sont prévues par une loi. Sont seules exemptes de réduction, outre quelques subventions mentionnées expressément, celles qui sont fixées par la constitution ou par contrat ou par une convention internationale et celles qui sont couvertes par des recettes déterminées. Comme il était de notre devoir, nous avons donc réduit la subvention en faveur de la bibliothèque bourgeoise de Lucerne de 12 000 à 10 000 francs pour les années 1934 et 1935, puis à 7200 francs pour les années 1936 et 1937.

Le programme financier II du 31 janvier 1936, en vertu duquel nous avons opéré cette deuxième réduction, cesse, il est vrai, ses effets au 31 décembre 1937. Mais tout indique qu'il sera nécessaire, pour rétablir l'équilibre des finances fédérales en 1938 comme les chambres en ont manifesté l'intention, de réduire plus fortement encore les subventions. Il y a donc très peu de chances que celles-ci soient, dans un avenir prochain, rétablies à leurs montants de 1932. Dans ces conditions, il ne se justifierait pas, à notre avis, de calculer l'indemnité globale en se fondant sur la subvention annuelle de 12 000 francs prévue par la loi de 1911. Equitablement, on ne peut pas non plus prendre pour base du calcul le montant de 2000 à 5000 francs stipulé par la convention de 1896, parce qu'il fut jugé insuffisant en 1911 déjà. On doit, nous semble-t-il, se laisser guider dans cette affaire par l'équité. C'est pourquoi
nous vous proposons, conformément aux avis concordants du département de l'intérieur et du département des finances et des douanes, de calculer l'indemnité globale sur la base d'une subvention moyenne de 8000 francs par an, et, en capitalisant celle-ci à quatre pour cent, de la fixer à 200 000 francs. Cette solution a été adoptée dans la dernière conférence qui a eu lieu, le 1er juillet 1936, entre les délégués de la bourgeoisie de Lucerne et les représentants du département de l'intérieur et de celui des finances et des douanes; suivant une communication de l'administration des biens de la corporation, datée du 30 juillet 1936, ladite solution a été formellement approuvée par le conseil de la bourgeoisie. On peut donc considérer la fixation de l'indemnité à 200 000 francs

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Nous espérons que vous consentirez à soutenir financièrement les efforts culturels d'une région dont les ressources ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour réaliser une oeuvre depuis longtemps souhaitée. Et par conséquent, nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-après.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 2 juillet 1937.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MOTTA.

Le cliancelier de la Confédération, G. BOVET.

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(Projet.)

Loi fédérale concernant

le rachat de la subvention annuelle à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 2 juillet 1937, arrête :

Article premier.

La Confédération s'engage à payer une indemnité globale pour racheter la subvention annuelle qui a été allouée à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne, en dernier lieu par la loi sur la bibliothèque nationale du 29 septembre 1911, et qui se trouve temporairement réduite. Ce rachat ne sera toutefois opéré que si le canton et l'administration des biens de la corporation de Lucerne décident de réunir la bibliothèque cantonale et la bibliothèque bourgeoise en une bibliothèque centrale et de construire, pour les besoins de celle-ci et éventuellement pour d'autres buts d'utilité publique, un nouveau bâtiment à Lucerne. L'indemnité globale sera de deux cent mille francs, représentant la capitalisation à quatre pour cent d'une subvention moyenne de huit mille francs par an.

Art. 2.

Ces deux cent mille francs seront payés en deux versements de cent mille francs chacun. Le premier sera effectué après la mise en chantier du nouveau bâtiment, le second après l'achèvement de celui-ci ; les sommes correspondantes seront inscrites dans les budgets des deux années respectives.

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Art. 3.

A partir de l'année où se fera le premier de ces versements, la subvention fédérale annuelle à la bibliothèque bourgeoise sera réduite à la moitié de son montant de l'année précédente. Lors du second versement, elle sera supprimée.

Les articles 3, 4, 6, 2e alinéa, et 12, chiffre 2, de la loi fédérale du 29 septembre 1911 sur la bibliothèque nationale suisse cessent leurs effets avec ce second versement.

Art. 4.

Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter la présente loi.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le rachat de la subvention annuelle allouée à la bibliothèque bourgeoise de Lucerne. (Du 2 juillet 1937.)

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