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FEUILLE FÉDÉRALE 89 année Berne, le 21 juillet 1937 Volume n e

Paraît une fois par semaine. Prix: 20 francs par an; 10 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

Avis: 50 centimes la ligne on son espace; doivent être adressés franco & l'imprimerie des hoirs K.-J. Wyss, société anonyme, à Berne.

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RAPPORT du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative populaire contre l'industrie privée des armements.

(Du 13 juillet 1937.)

, Monsieur le Président et Messieurs, Le 23 décembre 1936, le comité d'initiative pour le contrôle de l'industrie des armements, à Baie, a déposé à la chancellerie fédérale une demande d'initiative contre l'industrie privée des armements. La demande est ainsi conçue: « L'article 41 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le texte suivant: La fabrication, l'achat et la vente d'armes, de munitions et de matériel de guerre de quelque nature que ce soit sont de la compétence exclusive de la Confédération aux fins d'assurer la défense nationale.

Le droit de fabriquer, d'acheter et de vendre des armes, des munitions et du matériel de guerre peut être concédé par la Confédération pour une durée limitée à des citoyens ou des sociétés suisses donnant toute garantie au sujet de leur indépendance visà-vis de l'étranger et de l'industrie étrangère des armements.

Les concessionnaires sont soumis au contrôle de la. Confédération.

Les personnes chargées de ce contrôle ont en tout temps le droit de pénétrer librement dans tous les bureaux, locaux et ateliers des concessionnaires, d'examiner et de contrôler tous les livres de comptes, les pièces justificatives et la correspondance et d'interroger les concessionnaires, leur personnel et d'une façon générale toute personne en relation avec l'entreprise.

L'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel de guerre ne peuvent avoir lieu qu'avec l'autorisation de la Confédération.

Feuille fédérale. 89e année. Vol. II.

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Le Conseil fédéral établit par voie d'ordonnance les modalités d'exécution. » II ressort de la vérification des listes que le total des signatures réunies s'élève à 57 313, dont 56 848 ont été reconnues valables et 465 nulles.

La demande d'initiative a donc abouti.

Par rapport du 14 janvier 1937 (1), nous vous avons soumis la demande d'initiative. Le Conseil des Etats et le Conseil national ont pris connaissance de ce rapport les 5 et 17 mars et nous ont invité à présenter un rapport et un projet.

Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-après un rapport et un projet relatifs à la demande d'initiative contre l'industrie privée des armements.

I.

Le problème du contrôle du commerce et de la fabrication des armes et munitions peut être envisagé de deux façons différentes, à savoir du point de vue international et du point de vue national.

A l'issue de la guerre mondiale, la question dont il s'agit ne s'est d'abord posée que sur le plan international. Le pacte de la Société des Nations contient deux dispositions relatives à la tâche qui incombe à la société dans ce domaine. L'article 8, 5e alinéa, d'une part, charge le conseil d'aviser aux mesures propres à empêcher les fâcheux effets de la fabrication privée des munitions et du matériel de guerre ; l'article 23, paragraphe d, d'autre part, confie à la société le « contrôle général du commerce des armes et des munitions avec les pays ouïe contrôle de ce commerce est indispensable à l'intérêt commun ».

En vue d'assurer l'exécution de ce mandat, la commission temporaire mixte instituée par l'assemblée de 1920 élabora un projet qui servit de base à la convention relative au contrôle du commerce international des armes, munitions et matériel de guerre, signée à Genève le 17 juin 1925 par quarante-quatre Etats, y compris la Suisse ( 2 ).

Cette convention instituait un système général de contrôle et de publicité du commerce international des armes. Le contrôle, dont il s'agit n'était cependant pas exercé, aux termes de la convention, par un organisme international; il incombait aux Etats eux-mêmes, qui s'engageaient à soumettre au régime des licences d'exportation les « armes conçues pour et destinées à la guerre » (l re catégorie) et les « armes pouvant avoir une utilisation militaire ou autre » (2e catégorie). L'exportation d'armes de la première catégorie devait être, en outre, subordonnée à la présentation d'une demande écrite émanant du gouvernement importateur. Pour les armes de la troisième et de la quatrième catégorie, qui comprenaient les navires de guerre et les aéronefs, seule était requise une publicité qui

(^.FF 1937, I, 133.

2

( ) Voir le rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1925, p. 54.

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devait s'effectuer à l'aide de formulaires statistiques distribués et centralisés par le secrétariat de la Société des Nations.

La convention de 1925 n'est pas entrée en vigueur, faute des quatorze ratifications nécessaires. Cet échec provient notamment du fait que la convention ne réglementait que le commerce et non la fabrication de matériel de guerre et mettait ainsi les Etats non producteurs d'armes dans une situation d'infériorité par rapport aux Etats producteurs.

Le problème continua à retenir l'attention de la Société des Nations.

En décembre 1926, le conseil nomma une commission spéciale d'experts qui adopta, en 1929, après avoir concilié tant bien que mal de nombreuses divergences de vues, un projet préliminaire de convention sur le contrôle de la fabrication privée et sur la publicité de la fabrication de munitions et matériel de guerre. Ce texte s'inspirait de l'économie générale de la convention de 1925, notamment en ce qui concerne les diverses catégories d'armes, le régime des licences gouvernementales et les relevés annuels concernant la fabrication privée. Ce projet était toutefois trop restreint, car il ne s'appliquait qu'à la fabrication privée du matériel de guerre, laissant sans contrôle, au risque de créer de graves injustices, la fabrication d'Etat. Sans doute, l'article 8 du pacte ne prescrit un contrôle que pour la fabrication privée ; il découle cependant de la nature des choses qu'un contrôle de cette fabrication doit nécessairement entraîner un même contrôle pour la fabrication d'Etat.

Les choses en étaient là lorsque s'ouvrit la conférence pour la réduction et la limitation des armements. On se proposait alors d'intégrer la convention sur le commerce des armes et une convention sur la fabrication privée et d'Etat dans la convention générale sur le désarmement, mais en rendant sensiblement plus sévères les mesures de contrôle et de publicité.

La délégation suisse ( x ) se prononça nettement en faveur de la conclusion d'accords portant à la fois sur la fabrication et le commerce des armes et matériel de guerre. C'est ainsi que son chef, M. le conseiller fédéral Motta, déclara en séance plénière : « Notre adhésion est également assurée d'avance à une convention unique ou à des conventions distinctes, mais simultanées, introduisant le contrôle du commerce et de la
fabrication privée et d'Etat d'armes et de matériel de guerre. Ces conventions nous paraissent d'une importance essentielle. » La commission générale de la conférence institua, en juillet 1932, un comité spécial pour la réglementation du commerce et de la fabrication privée et d'Etat d'armes et de matériel de guerre. Dans un rapport qu'il soumit à la commission générale, le 3 juin 1933, le comité constatait qu'aucun progrès réel ne pouvait être fait avant que certaines décisions de principe eussent été prises par la commission générale. Une nouvelle année (*) Pour la composition de la délégation suisse, voir le rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1931, p. 50.

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s'écoula sans résultats positifs, lorsque, en mai 1934, la délégation des Etats-Unis présenta un nouveau projet qui permit au comité spécial de reprendre utilement ses travaux. Dans sa session de juillet 1934, le comité approuva le projet des Etats-Unis, qui marquait un progrès très net et l'adopta comme base de discussion pour sa session de février-avril 1935.

Après de longues discussions sur ce projet, qui avait été encore revu par un comité de juristes présidé par le représentant de la Suisse, les divergences qui se manifestèrent, quant à la nature et à l'étendue des mesures de contrôle et de publicité, entre la thèse « minimaliste », soutenue par certaines délégations, et la thèse « maximaliste », défendue par d'autres, subsistèrent et ne permirent pas d'aboutir à un résultat satisfaisant.

Le projet de convention sorti de ces délibérations est, sur plusieurs points, un texte à double colonne, comprenant, d'un côté, les clauses désirées par les uns et, de l'autre, les dispositions réclamées par les autres. Son économie générale peut brièvement être esquissée comme il suit: chaque partie contractante assume sur son territoire la pleine responsabilité du contrôle à exercer sur la fabrication et le commerce des armes quant à la communication régulière et l'exactitude des renseignements prévus par la convention. Les armes sont réparties en cinq catégories: 1° armements militaires ; 2° armements navals ; 3° armements aériens ; 4° armes et munitions susceptibles d'être utilisées pour des fins militaires ou autres ; 5° aéronefs non compris sous 3°.

La fabrication des armes des trois premières catégories est subordonnée à l'obtention d'une licence révocable, délivrée par le gouvernement pour une période définie et désignant exactement le bénéficiaire, ainsi que les armes dont il s'agit. Les commandes doivent être régulièrement communiquées au gouvernement. Un état indiquant les fabrications, les achats et les dépenses budgétaires y relatifs est adressé à la commission permanente du désarmement au début de l'année financière. Quant au commerce international ayant pour objet des armes des trois premières catégories, il est soumis au régime des permis d'importation et d'exportation émanant des gouvernements intéressés. Copie de ces documents doit être transmise, avant la date de l'importation ou de
l'exportation, à la commission du désarmement. Un relevé annuel doit, en outre, être communiqué à cette dernière.

Le contrôle général de la convention incombe à la commission permanente du désarmement, qui peut demander tous renseignements utiles aux parties contractantes, nommer des comités régionaux chargés de suivre de manière continue l'exécution de la convention et procéder annuellement à un examen sur place des conditions dans lesquelles est exercé le contrôle national du commerce et de la fabrication, ainsi que de l'exactitude des renseignements fournis.

Le rapport assez volumineux dans lequel le comité consigna le résultat de ses travaux n'a été soumis qu'aux gouvernements; il n'est pas revenu

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devant un des organes de la conférence (bureau ou commission générale), la situation politique n'ayant pas permis une reprise effective du désarmement. Le problème est ainsi demeuré sans solution sur le plan international.

Pour notre part, nous le regrettons vivement. Notre délégation à Genève avait fait tout ce qui dépendait d'elle pour réduire les divergences de vues qui s'étaient manifestées entre les grandes puissances. Mais elle n'avait pu que constater l'échec de toute tentative d'aboutir à une convention qui donnât satisfaction aux uns et aux autres.

II.

Le contrôle du commerce et de la fabrication des armes et munitions sur le terrain national préoccupe le Conseil fédéral depuis fort longtemps.

La délégation suisse à la conférence du désarmement ne l'avait d'ailleurs pas dissimulé.

Il importait de résoudre en tout premier lieu la question de savoir s'il était possible de donner, sur le plan national, une solution satisfaisante au problème du contrôle et de la fabrication des armes et munitions, en d'autres termes, s'il était utile ou opportun d'anticiper par des mesures internes sur le système international de contrôle qui semblait se préparer.

Le problème, selon nous, a toujours été d'ordre international; il ne connaît pas de frontières. Si l'on se propose d'atteindre, d'endiguer et de restreindre efficacement le commerce des armes, qui s'étend sur le monde entier, il est indispensable de recourir à des mesures acceptées et exécutées par tous les Etats sans exception. En face des difficultés insurmontables, toutefois, auxquelles se heurte l'application internationale de pareilles mesures, il est permis de se demander si l'intervention de chaque Etat à l'intérieur de ses frontières ne serait pas de nature à améliorer la situation telle qu'elle se présente en matière de commerce et de fabrication des armes.

Cette question avait déjà retenu l'attention des chambres fédérales.

Nous rappellerons notamment la question écrite de M. Welti (Baie), ainsi que le postulat de M. Perret, conseiller national, invitant le Conseil fédéral à examiner par quels voies et moyens il pourrait interdire l'exportation d'armes et de munitions de guerre et contrôler leur fabrication.

En outre, diverses requêtes émanant notamment de groupements et associations à tendances pacifistes furent adressées au Conseil fédéral au cours des années 1932/33, demandant que ce dernier examinât la possibilité d'instituer un contrôle d'ordre national.

En automne 1933, les autorités compétentes jugeaient encore prématuré l'examen du problème en Suisse, aussi longtemps du moins qu'un résultat positif de la conférence du désarmement demeurait dans le domaine des possibilités. En intervenant d'emblée sur le terrain national, nous

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n'aurions pas seulement manifesté notre scepticisme à l'égard d'une solution d'ordre international, mais entrepris une oeuvre qui eût pu s'avérer inutile ou appeler sous peu des modifications. En tout état de cause, une réglementation nationale précipitée était inopportune tant que subsistait quelque espoir d'aboutir sur le plan international. Il convenait, dans ces conditions, d'attendre et d'examiner si l'on parviendrait, dans un avenir rapproché, à s'entendre sur les règles dont il s'agit. Il fallait aussi tenir compte du fait que cette question n'est au fond qu'un aspect accessoire du problème général du désarmement et que l'on pouvait s'attendre que l'accord se ferait sur le commerce et la fabrication des armes une fois menés à chef les points les plus controversés de la convention du désarmement. C'est pourquoi le Conseil fédéral estimait qu'à défaut d'une solution intervenant dans un avenir prochain sur le plan international, il serait toujours assez tôt de se décider pour l'établissement d'un contrôle -dans le cadre de la législation nationale.

Aujourd'hui, le moment est venu de résoudre sur le plan national la question du contrôle et de la fabrication des armes et munitions.

Il ne paraît pas inutile d'examiner brièvement à ce propos l'aspect politique du contrôle des armements. Les événements de ces dernières années ont clairement démontré la nécessité de munir le Conseil fédéral des pouvoirs légaux nécessaires à l'exercice d'un contrôle efficace dans le cadre national. Alors qu'il était autrefois loisible à chaque Etat, selon une conception généralement admise, de livrer à son gré des armes aux belligérants, on est de plus en plus porté aujourd'hui à décréter l'embargo sur l'exportation d'armes, soit à l'égard de l'Etat déclaré agresseur, soit contre tous les pays belligérants. C'est ainsi que le Conseil fédéral avait interdit l'exportation et le transit d'armes et de matériel de guerre lors des conflits qui ont éclaté en Abyssinie et en Espagne (1). Toutefois, l'absence d'une réglementation générale et d'un contrôle embrassant tout le domaine de la fabrication des armes et munitions s'est fait sentir à l'occasion des lacunes que révéla l'application de ces mesures et provoqua des interventions de pays amis, voire des suspicions et des critiques malveillantes, bref un état d'insécurité
et de malaise auquel notre politique de neutralité et notre réputation nationale nous commandent de mettre fin à brève échéance.

L'Etat, selon les conceptions actuelles, est plus ou moins responsable des armes qui sont exportées de son territoire. La Suisse entend ne s'immiscer en aucune façon dans les querelles d'autres pays. Cette attitude est conforme à notre politique de neutralité. Mais il faut que le principe de non-ingérence reçoive une application intégrale. Nous devons, dès lors, être à même d'interdire en tout temps l'exportation à destination de pays en état de guerre ou menacés par la guerre. Ce sont, en effet, de (M RO 5l, 705; 52, 661.

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telles livraisons d'armes qui risquent, à tort il est vrai, d'être interprétées, le cas échéant, comme une assistance indirecte de la Confédération aux Etats belligérants. En instituant les mesures légales que requiert le contrôle du commerce et de la fabrication des armes et munitions, il ne saurait être question de supplanter notre industrie et le commerce légitime des armements, mais uniquement de les soumettre à la surveillance de l'Etat.

Nous voulons nous réserver la possibilité d'intervenir et d'agir sans délai pour ne pas être entraînés dans les complications internationales. L'établissement d'une base légale générale en cette matière est devenu actuellement une nécessité politique.

III.

Il y a quelque temps déjà, le problème du contrôle national du commerce et de la fabrication des armes, munitions et matériel de guerre a été examiné attentivement par le département militaire, de concert avec le département politique et le département de justice et police. Les articles 34 ter et 85, 6e alinéa, de la constitution fédérale offraient une base pour l'adoption, sous forme de loi ou d'arrêté fédéral, de dispositions de cette nature. De ces travaux préparatoires est sorti un projet d'« arrêté fédéral relatif au contrôle de la fabrication et du commerce des armes, munitions et matériel de guerre ».

L'initiative qui a abouti entre temps et dont les tendances sont analogues à celles du projet précité, à savoir le contrôle de l'industrie des armements par la Confédération, nous a amenés a choisir la procédure à suivre. Deux voies se présentaient: soumettre aux chambres le projet d'arrêté sans tenir compte de l'initiative, ce qui aurait pu donner lieu à une situation juridique malaisée, dans le cas, par exemple, où les deux projets seraient entrés en vigueur, ou bien attendre la discussion de l'initiative pour proposer, le cas échéant, des modifications par la voie d'un contre-projet.

Le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur du deuxième mode de procéder. Répondant à l'interpellation Béguin au printemps 1937, le chef du département de justice et police a déclaré ce qui suit: « De l'avis du département militaire, l'initiative présente, sur l'adoption d'un arrêté fédéral, l'avantage d'établir une base constitutionnelle solide qui permettra -- chose fort souhaitable -- de régler, par voie d'ordonnance du Conseil fédéral, ce domaine nouveau et d'un abord difficile, du moins les premiers temps.

C'est pourquoi le département militaire incline à penser que les avantages que renferme l'initiative devraient être mis à profit; il y aurait donc lieu de suspendre provisoirement les travaux préparatoires en vue d'un arrêté fédéral et d'attendre que les chambres aient traité l'initiative et que le peuple se soit prononcé.

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Quant aux critiques suscitées par le texte même de l'initiative, il conviendrait d'y répondre par le moyen d'un contre-projet. Il sera procédé sans tarder à l'élaboration de ce contre-projet, qui pourra peut-être, en même temps que le rapport y relatif du Conseil fédéral, être soumis aux chambres au cours de l'été, en sorte qu'il n'est pas impossible que l'initiative puisse être soumise au peuple cette année encore. » Le projet du Conseil fédéral est ainsi conçu: « L'article 41 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le texte suivant: La fabrication, l'acquisition, le commerce et la distribution de la poudre de guerre (à l'exception des explosifs impropres au tir), ainsi que des armes, munitions et autre matériel de guerre appartiennent à la Confédération.

La Confédération accorde, dans cette mesure, des concessions à des entreprises qui, du point de vue de l'intérêt national, présentent les garanties nécessaires.

La Confédération prend les mesures requises en vue du contrôle des concessionnaires.

L'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel de guerre dans le sens de la présente disposition ne peuvent avoir lieu qu'avec l'autorisation de la Confédération.

Le Conseil fédéral établit par voie d'ordonnance les modalités d'exécution. » En comparant l'initiative avec la proposition du Conseil fédéral, on est amené à faire les réflexions suivantes: 1. Le texte de l'initiative n'indique pas tout à fait clairement ce que, dans l'idée de ses auteurs, deviendra le monopole des poudres, réglé jusqu'à présent par l'article 41 de la constitution. Il y a lieu d'admettre que, dans l'esprit des auteurs du projet, la poudre de guerre est comprise dans la notion de « matériel de guerre de quelque nature que ce soit », au sens du 1er alinéa de l'initiative ; il est douteux, en effet, que la suppression du monopole des poudres soit prévue. Telle est naturellement aussi notre opinion. Mais, pour mettre fin à toute hésitation quant au maintien du monopole · des poudres tel qu'il existe actuellement, le principe contenuer jusqu'à présent dans l'article 41 de la constitution a été repris par le 1 alinéa du contre-projet du Conseil fédéral, qui mentionne expressément la poudre à côté des armes, munitions et autre matériel de guerre.

La disposition qui figure à l'article 41, 2e alinéa, de la constitution et qui exclut les compositions minières impropres au tir a, de même, trouvé

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place au 1er alinéa du contre-projet; elle a été mise entre parenthèses, après les mots « poudre de guerre ». Aucune modification ne doit donc être apportée au régime auquel a été soumise jusqu'à présent la poudre de guerre.

On pourrait aussi se demander s'il ne serait pas plus indiqué de ·maintenir l'article 41 de la constitution dans sa forme actuelle et de le compléter simplement dans le sens des propositions nouvelles. Selon les intentions des auteurs de l'initiative, un véritable monopole fédéral doit être créé pour les armes, munitions et autre matériel de guerre; c'est pourquoi il n'y aurait aucune raison d'employer d'autres mots pour y faire rentrer le monopole des poudres. L'initiative n'a pas d'autre but,, en réalité, que d'étendre aux armes, munitions et autre matériel de guerre le monopole qui existe actuellement pour les poudres.

2. La seconde et, certainement aussi, la plus importante des divergences par lesquelles notre contre-projet se distingue de la demande d'initiative consiste dans l'abandon des mots « aux fins d'assurer la défense nationale » qui figurent au 1er alinéa. Nous ignorons si ces mots signifient que les armes, les munitions et le matériel de guerre ne doivent être fabriqués en Suisse que pour les besoins de notre propre défense nationale. Si tel était le cas, nous devrions nous opposer de la façon la plus catégorique à cette manière de voir. C'est aussi la raison pour laquelle les termes« aux fins d'assurer la défense nationale » ont été abandonnés dans le contre-projet.

On peut difficilement admettre que les auteurs de l'initiative se refusent à comprendre qu'une stricte limitation du commerce et de la fabrication d'armes, de munitions et de matériel de guerre aux besoins de l'armée suisse, c'est-à-dire à ceux de la défense nationale stricto sensu, serait inacceptable pour nous: inacceptable pour des motifs tirés de la défense nationale elle-même, inacceptable aussi pour des raisons économiques.

Situation économique et défense nationale dépendent, comme on sait, étroitement l'une de l'autre.

En ce qui concerne la défense nationale, il convient de remarquer que la guerre a prouvé la nécessité de faire appel à toutes les ressources industrielles pour pouvoir, en cas d'hostilités, répondre aux besoins considérables en matériel de guerre.

A cette fin, la seule
existence de possibilités de fabrication, c'est-à-dire l'existence de machines-outils et d'installations, ne suffit pas. Une connaissance suivie et approfondie de la matière est indispensable. On doit pouvoir disposer en tout temps d'un personnel qualifié et entraîné, sinon on s'exposerait à une perte de temps irréparable jusqu'au moment où l'on arriverait effectivement à assurer une fabrication suffisante.

Les grandes puissances agissent de même, et en premier lieu dans l'intérêt de leur défense nationale, lorsqu'elles font tout ce qui dépend d'elles

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pour trouver des débouchés dans les pays où l'industrie d'armements fait défaut ou est insuffisante. Elles se rendent parfaitement compte que. les grandes entreprises ne peuvent vivre par leurs propres moyens seulement.

En ce qui concerne le côté économique de la question, nous sommes obligés d'avoir recours à notre industrie privée des armements, car, dans les ateliers fédéraux, nous ne pouvons faire face à tous nos besoins en maté-' riel de guerre. De son côté, l'industrie privée des armements ne peut assurer suffisamment son existence avec les commandes de la Confédération. Non seulement du point de vue de la défense nationale, mais aussi du point de vue des occasions de travail, il est donc d'un intérêt primordial de mettre à profit toutes les possibilités de fournir du travail à notre industrie. Toute commande appropriée, si modeste qu'elle puisse être, entraîne non seulement indirectement, mais encore directement une augmentation des moyens de notre défense nationale. L'industrie privée des armements est obligée, pour vivre, de recourir au commerce extérieur. Un arrêt complet des exportations mettrait donc en grave danger notre industrie privée, ce qui, comme on l'a vu plus haut, porterait préjudice par contre-coup à notre propre préparation militaire.

Notons, au surplus, que l'expression « matériel de guerre de quelque nature que ce soit » employée dans le texte de l'initiative est susceptible d'une interprétation très large. On pourrait, en fin de compte, ranger sous cette rubrique tout ce qui trouverait un emploi quelconque en cas de guerre, notamment nombre d'articles destinés à la vie civile.

Notre industrie privée des armements doit subsister pour un autre motif encore. Pour des raisons d'ordre tactique qu'il est aisé de comprendre, il convient de faire exécuter les commandes d'armes par le plus grand nombre possible d'entreprises et non pas de les limiter à quelques exploitations industrielles.

Prise dans un sens large, l'expression « aux fins d'assurer la défense nationale » peut ainsi se justifier à la rigueur. Nous ne voudrions pas, toutefois, que notre préparation militaire eût à pâtir d'une interprétation par trop étroite. Peut-être l'initiative ne demande-t-elle rien d'autre que nous. Son 4e alinéa, qui parle d'importation, d'exportation et de transit autorisés par la
Confédération semble le confirmer. Ce que les auteurs du projet voulaient manifestement empêcher, c'est une activité incontrôlée de notre industrie privée des armements en faveur d'Etats étrangers. Il n'est vraisemblablement pas dans leur intention d'entraver toute activité de cette industrie pour l'étranger. Ils prévoient eux-mêmes dans leur texte -- comme il a été dit plus haut -- l'exportation d'armes, de munitions et de matériel de guerre, avec, il est vrai, l'autorisation de la Confédération, grâce à laquelle la surveillance du trafic d'armes qui pourrait être préjudiciable à notre pays est déjà assurée dans des conditions suffisantes.

En abandonnant, comme le fait le contre-projet, l'expression « aux fins d'assurer la défense nationale », on ne se heurtera donc pas nécessairement

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à l'opposition des auteurs de l'initiative. Cependant, nous avons tenu de prime- abord à nous élever contre certaines conceptions qui feraient fi des réalités, estimant d'ailleurs utile que le peuple reçoive une fois de franches explications sur ces questions.

3. Les dispositions suivantes de notre contre-projet ne diffèrent guère de l'initiative que du point de vue rédactionnel. Il ne s'agit pas ici d'amendements de fond.

a. Au 2e alinéa, le membre de phrase du projet des auteurs de l'initiative: ... « doit être concédé par la Confédération ... à des citoyens ou des sociétés suisses donnant toute garantie au sujet de leur indépendance visà-vis de l'étranger et de l'industrie étrangère des armements » a été remplacé par une formule toute générale : « . . . des concessions à des entreprises qui, du point de vue de l'intérêt national, présentent les garanties nécessaires. » II nous semble que l'élément décisif pour l'octroi ou le refus d'une concession, c'est l'intérêt du pays, considéré comme l'intérêt devant lequel s'effacent tous les autres. Le texte de notre contre-projet est, à ce point de vue, plus général que celui de l'initiative. Il est toujours dangereux, surtout lorsqu'il s'agit d'un principe constitutionnel, de trop entrer dans les détails. La maxime omnis definitio periculosa ne saurait être appliquée plus sagement qu'ici. Une disposition constitutionnelle n'a pas pour but de régler les détails, mais elle doit fixer le régime commandé par un principe et laisser l'application du principe aux organes d'exécution.

6. C'est la même raison qui nous a amenés à simplifier notablement le 3e alinéa. Le contre-projet du Conseil fédéral ne vise, ici aussi, qu'à poser le principe. Ce que le texte de l'initiative apporte en plus est du ressort des dispositions d'exécution.

c. Les 4e et 5e alinéas du contre-projet ne s'écartent du texte de l'initiative que sur des points d'ordre rédactionnel, qui se passent de commentaire.

d. Pour terminer nos remarques sur les divergences que présentent la demande d'initiative et le contre-projet, nous signalons que, dans le texte français du contre-projet (1er al.), on a remplacé le mot « achat » (Beschaffung) par « acquisition » et le mot « vente » (Vertrieb) par l'expression « commerce et distribution ». Il s'agissait d'adapter les termes français aux allemands,
dont la portée plus générale convient mieux. Dans le texte italien, nous avons remplacé le mot « vendita » par « il commercio e la distribuzione ».

4. Il y a lieu de rappeler une fois de plus que, d'après l'initiative et d'après le contre-projet, le Conseil fédéral doit avoir la compétence d'arrêter, par voie d'ordonnance, les dispositions d'exécution nécessaires. Ce mode de procéder présente, à nos yeux, un grand avantage; il s'agit ici, en effet, d'un domaine tout nouveau pour le législateur, où il est souhai-

506 table d'avoir une réglementation souple et aisément révisable. A notre avis, le système de l'arrêté fédéral soumis au referendum serait ici d'une application trop lourde.

Pour la suite, nous nous proposons, en attendant le vote sur l'initiative et sur le contre-projet, de préparer les dispositions d'exécution prévues sous forme d'une ordonnance.

Vu les raisons exposées ci-dessus, nous estimons que la disposition de l'initiative contre l'industrie privée des armements (abrogation et remplacement de l'article 41 de la constitution fédérale) doit être rejetée.

Nous vous recommandons, en revanche, de faire vôtre le contre-projet du Conseil fédéral.

Dans ces conditions, nous avons l'honneur, Monsieur le Président et Messieurs, de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-après.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 13 juillet 1937.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, MOTTA.

Le chancelier de la. Confédération, G. BOVET.

557 (Projet.)

Arrêté fédéral concernant

la demande d'initiative populaire contre l'industrie privée des armements.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la demande d'initiative contre l'industrie privée des armements (abrogation de l'art. 41 de la constitution fédérale) et le rapport du Conseil fédéral du 13 juillet 1937; vu les articles 121 et suivants de la constitution et les articles 8 et suivants de la loi du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, arrête : Article premier.

Sont soumis à la votation du peuple et des cantons: 1° La demande d'initiative qui est ainsi conçue: L'article 41 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le texte suivant: La fabrication, l'achat et la vente d'armes, de munitions et de matériel de guerre de quelque nature que ce soit sont de la compétence exclusive de la Confédération aux fins d'assurer la défense nationale.

Le droit de fabriquer, d'acheter et de vendre des armes, des munitions et du matériel de guerre peut être concédé par la Confédération pour une durée limitée à des citoyens ou des sociétés suisses donnant toute garantie au sujet de leur indépendance vis-à-vis de l'étranger et de l'industrie étrangère des armements.

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Les concessionnaires sont soumis au contrôle de la Confédération.

Les personnes chargées de ce contrôle ont en tout temps le droit de pénétrer librement dans tous les bureaux, locaux et ateliers des concessionnaires, d'examiner et de contrôler tous les livres de comptes, les pièces justificatives et la correspondance et d'interroger les concessionnaires, leur personnel et d'une façon générale tout personne en relation avec l'entreprise.

L'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel de guerre ne peuvent avoir lieu qu'avec l'autorisation de la Confédération.

Le Conseil fédéral établit par voie d'ordonnance les modalités d'exécution »; 2° Le contre-projet de l'Assemblée fédérale, qui est ainsi conçu: L'article 41 de la constitution fédérale est abrogé et remplacé par le texte suivant: La fabrication, l'acquisition, le commerce et la distribution de la poudre de guerre (à l'exception des explosifs impropres au tir) ainsi que des armes, munitions et autre matériel de guerre appartiennent à la Confédération.

La Confédération accorde, dans cette mesure, des concessions à des entreprises qui, du point de vue de l'intérêt national, présentent les garanties nécessaires.

La Confédération prend les mesures requises en vue du contrôle des concessionnaires.

L'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel de guerre dans le sens de la présente disposition constitutionnelle ne peuvent avoir lieu qu'avec l'autorisation de la Confédération.

Le Conseil fédéral établit par voie d'ordonnance les modalités d'exécution.

Art. 2.

Le peuple et les cantons sont invités à rejeter la demande d'initiative (art. 1er, chiffre 1) et à adopter, en revanche, le contre-projet de l'Assemblée fédérale (art. 1er, chiffre 2).

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

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RAPPORT du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative populaire contre l'industrie privée des armements. (Du 13 juillet 1937.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1937

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

29

Cahier Numero Geschäftsnummer

3564

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

21.07.1937

Date Data Seite

545-558

Page Pagina Ref. No

10 088 269

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