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FEUILLE FÉDÉRALE 89e année

Berne, le 28 avril 1937

Volume I

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 Centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur la participation de la Confédération au redressement financier des entreprises obérées de cbemins de fer privés.

(Du 23 avril 1937.)

Monsieur le Président et Messieurs, Dans notre message du 24 novembre 1936 à l'appui d'un projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, nous avons déjà relevé qu'à côté du problème de notre réseau national se posait pour la Confédération celui des chemins de fer privés, et nous avons souligné la connexité des deux questions. Nous avons relevé que les chemins de fer privés ont également le caractère de services publics et se trouvent actuellement dans une situation critique indéniable. Bien qu'ayant la forme d'entreprises privées, ils dépendent essentiellement des pouvoirs publics, leurs charges financières étant le plus souvent supportées par les cantons, les districts ou les communes.

En prêtant la main au redressement des chemins de fer fédéraux, la Confédération doit se prononcer sur la possibilité d'une aide aux chemins de fer privés dans la gêne.

Il semble indiqué de traiter autant que possible de front les deux problèmes, sinon certains milieux qui se préoccupent particulièrement du sort des lignes privées n'adhéreraient que difficilement à un assainissement des chemins de fer fédéraux. En outre, il est bon de faire rentrer ainsi le redressement des entreprises privées dans le cadre d'une solution raisonnable et équitable du problème général des transports suisses. Ces mesures, comme déjà signalé, devront encore être complétées par d'autres réformes.

Dans notre message, qui est accompagné d'un projet de loi fixant les grandes lignes d'une réglementation, nous exposerons jusqu'à quel point la Confédération peut, selon nous, s'intéresser au sort des chemins de fer privés. Pour mieux faire saisir la situation, nous croyons utile d'entrer Feuille fédérale. 89e année. Vol. I.

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au préalable dans quelques développements sur les chemins de fer privés en général. Après avoir donné un aperçu des demandes de secours que nous ont adressées certains cantons, ainsi que les chemins de fer privés eux-mêmes, nous aborderons le problème proprement dit de l'aide financière, d'abord dans ses grandes lignes, puis en examinant les diverses dispositions du projet de loi.

I. LES CHEMINS DE FEE PRIVÉS I. Le développement des chemins de fer privés.

Selon la législation ferroviaire, le réseau des chemins de fer suisses embrasse les chemins de fer fédéraux et un grand nombre de lignes privées, fort variées.

Du point de vue technique, on distingue les chemins de fer privés à voie normale et ceux à voie étroite. Du fait de leur équipement spécial, les chemins de fer à crémaillère et les funiculaires ont une situation particulière; les tramways urbains forment également une catégorie à part.

Les téléphériques (funiculaires aériens), de construction plus récente, ne sont pas considérés comme chemins de fer.

Du point de vue économique, on constate une très grande variété de chemins de fer privés. Trois d'entre eux sont des lignes principales, à savoir : le chemin de fer des Alpes bernoises, le Berne-Neuchâtel et le lac de Constance-Toggenbourg, ce dernier pour le tronçon Romanshorn-St-Gall. Tous les autres rentrent dans la catégorie des lignes secondaires. Quant à leur importance, les chemins de fer privés forment toute une gamme, qui va du chemin de fer des Alpes bernoises, une des principales lignes internationales, ou des chemins de fer rhétiques, un réseau considérable de lignes à voie étroite, jusqu'aux plus petites entreprises, comme le chemin de fer du Marzili à Berne ou le funiculaire Ragaz-Wartenstein. En ce qui concerne la longueur des lignes, elle est, pour la plupart des chemins de fer, faible ou très faible.

Si l'on examine l'étendue du réseau, les chemins de fer privés occupent une place très considérable parmi les entreprises de transport suisses.

D'après la statistique officielle, on comptait, à fin 1935, 36 lignes à voie normale représentant une longueur de 779,6 km, 67 lignes à voie étroite ayant 1547,3 km, 15 chemins de fer à crémaillère longs de 109,5 km, 32 tramways avec 473,5 km et 54 funiculaires comprenant 57,3 km. La longueur totale des chemins de fer sur territoire suisse, y compris les lignes des entreprises étrangères, était de 5856,8 km, dont 3004,8 km appartenant aux chemins de fer privés (les 46,3 km des administrations étrangères sont compris dans ce dernier chiffre). Le réseau des chemins de fer privés est donc un peu plus étendu que celui des chemins de fer fédéraux.

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En 1903, première année d'exploitation des chemins de fer fédéraux, la longueur totale des lignes suisses était de 4430 km. 2394,9 km appartenaient aux quatre arrondissements des chemins de fer de l'Etat ; le chemin de fer du Gothard, racheté en 1908 seulement, comprenait 272,5 km, et les lignes qui le furent subséquemment 148,9 km. Les chemins de fer qui appartiennent actuellement encore à des compagnies, comptaient ainsi 1613,7 km.

Ces chiffres démontrent que, depuis le début de l'exploitation des chemins de fer fédéraux, la longueur des lignes privées a presque doublé.

Correspondant à l'étendue du réseau, le compte d'établissement des chemins de fer privés représente des sommes très considérables. A fin 1935, il s'élevait à 386,1 millions de francs pour les lignes à voie normale, 342,3 millions pour les lignes à voie étroite, 59,4 millions pour les chemins de fer à crémaillère, 38,5 millions pour les funiculaires et 166,4 millions pour les tramways. Le compte d'établissement total de ces entreprises approche ainsi du milliard. Ce montant serait dépassé sans les redressements financiers déjà opérés par certaines compagnies. Le capital engagé dans les chemins de fer privés représente environ un tiers de celui des chemins de fer fédéraux.

Bien qu'ils soient constitués, en grande partie, par de petites, voire de très petites entreprises, les chemins. de fer privés comprennent aussi quelques lignes dont le compte d'établissement est très élevé. C'est ainsi que le chemin de fer des Alpes bernoises a un compte de 187,6 millions de francs, les chemins de fer rhétiques de 115,9 millions, le chemin de fer lac de Constance-Toggenbourg de 38,8 millions et le Montreux-Oberland bernois de 22,2 millions. Parmi les tramways, ceux de la ville de Zurich sont en tête, avec 35,1 millions. Le principal chemin de fer à crémaillère, celui de la Jungfrau, a coûté 18,7 millions de francs.

Même le trafic que les chemins de fer privés doivent assurer est considérable. En 1935, le nombre des kilomètres-voyageurs était de 205,8 millions pour les lignes à voie normale, 221,1 millions pour les lignes à voie étroite et 6,8 millions pour les chemins de fer à crémaillère; à cela s'ajoutent les 8,2 millions des funiculaires. Pour ces 4 catégories de chemins de fer privés, les kilomètres-voyageurs se chiffrent ainsi par 441,9
millions, soit environ un sixième des kilomètres-voyageurs des chemins de fer fédéraux. Le nombre des personnes transportées par tramways n'est pas compris dans ces chiffres ; il s'éleva, en 1935, à 217,4 millions. Comparativement à celui des chemins de fer fédéraux, le trafic-marchandises des lignes privées est sensiblement inférieur, du seul fait déjà que nombre d'entre elles ne sont pas destinées à transporter des marchandises ou ne le font qu'accessoirement. Les chemins de fer privés à voie normale eurent néanmoins 105,4 millions de tonneskilomètres, en 1935, et les lignes à voie étroite 18 millions. Le chemin de fer des Alpes bernoises est en tête avec 66,4 millions de tonnes-kilomètres ;

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les chemins de fer rhétiques en eurent 10,5 millions. La même année, les chemins de fer fédéraux comptèrent 1707 millions de tonnes-kilomètres.

L'essor pris par les chemins de fer privés fut favorisé par la prospérité dont a joui notre pays presque sans interruption jusqu'à la guerre mondiale ; mentionnons en outre le ferme espoir qu'avaient les intéressés de voir s'accroître constamment l'afflux de touristes étrangers et le trafic de transit.

C'est au cours des années qui ont précédé immédiatement la guerre de 1914/18 que s'opérèrent le parachèvement du réseau des tramways, la construction de nombreux chemins de fer de montagne, ainsi que des travaux de grande envergure tels que l'achèvement des chemins de fer rhétiques, l'établissement de la ligne lac de Constance-Toggenbourg et du chemin de fer des Alpes bernoises, sans oublier le commencement des travaux de la ligne Furka-Oberalp avec ses nombreux changements de déclivités. Depuis la guerre, on constate une forte diminution du nombre des constructions ferroviaires, en même temps qu'une certaine saturation, due en grande partie à la crise économique et à l'essor prodigieux de l'automobile, facteurs qui modifièrent les conditions de vie du chemin de fer et influèrent sur l'évolution du trafic en général. Le nombre des lignes privées ouvertes a l'exploitation ces dernières années est insignifiant.

Bien que le peuple suisse ait décidé, en 1898, de passer au système des chemins de fer d'Etat, notre pays a vu par la suite, à côté de la politique de nationalisation, se dessiner un mouvement très net en faveur des chemins de fer privés. Les causes de ce revirement résident dans les principes de nationalisation établis par la loi sur le rachat et, d'autre part, dans l'évolution du droit des concessions, qui forme la base juridique des chemins de fer privés. Pour mieux faire saisir le problème traité dans ce message, nous croyons utile de développer ces deux points. Mais avant de les aborder, nous exposerons encore la situation financière actuelle des chemins de fer privés.

2. La situation financière actuelle des chemins de fer privés.

Il est généralement connu que nos chemins de fer privés sont aux prises avec les mêmes difficultés que les chemins de fer fédéraux et les grandes entreprises de transport des pays étrangers. Leur crise s'est fortement accentuée jusqu'à ces tout derniers temps. Complétant les renseignements que nous avons déjà donnés dans notre message du 24 octobre 1936 à l'appui d'un projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, nous ajouterons que, de 1934 à 1935, le rapport moyen entre l'excédent des recettes sur les dépenses d'exploitation et le capital nominal d'établissement a passé de 1,59 à 1,13 pour cent pour les lignes à voie normale (chemins de fer fédéraux non compris) et de 2,08 à 1,68 pour cent pour les chemins de fer à voie étroite. L'insuffisance manifeste de cette proportion serait encore plus

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évidente si le capital nominal, base du calcul, correspondait au coût d'établissement effectif de ces chemins de fer et si le compte actuel d'établissement n'était déjà fortement réduit du fait des reconstitutions financières que certaines entreprises en difficulté ont dû opérer il y a quelques années.

Les données qui suivent ne pourront que confirmer l'impression défavorable que laisse un premier aperçu de l'état financier de nos chemins de fer privés.

La situation s'est aggravée à tel point que sur les 115 chemins de fer suisses à voie normale, à voie étroite ou à crémaillère appartenant à des compagnies, un seul enregistra en 1935 un produit net supérieur à 3 pour cent (au sens de l'arrêté fédéral du 14 décembre 1921); 12 entreprises eurent un léger produit net; les autres n'en eurent aucun.

Dix compagnies seulement furent en mesure de distribuer un dividende sur tout ou partie du capital-actions. Le taux fut de 4 pour cent dans deux cas, et inférieur dans les autres. Plusieurs de ces chemins de fer ne prélevèrent pas ce dividende sur le résultat de l'exploitation ferroviaire, mais sur le produit d'une usine à bon rendement ou même sur des réserves.

Dans d'autres cas enfin, les entreprises purent répartir un dividende, si minime fût-il, grâce au seul fait que leurs emprunts sont insignifiants par rapport au capital-actions.

En 1935, 16 compagnies qui n'avaient pas distribué de dividende furent à même de faire honneur à leurs engagements ordinaires, grâce aux résultats d'exploitation (exploitation ferroviaire, entreprises accessoires ou produit de valeurs). Il faut se garder, également ici, de tirer des conclusions trop optimistes: la situation privilégiée de ces entreprises était due tantôt à la bonne marche d'une usine électrique annexée au chemin de fer, tantôt au fait que le capital-obligations était minime par rapport au capital d'établissement. 23 autres chemins de fer ne remplirent leurs obligations ordinaires qu'en mettant leur fortune à contribution, ce qui eut une répercussion fâcheuse sur leurs disponibilités. Dans cette catégorie rentrent notamment les chemins de fer suivants: la ligne de l'Emmental, le Berthoud-Thoune et les chemins de fer rhétiques.

Quelques chemins de fer privés ne purent faire face que partiellement à leurs engagements ordinaires et les autres pas du
tout. Parmi les principales entreprises qui ne remplirent qu'une partie de leurs obligations, citons : le chemin de fer de la Giirbe, celui du lac de Constance au Toggenbourg, celui des Alpes bernoises et le Berne-Neuchâtel. D'autres, tels que le Montreux-Oberland bernois et le chemin de fer du Sud-Est, ne firent pas le service des intérêts de leurs emprunts.

Pas moins de 31 entreprises ont enregistré un déficit d'exploitation, dont 3 n'ont pas d'emprunts consolidés. Leurs recettes ne couvrirent même pas les dépenses d'exploitation proprement dites, pour ne pas parler des versements au fonds de renouvellement, du service des intérêts, des réserves et des amortissements. Plusieurs entreprises eurent un déficit considérable

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par rapport à la valeur des installations et auraient dû, depuis longtemps déjà, suspendre leur exploitation si elles avaient été livrées à elles-mêmes.

Comme on le voit, la situation critique des chemins de fer privés, qui est devenue peu à peu chronique et s'est aggravée encore ces derniers temps, atteint un tel degré que la collectivité même ne saurait rester indifférente. Son intervention paraît d'autant plus nécessaire que des sommes considérables furent sacrifiées déjà pour ces chemins de fer et que l'établissement des comptes actuels fait apparaître une situation beaucoup trop favorable par rapport aux frais d'établissement primitifs.

3. Le rachat et les chemins de fer privés.

Lorsque les milieux influents de notre pays eurent admis la nécessité de passer du système des chemins de fer privés à celui des chemins de fer d'Etat, il fallut déterminer les limites du réseau nationalisé. Ce problème avait préoccupé le Conseil fédéral et les chambres au cours des délibérations relatives au rachat. La solution adoptée devait être déterminante quant aux rapports futurs entre la Confédération et les chemins de fer privés, et à l'essor des chemins de fer suisses en général, alors en voie de développement.

Comme l'article 2 de la loi sur le rachat l'a prévu plus tard, l'acquisition des chemins de fer devait avoir lieu conformément aux clauses des concessions. Cette disposition légale se justifiait du fait que dans chaque concession de chemin de fer, la Confédération s'était réservé le droit de rachat selon une procédure fixée d'avance. La clause du rachat n'avait toutefois été, dans les concessions, qu'une clause de style, prévue aussi bien pour le chemin de fer des Alpes bernoises que pour une ligne de montagne quelconque ou les tramways urbains. Ces clauses ayant été introduites dans chaque concession selon une formule invariable, il ne faut y von- qu'une mesure de précaution et non l'indice que, lors de l'octroi des concessions, la Confédération aurait envisagé déjà l'éventualité d'un rachat.

En préparant la nationalisation des chemins de fer (1897), le Conseil fédéral estimait que la Confédération était absolument libre d'élaborer son programme de rachat comme elle l'entendait. Lorsqu'il soumit au parlement le principe de la nationalisation, le gouvernement fédéral se détermina en toute liberté sur Y étendue du futur réseau d'Etat. Il dut se prononcer sur deux points : la nationalisation s'étendrait-elle à toutes les lignes ou à une partie d'entre elles seulement ? Le programme serait-il exécuté en une seule fois ou par étapes ? Le Conseil fédéral proposa de commencer par racheter un réseau déterminé de chemins de fer, qu'il décrivit à l'article premier du projet de loi, puis de procéder par étapes, la première devant comprendre les lignes mentionnées à l'article 2.

L'article premier de la loi fixa le principe même de la nationalisation et en traça le programme en prévoyant le rachat des « chemins de fer suisses

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qui, à raison de leur importance économique ou stratégique, intéressent la Suisse entière ou une partie considérable du pays et dont l'acquisition n'entraînera pas des dépenses exagérées ». On renonça donc à nationaliser l'ensemble des chemins de fer suisses.

L'étendue de la 'première étape de nationalisation fut déterminée de façon précise; le Conseil fédéral devait procéder au rachat des principales lignes, si possible en une seule opération, afin de créer un réseau dont l'unité d'exploitation offrirait de gros avantages par rapport aux nombreuses administrations de l'époque. Tout d'abord fut arrêté le rachat des chemins de fer suivants: le Jura-Simplon, le Central, le Nord-Est et l'Union suisse.

Le fait que ces compagnies comprenaient quelques tronçons nettement secondaires qui, pour des raisons diverses, leur avaient été annexés ne diminua pas leur importance quant au rachat. On releva que ces chemins de fer, les plus utiles au trafic suisse, étaient de la plus haute importance pour l'avenir économique du pays: ils desservaient les principaux centres de l'industrie, du commerce et des arts et métiers soit directement, soit par l'intermédiaire de lignes secondaires. La nationalisation s'étendit plus tard au chemin de fer du Gothard, considéré comme un élément indispensable du réseau fédéral, lorsqu'on se rendit compte que sa situation particulière à l'égard des autres Etats ayant participé aux frais d'établissement ne s'opposait pas à sa nationalisation, jugée fort désirable.

Ce programme fut fixé à l'article 2 du projet de loi. Le Conseil fédéral voulait limiter ainsi cette première étape et ne pas trop embrasser à la fois, craignant que la nationalisation des cinq principaux chemins de fer ne rencontre bien assez de difficultés. « II serait insensé », dit le message, « d'aggraver encore une tâche aussi lourde et de la rendre impossible par le rachat immédiat des lignes secondaires. Quand l'administration sera entrée en fonction et possédera les organes exercés, était-il ajouté, il sera toujours assez tôt d'en compliquer l'organisation. » En restreignant pour . un temps le rachat, on ne porterait pas préjudice, assurait-on, aux chemins de-fer secondaires existants. Les autorités fédérales leur promirent le plus de facilités possible quant aux correspondances et à la jouissance commune de
certaines installations ; elles s'engagèrent en outre à ne leur faire aucune concurrence déloyale en matière de tarifs. On remit donc à plus tard la question du rachat de ces chemins de fer, se réservant d'assumer éventuellement leur exploitation à des conditions favorables qui équivaudraient, pour eux, à une subvention indirecte. Quant aux lignes secondaires projetées, on fit observer que la Confédération pourrait s'intéresser à leur établissement, puis à leur exploitation, à l'instar de ce qui se fait à l'étranger.

Mais on voulait avant tout attendre le résultat des expériences. En revanche, on reconnut « hautement l'obligation pour la Confédération de donner le plus possible satisfaction aux contrées laissées jusqu'ici en dehors de communications par chemin de fer. » La caisse de l'administration du réseau

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nationalisé, était-il ajouté, ne serait point mise par là fortement à contribution, si la collaboration de l'Etat se proportionnait ici à l'augmentation de trafic que l'exploitation de ces lignes secondaires procurerait aux autres lignes. Par lignes secondaires, le Conseil fédéral entendait les chemins de fer à voie étroite ou normale qui servent au trafic ordinaire des voyageurs et des marchandises, et non seulement les chemins de fer spéciaux, tels que les lignes de montagne, les chemins de fer touristiques de tout genre et les tramways urbains.

Les propositions du Conseil fédéral relatives aux limites fixées pour la première étape de nationalisation se heurtèrent à certaines résistances de la part des commissions parlementaires. Etant donnés les avantages appréciables attendus de la nationalisation pour l'ensemble du pays et notamment pour les contrées à desservir par le chemin de fer d'Etat, on conçoit que les compagnies exclues du programme de rachat aient cherché à y être admises et que les représentants des régions intéressées aient pris fait et cause pour ces entreprises. Dans son rapport à la commission du Conseil national du 13 septembre 1897, en réponse aux voeux qu'elle avait émis, le Conseil fédéral, se fondant sur les raisons indiquées dans son message, refusa de mentionner d'autres lignes à l'article 2 de la loi sur le rachat, qui fixe la première étape de nationalisation. Il s'efforça néanmoins de rassurer de son mieux les entreprises qui, pour le moment, n'entraient pas en ligne de compte. Le gouvernement fédéral releva plusieurs fois la possibilité pour ces chemins de fer d'être exploités par la Confédération et de bénéficier ainsi des avantages d'un service d'Etat. Il fut d'avis qu'une réserve s'imposait d'autant plus que le prix des lignes, dont on aurait encore pu envisager le rachat aux conditions fixées dans les concessions, devait, être calculé sur la base du capital d'établissement, qui à ce moment, était sensiblement supérieur au produit net capitalisé. Le Conseil fédéral craignit d'engager ainsi la Confédération dans une entreprise aléatoire.

Il fit observer enfin qu'aucune des lignes en cause, à l'exception peut-être du Jura neuchâtelois, ne pouvait être considérée comme très importante pour l'avenir économique du pays, ce qui était une condition indispensable pour
les chemins de fer admis dans le futur réseau d'Etat.

Au cours des délibérations qui suivirent, on ne modifia tien au programme établi par le Conseil fédéral pour les premières opérations de rachat; il en fut de même du principe général de nationalisation posé à l'article premier. A cet égard, on ne doit attacher aucune importance au fait que, dans la suite, les cinq principaux chemins de fer furent rachetés de gré à gré, et non, comme prévu, sur la base des concessions.

Ces deux articles de loi ne renferment pas, à eux seuls, tous les détails du programme de nationalisation conçu par le législateur de 1897. Il est certain que l'article premier a une plus grande portée que l'article 2; ce dernier fixe la première étape du rachat, sans régler définitivement la nationalisation. Celti ressort du fait que l'on avait parlé aux chambres

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fédérales d'une manière toute générale de l'extension future du réseau d'Etat; preuve en est également l'article 8 de la loi sur le rachat, qui, réglant l'utilisation du produit net, prévoit qu'un certain pour-cent sera affecté à l'extension du réseau fédéral, celui des lignes secondaires en particulier. Ces intentions du législateur sont exprimées dans la loi, et le fait que leur réalisation était peu probable, par suite notamment de l'insuffisance des sommes prévues, ne saurait rien y changer.

Avant le rachat, on ne put cependant exprimer des opinions précises sur l'étendue qu'aurait le réseau d'Etat après la première étape, autrement dit quant à l'interprétation de l'article premier et à la suite des opérations.

Il n'est pas sans importance que, dans son rapport à la commission du Conseil national du 13 septembre 1897, le Conseil fédéral ait mentionné expressément 17 chemins de fer à voie normale; il voulut souligner par là que, s'il renonçait momentanément au rachat desdites lignes, on pourrait peut-être y songer plus tard. Quelques-unes de ces voies ferrées sont actuellement nationalisées, ce sont les chemins de fer du Toggenbourg, du WaldRüti, du Jura neuchâtelois, du Seetal et du Tösstal. Le chemin de fer du Bödeli et celui du lac de Thoune appartiennent à la grande compagnie de chemin de fer des Alpes bernoises. Les autres lignes mentionnées dans le rapport étaient les suivantes : Bulle-Romont, Val-de-Travers, Emmental, Kriens-Lucerne, Langenthal-Huttwil, Huttwil-Wolhusen, Orbe-Chavornay, Sihltal, Sud-Est et Gene ve-Annemasse.

Un examen critique de cette liste, comparée aux termes de l'article premier de la loi, aurait, à l'époque déjà, suscité bien des objections; actuellement, les divergences d'opinions seraient encore plus marquées.

La teneur de la disposition légale et les raisons invoquées pour limiter la première étape de rachat aux cinq principaux chemins de fer, démontrent clairement la volonté de ne s'engager qu'avec prudence, de ménager les intérêts financiers de la future entreprise d'Etat et notamment de préciser que certaines entreprises ne pourront être admises dans le réseau national qu'après un examen minutieux de leur importance pour l'avenir économique du pays. Il est incontestable qu'on manifesta beaucoup de réserve et de retenue. La liste mentionnée comprend néanmoins
des chemins de fer auxquels les dispositions de l'article premier de la loi ne sont guère applicables. De ce fait, ou de certaines opinions manifestées occasionnellement, on ne saurait cependant déduire que la volonté du législateur n'a pas été celle qu'il exprima à l'article premier. On conçoit aisément qu'en présence des lourdes tâches à assumer, les autorités responsables n'aient pu déterminer d'emblée l'extension future du réseau nationalisé. En renonçant à l'élaboration d'un plan obligatoire -- le Conseil fédéral ne s'était nulle ment engagé par la liste mentionnée plus haut -- elles entendirent ne pas préjuger l'interprétation de l'article premier de la loi et, avec raison, renvoyer cette interprétation à l'avenir.

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Quelques rachats furent traités^après 1897, mais plutôt sous forme d'opérations isolées qu'en vertu d'un plan déterminé; aucun plan ne fut d'ailleurs arrêté depuis la mise en vigueur de la loi sur le rachat.

Il ressort de cet exposé que les chemins de fer privés, en général, ou quelques-uns d'entre eux, ne sauraient prétendre devoir être nationalisés en invoquant soit la genèse de la loi, soit une disposition de celle-ci. On n'a pas préjugé l'interprétation de l'article premier. La suite de la nationalisation resta un problème économique dans le sens du principe posé à l'article 1er, dont la teneur marque une tendance restrictive. Le rachat de nouvelles lignes dépendait surtout des possibilités financières, comme ce fut le cas pour la nationalisation des cinq principaux chemins de fer. Avant la nationalisation, on avait déjà manifesté souvent une certaine retenue pour des motifs d'ordre financier. Malgré l'optimisme avec lequel on entreprit l'oeuvre de nationalisation et maintes concessions qui, par la suite, pesèrent sur les finances des chemins de fer fédéraux, on s'en tint fidèlement à l'idée de renoncer à toute acquisition prématurée de chemins de fer secondaires qui se serait révélée déficitaire. Les résultats peu encourageants de certaines opérations, faites après le principal rachat, justifièrent d'autant plus cette réserve. Les dernières acquisitions se traduisirent toutes par une nouvelle charge pour les chemins de fer fédéraux, ce qui incitait fortement à la prudence. La situation financière de cette administration ayant encore empiré ces derniers temps, il faut être d'autant plus circonspect à l'égard de nouveaux rachats. Les milieux directement intéressés s'attendent toujours à des conditions de nationalisation dépassant la valeur commerciale que les lignes représentent pour les chemins de fer fédéraux. Aussi a-t-on refusé d'envisager l'acquisition de nouvelles lignes, à des conditions onéreuses, dans le projet de loi relatif à la reconstitution financière des chemins de fer fédéraux. Si, dans un cas déterminé, le rachat devait s'imposer à un prix élevé, le compte d'Etat de la Confédération aurait à supporter la différence entre le montant fixé et la valeur commerciale de la ligne.

Bien qu'aucun chemin de fer privé ne soit en droit d'exiger sa nationalisation à une époque quelconque,
l'opération de 1897 eut néanmoins pour effet de modifier sensiblement les relations entre ces entreprises et la Confédération. L'Etat ne pouvait en effet maintenir simplement avec les chemins de fer restés privés les rapports fondés sur les concessions. Propriétaire de la plus grande partie du réseau suisse, il devait veiller à ce que la politique des chemins de fer privés restât conforme à celle des lignes nationalisées et que les entreprises secondaires, représentant un appoint de trafic appréciable, prissent un développement proportionné. Ces considérations déterminèrent l'adoption de la loi du 21 décembre 1899 sur les chemins de fer secondaires. Les dispositions de cette loi permirent des simplifications dans la construction des lignes secondaires; elle leur garantissait une plus forte indemnité pour les transports postaux ; elle leur accordait aussi des

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facilités dans l'établissement et l'exploitation de raccordements de chemins de fer secondaires entre eux ou avec des lignes principales, quant à la cojouissance de certains tronçons ou d'installations des gares. Ces mêmes entreprises bénéficièrent d'un traitement de faveur dans l'application du règlement de transport et de la loi sur la comptabilité. Enfin, la loi sur la durée du travail autorisa certains allégements en ce qui concerne le temps de service du personnel.

Comme le montreront les chapitres qui suivent, l'attitude de la Confédération à l'égard des chemins de fer non rachetés est demeurée à peu près la même. Les chemins de fer devenus réseau d'Etat, d'une part et les lignes privées, de l'autre, assurèrent le trafic suisse parallèlement et de façon autonome. Grâce à la surveillance exercée par les autorités fédérales et à l'étude commune de diverses affaires, une certaine uniformité fut obtenue là où elle parut nécessaire. Le trafic suisse se fit aisément à ce dualisme, quoi qu'on ne puisse le considérer comme un système idéal.

4. Le droit de concession avant et après la nationalisation.

Nous venons de relever que, depuis le rachat, les chemins de fer fédéraux et les lignes privées assurèrent de façon autonome le trafic suisse. Le réseau des chemins de fer n'étant pas achevé à l'époque du rachat, puisque plusieurs lignes n'existaient qu'à l'état de projet, il fallut examiner si et, le cas échéant, dans quelle mesure la nationalisation aurait une répercussion sur le droit de concession en tant que fondement juridique de tout chemin de fer privé. L'évolution de ce droit après la nationalisation devait être déterminante non seulement pour l'essor des chemins de fer privés, mais également pour leurs rapports futurs avec la Confédération. La genèse du droit des concessions n'étant pas sans influence sur l'oeuvre de secours de la Confédération en faveur des chemins de fer privés, nous croyons utile d'en relater ici les données essentielles.

Nous renonçons à rappeler la situation avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1872 concernant l'établissement et l'exploitation des chemins de fer sur le territoire de la Confédération suisse. Notons, en revanche, qu'aux termes de l'article premier de cette loi, l'établissement et Fexploitation des chemins de fer furent subordonnés, dans
chaque cas, à l'octroi d'une concession fédérale. Cette disposition soumit tous les chemins de fer suisses à la législation et au contrôle de la Confédération. Les concessions accordées autrefois par les cantons ne jouent plus un rôle notable pour les chemins de fer privés actuels.

Dans cet ordre d'idées, il importe de souligner que le droit de concession de 1872 marquait une tendance nettement libérale. Après avoir, quelque 20 ans auparavant, renoncé à la construction des chemins de fer suisses par l'Etat, la Confédération voulut favoriser, dans la mesure du possible,

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l'essor des voies ferrées, en octroyant des concessions aux dispositions simples et faciles à observer.

L'autorité fédérale fut tenue, en vertu de l'article 3 de la loi sur les chemins de fer, de veiller au développement et à l'augmentation de ces voies de communication. Quant au refus de concession, ledit article n'en prévoyait la possibilité que pour les cas où le chemin de fer en cause porterait atteinte aux intérêts militaires de la Confédération. Telle est la base légale donnée aux chemins de fer dont l'établissement était laissé à l'initiative privée.

Cette attitude des autorités n'entrava nullement l'évolution des voies ferrées. Certains particuliers ayant considéré les chemins de fer comme une entreprise sûre, d'autres comme une spéculation intéressante, et les cantons de leur côté s'étant préoccupés toujours plus de ces moyens de transports, l'attitude bienveillante quoique passive de la Confédération a suffi pour permettre l'établissement d'un important réseau avant la nationalisation. Des projets de chemins de fer, plus nombreux encore, furent l'objet d'une concession, mais restèrent par bonheur inexécutés.

Si le but visé à l'article 3 de la loi sur les chemins de fer, soit le développement de ces voies de communication, fut atteint avant le rachat déjà, il faut reconnaître que le choix des lignes projetées et la détermination de leur tracé fut parfois guidé par des considérations qui, du point de vue des intérêts généraux, ne furent pas toujours très heureuses et n'empêchèrent pas les déconvenues financières. Ces influences auraient pu être écartées ou sensiblement amoindries si, d'emblée, un pouvoir central puissant avait été chargé de veiller à la réalisation d'un certain plan.

On conçoit qu'après la nationalisation, la Confédération ait dû examiner si le maintien de son attitude libérale en matière de concessions était conciliable avec la nouvelle politique des chemins de fer.

Répondant à un postulat commun des deux chambres, le Conseil fédéral présenta, le 10 décembre 1904, un rapport sur l'octroi des concessions de chemins de fer. Les longues délibérations qui suivirent, au cours desquelles on entendit les opinions les plus diverses, aboutirent à une décision du 26 septembre 1907 constatant qu'une revision de la loi sur les chemins de fer était superflue. On se contenta de
fixer certaines règles pour l'interprétation de l'article 3. Il fut notamment établi que si la disposition en cause favorise l'octroi de concessions, l'Assemblée fédérale n'en a pas moins le droit de refuser une concession pour des motifs autres que la sauvegarde des intérêts militaires. Il fut constaté en outre que l'article 3 laissait à l'avenir aux chemins de fer fédéraux le soin de construire les nouvelles lignes principales, mais que l'Assemblée fédérale pouvait accorder la concession à un tiers requérant, en déterminant à son gré les délais et conditions de rachat, si la Confédération refusait de construire elle-même un chemin de fer principal répondant à des intérêts économiques importants. Les prin-

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cipes de l'ancien droit restaient applicables aux chemins de fer secondaires sous réserve de l'interprétation donnée à la disposition relative au refus de concession.

Il serait superflu d'examiner ai, le cas échéant dans quelle mesure, cette décision, qui constitue un véritable compromis, est conciliable avec le principe de la nationalisation défendu et accepté quelques années auparavant.

Nous n'avons qu'à prendre cette décision telle quelle. Elle fut inspirée par le désir, clairement manifesté, de maintenir l'ancienne réglementation des concessions et ainsi de ne pas renier l'esprit libéral du législateur de 1872. Par là, l'Assemblée fédérale exprima nettement son intention de ne pas entraver l'établissement de chemins de fer par les particuliers malgré la nationalisation. Il s'agissait également d'éviter qu'une réforme du droit de concession ne mît l'Etat dans l'obligation d'entreprendre de nouvelles constructions de chemins de fer. Le parlement voulut donc épargner à la Confédération des entreprises aléatoires, estimant qu'il valait mieux faire une entorse au principe de la nationalisation que d'exposer l'Etat au risque de devoir assumer l'établissement de lignes principales -- et peut-être même de lignes secondaires -- qui, pour une cause quelconque, ne lui auraient pas convenu. On voulut ainsi réserver à la Confédération pleine liberté quant à l'extension du réseau des chemins de fer et l'autoriser à n'entreprendre de tels travaux que pour des motifs qu'elle estime déterminants. La décision de 1907 montre également que les entreprises privées auraient tort de vouloir fonder sur l'histoire des chemins de fer suisses des droits au sens strict du mot à l'égard de la Confédération.

Relevons en passant que l'interprétation donnée, à cette occasion, à l'article 3 de la loi sur les chemins de fer marque, pour la première fois, bien que tardivement et de façon fort timide, l'intention d'examiner l'opportunité économique d'un chemin de fer lors de l'octroi de la concession.

Dans la suite, on donna toujours plus de poids à cette considération. Elle a actuellement une importance déterminante en matière de concession, et nous pensons indiqué d'en tenir expressément compte lors de la revision à l'étude de la loi sur les chemins de fer.

5. Le financement des chemins de fer privés.

De ce que nous venons
de dire il ressort que, malgré la nationalisation des chemins de fer principaux, le droit de concession pour les nouvelles voies privées est, au fond, resté le même. Dans un autre ordre d'idées, constatons que la Confédération a, pendant fort longtemps, refusé de s'intéresser financièrement aux chemins de fer privés. Elle évita intentionnellement d'intervenir dans leurs destinées financières et renonça à toute participation, que ce fût en faveur de leur construction ou de leur exploitation, Cette règle a été observée strictement jusqu'à ces dernières années, et les mesures d'exception prises précédemment dans certains cas isolés n'en

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furent qu'une confirmation. Parmi ces dérogations, citons la loi accordant des subventions pour la traversée des Alpes; il s'agissait là de cas où le genre et l'importance des travaux justifiaient une collaboration financière de la Confédération; notons en outre l'octroi de deux subventions, l'une aux chemins de fer rhétiques, l'autre à la ligne du Loetschberg. Dans ces deux derniers cas, l'intervention fédérale était motivée par des circonstances particulières. Pour les chemins de fer rhétiques, la suppression de transports postaux spécialement onéreux procurait une économie à la Confédération ; pour la ligne des Alpes bernoises, la subvention correspondait à une obligation imposée à l'entreprise qui n'était point dictée par les seuls besoins du trafic des premières années (établissement d'une double voie dans le tunnel du Loetschberg et préparation des travaux pour la 2e voie sur les rampes d'accès).

D'une façon générale, la Confédération n'a pas financé les chemins de fer privés. Elle se contenta d'en encourager la construction en accordant avec libéralité des concessions pour les projets que lui soumettaient les particuliers.

Diverses autres circonstances contribuèrent au développement des chemins de fer privés. Dans chaque cas, il est vrai, on espérait que la voie ferrée donnerait un essor économique à la région desservie ; parfois même, le chemin de fer était considéré comme la condition d'une telle amélioration.

Parmi les anciennes lignes, on en trouve beaucoup dont l'établissement fut considéré comme une « affaire » ayant comme principal but le rendement du capital investi. Il y en eut aussi qui furent l'objet de spéculations de particuliers. Certains chemins de fer qui, du point de vue de l'économie privée, avaient un but lucratif, furent en même temps considérés comme une partie de la solution d'un problème plus général ; ils eurent par exemple pour but de rendre une montagne accessible aux touristes, moyennant établissement des hôtels nécessaires, ou accessoirement de fournir l'énergie électrique à une région étendue. La construction de lignes présumées rentables fut suivie d'un essor économique, qui, à son tour, accrut le besoin de disposer de moyens de transport. La conséquence en fut que des régions, de plus ou moins grande étendue, pensèrent avoir un intérêt économique ou autre
à l'établissement de chemins de fer, même lorsque le rendement de l'entreprise paraissait douteux, voire quasi exclu.

Des cantons et communes se décidèrent peu à peu à collaborer financièrement aux constructions de voies ferrées qui les intéressaient particulièrement et à entrer dans les compagnies. Ils avaient déjà manifesté, dès les débuts, une tendance nette en faveur de l'initiative privée tout en se laissant guider parfois par des considérations touchant à leur propre politique générale. Le résultat de cette activité des cantons et des communes fut parfois des plus réjouissants; mais souvent, il ne répondit pas aux espoirs même les plus modestes. Dans certains cas, cette politique ferroviaire eut

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des effets funestes et occasionna de lourdes pertes à ceux qui s'étaient prêtés à ces expériences. Le sort de la compagnie du chemin de fer National est encore présent à l'esprit des plus vieux de nos concitoyens comme triste exemple d'un cas de ce genre.

Une politique cantonale des chemins de fer se développa tout particulièrement vers la fin du siècle dernier. Les chemins de fer servirent aux autorités cantonales ou communales de moyens pour poursuivre d'autres buts intéressant le canton ou certaines régions; en outre, l'établissement de voies ferrées fut considéré comme une entreprise d'intérêt général que les cantons et communes devaient favoriser en allouant aux compagnies des sommes parfois importantes. On veilla à ce qu'il fût tenu compte de ce fait, dans l'administration comme dans l'exploitation des chemins de fer.

Cette préoccupation de l'intérêt général joua un rôle tout particulier dans l'établissement de nouvelles lignes. Il va sans dire qu'on s'efforça toujours de justifier la construction par un calcul du rendement opéré avec la prudence voulue. Si ces comptes furent généralement très optimistes, la bonne foi de leurs auteurs n'a néanmoins pas été mise en doute. C'est le même optimisme que l'on retrouve dans toute l'histoire des chemins de fer suisses; il se manifesta lors du rachat, ainsi que dans les autres mesures législatives concernant les chemins de fer fédéraux. On tablait sur un large développement du trafic suisse, avec la certitude que le monopole des transports, dont les chemins de fer avaient bénéficié en fait durant de nombreuses années, subsisterait longtemps encore sans changement.

La politique ferroviaire des cantons, telle que nous l'avons définie, a surtout trouvé son expression dans les participations financières assumées par les cantons, communes ou autres corporations de droit public, en vue de favoriser l'établissement de chemins de fer importants dans la région qui les intéressait; ces interventions étaient plutôt dictées, en fait, par des considérations de politique cantonale ou régionale. Trois cantons facilitèrent particulièrement la construction de chemins de fer privés, ce sont tout d'abord Berne et les Grisons, puis St-Gall. La politique bernoise visait surtout à parfaire le réseau de ce grand canton. Signalons notamment l'établissement de la deuxième
ligne internationale aboutissant au Simplon, qui parcourt en longueur le territoire cantonal, et était destinée à relier le Jura bernois à la partie sud du canton, ainsi qu'aux régions situées au delà. Les autorités grisonnes s'efforcèrent de créer un réseau étendu de chemins de fer secondaires, facilitant ainsi les communications entre les nombreuses vallées du canton, ainsi qu'entre ces vallées et la capitale et le plateau suisse. Ces voies ferrées devaient en outre rendre accessibles aux touristes étrangers les beautés naturelles de ces régions et, partant, donner un large essor économique à une partie importante du canton.

Le développement des chemins de fer rhétiques suscita même, un certain temps, quelque intérêt en dehors des limites du pays. Enfin la politique

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saint-galloise des chemins de fer avait aussi sa justification particulière: La ligne lac de Constance-Toggenbourg, raccordée au chemin de fer du Ricken appartenant à la Confédération, devait, en tant que voie transversale, atténuer l'inconvénient dû à la forme du territoire cantonal; elle était en outre destinée a relier les diverses parties du canton entre elles et avec la capitale.

A côté de ces cas les plus marquants, plusieurs autres cantons s'intéressèrent aux compagnies privées, tantôt au moyen de lois accordant des subventions aux chemins de fer en général, tantôt sous la forme de participations financières arrêtées pour chaque cas particulier.

Cette coopération active des pouvoirs publics n'empêcha pas les chemins de fer de demeurer, juridiquement, entre les mains des compagnies privées.

Les autorités excercèrent cependant au sein des entreprises une influence plus ou moins forte, selon le degré de leur participation financière. Quelques chemins de fer devinrent même des entreprises cantonales. Le genre de collaboration des pouvoirs publics varia d'un cas à l'autre. Ici, ils souscrivirent des actions ou des obligations des compagnies; là, leur appui consista en une subvention ou dans la garantie de l'intérêt d'obligations offertes sur le marché des valeurs; parfois le canton mit simplement les sommes obtenues par la voie d'emprunt d'Etat à la disposition de l'entreprise, qui dut s'engager à assurer une partie du service des intérêts.

Par ces divers moyens, les chemins de fer privés obtinrent des pouvoirs publics des sommes importantes. Comme nous l'avons signalé, le degré de participation des divers cantons et communes différa d'un chemin de fer à l'autre. Dans certains cas, les gouvernements cantonaux s'engagèrent à tel point en faveur des chemins de fer que la situation financière du canton et celle de l'entreprise semble aujourd'hui dépendre l'une de l'autre.

Sans vouloir surcharger notre message de chiffres, nous croyons bon de compléter cet exposé par quelques données qui, mieux qu'une longue description, offriront un aperçu des obligations financières assumées par les cantons en faveur des chemins de fer.

Le canton de Berne a souscrit, à lui seul, des actions du chemin de fer des Alpes bernoises pour un montant de 34 791 800 francs, qui, après assainissements, fut réduit à 23
841 000 francs. Il possède en outre pour 63 873 543 francs d'obligations en divers rangs de cette entreprise. En 1935, ainsi que durant les années précédentes, le capital-actions et une grande partie du capital-obligations ne rapportèrent rien; du fait des garanties données, le canton dut en outre supporter de grandes charges d'intérêts en faveur de tiers. Nous estimons qu'en 1935 seulement, le chemin de fer du Loetschberg exigea du canton de Berne un sacrifice d'un peu plus de 3 millions de francs, soit au titre de garantie d'intérêts soit au titre de perte sur ses propres créances.

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Les prestations de la banque cantonale bernoise sont comprises dans ces chiffres, mais non celles des communes qui avaient souscrit des actions pour un montant nominal de 2 259 000 francs.

Le canton de Berne a en outre engagé dans 28 autres chemins de fer des sommes importantes, restées également improductives.

A fin 1932, il évalue ses charges pour les chemins'de fer à 169 408 761 francs, y compris celles de la banque cantonale.

Le canton des Grisons versa aux chemins de fer rhétiques 14 324 000 francs pour des actions et, sous forme de prêts, 67 440 417 francs, obtenus sur le marché de capitaux' en échange d'obligations d'Etat. Ajoutons à ces cluffres des contributions en faveur de deux autres chemins de fer à voie étroite, pour un montant de 11 248 529 francs. La participation du canton des Grisons aux seuls chemins de fer rhétiques atteignit donc à peu près la moitié des engagements que le canton de Berne, bien plus riche, assume pour l'ensemble de ses chemins de fer. Si l'on veut apprécier à sa juste valeur la coopération financière du canton des Grisons, il importe de noter que les chemins de fer rhétiques furent en mesure, jusqu'à ces dernières années, de payer intégralement l'intérêt des obligations émises en leur faveur et que le canton reçut parfois un dividende sur ses actions. Exprimées en chiffres absolus, les charges assumées par les Grisons sont fort lourdes; il faut cependant reconnaître qu'elles furent, somme toute, d'un meilleur rendement que celles du canton de Berne. Il est vrai que la crise et la concurrence automobile aggravèrent sérieusement la situation financière des chemins de fer rhétiques ; en outre, le rendement des capitaux engagés par le canton des Grisons diminua à tel point qu'une nouvelle aggravation aurait une fâcheuse répercussion sur les finances de l'Etat.

A fin 1934, le canton de St-Gall avait accordé une aide de 8 342 963 francs aux 9 chemins de fer privés traversant son territoire. Ce montant fut alloué presque entièrement en échange d'actions restées improductives. La majeure partie de cette somme, soit 7 278 000 francs, fut consacrée au chemin de fer lac de Constance-Toggenbourg. Le canton émit en outre des obligations d:Etat en faveur de cette entreprise, pour un montant de 18,2 millions.

Il compléta régulièrement le montant consacré par le chemin
de fer au paiement des intérêts. La compagnie put, durant quelques années seulement, faire le service complet de ces intérêts ; par la suite, elle n'en assuma qu'une partie. A fin 1935, après les 25 premières années d'exploitation de cette ligne, le canton avait versé 8 millions de francs au titre d'intérêts sur les obligations, abstraction faite de l'intérêt composé. Surtout à cause de cette garantie, les charges du canton de St-Gall en faveur de ces chemins de fer sont très lourdes. Comme le canton des Grisons en cas d'aggravation de la situation des chemins de fer rhétiques, le canton de St-Gall se ressentirait douloureusement de cette garantie d'intérêt si la situation du chemin de fer lac de Constance-Toggenbourg devait devenir encore plus critique; Feuille fédérale. 89e année. Vol. I.

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à vrai dire, le risque qu'il court ne serait pas, dans le cas le plus défavorable, aussi grave que celui auquel les chemins de fer rhétiques exposent le canton des Grisons.

Ces trois exemples montrent le lien étroit qui existe entre les finances de certains cantons et le sort des chemins de fer privés. Cette interdépendance est surtout évidente pour les cantons de Berne et des Grisons; elle n'existe qu'à peine ou même pas du tout pour nombre de cantons.

Pour de nombreuses compagnies, les sommes investies par les pouvoirs publics ont acquis aujourd'hui une importance considérable, parfois même décisive. Cette participation financière prédominante des cantons, communes ou autres corporations de droit public a donné aux chemins de fer privés un caractère spécial, les rapprochant dans une certaine mesure des chemins de fer d'Etat. Si la situation des compagnies s'aggrave encore, les finances des cantons et communes intéressés en ressentiront inévitablement le contre-coup, ceux-ci ayant coutume d'inscrire, au moins partiellement, à l'actif de leurs comptes les sommes allouées auxdites entreprises. Cette fâcheuse évolution ne date, il est vrai, pas des dernières années.

Autrefois déjà, la situation des chemins de fer privés n'était en général pas satisfaisante; mais elle n'est devenue inquiétante que dernièrement.

A l'instar des chemins de fer fédéraux et de toutes les entreprises étrangères, les compagnies souffrent de la crise et de la concurrence automobile, qui les menacent dans leur existence même ; la perte du monopole des transports dont elles avaient joui en fait a aussi troublé leurs conditions de vie. La situation des chemins de fer privés est plus critique que jamais, et les créanciers qui les avaient financés et aidés, grevés par ailleurs déjà, ne sont plus en mesure de les secourir comme autrefois.

On conçoit donc que, dans leur embarras, les chemins de fer privés et certains cantons intéressés aient prié la Confédération de leur venir en aide.

D'autre part, les chemins de fer fédéraux, qui étaient jusqu'ici livrés à eux-mêmes sans que la Confédération ait participé à leurs déficits, étant sur le point d'obtenir certains allégements en vue d'un redressement financier, les entreprises privées et leurs créanciers saisirent cette occasion pour engager la Confédération à modifier son
attitude à l'égard des compagnies de chemins de fer, en contribuant à leur reconstitution financière.

L'origine particulière des ressources mises à la disposition de maintes entreprises a donné au côté financier du problème des chemins de fer privés un caractère sui generis, dont il y a lieu de tenir compte.

Au début du présent chapitre, nous avons déjà dit en passant que la Confédération, après s'être longtemps tenue à l'écart a changé plus tard sa politique à l'égard des chemins de fer privés. En fait, elle se départit de son indifférence dès les premières années d'après-guerre. Depuis cette époque, la Confédération considéra comme un devoir pour elle d'entrer dans une voie nouvelle. Elle décida, sous certaines conditions, de financer

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les chemins de fer privés en considération des graves difficultés que les compagnies étaient incapables de surmonter par elles-mêmes ; elle voulut, accessoirement, leur permettre de perfectionner leur matériel dans l'intérêt de l'économie générale.

Le 25 avril 1919, le Conseil fédéral adressa aux chambres un message concernant l'appui financier à accorder aux chemins de fer privés désireux d'introduire la traction électrique. Les chemins de fer fédéraux ayant entrepris la réalisation d'un vaste programme pour l'électrification de leur réseau, il fut d'avis que l'introduction de la traction électrique s'imposait également pour les chemins de fer privés, dans l'intérêt même de l'Etat; il chercha ainsi à libérer le plus possible toutes nos entreprises de transports de la dépendance étrangère, quant aux livraisons de charbon. Cette oeuvre qui ne pouvait être accomplie sans l'aide financière de l'Etat ne devait toutefois concerner que les lignes privées intéressant la Confédération ou une partie considérable du pays. On se proposait en même temps d'assurer aux entreprises de transport une exploitation plus rationnelle, grâce à la traction électrique, ou, comme le prévoit la loi fédérale du 2 octobre 1919, de rendre leur « exploitation plus économique ». Les prestations de la Confédération devaient revêtir la forme de prêts à amortir, productifs d'intérêt et subordonnés à la condition que les cantons intéressés, le cas échéant avec le concours des communes, assument une charge au moins égale.

Quinze chemins de fer furent mis au bénéfice de cette loi ; une nouvelle requête est encore à l'étude. Dans deux cas, soit pour le chemin de fer des Alpes bernoises et les chemins de fer rhétiques, qui étaient en partie déjà à traction électrique, il ne s'agissait que de parfaire l'électrification.

Les 13 autres lignes furent électrifiées avec l'aide des deniers publics. Les prêts accordés par la Confédération s'élevèrent à environ 27 millions de francs. Leurs conditions furent sensiblement adoucies par la suite, eu égard aux embarras financiers des entreprises, la dernière fois par arrêté du Conseil fédéral du 10 novembre 1936.

L'introduction de la traction électrique par certains chemins de fer privés, grandement facilitée par la Confédération, eut pour résultat d'améliorer sensiblement les conditions
d'exploitation et, partant, l'économie des régions desservies par ces lignes. Les prévisions se sont pleinement réalisées à cet égard. Il ne fut cependant pas toujours possible d'atteindre également l'autre but visé, soit le redressement financier de l'entreprise, l'accroissement des excédents d'exploitation n'ayant pas couvert les charges fixes. Notons en outre que, pour certaines entreprises, les frais d'électrification furent très élevés ; dans la plupart des cas, les travaux coïncidèrent avec une époque de dépression générale où l'amélioration escomptée du trafic ne se fit pas sentir. Les nouvelles conditions des prêts réduiront sensiblement les charges fixes, qui avaient augmenté depuis l'introduction de la traction électrique.

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La situation critique de certaines entreprises de transport privées avait justifié une intervention d'un autre ordre, destinée à maintenir l'exploitation dans les cas où les recettes et autres ressources ne couvriraient pas les dépenses d'exploitation. Cette oeuvre de. secours fut entreprise déjà dès la fin de la guerre mondiale, par arrêté fédéral du 18 décembre 1918 concernant le secours aux entreprises de transport en souffrance. Une nouvelle mesurej semblable à la précédente, fut prise par l'arrêté du 13 avril 1933 instituant une aide en faveur des entreprises privées de chemin de fer et de navigation dont l'exploitation est compromise par la crise.

Cet arrêté prévoit également la collaboration de la Confédération et des cantons. Il cessera d'exercer son effet à la fin de l'année 1937. Les circonstances qui l'avaient motivé subsistant toujours, il sera nécessaire de le remplacer par un nouvel arrêté temporaire, parallèlement à la loi qui accompagne le message. A l'inverse des mesures prévues par le présent projet en vue d'un redressement durable des chemins de fer privés, l'oeuvre de secours consiste en une aide momentanée, assurant le maintien de l'exploitation aux entreprises capables en temps normal de se suffire d'une manière durable. Le nombre des chemins de fer qualifiés pour bénéficier de cette aide est relativement élevé, puisque seuls ceux qui ne servent essentiellement qu'au trafic local et à l'industrie hôtelière ne peuvent y prétendre; en revanche, les entreprises qu'on ne saurait considérer comme viables, n'entrent pas en ligne de compte. Citons à ce propos le passage suivant du message : « L'aide de la Confédération ne doit évidemment pas servir à maintenir artificiellement des exploitations affaiblies déjà à un point tel qu'elles auraient été vouées à la faillite même sans la survenance de la crise ».

Par cette oeuvre de secours, la Confédération s'est déjà intéressée au sort des chemins de fer privés, en considération de leur importance pour l'économie nationale, et ce avant même d'avoir envisagé sa participation à un redressement durable, à l'occasion de la reconstitution financière des chemins de fer fédéraux et à la suite des allégements prévus pour ceux-ci. Mais ni l'oeuvre de secours, ni les prêts d'électrification ne purent mettre un terme aux embarras financiers des
chemins de fer privés ; le problème actuel appelle donc une solution particulière.

II. LES DEMANDES DE' SECOURS Lorsque les déficits des chemins de fer fédéraux, devenus de plus en plus graves ces dernières années, eurent montré la nécessité inéluctable d'une intervention de l'Etat et qu'on eut commencé à parler de divers projets et propositions dans ce sens, les chemins de fer privés et les milieux intéressés attirèrent l'attention du public et spécialement de la Confédération sur leur situation également obérée, aux fins d'obtenir une aide financière.

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Ce fut d'abord l'union d'entreprises suisses de-transport qui exposa au Conseil fédéral le point de vue des chemins de fer privés.

Saisissant l'occasion que lui offrait l'arrêté fédéral autorisant certaines mesures extraordinaires et temporaires en vue de la réorganisation administrative et de l'assainissement financier des chemins de fer fédéraux (arrêté qui avait été muni de la clause d'urgence), ladite union vota la résolution suivante, dans son assemblée du 7 septembre 1934: «Les diverses mesures proposées pour assurer l'assainissement des chemins de fer fédéraux, en particulier l'arrêté fédéral d'urgence, ne doivent, en aucune manière, aggraver la situation actuelle des chemins de fer privés; l'indépendance future des chemins de fer fédéraux en matière économique et commerciale ne saurait non plus compliquer l'exploitation des chemins de fer privés ou leur faire subir un préjudice quelconque; les chemins de fer privés comptent, au contraire, que la réorganisation des chemins de fer fédéraux soit de nature à améliorer également leur situation. » Dans sa lettre du 17 septembre 1934 accompagnant cette résolution, l'union développa les deux points suivants: a. En allégeant les charges financières des chemins de fer fédéraux, on mettrait peut-être l'entreprise en mesure d'accorder immédiatement des réductions de tarifs que les chemins de fer privés devraient consentir également qu'ils le veuillent ou non, sans avoir les moyens de le faire; une telle obligation signifierait la ruine des entreprises privées, ruine qui pourrait être désastreuse pour des régions entières.

En outre, la réorganisation projetée pourrait donner aux chemins de fer fédéraux des prérogatives telles qu'il n'y ait plus possibilité, pour lès chemins de fer privés, de recourir à une autorité supérieure et impartiale en matière de partage du trafic, clauses de concurrence, tarifs et autres questions du même genre.

b. Eu égard à la répartition inégale des chemins de fer d'Etat et des lignes privées sur l'ensemble du pays, les autorités fédérales devraient envisager aussi l'octroi d'une aide aux entreprises privées, soit dans la même loi que les chemins de fer fédéraux, soit dans une loi parallèle ; pour les chemins de fer privés, c'est une question de vie ou de mort que d'être secourus comme notre entreprise nationale de transport.
Les craintes dont il est question sous lettre a ne semblent plus justifiées, si l'on considère l'évolution du problème des chemins de fer fédéraux et les projets de revision générale de la législation ferroviaire, projets dont la réalisation est prévue à bref délai. On sait que la situation financière des chemins de fer fédéraux s'est encore aggravée depuis 1934 et que la Confédération ne peut leur aider que dans une mesure restreinte. Même si l'aide des autorités aux chemins de fer fédéraux permettait d'envisager certaines facilités en matière de tarifs, il est peu vraisemblable que celles-ci soient de nature à acculer les chemins de fer privés à la ruine. Quant aux

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autres points touchés, notre projet de loi sur les chemins de fer fédéraux ne les traite pas ou n'énonce à leur égard que quelques principes, réglementation qui, en fait, ne préjuge rien et n'exclut pas pour l'avenir le maintien des dispositions mentionnées par l'union.

: En revanche, la question de l'appui financier en faveur des entreprises privées, posée sous lettre b, n'a pas encore été réglée. Elle est le véritable objet du présent message.

Nous fûmes en outre saisis d'un certain nombre de mémoires de gouvernements cantonaux où sont exposées les difficultés financières des chemins de fer privés auxquels les cantons, communes ou autres corporations de droit public avaient, durant des années, porté secours. Invoquant tantôt des motifs semblables tantôt des raisons particulières, ces gouvernements cantonaux prient la Confédération d'intervenir, soit en allégeant les charges des collectivités publiques, soit en allégeant celles des chemins de fer. Des requêtes dans ce sens furent présentées par les cantons de Berne, des Grisons et de St-Gall, dont il a déjà été question, ainsi que par les deux Appenzell, Thurgovie, Fribourg, Vaud et Neuchâtel.

Plusieurs chemins de fer privés nous ont adressé des demandes analogues, quand bien même, dans certains cas, les gouvernements cantonaux étaient déjà intervenus auprès de nous en leur faveur. Le principal motif .invoqué fut également la situation critique de ces entreprises.

Peu de chemins de fer se sont contentés de justifier une intervention de la Confédération par les embarras financiers dont ils ne peuvent sortir.

Généralement, leurs requêtes se fondent sur des arguments de nature fort diverse et sont longuement motivées. Ce serait étendre par trop notre exposé que de donner même un simple résumé de chaque demande. Un aperçu des principales raisons alléguées suffira pour éclairer en gros le problème.

Les cantons et les chemins de fer privés fondent notamment leurs revendications sur la façon dont on a appliqué l'article 3 de la loi du 23 décembre 1872 sur les chemins de fer et l'attitude adoptée par les autorités fédérales lors du rachat des principales lignes puis plus tard. Ils prétendent que la politique ferroviaire de la Confédération a engendré certaines inégalités et abandonné bien des choses au hasard. La Confédération aurait en particulier
dû mettre à profit la nationalisation pour créer un réseau national complet, selon des principes rationnels.

Il eût fallu racheter un plus grand nombre de chemins de fer; quant aux nouvelles constructions, est-il ajouté, la politique fédérale en matière de constructions, qui s'est limitée à quelques lignes seulement, n'a pas réalisé les espérances qu'elle avait fait naître. De cette façon, conclut-on, la Confédération a contraint les cantons à entreprendre ou favoriser avec leurs propres ressources l'établissement de chemins de fer coûteux.

Les requérants exposent ensuite que ces entreprises furent nécessaires,

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car, sans elles, des régions, de grande ou de faible étendue, auraient vu leur activité économique arrêtée dans son essor ou condamnée à décliner; ils estiment que la construction de ces chemins de fer privés était une nécessité et qu'il importe peu à cet égard que, dans certains cas, le rendement des capitaux engagés ait été d'emblée reconnu insuffisant. Les obligations des cantons en matière de chemins de fer, disentils, ont été très inégales, selon les lacunes laissées dans le réseau ferroviaire et selon l'empressement mis par les autorités cantonales à les combler. Ces charges, qui furent toujours très lourdes, sont devenues insupportables depuis que le rendement des chemins de fer privés a considérablement diminué et que les possibilités financières des cantons et communes sont sensiblement amoindries. La Confédération devrait donc considérer comme un devoir de réparer, au moins partiellement, les conséquences de ces anciennes omissions en consentant une aide équitable.

Aux termes de quelques requêtes, la Confédération serait tenue^de secourir les cantons dans la gêne, en vertu de l'article 2 de la constitution fédérale, qui lui assigne comme but d'« accroître la prospérité commune » des Confédérés ; il s'agirait, en somme, d'égaliser les charges financières des cantons et de la Confédération. Cette obligation découlerait sans autre dudit article constitutionnel, en liaison avec les omissions de cette dernière.

Les requêtes font en outre ressortir la place importante que les entreprises privées qui doivent être aidées occupent dans l'économie du pays ou dans des régions étendues de celui-ci. Tel est notamment le cas des demandes relatives à la compagnie des Alpes bernoises, aux chemins de fer rhétiques, à la ligne lac de Constance-Toggenbourg et à d'autres chemins de fer bernois.

Durant les années qui ont précédé la nationalisation, déclare-t-on aussi, plusieurs cantons sacrifièrent d'importantes sommes pour les chemins de fer, et quelques lignes du nord-est de la Suisse, d'intérêt purement local, furent rachetées simplement parce qu'elles faisaient partie du réseau du Nord-Est nationalisé en entier, alors que d'autres chemins de fer, plus importants, ne bénéficièrent pas de cet avantage. Certaines requêtes constatent que, pour quelques cantons, la moyenne des capitaux fédéraux engagés dans
les chemins de fer, calculée selon le nombre des habitants, est inférieure à celle de la Suisse ; on en tire la conclusion qu'une compensation serait justifiée sous forme d'un appui financier aux chemins de fer qui desservent les cantons dont il s'agit. Qu'un tel argument soit avancé surtout par des cantons dont le territoire n'est traversé par aucune ligne nationalisée n'étonnera personne.

Parmi les autres raisons invoquées, nous citerons encore les suivantes: Par ses lois sociales, telles que la loi sur la durée du travail, la Confédération a grevé les entreprises de transport de nouvelles charges financières; d'autre part, l'application de l'article 21 de la loi sur les tarifs des

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chemins de fer fédéraux, réglant le partage du trafic des marchandises en cas de concurrence avec les lignes privées, ne tient pas suffisamment compte des intérêts légitimes des chemins de fer privés ; les mesures prises par les chemins de fer fédéraux, notamment en matière de tarifs, de traitements et salaires, de cojouissance des gares communes, etc. eurent une répercussion inévitable, parfois fâcheuse, sur les administrations privées.

D'autres arguments enfin, s'appliquant au règlement des rapports financiers entre la Confédération et les chemins de fer fédéraux, sont repris en faveur des entreprises privées, savoir: les prestations extraordinaires accomplies pendant les années de guerre et qui n'auraient pas été intégralement payées, les indemnités postales aux chemins de fer principaux jugées insuffisantes, etc.

Peu nombreuses sont les requêtes qui sont conçues en termes généraux et n'articulent pas de chiffres; la plupart précisent les allégements sollicités.

La Confédération est invitée tantôt à renoncer à certains avoirs, tantôt à les transformer en participations. Cette catégorie de demandes se réfère à des secours financiers ou à des prêts d'électrification. Dans la plupart des cas, les requérants désirent que la Confédération assume de nouvelles prestations, soit en déchargeant les cantons des garanties d'intérêt sur les obligations appartenant à des tiers, soit en allouant des sommes à fonds perdu aux fins de payer les dettes flottantes ou de couvrir les déficits d'exploitation, soit enfin en rachetant des actions improductives détenues par les cantons. Une proposition prévoit que pour dégrever les cantons, leurs obligations de chemin de fer en souffrance seront transformées en actions privilégiées, puis reprises pai' la Confédération en échange d'obligations d'Etat. Tel requérant, qui n() donne pas de précision, demande à la Confédération de compenser équitablement, par un versement important taxé de « contribution minimum », les dépenses ferroviaires supportées dans le canton en cause, sans qu'on se préoccupe de savoir qui a fourni, à l'époque, les capitaux employés à l'établissement des chemins de fer.

Comme le montre ce bref exposé, il est impossible de réduire les diverses requêtes à un dénominateur commun et d'en chiffrer l'objet, avec quelque précision, par une somme
globale. Evaluées approximativement, les sommes réclamées s'élèvent à 200 millions de francs au moins. Si, dans quelques cas, on demande des prestations qui sont nettement à fonds perdu, il en est d'autres où l'aide sollicitée pourrait être octroyée sous forme d'un placement de capitaux. Dans la très grande majorité des cas, il s'agit cependant de sommes pour lesquelles, suivant l'avenir réservé à l'entreprise, un rendement ne paraît pas impossible. Il s'écoulerait toutefois un certain temps jusqu'à ce que ce rendement soit assuré et qu'on ait la possibilité d'amortir les sommes engagées; dans les circonstances présentes, ces participations financières devraient donc être considérées presque toutes comme de réels sacrifices de la Confédération; leur importance dépendrait encore des conditions auxquelles l'Etat se procurerait l'argent nécessaire.

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Nous n'avons pas l'intention d'exposer et d'apprécier ici tous les motifs invoqués dans ces requêtes et dont nous n'avons relaté que l'essentiel; il serait trop long de choisir les arguments qui peuvent être retenus en tout ou en partie et de réfuter les autres. Au reste, bon nombre de raisons alléguées ne s'appliquent qu'à des cas particuliers et sont sans intérêt pour l'étude de l'ensemble du problème. Celles, par contre, dont la portée est générale seront traitées brièvement au cours des développements qui suivent.

Ce bref aperçu des requêtes, qui doit suffire pour en donner une idée générale, montre combien il est difficile de trouver la solution de ce problème vaste et complexe.

Certes, on ne pourrait résoudre le problème dans ce qu'il a de général en se fondant uniquement sur les demandes présentées; il est nécessaire d'en mesurer toute la portée et de tenir compte des besoins de tous les chemins de fer intéressés, qu'ils aient présenté leur revendications directement ou par l'intermédiaire des gouvernements cantonaux, ou qu'ils n'en aient pas présenté du tout. D'ailleurs, les requêtes ne sauraient être appréciées toutes de la même manière, en raison de la diversité des points de vue auxquels on s'y est placé et des circonstances qui les ont dictées.

L'importance du problème dans son ensemble, sa portée et ses divers aspects doivent, au contraire, être déterminés par un examen approfondi, tout au moins des cas les plus typiques.

Le département des postes et des chemins de fer confia à une commission d'experts le soin d'éclairer le problème. Présidée par le Dr Herold, ancien directeur de la ligne lac de Constance-Toggenbourg, de la division des chemins de fer du département des postes et des chemins de fer et du IIIe arrondissement des chemins de fer fédéraux, la commission se compose en outre du professeur Volmar, de MM. Kesselring et Remy, tous directeurs de compagnies, et du professeur Marbach. Elle fut également chargée d'étudier la revision de notre législation ferroviaire.

Dans la mesure où son activité s'étendait au problème des chemins de fer privés, la commission eut principalement pour tâche de se prononcer sur le rôle et l'importance des compagnies et de déterminer leur situation.

Il fallut donc se renseigner tant sur la composition des groupes créanciers et les sacrifices
déjà consentis par la collectivité, que sur la viabilité des entreprises, en discernant celles qui sont réellement viables ou seulement menacées, d'avec celles qui doivent être éliminées. La commission dut enfin examiner les mesures propres à un redressement des chemins de fer obérés.

Au cours d'une série de séances préparées minutieusement par notre office des transports ou le président, la commission s'est efforcée de saisir le fond même des questions à résoudre. Elle crut pouvoir atteindre plus sûrement ce but en approfondissant certains cas isolés, ce qui lui permit de fixer quelques impressions générales, puis de poser des principes utiles

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4 la solution du problème dans son ensemble. Sans être arrivée au terme de ses études, la commission crut pouvoir élaborer un avant-projet de loi fondé sur les principes adoptés. C'est dans ce cadre légal que pourraient, selon elle, être traités les cas particuliers dont le règlement est déjà préparé jusqu'à un certain point.

Notre département des postes et des chemins de fer, qui fut régulièrement tenu au courant des travaux de la commission d'experts, estime, avec celle-ci, que le moment est venu de proposer aux chambres, sur la base des renseignements généraux déjà recueillis, une loi sur la participation de la Confédération au redressement financier des entreprises obérées de chemins de fer privés. En faisant nôtres ces considérations et en vous soumettant le projet ci-après à une époque où vous êtes également saisis d'un projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, nous soulignons comme il convient l'interdépendance des deux problèmes, à laquelle nous avons déjà fait allusion.

Il serait possible, en soi, de tenir compte du lien qui unit la réorganisation des chemins de fer fédéraux et le problème des entreprises privées en incorporant, à l'occasion de la réorganisation, un certain nombre de lignes privées dans le réseau d'Etat. Lors des travaux préliminaires, on est cependant parti de l'idée que, dans le cas où une suite favorable serait donnée aux diverses requêtes des cantons et des compagnies, il ne pourrait s'agir que d'une aide financière de la Confédération et non de la nationalisation des entreprises. Quelques cantons, il est vrai, ont envisagé la possibilité du rachat; ils n'en ont toutefois pas fait l'objet principal de leur requête, estimant vraisemblablement le moment mal choisi pour réaliser un tel voeu. Les chemins de fer fédéraux étant à la veille d'une reconstitution financière, il ne serait en effet pas opportun de compliquer ce problème, assez difficile en soi, en proposant d'étendre le réseau fédéral par la nationalisation de certaines lignes; cette question n'est du reste pas spécialement urgente. Même si des arguments probants militaient en faveur d'une telle opération, on se heurterait à des obstacles extraordinaires et quasi insurmontables: le choix des entreprises à racheter, la procédure à suivre pour la nationalisation et notamment la fixation du prix, constitueraient
autant de questions très difficiles. Or il est inutile de poser de nouveaux problèmes alors que la situation est déjà assez embrouillée. Quant au prix de rachat, on ne saurait, eu égard à la situation des entreprises, fixer un montant qui représente la valeur commerciale des lignes pour les chemins de fer fédéraux et donne en même temps pleine satisfaction aux créanciers des compagnies. Il faut donc renoncer à envisager aujourd'hui la nationalisation à côté ou en heu et place d'une aide financière. Au contraire, on doit réserver la question de la nationalisation, en veillant uniquement, pour l'instant, à ce que l'appui financier, tel qu'il est prévu, ne porte pas atteinte à la situation juridique de la Confédération dans le cas d'un rachat.

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Dans ces conditions, notre avis est que la nationalisation ne peut être la solution du problème des chemins de fer privés et que l'aide financière entre seule en considération. Le projet de loi est conçu dans ce sens.

Avant d'aborder l'examen détaillé dudit projet, nous croyons utile d'éclaircir certains points, dont quelques-uns furent touchés dans les requêtes, et de nous déterminer à leur sujet. Des raisons de fond et de forme justifient-elles la participation de la Confédération au redressement financier des chemins de fer privés ? Il faut avoir répondu affirmativement à ces deux questions pour envisager une loi dans ce sens. Un troisième point essentiel, c'est de déterminer ce que seront le montant de l'aide financière et le nombre des entreprises auxquelles la Confédération peut s'intéresser.

Les détails de la solution considérée devront être examinés en second lieu seulement.

III. LES ÉLÉMENTS ESSENTIELS DU PROBLÈME DE L'AIDE FINANCIÈRE I. La base constitutionnelle.

Comme nous l'avons déjà signalé, la Confédération s'était en principe abstenue de s'intéresser financièrement aux compagnies de chemins de fer.

Pour favoriser le développement des voies ferrées -- ce à quoi l'obligeait l'article 3 de la loi de 1872 sur les chemins de fer -- elle avait jugé suffisant d'interpréter et d'appliquer d'une manière libérale le droit en matière de concessions. En faisant une exception pour les voies traversant les Alpes, puis pour les chemins de fer rhétiques et la ligne des Alpes bernoises, elle n'abandonna pas pour autant la règle générale.

La Confédération doit-elle changer actuellement d'attitude à l'égard des compagnies de chemin de fer ? Avant d'examiner la justification matérielle d'un changement radical, il importe de rechercher sur quelle base constitutionnelle il pourrait se fonder.

La constitutionnalité d'une intervention fédérale au profit des chemins de fer privés fut examinée déjà lors de l'élaboration des arrêtés fédéraux qui apportèrent à la règle générale les dérogations susmentionnées. Ce fut notamment le cas lors de l'octroi de subventions aux chemins de fer rhétiques et à la ligne du Loetschberg. Les considérations invoquées à cette occasion paraissent également déterminantes pour la solution du problème actuel.

En proposant une première subvention aux chemins de fer rhétiques
(pour l'établissement de la ligne de PAlbula et du tronçon ReichenauIlanz), le Conseil fédéral s'était fondé sur l'article 23 de la constitution.

Il estimait qu'on pouvait se fonder sur cette disposition, attendu qu'il s'agissait d'un « subside » proprement dit et qu'une telle subvention se

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justifiait « par les conditions tout à fait exceptionnelles où se trouvent les Grisons et que la Confédération ne peut concourir au développement de nos chemins de fer que da;ns les limites de la loi sur le rachat ». Outre l'importance des lignes projetées, le Conseil fédéral avait considéré l'augmentation du trafic dont bénéficieraient les lignes d'accès des chemins de fer fédéraux conduisant à Coire. La deuxième subvention accordée aux chemins de fer rhétiques (pour les lignes Bevers-Schulz et Ilanz-Disentis) s'appuie également sur ledit article 23. On considéra en effet que l'établissement de la ligne en Basse-Engadine répondait à une nécessité d'ordre national du fait de la' situation géographique et économique de la vallée et que la compagnie n'était pas en mesure de s'en charger seule. Les mêmes arguments furent invoqués pour le chemin de fer du Loetschberg. « Des raisons d'intérêt économique et politique, ainsi que des raisons d'équité et de bienveillance, ont déterminé la Confédération à subventionner des entreprises ou des travaux ayant un caractère de haute utilité générale, exigeant un grand effort financier, et à faire application du principe posé dans l'article 23 de la constitution. » On voyait dans le Loetschberg une entreprise d'utilité générale et une précieuse ligne d'accès au Simplon. Le Conseil fédéral avait en outre relevé son importance du point de vue militaire et l'heureuse influence qu'il était appelé à exercer sur l'économie de plusieurs cantons.

L'Assemblée fédérale a fait siennes ces considérations relatives à la base constitutionnelle de l'intervention fédérale. Que la ligne du Loetschberg ait reçu une subvention proprement dite, alors que les chemins de fer rhétiques durent délivrer des actions de 2e rang en échange, cela ne modifie en rien le principe. Il en est de même du fait que certaines contreprestations des intéressés ont permis à la Confédération de se montrer plus large à leur égard.

Quant à la forme, notons que, dans les trois cas en question, les prestations de la Confédération étaient expressément prévues en faveur des compagnies ; on apprécia ainsi la légitimité d'une contribution uniquement d'après la situation de l'entreprise. Dans un cas, la Confédération devint sociétaire des chemins de fer rhétiques ; dans un autre, la compagnie du Loetschberg fut
désignée, dans le texte légal, comme bénéficiaire de la subvention.

Du point de vue constitutionnel, il n'est pas non plus indifférent que l'appui sollicité soit accordé aux entreprises de chemin de fer ou aux cantons intéressés. Dans leurs requêtes, les gouvernements cantonaux mentionnent leurs propres charges ferroviaires. Sans se préoccuper de savoir qui a également fourni des fonds aux entreprises obérées, ils requièrent un allégement pour eux-mêmes. Nous ne croyons pas que ce soit là le terrain indiqué pour la coopération fédérale. Si l'on veut envisager une aide, il vaut mieux en faire bénéficier les compagnies de chemins de fer dans la gêne, en tant qu'« entreprises publiques ». En définitive, c'est d'elles qu'il faut se préoccuper, comme on le fit dans les cas signalés; c'est elles qui doivent être

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consolidées eu égard à tous les services qu'on leur demande dans l'intérêt général. Et cet appui est nécessaire, car leurs moyens sont sensiblement amoindris par suite de leurs finances toujours plus précaires et du fait que leurs anciens bailleurs de fonds -- qui sont souvent les cantons -- ne sont plus en mesure de supporter les sacrifices déjà consentis et encore moins d'en faire de plus grands. Certes, le résultat pratique pourra être plus ou moins le même, que la Confédération vienne en aide aux entreprises obérées ou qu'elle dégrève les cantons qui assument des charges en leur faveur.

Mais nous pensons que la forme a précisément ici une importance essentielle.

La nécessité et la légitimité d'un appui dépendra uniquement des circonstances propres à l'entreprise, savoir: la place qu'elle occupe dans la vie économique du pays et le degré de ses difficultés financières.

Si les mesures projetées devaient être considérées comme une aide aux cantons, en raison de leurs charges ferroviaires, le problème serait déplacé et en même temps élargi. Les difficultés financières des cantons peuvent, certes, provenir des compagnies de chemin de fer auxquelles ils se sont intéressés sous une forme ou sous une autre et motiver une demande de secours à la Confédération; notons cependant que les cantons peuvent être aux prises avec des difficultés tout aussi grandes du fait d'autres circonstances encore. Si le problème de la participation de la Confédération au redressement financier des chemins de fer devait trouver sa solution dans un dégrèvement des cantons, on créerait un précédent qui pourrait être invoqué pour d'autres cas. On se placerait alors sur le terrain général de l'équilibre des finances de la Confédération et des cantons. L'oeuvre envisagée ne saurait être ainsi détournée de son but.

Nous sommes d'avis qu'une intervention de la Confédération ne peut être fondée sur l'article 2 de la constitution. Même si l'on invoquait cette disposition pour des considérations pratiques, il faudrait au moins le faire en liaison avec d'autres articles constitutionnels, car elle ne fait naître aucun droit à elle seule.

Nous proposons donc de fonder uniquement sur les articles 26 et 23 de la constitution les mesures que la Confédération pourrait prendre en faveur des chemins de fer privés.

L'article 26, selon
lequel la législation sur la construction et l'exploitation dés chemins de fer relève de la Confédération, peut, d'après la règle in majore minus, autoriser une intervention financière de l'Etat. Si la Confédération est compétente pour légiférer dans un domaine déterminé, elle doit pouvoir également, dans le même domaine, édicter des lois octroyant des appuis financiers. C'est ainsi qu'on a considéré que l'article 25 de la constitution permet d'allouer des subsides en matière de pêche et de chasse.

L'article 23, en vertu duquel furent accordés des subsides aux chemins de fer rhétiques et à la ligne du Loetschberg peut aussi, c'est certain, être

802 invoqué en l'occurrence comme base constitutionnelle. Nous nous conformons en cela aux précédents créés.

L'article 23 correspond à l'article 21 de la constitution de 1848; il a servi plusieurs fois de base à une intervention fédérale en faveur des chemins de fer. Comme on le sait, il autorise la Confédération à ordonner à ses frais ou encourager par des subsides les travaux publics qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays. Dans son message du 7 avril 1851, qui envisageait la construction des chemins de fer par l'Etat, le Conseil fédéral s'était déjà appuyé sur ledit article 21 pour proposer une coopération financière de la Confédération et des cantons. Il est hors de doute qu'à ce moment l'article en cause visait surtout l'établissement des chemins de fer. Se fondant sur cette disposition, les chambres avaient chargé le Conseil fédéral de leur soumettre le plan d'un réseau général de chemins de fer et des propositions concernant la part que devait prendre la Confédération dans l'établissement des chemins de fer suisses. Le droit d'entreprendre des constructions publiques impliquait aussi celui de les acquérir.

La disposition constitutionnelle qui, dès 1874, devint l'article 23, fut donc aussi invoquée comme base pour la nationalisation des chemins de fer.

Cet article, qui a permis la création de tout un réseau fédéral, peut donc aussi, selon le même principe in majore minus, servir de fondement à la participation de la Confédération au redressement financier des chemins de fer privés.

Des raisons historiques justifient donc pleinement le choix de l'article 23.

D'autres cas antérieurs montrent en outre que cette disposition doit être interprétée non au pied de la lettre mais d'une façon large. Rapprochée de l'article 26, elle peut être considérée, par les esprits les plus critiques, comme base constitutionnelle de l'aide envisagée.

Il est utile de relever qu'en invoquant l'article 23, on limite le champ d'application de la loi projetée aux seuls chemins de fer qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays. L'intervention de la Confédération n'étant prévue, comme nous le dirons dans la suite, qu'en faveur des principales lignes privées et non de l'ensemble des chemins de fer, nos intentions sont donc conformes au sens dudit article.

2. L'intervention de
la Confédération; sa justification.

A. Les intéressés ont-ils droit à une aide au sens strict du terme ?

Quelques requérants et autres intéressés à une aide de la Confédération en faveur des chemins de fer privés prétendent que ces entreprises obérées y ont droit au sens strict du terme ; en accordant l'aide demandée, la Confédération réparerait des omissions antérieures. Si ce droit pouvait être établi, il serait aisé de justifier l'oeuvre de secours. Tout au plus pourraiton encore se demander: pour quel motif la Confédération n'est-elle intervenue plus tôt ? et pourquoi ce problème s'est-il posé précisément à l'époque

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où l'on s'occupe de l'assainissement des chemins de fer fédéraux ? Quoi qu'il en soit, cet argument de première importance mérite d'être examiné à la lumière des explications fournies dans les requêtes et compte tenu de toutes autres considérations.

Il faut déterminer tout d'abord si l'importance économique des chemins de fer privés, due à l'application libérale du droit de concession, et l'utilité reconnue de ces entreprises les autorisent à revendiquer une aide fédérale dans leur situation critique.

L'importance des chemins de fer privés dans l'économie nationaledécoule du seul fait qu'ils constituent une partie intégrante du réseau suisse. Sans les lignes privées, ou tout au moins sans la plupart d'entre elles, notre réseau ne serait pas complet et n'offrirait de loin pas les avantages actuels. Dans notre message à l'appui d'un projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, nous avons relevé déjà que plusieurs lignes privées, dont quelques-unes comptent parmi les plus obérées, occupent, à côté deschemins de fer fédéraux, une telle place dans l'économie suisse qu'on ne saurait guère s'en passer. Si plusieurs lignes privées servent essentiellement au trafic local et constituent des voies de jonction avec le réseau d'Etat ou avec un autre chemin de fer privé plus important, il en est aussi, certes, qui intéressent une partie considérable du pays et jouent un rôle marquant dans l'économie nationale; peu importe, à cet égard, que ces voies ferrées soient en concurrence avec les chemins de fer fédéraux ou non.

Il ne faut donc pas méconnaître l'importance des chemins de fer privés du point de vue de l'économie nationale. Chacune de ces lignes, même l'a plus modeste, était évidemment destinée, lors de son établissement,, à jouer un rôle économique. Si plusieurs entreprises ne visèrent qu'un, but très restreint (par exemple : donner un certain essor à une vallée latérale ou rendre un sommet accessible aux touristes), d'autres chemins de fer privés intéressèrent une région étendue, voire l'ensemble du pays.

Les lignes privées ont généralement conservé leur place dans l'économie nationale, malgré les changements que quelques-unes subirent dans leurs conditions d'existence. Il importe peu à cet égard que l'une ou l'autre, à l'instar de chaque entreprise industrielle, ait été d'emblée exposée au.
risque d'un ébranlement dû à des circonstances extérieures et que, comparée aux prévisions ou aux expériences des premières années, leur importance ait subi de notables variations. Pour quelques chemins de fer privés, le résultat répondit aux espoirs fondés sur eux et parfois même les surpassa. Pour d'autres, en revanche, les prévisions se révélèrent trop optimistes; quelquefois, le but visé se modifia avec le temps ou disparut complètement. Les expériences que l'on fit donnèrent alors lieu à des déconvenues. Dans certains cas, on mit en doute l'utilité de la voie ferrée,, et l'on alla même jusqu'à considérer comme une faute d'avoir établi une ligne dont le maintien ne semblait guère indiqué ou même ne se jus-

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tifiait plus. Nonobstant ces cas particuliers, l'importance des chemins de fer privés demeura intacte en principe.

On ne saurait arriver à une conclusion différente en considérant les changements qu'apporta, au détriment des chemins de fer privés, le développement de l'automobile. Certes, les difficultés financières de quelques entreprises furent, de ce fait, sensiblement aggravées; plusieurs lignes, dont l'établissement avait paru justifié, virent leur viabilité mise en doute ou contestée. Mais l'utilité des chemins de fer privés du point de vue de l'économie générale n'a pas changé pour autant.

On ne saurait non plus contester la portée économique de ces entreprises en alléguant que la plupart d'entre elles rentrent dans la catégorie des lignes secondaires. Il existe toute une gamme de ces lignes. Et il est incontestable que quelques chemins de fer privés -- juridiquement principaux ou secondaires -- sont plus utiles au pays que certains tronçons nationalisés.

La Confédération reconnut aux lignes privées actuelles une certaine importance économique, puisque, lors de leur établissement, elle les traita sur le même pied que les autres chemins de fer rachetés par la suite. Aucune distinction ne fut faite dans les dispositions des concessions: la Confédération s'était fixé comme règle de favoriser également le développement de toutes les entreprises concédées, en appliquant dans un esprit libéral les dispositions en matière de concession.

Il est donc hors de doute que les chemins de fer privés jouent effectivement le rôle important que la Confédération leur a reconnu au moment de l'octroi des concessions. On n'est toutefois pas fondé à en déduire que les entreprises de transport obérées aient le droit d'exiger une aide des autorités fédérales.

C'est là une conséquence des principes -- déjà exposés plus d'une fois -- dont la Confédération s'est toujours inspirée dans ses rapports avec les chemins de fer. Aucun chemin de fer suisse n'a jamais pu faire valoir un droit à la nationalisation, quelle que fût la place qu'il occupât dans l'économie du pays. Pour aucune ligne concédée, on n'a pu, lors de son établissement, avoir l'assurance qu'elle serait un jour rachetée. La Confédération s'est toujours réservé le droit de rachat dans les concessions (sous certaines conditions, ce droit fut également
reconnu aux cantons), mais elle ne s'est jamais engagée d'emblée à nationaliser un chemin de fer. Sa liberté n'a pas été entravée à cet égard. Cette situation subsiste actuellement, l'ancien droit de concession ayant été maintenu sans changement après la nationalisation. Nous avons signalé déjà que les conditions dans lesquelles eut lieu le rachat de certaines lignes ne créent aucun droit quelconque pour les chemins de fer restés privés. Ces entreprises ont aussi peu le droit d'exiger une aide de la Confédération en cas de difficultés financières que celui de demander leur nationalisation.

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On ne peut non plus fonder juridiquement des revendications sur le simple fait que la Confédération aurait renoncé à établir elle-même les chemins de fer en cause et aurait laissé ce soin à des compagnies (qui bénéficièrent souvent d'une large coopération des cantons et des communes).

Il n'est notamment pas juste de dire que certaines omissions justifieraient aujourd'hui un dédommagement. Des circonstances extérieures -- par, exemple, le nombre des habitants -- n'ont jamais fondé pour une région' quelconque le droit de réclamer l'établissement de chemins de fer; celui-ci a toujours été la résultante naturelle du libre jeu des forces économiques.

Aucune contrée n'a eu non plus le droit d'exiger que la Confédération construise des voies ferrées. L'Etat a gardé au contraire toute liberté d'orienter sa politique des chemins de fer comme il l'entendait, dans les.

limites de l'article 3 de la loi du 23 décembre 1872.

Les entreprises de transport ne peuvent pas non plus établir une obligation de la Confédération sur des dispositions légales relatives aux chemins de fer en général ou à certaines catégories d'entre eux. On ne saurait, par exemple, prétendre que la Confédération soit tenue d'indemniser ces entreprises en raison des lois sociales dont l'Etat leur a imposé l'observation. L'Etat avait le droit et aussi le devoir d'édicter certaines lois; telles que la loi sur la durée du travail et celle sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, et ces lois devaient s'appliquer également aux chemins de fer privés. Elles ont été établies régulièrement et ont de plein droit force obligatoire.

Les compagnies ne peuvent non plus prétendre à une aide fédérale en se fondant sur des prescriptions de portée économique édictées par la Confédération et intéressant directement ou indirectement ses chemins de fer. Ainsi, les prescriptions sur les traitements et salaires contenues dans la loi sur le statut des fonctionnaires ne peuvent servir à justifier des revendications de chemins de fer privés appuyées sur des prétentions émises par leur personnel ensuite de cette réglementation.

On ne saurait non plus établir aucun droit en alléguant que, par leurs tarifs, les chemins de fer fédéraux ont restreint la liberté des entreprises privées dans ce domaine et les ont contraintes à des sacrifices qu'on aurait dû
leur épargner. L'unité tarifaire assurée entre les chemins de fer fédéraux et un grand nombre de compagnies -- d'entente, du reste, avec l'autorité de surveillance -- n'est pas seulement dans l'intérêt de l'économie publique mais aussi dans celui des chemins de fer privés eux-mêmes. Lorsque ces entreprises ne purent se suffire avec le barème des chemins de fer fédéraux, elles furent autorisées à prendre des mesures spéciales, notamment à modifier le mode de calcul des distances. Enfin, si la situation des chemins de fer privés n'est pas meilleure, ils ne doivent pas en accuser la Confédération. Leurs difficultés financières sont dues à la situation générale, à la concurrence des chemins de fer entre eux et, depuis ces dernières années, à l'essor de l'automobile.

Feuille fédérale. 89e année. Vol. I.

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806 La loi du 27 juin 1901 concernant les tarifs des chemins de fer fédéraux, en tant qu'elle règle les cas de concurrence avec les lignes privées dans le trafic des marchandises, ne peut pas davantage justifier les revendications des entreprises privées envers la Confédération. Son article 21 a pour but d'assurer un partage du trafic. Il constitue un compromis protégeant les chemins de fer fédéraux contre l'application de tarifs de concurrence sur des voies privées plus courtes et garantissant un certain trafic aux entreprises privées. Il présente peut-être tous les inconvénients d'un compromis. Par cette disposition, le législateur a néanmoins, dans les limites de sa compétence, établi la base juridique d'une telle répartition du trafic. Pour empêcher toute interprétation arbitraire, il a en outre chargé le Conseil fédéral de trancher les cas de contestation, sous réserve de recours à l'Assemblée fédérale. La loi garantit expressément le maintien de l'état de choses antérieur pour les chemins de fer privés existant avant sa promulgation. On ne saurait donc invoquer aujourd'hui une disposition en vigueur depuis 35 ans pour fonder des prétentions d'indemnité envers la Confédération. Nous ne mentionnerons pas ici les nombreuses divergences d'opinions que suscita l'application de cette disposition légale et les longues délibérations qu'il fallut mener à chef pour aboutir peu à peu à un état d'équilibre. Relevons, en revanche, que les chemins de fer qui se réclament spécialement de cet article ne furent construits qu'après sa mise en vigueur. Les compagnies savaient donc d'emblée à quoi s'en tenir à cet égard.

Telles sont les principales considérations invoquées dans plusieurs requêtes cantonales pour justifier les prétentions des chemins de fer envers la Confédération, tenue, à leur avis, de remédier à la situation critique actuelle. A nos yeux, ces raisons ne sont pas concluantes, et l'on ne saurait non plus en apporter d'autres dans le même sens. Si nous ne devions nous fonder que sur des motifs d'ordre strictement juridique, nous ne pourrions guère justifier une aide aux entreprises de transport en difficulté.

D'aucuns ont estimé que ces raisons, et d'autres du même genre, pourraient, le cas échéant, déterminer la Confédération à se rendre aux voeux des requérants pour des motifs d'équité. Ces
motifs sont, à notre avis, les seuls qui puissent amener les autorités à donner suite à ces voeux.

B. La justification fondée sur des raisons d'équité.

Certains ont déjà avancé la raison d'équité pour justifier une intervention de la Confédération en faveur des chemins de fer privés, eu égard au rôle que ces entreprises jouent effectivement dans l'économie du pays.

Nous n'avons pas omis de traiter ce point en examinant si, juridiquement, la Confédération est tenue de venir en aide aux chemins de fer obérés.

Mais un tel argument ne suffit pas, en soi, à établir un droit ni même à justifier complètement une intervention fondée sur l'équité. Il ne faut

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pas oublier que, dès leur établissement, tous les chemins de fer eurent une tâche bien déterminée -- qu'ils remplirent régulièrement durant des années -- et que la Confédération s'est toujours abstenue de s'intéresser financièrement à eux ou de leur prêter secours en cas de difficultés. La nationalisation n'a pas non plus préjugé la question d'une intervention.

Son seul but avait été d'introduire une nouvelle forme d'exploitation, et l'on n'avait nullement songé au rachat d'une ligne quelconque, eu égard à son importance économique, aux seules fins de secourir une compagnie ou de favoriser une région déterminée.

En revanche, l'importance économique des chemins de fer privés prend toute sa signification et devient décisive quand on considère que l'évolution des résultats d'exploitation des chemins de fer fédéraux exige un régime nouveau entre la Confédération et le réseau national.

Les cantons intéressés, qui n'ont d'ailleurs pas manqué de faire une remarque dans ce sens, demandent pourquoi la Confédération ne s'occuperait pas du sort des lignes privées dès l'instant qu'elle prend des mesures pour le redressement financier des chemins de fer fédéraux, livrés jusqu'ici à eux-mêmes. S'agissant dans l'un et l'autre cas de services publics, les requérants estiment que la même attitude se justifie, en principe, envers ces deux catégories d'entreprises également en difficulté.

C'est certainement cette considération qui pourrait déterminer la Confédération, pour des raisons d'équité, à examiner avec bienveillance les requêtes présentées en faveur des chemins de fer privés, la situation critique des deux genres d'entreprises ayant la même origine.

Si, pour obéir à ces considérations d'équité, on se fonde sur le lien qui existe entre le redressement financier des chemins de fer fédéraux assuré par la Confédération et l'aide fédérale en faveur des lignes privées, on voit la possibilité de soulager indirectement ceux qui ont financé ces lignes. Parmi les chemins de fer privés qui jouent un rôle de premier plan dans le pays ou pour une partie importante de la population, on trouve surtout des entreprises auxquelles les pouvoirs publics ont dû s'intéresser financièrement en raison du montant fort élevé des frais d'établissement.

Dans ces cas, une aide de la Confédération destinée à assainir la situation
de ces entreprises n'est pas seulement une question vitale pour celles-ci; elle est aussi le moyen indirect d'assurer l'équilibre financier des collectivités publiques qui ont fourni les fonds.

Si, comme nous venons de le faire, on rapproche l'assainissement des chemins de fer fédéraux et la participation de l'Etat au redressement financier des entreprises privées, on est amené à conclure que, dans ce cas, l'intervention de la Confédération ne doit pas sortir d'un cadre nettement délimité. En accordant un appui financier aux chemins de fer fédéraux, la Confédération s'occupe d'un réseau créé selon la volonté du législateur d'après des ' considérations déterminées. Il importe dès'lors que

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l'Etat limite sur la base des mêmes principes le nombre des chemins de fer privés à secourir et procède à un choix judicieux. Nous ne pouvons donc proclamer sans réserve que des raisons d'équité justifient une intervention de la Confédération en faveur des chemins de fer privés ; il est, au contraire, de toute importance d'opérer un choix parmi ceux-ci. Ce choix sera l'objet du chapitre suivant.

3. Les limites de l'aide fédérale.

L'aide fédérale envisagée en faveur des chemins de fer privés doit être limitée. La Confédération ne saurait en aucun cas envisager une distribution générale de subventions pour permettre à ces entreprises d'améliorer leur bilan et les assurer à jamais contre toutes les formes de l'adversité; en agissant ainsi, elle outrepasserait largement les limites raisonnables qui s'imposent dans une oeuvre de ce genre. D'ailleurs, les ressources restreintes dont elle dispose lui interdiraient de telles prodigalités.

Admettons pour un instant que la Confédération puisse ne pas tenir compte de l'extrême diversité que présente l'importance économique des différents chemins de fer privés. Force est alors de constater que, même dans cette hypothèse, il serait impossible de trouver pour l'oeuvre de secours une formule unique, applicable à l'ensemble des cas. Ce qui pourrait paraître le plus indiqué, ce serait de se fonder sur l'examen comparatif des comptes et des bilans annuels des compagnies. A considérer les choses de plus près, on voit cependant qu'il serait vain d'en vouloir tirer une appréciation uniforme et objective. Certes, nos diverses compagnies de chemins de fer sont tenues d'établir leurs comptes selon une formule prescrite, et il ne faut pas méconnaître l'utilité d'un examen comparatif des chiffres. Mais ces données n'offrent pas, par elles-mêmes, un aperçu exact de la situation réelle d'une entreprise et de ses ressources. Il est nécessaire de s'arrêter encore à d'autres considérations. Mentionnons à cet égard : la composition des capitaux, répartis en fonds propres et fonds prêtés; les mesures de redressement financier que certaines compagnies ont déjà prises et l'effet qu'elles ont eues sur le bilan; les différences dans les disponibilités financières des entreprises ; la possibilité de recourir à des tiers pour trouver un appui et assurer l'existence de l'entreprise; les moyens divers qui permettent de faire face aux renouvellements inévitables ; enfin les différences existant dans l'administration des divers chemins de fer et moyens dont ceux-ci disposent pour se tirer d'affaire par eux-mêmes. N'oublions pas non plus que les comptes ne font pas ressortir certaines obligations des compagnies, telles que la couverture du déficit des caisses de pensions et de secours du personnel; en outre, un
bilan équilibré ne prouve pas nécessairement que l'état du fonds de renouvellement suffit réellement à assurer la marche normale de l'entreprise. Les comptes, par eux-mêmes, ne donnent

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donc pas une idée complète et sûre de la situation d'une entreprise. Dans ces conditions, on conçoit aisément que l'examen comparatif des comptes de diverses compagnies ne permette guère de trouver une formule générale pour l'aide envisagée. Cet examen ne donnerait aucun résultat pratique. La Confédération risquerait sûrement de dépasser les limites assignées à son oeuvre et, suivant les circonstances, de ne pouvoir intervenir là où son aide s'imposerait dans l'intérêt de la collectivité.

Ses ressources étant insuffisantes, l'Etat ne peut songer à secourir tous les chemins de fer privés. Nous avons néanmoins décidé de réserver pour la reconstitution financière de ces chemins de fer une somme de 5 millions de francs par an à prélever sur les ressources mises à disposition par le IIe programme financier. Il était entendu que ce montant serait assuré même lorsque ledit programme aurait été remplacé par d'autres dispositions. Nous reparlerons de cette somme, considérée comme un maximum en raison de la situation financière de la Confédération. Même s'il était possible, cçntre toute attente, d'augmenter légèrement ce chiffre ou si les circonstances exigeaient plus tard impérieusement cette augmentation, on serait loin de pouvoir remettre à flot tous les chemins de fer privés qui.sont dans la gêne, et cela même si les cantons coopéraient dans une mesure équitable à l'oeuvre de renflouement. En dispersant ses moyens, la Confédération compromettrait le résultat de son action. C'est pourquoi unej grande retenue s'impose à cet égard.

Ce ne sont pas là les seuls motifs qui obligent la Confédération à limiter son oeuvre de secours. Sans vouloir blâmer qui que ce soit, relevons à ce propos qu'un grand nombre de chemins de fer privés ne sont plus guère viables et que quelques-uns ne le sont même plus du tout. Il s'agit soit de lignes dont l'établissement devait être considéré dès le début comme une erreur, soit d'entreprises dont les conditions d'existence se sont aggravées peu à peu. Il importe plus que jamais de souligner cette constatation et d'en tirer les conséquences qui s'imposent. Dans le projet de loi sur les chemins de fer fédéraux, nous avons tenu compte d'une circonstance analogue en prévoyant la possibilité de supprimer l'exploitation de certains tronçons du réseau national. Aux termes de l'avant-projet
de nouvelle loi sur les chemins de fer, le Conseil fédéral est de même autorisé à supprimer l'exploitation de lignes concédées lorsque les frais qu'entraîné le maintien de l'exploitation ne sont justifiés par aucun besoin suffisant ou lorsque l'entreprise n'est pas en mesure de continuer l'exploitation par suite de difficultés financières persistantes. La Confédération agirait à l'encontre des règles d'une sage économie si elle contribuait à maintenir artificiellement de telles exploitations et si, aux anciennes pertes, elle ajoutait de nouveaux montants, qui seraient malheureusement irrécouvrables. Il ne lui appartient pas de s'opposer à une évolution normale ; si des tiers ont un intérêt particulier à ces exploitations, ils devront s'en charger eux-mêmes et supporter les conséquences de l'opération.

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La loi fédérale sur l'introduction de la traction électrique et les arrêtés fédéraux relatifs à un secours aux entreprises de transport en difficulté, dont il a déjà été question ici, prévoient, de même, l'octroi d'un appui financier à une catégorie déterminée de chemins de fer. Comme nous l'avons déjà relevé, l'oeuvre que nous envisageons aujourd'hui poursuit un autre but que les mesures dont il vient d'être question, inspirées d'ailleurs de considérations étrangères au cas qui nous occupe. Nous pouvons retenir le principe du choix à opérer entre les entreprises, mais devons régler d'une manière indépendante les détails de l'application.

Pour établir les règles de cette sélection, il est indiqué -- nous l'avons signalé au chapitre précédent -- d'opérer un rapprochement entre l'aide aux lignes privées et la coopération de la Confédération au redressement financier des chemins de fer fédéraux. Nous estimons, à cet égard, que cette aide doit se borner aux chemins de fer dont on aurait pu envisager la construction ou le rachat par l'Etat, selon la politique traditionnelle et eu égard à leur importance. Ces voies ferrées sont désignées à l'article 1er de la loi de 1897 sur le rachat: ce sont les lignes « qui, à raison de leur importance économique ou stratégique, intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays ». Estimant que l'intervention de la Confédération doit être réservée à ces mêmes chemins de fer, nous avons repris cette définition à l'article 1er de notre projet de loi. Nous n'envisageons par là que les entreprises auxquelles des intérêts vraiment importants sont attachés. Chaque chemin de fer n'intéresse-t-il pas plus ou moins le pays ? Sinon il n'aurait pas sa raison d'être. L'essentiel, c'est donc l'importance de ces intérêts et l'étendue des régions touchées.

Délimiter ainsi le cercle des chemins de fer qui peuvent être secourus, c'est aussi prescrire que, dans chaque cas particulier, il faudra examiner l'ensemble des circonstances pour déterminer si une entreprise répond aux conditions posées. Nous croyons qu'on serait mal inspiré en procédant à une énumération dans la loi ou en y posant des conditions plus précises ; ce mode de faire ne faciliterait guère l'appréciation objective des diverses circonstances. Toute règle stricte compromettrait le résultat cherché. C'est par
une interprétation consciencieuse qu'on évitera des décisions arbitraires ou des injustices. Les principaux chemins de fer privés (Loetschberg, chemins de fer rhétiques, lac de Constance-Toggenbourg, BerneNeuchâtel) remplissent sans aucun doute les conditions légales. Il en est de même de plusieurs autres lignes privées qui, comme le Montreux-Oberland bernois, servent à un trafic régional et constituent en même temps un tronçon des principales lignes suisses de transit. En revanche, l'appréciation sera plus difficile lorsqu'il s'agira des entreprises de moindre importance. On sera forcé d'adapter le montant de l'aide fédérale aux circonstances, notamment .dans les cas-limite, où les conditions requises sont remplies de façon plus ou moins évidente. Si ces principes sont appliqués, le nombre des entreprises qui bénéficieront de l'aide de la Confédé-

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ration sera relativement faible. Si l'on considère l'importance des capitaux engagés, on voit, en revanche, que la grande majorité des intérêts seront sauvegardés.

La Confédération devra subordonner à certaines conditions sa participation au redressement financier des chemins de fer entrant en considération. Elle devra notamment astreindre ces entreprises à de sérieuses mesures d'assainissement et exiger des cantons intéressés qu'ils collaborent dans une mesure équitable à l'oeuvre de secours. Nous nous réservons de revenir, lors de l'examen détaillé du projet de loi, sur ces points essentiels, que nous nous bornons, pour l'instant, à signaler. Ici aussi, la loi ne peut fixer qu'un cadre général. Les circonstances accusent une trop grande diversité pour qu'il soit possible d'entrer dans les détails et d'établir une règle uniforme; également ici, une trop grande rigidité serait nuisible.

Notre formule est donc : aide financière de la Confédération subordonnée à la condition que les entreprises prennent elles-mêmes de sérieuses mesures d'assainissement et fassent également, avec les cantons intéressés, certains sacrifices. Il y a antinomie entre cette formule et la solution de ceux qui voudraient que la Confédération assure seule tous les droits des créanciers des entreprises, dégrevant ainsi les cantons et les communes des charges qu'ils ont assumées. On trouve des considérations dans ce sens dans les requêtes de certains cantons, qui déclarent qu'ils ne veulent plus supporter de nouveaux sacrifices dans ce domaine et que la collectivité devrait maintenant intervenir.

En discutant cette manière d'envisager les choses, nous n'insisterons pas sur le fait qu'elle se fonde par trop sur le principe de la répartition des charges financières entre la Confédération et les cantons, ce qui est déjà une raison suffisante de faire certaines réserves. Ceux qui défendent cette manière de voir ne s'arrêtent pas aux questions primordiales que soulève la justification de l'aide fédérale ni au fait que les circonstances -- nous l'avons dit clairement -- commandent une grande retenue. On oublie trop, à cet égard, les conséquences qu'auraient à supporter les chemins de fer privés exclus du bénéfice de la loi et leurs créanciers. Quelques entreprises seraient assainies sur le compte de la collectivité, alors que les
autres pèseraient comme par le passé sur ceux qui les ont secourues jusqu'ici.

En raisonnant de la sorte, on omet aussi de considérer que les autorités qui financèrent les chemins de fer amortirent très différemment ces dépenses au cours des années. Du point de vue comptable, plusieurs compagnies sont dans une situation plus favorable que d'autres, et la seule raison en est que l'aide de leurs créanciers les a dégrevées depuis longtemps de charges qu'elles n'auraient pu supporter à la longue. En raison de l'insécurité des fonds engagés dans les entreprises de chemins de fer, certains cantons ont imposé, dans leur propre intérêt comme dans celui des entreprises elles-mêmes, l'exécution d'un plan strict d'amortissements. Doivent-

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ils aujourd'hui supporter les conséquences des négligences commises par d'autres ? On aboutirait à ce résultat si l'on voulait secourir les entreprises obérées dans une mesure garantissant pleinement les droits des créanciers. Notons enfin que plusieurs chemins de fer qui appartiennent actuellement au réseau national essuyèrent avant leur rachat des revers, imposant ainsi à leurs anciens propriétaires et créanciers -- c'est-à-dire fréquemment aux cantons et aux communes -- de lourds sacrifices dont ceux-ci restèrent finalement grevés. En raison de cette circonstance également, l'oeuvre envisagée ne doit pas dépasser des limites raisonnables.

En cherchant à éviter des inégalités, on en crée facilement de nouvelles et peut-être de plus grandes encore.

Nous avons signalé déjà que la Confédération est dans une situation financière qui lui interdit de songer à une aide dont le résultat serait d'assurer pleinement les droits des créanciers. Il est bon de souligner que d'autres motifs importants s'opposeraient à une telle mesure, même si les ressources ne faisaient pas défaut. Plus que jamais, il faut agir avec prudence et réserve. C'est la seule attitude sage. Il serait très regrettable que des prétentions exagérées remissent en discussion la justification économique de l'aide à l'un ou l'autre des chemins de fer en question.

De telles discussions ne modifieraient pas l'état de choses actuel; elles ne seraient donc d'aucune utilité et ne feraient que compliquer un problème déjà bien assez difficile.

Il est presque superflu de prévenir la population des régions intéressées que non seulement l'aide de la Confédération ne pourra empêcher totalement les pertes d'intérêts des cantons créanciers, mais qu'on ne saurait non plus se fonder sur elle pour réclamer une baisse générale des tarifs, ramenant ceux-ci au niveau de ceux des chemins de fer fédéraux ou à un niveau voisin.

C'est, là aussi, demander l'impossible. L'oeuvre de secours ne crée pas les conditions permettant de remplir de tels voeux. Si l'on tentait, à cette occasion, d'égaliser les tarifs, on ne ferait qu'atténuer certaines inégalités pour en créer de nouvelles. Et nous ne parlons pas des frais. Même dans le réseau des chemins de fer fédéraux, les tarifs ne sont pas uniformes, certains tronçons étant calculés sur la base des distances du
tarif et non selon leur longueur effective. Les chemins de fer privés, qu'ils soient ou non régis par l'article 1er de notre projet de loi, ont aussi des tarifs présentant des différences considérables. Comme toute différence de prix, qu'il s'agisse de produits ou de prestations, elles ont leur raison d'être. La Confédération sortirait de son rôle en imposant ici une revision systématique. Un chemin de fer privé peut être appelé à envisager une réduction de ses tarifs en raison de la concurrence de l'automobile. La reconstitution financière d'une entreprise, dans le cadre de la procédure que nous avons prévue, devra tenir compte, suivant les circonstances, de ce facteur, qui relève de la réglementation générale des rapports entre le rail et la route. Mais il s'agit là d'une mesure toute différente, qui, certes, est loin d'avoir la

813 portée d'un abaissement général des tarifs dans le sens d'une adaptation aussi complète que possible au barème des chemins de fer fédéraux. Nous ne pouvons nous étendre davantage sur ce point, si important soit-il.

Les explications qui précèdent montrent, semble-t-il, à l'évidence qu'un choix des entreprises bénéficiaires s'imposera et que la Confédération devra agir avec réserve, et prudence dans ses interventions en faveur des chemins de fer auxquels elle aura décidé de venir en aide.

On a reproché au principe du choix à opérer entre les chemins de fer d'avoir pour effet que les petites entreprises et leurs créanciers seront injustement abandonnés à leur sort. Nous objecterons d'abord que la restriction que s'est imposée la Confédération dans son intervention en faveur des autres chemins de fer atténuera cette inégalité. En outre, les déficits sont si importants que l'aide prévue ne facilitera que partiellement la reconstitution financière des entreprises secourues. Nonobstant la participation fédérale, les créanciers de ces chemins de fer, notamment les cantons, devront également contribuer pour une large part à l'assainissement, soit par de nouvelles prestations, soit en renonçant à des droits.

L'intervention de la Confédération permettra de dégrever sérieusement les entreprises en cause; et cependant, l'aide étant forcément limitée, quelques chemins de fer ne seront pas hors de soucis et verront peut-être leurs espoirs déçus.

La solution proposée ne doit pas entraver le redressement financier des entreprises de moindre importance. Elles ne pourront bénéficier de l'aide fédérale ; mais il appartiendra aux créanciers, spécialement aux cantons et corporations de droit public intéressés, d'intervenir, en tant qu'ils ne l'auront pas encore fait ou qu'une nouvelle intervention s'imposera.

On devra parfois tabler sur la coopération des mêmes cantons et corporations qui, grâce à la participation de la Confédération au redressement financier de certains chemins de fer, bénéficieront d'un sérieux dégrèvement.

Ces collectivités devront, avec le temps, assurer une partie importante de cet allégement en n'assumant qu'avec retenue de nouveaux engagements. L'allégement obtenu leur permettra cependant une intervention limitée dans d'autres cas où une aide sera nécessaire. Ainsi, l'aide fédérale
prévue par notre loi pourra profiter indirectement aux entreprises auxquelles la loi n'est pas applicable, et un certain équilibre s'établira de soimême. Il ne saurait toutefois être question, cela va de soi, d'assurer un traitement absolument uniforme à toutes les entreprises. On peut cependant être certain que, même dans les limites prévues, l'aide fédérale permettra de résoudre une partie très importante du problème général.

On n'insistera d'ailleurs jamais assez sur le fait qu'en dispersant hâtivement les moyens disponibles, on risque de compromettre le succès de l'intervention fédérale lorsqu'elle s'impose dans l'intérêt de la Suisse ou d'une partie considérable du pays.

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Cet état de choses, dont il faut en tout cas tenir compte, exige que la loi fasse une distinction nette entre les entreprises directement visées et les autres. Certains milieux qui s'attendent peut-être à une oeuvre de secours toute différente ne manqueront pas d'éprouver une déconvenue; mais la Confédération ne saurait satisfaire chacun, car il est des circonstances contre lesquelles la meilleure volonté est impuissante.

Nous envisageons, néanmoins, un moyen de coopérer à l'assainissement des chemins de fer privés qui, en principe, ne sont pas compris dans la ·définition de l'article 1er. On sait que les petites entreprises de chemins de fer sont très nombreuses et que, souvent, plusieurs compagnies indépendantes assurent le trafic d'une seule et même région économique. Le même but pourrait être atteint souvent plus facilement et plus économiquement par une compagnie seule, plus grande. Pour des raisons que nous nous dispenserons d'examiner ici, les petits chemins de fer privés ont rarement fusionné. Cependant, les fusions seraient souvent heureuses et devraient être facilitées, notamment à une époque où l'on doit s'efforcer, dans le domaine économique, de tirer parti de chaque possibilité. Nous estimons que la loi proposée sera utile à cet égard. Rien ne doit s'opposer à son application dans les cas de fusion de plusieurs chemins de fer obérés dont aucun ne remplit par lui seul les conditions requises à l'article 1er; il faudra toutefois qu'ils puissent constituer une entreprise qui réponde auxdites conditions et offre des avantages certains et importants pour l'exploitation. Cette perspective entraînera peut-être de semblables opérations, qui, pour être profitables, devront être étudiées minutieusement.

Même si, en raison du caractère de ces entreprises, la disposition en cause devait rarement être appliquée, nous estimons utile de l'introduire dans notre projet.

La Confédération ne peut, selon nous, envisager aucune autre possibilité de participer sous forme de prestations directes au dégrèvement et au redressement financier des chemins de fer privés qui ne sont pas visés à l'article 1er. Nous ne négligerons cependant aucune occasion de tenir compte, dans la mesure du possible, de leurs intérêts particuliers.

Les entreprises de moindre importance bénéficieront surtout de la revision de la
législation ferroviaire, qui, notamment, assouplira les anciennes prescriptions. Elle leur permettra d'opérer des simplifications et des économies dans l'exploitation. L'autorité de surveillance sera en mesure d'accorder plus facilement aux chemins de fer obérés des allégements pour l'exécution des obligations, parfois lourdes, que leur imposent la loi et les concessions. Leurs conditions d'existence devront également être améliorées, en tant que des dispositions légales ne permettent pas encore de prendre les mesures voulues. Un premier résultat a été atteint par les réductions des taux d'intérêt et d'amortissement consenties dernièrement aux administrations et chemins de fer qui avaient obtenu des prêts pour

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l'introduction de la traction électrique. On pourra également, le cas échéant, faciliter le remboursement des prêts fédéraux encore en souffrance, accordés aux compagnies durant les années d'après-guerre, ce qui permettra aux débiteurs de purger leur bilan des déficits faits à l'époque.

Il se peut, en outre, que de sérieuses améliorations d'ordre technique amènent de notables avantages financiers, tout en étant utiles aux régions desservies, et qu'on puisse de la sorte assurer « une exploitation plus économique » comme on s'était attaché à le faire lors de l'introduction de la traction électrique. Notons, à ce propos, l'emploi de moteurs Diesel pour les trains et les bateaux, le rajeunissement d'anciennes installations électriques ou autres, etc. Ces réformes décisives ne peuvent souvent pas être opérées par les chemins de fer seuls, leurs ressources ne suffisant pas. Elles peuvent cependant se faire si les autorités prêtent leur aide.

Les entreprises qui seront mises au bénéfice de la loi pourront compter sur un appui semblable. Lorsque des mesures techniques de cet ordre sont de nature à améliorer considérablement la situation financière des entreprises en cause, on pourra sans autre en tenir compte dans le plan de redressement et exiger de la compagnie qu'elle utilise une partie de l'aide fédérale pour exécuter ces réformes. Ne peut-on envisager une disposition analogue en faveur des entreprises de chemins de fer ou de navigation qui ne sont pas visées à l'article 1er du projet de loi ? Momentanément, la Confédération peut intervenir dans ces cas, grâce au fonds destiné à créer des possibilités de travail. Elle devra cependant examiner l'opportunité de nouvelles dispositions légales, semblables à la loi fédérale du 2 octobre 1919 qui facilita l'introduction de la traction électrique sur les chemins de fer privés avec l'aide de la Confédération et des cantons.

C'est là une question qui reste encore ouverte.

Enfin, il sera probablement nécessaire -- nous l'avons déjà dit -- de proroger pour une certaine durée l'arrêté fédéral du 13 avril 1933. instituant une aide en faveur des entreprises privées de chemin de fer et de navigation dont l'exploitation est compromise par la crise, arrêté qui cessera d'excercer son effet à fin 1937. On sait qu'ü est destiné à permettre aux entreprises considérées
comme viables en temps normal de couvrir au moins les déficits d'exploitation lorsque, par suite de la crise, les recettes disponibles ne suffisent pas. Comme la crise économique et, partant, les difficultés financières de ces entreprises de transport subsistent encore, il sera indiqué de prolonger également cette oeuvre de secours.

4. Les fonds nécessaires et leur provenance.

Nous avons déjà déclaré qu'il est impossible de secourir les compagnies dans une mesure telle que les créanciers -- même s'il s'agit uniquement de collectivités publiques -- soient exonérés à peu près complètement des risques courus et des sacrifices consentis jusqu'ici. Comme il s'agit

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surtout dé réduire les engagements de la compagnie à un niveau qui soit supportable pour elle, les créanciers devront supporter eux-mêmes les pertes résultant de l'opération, avant que les collectivités publiques en assument une partie sous forme d'aide financière. Par la nature des choses, cette aide sera forcément limitée.

Pour déterminer le montant total des secours, il faut naturellement tenir compte aussi bien du but visé que des ressources limitées de la Confédération.

L'aide envisagée est destinée à mettre les entreprises en mesure de se suffire à l'avenir, grâce à un redressement financier impliquant des sacrifices sérieux des cantons et des compagnies elles-mêmes. Ainsi que nous l'avons dit, on a déjà fait un premier examen approfondi des cas entrant en considération. Il n'existe cependant pas encore de plans de redressement définitifs permettant de déterminer les montants nécessaires. Il serait prématuré d'élucider maintenant ce côté du problème, si désirable que puisse être par ailleurs un tel calcul. On devra entamer au préalable des discussions avec les compagnies et leurs créanciers. Mais ces pourparlers ne pourront être engagés avant qu'on ait l'assurance que la Confédération est prête à intervenir et qu'on sache dans quelle mesure elle interviendra. Le reste dépend de cette décision de principe. Grâce à un examen provisoire des principaux cas où des secours sont demandés, nous pouvons toutefois évaluer avec quelque précision le montant qui sera nécessaire pour obtenir à peu près le résultat désiré.

Les ressources à affecter à l'oeuvre de secours doivent-elles être prévues dans une loi qui en déterminerait le montant annuel ? Ce mode de procéder offrirait l'inconvénient de ne pas tenir suffisamment compte des exigences telles qu'elles se présenteront et pourrait susciter des objections quant à la forme. Dans presque tous les cas où la Confédération participera au redressement financier de chemins de fer privés, il s'agira vraisemblablement de versements uniques à opérer lors du redressement; autrement dit, on devra disposer de l'ensemble des ressources dans un temps relativement court. Il sera donc plus sûr et plus judicieux de déterminer la participation de la Confédération sous la forme d'un montant maximum.

En vous proposant de fixer ce chiffre à 150 millions de francs au
maximum, nous estimons qu'il permettra d'atteindre le but, à la condition qu'il en soit fait un usage économe et rationnel. On fera d'ailleurs bien de ne pas épuiser d'emblée ce crédit, car il faut disposer d'une certaine réserve pour les cas nouveaux et des besoins inattendus. Cela sera d'autant plus possible si l'amélioration constatée, ces derniers mois dans l'exploitation des chemins de fer privés se poursuit et si l'on est fondé à ne plus envisager l'avenir avec le pessimisme qui se justifiait récemment encore.

Mais il ne faudrait pas croire non plus que l'accroissement des recettes soit tel qu'on puisse renoncer à l'oeuvre de secours ou douter de sa nécessité.

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Seule · l'étendue de l'aide pourra varier, mais le principe, lui, subsistera.

Nous mettrons tout en oeuvre pour ne pas dépasser le maximum prévu et n'accorder dans chaque cas que le strict nécessaire.

Nous tenons en outre à souligner une fois de plus -- et cette considération l'emporte sur toutes les autres -- que la situation difficile des finances fédérales s'oppose impérieusement à ce qu'on exige trop de la Confédération. Nous voulons dire par là que les charges de la Confédération deviendraient insupportables si elles dépassaient une certaine mesure. C'est pourquoi le chiffre de 150 millions de francs doit être considéré, à notre avis, comme un maximum qui ne devra pas être dépassé, même en vue d'agir utilement. On est d'autant plus fondé à «nvisager les choses de cette façon que cette somme considérable permettra de secourir efficacement les entreprises de transport.

Dès l'entrée en vigueur de la loi, le Conseil fédéral devra donc disposer d^un crédit total de 150 millions de francs au maximum, sur lequel seront prélevées toutes les dépenses et prestations de la Confédération. L'article 52, 1er alinéa, du programme financier de 1936 prévoit que « la moitié du produit des mesures prescrites alimentera un fonds destiné à l'amortissement des charges financières qui incombent à la Confédération comme propriétaire des chemins de fer fédéraux et du fait de ses prestations et dépenses en faveur des entreprises privées de chemins de fer et de navigation».

Une somme de 35 083 295 francs fut misé en réserve au cours de l'année 1936 en vertu de cette disposition; selon le budget de 1937, un nouveau montant de 31 450 000 francs pourra être porté à ce compte. Aux termes de l'article 52, 4e alinéa, du programme financier, « les prélèvements sur le fonds seront soumis à l'approbation de l'Assemblée fédérale ». Nous vous proposons de prélever pour chacune des années 1936 et 1937 un montant fixe de 5 millions de francs qui serait mis à notre disposition en faveur du crédit ouvert. Comme il se peut que l'application des mesures fiscales nécessaires ces dernières années doive être prolongée, un montant annuel de 5 millions devrait être prélevé sur ce fonds aussi longtemps qu'il sera alimenté. Le solde du crédit grèvera le compte capital.

L'avance du compte capital pourrait figurer dans le compte d'administration
de l'année d'entrée en vigueur de la loi. Il serait aussi possible de porter régulièrement les dépenses sur le compte d'administration de chaque exercice. Nous ne vous proposons cependant ni l'une ni l'autre de ces mesures, car nous désirons maintenir la clarté du budget et la stabilité du compte d'administration. Ce que nous envisageons, c'est d'amortir conformément à un plan, en 60 ans, la part du crédit qui n'aurait pas été fourni par le fonds d'assainissement des chemins de fer. Seules les quotes annuelles d'amortissement, qui devront être uniformes, figureraient au budget et au compte d'administration.

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Grâce au mode d'intervention choisi (nous y reviendrons en commentant les dispositions de la loi), il se pourrait, dans certaines conditions, que les participations fédérales bénificient d'un rendement. Dans ce cas, les sommes obtenues seraient acquises à la caisse fédérale et ne devraient pas accroître le crédit de 150 millions, mais l'amortir.

IV. LE PROJET DE LOI Observations préliminaires.

Les explications qui précèdent auront montré, croyons-nous, que la meilleure solution est d'établir une brève loi-cadre, dépouillée de toutes les dispositions de détail qui pourraient entraver son application; celle-ci doit être souple et s'adapter aux particularités des divers cas.

Nous pensons que le titre de la loi -- dût-il être un peu long -- doit faire ressortir le principal but visé, soit la participation de la Confédération au redressement financier d'entreprises obérées de chemins de fer privés.

On pourra toujours citer la loi d'une manière abrégée, en disant par exemple « loi sur l'aide aux chemins de fer privés ».

Nous nous sommes déjà exprimés, dans la partie générale, sur la base constitutionnelle adoptée. Rappelons seulement qu'en nous fondant sur les deux articles 23 et 26 de la constitution, nous croyons avoir écarté tout doute quant à la constitutionnalité de la loi.

Les divers articles du projet sont commentés ci-après, en tant qu'ils ne l'ont pas été déjà dans l'exposé général.

Ad art. 1.

Le 1er alinéa de cet article pose le principe de la participation de la Confédération au redressement financier d'entreprises obérées de chemins de fer privés, et limite en même temps son champ d'application. Dans la partie générale, nous avons indiqué pour quels motifs l'aide est limitée aux entreprises de chemins de fer qui, en raison de leur importance économique ou stratégique, intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays; nous n'y reviendrons pas. Rappelons seulement que cette limitation est dictée par la liaison entre les mesures de secours envisagées et l'assainissement des chemins de fer fédéraux. Elle est en outre en harmonie avec l'article 23 de la constitution, sur lequel est fondé notre projet de loi.

Le 2e alinéa fixe à 150 millions de francs le crédit maximum ouvert au Conseil fédéral pour accomplir l'oeuvre de secours. Nous avons déjà donné des explications sur ce point.

Ad art. 2.

Le 1er alinéa de cet article prévoit que le crédit mentionné à l'article précédent doit être avancé par le compte capital de la Confédération, sous

819 réserve des dispositions qui suivent. L'amortissement sera effectué selon un plan à établir. Nous estimons cette clause indispensable, car elle écarte tout doute à ce sujet. Pour les détails, nous nous permettons de renvoyer à l'exposé concernant les fonds nécessaires.

Nous avons déjà indiqué pour quel motif nous envisageons de prélever la partie disponible du fonds constitué en vertu de l'article 52, 1er alinéa, du programme financier de 1936. Cette part s'élève à 10 millions de franca pour les années 1936 et 1937. Telle est la mesure prévue au 2e alinéa. Après 1937, il pourra être prélevé également un montant annuel de 5 millions de francs, au cas où ledit fonds serait alimenté de nouveau selon des décision* spéciales. Ces sommes prélevées annuellement ne devront pas être amorties puisqu'elles auront grevé déjà le compte d'administration. Nous pouvons nous passer de plus amples commentaires, cette question ayant déjà été traitée.

Nos explications relatives à la nature de la participation fédérale (art. 4) montrent que la Confédération pourra secourir des entreprises obérées en renonçant à des droits dérivés de prêts consentis antérieurement, en reprenant des actions de compagnies assainies, en octroyant des subventions, en allouant des prêts destinés à maintenir les exploitations compromises, etc.

Suivant les circonstances, il n'est pas impossible que l'aide fédérale ait un certain rendement sous forme d'intérêts ou -de dividendes. Ceux-ci devront revenir à la caisse fédérale afin de renforcer les amortissements.

Cette disposition figure au 3e alinéa de l'article; il y est spécifié en même temps que ces produits ne pourront servir à accroître le crédit fixé. Le montant maximum de ce crédit ne devra pas être dépassé, quel que soit le rendement.

Ad art. 3.

La structure générale de la loi laisse une large part à l'interprétation; il est néanmoins nécessaire d'empêcher une application arbitraire du texte légal en déterminant le sens de l'expression « entreprise obérée de façon durable ».

Une telle définition est indispensable aussi du fait que l'article 3 de l'arrêté fédéral du 13 avril 1933 instituant une aide en faveur de certaines entreprises de transport réserve également l'appui financier aux compagnies « eh difficulté », expression qui n'a pas exactement la même portée que le terme
employé dans notre projet de loi.

Une entreprise est obérée, au sens de notre projet de loi, lorsqu'il est à prévoir que, les dépenses d'exploitation couvertes et les amortissements, industriels opérés suivant les principes d'une sage économie, « l'excédent des recettes demeurera inférieur dans une mesure considérable et de façon durable au montant des intérêts des dettes ». En revanche, une entreprise réputée saine qui, en temps normal, a été en mesure de remplir aisément tous ses engagements et a pu encore, le plus souvent, constituer des réserves

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ou renter son capital-actions ne pourra être mise au bénéfice de la loi, même si, depuis peu de temps, elle se trouve dans l'incapacité d'assurer le service de tous ses intérêts. Elle a la possibilité d'obtenir par la voie légale un dégrèvement momentané et peut espérer, le plus souvent, que sa situation s'améliorera rapidement avec la reprise des affaires. Par contre, une entreprise est obérée de façon durable au sens du projet de loi lorsqu'elle n'a pu se suffire que difficilement en temps normal et n'a guère l'espoir de recouvrer sa situation antérieure si peu brillante qu'elle ait été. Il en est de même des entreprises qui ont connu autrefois une certaine prospérité mais qui, selon toutes prévisions, ne pourront plus se remettre de la crise actuelle pour retrouver leur situation d'antan, ensuite des changements intervenus ces dernières années dans le trafic en général et notamment du fait de l'essor de l'automobile.

La Confédération ne peut toutefois pas s'intéresser aux compagnies qui, tout en remplissant les conditions requises à l'article 1er, sont dans une situation à tel point critique que leur redressement financier est impossible. Il en est ainsi notamment des entreprises qui n'ont aucune chance de mettre un terme à leurs déficits d'exploitation. Ce serait gaspiller les deniers publics que de tenter une restauration financière dans de telles conditions. La loi ne peut prendre en considération des entreprises dont la situation est irrémédiablement compromise.

Avec l'application de la loi, il s'établira une certaine pratique qui permettra de déterminer les entreprises à considérer comme « obérées de façon durable ». Les expériences qu'on a acquises jusqu'à ce jour en examinant des cas concrets prouvent qu'on ne rencontrera guère de difficultés à cet égard.

Ad art. 4.

Après avoir indiqué à l'article 1er quelles entreprises pourront compter sur une participation de la Confédération à leur redressement financier, nous prévoyons, à l'article 4, qu'il appartiendra au Conseil fédéral de prendre les décisions particulières, dans les limites tracées.

Le Conseil fédéral décidera tout d'abord si l'entreprise qui sollicite l'aide peut être mise au bénéfice des mesures prévues dans la loi. 11 procédera à cet examen préliminaire en s'appuyant sur les articles 1er et 3: L'entreprise requérante devra, d'une part, remplir les conditions légales quant à son importance économique ou stratégique et, d'autre part, établir qu'elle est obérée de façon durable. Le Conseil fédéral se prononcera ensuite librement, en tenant compte des circonstances et des besoins particuliers à chaque cas. Comme il est le mieux placé pour statuer de façon rapide et judicieuse, il n'est pas indiqué de confier cette tâche à une autre autorité.

On ne pourrait guère énumérer dans la loi toutes les entreprises visées; il serait d'ailleurs difficile d'établir une telle liste d'entente avec les divers

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intéressés. On ne peut non plus préjuger ainsi l'avenir et susciter des espoirs qui ne se justifieraient peut-être pas, au vu des expériences et enquêtes ultérieures. Les circonstances et les besoins particuliers peuvent aussi varier plus ou moins avec le temps.

Lorsque le Conseil fédéral aura estimé que la loi est applicable à une entreprise, il devra se renseigner de façon précise sur sa situation financière, en vue de déterminer la gravité des difficultés, ainsi que leur origine. Il devra examiner en outre les possibilités d'assainissement, qui pourront consister soit dans l'amélioration des conditions extérieures de l'entreprise, soit dans des mesures de rationalisation, des simplifications ou des économies. L'examen portera aussi sur le fonds de renouvellement et les amortissements, afin qu'il soit établi s'ils répondent aux besoins réels ou s'ils sont insuffisants. On déterminera également les disponibilités de l'entreprise.

Il importera en outre de savoir d'où provient le capital (de particuliers,, de cantons, de communes ou d'autres corporations ou établissements de droit public) et de connaître l'importance des prestations accomplies par les intéressés en vue du maintien du chemin de fer. Un examen approfondi de la situation et des possibilités de développement d'une entreprise permettra de fixer la voie à suivre pour son assainissement, ainsi que les moyens nécessaires à cet effet. Comme nous l'indiquons dans notre commentaire à l'article 7, des experts seront appelés à se prononcer sur ces différents points. S'inspirant de leurs propositions, le Conseil fédéral déterminera, pour chaque cas, la nature et l'étendue de la participation.

La nature de l'intervention fédérale variera avec le plan de reconstitution qui sera toujours imposé à la compagnie.

Dans la plupart des cas, l'assainissement impliquera la nécessité de réduire dans une certaine mesure les engagements de l'entreprise ou de les supprimer et de remplacer les titres annulés par des actions privilégiées.

Les collectivités publiques qui sont créancières de la compagnie en cause seront tout particulièrement touchées par cette opération. C'est alors que la Confédération procurera à l'entreprise les moyens d'indemniser partiellement ces créanciers des pertes subies. Le Conseil fédéral jugera aussi, suivant les circonstances
particulières, s'il est indiqué d'accorder sans autre une subvention à la compagnie ou d'exiger d'elle des actions privilégiées en échange de l'aide fédérale. Il décidera, dans chaque cas, s'il est opportun de recourir au marché des capitaux pour se procurer, par voie d'emprunts, les sommes qu'il allouera aux compagnies -- ce sera généralement sa façon se procéder -- ou s'il est préférable de délivrer aux requérants des obligations de la Confédération. Il y aura lieu de veiller à ce qu'une pareille manière de procéder n'ait pas pour effet d'augmenter, aux dépens de l'Etat, la valeur des obligations d'entreprises obérées, car tel n'est pas le but de l'oeuvre de secours. En pratique, il n'en sera guère ainsi, étant donnée la manière dont les obligations sont réparties.

Feuille fédérale. 89e année. Vol. I.

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II existera des cas plus défavorables encore : le capital-obligations pourra être perdu en fait et sur le point d'être amorti ou transformé en actions.

Pour pouvoir maintenir l'exploitation, l'entreprise devra néanmoins être mise en mesure de procéder aux renouvellements nécessaires au moment où ils deviendront inévitables. Dans ce cas, la Confédération ne s'occupera plus en première ligne des créanciers de la compagnie, même s'il s'agit de corporations de droit public ; son principal souci sera de sauver le chemin de fer lui-même et de garantir la sécurité de l'exploitation. En d'autres termes, les prestations allouées à l'entreprise seront destinées avant tout à renforcer le fonds de renouvellement.

Ces exemples ne constituent, d'ailleurs, que des indications et non une énumération limitative de tous les cas possibles.

Avant d'imposer à la Confédération de nouveaux sacrifices en faveur d'une entreprise obérée, le Conseil fédéral examinera dans quelle mesure il peut lui venir en aide en la libérant de ses anciens engagements envers la Confédération.

Le Conseil fédéral devra déterminer non seulement la nature de l'aide mais aussi son étendue. Nous avons commenté déjà ce point en traçant le cercle des entreprises qui pourront bénéficier d'un secours et fixant le montant total prévu pour ces mesures. L'étendue de l'appui financier dépendra de la gravité des difficultés avec lesquelles la compagnie en cause est aux prises, comparativement aux autres cas d'intervention fédérale. Elle dépendra aussi de la place qu'occupé le chemin de fer dans l'ensemble du réseau suisse et de la possibilité d'une intervention de tiers en faveur de l'entreprise et de l'effet attendu des réformes imposées. On devra donc s'en remettre notamment à la libre appréciation du Conseil fédéral, qui s'efforcera de trouver une solution aussi équitable que possible en tenant compte de toutes les circonstances de chaque cas particulier, Dans ces conditions, il est nécessaire de prévoir une disposition (2e alinéa) qui donne à la Confédération toute liberté de subordonner son intervention aux conditions qu'elle jugera indiquées.

Il s'agira de mesures de tout genre qui devront être prises par la compagnie et que le Conseil fédéral aura considérées comme indispensables à l'assainissement envisagé. Elles seront d'ordre administratif,
financier ou technique ; autrement dit, elles pourront concerner toute la sphère d'activité de l'entreprise. Si la Confédération s'intéresse au sort d'un chemin de fer privé, elle doit pouvoir subordonner son aide aux conditions qu'elle jugera le plus propres à améliorer la situation future de la compagnie. Ces conditions auront parfois une grande portée. Nous songeons notamment à assurer autant que possible l'avenir d'une entreprise par les mesures suivantes: augmentation des versements au fonds de renouvellement ou des amortissements, simplifications administratives permettant de faire des économies, fusion ou exploitation commune d'entreprises en vue d'une

82â administration plus économique et plus rationnelle, création de communautés1 d'intérêts avec d'autres entreprises de transport, améliorations d'ordre technique destinées à accroître le trafic ou à diminuer les dépenses, etc.

Dans chaque cas se posera la question suivante : la Confédération doitelle se faire représenter au sein de l'administration de la compagnie en cause ou désigner des commissaires aux fins de sauvegarder certains intérêts ?

Aux termes des dispositions quelque peu désuètes de la loi fédérale du 28 juin 1895 concernant le droit de vote des actionnaires des compagnies de chemins de fer et la participation de l'Etat à l'administration de ces dernières, la.

Confédération et les cantons ont le droit de désigner quelques membres de l'administration des « compagnies par actions qui ont pour objet la construction et l'exploitation de chemins de fer ayant une longueur exploitée de 100 kilomètres au moins ». Le Conseil fédéral est en outre « autorisé à soumettre d'autres compagnies de chemins de fer à ces dispositions ».

Cette clause n'a plus une grande portée, et cela pour différentes raisons; le fait que, depuis le rachat, il existe peu d'entreprises de cette importance en est une. L'expérience a montré aussi que les représentants de la Confédération dans l'administration des chemins de fer privés n'ont jamais eu une influence prépondérante. Si nous réservons cette faculté, grâce aux termes très généraux de l'article 4, il n'est pas dit que nous en fassions grand usage. Il en est de même, à fortiori, d'une collaboration éventuelle des représentants fédéraux à la direction (comité administratif ou directeur, etc.) de ces entreprises. La Confédération n'a nullement l'intention d'instituer une sorte de direction supérieure, qui n'aurait sans doute qu'une responsabilité extérieure, mais aucun droit proprement dit; aussi n'envisagera-t-elle guère des conditions ou des interventions de ce genre.

En revanche, les commissaires qui pourront être désignés, le cas échéant, pour un but déterminé seront considérés comme des représentants de la Confédération et ne seront pas tenus d'assumer une part des responsabilités.

D'une façon générale, nous comptons cependant que les compagnies assainies avec l'aide des pouvoirs publics seront administrées de telle façon qu'une nouvelle intervention de
la Confédération sera superflue.

Ad arti 5.

Une des dispositions essentielles du projet est celle qui prévoit que la participation de la Confédération au redressement financier d'une entreprise présuppose le concours des cantons intéressés. Nous considérons une telle collaboration comme une condition à laquelle on ne saurait renoncer en pareil cas. Nous ne pourrions notamment nous rallier à l'opinion suivant laquelle l'oeuvre envisagée devrait s'accomplir sans le concours des cantons, ceux-ci ayant à s'occuper des chemins de fer de moindre importance, tandis que la Confédération serait tenue d'intervenir seule en faveur des grandes entreprises.

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Chaque fois que la Confédération a accordé une aide aux chemins de fer privés, la coopération des cantons a été considérée comme une condition sine qua non de sa participation. C'est ainsi que les prêts d'électrification ont toujours été consentis sous la réserve que les cantons assumeraient, le cas échéant avec le concours des communes, une charge égale. Les arrêtés fédéraux de 1918 et 1933 instituant une aide financière ont prescrit également la coopération des cantons. L'arrêté de 1918 prévoyait simplement une répartition par moitié entre la Confédération et les cantons. Mais cette disposition s'est révélée trop rigide et a empêché de faire la distinction voulue entre les chemins de fer d'importance diverse. Tout en sauvegardant l'idée d'une collaboration des cantons à l'aide fédérale, l'arrêté de 1933 a prévu, en conséquence, qu'il serait possible de déroger par voie de convention au principe du partage par moitié.

Si le concours des cantons s'impose également en l'occurrence, nous estimons équitable de donner une certaine souplesse à cette condition.

N'oublions pas que les compagnies qui bénéficieront de l'aide fédérale ont déjà fait appel aux cantons, communes et autres corporations ou établissements de droit public ; au nombre de ces établissements, on trouve les banques cantonales, qui ont avancé aux compagnies des sommes parfois considérables. Les prestations des banques cantonales qui ne sont pas des établissements d'Etat au sens propre du terme méritent la même considération. C'est notamment en raison de ces divers engagements en faveur des chemins de fer que les intéressés sollicitèrent l'intervention des autorités fédérales. Certains cantons éprouvent le besoin urgent d'être dégrevés de lourdes charges ferroviaires; on ne saurait guère exiger d'eux qu'ils participent à l'oeuvre de redressement dans la même mesure que ceux qui se sont montrés très réservés jusqu'ici dans leurs prestations en faveur des entreprises de transport et spécialement des chemins de fer. D'autre part, une répartition égale des charges résultant d'un redressement financier ne se justifiera pas pour les entreprises qui, tout en remplissant les conditions fixées à l'article 1er du projet, servent principalement au trafic régional et n'intéressent pas l'ensemble du pays; dans ces cas, les cantons devront participer
plus largement que la Confédération.

Nous avons donc prévu que -le"Conseil fédéral fixera dans chaque cas la part des cantons, qui comprendra celle des communes et d'autres intéressés. Il la déterminera selon sa libre appréciation et en tenant compte des diverses circonstances. La participation cantonale sera au moins égale à celle de la Confédération, la possibilité d'exiger davantage des cantons n'étant pas exclue d'emblée. Eu égard aux circonstances particulières de cette oeuvre de secours, nous avons posé cependant pour principe que les prestations faites précédemment par le canton en faveur de l'entreprise seront équitablement portées en compte, l'autorité fédérale appréciant en toute liberté chaque cas particulier.

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Nous avons relevé déjà, à ce propos, qu'il n'est pas à craindre que l'application d'un tel principe permette aux cantons intéressés de tirer un profit injustifié de la situation. En raison des ressources limitées dont disposera la Confédération, les cantons -- même ceux dont les prestations antérieures seront portées en compte -- devront encore supporter de lourdes charges, malgré l'intervention fédérale.

On ne tiendra compte des prestations effectuées précédemment par les cantons que dans la mesure où elles ont été faites en faveur des chemins de fer auxquels il est question de porter secours. Quelques cantons ont manifesté l'espoir que les pertes qu'ils ont subies autrefois en intervenant en faveur d'autres lignes situées sur leur territoire seraient également prises en considération; on ne devrait pas, prétendent-ils, faire de distinction à cet égard entre les chemins de fer restés privés et ceux qui ont été nationalisés. Il est impossible de répondre à de semblables désirs. En le faisant, on s'exposerait à devoir donner une extension illimitée à l'oeuvre de secours et à créer des injustices. Ce mode de faire doit être rejeté du moment qu'il ne s'agit ici que d'une aide commune à une catégorie déterminée d'entreprises obérées et non d'une simple répartition de charges entre la Confédération et les cantons.

Ad art. 6.

Cet article et les deux suivants déterminent la procédure à suivre par les entreprises de chemins de fer qui désirent bénéficier d'une intervention fédérale. Il va de soi que les requêtes des entreprises devront être adressées au Conseil fédéral par l'intermédiaire du département des postes et des chemins de fer; nous estimons qu'il est superflu de l'indiquer spécialement dans la loi. Par contre, le 1er alinéa de l'article 6 prescrit que l'entreprise qui sollicite l'intervention doit joindre à sa demande les pièces requises ; aux termes du 2e alinéa, elle est tenue, en outre, de donner à l'autorité tout renseignement utile. La compagnie devra communiquer en toute confiance et sans réserve les données et les faits propres à faciliter l'examen de sa requête; les. intérêts de la collectivité exigent, en effet, que la loi soit appliquée dans un esprit d'économie, sans injustice ni partialité. C'est intentionnellement que nous n'avons pas indiqué dans notre projet à quelle autorité devront être fournis ces renseignements : Ce seront aussi bien les services du département des postes et des chemins de fer que la commission d'experts qui, aux termes de l'article suivant, sera chargée de l'examen approfondi des divers cas.

La disposition du 1er alinéa n'entend nullement prescrire que les demandes déjà présentées par les gouvernements cantonaux devront être renouvelées par les entreprises intéressées. On considérera ces requêtes comme présentées régulièrement, la présente disposition ne concernant que les cas futurs.

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Ad art. 7.

Nous envisageons la création d'une commission d'experts, rattachée au département des postes et des chemins de fer et à qui sera confié l'examen des diverses requêtes; la raison en est qu'on ne saurait laisser ce soin aux services mêmes du département sans les surcharger exagérément ni s'exposer à gêner l'exercice de leur contrôle sur les chemins de fer privés: II va sans dire qu'on ne pourra se passer de leur collaboration, vu leurs expériences et leur connaissance exacte des circonstances ; mais le travail proprement dit sera effectué par un organisme spécial. Nous sommes d'avis que cette tâche doit être confiée à une commission d'experts, du genre de celle qui a été chargée des travaux préliminaires concernant le présent projet, ainsi que du premier examen des requêtes présentées par les cantons et les compagnies de chemin de fer. Une commission analogue s'occupe depuis plusieurs années des demandes de prêts en vue de l'introduction de la traction électrique sur les chemins de fer privés; ses services sont fort appréciés. Contrairement au mode de faire adopté précédemment, nous croyons opportun cependant de ne pas fixer dans la loi la composition de ce nouvel organisme. On devra veiller en tout cas à ce que la commission soit en mesure de travailler librement et à ce que toutes complications inutiles lui soient épargnées. Elle ne sera donc composée que de quelques experts capables de résoudre avec compétence les problèmes qui leur seront posés. En outre, s'agissant d'une oeuvre subordonnée au concours des cantons, nous pensons qu'il est juste d'autoriser le gouvernement du canton sur le territoire duquel sont construites les lignes de l'entreprise requérante de déléguer un représentant ayant voix deliberative au sein de la commission.

La loi ne prescrit pas la procédure que devra suivre la commission d'experts, mais lui laisse, ici aussi, pleine liberté. Adoptons comme règle qu'elle devra se prononcer tout d'abord sur la question de l'applicabilité de la loi ; elle établira donc si l'entreprise en question remplit les conditions requises pour une intervention fédérale et si elle est obérée de façon durable.

La requête ayant été reconnue recevable, la commission fera ses propositions au département des postes et des chemins de fer. Celles-ci porteront tant sur l'importance de la
participation des autorités fédérales que sur les conditions (art. 4 du projet) auxquelles l'aide sera subordonnée. Notre projet dispose expressément que la commission indiquera en outre dans quelle mesure, à son avis, il conviendra que les cantons intéressés participent au redressement financier.

Afin de souligner une fois de plus qu'aucun moyen de nature à faciliter l'exécution de la loi ne sera négligé, nous avons prévu encore que le départe· ment des postes et des chemins de fer pourra consulter la commission sur toutes les mesures ayant trait à l'application des dispositions légales.

827 Ad art. 8.

Lorsque la commission d'experts aura livré son rapport sur la participation de la Confédération au redressement financier des compagnies de chemin de fer, des pourparlers seront entamés avec l'entreprise pour déterminer le mode d'intervention, puis avec les cantons, pour fixer l'étendue et la répartition de l'aide envisagée. Si l'entente se fait, une convention sera conclue entre la Confédération et les cantons. Cet arrangement réglera les conditions du redressement financier de l'entreprise.

Comme nous l'avons indiqué déjà, il importe fort que la participation fédérale permette un assainissement réel de l'entreprise grâce aux allégements qui lui seront accordés. Il ne faudra pas se contenter de demimesures, mais intervenir énergiquement pour empêcher que les deniers publics consacrés au redressement financier ne soient mis en péril et que l'entreprise ne soit obligée, du fait de l'insuffisance de l'intervention, d'envisager plus tard un nouvel assainissement. Il appartiendra à la Confédération, le cas échéant, d'inviter les cantons et le chemin de fer à vouer à la situation toute l'attention qu'elle mérite. Elle pourra l'exiger d'autant plus facilement que l'échec des délibérations se traduirait par la liquidation forcée de l'entreprise, qui serait bien la pire solution pour les intéressés, puisqu'il en résulterait peut-être la suppression de la voie ferrée.

On pourra recourir à différents moyens juridiques pour opérer la reconstitution financière à laquelle sera liée l'intervention fédérale. La voie à suivre dépendra des circonstances particulières. Dans les cas simples, une décision de l'assemblée générale suffira; mais il sera nécessaire, le plus souvent, d'appliquer la procédure moins simple de l'ordonnance du 20 février 1918 sur la communauté des créanciers ou celle de la loi du 25 septembre 1917 concernant la constitution de gages sur les entreprises de chemins de fer et de navigation et la liquidation forcée de ces entreprises. Nous ne croyons guère utile de prévoir dans la loi de nouvelles dispositions à cet égard. Notons toutefois que l'entreprise sera tenue d'appliquer les mesures d'assainissement convenues.

Elle devra donc assumer toutes les charges auxquelles sera subordonnée l'aide fédérale et non seulement celles qui permettront de préparer le redressement
financier. Il va sans dire qu'en sa qualité d'autorité de surveillance, le département des postes et des chemins de fer veillera à ce que les transformations imposées n'empêchent pas les entreprises de remplir leurs obligations générales.

Ad art. 9.

Les opérations financières résultant de l'application de la loi exigeront toujours des sacrifices considérables en faveur d'une entreprise d'utilité publique. Il en sera probablement" ainsi lorsque des titres sont émis ou

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modifiés ou à l'occasion de la restauration financière. Ce serait aller à l'encontre du but visé que de renchérir l'oeuvre de secours par la perception d'un droit de timbre. Nous avons donc prévu expressément l'exemption de ce droit en tant qu'elle paraît raisonnable.

L'exonération d'impôt pour les titres, nouveaux ou modifiés, émis lors du redressement financier d'entreprises de chemins de fer privés ne peut concerner que les droits d'émission. Il n'y aurait certes aucun motif de prévoir la libération du droit de timbre sur les titres négociés ultérieurement ou celle du droit de timbre sur les coupons. Aussi avons-nous précisé ce point dans notre projet. Nous partons de l'idée que le droit d'émission devra être remis chaque fois que sera appliquée la présente loi. Nous n'entendons pas créer un droit particulier. On aurait pu se contenter en l'occurrence de se référer à la loi fédérale du 15 février 1921 concernant la remise de droits de timbre et le sursis à leur perception. Il est préférable toutefois que la loi indique clairement ce qui est prévu. C'est en même temps, quant à la forme, la solution la plus simple.

Ad art. 10.

Les dispositions de cet article ont été dictées par le souci de permettre aux organes dirigeants des entreprises de chemin de fer secourues par la Confédération de surveiller avec vigilance l'exploitation et d'assurer un emploi judicieux des ressources mises à leur disposition.

Telle est la raison de l'obligation imposée à l'entreprise « d'établir chaque année un budget de construction et d'exploitation et de le faire approuver par son conseil d'administration ». On pourrait taxer cette disposition de superflue, en alléguant que chaque entreprise considère que les règles d'une gestion correcte l'obligent à établir un tel budget et à le faire régulièrement approuver. L'expérience enseigne toutefois que certaines entreprises n'ont pas encore conscience de cette obligation. La loi doit donc prendre les précautions voulues pour que les entreprises secourues par la Confédération, elles au moins, n'aient pas à souffrir d'une telle omission. L'établissement d'un budget obligatoire est le premier pas vers une exploitation économique.

On devra veiller aussi à ce que l'entreprise ne soit pas à nouveau grevée par des constructions et des acquisitions superflues. Dans notre projet
de loi sur les chemins de fer fédéraux figure une disposition restreignant les acquisitions et les constructions; un dépassement des limites fixées y est subordonné à des conditions restrictives. Dans le présent projet, nous avons prévu de ne laisser pleine liberté à l'administration qu'en ce qui concerne les constructions et les acquisitions effectuées dans le cadre des besoins normaux d'entretien, tels qu'ils ressortent du budget. S'agit-il, en revanche, de dépenses importantes excédant les prévisions budgétaires, elles ne pourront être assumées qu'avec l'assentiment du département des

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postes et des chemins de fer. Il en est de même des participations à d'autres entreprises. Une réserve analogue s'impose en principe à l'égard des dépenses d'exploitation d'un caractère nouveau; cette dernière clause existe déjà pour les entreprises qui sont au bénéfice d'une aide de crise.

Ces différentes mesures n'ont pas pour but de restreindre arbitrairement le champ d'action des administrations, ni de compliquer leur tâche ou d'entraver le développement de l'exploitation ; l'octroi d'une aide fédérale place toutefois ces entreprises dans une situation si particulière qu'aucune précaution ne semble superflue pour sauvegarder leur situation financière.

Ad art. 11.

L'arrêté fédéral du 13 avril 1933 instituant une aide de crise prévoit à son article 9 qu'une fois le secours accordé, la liquidation de l'entreprise ne peut être ordonnée, pendant la durée de l'arrangement, qu'à la demande du Conseil fédéral, ou, si elle est requise par d'autres intéressés, avec son assentiment. Fallait-il prévoir une disposition analogue dans notre projet, qui, contrairement à l'arrêté de 1933, envisage la participation de la Confédération à un redressement durable des entreprises ?

Une telle mesure, si extraordinaire soit-elle, ne serait guère suffisante et, partant, ne se justifierait pas si elle était destinée uniquement à garantir ou assurer avec le plus de probabilités le succès de l'intervention fédérale.

Seule, elle ne saurait épargner de nouvelles difficultés à l'entreprise secourue, qui pourrait, selon les circonstances, se voir à nouveau dans l'obligation de requérir l'aide de la Confédération ou d'envisager la liquidation forcée.

H semble toutefois indiqué d'adopter une disposition de cette nature pour accorder à l'entreprise un temps de répit et lui faciliter son redressement.

Elle répondra également aux intérêts des collectivités publiques qui ont participé au redressement financier. Mais les besoins du commerce, la bonne foi dans les affaires, ainsi que la stabilité du droit exigent que cette mesure soit limitée dans le temps.

Nous avons donc prévu que la liquidation forcée de ces entreprises ne pourra être ordonnée qu'avec l'assentiment du Conseil fédéral pendant cinq ans à compter de la date à laquelle la participation de la Confédération aura été décidée. Il importe, selon nous, que les
négociations relatives à une intervention de la Confédération en faveur des entreprises obérées ne soient pas gênées par des demandes de liquidation. La poursuite ne pourra donc plus être ordonnée dès que le Conseil fédéral aura décidé l'examen d'une requête. Mais l'interdiction de la poursuite n'aura pas une portée absolue, puisque le Conseil fédéral pourra laisser la liquidation forcée suivre son cours, lorsque les circonstances l'exigeront. Cette réglementation tient compte, croyons-nous, aussi bien des besoins de la stabilité du droit que des intérêts de l'entreprise; celle-ci devra bénéficier d'une protection temporaire pour pouvoir sortir de ses difficultés. Les chemins de fer auront

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en outre la faculté de demander en tout temps au Tribunal fédéral, même par mesure de précaution, le bénéfice du concordat et d'obtenir le sursis prévu.

Nous partons de l'idée que l'interdiction de poursuite devra avoir une portée générale et concerner toutes les créances, qu'elles soient anciennes ou nouvelles. Comme dans le cas de sursis extraordinaire, une exception sera faite en faveur des traitements et salaires et des indemnités découlant de la responsabilité civile. Il en sera de même des créances fondées sur un concordat au sens de l'article 74 de la loi relative à la constitution de gages sur les entreprises de chemins de fer et de navigation et la liquidation forcée de ces entreprises.

Ad art. 12.

Cet article pose un principe important, qui peut cependant paraître superflu: La participation de la Confédération au redressement financier des entreprises devra être opérée sans préjudice des droits des parties en cas de rachat. On devra notamment empêcher que, dans cette éventualité, la Confédération ne doive renouveler les prestations qu'elle aura faites en faveur d'un chemin de fer en vertu de la présente loi. De plus, les entreprises secourues ne devront bénéficier d'aucun droit de priorité, par rapport aux autres compagnies, en cas de nouvelles nationalisations. La Confédération devra garder toute liberté à cet égard et n'être liée dorénavant que par l'article 2 du projet de loi sur les chemins de fer fédéraux ou, plus exactement, par la disposition correspondante de la loi définitive.

Ad art. 13.

Les articles précédents déterminent les cas auxquels s'applique la présente loi, la nature et l'étendue de l'intervention, ainsi que la procédure à suivre.

L'article 13, par contre, règle le cas, exceptionnel, où la Confédération peut accorder l'aide prévue lorsque la fusion de petites entreprises, dont aucune ne remplit seule les conditions de l'article 1er, aboutit à la constitution d'une entreprise répondant auxdites conditions. Dans notre exposé général relatif aux limites de l'aide fédérale, nous avons indiqué déjà l'essentiel à cet égard ; nous nous permettons donc de renvoyer à ces explications.

Mentionnons enfin que l'intervention fédérale est subordonnée ici au concours des cantons comme dans les autres cas visés par la loi.

Ad art. 14.

Cette disposition correspond à celle qui
figure à l'article 11 de l'arrêté fédéral de 1933 instituant une aide de crise; il y est prévu que l'autorité de surveillance peut accorder aux entreprises de chemin de fer et de navigation au bénéfice d'une concession -- qu'elles aient ou non droit à l'aide

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financière -- des facilités pour l'exécution des obligations qui leur sont imposées par la loi ou les concessions. Une clause analogue figure dans l'avant-projet de loi sur les chemins de fer destinée à remplacer la loi du 23 décembre 1872, avant-projet que nous examinerons prochainement avant de faire nos propositions aux chambres fédérales. On peut donc se demander si l'article 14 de la présente loi ne fera pas double emploi avec la disposition correspondante dudit projet. Nous estimons cependant qu'il pourra être utile, car l'arrêté de 1933 cessera d'exercer son effet à fin 1937, et l'on pourra supprimer cette clause dans l'arrêté qui le remplacera ; de plus, il n'est guère possible de prédire la date de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chemins de fer.

En fait, ainsi qu'il ressort de notre exposé général, une semblable disposition en faveur des entreprises obérées se justifie sans autre. Nous ne considérons comme facilités que les mesures qui seront réellement utiles à la compagnie et non celles qui ne la dégrèveront qu'apparemment. La suppression d'amortissements, par exemple, qui n'aurait pour effet que d'accentuer avec le temps la gêne de l'entreprise, ne constituerait pas une de ces facilités.

Pour prévenir tout malentendu, nous avons ajouté expressément que les facilités accordées pour l'exécution des obligations imposées par la loi et la concession ne pourront aller au delà de celles qui sont déjà prévues dans les lois et les ordonnances mêmes. Lorsqu'une loi, par exemple celle qui règle la durée du travail, prévoira certaines facilités dans son application, celles-ci ne seront déterminées que d'après cette même loi. On ne saurait évidemment déduire de la présente disposition que l'autorité fédérale pourra accorder des facilités illimitées, allant au delà de celles qui figurent dans les prescriptions spéciales.

Ad art. 15.

Le titre de notre projet de loi et les articles précédents n'ont trait qu'aux compagnies de chemins de fer et ne mentionnent pas les entreprises de navigation au bénéfice d'une concession fédérale. Il ne serait pas justifié, en principe, de traiter celles-ci différemment des premières. Les entreprises de navigation jouent dans le trafic un rôle parallèle à celui des compagnies de chemins de fer et sont, certes, dans une situation aussi critique que ces dernières. En les traitant sur le même pied, nous nous conformons à la pratique suivie jusqu'ici et notamment à la réglementation prévue pour l'aide de crise. Il est donc justifié d'insérer dans notre projet une disposition générale selon laquelle les entreprises de navigation qui rempliront les conditions des articles 1er et 3 pourront également bénéficier d'une participation de la Confédération à leur redressement financier, si le concours des cantons est assuré. Elles devront donc avoir l'importance prévue dans la loi et être obérées d'une façon durable.

832 En adoptant cette disposition, on n'affirme pas pour autant qu'il existe réellement en Suisse des entreprises de navigation qui seront mises au bénéfice de la présente loi. Une décision à ce propos ne pourra intervenir, le cas échéant, qu'après un examen attentif des requêtes. Il est difficile d'avancer quoi que ce soit à cet égard, car les entreprises intéressées constitueront, tout au plus, des cas-limites, étant données les conditions prescrites à l'article 1er.

Nous vous prions, Monsieur le Président et Messieurs, de vouloir bien adopter le projet de loi ci-joint et saisissons cette occasion de vous présenter les assurances de notre haute considération.

Berne, le 23 avril 1937.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MOTTA.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

(Projet.)

Loi fédérale sur

la participation de la Confédération au redressement financier des entreprises obérées de chemins de fer privés.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu les articles 23 et 26 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 23 avril 1937, arrête : Article premier.

La Confédération participe, dans les limites de la présente loi, au redressement financier d'entreprises de chemins de fer privés qui sont obérées et qui, en raison de leur importance économique ou stratégique, intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays.

1

833 2

Un crédit de 150 millions de francs est ouvert à cet effet au Conseil fédéral.

Art. 2.

x Le crédit mentionné à l'article 1er doit être avancé par le compte capital, sous réserve de la disposition du 2e alinéa, et amorti selon un plan à établir.

2 Dix millions de francs seront prélevés sur le fonds alimenté en 1936 et 1937, conformément à l'article 52, 1er alinéa, du programme financier du 31 janvier 1936; après 1937, il sera prélevé en outre cinq millions de francs pour chaque nouvelle année durant laquelle ledit fonds sera alimenté.

3 Le rendement des participations de la Confédération au sens de la présente loi revient à la caisse fédérale et doit renforcer l'amortissement.

Il ne peut servir à accroître le crédit fixé à l'article 1er, 2 alinéa.

Art. 3.

Une entreprise est réputée obérée lorsqu'il est à prévoir que, les dépenses d'exploitation couvertes et les amortissements industriels annuels opérés, l'excédent des recettes demeurera inférieur dans une mesure considérable et de façon durable au montant des intérêts des dettes.

Art. 4.

Le Conseil fédéral décide, co°mpte tenu de toutes les circonstances et de tous les besoins, si une entreprise peut être mise au bénéfice de l'aide prévue par la présente loi. H fixe la nature et l'étendue de cette' aide dans les limites du crédit ouvert à cet effet. Au Heu d'allouer des contributions aux entreprises obérées, ou indépendamment de telles contributions, la Confédération peut aussi les libérer de leurs engagements envers elle.

2 La Confédération peut subordonner sa participation à des conditions.

Elle peut en particulier astreindre l'entreprise à prendre les mesures d'organisation et les mesures d'ordre administratif, financier ou technique qu'elle juge propres à assurer le redressement.

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Art. 5.

La participation de la Confédération au redressement financier d'une entreprise présuppose le concours des cantons intéressés.

2 Le Conseil fédéral fixe la participation des cantons. Elle doit être au moins équivalente à celle de la Confédération. Les prestations faites précédemment par le canton ou par des corporations ou établissements de droit public du canton en faveur de l'entreprise seront équitablement portées en compte.

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834

Art. 6.

1

L'entreprise qui sollicite l'intervention de la Confédération doit joindre à sa demande les pièces requises.

2 Elle est tenue de donner à l'autorité tout renseignement utile.

Art. 7.

1

Une commission d'experts, rattachée au département des postes et des chemins de fer, examinera les requêtes. Les cantons ont le droit de se faire représenter, avec voix consultative, aux délibérations de la commission qui concernent le redressement financier d'entreprises dont les lignes sont construites sur leur territoire.

2 La commission fait ses propositions si elle estime remplies les conditions des articles 1er et 3.

3 Au cours de la procédure ultérieure, la commission indique également dans quelle mesure, à son avis, il convient que les cantons intéressés participent au redressement financier de l'entreprise requérante.

4 En outre, le département des postes et des chemins de fer peut consulter la commission sur toutes les mesures ayant trait à l'exécution de la présente loi.

Art. 8.

Lorsque, après avoir pris l'avis de l'entreprise, la Confédération et les cantons se sont entendus au sujet du redressement financier auquel participe la Confédération, l'entreprise est tenue d'appliquer les mesures d'assainissement nécessaires, d'accord avec le département des postes et des chemins de fer.

Art. 9.

Les titres, nouveaux ou modifiés, émis lors du redressement financier d'une entreprise sont exempts des droits échus au moment de leur émission ou de leur modification au sens de la loi du 4 octobre 1917 sur les droits de timbre.

Art. 10.

1 L'entreprise au redressement financier de laquelle la Confédération a participé est tenue d'établir chaque année un budget de construction et d'exploitation et de le faire approuver par son conseil d'administration.

2 Elle ne pourra faire, dans une mesure excédant les besoins normaux d'entretien, de grosses dépenses d'exploitation d'un caractère nouveau ni d'importantes constructions et acquisitions, ni prendre de participations dans d'autres entreprises, sans l'autorisation du département des postes et des chemins de fer.

835

Art. 11.

La liquidation forcée d'une entreprise ne peut être ordonnée qu'avec l'assentiment du Conseil fédéral entre le dépôt de la demande de participation au redressement financier et la décision du Conseil fédéral ou pendant cinq ans à compter de la date à laquelle la participation de la Confédération a été décidée.

Art. 12.

Sans préjudice des droits des parties en cas de rachat, il sera tenu compte, dans cette éventualité, des sacrifices faits par les collectivités publiques en participant au redressement financier d'une entreprise obérée au sens de la présente loi.

Art. 13.

1

La Confédération peut accorder l'aide prévue par la présente loi pour permettre la fusion d'entreprises obérées dont aucune ne remplit seule les conditions de l'article 1er, si cette fusion aboutit à la constitution d'une entreprise répondant auxdites conditions et qu'il en résulte des avantages certains et importants pour l'exploitation.

2 L'intervention de la Confédération est subordonnée au concours des cantons prévu à l'article 5.

Art. 14.

Le Conseil fédéral peut aussi accorder aux entreprises obérées de façon durable des facilités pour l'exécution des obligations que leur imposent la loi et la concession; mais ces facilités ne peuvent aller au delà de celles qui sont déjà prévues dans les lois et les ordonnances mêmes.

Art. 15.

Les dispositions de la présente loi s'appliquent par analogie aux entreprises de navigation qui sont l'objet d'une concession et remplissent les conditions des articles 1er et 3.

Art. 16.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi et prendra les mesures nécessaires à son exécution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur la participation de la Confédération au redressement financier des entreprises obérées de chemins de fer privés. (Du 23 avril 1937.)

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3557

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28.04.1937

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