00.091 Rapport sur la politique extérieure 2000 Présence et coopération: la sauvegarde des intérêts dans un monde en cours d'intégration du 15 novembre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le rapport sur la politique extérieure 2000 et vous prions d'en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 novembre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-2363

237

Préambule Les développements internationaux des dix dernières années et leurs conséquences pour la Suisse donnent lieu à un compte rendu de la politique extérieure des années 90 ainsi qu'à la définition de points forts pour les années à venir. Avec le présent rapport, le Conseil fédéral maintient les orientations générales qu'il avait définies dans son Rapport sur la politique extérieure de 1993 et qui ont été approuvées par le peuple et les cantons le 18 avril 1999, lors de l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale. Il souhaite toutefois approfondir et adapter quant à leurs objectifs et aux moyens engagés certains domaines d'activité de la politique extérieure.

Dans leur majorité, les tendances qui étaient apparues au début des années 90 se sont confirmées et accentuées au cours des dernières années. Après la fin de la Guerre froide, la structure de la politique mondiale est devenue plus complexe. La position des USA en tant que seule puissance mondiale a une importance centrale et constitue l'une des raisons pour lesquelles l'Union européenne s'efforce de rehausser son profil en matière de politique extérieure et de sécurité. Au cours de la décennie à venir, de nouveaux acteurs auront une influence accrue sur la vie politique au niveau mondial. Il n'est toutefois pas possible à l'heure actuelle de prévoir quelles formes prendra ce monde multipolaire et de quelles structures il sera doté.

La globalisation de nos conditions de vie se poursuivra. L'idée selon laquelle cette évolution conduira automatiquement à un rapprochement entre les peuples et les nations pourrait s'avérer erronée. La globalisation fait plutôt apparaître plus clairement la diversité culturelle, économique et sociale du monde; elle accentue les fossés qui séparent les peuples et les régions. Des tensions seront inévitables. En conséquence, il faudra accroître à l'avenir les efforts de la coopération internationale au développement et renforcer la compréhension interculturelle.

De nouveaux développements semblent réduire la marge de manoeuvre des Etats.

La globalisation des activités économiques, l'informatique et la communication, les progrès scientifiques en matière de biologie et l'influence des médias en font partie, de même que l'importance croissante de la criminalité organisée internationale.

Tous ces développements
ne requièrent pas une intervention de l'Etat. Toutefois, certains d'entre eux rendent indispensable une coopération internationale et des conditions-cadre plus efficaces.

La globalisation des domaines d'activité nécessite le maintien et le développement d'un système international capable d'agir efficacement. Les Nations Unies constituent le seul cadre au sein duquel l'ensemble des Etats peuvent examiner et trouver des solutions aux problèmes de nature globale. C'est dans ce même contexte qu'il faut voir le besoin croissant de former des communautés régionales d'Etats. Pour la plupart des Etats européens, l'Union européenne constitue l'échelon approprié pour mener une action destinée à faire face efficacement aux développements précités.

Les risques et les chances présents à l'échelle internationale ne s'arrêtent pas aux portes de la Suisse. Notre pays possède la force et la vitalité nécessaires pour relever de façon indépendante de nombreux défis économiques, sociaux et politiques. Toutefois, pour apporter une solution efficace et durable aux grands problèmes actuels, la

238

Suisse dépend de la coopération avec d'autres Etats, au premier rang desquels figurent ses voisins et partenaires européens. L'autosatisfaction et le fait de rester à l'écart peuvent mettre en danger des intérêts importants de notre pays. Sa forte dépendance économique vis-à-vis de l'extérieur rend la Suisse vulnérable; c'est pourquoi elle doit garder en permanence à l'esprit la question du prix qu'elle paie en raison de sa nonparticipation à des institutions importantes ­ en particulier l'Union européenne.

La politique extérieure est une politique d'intérêts. Toutefois, la sauvegarde des intérêts du pays ne peut pas être le seul critère à prendre en compte. Au vu des problèmes mondiaux que sont la pauvreté,la multiplication des conflits intra-étatiques, la destruction de l'environnement ou encore les migrations, la politique extérieure doit également refléter la responsabilité que la Suisse assume en tant que membre de la communauté internationale. La politique d'intérêts doit elle aussi s'inspirer de principes éthiques. Des tensions peuvent se manifester quand il faut sauvegarder les intérêts du pays tout en respectant les principes éthiques, en particulier lorsqu'il s'agit de concilier des intérêts économiques tout en contribuant à aménager un monde plus juste et plus pacifique. Ces tensions potentielles sont particulièrement visibles lorsqu'il s'agit de décider si et dans quelle mesure il faut entretenir des relations économiques avec des Etats dans lesquels les violations des droits de l'homme sont chose courante. Dans une perspective à court terme, des points de friction apparaissent. Ces tensions potentielles peuvent cependant être éliminées à long terme, car le développement économique durable constitue indéniablement le fondement des actions menées pour renforcer la bonne gestion des affaires publiques, le respect des droits de l'homme et les principes de l'Etat de droit ­ inversement, le respect de ces principes est une condition nécessaire au développement économique durable.

Ces considérations s'appliquent également à la discussion à propos de la place financière suisse. Une place financière forte et compétitive constitue un élément important de l'économie suisse et une des bases de notre prospérité. De nos jours, l'intégrité figure néanmoins aussi parmi les facteurs favorisant le
succès d'une place financière. Cet objectif forme ainsi une condition nécessaire au succès futur de toute place financière. Il n'est pas exclu que, au cours des prochaines années, notre pays soit encore davantage exposé en relation avec les efforts mondiaux en faveur de la lutte contre la criminalité financière et l'utilisation abusive des centres financiers. La meilleure façon pour la Suisse de défendre ses intérêts est d'accorder de l'importance à l'intégrité de sa place financière et de continuer à s'engager en faveur d'une coopération internationale efficace dans la lutte contre les activités financières illégales et abusives.

Le Conseil fédéral est convaincu que la façon la plus efficace de sauvegarder les intérêts de notre pays est de mettre les activités de politique extérieure au service de l'objectif consistant à renforcer l'indépendance de la Suisse grâce au maintien d'une marge de manoeuvre aussi large que possible. En même temps, le Conseil fédéral est conscient de la responsabilité internationale de notre pays. Il veut sauvegarder ses intérêts et assumer la responsabilité qui incombe à la Suisse sur la scène internationale par une présence et une coopération renforcées. De cette manière, il pourra mettre en oeuvre au mieux les objectifs fixés par la Constitution et les points forts de sa politique extérieure et contribuer ainsi à la paix, au respect des droits de l'homme, à la prospérité, à la diminution de la pauvreté et à la préservation de l'environnement.

239

Table des matières Préambule

238

1 Introduction 1.1 Points essentiels et objectifs du «Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90» 1.2 Résumé des activités de politique extérieure dans les années 90 1.2.1 Elargissement de la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de politique extérieure 1.2.2 Augmentation du besoin d'action de la Suisse en matière de politique extérieure 1.2.3 Activités destinées à maintenir la performance économique 1.2.4 Reconnaissance de la vulnérabilité croissante de la Suisse 1.3 But du présent rapport

243

2 Défis internationaux 2.1 Le contexte global 2.1.1 Changements structurels 2.1.2 Problèmes mondiaux 2.1.2.1 Lutte contre la pauvreté 2.1.2.2 De la sécurité des Etats souverains à la sécurité humaine globale 2.1.2.3 Préservation durable des ressources naturelles 2.1.2.4 Migration 2.1.3 Acteurs de la politique internationale 2.1.3.1 Changements dans la répartition de l'influence entre Etats et régions 2.1.3.2 Organisations internationales et coopération internationale informelle 2.1.3.3 Acteurs non étatiques 2.2 Le contexte européen 2.2.1 L'Union européenne 2.2.2 Architecture européenne de sécurité 2.2.3 Zones sensibles en Europe et dans son voisinage 2.3 Défis internationaux du futur 2.3.1 La paix 2.3.2 La prospérité et la pauvreté 2.3.3 Vivre à l'ère numérique 2.3.4 Conclusions

240

243 244 245 246 248 249 250 252 252 252 253 254 255 256 257 258 258 259 260 261 261 262 264 265 266 267 267 268

3 Lignes directrices, objectifs et points forts de la politique extérieure suisse au cours de la prochaine décennie 3.1 Lignes directrices 3.1.1 Visions et réalités 3.1.2 Conditions-cadre, principes et processus de décision 3.1.2.1 Le cadre juridique 3.1.2.2 L'ancrage interne 3.1.2.3 Politique d'intérêts et neutralité 3.1.2.4 Tâches de coordination 3.2 Objectifs et points forts 3.2.1 Coexistence pacifique des peuples 3.2.1.1 Prévention des conflits armés et reconstruction 3.2.1.2 Ouverture au dialogue et respect de la diversité culturelle 3.2.2 Promotion du respect des droits de l'homme et promotion de la démocratie 3.2.2.1 La politique humanitaire de la Suisse ­ une tradition qui a de l'avenir 3.2.2.2 Engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit à travers le monde 3.2.3 Sauvegarde des intérêts économiques 3.2.3.1 Assise extérieure de la place économique suisse 3.2.3.2 Promotion d'un système économique et financier international stable 3.2.3.3 Promotion de la place financière suisse 3.2.4 Soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté dans le monde 3.2.5 Préservation des ressources naturelles 3.3 Moyens institutionnels pour la mise en oeuvre des points forts 3.3.1 Politique multilatérale 3.3.1.1 Importance croissante de la coopération multilatérale 3.3.1.2 Adhésion à l'ONU 3.3.1.3 Maintien du rôle de la Suisse en tant que lieu de rencontres 3.3.2 Politique supranationale: adhésion à l'UE 3.3.2.1 Développements dans l'UE et conséquences pour la Suisse 3.3.2.2 Les prochains pas de la Suisse 3.3.2.3 Importance de l'UE pour la sécurité intérieure de la Suisse 3.4 Points forts géographiques de la politique bilatérale 3.4.1 Relations bilatérales en Europe et à travers le monde 3.4.1.1 Universalité des relations extérieures de la Suisse 3.4.1.2 Mise en place de «Présence suisse» 3.4.1.3 Réseau de représentations de la Suisse 3.4.2 Europe du Sud-Est et de l'Est 3.4.3 Bassin méditerranéen

287 289 290 290 290 291 293 293 294 295 296 297 297 297 299 299 300 301

4 Conclusion

302

269 269 269 270 270 272 273 275 276 276 277 279 280 280

281 283 283 284 285

241

Annexe Rétrospective de la politique extérieure suisse des années 90

303

1 Position et image de la Suisse dans le monde

303

2 Activités de la politique extérieure suisse dans les années 90 2.1 Maintien et promotion de la sécurité et de la paix 2.1.1 Politique de sécurité 2.1.2 Politique de maîtrise des armements et politique du désarmement 2.1.3 Promotion de la paix 2.1.4 Bons offices 2.1.5 Coopération avec l'Europe de l'Est 2.1.6 Aide humanitaire 2.1.7 Politique de migration 2.2 Engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit 2.2.1 Bonne gestion des affaires publiques, Etat de droit et démocratie 2.2.2 Politique des droits de l'homme 2.2.3 Droit international humanitaire 2.3 Accroissement de la prospérité commune 2.3.1 Place économique et financière suisse 2.3.2 Politique d'intégration européenne 2.3.3 Système économique mondial 2.3.4 Système financier international 2.4 Promotion de la cohésion sociale 2.5 Préservation du milieu naturel

305 305 305 308 309 311 312 313 314

3 Instruments particuliers de la politique extérieure suisse 3.1 Neutralité 3.2 Genève internationale

328 328 330

316 316 316 318 319 319 321 322 324 324 327

4 Tâches de sauvegarde des intérêts et services

331

Liste des abréviations

333

242

Rapport 1

Introduction

1.1

Points essentiels et objectifs du «Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90»

La période s'étendant entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et 1989 a été caractérisée par l'opposition entre l'Est et l'Ouest, qui a elle-même fortement influencé les relations entre le Nord et le Sud. Au niveau international, les conditionscadre de la fin des années 80 et du début des années 90 ont été marquées par les événements suivants: ­

L'Union soviétique et la Yougoslavie ont éclaté ­ en peu de temps, près de 20 nouveaux Etats ont vu le jour dans l'Est de l'Europe.

­

Les USA sont devenus la seule grande puissance globale.

­

Le Pacte de Varsovie a été dissous, ce qui a entraîné une réorientation complète en matière de politique de sécurité internationale.

­

L'Union européenne a achevé son marché intérieur et est devenue la force politique majeure sur le continent.

­

L'Allemagne s'est réunifiée.

­

L'Afrique du Sud s'est libérée du régime de l'apartheid.

­

Le blocage de l'ONU et en particulier du Conseil de sécurité, dû à des raisons idéologiques, a pu être en grande partie surmonté.

­

Les relations Nord-Sud ont été placées sur des bases nouvelles grâce à différentes conférences internationales.

Le «Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90», du 29 novembre 1993 (Rapport sur la politique extérieure 93), a décrit les bouleversements fondamentaux intervenus dans le contexte de l'époque et défini le cadre de la future politique de la Suisse. Ce rapport avait pour thème récurrent le fait que, à l'heure actuelle, un Etat ne peut sauvegarder son pouvoir d'autodétermination que par le biais d'une participation étendue aux activités et aux décisions internationales.

De plus en plus souvent, les décisions importantes qui affectent notre pays ne sont plus prises chez nous ni par nous. En coopérant au niveau international, notre pays contribue à définir les conditions-cadre internationales; la Suisse renforce ainsi sa capacité d'action, la place qu'elle occupe au sein de la communauté internationale ainsi que son identité.

Le Rapport sur la politique extérieure 93 s'appuyait sur les considérations suivantes: ­

La politique extérieure fait partie de la politique générale. Elle a trait à l'ensemble des activités et des développements dont la dimension dépasse le cadre national; elle rassemble les activités dirigées vers l'extérieur, dans l'objectif d'assurer la cohérence la plus complète possible entre politique intérieure et extérieure, entre les divers domaines ainsi qu'entre les objectifs, les moyens et les instruments de la politique extérieure.

243

­

La politique extérieure est une politique d'intérêts. Elle a pour objectif de maintenir et de renforcer la position politique et économique de la Suisse dans le monde.

­

La politique extérieure implique la prise de responsabilités. Les principes éthiques sur lesquels repose la politique extérieure suisse se reflètent dans la tradition humanitaire de notre pays, dans son engagement en faveur du maintien et de la promotion de la sécurité, de la paix, de la solidarité et du bien-être dans le monde ainsi que dans sa contribution à l'amélioration de la capacité d'action de la communauté internationale.

­

Enfin, la politique extérieure s'appuie sur le droit en tant que moyen de protéger les Etats de petite et moyenne taille. Ceux-ci ont un intérêt particulier à ce que les relations internationales se déroulent sur la base et dans le cadre d'un ordre juridique reconnu par tous. L'engagement en faveur du droit international public est donc une constante de la politique extérieure suisse.

Sur la base du contexte décrit par le Rapport sur la politique extérieure 93, le Conseil fédéral avait défini les cinq objectifs suivants de la politique extérieure suisse:

Cette approche reste d'une grande actualité. Les éléments qui forment la substance de la politique extérieure suisse, tels qu'ils sont envisagés par les cinq objectifs de politique extérieure, garderont ainsi toute leur validité au cours de la prochaine décennie.

1.2

Résumé des activités de politique extérieure dans les années 90

Les développements internationaux intervenus au cours des années 90 ne s'inscrivent pas exclusivement ­ mais néanmoins pour la plupart ­ dans le sillage du bouleversement de 1989. L'écroulement des structures de pouvoir communistes, la réunification des deux Allemagne, la dissolution de l'Union soviétique ainsi que l'effondrement de l'ancienne Yougoslavie ont constitué les événements marquants 244

du début de la décennie écoulée. La naissance de nombreux Etats en Europe, la création de nouvelles structures de sécurité, les projets d'élargissement de l'Union européenne ainsi que la domination croissante des USA en matière de politique extérieure et de sécurité en ont été les principales conséquences.

1.2.1

Elargissement de la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de politique extérieure

La fin de la Guerre froide a sans aucun doute élargi la marge de manoeuvre de la Suisse en matière de politique extérieure au cours des dix dernières années. Notre pays en a profité avant tout dans le domaine de la politique de sécurité , en: ­

s'associant aux sanctions internationales adoptées par les Nations Unies dans le cadre du système de sécurité collectiveparticipant au Partenariat pour la paix, suite à une décision du Conseil fédéral de 1996

­

participant à des actions de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU ou de l'OSCE

­

renforçant sa coopération avec des Etats partageant les mêmes points de vue dans le domaine de la sécurité humaine.

Grâce à cette marge de manoeuvre élargie, la Suisse a pu trouver une place appropriée lors du réaménagement de l'architecture européenne de sécurité. En prenant les mesures précitées, le Conseil fédéral avait également anticipé les principales conclusions du Rapport sur la politique de sécurité 2000, qui vise à une plus grande sécurité par la coopération. Dans ce même contexte, il faut mentionner la présidence de l'OSCE, que la Suisse a exercée en 1996. La présidence suisse de l'OSCE s'est déroulée dans une période au cours de laquelle cette organisation avait, avec la conduite des élections en Bosnie, à remplir de nouvelles tâches opérationnelles et au cours de laquelle elle a en même temps fortement augmenté le nombre de ses membres.

La fin de la confrontation Est-Ouest n'a par contre pas eu de conséquence pour la marge de manoeuvre en matière de politique d'intégration de la Suisse. Contrairement à notre pays, l'Autriche et la Finlande, notamment, n'auraient guère pu adhérer à l'UE à l'époque de la Guerre froide. Après la chute du Rideau de fer, cette option s'est présentée à eux; elle a été utilisée rapidement et avec détermination. Les circonstances de politique extérieure et de sécurité qui régnaient pendant la Guerre froide n'auraient pas empêché la Suisse de se rapprocher de l'Union européenne ou d'y adhérer. Les négociations sur la création de l'Espace économique européen ne tiraient pas leur origine et leur logique du bouleversement de 1989, mais de l'achèvement du marché intérieur de l'UE. Celui-ci a conduit au renforcement des efforts traditionnels des Etats de l'AELE en vue d'adapter leur coopération avec l'Union européenne à la dynamique du marché intérieur. En décembre 1992, le peuple suisse et les cantons ont refusé l'adhésion à l'Espace économique européen.

Ce n'est qu'en 1998 que les conséquences de ce refus ont pu être en partie compensées par la conclusion de sept accords bilatéraux avec l'UE.

245

1.2.2

Augmentation du besoin d'action de la Suisse en matière de politique extérieure

L'abandon par les Etats d'Europe centrale et orientale de la domination communiste au profit du pluralisme politique et de l'économie de marché ainsi que l'apparition de près de 20 nouveaux Etats dans cette région ont rendu nécessaire un soutien énergique de la part de l'Europe de l'Ouest. Depuis le début, la Suisse a apporté des contributions substantielles à la transformation de ces Etats. L'«aide aux pays de l'Est» a valu à notre pays une réputation très positive dans les Etats d'Europe centrale et orientale. Le développement et la consolidation des relations de la Suisse avec les Etats d'Europe centrale et orientale font partie des grands dividendes de paix de la décennie écoulée en matière de politique extérieure.

La forte présence de l'Europe de l'Ouest ­ et en particulier de la Suisse ­ dans les Balkans s'est déroulée et continue à se dérouler sous d'autres auspices. L'effondrement de l'ancienne Yougoslavie, qui a été accompagné par des guerres et des actes criminels, représente la plus grande hypothèque héritée de l'époque de la chute du Rideau de fer; au cours des dix dernières années, les Balkans ont constitué le défi le plus important pour notre pays en matière de politique de sécurité. A cause de la proximité du conflit, des crimes commis contre des innocents et des minorités ainsi qu'à cause des grandes communautés de ressortissants de la région vivant chez nous, la Suisse s'est engagée dès le début en faveur de solutions politiques dans les Balkans. Des démarches diplomatiques, des activités de politique de paix, l'aide humanitaire, l'aide au retour et à la reconstruction ont fait partie des efforts entrepris, au même titre qu'une forte implication en matière de politique de sécurité et un engagement considérable en faveur de l'accueil de réfugiés et de personnes exilées.

Au cours des années 90, la Suisse n'a engagé dans aucune autre région du monde les moyens dont elle disposait de façon aussi concentrée et aussi intensive qu'en Europe du Sud-Est. A la fin des années 90, les coûts annuels de cet engagement se montaient à environ 200 millions de francs. La reconnaissance que nos prestations trouvent auprès des autres Etats occidentaux se manifeste par exemple dans le fait que la Suisse a été accueillie au sein du Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est.

Le nombre croissant de
conflits intra-étatiques à travers le monde et la déstabilisation de nombreux pays au Sud et à l'Est ont rendu nécessaire, au cours des dernières années, un rehaussement du profil de la politique de paix suisse. La politique de paix est un concept vaste. Il ne se réfère pas qu'aux mesures destinées à promouvoir directement la paix, mais également au soutien à la paix et à la sécurité apporté par la coopération au développement, aux contributions de la politique de sécurité ou encore à la promotion du développement durable.

L'Europe du Sud-Est a constitué un point fort de cette politique de paix, suivie de l'Afrique subsaharienne. Les contributions en faveur de la paix et de la sécurité que la Suisse fournissait autrefois au titre des «bons offices» ont ainsi été transformées en une politique qui poursuit une approche globale s'agissant de sa conception et de sa mise en oeuvre. Ce n'est qu'ainsi que notre pays peut aider la communauté internationale à affronter la quantité croissante de conflits et de manifestations de déliquescence apparaissant dans de nombreux pays. La Suisse peut se targuer d'avoir donné des impulsions essentielles à la communauté internationale en matière de politique de paix au sens le plus large et spécialement en matière de politique des réfugiés et d'aide au retour.

246

La mise en oeuvre du principe selon lequel il faut «aider les populations à s'aider elles-mêmes» dépend de conditions-cadre relativement stables. Au cours de la décennie écoulée, la politique du développement de la Suisse s'est de plus en plus concentrée sur l'amélioration des conditions-cadre et sur la création des conditions institutionnelles nécessaires à un développement durable. Ses activités s'attachent à promouvoir les processus d'apprentissage et d'adaptation des sociétés et des individus, afin qu'ils aient la possibilité, à plus long terme, d'occuper grâce à leurs propres efforts une place appropriée au sein de la communauté et du système politique en question. Cette approche globale constitue le point fort ­ reconnu sur le plan international ­ d'une politique du développement qui prend au sérieux le partenaire situé dans un pays en développement, qui tient compte de ses besoins et qui s'efforce d'aboutir à des effets durables.

Les efforts accrus de la politique suisse des droits de l'homme, qui ont conduit dans les années 90 à l'élaboration de plusieurs instruments juridiques internationaux importants, doivent également être soulignés. En outre, le cadre juridique national a été sensiblement amélioré, et le profil de la politique suisse des droits de l'homme a été rehaussé aussi bien sur le plan bilatéral que multilatéral. Le rôle reconnu de notre pays s'agissant du développement du droit international humanitaire constitue une illustration supplémentaire de la conviction selon laquelle seul un cadre juridique renforcé et reconnu par tous peut apporter des améliorations durables à la situation humanitaire mondiale.

Le profil de la politique suisse de maîtrise des armements et de désarmement a également été rehaussé. Elle s'est engagée avec succès pour la conclusion de la convention sur l'interdiction des armes chimiques (1993) ainsi que du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (1996). La Suisse a adhéré à tous les accords multilatéraux en matière de maîtrise des armements et de désarmement qui lui sont ouverts; en 1996, elle est devenue membre à part entière de la Conférence du désarmement à Genève. En outre, en coopération étroite avec des Etats partageant les mêmes points de vue et avec des organisations non gouvernementales, notre pays a pu contribuer à l'amélioration
de la sécurité humaine grâce à la convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. Enfin, la Suisse a pu considérablement désamorcer la problématique des exportations suisses de matériel de guerre grâce à une modification législative.

Le rôle de la politique suisse de l'environnement est incontesté. A côté d'efforts internes ­ par exemple en matière de politique des transports, avec la redevance poids lourds liée aux prestations ­ qui sont également reconnus et adoptés à l'étranger, notre pays a participé en première ligne à l'élaboration de nombreux instruments juridiques internationaux dans le domaine de l'environnement (convention sur le climat, convention pour la protection de la biodiversité, convention de Bâle et conventions dans le domaine des produits chimiques) et a pu influencer de façon déterminante l'aménagement de la politique internationale de l'environnement. En outre, la Suisse s'est engagée afin que les dimensions environnementale et sociale soient de plus en plus prises en compte dans le cadre des instruments juridiques internationaux élaborés en matière économique et financière.

La coopération avec les Nations Unies a été poursuivie de façon systématique au cours des années 90. Elle atteint aujourd'hui une intensité et une importance qui font apparaître plus clairement que jamais l'étrangeté de notre non-appartenance à l'ONU. Cette absence devient de plus en plus incompréhensible au regard de l'universalité atteinte par l'ONU dans les années 90. Au cours de cette période, et 247

malgré une forte augmentation de la concurrence au niveau mondial, Genève n'a guère perdu d'importance en tant que siège de nombreuses institutions de l'ONU.

Ce résultat n'est pas uniquement dû à une diplomatie active, mais également à des prestations substantielles fournies par la Confédération et le canton de Genève, qui ont contribué à renforcer l'attrait du site de Genève.

1.2.3

Activités destinées à maintenir la performance économique

Dans les années 90, notre pays a entrepris des efforts considérables en vue de maintenir et de développer la compétitivité de la place économique et financière suisse.

Vu la globalisation de l'économie mondiale et la concurrence accrue qui en résulte, le besoin d'adaptations structurelles en Suisse ne devrait guère diminuer à l'avenir.

En matière de politique d'intégration européenne, il a été possible fin 1998 de conclure, par le biais des sept accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE, un édifice contractuel important qui stabilise les relations mutuelles dans des secteurs importants et qui renforce le pôle économique suisse.

Après la conclusion réussie des négociations de l'Uruguay Round du GATT, la Suisse a passé en 1995 du GATT à l'Organisation mondiale du commerce nouvellement créée. Son accès à des marchés importants pour les biens et les services repose depuis lors sur des bases juridiques plus solides. Il a également été possible d'insérer la réforme du marché agricole suisse dans un édifice réglementaire international. En outre, l'OMC peut fournir une contribution importante en vue de l'intégration des pays en développement dans le système commercial mondial.

En 1992, l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods a offert à notre pays de nouvelles possibilités de participer aux efforts internationaux en vue de renforcer la stabilité du système financier international, de diminuer les inégalités économiques, de lutter contre la pauvreté et de réduire la dette des pays en développement.

Pour ce qui est des relations financières internationales, la Suisse a entrepris au cours de la décennie écoulée des efforts considérables en vue d'éviter l'usage abusif de sa place financière. Il faut souligner l'adoption de la loi sur le blanchiment d'argent, entrée en vigueur en 1998, qui est complétée par la convention de diligence de l'Association suisse des banquiers et par les directives de la Commission fédérale des banques. En outre, notre pays a soutenu les efforts accomplis au niveau mondial en vue de la lutte contre le blanchiment d'argent dans le cadre de la «Financial Action Task Force on Money Laundering» et a pris part de façon déterminante à la création de standards internationalement reconnus en la matière. La Suisse a également renforcé sa coopération internationale en
matière de blocage et de restitution de «fortunes de potentats». Enfin, la Suisse a accordé à d'autres Etats l'entraide judiciaire en matière pénale de façon généreuse.

248

1.2.4

Reconnaissance de la vulnérabilité croissante de la Suisse

La Suisse a la chance, encore à la fin du vingtième siècle, d'entretenir des relations correctes avec pratiquement tous les Etats de la planète. Malgré des divergences d'opinion occasionnelles, les relations entretenues en particulier avec les Etats voisins sont excellentes. Ce bilan positif est toutefois assombri par les controverses autour du comportement de la Suisse pendant et immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale. Cette affaire ne s'est de loin pas limitée à la politique extérieure, mais l'a néanmoins placée devant de grands défis. Il s'est révélé particulièrement difficile de faire face à une problématique qui, contrairement à ce qui est d'usage dans la diplomatie, ne se limitait pas aux relations entre gouvernements, mais qui se caractérisait par la présence d'une multitude d'acteurs disposant d'une grande influence aussi bien sur les médias que sur les milieux gouvernementaux.

Certaines leçons et certaines constatations peuvent déjà être tirées aujourd'hui de ces turbulences, qui ont affecté avant tout nos relations avec les USA: ­

Même des relations amicales de longue date avec un Etat ne sauraient empêcher ce dernier de poursuivre une politique d'intérêts dure et de subordonner des relations traditionnellement bonnes avec un Etat tiers à la poursuite d'intérêts de politique intérieure.

­

L'image de la Suisse repose en partie sur des clichés dépassés, dont la fragilité se révèle en cas de difficultés sérieuses et qui ne retiennent pas les autres Etats, le cas échéant, de chercher à faire valoir leurs intérêts à l'encontre de la Suisse avec fermeté, voire même au moyen de pressions.

A la suite des discussions autour du comportement des banques pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, le rôle de la place financière suisse par le passé et à l'heure actuelle a été observé de façon plus critique par l'étranger. Récemment, on a pu constater une augmentation de la pression de l'étranger, en particulier de la part d'autres places financières importantes, afin que la Suisse relativise encore davantage son secret bancaire et assouplisse les dispositions relatives à l'échange international d'informations en matière fiscale. Les cas dans lesquels des violations de l'obligation de diligence ont été constatées (blanchiment d'argent, fortunes de potentats) offrent encore davantage d'occasions à ces concurrents de la place financière suisse de mettre en doute les efforts de la Suisse en matière de lutte contre l'utilisation abusive de son système financier. Notre législation nationale progressive, qui correspond aux standards internationaux, ainsi que la disponibilité de notre pays à coopérer activement à la solution de tels problèmes au sein d'enceintes internationales ne permettent que partiellement d'écarter ces critiques.

L'augmentation de la criminalité organisée au cours de la décennie écoulée constitue un autre développement à dimension transfrontalière qui requiert des solutions globales ou du moins régionales. Parce qu'il reste à l'écart de l'Union européenne, notre pays dépend ­ particulièrement dans le domaine de la sécurité intérieure ­ d'un renforcement des efforts nationaux et d'une amélioration de la coopération internationale.

249

1.3

But du présent rapport

Depuis le début des années 90, le contexte international s'est considérablement modifié. Le Conseil fédéral est d'avis que le Rapport sur la politique extérieure de 1993 est en partie dépassé. Dans sa réponse à une motion de 1999 du conseiller national Hans Zbinden, il a notamment exposé ce qui suit: «... (Le Conseil fédéral est) disposé à présenter aux Chambres fédérales en l'an 2000 un rapport de politique étrangère dans lequel seront examinés les stratégies et les moyens permettant d'atteindre les objectifs de politique étrangère dans des conditions-cadre modifiées. Concrètement le rapport devra: ­

Rendre compte des expériences faites dans le cadre de la mise en oeuvre des objectifs de politique étrangère qui ont servi de cadre de référence au Conseil fédéral durant les années 90.

­

Analyser les points forts des développements internationaux de ces dernières années et démontrer où il y aura lieu pour la politique étrangère suisse de prendre des mesures appropriées.

­

Approfondir au point de vue conceptuel les divers champs d'action de la politique étrangère quant aux objectifs fixés et aux moyens engagés.»

Outre le présent rapport, qui décrit les lignes directrices, les objectifs et les points forts de la politique extérieure suisse au cours de la prochaine décennie, le Conseil fédéral continuera, en cas de besoin, à élaborer et transmettre au Parlement des rapports sur des thèmes particuliers. En complément aux informations données régulièrement par le Conseil fédéral sur son activité gouvernementale (rapports de gestion, objectifs annuels, programmes de la législature), aux rapports annuels habituels (rapports sur la politique économique extérieure, rapports sur les activités de la Suisse au Conseil de l'Europe, etc.) ainsi qu'aux crédits-cadre périodiques pour la coopération au développement et la coopération avec l'Europe de l'Est, un examen approfondi de certaines questions relatives à la politique extérieure suisse restera nécessaire.

Au cours de la décennie écoulée, cette façon de procéder s'est révélée concluante.

Ainsi, après le «Rapport sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90» de 1993, qui a servi de base, le Parlement a reçu les «Lignes directrices Nord-Sud» de 1994, le «Rapport intermédiaire sur la politique d'intégration européenne de la Suisse» de 1995, le «Rapport sur le désarmement» de 1996, le «Rapport sur les relations entre la Suisse et l'Organisation des Nations Unies» de 1998, le «Rapport sur l'intégration» de 1999, le «Rapport sur les dimensions humanitaires de la politique extérieure suisse» de 1999, le «Rapport sur la politique de sécurité 2000», le «Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme» de 2000 ainsi que le «Rapport sur la politique de maîtrise des armements et de désarmement de la Suisse 2000». A cette liste s'ajoutent une multitude de messages et de rapports traitant aussi de questions de politique extérieure.

La politique extérieure influence de façon déterminante aussi bien la sécurité intérieure que la sécurité extérieure de la Suisse. La politique extérieure constitue souvent en elle-même un moyen de la politique de sécurité au sens large, car l'étendue de la coopération internationale exerce une grande influence sur la capacité des instruments de politique de sécurité à atteindre leurs objectifs. Le présent rapport a donc des liens étroits avec le Rapport sur la politique de sécurité du Conseil fédéral daté du 7 juin 1999.

250

La politique extérieure de la Suisse a besoin des débats permanents qui entourent sa substance et ses points forts au Parlement, dans les cantons et dans l'opinion publique, afin que le Conseil fédéral puisse compter sur un soutien politique interne en faveur de la mise en oeuvre de sa politique. Avec le présent rapport, intitulé «Rapport sur la politique extérieure 2000 ­ Présence et coopération: la sauvegarde des intérêts dans un monde en cours d'intégration», le Conseil fédéral souhaite contribuer à susciter un tel dialogue. Cette ouverture au dialogue constitue une constante de la politique extérieure suisse. Le présent rapport tient compte par exemple des résultats importants du Programme national de recherche 42 «Fondements et possibilités de la politique extérieure suisse» mandaté par le Conseil fédéral en 1995 et englobant 58 projets.

La politique extérieure suisse est essentiellement influencée par les développements sur la scène internationale, auxquels notre pays doit trouver des réponses adéquates.

Le contenu et la structure du présent rapport se présentent comme suit: ­

Le ch. 2 décrit le contexte global et européen.

­

Le ch. 3 contient les lignes directrices, les objectifs et les points forts du Conseil fédéral en matière de politique extérieure pour la prochaine décennie.

­

L'annexe décrit en détail la position et l'image de notre pays ainsi que les points forts et les principales activités de la politique extérieure suisse des années 90.

251

2

Défis internationaux

2.1

Le contexte global

2.1.1

Changements structurels

La globalisation des conditions de vie se poursuit sans cesse, et le rétrécissement de l'espace et du temps influence de plus en plus toutes les activités étatiques et privées. Aujourd'hui encore, de nouvelles découvertes scientifiques et technologiques, en particulier la véritable révolution intervenue dans les domaines des technologies biologique et génétique, de la communication et de l'information, déterminent les changements structurels en cours au niveau mondial.

En matière économique, le processus de globalisation est marqué par les efforts accomplis dans les années 90 en vue de déréglementer des marchés auparavant protégés, en particulier dans le domaine des infrastructures, par l'augmentation des privatisations d'entreprises étatiques, par la libéralisation croissante des mouvements de capitaux ainsi que par une véritable vague de fusions qui a donné le jour à des entreprises gigantesques. La concurrence s'est accrue dans le monde entier. Afin de subsister dans ce marché globalisé, les entreprises sont obligées de procéder sans cesse à des adaptations et à des restructurations. Eu égard à l'accélération du processus de globalisation, les modes de pensée et les mécanismes d'adaptation existants sont soumis à de fortes pressions.

La globalisation peut élever le niveau de vie aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement et donc contribuer à la réduction des inégalités existantes ou en train de s'élargir. L'exploitation de ces opportunités présuppose cependant certaines conditions-cadre internationales de nature économique, politique, écologique et sociale: ­

la reconnaissance de règles du jeu internationales au comportement de l'économie et de la science

­

l'amélioration de la stabilité du système financier international

­

la mise en oeuvre des principes de la «bonne gestion des affaires publiques», en particulier les efforts en vue d'un renforcement des droits de l'homme, des principes de l'Etat de droit et de la démocratie

­

la création et le respect de normes internationales en matière d'environnement

­

le respect de normes fondamentales en matière sociale et dans le domaine du droit du travail.

De telles conditions-cadre diminuent les coûts et les risques résultant de la division internationale du travail et contribuent à réduire la pauvreté et les inégalités, l'agitation sociale, les tendances extrémistes et la destruction de l'environnement.

La globalisation et la technologie n'influencent pas que l'activité économique. Elles contribuent également à mieux faire connaître et respecter des valeurs universelles telles que les droits de l'homme. Une connaissance approfondie de l'importance de ces valeurs universelles conduit également à un dialogue international fructueux sur les atteintes qui leur sont portées et donc à davantage de paix et de stabilité dans le

252

monde. Il n'est plus possible de nos jours d'isoler longtemps de la communauté internationale ou de laisser vivre dans des conditions indignes des populations entières.

Aussi bien la fin de l'ordre mondial bipolaire que la globalisation de nos conditions de vie ont fait apparaître plus clairement la diversité culturelle et de civilisation des Etats et des peuples. Les questions d'identité ont gagné en importance, entraînant des conséquences en partie positives et en partie négatives. Dans de nombreux Etats d'Europe orientale ainsi que dans l'hémisphère Sud, la disparition des frontières idéologiques a entraîné une réorientation culturelle et contribué à l'essor de cultures nationales ou régionales. Toutefois, des conflits ont vu le jour là où une confiance renforcée ou une puissance étatique nouvellement acquise a basculé dans le nationalisme extrême ou a contribué au développement du fondamentalisme religieux.

Malgré le prétendu nivellement culturel entraîné par Internet et les autres moyens globaux de communication, le besoin de compréhension entre les différentes civilisations, les courants religieux et les ethnies a plutôt augmenté.

Ce ne sont pas uniquement les activités économiques ou culturelles qui sont marquées par le processus de globalisation. Les problèmes ayant trait à la sécurité intérieure des Etats deviennent aussi de plus en plus globaux: le terrorisme, la criminalité organisée et le sabotage criminel d'infrastructures sensibles ainsi que la production et le trafic de stupéfiants constituent des dangers qui inquiètent de plus en plus la communauté internationale. Les conséquences sociales et économiques résultant des moyens financiers issus de telles activités, qui permettent à des groupements criminels de s'adonner à la corruption et à l'escroquerie à grande échelle, sont tout aussi inquiétantes.

Tout en constatant la volonté ­ par exemple dans le cadre de l'élargissement de l'UE ­ de constituer des espaces économiques toujours plus grands, on assiste aussi à une évolution contraire, qui accorde toujours davantage de valeur aux phénomènes qui se déroulent sur une petite échelle de nature régionale et facile à appréhender. Particulièrement en Europe, on observe depuis quelque temps une tendance à la régionalisation intra- et interétatique. Ceci permet de créer au niveau régional
des points de repère économiques, sociaux et culturels qui remettent un ordre nouveau dans un monde que l'on ne peut souvent plus appréhender clairement et dans lequel de nombreuses décisions sont prises par des organismes éloignés des citoyens. Ce ne sont pas uniquement les entreprises et les organisations non gouvernementales qui préconisent cette approche consistant à «penser globalement et à agir localement».

La communauté internationale s'y rallie également de plus en plus. Ainsi, par exemple dans le domaine de l'environnement ou du social, les programmes globaux sont de plus en plus souvent mis en oeuvre par des actions au niveau régional.

2.1.2

Problèmes mondiaux

Les modifications qui viennent d'être décrites, et qui dépendent dans une large mesure de forces sociales, économiques et scientifiques, ne sont pas restées sans effet sur la politique internationale. Quatre défis d'envergure mondiale sont au centre de l'attention:

253

2.1.2.1

Lutte contre la pauvreté

Le bilan des efforts internationaux en vue de résoudre les problèmes mondiaux de pauvreté au cours des dix dernières années n'est pas entièrement satisfaisant.

­

La proportion de personnes vivant dans la pauvreté dans les pays en développement et en transition, exprimée en pour-cent de la population mondiale, a certes légèrement diminué. Toutefois, il n'y a encore jamais eu par le passé autant d'êtres humains qui doivent subsister avec moins de 2 dollars américains par jour; selon les données fournies par la Banque mondiale, ils représentent près d'un tiers de la population mondiale (2 milliards de personnes).

­

La sous-alimentation coûte la vie à environ 9 millions de personnes par année. La progression du SIDA, en particulier en Afrique subsaharienne, est inquiétante. A cela s'ajoute le grand nombre de décès qui, chaque année, sont dus à des maladies telles que la malaria ou la tuberculose. Les épidémies restent une menace sérieuse pour le développement social et économique de beaucoup d'Etats.

­

Dans de nombreux pays en développement, la pauvreté est aussi bien une cause qu'une conséquence de conflits armés souvent prolongés et d'une mauvaise gestion des affaires publiques. Le climat d'insécurité et de violence prive des générations entières de leurs chances de vivre une existence digne.

Les femmes sont tout particulièrement touchées par les conséquences de la pauvreté et du sous-développement. En règle générale, elles bénéficient d'une formation moins bonne, ont moins d'emplois à disposition, ont un accès limité aux nouvelles technologies et aux crédits octroyés par les établissements privés et, dans de nombreux cas, ce sont elles qui souffrent principalement des conflits. En outre, elles sont souvent victimes d'actes criminels (traite des femmes, prostitution).

Des succès obtenus grâce à la coopération internationale contrastent avec ce tableau plutôt sombre. L'espérance de vie augmente, la mortalité infantile diminue, le taux d'alphabétisation des adultes croît. En outre, certains pays en développement, particulièrement en Asie, ont réussi à se forger une place dans l'économie globale.

De façon générale, on constate que la situation des pays en développement devient de plus en plus complexe: tandis que de nombreux Etats, avant tout en Afrique, doivent lutter contre d'énormes problèmes, d'autres peuvent faire état de progrès économiques et sociaux. En conséquence, il faut à l'avenir définir et mettre en oeuvre des stratégies différenciées, qui prennent mieux en compte cette situation de départ.

La décennie écoulée a été caractérisée, au niveau mondial, par la recherche de stratégies politiques appropriées en vue de la lutte contre la pauvreté, contre les inéga-

254

lités de toute sorte et contre la destruction de l'environnement1. La communauté internationale a pris de plus en plus conscience du fait qu'une série de thèmes qui dominent l'agenda politique, par exemple les changements climatiques, la croissance démographique, les migrations, la prolifération des armes de destruction massive, le trafic international de stupéfiants, d'êtres humains et d'armes ou encore les autres activités du crime organisé ont une dimension globale. On ne peut donc plus les combattre efficacement au moyen de mesures purement nationales.

La réalisation d'un développement durable représente actuellement un des grands défis mondiaux, qui concerne aussi bien ­ quoique dans des termes différents ­ les pays industrialisés, en transition et en développement. Un développement est dit durable lorsqu'il garantit que les besoins des êtres humains actuellement en vie pourront être satisfaits sans restreindre la possibilité, pour les générations à venir, de satisfaire leurs propres besoins. Les éléments clé d'une stratégie de développement durable sont l'efficacité économique, la protection de l'environnement et la solidarité sociale.

2.1.2.2

De la sécurité des Etats souverains à la sécurité humaine globale

Le visage de la guerre a fondamentalement changé au cours des dernières décennies.

Il est toujours plus rare que des soldats d'armées régulières s'affrontent sur le champ de bataille. C'est aujourd'hui la situation interne des Etats, leur stabilité, qui est devenue un défi international. Dans les sociétés du Sud, l'échec de certains modèles étatiques et de développement, la pauvreté croissante et le combat autour de ressources limitées ont donné lieu à une lutte pour la richesse et le pouvoir entre groupes rivaux. Le continent africain a été la première victime de cette évolution.

De nombreux conflits intra-étatiques sont caractérisés par le fait que certaines parties au conflit s'efforcent de chasser ou d'éliminer les membres d'autres groupes nationaux ou ethniques. Quiconque croyait que l'humanité avait tiré les leçons du «siècle des extrêmes» qui se termine a pu mesurer son erreur au vu des conflits en Europe du Sud-Est (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo), en Afrique (Angola, Somalie, Rwanda, Soudan, Sierra Leone) ou en Asie (Timor oriental), où des groupes entiers de population ont été chassés ou éliminés. La privatisation croissante de la conduite de la guerre suscite également l'inquiétude: ce n'est pas qu'en Afrique que de nombreux meneurs de guerre financent leurs activités grâce au produit de la vente de richesses naturelles ou d'autres activités criminelles telles que le trafic de drogues ou d'armes; souvent, des mouvements rebelles, des groupements criminels ou même certaines entreprises ont intérêt à ce que de tels conflits perdurent, à cause des bénéfices qui en résultent. Sans les mines de diamants, les guerres civiles en

1

Sommet mondial pour les enfants en 1990 à New York, Sommet de la Terre en 1992 à Rio, Conférence mondiale sur les droits de l'homme en 1993 à Vienne, Conférence internationale sur la population et le développement en 1994 au Caire, Sommet mondial pour le développement social en 1995 à Copenhague, Conférence mondiale sur les femmes en 1995 à Pékin, Sommet mondial de l'alimentation en 1996 à Rome, Conférence sur les établissements humains en 1996 à Istanbul; ces conférences globales sont en principe complétées tous les cinq ans par des conférences de suivi sur le même thème, comme celle qui s'est déroulée à Genève en 2000 suite au Sommet mondial pour le développement social.

255

Angola et en Sierra Leone auraient pris un tournant tout à fait différent. Il en va de même pour la guerre civile en Colombie sans le produit du trafic de stupéfiants.

Pour ces raisons, la promotion de la sécurité et de la paix constitue un élément central de la politique structurelle au niveau global. Une nouvelle conception de la sécurité, à savoir le «concept de la sécurité humaine globale» gagne en importance.

Ce concept comprend non seulement «un monde libéré de la peur» (Agenda pour la sécurité), mais également une vie «à l'abri du besoin» (Agenda pour le développement) ainsi qu'un «avenir viable» (Agenda pour l'environnement). Il trouve son origine dans l'idée que les pays industrialisés et en voie de développement partagent des intérêts vitaux communs et constituent donc une «communauté de sécurité et de destin»2.

L'amélioration de la sécurité humaine n'est possible que si les principes de la «bonne gestion des affaires publiques» sont appliqués. En particulier, les droits de l'homme ne doivent plus seulement être respectés dans la législation nationale. Ils sont devenus des normes universellement reconnues, dont le respect peut être imposé par des dispositions juridiques et qui règlent le comportement de la communauté internationale tout comme celui des particuliers.

2.1.2.3

Préservation durable des ressources naturelles

Le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992, a constitué un tournant en matière de politique internationale de l'environnement et du développement; les efforts accomplis en matière d'environnement deviennent de plus en plus une des activités centrales des Etats. La conférence de Rio a souligné la nécessité d'un développement durable en tant que condition indispensable pour assurer l'avenir de notre planète.

Un programme d'action global, intitulé Agenda 21, a été adopté à Rio. Il jette les bases d'un partenariat mondial et vise à concilier, dans l'intérêt de tous les êtres humains, les objectifs d'un environnement de qualité élevée et d'une économie performante. L'Agenda 21 esquisse les contours des actions à entreprendre aux niveaux global, régional et national; en outre, le Sommet de la Terre a promu la définition et le développement de principes, de normes et d'instruments juridiques dans le domaine de l'environnement.

Certains résultats ont d'ores et déjà été atteints. Pour l'heure, plus de 100 traités multilatéraux ont été conclus dans le domaine de l'environnement; ils ont permis quelques succès, notamment en matière de protection de la couche d'ozone ainsi que de contrôle des déchets dangereux et des organismes génétiquement modifiés.

Les défis auxquels la communauté internationale est confrontée en matière de gestion durable des ressources naturelles ont toutefois augmenté plutôt que diminué au cours de la décennie écoulée: chaque année, un pour cent de la surface totale des forêts disparaît. Comme par le passé, un cinquième de la population mondiale consomme plus de 60 % de la production totale d'énergie. Il est prévu que la population mondiale passe de 6 à 9 milliards d'êtres humains au cours des 50 prochaines années, ce qui entraînera une demande encore plus grande de ressources naturelles. A 2

256

Voir également le «Rapport du millénaire» du Secrétaire général de l'ONU, K. Annan, du 3 avril 2000

l'avenir également, la majorité de ces nouveaux êtres humains n'auront pas la possibilité de vivre et de travailler en respectant l'environnement.

Diverses études mettent en garde contre des changements climatiques imminents. La politique internationale devra se préparer à faire face à des problèmes comme l'élévation du niveau des mers et l'extension des surfaces désertiques.

2.1.2.4

Migration

L'écart entre l'évolution démographique au Nord et au Sud revêt une importance déterminante pour le problème des migrations: la plupart des pays du Nord sont confrontés à une population vieillissant rapidement et à des taux de croissance démographique bas, voire négatifs. Au contraire, le Sud doit lutter avec les problèmes liés à une croissance rapide de la population. Outre les conflits et les catastrophes naturelles, ces êtres humains doivent souvent faire face à une augmentation de la pauvreté pratiquement insoluble au niveau individuel. En conséquence, les facteurs ayant trait à la pauvreté sont aujourd'hui déterminants en matière de migration.

L'insuffisance des sources de revenus, le manque d'eau et de nourriture, la précarité des soins médicaux et l'insuffisance de possibilités de formation jouent un rôle déterminant dans la décision individuelle d'émigrer. A ces différents facteurs s'ajoutent la destruction de l'environnement, le caractère limité des ressources, la mauvaise gestion des affaires publiques et la violation des droits de l'homme ainsi que des tensions politiques, religieuses et ethniques.

Du point de vue de l'Europe occidentale, l'Est de l'Europe et le Sud du bassin méditerranéen constituent actuellement les régions à plus fort potentiel migratoire.

A la recherche de meilleures conditions de vie, les migrants se dirigent le plus souvent vers un Etat dans lequel se trouvent déjà de grandes communautés de personnes de même origine, que ce soit du fait d'un passé colonial ou d'une certaine politique du marché du travail. Il en est par exemple ainsi des Marocains en Espagne, des Algériens en France, des Tunisiens et des Albanais en Italie, des ressortissants d'exYougoslavie et de Turquie en Allemagne ou en Suisse. Des crises et des conflits survenant dans d'autres régions du monde pourraient toutefois rapidement modifier ce tableau.

Au vu de l'augmentation des mouvements migratoires, pratiquement tous les Etats d'Europe occidentale ont durci leur législation sur l'asile au cours des dernières années. L'UE est en train de créer en Europe un espace d'asile et de migration unique. Durant les prochaines années, elle jouera un rôle déterminant dans l'harmonisation de ces domaines.

La problématique de la migration ne peut être résolue ni par un durcissement de la législation sur
l'asile, ni par un accès facilité au marché du travail. Seule la réduction des causes de migration est à même de diminuer à long terme la pression migratoire sur les Etats industrialisés. Il est également admis que l'immigration peut être source de graves tensions en politique intérieure si elle n'est pas limitée ou contrôlée.

Outre les problèmes qui se posent en relation avec l'intégration de personnes provenant d'autres cultures, il ne faut pas oublier que la plupart des Etats européens seront confrontés, du fait du vieillissement de leur population, à des difficultés croissantes en matière de rentes de vieillesse. De l'avis des experts, ce seraient plus de 257

20 millions de personnes désireuses de travailler qui devraient venir s'établir en Europe occidentale au cours des 20 prochaines années afin d'assurer le financement des rentes des personnes qui quitteront le monde du travail au cours de cette période. Le développement économique et scientifique3 dépend aussi d'un certain flux d'immigration. Certaines branches économiques telles que l'agriculture, la construction ou le tourisme reposent en grande partie sur le travail fourni par les migrants. Les sommes d'argent que les migrants transfèrent souvent dans leur Etat d'origine contribuent positivement à son développement, tout comme le savoir ramené par les personnes qui rentrent chez elles.

2.1.3

Acteurs de la politique internationale

2.1.3.1

Changements dans la répartition de l'influence entre Etats et régions

Il y a dix ans, un ordre mondial qui était fortement marqué par l'«équilibre de la terreur» basé sur l'arme atomique a pris fin. Jusque là, l'appartenance à l'un des deux blocs idéologiques déterminait la position de nombreux Etats dans le monde.

Aujourd'hui, il n'existe plus qu'une seule superpuissance, les USA, qui occupent une position à part en matière économique, politique, technologique et militaire. Les USA sont actuellement la seule puissance militaire disposant de moyens à même d'être engagés dans le monde entier. En outre, la politique intérieure américaine influence comme aucune autre l'agenda global.

A côté des USA, une série d'Etats ou de groupes d'Etats exercent une influence croissante en tant que grandes puissances régionales. Cette constatation conduit à l'affirmation selon laquelle l'ordre mondial bipolaire dominé par les USA et par l'Union soviétique a cédé le pas à un ordre mondial multipolaire. Cet ordre est marqué par des pôles régionaux qui se sont créés autour de différents thèmes: ­

Il faut citer en premier lieu l'Union européenne, qui est devenue le partenaire principal et parfois le concurrent des USA ­ pas seulement en matière économique. Dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité également, l'UE a rehaussé son profil.

­

L'éclatement de l'Union soviétique a accentué les crises intérieures de nature économique, sociale et politique qui existaient déjà auparavant. Malgré sa faiblesse économique et la nécessité d'une réorientation sociale, la Russie reste une grande puissance, surtout en matière de sécurité.

­

Au début des années 90, l'Asie s'apprêtait à imiter le succès économique européen; de nombreux observateurs parlaient déjà du «siècle pacifique» à venir. La crise asiatique de la fin des années 90 a toutefois fait reculer beaucoup d'Etats de la région de plusieurs années. Le Japon a également eu, ces dernières années, à lutter contre des problèmes structurels. L'influence de la Chine dans le monde s'est accrue, notamment grâce à ses efforts de libéralisation économique, qui ont entraîné une dynamique et une force d'attraction économiques considérables. De plus, la Chine a fortement augmenté son

3

258

En particulier en Suisse, le pourcentage traditionnellement élevé d'étrangers ayant un titre universitaire contribue substantiellement à forger l'excellente réputation de l'espace de recherche suisse et à renforcer sa capacité d'innovation.

stock d'armements au cours de la décennie écoulée. Du fait de sa grandeur, de ses possibilités techniques, du nombre de ses habitants et d'une compétitivité croissante, l'Inde semble être en état de devenir une puissance influente sur le plan régional dans un futur prévisible.

­

Le Brésil, l'Afrique du Sud et l'Egypte présentent un potentiel semblable. De nombreux Etats d'Asie et d'Afrique devront cependant continuer à lutter, au cours de la prochaine décennie, contre des problèmes internes. Malgré des différences régionales, on peut observer que le sous-développement, la lenteur de la croissance économique et la faiblesse des structures étatiques caractérisent la plupart des Etats du monde. Ceci vaut également pour certains Etats d'Amérique latine. Ce continent a vécu au début des années 90 des développements prometteurs en direction d'une démocratie et d'une économie de marché renforcées. Depuis quelques années, les Etats d'Amérique latine ­ et surtout ceux situés sur l'arc andin ­ sont toutefois confrontés à de graves problèmes, en particulier de nature sociale.

Il n'est pas possible de prévoir en détail, à l'heure actuelle, comment les structures de la communauté internationale multipolaire se développeront au cours de la prochaine décennie. Il est toutefois certain que les défis internationaux et globaux dépassent la capacité des Etats individuels à trouver des solutions. Ils nécessitent des réglementations qui dépassent le cadre national. La tendance selon laquelle les processus de prise de décision passent de plus en plus du niveau national au niveau international s'est accentuée de manière marquante au cours des années 90. Constituant entre autres une réaction au processus de globalisation, cette tendance se poursuivra.

Les Etats, et en particulier les grandes puissances, continueront à placer les accents clé dans la politique internationale. Ces dernières resteront prêtes à faire valoir leurs intérêts, en cas de besoin, par des actions unilatérales.

Cela fait cependant un certain temps que les Etats ne sont plus les seuls décideurs en matière de politique internationale. Le monde moderne est marqué par la présence d'une multitude d'acteurs: les Etats, les organisations internationales et les groupements informels d'Etats, les acteurs non étatiques, les forces actives de la société .

2.1.3.2

Organisations internationales et coopération internationale informelle

La dynamique et la réorientation des organisations internationales ainsi que l'importance croissante des formes régionales de coopération ont de grandes conséquences pour la coopération internationale entre Etats.

Parmi les 190 Etats que compte la communauté internationale, 189 sont membres des Nations Unies. Seule la Suisse en est absente (mis à part les cas particuliers du Saint-Siège et de Taïwan). L'Organisation mondiale du commerce (OMC) comprend déjà 137 membres et mène des négociations d'adhésion avec 30 Etats supplémentaires, dont font partie des Etats aussi importants que la Chine, la Russie ou encore l'Arabie saoudite. Les institutions de Bretton Woods réunissent plus de 180 Etats membres du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Les formes régionales de coopération ont simultanément été renforcées. Les exemples suivants illustrent cette évolution: 259

­

Les négociations d'adhésion que l'UE mène actuellement avec 12 Etats candidats4.

­

Le «Partenariat pour la paix» de l'OTAN avec 27 Etats partenaires, dont tous les Etats membres de l'ancien Pacte de Varsovie.

­

Les activités de l'OSCE, qui a considérablement étendu ses capacités opérationnelles ainsi que le nombre de ses membres.

­

Les travaux du Conseil de l'Europe, qui à l'heure actuelle surveille le respect de ses principes (bonne gestion des affaires publiques, respect des droits de l'homme) dans pratiquement tous les Etats d'Europe.

­

L'importance croissante de l'Organisation de la Francophonie .

­

La négociation et la conclusion d'accords de libre-échange des Etats de l'AELE avec des Etats partenaires européens et extra-européens.

­

Le poids croissant d'organisations telles que l'ALENA et le Mercosur sur le continent américain ainsi que le développement d'initiatives semblables en Asie (ASEAN, APEC, ASEM) et en Afrique (OUA et SADC).

On a en outre pu constater dans les années 90 le renforcement de la tendance à la formation de groupements informels d'Etats. Le groupe des sept Etats les plus industrialisés (USA, Japon, Canada, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie) a été élargi à la Russie pour former le Groupe des 8 (G 8). Afin de préserver la stabilité du système financier international, un nouveau groupe d'Etats et d'institutions s'est constitué pour former le Groupe des 20 (G 20). Ce groupe comprend les Etats du G 8, certains autres Etats industrialisés, des Etats en transition importants ainsi que des représentants de l'UE et des institutions de Bretton Woods. En 1999, un autre groupement informel appelé «Financial Stability Forum» a été créé; il englobe les mêmes Etats et comprend la participation d'organisations financières multilatérales.

Il arrive de plus en plus souvent que des Etats partageant les mêmes points de vue collaborent au sein de structures informelles, par exemple en matière de sécurité humaine ou dans le domaine de l'environnement.

Les activités du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) revêtent une importance particulière. Cette organisation joue un rôle déterminant en sa qualité de gardien du droit international humanitaire mais aussi en tant qu'intervenant dans de multiples actions humanitaires.

2.1.3.3

Acteurs non étatiques

Il faut compter au nombre des acteurs non étatiques déterminants les entreprises commerciales, et en particulier celles qui exercent une activité à l'échelle internationale. Leur importance en tant qu'employeurs, investisseurs, partenaires sociaux et initiateurs de développements techniques et sociaux ne peut pas être surestimée.

Contrairement à beaucoup d'autres acteurs non étatiques, leurs activités transfrontalières sont de plus en plus soumises à des règles de comportement imposées par la communauté internationale, par exemple les «Principes directeurs à l'intention des 4

260

La Turquie constitue le 13e Etat candidat. Les négociations d'adhésion à proprement parler avec cet Etat ne commenceront toutefois que lorsque certaines conditions politiques seront remplies.

entreprises multinationales» de l'OCDE ou la «Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail» de l'OIT.

Les organisations non gouvernementales sont devenues dans de nombreux domaines des acteurs d'envergure globale. A côté de leur engagement au niveau local, les organisations non gouvernementales tentent en particulier de créer des conditionscadre internationales dans les domaines de l'environnement, des relations Nord-Sud, du droit social, de la sécurité humaine et des droits de l'homme. On peut observer depuis quelque temps que ces acteurs ont conduit au développement d'une véritable «société civile globale», grâce notamment à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information. Cette société civile comprend d'innombrables associations, initiatives de citoyens et autres formes d'organisations qui ne poursuivent que rarement le même objectif. Amnesty International, le World Wide Fund for Nature, Greenpeace et d'autres ont pris l'ampleur de véritables entreprises multinationales dotées de milliers de places de travail et d'une influence mondiale. D'autres organisations non gouvernementales sont actives au niveau local et s'occupent de problèmes survenant dans un cadre géographique limité.

L'influence des médias sur la formation de l'opinion aux niveaux national et international a continué à croître. A l'ère de l'information, les médias disposent d'un poids qu'il ne faut pas sous-estimer et qui détermine souvent l'agenda des activités politiques.

L'importance de la criminalité organisée internationale a massivement augmenté.

Les groupements criminels disposent souvent de moyens financiers considérables, provenant en particulier de produit des trafics de stupéfiants, d'armes et d'êtres humains, du racket ou encore de l'exploitation illicite de richesses naturelles. Les flux de capitaux d'origine douteuse ont fortement augmenté à travers le monde.

Les activités de mouvements rebelles et de libération ont également une grande importance au niveau de la politique mondiale. De même, les communautés religieuses sont des acteurs importants, souvent engagés au plan international, rôle qu'elles jouaient déjà avant l'ère de la globalisation.

2.2

Le contexte européen

2.2.1

L'Union européenne

Le développement de l'UE au cours de la décennie écoulée est décrit dans le Rapport sur l'intégration 1999 du Conseil fédéral. Les considérations suivantes se limitent par conséquent aux axes principaux de ce développement.

L'UE a fait usage de la marge de manoeuvre issue de la fin de la Guerre froide. Au cours des dix dernières années, elle a achevé son marché intérieur, introduit une nouvelle monnaie, renforcé sa politique extérieure et de sécurité, et elle est en train de définir le cadre de sa politique de défense. Avec l'introduction de l'euro, l'UE a montré sa volonté de se doter d'une capacité d'action et d'une responsabilité globales dans un domaine économique important. En tant que communauté d'intérêts et de valeurs, elle est devenue la force politique majeure en Europe, exerçant une forte attraction sur les Etats d'Europe centrale, orientale et méridionale. Au cours des dernières années, l'UE est devenue un acteur global et a fait état de sa volonté de poursuivre sur cette voie à l'avenir également.

261

Avec l'Autriche, la Finlande et la Suède, trois partenaires de longue date de la Suisse en matière de politique européenne sont devenus membres de l'UE en 1995.

Actuellement, celle-ci conduit des négociations d'adhésion avec 12 Etats d'Europe centrale, orientale et méridionale. Au cours de la décennie écoulée, l'Union a soutenu massivement les réformes politiques et économiques devant être réalisées par ces Etats et a ainsi contribué de façon déterminante à la sécurité et à la stabilité de l'Europe.

L'élargissement prévu place l'Union européenne face à de grands défis. L'adhésion de nouveaux Etats lui donnera un autre visage et transformera simultanément l'Europe. Pour l'UE, l'élargissement comporte le risque de diminuer son rayonnement politique et économique. Pour cette raison, l'UE est en train de réformer ses structures institutionnelles. La Conférence intergouvernementale actuellement en cours doit trancher certaines questions fondamentales, dont: ­

le nombre de membres de la Commission européenne-.

­

la définition des domaines dans lesquels les décisions peuvent être prises à la majorité (abandon du principe d'unanimité)-.

­

la pondération des voix des Etats membres s'agissant des décisions prises à la majorité-.

­

une plus grande flexibilité dans la conduite des politiques futures.

La réponse apportée à ces questions déterminera l'équilibre futur entre les petits, les moyens et les grands Etats membres, le rôle des différents organes de l'UE et le cadre institutionnel dans lequel se dérouleront les relations entre l'UE et les autres grandes puissances telles que les USA, la Russie, le Japon ou la Chine ainsi qu'avec des régions importantes telles que la Méditerranée, le sud de l'Amérique latine, l'Asie ou l'Afrique.

La question de savoir si ces réformes suffiront à permettre à une Union fortement élargie de mener une politique intérieure européenne ainsi qu'une politique extérieure, de sécurité et de défense reste ouverte. Cette question sert de toile de fond aux discussions actuellement en cours sur la création d'un «Etat fédéral européen», sur une «Europe à géométrie variable» ainsi que sur un renforcement de l'assise démocratique des institutions de l'UE. Cette discussion a gagné en importance avec le refus récent de la population danoise d'introduire la monnaie unique. La décision danoise a montré que les nouvelles étapes d'intégration ne rencontrent pas toujours la compréhension populaire et qu'il existe encore, du moins dans certains Etats membres, une profonde résistance à l'encontre d'une plus grande délégation de compétences à des organes supranationaux.

2.2.2

Architecture européenne de sécurité

Développements dans le domaine de la sécurité Les menaces politiques traditionnelles ont fortement diminué avec la fin de la Guerre froide. La course aux armements a pu être limitée grâce à différents accords et à des actions unilatérales entreprises par certaines puissances nucléaires. D'autres dangers et d'autres risques gagnent cependant en importance. Les efforts des sociétés européennes modernes en matière de politique de sécurité se concentrent de plus en plus sur la maîtrise des tensions et des conflits intra-étatiques, dont les effets 262

n'impliquent pas seulement une déstabilisation à l'échelle régionale, mais risquent également de menacer la paix en Europe, ainsi que sur la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme ou encore sur la réduction de la vulnérabilité des systèmes technologiques.

Dans ce contexte, l'architecture de sécurité européenne est en train de subir une mutation profonde, que le Conseil fédéral a décrite dans son Rapport sur la politique de sécurité 2000. En voici quelques éléments clé: ­

élargissement de l'OTAN

­

création du Partenariat pour la paix

­

disponibilité de l'UE à assumer des tâches de maintien de la paix

­

développement et revalorisation de l'OSCE

­

engagement du Conseil de l'Europe («la sécurité par la démocratie»).

L'OTAN est intervenue de façon répétée et déterminante dans les conflits balkaniques. Sans son engagement et sans stationnement de troupes, la pacification de la Bosnie-Herzégovine aurait été difficilement envisageable. Avec son opération armée contre la République de Yougoslavie, elle a créé les conditions nécessaires pour une forte présence internationale au Kosovo.

Menaces envers la sécurité intérieure dues à la criminalité organisée La criminalité organisée transfrontalière, qui s'est développée du fait de la globalisation, des nouvelles possibilités en matière d'informatique et de télécommunications ainsi que de l'ouverture de l'Est et de la crise des Balkans, a gagné en importance. Le fait que l'on constate une augmentation du professionnalisme, du degré d'organisation ainsi que de l'absence de scrupules des délinquants suscite l'inquiétude. L'installation de la criminalité internationale dans la vie économique normale à travers le blanchiment d'argent, la corruption et d'autres pratiques de la criminalité économique ne menace pas uniquement la stabilité de l'Europe de l'Est et d'autres pays en transition, mais également celle d'économies hautement développées et fortement interdépendantes; elle constitue l'un des plus grand dangers du monde moderne Avec le traité d'Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, l'Union européenne vise à édifier un espace européen de liberté, de sécurité et de justice. Dans cet espace, des domaines importants tels que l'immigration, l'asile et la politique des visas ont été transférés dans le champ de compétence de l'UE. Simultanément, la coopération policière ainsi que l'entraide administrative et judiciaire en matière pénale ­ à savoir les instruments destinés à combattre la criminalité organisée ­ ont été améliorées. De nouvelles structures viennent ainsi se superposer en partie aux formes existantes de coopération européenne et mondiale, ce qui réduit les possibilités de participation des Etats non membres de l'UE, en particulier de la Suisse.

263

2.2.3

Zones sensibles en Europe et dans son voisinage

L'Europe du Sud-Est Aucune autre région européenne n'a autant dominé l'agenda de politique étrangère du continent ni lancé autant de défis à la sécurité européenne que les Balkans. Depuis 1995 en Bosnie-Herzégovine et depuis 1999 au Kosovo, la communauté internationale assume le rôle de force de l'ordre. Elle combine une présence militaire avec la reconstruction de structures politiques, judiciaires et administratives.

L'objectif que poursuivent l'UE et l'OTAN consiste à rapprocher progressivement les Etats d'Europe du Sud-Est des structures euro-atlantiques. Cet objectif constitue un projet à long terme qui nécessitera durant des années des moyens et des efforts considérables et qui n'a de chance de succès que si toutes les mesures prises sont réunies dans un cadre régional d'ensemble. Le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est cherche à se rapprocher de ce but par le biais d'une approche multidimensionnelle.

Personne ne se fait d'illusions sur les difficultés à surmonter. La paix dans les Balkans ne peut être réalisée qu'aux conditions suivantes: ­

Suite au changement de pouvoir d'octobre 2000, la Serbie doit parvenir à la démocratie et à la stabilité politique.

­

Les questions du statut du Kosovo et du Monténégro doivent être éclaircies.

­

Les Etats de l'ex-Yougoslavie doivent entreprendre les réformes économiques et politiques nécessaires.

­

Le droit au retour des personnes réfugiées et déplacées doit être assuré.

­

La criminalité organisée doit être efficacement combattue.

La stabilisation de l'Europe du Sud-Est demeurera, au cours de la prochaine décennie, un des grands défis qui seront posés à l'Europe et qui la mettront à l'épreuve.

Les Etats successeurs de l'Union soviétique L'éclatement de l'Union soviétique représente l'événement le plus important de la décennie écoulée. Contrairement à ce qui s'est passé en Europe du Sud-Est, les Etats successeurs de l'Union soviétique ont réussi à se séparer pacifiquement. Tous sont devenus membres de l'OSCE et nombre d'entre eux souhaitent adhérer au Conseil de l'Europe. Outre les Etats baltes, la Russie, l'Ukraine et la Géorgie ont déjà pu y adhérer; l'Arménie et l'Azerbaïdjan se trouvent sur la voie de l'adhésion.

Des conflits ont toutefois surgi à l'intérieur de certains Etats. Quelques-uns sont toujours en cours, par exemple dans le Caucase. Le plus grand défi lancé aux Etats de l'ancienne Union soviétique est celui qui consiste à surmonter leur grave crise économique. Ce sont en particulier la privatisation des entreprises étatiques, la réforme du système social ainsi que des problèmes en matière d'environnement et d'énergie qui exigent de grands efforts de la part de tous les Etats successeurs de l'Union soviétique, et surtout de la Russie et de l'Ukraine. Il faut également mentionner comme problème particulier l'influence de la criminalité organisée, qui menace la stabilité et les réformes de certains Etats successeurs de l'Union soviétique.

264

Du temps de l'Union soviétique, les Etats d'Asie centrale assumaient le rôle de producteurs de certaines matières premières. Ils sont désavantagés par un tracé arbitraire des frontières, qui ne tient pas compte des structures économiques existantes ni des questions ethniques et qui entraîne une répartition inégale du potentiel économique et des ressources naturelles. A cela s'ajoutent des problèmes en relation avec la mise en place d'Etats indépendants, en particulier la faiblesse des structures démocratiques.

Le bassin méditerranéen Les conditions-cadre économiques et sociales de cette région (Proche-Orient, Maghreb et Turquie) sont caractérisées par de grandes différences dans le degré de développement et la performance économique, par une forte croissance démographique ainsi que par des tensions entre les exigences de la conduite moderne de l'Etat d'une part et de la transformation sociale d'autre part. A cela s'ajoutent, dans certains Etats, de sérieux problèmes de violation des droits fondamentaux et des droits de l'homme. Au Proche-Orient, de nombreux Etats se trouvent en état de guerre latente, ce qui provoque de temps en temps de grandes tensions ou même des affrontements violents.

L'islam, et en particulier sa relation avec l'Etat et avec la société, est un thème de discussion dans de nombreux pays. Les causes du fondamentalisme religieux ne se trouvent pas seulement dans les conditions-cadre insuffisantes de certains Etats de la région; ce fondamentalisme reflète également l'abandon progressif de modèles classiques de société et de gouvernement d'inspiration occidentale au profit d'un retour à des «valeurs traditionnelles». Lorsque les mouvements fondamentalistes se servent de moyens terroristes pour arriver à leurs fins, ils deviennent une menace sérieuse pour les sociétés libérales.

Un fossé économique immense sépare le Nord et le Sud du bassin méditerranéen, et les relations entre le Nord et le Sud sont caractérisées par des intérêts divergents. Le Sud recherche un accès à la prospérité du Nord, des marchés pour écouler ses produits agricoles et une ouverture des marchés du travail du Nord au profit de sa population en croissance rapide. De son côté, le Nord s'intéresse surtout à la paix au Proche-Orient, à une stabilisation de la situation stratégique de la Turquie, à la stabilité
politique et à la croissance économique dans le Sud du bassin méditerranéen ainsi qu'à la réduction de la pression migratoire. Du point de vue du Nord, la promotion de développements politiques, économiques et sociaux de nature à renforcer la «bonne gestion des affaires publiques» et à diminuer ainsi le potentiel de conflit et les causes de migration est donc primordiale. L'Union européenne a entrepris un pas important dans cette direction en accordant à la Turquie, en 1999, le statut de candidat officiel à l'adhésion.

2.3

Défis internationaux du futur

Aucun pays ne définit seul son agenda de politique extérieure. La politique extérieure ne consiste pas uniquement ­ mais néanmoins dans une large mesure ­ à réagir à des développements internationaux ou à contribuer à leur planification. Ces développements ne sont souvent pas prévisibles; l'art de la politique extérieure consiste, dans un tel cas, à agir vite, de manière adéquate et dans l'intérêt du pays.

265

Les questions et problèmes essentiels dont la Suisse aura à s'occuper au cours de la prochaine décennie font ­ pour certains d'entre eux ­ déjà partie depuis des années du champ d'activités de la politique extérieure suisse. Ainsi, les développements à l'échelle mondiale et européenne décrits plus haut continueront à marquer les années à venir. De nombreux points forts que la Suisse a fixés ces derniers temps dans la conduite de sa politique extérieure resteront importants. Continuité et prévisibilité caractérisent la politique extérieure suisse.

On peut cependant prévoir que certaines questions et certains défis globaux en partie nouveaux préoccuperont de façon de plus en plus pressante les Etats et les peuples au cours du XXIe siècle. Des modifications et des développements qui auront une influence considérable et durable ­ voire, dans certains cas, révolutionnaire ­ sur les modes de vie des êtres humains et sur la coexistence des Etats se dessinent5. Ce serait toutefois une erreur de considérer que ces questions relèvent uniquement de la politique extérieure.

2.3.1

La paix

Créer une communauté mondiale vivant en paix ­

Tous les êtres humains devraient pouvoir vivre à l'abri de la peur. La prévention des conflits armés entre Etats et également à l'intérieur des Etats revêt une importance primordiale. L'environnement économique et social doit être conçu de telle façon qu'il contribue à la prévention des conflits.

L'efficacité des actions de promotion de la paix doit être renforcée, la politique des sanctions doit être différenciée. Dans ce contexte, le droit international public joue un rôle primordial. Le cadre défini par le droit international public doit être renforcé.

­

Il faut réagir plus efficacement face aux nouvelles formes de menaces, en prenant notamment des mesures contre la criminalité organisée, la production et le trafic de stupéfiants, le blanchiment d'argent ainsi que contre le terrorisme.

­

Il faut endiguer la prolifération des moyens de destruction massive.

Assurer les bases de l'existence de tous les êtres humains En bref, il s'agit des défis suivants: ­

Evolution démographique, alimentation d'une population en croissance rapide, approvisionnement en eau, lutte contre les épidémies.

­

Gestion durable de l'environnement.

La question de savoir dans quelle mesure certains de ces défis pourront être maîtrisés grâce à des progrès en matière de technologies biologique et génétique donnera lieu à des controverses. Les manipulations génétiques permettraient probablement de résoudre le problème du manque de nourriture dont souffrent des millions de personnes, mais créeraient en même temps des possibilités imprévisibles et inquiétantes d'intervenir dans toute forme de vie, y compris dans la vie humaine. Plus que toutes 5

266

Voir également le «Rapport du millénaire» du Secrétaire général de l'ONU, K. Annan, du 3 avril 2000

les autres sciences, la biotechnologie doit donc tenir compte, à chaque pas en avant, des conséquences politiques et sociales que cela implique et, en cas de besoin, concevoir des solutions adaptées. Au niveau mondial, une telle approche n'est applicable qu'au moyen de la coopération internationale et à condition que tous les Etats assument leur responsabilité.

2.3.2

La prospérité et la pauvreté

Ces objectifs comprennent: ­

la création des conditions nécessaires à une croissance économique qui soit socialement et écologiquement durable ainsi qu'à l'emploi notamment par la: ­ libéralisation du commerce extérieur de marchandises et de services ­ promotion des investissements ­ libéralisation des mouvements de capitaux

­

la stabilité du système financier mondial

­

la lutte contre la pauvreté et les inégalités

­

la promotion de l'intégration des pays en transition et en développement dans l'économie mondiale.

Le développement durable, la lutte contre la pauvreté et la promotion de la prospérité économique présupposent, dans les pays en développement, une «bonne gestion des affaires publiques» etl'aptitude des personnes concernées à assumer leurs propres responsabilités; il faut que les personnes puissent participer davantage aux décisions concernant leur environnement («empowering people»).

La nécessité de créer un développement harmonieux appelle une amélioration des conditions-cadre internationales pour des actions globales, que ce soit dans le domaine économique, financier ou encore social. La promotion durable de la prospérité présuppose toutefois aussi la création de conditions-cadre favorables pour les industries du futur. Il ne s'agit pas seulement de «nouvelles» industries, mais également de transformations radicales au sein de secteurs économiques traditionnels.

La recherche de réponses globales n'ira pas sans renforcer la prise de conscience des différences culturelles. L'importance de faire reconnaître la validité universelle de certains principes fondamentaux, en particulier des droits de l'homme, s'en trouvera encore accrue. La globalisation nécessite donc aussi un dialogue renforcé entre les civilisations.

2.3.3

Vivre à l'ère numérique

L'avènement rapide de l'ère numérique ainsi que la pénétration de la technologie numérique dans la vie et dans la société suscitera le besoin de réglementations appropriées, portant notamment sur la protection des données, de la sphère privée ou encore de la propriété intellectuelle. Les conséquences sociales pour l'école, l'économie et la société seront considérables.

267

La question de savoir comment éviter la formation, au niveau national et mondial, d'une «société numérique à deux vitesses», qui distinguerait les «personnes connectées» et «les autres», revêt une importance particulière. Les pays et les populations qui ne disposent pas des conditions politiques, sociales et économiques nécessaires risquent de compter parmi les perdants des changements structurels en cours au niveau mondial. Il faut donc développer des stratégies globales qui contribueront à éviter de nouvelles inégalités.

2.3.4

Conclusions

Ces questions préoccuperont également la Suisse. Elles exigeront des décisions politiques et des adaptations sociales de sa part également. Dans la mesure où ces défis la concernent, la politique extérieure ne peut certainement pas se targuer de disposer de réponses à toutes les questions. Une constatation centrale doit toutefois être faite: ces questions globales dépassent de loin la capacité d'un Etat individuel à trouver des réponses et des solutions. Si la Suisse veut contribuer à la mise en oeuvre de solutions globales, elle ne pourra le faire qu'en coopérant étroitement avec d'autres Etats. Du fait des valeurs, des traditions, des convictions et des intérêts qui nous unissent, il va de soi que ces «autres Etats» sont en premier lieu, pour notre pays, les Etats européens.

268

3

Lignes directrices, objectifs et points forts de la politique extérieure suisse au cours de la prochaine décennie

Le Conseil fédéral entend exposer ici les lignes directrices, les objectifs et les points forts de sa politique extérieure: ­

Les lignes directrices présentent le cadre juridique tracé par la nouvelle Constitution fédérale que le peuple et les cantons ont approuvée le 18 avril 1999. Elles approfondissent la question de l'ancrage de la politique extérieure dans la politique intérieure, examinent les tensions perceptibles entre les intérêts, le statut de neutralité et la responsabilité internationale de la Suisse et décrivent les méthodes de travail de la politique extérieure.

­

C'est en fonction des objectifs de politique extérieure définis par la nouvelle Constitution fédérale que le Conseil fédéralfixe ses points forts. Les points forts thématiques concrétisent la substance de ces objectifs, les moyens institutionnels servent à la mise en oeuvre de ces points forts et, enfin, une plus grande concentration géographique de la politique extérieure bilatérale permet une utilisation plus efficace des moyens.

3.1

Lignes directrices

3.1.1

Visions et réalités

Si un Etat se fixe des objectifs visionnaires pour sa politique extérieure, il doit avoir le rayonnement, la force et les moyens de les mettre en oeuvre. Les objectifs de politique extérieure définis par la nouvelle Constitution fédérale présentent un caractère visionnaire. La Confédération est chargée de s'engager en faveur d'un monde de paix, de liberté et de justice. Accroître la prospérité de tous les peuples, éradiquer la détresse et la pauvreté et préserver les ressources naturelles constituent des exigences dont la réalisation présuppose une force visionnaire. L'image d'une Suisse libérale, démocratique, indépendante et pacifique qui aborde le monde dans un esprit de solidarité et d'ouverture n'est-elle pas également visionnaire?

Toutefois, tout visionnaire doit également s'attacher à concrétiser ses visions. Si la Suisse aspire à une communauté internationale au sein de laquelle les Etats et les sociétés coexistent dans la prospérité, la sécurité, la paix et la justice, elle doit avoir la volonté d'adhérer à l'ONU, qui s'attache précisément à réaliser ces objectifs. De même, si notre pays aspire à une Europe unie, dans laquelle les Etats oeuvrent en faveur de la paix et de la prospérité, nous devons examiner avec détermination la question de l'adhésion à l'UE.

Il n'est pas toujours possible de délimiter clairement les visions et les objectifs. Plus les objectifs sont abstraits, plus leur caractère visionnaire est marqué. Les cinq objectifs de politique étrangère que le Conseil fédéral a définis dans son Rapport sur la politique extérieure de 1993 sont si vastes et si ambitieux qu'ils présentent une dimension visionnaire. Il est d'ailleurs caractéristique qu'ils concordent avec les objectifs de politique extérieure de nos partenaires européens et même avec les principes des Nations Unies.

269

Dans le contexte des développements internationaux survenus dans les années 90 et des défis à venir, le Conseil fédéral entend: ­

réexaminer les conditions-cadre, les principes et les processus de décision de la politique extérieure suisse

­

définir les points forts de la politique extérieure suisse et les moyens de sa mise en oeuvre au cours de la prochaine décennie.

3.1.2

Conditions-cadre, principes et processus de décision

3.1.2.1

Le cadre juridique

Le 1er janvier 2000 a vu l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale, dans laquelle se reflètent les résultats d'un intense débat intellectuel au sujet des objectifs, des principes, et des moyens de la politique extérieure suisse. Au lieu de la formulation précédente, reprise du Pacte fédéral de 1815 («Assurer l'indépendance de la patrie contre l'étranger, maintenir la tranquillité et l'ordre à l'intérieur»), le nouvel article énumérant les buts de la Confédération est formulé comme suit: «La Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l'indépendance et la sécurité du pays» 6.

Au vu de la constatation selon laquelle les relations de dépendance et les recoupements entre les développements externes et internes caractérisent toutes les décisions fondamentales prises par les Etats modernes, la Constitution fédérale charge notre pays de poursuivre les objectifs suivants en matière de politique extérieure: ­

renforcer la liberté, la démocratie, l'indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d'ouverture au monde7, en étant conscients des acquis communs et de notre devoir d'assumer nos responsabilités envers les générations futures8

­

protéger la liberté et les droits du peuple et assurer l'indépendance et la sécurité du pays9

­

favoriser la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays10

­

s'engager en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d'un ordre international juste et pacifique 11.

L'art. 54, al. 2, de la Constitution fédérale attribue les objectifs suivants à la politique extérieure: «La Confédération s'attache à préserver l'indépendance et la prospérité de la Suisse; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu'à promouvoir le respect des droits de l'homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles.» 6 7 8 9 10 11

270

Art. 2, al. 1, Cst.

Cst., préambule Cst., préambule Art. 2, al. 1, Cst.

Art. 2, al. 3, Cst.

Art. 2, al. 4, Cst.

En ce qui concerne la politique économique extérieure, l'art. 101 de la Constitution fédérale prévoit ce qui suit: «La Confédération veille à la sauvegarde des intérêts de l'économie suisse à l'étranger.» Enfin, la Constitution contient les normes d'organisation et de compétence suivantes, particulièrement importantes pour la politique extérieure suisse: ­

Selon l'art. 180 de la Constitution, «le Conseil fédéral détermine les buts et les moyens de sa politique gouvernementale. Il planifie et coordonne les activités de l'Etat.»

­

Notre Constitution offre à l'Assemblée fédérale d'importantes possibilités de contribuer à la définition de la politique extérieure12. La coopération avec le Parlement suisse dans la politique extérieure a pu être considérablement élargie au cours de la décennie écoulée. Ce sont en particulier les expériences faites avec l'assise parlementaire du processus de négociation des sept accords bilatéraux avec l'UE qui ont contribué à renforcer considérablement l'influence parlementaire en matière de politique extérieure.

­

De même, les cantons participent de plus en plus aux processus de prise de décision en matière de politique extérieure, ce que la Constitution fédérale reflète expressément13. Les dispositions constitutionnelles en question ont en outre été concrétisées par la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération .

Dans la nouvelle Constitution fédérale, les cinq objectifs de politique extérieure de la Suisse ont été reformulés. Ils se présentent désormais comme suit:

12 13

Art. 166 et 173, let. a, Cst.

Art. 54 à 56 Cst.

271

3.1.2.2

L'ancrage interne

Dans le système politique suisse, qui repose sur une large participation du peuple et des cantons à la politique, la politique extérieure doit elle aussi être l'affaire de tous.

L'opinion publique a le droit d'être informée de tous les développements importants en matière de politique extérieure. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a le devoir de conduire sa politique extérieure en dialogue constant avec l'opinion publique suisse et les nombreux acteurs de la politique intérieure.

La politique intérieure et la politique extérieure sont indissociablement liées. Les décisions de politique intérieure sont influencées dans une très large mesure par les développements internationaux. Le rôle croissant que jouent les développements internationaux ­ et, en réponse à ceux-ci ­ la coopération internationale ainsi que les traités internationaux réduisent la marge de manoeuvre nationale.

La politique extérieure représente également le prolongement de la politique intérieure vis-à-vis de l'extérieur. Lorsque la Suisse soutient la paix au Kosovo, elle s'efforce en même temps de diminuer le potentiel migratoire à destination de notre pays. De même, à travers une coopération active au développement dans le sud de l'Afrique, la Suisse vise également à ce que ces Etats deviennent de façon durable des partenaires sur le marché mondial et donc des marchés intéressants pour l'économie suisse. Cette énumération pourrait être poursuivie à volonté: les crises et les problèmes qui ont lieu hors des frontières suisses ne peuvent pas être durablement tenus à distance de notre pays. Ils ont des conséquences directes pour nos emplois, pour l'immigration, bref: pour la sécurité et la prospérité de la Suisse. La politique extérieure suisse a donc également pour objectif d'influencer les décisions prises à l'étranger de telle façon que la marge de manoeuvre interne ne soit pas excessivement réduite. La politique extérieure et la politique intérieure ne peuvent pas être séparées; elles ne représentent souvent que les deux faces de la même médaille.

Sans ancrage interne constant, il manquerait à la politique extérieure suisse la légitimité et le contrôle démocratiques ainsi que la rétroaction avec les forces politiques, économiques et sociales de notre pays. Un large ancrage interne est la condition nécessaire
pour que la politique extérieure envisagée par le Conseil fédéral, visant une ouverture progressive de notre pays et une plus grande prise de responsabilités au niveau mondial, puisse être mise en oeuvre.

Sur la base des activités accomplies au cours de la décennie écoulée et sur la base des débats publics autour de thèmes particuliers, la politique extérieure suisse peut compter sur la compréhension des citoyennes et citoyens. En Suisse, c'est en dernier lieu le peuple ­ et le cas échéant les cantons ­ qui tranche toutes les questions importantes de politique extérieure.

Les décisions de politique extérieure présupposent la connaissance et la compréhension des relations internationales et de leurs conséquences pour les thèmes de politique intérieure. A travers un renforcement ciblé du travail d'information et d'éducation, le Conseil fédéral veut promouvoir la conscience qu'a le public des possibilités d'action suisses et des contraintes qui s'exercent sur les actions de notre pays.

Le renforcement prévu du travail de communication résulte du fait que l'information constitue un marché sur lequel la politique extérieure du Conseil fédéral doit elle aussi s'affirmer grâce à de nouveaux moyens de communication. C'est pourquoi le Conseil fédéral veut mener, sur la base d'une stratégie d'information en matière de politique extérieure, une politique d'information cohérente et coordonnée au cours de la prochaine décennie, qui place les divers projets et mesures de politique exté272

rieure dans le contexte général. Le Conseil fédéral veut en outre accorder une attention particulière à l'information de la jeunesse; à cet effet, il prévoit des efforts conjoints de la Confédération et des cantons visant à renforcer la collaboration avec les écoles de tous les niveaux.

Le renforcement de la coopération déjà étroite avec le monde scientifique revêtira une importance considérable. Dans le cadre du Programme national de recherche «Fondements et possibilités de la politique extérieure suisse» (PNR 42), qui a été mandaté en 1995 et qui comprend en tout 58 projets de recherche14, l'échange d'idées avec le monde universitaire sert également à soumettre les projets du Conseil fédéral à un examen extérieur, à intégrer des progrès scientifiques et à dériver des améliorations pour l'avenir à partir de l'évaluation externe du travail accompli.

Le Conseil fédéral ne peut toutefois pas assurer à lui seul une meilleure compréhension des questions de politique extérieure. Il faut pour cela que des efforts soient également accomplis par le Parlement, les cantons, les partis politiques et les autres forces politiques et sociales du pays.

3.1.2.3

Politique d'intérêts et neutralité

La politique extérieure suisse vise à sauvegarder les intérêts de la Suisse. En même temps, elle constitue l'expression de la responsabilité que notre pays doit assumer en tant que membre de la communauté internationale. De ce point de vue, les deux termes de sauvegarde des intérêts et de responsabilité traduisent le fondement éthique d'une politique durable, orientée vers l'avenir. Il s'agit d'une éthique basée sur l'équilibre entre les droits et les obligations existant entre partenaires et Etats partenaires égaux; elle exige que les conflits d'intérêts soient résolus en conformité avec la légitimité des différentes prétentions et non pas sur la base de la puissance respective des partenaires et de ceux qui font valoir les différentes prétentions.

Si la politique extérieure suisse veut être davantage que la somme des relations bilatérales entretenues entre Etats souverains, elle doit reposer sur un fondement programmatique. Dans la mesure où elle forme une unité programmatique, la politique extérieure a alors des relations claires avec de nombreux domaines de la politique intérieure.

Les développements internationaux qui viennent d'être décrits sont tellement liés entre eux, produisent leurs effets tellement rapidement malgré les frontières étatiques et sont si complexes que l'on ne peut leur faire face que par le biais de la coopération entre Etats, organisations internationales et acteurs privés et publics de la politique extérieure. En outre, le processus de globalisation exige de nouvelles approches. A l'avenir, il sera encore plus important que par le passé d'apporter des réponses multidimensionnelles à des questions complexes. De telles réponses devront tenir compte de la diversité des acteurs impliqués et des questions posées.

L'accroissement de la concurrence globale exige une amélioration constante de l'attrait de la place économique et financière suisse ainsi que de la productivité des entreprises suisses. Dans cette perspective, la libéralisation et la déréglementation des marchés représentent dans une certaine mesure des nécessités économiques. En 14

La publication d'une synthèse scientifique globale des résultats des recherches est prévue pour la deuxième moitié de 2001. Les résultats du PNR 42 ont été présentés au public en août 2000.

273

même temps, il faut tenir compte d'objectifs écologiques et sociaux, par exemple à travers de nouveaux modèles destinés à assurer l'approvisionnement de base et la sécurité sociale ainsi qu'à travers des incitations économiques en faveur d'une activité respectueuse des ressources disponibles et de l'environnement.

Le Conseil fédéral gardera présent à l'esprit que l'influence de notre pays en matière de politique extérieure dépend fortement de son importance économique. La sauvegarde des intérêts économiques vis-à-vis de l'extérieur demeure un des éléments centraux de la politique extérieure suisse. Pour un pays qui, du fait de son manque de ressources naturelles, doit se concentrer dans une large mesure sur la production de marchandises et de services à forte valeur ajoutée, de bonnes relations politiques et économiques avec l'ensemble des Etats constituent une condition nécessaire pour une sauvegarde des intérêts efficace. L'universalité de la politique extérieure n'exclut pas la définition de points forts, en particulier en matière économique. Nos moyens financiers et personnels limités nous y contraignent également.

En restant à l'écart, notre pays voit s'accroître le danger de devoir subir des décisions économiques et politiques prises à l'étranger. De plus en plus de questions importantes ne peuvent en effet être résolues qu'au niveau international ou régional; la politique multilatérale est devenue, en matière politique aussi bien qu'économique, le niveau d'action principal.

Au vu de l'accélération des changements technologiques, économiques et politiques dans le monde, le Conseil fédéral est convaincu qu'une politique extérieure active et imaginative aura des répercussions politiques et économiques positives pour notre pays. Cette politique orientée vers l'avenir ne vise pas seulement à relever des défis internationaux, mais aussi à participer activement à l'aménagement des conditionscadre mondiales.

Les nouvelles conditions-cadre internationales influencent tout particulièrement la politique de sécurité de la Suisse et ont donc également une grande importance pour la conception de la politique suisse de neutralité. Comme le Conseil fédéral l'a exposé en dernier lieu dans le Rapport sur la politique de sécurité 2000, le rôle des deux piliers traditionnels de la politique de sécurité
suisse, à savoir la défense autonome et la neutralité a perdu beaucoup de son importance pour le maintien de la sécurité en Europe au cours de la décennie écoulée. La Suisse ne peut pas assurer sa sécurité par la voie solitaire, mais dépend pour cela de la coopération avec d'autres.

C'est la raison pour laquelle «la sécurité par la coopération» constitue le maîtremot de la nouvelle politique de sécurité suisse. Dans ce contexte, le Conseil fédéral poursuivra la stratégie déjà formulée dans le Rapport sur la neutralité 1993 et confirmée dans le Rapport sur la politique de sécurité 2000: le maintien de la neutralité, combiné avec l'utilisation systématique de la marge de manoeuvre disponible, constitue le moyen approprié de fournir une contribution utile à la sécurité et à la paix dans le monde.

Son statut de neutralité n'empêche pas notre pays de faire un usage croissant de la coopération internationale en matière de politique de sécurité ainsi que de soutenir les sanctions non militaires adoptées par l'ONU ou un groupe d'Etats tel que l'OSCE ou l'UE à l'égard d'un Etat qui viole le droit. Soucieuse de conserver sa neutralité, la Suisse continuera à ne soutenir des mesures militaires que si elles sont conformes au droit international en vigueur généralement reconnu.

274

3.1.2.4

Tâches de coordination

Une politique extérieure uniforme et cohérente constitue une condition nécessaire à la sauvegarde optimale des intérêts internationaux de la Suisse. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) coordonne les activités de politique extérieure, sous réserve des compétences des autres départements. En matière de coordination, le Conseil fédéral lui a attribué le rôle suivant: ­

Le DFAE assure «la cohérence de la politique extérieure de la Suisse en collaboration avec les autres départements» (ordonnance du 29 mars 2000 sur l'organisation du DFAE) 15

­

«Il coordonne les activités de politique extérieure des départements et des offices et travaille, dans ce but, en étroite collaboration avec les unités administratives concernées» (ordonnance du 29 mars 2000 sur l'organisation du DFAE)16

La mise en oeuvre d'une politique extérieure cohérente pose de grands défis. Le Conseil fédéral s'efforce d'améliorer les procédures en la matière, de façon à diminuer les contradictions entre les différents domaines, afin de sauvegarder la crédibilité de sa politique extérieure aussi bien en Suisse qu'à l'étranger. Les conflits d'objectifs sont un corollaire normal de toute décision politique. Le Conseil fédéral s'attachera donc à formuler davantage d'objectifs mesurables en matière de politique extérieure. La résolution d'une question de politique extérieure doit se faire en conformité avec les normes constitutionnelles applicables. La formulation de stratégies d'ensemble multidimensionnelles, qui forment un cadre pour les différents acteurs impliqués, ainsi que la transparence des processus de décision constituent les instruments appropriés d'une politique extérieure cohérente.

Dans le cadre des relations extérieures, la coordination entre les différents domaines politiques est spécialement importante en cas d'atteintes à la paix et à la sécurité ou en cas de violations graves de principes fondamentaux par des Etats avec lesquels la Suisse coopère. Dans de tels cas, le Conseil fédéral examine les relations avec l'Etat en question dans leur totalité et décide d'un éventuel arrêt partiel ou total de la coopération («conditionnalité politique») sur la base de critères clairement définis.

Ces critères sont notamment: ­

des atteintes graves à la paix et à la sécurité (guerre, préparatifs en vue d'une guerre, terreur étatique)

­

des violations graves des droits de l'homme, en particulier des discriminations graves à l'égard de minorités

­

l'absence d'efforts en vue d'une bonne gestion des affaires publiques; ceci comprend également l'opposition consciente et systématique aux mesures de réforme

­

l'interruption ou l'annulation de processus de démocratisation

­

le manque de volonté de réadmettre ses propres ressortissants.

Il n'existe pas d'automatisme pour l'application de la conditionnalité politique. Il s'agit bien davantage de garder à l'esprit l'objectif poursuivi par une mesure déter15 16

RS 172.211.1 (art. 1, al. 2, let. b) RS 172.211.1 (art. 2, let. a)

275

minée et de choisir la meilleure option pour la sauvegarde des intérêts suisses sur la base des circonstances d'espèce et dans le respect du principe de proportionnalité.

L'accent sera mis en premier lieu sur des mesures positives pour améliorer une coopération en difficulté. Par «mesures positives», le Conseil fédéral entend des mesures qui contribuent de façon ciblée à remédier, par le biais d'une coopération avec le gouvernement ou certaines parties de la société civile de l'Etat partenaire, aux circonstances critiquées par la Suisse.

L'arrêt partiel ou total de la coopération avec un pays donné peut toutefois ­ en tant que solution de dernier recours ­ s'avérer inévitable pour garantir la crédibilité des objectifs de politique extérieure. Les critères exposés ici valent également pour l'établissement ou l'intensification de relations extérieures.

3.2

Objectifs et points forts

La Constitution fédérale du 18 avril 1999 a entraîné une reformulation rédactionnelle des objectifs de politique extérieure, qui figurent désormais aux art. 54, al. 2, et 101. Il s'agit des cinq objectifs suivants: ­

promouvoir la coexistence pacifique des peuples

­

promouvoir le respect des droits de l'homme et la démocratie

­

sauvegarder les intérêts de l'économie suisse à l'étranger

­

soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté

­

préserver les ressources naturelles.

Ci-après, ces cinq objectifs sont présentés et concrétisés au moyen de points forts.

3.2.1

Coexistence pacifique des peuples

Points forts: Le Conseil fédéral veut fournir une contribution essentielle et bien visible à la prévention des conflits armés. Il placera ses points forts géographiques en Europe du Sud-Est et de l'Est ainsi que dans la région méditerranéenne. Ceci n'exclut pas des engagements ponctuels dans des Etats où la Suisse dispose d'atouts particuliers. Les points forts thématiques englobent la mise en place de la démocratie et de l'Etat de droit, la promotion du dialogue en cas de conflit ainsi que des efforts en vue de la reconstruction. Des instruments de la politique de migration, tels que l'aide au retour, pourraient soutenir ces orientations de politique extérieure.

Le Conseil fédéral veut renforcer aux niveaux national et international l'ouverture de la Suisse au dialogue et le respect de la diversité culturelle grâce au dialogue interculturel et à la Fondation Suisse solidaire.

276

3.2.1.1

Prévention des conflits armés et reconstruction

Les efforts accomplis par la Suisse dans le domaine de la politique de paix se basent sur le fait que, souvent, les conflits sont les corollaires de changements sociaux et politiques. Aussi longtemps qu'ils n'impliquent pas l'usage de la force, ils peuvent se répercuter positivement sur ces changements. Beaucoup de conflits armés récents sont en relation directe avec le niveau de vie, les disparités sociales et le rythme de développement dans un pays donné. L'objectif de la politique de paix suisse consiste donc à créer, à l'échelle internationale et régionale, des conditions de nature à favoriser la résolution pacifique des problèmes. En cas de conflits aigus, il s'agit de soutenir les forces qui s'engagent en faveur de la résolution pacifique des différends.

Enfin, des actions à long terme dans le domaine social et institutionnel ainsi que dans celui des infrastructures doivent permettre un travail de reconstruction et donc favoriser le règlement des conflits.

Le Conseil fédéral s'attachera à optimiser et à coordonner davantage les activités de médiation à court terme et les instruments de prévention des conflits à long terme: ­

En matière de promotion civile de la paix, l'éventail des instruments disponibles sera élargi afin de pouvoir apporter, sur le plan bilatéral et multilatéral, une contribution durable à la résolution des conflits. Les observateurs et experts électoraux, les observateurs en matière de droits de l'homme, les policiers civils et les autres experts civils en matière de paix seront réunis dans un «corps d'experts pour les missions civiles de maintien de la paix» .

­

La coopération au développement, la coopération avec l'Europe de l'Est et l'aide humanitaire suisses renforceront leurs activités à long terme destinées à la prévention des conflits armés et seront en outre actives en matière de reconstruction.

­

Dans le cadre de la promotion militaire de la paix, le Conseil fédéral fera en sorte que notre pays puisse participer aux engagements de soutien de la paix qui reposent sur un mandat de l'ONU ou de l'OSCE. En cas d'engagements armés, les armes disponibles doivent servir à ce que les troupes engagées puissent se protéger et accomplir leur mission. La participation à des actions de combat destinées à imposer la paix est exclue. Dans ce contexte, le Conseil fédéral examinera aussi si et de quelle façon la Suisse pourrait éventuellement apporter une contribution utile aux futures missions de l'UE dans le cadre des «tâches de Petersberg» (missions humanitaires et d'évacuation, missions de maintien de la paix et missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix).

­

Le Conseil fédéral poursuivra et étendra si possible la coopération intensive qui existe actuellement dans le domaine de la sécurité humaine avec des Etats partageant les mêmes points de vue.

Du point de vue géographique, les actions de politique de paix se concentreront sur l'Europe du Sud-Est et de l'Est ainsi que sur la région méditerranéenne. Ceci n'exclut pas des engagements ponctuels dans des Etats où la Suisse dispose d'atouts particuliers. En Europe du Sud-Est, la Suisse coopérera avant tout avec des organisations internationales; en outre, elle continuera comme par le passé à agir bilatéralement. Dans d'autres régions de crise, la priorité ira clairement à la coopération bilatérale ou à la coopération avec des Etats partageant les mêmes points de vue. Le Conseil fédéral dirigera en particulier ses efforts bilatéraux vers les Etats et les 277

régions dans lesquels la Suisse dispose, suite à ses activités parfois anciennes de coopération au développement, d'un réseau étendu de contacts, de bonnes connaissances des circonstances locales ainsi que d'une large acceptation.

Du point de vue thématique, le Conseil fédéral concentrera d'une part ses efforts sur des actions d'établissement de la confiance et de médiation. D'autre part, dans le cadre de la coopération au développement, il entreprendra des actions de promotion de la paix notamment dans les domaines suivants: ­

promotion d'efforts locaux en faveur de la paix, promotion de la reconstruction et de la réinsertion

­

renforcement de la société civile et du dialogue entre Etat et société civile

­

soutien de formes de médiation impartiales

­

promotion de la compréhension mutuelle et de la transparence dans les situations de conflit.

Le Conseil fédéral accordera en outre une attention particulière aux mesures en faveur de la sécurité humaine, surtout aux actions de déminage et aux actions destinées à limiter la prolifération des armes de petit calibre. Enfin, les efforts en faveur du renforcement du droit international humanitaire seront poursuivis.

La coordination de ces mesures avec les efforts entrepris dans le cadre de la politique de migration suisse revêtira une importance particulière. Le Conseil fédéral part de l'idée que la pression migratoire sur la Suisse se maintiendra au cours des prochaines années. A l'avenir également, la Suisse dépendra cependant de l'accueil de main-d'oeuvre étrangère. En outre, il faudra examiner la question de l'immigration due à des raisons économiques mais aussi démographiques. A cela s'ajoutent des considérations humanitaires et le respect du droit international public ­ en particulier le respect du principe selon lequel, en cas de renvoi de requérants d'asile dont la demande a été rejetée, leur existence dans la sécurité et la dignité dans leur Etat d'origine doit être garantie (principe de «non-refoulement»). Le Conseil fédéral veut se baser davantage sur une politique migratoire coordonnée. L'amélioration de l'intégration des étrangers en Suisse en fait partie.

Du point de vue de la politique extérieure, la politique de migration nationale peut être soutenue par la lutte contre les causes de migration et peut donc apporter une contribution utile à la promotion de la paix dans le monde. Sur la base des bonnes expériences faites avec les programmes d'aide au retour pour la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo, des programmes semblables sont en train d'être examinés pour d'autres Etats. En outre, le Conseil fédéral conclura des accords de réadmission partout où cela sera possible. Les possibilités de la Suisse d'inciter les Etats d'origine des migrants à coopérer lors du retour de leurs ressortissants sont limitées; l'engagement coordonné d'instruments de politique extérieure peut être d'un certain secours à cet égard. Le Conseil fédéral a donc l'intention d'intégrer à l'avenir des clauses de réadmission dans tous les traités internationaux de coopération, dans la mesure où ils s'y prêtent (voir ch. 3.1.2.4 «conditionnalité politique»).

La problématique de la migration ne peut pas être
résolue au niveau d'un seul Etat.

Si l'on veut lutter contre les causes qui sont à l'origine des migrations, une coopération internationale est indispensable. Au niveau européen, le Conseil fédéral est donc intéressé à participer à l'aménagement des politiques migratoires harmonisées de l'UE. Les possibilités en ce sens dépendent toutefois de l'intérêt de l'UE à une coopération renforcée.

278

3.2.1.2

Ouverture au dialogue et respect de la diversité culturelle

Renforcement du dialogue des cultures et des civilisations L'objectif traditionnel de la politique culturelle extérieure consiste à présenter la diversité et la vitalité de la scène culturelle suisse à l'étranger. Les efforts du Conseil fédéral en vue d'une présence accrue de la vie culturelle suisse à l'étranger sont soutenus par de nombreuses institutions culturelles de Suisse. Dans les années à venir, la politique culturelle suisse à l'étranger sera renforcée, afin de rendre plus vivants les échanges interculturels.

Les questions culturelles jouent un rôle croissant dans le monde globalisé. Le respect de la diversité culturelle et la capacité de compréhension d'autres cultures et civilisations gagnent en importance. La culture ne fait pas qu'exprimer la créativité des individus et des peuples. Les créations et les expériences culturelles créent également des points communs qui contribuent à la compréhension mutuelle. La politique extérieure de la Suisse entend de ce fait s'engager davantage pour le dialogue entre des cultures différentes. La compréhension mutuelle ne peut être encouragée que par une large discussion sur les valeurs culturelles et religieuses respectives.

Le Conseil fédéral a l'intention de déployer une activité accrue dans ce domaine. Il contribue ainsi à approfondir les discussions qui ont lieu au sein de différentes organisations internationales à propos de la tolérance mutuelle, de la renonciation à la force en tant que moyen de faire valoir des revendications culturelles et de la compréhension mutuelle.

La Suisse peut faire valoir ses propres expériences en la matière et soutenir les efforts des Etats et des sociétés menacés par des différends afin qu'ils vivent leur diversité de telle façon qu'elle ne donne pas naissance à des conflits armés.

Réalisation de la Fondation Suisse solidaire Le Conseil fédéral veut réaliser aussi rapidement que possible le projet de Fondation Suisse solidaire. La fondation s'inscrit dans le plan consistant à attribuer un nouvel usage à 1300 tonnes d'or de la Banque nationale. Il est prévu d'attribuer 500 tonnes d'or à la mise en oeuvre des objectifs de la fondation. Ces travaux nécessiteront des modifications constitutionnelles et donc un vote populaire.

Les objectifs de la fondation auront aussi bien un volet intérieur qu'un volet extérieur
et comprendront en particulier la lutte contre la pauvreté, la prévention de la violence et l'édification de structures communautaires efficaces. Un accent particulier sera mis sur l'orientation vers l'avenir de la fondation. L'amélioration des conditions de vie des générations futures est donc au centre des efforts. Avec la Fondation Suisse solidaire, le Conseil fédéral veut aussi ­ à côté des objectifs nationaux ­ mettre en évidence la responsabilité internationale assumée par notre pays.

279

3.2.2

Promotion du respect des droits de l'homme et promotion de la démocratie

Points forts: Le Conseil fédéral veut conduire une politique humanitaire suisse indépendante et disposant d'un profil marqué, s'inscrivant dans la continuité de la tradition de politique extérieure de notre pays. Il renforcera par des mesures appropriées ses efforts en vue du respect et de la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit. Le Conseil fédéral conduira sa politique des droits de l'homme selon les principes de l'universalité et de l'indivisibilité des droits de l'homme.

3.2.2.1

La politique humanitaire de la Suisse ­ une tradition qui a de l'avenir

Des composantes humanitaires se retrouvent dans tous les domaines de la politique extérieure suisse, notamment la politique de coopération, des droits de l'homme, de sécurité, d'économie extérieure, de migration et de l'environnement. Ces composantes humanitaires ont pour objectif de protéger la vie et la dignité humaine avant, pendant et après les crises et les conflits et d'offrir une réponse solidaire, efficace et durable aux crises et conflits existants et potentiels.

Comme exposé au ch. 2, les dangers qui menacent les êtres humains n'ont pas diminué au cours de la décennie écoulée. Les nombreux affrontements qui font partie de la vie quotidienne de beaucoup d'êtres humains se caractérisent par des armes toujours plus efficaces, par exemple des bombes-grappe, qui font de la population civile une véritable cible. A cela s'ajoute l'augmentation des conflits intra-étatiques, dans lesquels sont souvent appliquées les méthodes d'assujettissement et d'élimination les plus brutales.

On assiste également à une augmentation des catastrophes naturelles dues à la surexploitation des ressources naturelles, qui font principalement souffrir les couches défavorisées de la population.

Ces développements demandent une amélioration du respect des règles humanitaires les plus fondamentales. L'importance de l'engagement humanitaire augmente. La recherche de principes humanitaires valables de façon générale, donc aussi pour les conflits intra-étatiques, reste une urgence.

L'engagement humanitaire de notre pays dans le monde entier fait partie de nos traditions de politique extérieure. En tant qu'Etat d'origine et patrie du CICR et du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la Suisse fait preuve d'un engagement au niveau mondial en soutenant activement des organisations humanitaires internationales et suisses ainsi que la Genève internationale, qui est le centre de compétence humanitaire mondial. Le corps suisse d'aide en cas de catastrophe et l'aide humanitaire de la Suisse permettent de soutenir de nombreux programmes et projets. Beaucoup d'organisations d'entraide suisses sont également actives dans des projets humanitaires. Ces activités et d'autres constituent une illustration, reconnue internationalement, de la solidarité humanitaire de la Suisse.

280

La politique humanitaire de la Suisse demeurera un point fort en matière de politique extérieure, grâce auquel le Conseil fédéral entend exprimer sa solidarité internationale de façon concrète et visible. Pour cette raison, il encouragera particulièrement les deux domaines clé de la politique extérieure humanitaire, à savoir: ­

les actions humanitaires de la Suisse, en particulier l'aide humanitaire

­

le droit international humanitaire, en particulier son ancrage et son développement au niveau mondial.

Le Conseil fédéral entend augmenter la performance et les moyens financiers de l'aide humanitaire. Il mettra l'accent sur les mesures en faveur des réfugiés et des personnes déplacées (aide humanitaire d'urgence pour prévenir les flux de réfugiés et aide à la reconstruction pour la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées).

Le Conseil fédéral continuera à s'engager pour le renforcement et le développement du droit international humanitaire. L'objectif consistant à mieux mettre en oeuvre le droit international humanitaire en vigueur est prioritaire. A cet effet, le Conseil fédéral coopérera étroitement avec des Etats partageant le même point de vue, en particulier dans le cadre de la Cour pénale internationale, et soutiendra autant que possible le CICR ainsi que d'autres organisations humanitaires étatiques ou privées.

Les actions futures de la politique extérieure humanitaire de la Suisse conserveront leurs caractéristiques traditionnelles, à savoir l'indépendance, l'impartialité et la crédibilité. En outre, l'aide humanitaire apportée suite à une situation d'urgence n'est pas subordonnée à des conditions politiques.

3.2.2.2

Engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit à travers le monde

Amélioration de la bonne gestion des affaires publiques Une politique économique et sociale déficiente, des atteintes aux droits de l'homme, un environnement non démocratique ou encore des structures étatiques faibles sont des obstacles majeurs au développement durable, à la paix et à la stabilité internationale. Ce n'est que dans un Etat qui garantit des conditions politiques, économiques et sociales favorables que les êtres humains peuvent se développer et que l'initiative privée peut devenir le moteur indispensable du développement.

La question de l'importance des principes de l'Etat de droit, de la démocratie et des droits de l'homme («bonne gestion des affaires publiques») joue désormais un rôle clé dans la coopération internationale et en particulier dans le dialogue entre le Nord et le Sud. Le Conseil fédéral veut renforcer les efforts accomplis jusqu'à présent et contribuer ainsi à promouvoir les possibilités de développement individuel, les droits de l'homme et la démocratie dans les Etats partenaires de la Suisse.

Les points forts thématiques ont trait au soutien des réformes dans le domaine de l'ordre juridique ainsi que de l'organisation de l'Etat, du gouvernement et de l'administration. A cela s'ajoutent des mesures en faveur du renforcement des structures et processus démocratiques, parmi lesquelles la conduite d'élections, le soutien d'organisations issues de la société civile ou encore la promotion de la

281

diversité médiatique et de la transparence. Les mesures contre la corruption qui gangrène de nombreux pays sont également importantes.

Ces efforts doivent être poursuivis et mis en oeuvre au niveau multilatéral.Il convient par ailleurs d'aspirer à la «bonne gestion des affaires publiques» par le biais de la coopération bilatérale. La Suisse dispose par exemple de beaucoup d'expérience et de savoir en matière de décentralisation, que l'on aurait tout intérêt à utiliser.

Il faut garder présent à l'esprit que l'engagement en faveur de la «bonne gestion des affaires publiques» doit tenir compte des besoins particuliers et des traditions juridiques propres à l'Etat en question. Il faut également savoir que la mise en place et la promotion des principes et des normes de l'Etat de droit constituent des projets à long terme qui doivent s'appuyer sur le soutien de la société civile du pays.

Respect des droits de l'homme en tant que principe d'action de la politique extérieure Les droits de l'homme constituent l'expression éthique et normative de valeurs fondamentales universellement reconnues. Le monde globalisé a besoin de ce cadre contraignant qui règle la coexistence des Etats, des peuples et des individus. La mise en oeuvre des droits de l'homme reste cependant liée à des difficultés inquiétantes.

Ce fossé entre le cadre juridique et la mise en oeuvre est encore accentué par deux autres sources de conflit: ­

d'une part, il arrive souvent que l'on essaie de subordonner la mise en oeuvre des droits de l'homme à des priorités de développement, à la diversité culturelle ou au principe de non-ingérence dans les affaires internes ­ principe qui n'est pas applicable en matière de droits de l'homme;

­

d'autre part, la politique des droits de l'homme fait régulièrement l'objet de conflits d'intérêts nationaux, par exemple lorsqu'il s'agit d'octroyer une garantie des risques à l'exportation.

En outre, en matière de droits de l'homme, le contexte international est soumis à une évolution constante qui demande de la part de la communauté internationale un renouvellement et une adaptation continuels des instruments de politique des droits de l'homme. L'élaboration et la mise en oeuvre d'instruments juridiques revêt une importance particulière. Cet axe de développement est illustré par les exemples suivants: développement de la Cour européenne des droits de l'homme, tribunaux spéciaux de l'ONU pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie, adoption du statut de la Cour pénale internationale permanente le 17 juillet 1998 à Rome. En outre, l'affaire Pinochet est une illustration du fait que la question de la légalité des activités des gouvernants est de plus en plus jugée d'après des critères universellement valables.

Le fondement juridique et l'adéquation des instruments et moyens à mettre en oeuvre nécessitent en permanence une discussion et une acceptation internationales, tout particulièrement en relation avec l'utilisation de la force pour la mise en oeuvre des droits de l'homme. On peut mentionner à titre d'exemple l'intervention de l'OTAN dans la crise du Kosovo, qui a fait suite à des atteintes massives aux droits de l'homme et à des violations du droit international humanitaire. La politique internationale des sanctions (embargo économique, blocage de comptes, refus de l'octroi de visas) constitue un autre exemple, qui suscite également des questions délicates.

282

Les droits de l'homme forment une base juridique et éthique importante de la politique extérieure suisse. Notre pays vise traditionnellement à améliorer la situation d'autant d'êtres humains que possible en matière de droits de l'homme. Le Conseil fédéral se fonde à cet égard sur une conception étendue des droits de l'homme, qui comprend aussi bien les droits économiques, sociaux et culturels que les droits civils et politiques. Au niveau international, les droits de l'homme au sens le plus large ont gagné en importance dans tous les aspects des relations, tant entre Etats qu'entre Etats et individus, mais aussi entre les individus eux-mêmes.

Notre pays a soutenu activement cette évolution internationale et continuera à s'engager, aux niveaux bilatéral et multilatéral, en faveur du développement des droits de l'homme ainsi que de leur reconnaissance et de leur mise en oeuvre universelles. A cet effet, les instruments les plus divers sont à la disposition de la Suisse; ils sont décrits en détail dans le «Rapport sur la politique suisse des droits de l'homme» du 16 février 2000. La mise en oeuvre d'une politique suisse des droits de l'homme cohérente nécessite une coordination accrue de tous les efforts et un partenariat étroit avec la société civile et l'économie.

3.2.3

Sauvegarde des intérêts économiques

Points forts: Le Conseil fédéral veut garantir à l'économie suisse les meilleures conditionscadre possibles en Suisse afin d'assurer ainsi les conditions de son succès au niveau international. Les points forts thématiques sont la promotion des exportations des PME, le soutien par la politique extérieure de l'espace de recherche et de formation suisse ainsi que l'engagement multilatéral et bilatéral en faveur de conditions-cadre mondiales favorables. La promotion d'une place financière performante et compétitive ainsi que la sauvegarde de ses intérêts à l'étranger revêtent une importance particulière.

3.2.3.1

Assise extérieure de la place économique suisse

Il faut que la Suisse continue à faire partie des places économiques les plus attrayantes du monde. A cet effet, le Conseil fédéral veut développer encore davantage le réseau d'accords bilatéraux de libre-échange, de protection des investissements et de double imposition et créer pour le secteur dynamique des petites et moyennes entreprises (PME) suisses des conditions encore meilleures afin qu'elles puissent subsister face à la concurrence mondiale. La nouvelle loi sur la promotion des exportations entraîne une réorientation de la politique suisse dans le domaine des PME: les moyens disponibles pour la promotion des exportations seront concentrés sur environ 20 Etats dont les marchés sont particulièrement importants ou porteurs d'avenir pour les entreprises suisses. Pour l'instant, il s'agit avant tout des Etats voisins ainsi que de la Grande-Bretagne, des USA, du Japon, de la Chine, du Brésil et de l'Inde. Il va de soi que le Conseil fédéral poursuivra ses efforts en vue d'assurer la prestation de services appropriés en matière de promotion des exportations dans tous les Etats disposant de représentations suisses. La promotion du tourisme transfrontalier sera également poursuivie.

283

En Europe centrale, le Conseil fédéral se concentrera au cours des années à venir sur la promotion des exportations et des investissements ainsi que sur le lancement d'un programme destiné au soutien des marchés financiers locaux.

Dans le domaine du développement économique, les instruments nouvellement créés en vue de partenariats à long terme entre des entreprises suisses et des entreprises situées dans les pays en développement et en transition devraient s'avérer particulièrement intéressants (p. ex. SDFC et SOFI).

Les atouts de l'économie suisse se situent dans les produits et services à forte valeur ajoutée, qui présupposent un niveau élevé de formation, de recherche et de technologie. La compétitivité future des entreprises suisses dépendra donc pour une large part des mesures prises par les pouvoirs publics pour renforcer ces atouts. La politique intérieure et la politique extérieure devront fournir des efforts particuliers dans ce domaine si la Suisse ne veut pas être distancée par ses partenaires économiques majeurs. La compétitivité et l'attrait de la recherche suisse constituent un facteur essentiel d'implantation. Les domaines de la formation, de la recherche et la technologie sont aussi caractérisés par une coopération internationale intensive. L'assise extérieure des actions de politique intérieure a donc une grande importance. Outre le renforcement de la coopération avec l'UE, en particulier dans les domaines de la formation, de la recherche, des infrastructures, des télécommunications, des transports et de l'énergie, il s'agit également de maintenir l'excellente réputation de la Suisse au-delà de l'Europe. Le Conseil fédéral prévoit donc de placer davantage de conseillers scientifiques dans les représentations suisses à l'étranger, afin de développer les réseaux internationaux de contacts en matière scientifique.

3.2.3.2

Promotion d'un système économique et financier international stable

Au niveau mondial, le Conseil fédéral contribuera à renforcer les conditions-cadre nationales et internationales qui aident à éviter un retour au protectionnisme. Il soutiendra donc avec force les activités correspondantes de l'Organisation mondiale du commerce. Le Conseil fédéral poursuivra en outre sa politique de conclusion d'accords de libre-échange, notamment avec des pays extra-européens.

Récemment, l'économie mondiale a vécu une poussée de libéralisation aussi bien en ce qui concerne le commerce de marchandises et de services que, en particulier, les mouvements de capitaux. Du fait de cette évolution, l'intégration de l'économie mondiale a augmenté. Les négociations économiques au sein de la communauté internationale ne peuvent donc plus avoir pour seul objet «l'accès libéralisé au marché», mais doivent poursuivre l'objectif plus large d'éviter des troubles dans les relations économiques élargies et intensifiées. A cet effet, la communauté internationale doit mettre en place les règles et les institutions nationales et internationales permettant de garantir durablement le bon fonctionnement des marchés. Donner libre cours aux forces du marché au moyen de mesures de libéralisation est une chose; les intégrer dans un cadre politique approprié en est une autre.

Au-delà de l'importance que revêt pour elle le commerce extérieur, la Suisse a plus que tout autre pays intérêt à disposer de marchés qui fonctionnent bien. De tels marchés offrent les bonnes conditions-cadre dont notre pays a également besoin dans les Etats qui abritent ses nombreuses et souvent importantes entreprises actives au niveau international.

284

Il s'agit en premier lieu de mesures relevant de la législation économique nationale, qui doivent néanmoins être coordonnées au niveau international, par exemple en matière de «bonne gestion des affaires publiques», de «corporate governance» ou encore de politique de la concurrence ou de l'environnement. Pour les Etats industrialisés, cette mission de coordination relève depuis longtemps de l'OCDE. Les efforts entrepris dans ce cadre doivent toutefois être étendus géographiquement et, dans certains domaines, intensifiés. A l'avenir, l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ainsi que l'Organisation mondiale du travail seront également davantage mis à contribution. La Suisse soutient et encourage énergiquement les efforts de coordination des organisations économiques internationales. Pour elle, le bon fonctionnement des marchés dépend également des principes de la durabilité sociale et écologique.

Comme la Suisse dépend d'un système financier international stable et ouvert, elle a grand intérêt à continuer à influencer activement la politique des institutions financières internationales. En 1999, le Conseil fédéral a exposé sa position de principe s'agissant de la réforme du système financier international17. En tant que membre des institutions de Bretton Woods, notre pays entend poursuivre les objectifs suivants: ­

La Suisse aide le Fonds monétaire international à promouvoir un système financier et monétaire international stable et fiable. Elle s'engage en faveur d'une utilisation efficace des moyens financiers du Fonds et accorde une grande importance au respect systématique de la conditionnalité économique lors de l'octroi de crédits.

­

Elle s'efforce de mieux faire participer le secteur privé aux mécanismes de la gestion des crises, elle met accent sur l'impact social et environnemental du développement économique et soutient une orientation accrue des programmes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale vers la lutte contre la pauvreté.

­

Elle est en faveur d'une répartition efficace du travail entre les organisations économiques internationales et d'une intensification simultanée de leur coordination et s'engage pour plus de transparence à l'égard du public.

De façon générale, le Conseil fédéral veut s'attacher à ce que les organisations internationales déterminantes prennent mieux en compte, en matière d'économie mondiale et de finances, les aspects liés au développement, à l'environnement et à la politique sociale. Ces efforts trouvent leur origine dans la conviction que seul un système économique et financier qui tient compte des intérêts des petits et des grands, de même que des pauvres et des riches peut subsister à terme et contribuer au développement durable.

3.2.3.3

Promotion de la place financière suisse

A cause de son importance pour l'économie suisse, la promotion et l'assise internationale d'une place financière suisse performante et compétitive continueront à figurer parmi les priorités du Conseil fédéral au cours des années à venir. Le Conseil 17

Voir le rapport du Conseil fédéral du 4 octobre 1999 intitulé «Le système financier international et la position de la Suisse»

285

fédéral part de l'idée que la place financière suisse devra faire face à une concurrence mondiale renforcée. A cela s'ajoutent les défis résultant du progrès technologique ainsi que le processus de globalisation et les changements structurels dans le domaine des services financiers. L'ouverture de nouveaux champs d'activités (par exemple le commerce électronique) pourrait également augmenter le besoin de coopération internationale et nécessiter de nouvelles solutions. A l'avenir, le Conseil fédéral entend donc continuer à mettre à disposition les conditions-cadre nécessaires au maintien d'une place financière forte.

Les critiques répétées en provenance de l'étranger à l'encontre de la place financière suisse se poursuivront probablement à l'avenir, et pourront même, selon les circonstances, se transformer en pressions politiques. Ceci est dû à plusieurs raisons: ­

lutte pour des parts de marchés, eu égard à la position de «leader» qu'occupent, au niveau mondial, les banques suisses en matière de gestion de fortunes

­

crainte que la mobilité élevée du capital fasse diminuer fortement la substance fiscale

­

exigences renforcées à l'égard de l'intégrité des places financières, en particulier exigence d'une action conséquente pour lutter contre le blanchiment d'argent et les contraventions fiscales criminelles et pour rejeter les fortunes de potentats.

La mobilité élevée du capital exige que, à l'avenir également, les efforts tendant à écarter les fonds d'origine illégale, en particulier en relation avec la criminalité organisée, soient encore renforcés. La Suisse a engagé de grands efforts dans ce domaine au cours des dernières années. Ce n'est pas seulement pour des raisons éthiques que la sauvegarde de l'intégrité de la place financière représente une nécessité pour le Conseil fédéral. Elle est également devenue un facteur important pour la réussite internationale de toute place financière.

Le problème de la lutte contre les fonds d'origine illégale et contre la criminalité organisée ne concerne cependant pas que la Suisse, mais toutes les places financières internationales. Aucun Etat ne peut trouver les réponses à ces développements à dimension transfrontalière en agissant seul; il ne pourra le faire qu'en coopération avec d'autres Etats. Ainsi, il faudra aussi bien des mesures nationales qu'une coopération internationale accrue dans la lutte contre tous les aspects de la criminalité financière pour éviter l'afflux de fonds d'origine illégale. Par exemple, seuls la mise en oeuvre déterminée de la loi sur le blanchiment d'argent, la répression sévère des délits, le respect strict des obligations de diligence des instituts financiers ainsi que l'utilisation de toutes les dispositions d'entraide judiciaire permettront de diminuer l'afflux difficilement contrôlable de fonds d'origine illégale et donc indésirables, et d'asseoir au niveau international les mesures prises par la Suisse au cours des dernières années. Au niveau international, la Suisse continuera à s'engager afin que les efforts des Etats en vue de lutter contre la criminalité financière soient jugés en conformité avec le principe d'égalité de traitement et sur la base de critères objectifs.

Pour ce qui est de l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne prévue au sein de l'UE, le Conseil fédéral partage l'avis selon lequel les revenus du capital doivent être imposés de façon appropriée. Il estime qu'il ne saurait être dans l'intérêt de la Suisse d'attirer des transactions qui visent à contourner une éventuelle réglementation de l'UE. Si cette dernière parvenait à un accord sur une réglementation concrète garantissant une imposition sans faille des revenus de l'épargne, la Suisse serait 286

prête à chercher, en préservant le secret bancaire, des moyens de rendre ce genre de transactions aussi peu attrayantes que possible. Cette recherche de solutions doit être placée dans le cadre général des relations entre la Suisse et l'UE.

Le secret bancaire se définit comme le devoir de discrétion que les banques, leurs représentants et leurs employés doivent observer sur les affaires économiques de leurs clients, parvenues à leur connaissance dans l'exercice de leur profession. Il garantit ainsi, dans le domaine financier, le droit de l'individu à la protection de sa sphère personnelle. A l'avenir également, cette fonction du secret bancaire ne sera pas susceptible de faire l'objet de négociations. En vertu du droit en vigueur, la protection du caractère privé de ces relations connaît toutefois déjà des limites. Elle s'arrête là où le secret bancaire est instrumentalisé au profit d'activités criminelles.

3.2.4

Soulager les populations dans le besoin et lutter contre la pauvreté dans le monde

Points forts: Le Conseil fédéral veut placer la lutte contre la pauvreté au centre de sa coopération au développement. Il entend fixer les points forts suivants: accroissement des revenus et de l'emploi, «bonne gestion des affaires publiques», encouragement du secteur privé, gestion durable des ressources naturelles, intégration dans le commerce mondial, désendettement, égalité sociale, prévention et gestion des crises.

Renforcement de la coopération au développement et de l'aide à l'Europe de l'Est La coopération au développement de la Suisse continuera à placer la lutte contre la pauvreté au centre de ses activités. Les activités de la Suisse s'inscrivent ainsi exactement dans le sillage des efforts internationaux des autres Etats industrialisés et correspondent aux lignes directrices que les Etats de l'OCDE ont adoptées en 1996 en vue de la coopération Nord-Sud au cours de la première décennie du siècle nouveau18.

Seul un soutien financier accru permettra toutefois de mettre en oeuvre de façon renforcée, bilatéralement et multilatéralement, les objectifs de la politique de développement suisse. Le Conseil fédéral a par conséquent l'intention d'atteindre au cours de la prochaine décennie l'objectif consistant à fournir une coopération au développement correspondant à 0,4 % du produit national brut de la Suisse.

La coopération avec les Etats d'Europe de l'Est se poursuivra. Les diverses crises en Europe du Sud-Est ont montré que l'engagement considérable de la Suisse demeure justifié.

Au cours de la prochaine décennie, la coopération au développement et avec l'Europe de l'Est se concentreront sur les points forts thématiques suivants: accroissement des revenus et de l'emploi, «bonne gestion des affaires publiques», encouragement du secteur privé, gestion durable des ressources naturelles, intégration dans 18

Voir OCDE: «Le rôle de la coopération pour le développement à l'aube du XXIe siècle», Paris 1996

287

le commerce mondial, égalité sociale, désendettement ainsi que prévention et gestion des crises. Dans le cadre multilatéral, la Suisse soutiendra donc les organisations internationales déterminantes avant tout dans ces domaines ainsi qu'en relation avec l'impact social et environnemental des programmes.

Le Conseil fédéral s'orientera d'après les principes suivants: ­

Les besoins et les potentialités des partenaires et de leur population sont au centre de toute coopération au développement efficace. Ces partenaires doivent assumer la responsabilité de leur propre développement. Ceci présuppose que le choix des partenaires se fasse d'après les besoins et les problèmes existants. En fonction des objectifs fixés, la Suisse coopérera avec des acteurs étatiques ou avec des partenaires issus de la société civile.

­

Les opportunités de développement dépendent souvent étroitement de l'accès aux ressources économiques, à la formation et à la codécision politique. La Suisse a donc comme revendication centrale de permettre aux groupes défavorisés de faire valoir leurs intérêts et leurs droits dans les processus politiques, sociaux et économiques. Ceci vaut en particulier pour les femmes et pour le soutien en faveur des groupes de femmes.

­

La mise en oeuvre d'instruments économiques doit reposer sur la disponibilité des Etats partenaires à accomplir des réformes ainsi que sur des mesures en vue d'une croissance économique durable et d'une diminution réelle de la pauvreté.

En vue d'une efficacité accrue, le Conseil fédéral regroupera encore mieux les activités multilatérales et bilatérales existantes. Les engagements de moindre importance feront l'objet d'un réexamen et disparaîtront progressivement.

Les points forts géographiques de la prochaine décennie en matière de coopération bilatérale au développement se situeront en Afrique subsaharienne, dans les Etats andins et en Amérique centrale pour ce qui est de l'Amérique latine ainsi que sur le sous-continent indien et dans la région du Mékong pour ce qui est de l'Asie. Dans le domaine de la coopération avec l'Europe de l'Est, les points forts seront: l'Europe du Sud-Est, la Russie, l'Ukraine et ­ en suivant une approche progressive ­ les Etats partenaires au sein du groupe de vote suisse19 des institutions de Bretton Woods.

Des programmes spéciaux continueront à être menés là où cela est nécessaire au regard d'événements et de besoins actuels.

Dans le domaine de la coopération économique, les points forts continueront à être fixés en fonction des instruments à mettre en oeuvre: selon le niveau de développement de l'Etat concerné, il peut s'agir de mesures de désendettement, d'aides à la balance des paiements et d'aides budgétaires, de financements de projets ou encore de mesures de promotion du commerce et des investissements. Notre pays continuera en outre à s'engager en première ligne en faveur de l'allégement de la dette des pays en développement et en transition fortement endettés et disposés à accomplir des réformes.

Le renforcement du rôle de la politique multilatérale dans le domaine du développement revêtira une importance spéciale. Le Conseil fédéral accordera une attention particulière à la coordination entre la coopération au développement multilatérale et 19

288

Le groupe de vote suisse comprend les Etats d'Asie centrale suivants: l'Azerbaïdjan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l'Ouzbékistan.

bilatérale, car il est persuadé que les objectifs de développement fixés par la communauté internationale, à savoir créer «un monde meilleur pour tous» d'ici 2015, ne peuvent être atteints que si la coopération internationale est renforcée. Dans le cadre multilatéral, le Conseil fédéral s'engagera donc en particulier en faveur des approches suivantes: ­

Les organisations internationales devraient se concentrer sur les domaines d'activité dans lesquels elles disposent d'atouts particuliers, afin d'assurer une utilisation efficace des ressources.

­

L'échange d'expériences et la coopération entre les organisations déterminantes ainsi qu'entre ces organisations et les donateurs bilatéraux doivent être intensifiés.

­

Les besoins particuliers des différents pays en développement doivent être encore mieux pris en compte.

­

La représentation des pays en développement au sein des organes directeurs des organisations déterminantes doit être renforcée de manière appropriée.

3.2.5

Préservation des ressources naturelles

Point fort: Dans le cadre de sa politique internationale de l'environnement, le Conseil fédéral veut s'engager en faveur du développement et de la mise en oeuvre d'instruments juridiques de nature à créer un système international de l'environnement fort. Le développement des accords existants, en particulier dans le domaine du climat, de la diversité biologique et des produits chimiques, ainsi que la création de règles internationales sur la protection des forêts et de l'eau constituent ses priorités.

Engagement en faveur d'une politique internationale de l'environnement durable La politique de l'environnement est un pilier central de toute stratégie de développement durable. Le développement de stratégies et de mesures internationales restera nécessaire pour résoudre les problèmes globaux d'environnement. Au vu de la difficulté à parvenir à un consensus au niveau global, le Conseil fédéral augmentera en même temps sa participation à des initiatives régionales en vue de la mise en oeuvre des objectifs de politique de l'environnement.

Les problèmes environnementaux globaux concernent en particulier les conséquences du changement climatique, la diminution de la diversité biologique et la façon de traiter les substances toxiques. La pénurie en eau qui règne dans de nombreux pays constituera également à l'avenir un sérieux problème aussi bien pour l'environnement que pour la sécurité et la paix dans les régions concernées. Selon les estimations, un tiers environ de la population mondiale vit dans des pays dont les réserves en eau sont en diminution.

Au cours de la prochaine décennie, notre pays devra ­ tout comme les autres Etats industrialisés consommant beaucoup de ressources ­ poursuivre ses efforts en vue d'aboutir à un comportement de consommation plus durable. Le développement des 289

conventions dans le domaine du climat, de la diversité biologique et des produits chimiques, en particulier la ratification du protocole de Kyoto et du protocole sur la sécurité biologique, ainsi que la prise en compte de considérations relatives à l'environnement dans les règles commerciales de l'OMC seront au centre de l'attention.

La conférence de suivi de Rio qui se tiendra en 2002, dix ans après le Sommet de la Terre, offrira la possibilité de poser des jalons en direction d'une préservation continue des ressources naturelles. Lors de cette conférence, le Conseil fédéral s'engagera en faveur de la mise en oeuvre conséquente des instruments internationaux relatifs à l'environnement. En outre, il souhaite le développement de l'instrumentaire juridique international destiné à assurer une gestion durable des forêts et de l'eau.

Ces activités sont dans l'intérêt de la Suisse. Il ne suffit pas d'occuper au niveau national une position de pointe en comparaison internationale. Il est bien connu que les problèmes d'environnement ne s'arrêtent pas aux frontières nationales. Notre pays a intérêt, également pour des raisons liées à sa compétitivité internationale, à l'adoption de normes et de règles de responsabilité applicables au plan international, qui fixent des conditions-cadre identiques pour tous.

3.3

Moyens institutionnels pour la mise en oeuvre des points forts

3.3.1

Politique multilatérale

Points forts: Le Conseil fédéral entend accorder à l'avenir un rôle clé aux activités multilatérales de la Suisse. A cet effet, il a pour objectif l'adhésion à l'ONU au cours de la législature actuelle. En outre, le Conseil fédéral veut continuer à renforcer le rôle de la Suisse en tant que lieu de rencontres; ceci constitue un instrument traditionnel de sa politique multilatérale.

3.3.1.1

Importance croissante de la coopération multilatérale

La Suisse poursuit ses intérêts et la mise en oeuvre de ses points forts dans le cadre de ses relations bilatérales ainsi que dans des enceintes et des institutions multilatérales. Dans les deux domaines, cette coopération a des règles, des mécanismes et des traditions. Du fait de la globalisation croissante, la politique multilatérale à connu un développement particulièrement marqué; eu égard aux problèmes à dimension transfrontalière, un réseau étroit d'organisations internationales aux caractéristiques très diverses s'est créé aux niveaux global, régional et local, au sein duquel les Etats cherchent des solutions aux questions globales et régionales. Grâce à l'importance de leurs moyens financiers et également intellectuels, les organisations internationales influencent de manière déterminante les solutions apportées aux problèmes globaux; ce sont en règle générale elles que la communauté internationale utilise comme plateforme de discussion, et c'est souvent en leur sein que des propositions de solutions sont esquissées et mises en oeuvre.

290

A côté des relations bilatérales traditionnelles, un niveau supplémentaire très dynamique, à savoir celui de la politique multilatérale, s'est ainsi fortement développé.

Une politique de sauvegarde des intérêts efficace à ce niveau doit tenir compte de ses caractéristiques et de ses particularités. En font notamment partie: ­

des expériences en relation avec la coordination entre les structures et les organes des organisations internationales ainsi qu'avec la composition et les compétences de ces organisations;

­

la connaissance des processus formels et informels ainsi que des pays et groupes de pays déterminants dans le cadre du processus de décision; il en résulte également la nécessité de coordonner davantage la sauvegarde bilatérale et multilatérale des intérêts;

­

l'approfondissement des relations avec des partenaires de coalitions, avec lesquels ­ sur la base d'intérêts identiques ou complémentaires ­ il est possible d'aboutir à des décisions susceptibles de réunir une majorité des voix.

La politique multilatérale doit également tenir compte du fait que les organisations internationales offrent en premier lieu une plateforme pour défendre des intérêts. Il est rare qu'un Etat arrive à faire valoir ses intérêts de façon pleine et entière. La formation de coalitions, la capacité de chercher des compromis et la disponibilité à s'engager concrètement sont donc des éléments absolument centraux de la politique multilatérale, qui la distinguent des relations bilatérales, dans le cadre desquelles la structure des Etats concernés et les rapports de force objectifs sont déterminants.

Enfin la politique multilatérale est beaucoup plus «visible» pour l'opinion publique et intègre davantage la société civile dans ses activités.

Il sera à l'avenir nécessaire d'accorder plus d'attention à la sauvegarde multilatérale des intérêts et de mieux ancrer celle-ci dans les structures de travail de la politique extérieure suisse. Cette revalorisation de la politique multilatérale de la Suisse peut et doit se faire dans le cadre des enceintes dont la Suisse est membre, par exemple au sein du Conseil de l'Europe, où la Suisse continuera à être particulièrement active, ou de l'Organisation internationale de la Francophonie. Là où la Suisse est parvenue à se faire représenter dans les organes directeurs d'organisations internationales, par exemple dans les institutions de Bretton Woods ou dans certaines institutions spécialisées de l'ONU, elle peut participer aux décisions et aux activités. Grâce à l'influence qu'elle exerce ainsi, dans le sens des intérêts suisses, sur la politique de l'organisation concernée, elle obtient un effet bien plus marqué qu'en suivant une voie purement bilatérale.

Une sauvegarde des intérêts multilatérale vraiment durable ne sera toutefois possible que lorsque la Suisse sera représentée sur un pied d'égalité au carrefour névralgique de la politique mondiale, à savoir dans les organes principaux de l'ONU.

3.3.1.2

Adhésion à l'ONU

Le rôle de l'ONU dans le monde s'est accru au cours de la décennie écoulée. En outre, cette organisation a pu améliorer la coopération internationale dans le cadre de conférences thématiques mondiales et de conférences régulières de suivi destinées à examiner les résultats obtenus. L'ONU continue toutefois à refléter les intérêts divergents et le poids inégal de ses Etats membres et des groupes d'Etats qu'ils forment.

291

Sa non-participation à l'ONU prive la Suisse d'un instrument important de sauvegarde de ses intérêts. Notre pays est certes partie à la plupart des traités de l'ONU, coopère sur un pied d'égalité dans toutes les institutions spécialisées de l'ONU et au sein de la plupart des programmes de l'ONU et soutient le système de l'ONU ainsi que le groupe de la Banque mondiale avec près de 500 millions de francs par an; la Suisse n'a cependant pas encore franchi le dernier pas qui la sépare de la participation au noyau de l'ONU.

Ceci doit changer. Le Conseil fédéral a donc fait de l'adhésion de notre pays à l'ONU son principal objectif de politique extérieure au cours de la législature actuelle. Le Conseil fédéral est renforcé dans son objectif par l'initiative populaire fédérale «pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU», déposée le 6 mars 2000. Le Parlement va dans la même direction: avec la transmission d'une motion du conseiller national Remo Gysin, le Conseil fédéral a été chargé d'entreprendre les préparatifs en vue de l'adhésion à l'ONU.

Seul un membre de l'ONU peut utiliser cette enceinte de façon systématique pour présenter ses valeurs et poursuivre ses intérêts. Jusqu'à présent, ceci n'a été possible que ponctuellement pour la Suisse, à cause de la limitation de son droit de parole à l'Assemblée générale de l'ONU.

­

Par son travail au sein de l'ONU, la Suisse aura davantage de possibilités de créer des contacts en matière de politique extérieure; en particulier s'agissant des activités de médiation et de bons offices, l'ONU est devenue l'acteur central au sein de la communauté internationale.

­

L'adhésion à l'ONU renforcera l'image de la Suisse; l'image d'une Suisse solidaire et humanitaire peut mieux être communiquée si celle-ci est membre de l'ONU.

Une attention particulière sera accordée au développement du droit international public. L'ONU joue un rôle central dans ce domaine. Plus de 150 traités ont vu le jour en son sein. Cette fonction législative de l'ONU correspond à un intérêt fondamental de la Suisse. En tant que pays de taille moyenne, la Suisse ne peut faire valoir la primauté du droit qu'en association avec d'autres Etats partageant les mêmes points de vue.

Par le biais du réseau de l'ONU, notre pays pourra accroître l'efficacité de ses efforts en vue d'un plus grand engagement de ressortissants suisses au sein d'organisations internationales.

La Suisse continuera à prendre part activement aux activités opérationnelles de l'ONU. Celles-ci sont très diverses et couvrent les droits de l'homme, l'environnement, la sécurité et la paix ainsi que la coopération au développement et l'aide humanitaire. En tant que seule organisation à dimension mondiale, l'ONU occupe une place de premier plan dans ces domaines.

­

­

­

­

L'ONU joue un rôle central s'agissant de la création de conditions-cadre internationales; de telles conditions-cadre profitent à l'économie suisse, qui est orientée vers le monde.

­

Enfin, l'adhésion à l'ONU permettra à la Suisse de mieux défendre les intérêts de la Genève internationale, grâce à sa participation à des comités de l'ONU.

Compte tenu des points forts définis dans ce rapport, la Suisse, en tant que membre de l'ONU, déploierait surtout ses activités, au sein de l'ONU, dans les domaines de 292

la politique de paix et de sécurité, des droits de l'homme, de la coopération au développement, de l'aide humanitaire et de l'environnement. Elle pourrait participer aux votes et aux élections à l'Assemblée générale et, le cas échéant, dans d'autres organes principaux de l'organisation. Ainsi, elle pourrait elle aussi contribuer à façonner l'ordre international et bénéficier de ce fait d'une marge de manoeuvre plus large en matière de politique extérieure. La Suisse utiliserait surtout ces possibilités de participation accrues pour consolider le droit international public et en particulier sa composante humanitaire. Devenue membre de l'ONU, la Suisse montrerait un profil politique clair à l'avenir, surtout dans le domaine des droits de l'homme et en ce qui concerne la composante humanitaire.

3.3.1.3

Maintien du rôle de la Suisse en tant que lieu de rencontres

Le Conseil fédéral continue à accorder toute son attention au maintien du rôle de la Suisse en tant que lieu de rencontres et à l'amélioration de la compétitivité de la Genève internationale. Au premier rang de ces efforts figure d'une part le renforcement des différents lieux de rencontres en Suisse, par exemple le Forum économique mondial de Davos. D'autre part, les efforts en vue d'offrir les meilleures conditionscadre possibles en comparaison internationale pour l'établissement d'organisations internationales et d'organisations non gouvernementales sont poursuivis. De nouvelles dispositions législatives à cet effet sont en cours d'élaboration.

Le Conseil fédéral n'a toutefois pas l'intention de participer à une concurrence internationale ruineuse autour des conditions-cadre les plus avantageuses possibles pour l'établissement d'organisations internationales. Au cours de la prochaine décennie, il mettra par contre l'accent sur une amélioration pragmatique des relations entre les organisations établies en Suisse ainsi que sur les relations avec la société civile.

3.3.2

Politique supranationale: adhésion à l'UE

Point fort: L'adhésion à l'UE est l'objectif du Conseil fédéral. Au cours des prochaines années, il préparera donc l'adhésion à l'UE de façon à ce qu'il puisse prendre une décision sur l'ouverture de négociations d'adhésion au plus tard au cours de la prochaine législature. A cet effet, il examinera les conséquences d'une adhésion à l'UE pour certains domaines politiques centraux, dont font notamment partie le fédéralisme, les droits populaires, le régime financier ainsi que la politique économique et monétaire. En outre, le Conseil fédéral entend élargir et moderniser le réseau contractuel liant la Suisse et l'UE.

Parallèlement à l'importance accrue de la politique multilatérale au niveau mondial, le poids des formes régionales de coopération a augmenté. L'Union européenne représente la forme de coopération la plus intense à l'échelle régionale. Au sein de l'UE, les Etats membres ont délégué des domaines étendus de leurs politiques natio-

293

nales à des organes de décision supranationaux, mais, en échange, participent pleinement à toutes les décisions politiquement importantes.

3.3.2.1

Développements dans l'UE et conséquences pour la Suisse

L'adhésion à l'UE demeure l'objectif du Conseil fédéral, car les intérêts de notre pays peuvent à long terme mieux être sauvegardés à l'intérieur de l'UE qu'à l'extérieur. Les développements européens des années 90 ont confirmé le bien-fondé de cet objectif et font apparaître l'adhésion à l'UE comme étant plus importante que jamais. L'idée d'unification qui a conduit, dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale, à la réconciliation des anciens adversaires européens demeure la force politique majeure en Europe, comme le montrent les négociations d'adhésion que l'UE mène avec de nombreux Etats européens.

Fondamentalement, l'importance de l'UE pour notre pays augmente au fur et à mesure que l'Union se consolide et s'élargit et qu'elle défend plus efficacement ses intérêts à l'égard des Etats tiers. L'agenda politique de l'UE à moyen terme, et donc les possibilités qu'aura la Suisse de régler des intérêts réciproques par le biais de futures négociations bilatérales, seront déterminés par les priorités de l'Union. Celles-ci portent sur le processus d'élargissement et comprennent en outre le renforcement des institutions et la simplification des procédures de décision. Dans le cadre de la politique extérieure et de la politique économique poursuivies par l'UE, la Suisse et ses intérêts particuliers ne constituent pas une priorité. Toutefois, lorsque l'UE a des demandes concrètes à l'égard de notre pays, comme par exemple en matière d'entraide judiciaire et administrative en relation avec la circulation des marchandises ou en matière de fiscalité de l'épargne, elle cherchera à les faire valoir avec fermeté, dans le sens d'une politique d'intérêts.

Au cours de la décennie écoulée, l'UE s'est détachée des questions purement économiques. Elle s'occupe actuellement de matières si diverses et variées qu'il n'est pas exagéré de qualifier l'ensemble de sa politique de «politique intérieure européenne en devenir». Notre pays ne peut pas ignorer les décisions et les positions de l'UE. Qu'elle le veuille ou non, la Suisse est concernée dans la plupart des cas. Ne serait-ce que pour sauvegarder ses intérêts, notre pays devra donc reprendre de nombreux développements de l'UE «de façon autonome». Ceci concerne en premier lieu la législation sur le marché intérieur, mais également la sécurité intérieure ainsi
que la politique extérieure et de sécurité. Mentionnons à titre d'exemple les grands projets d'infrastructures et de réglementation dans les domaines des télécommunications, des chemins de fer, de la poste et de l'énergie ainsi que les mesures destinées à la mise en place d'un espace d'asile unique ou encore les sanctions contre les Etats qui commettent des violations flagrantes du droit international public.

Les désavantages découlant pour notre pays de la coopération toujours plus étroite entre les Etats membres de l'UE ne peuvent être compensés que partiellement par une reprise autonome des mesures de l'Union, parce que cette approche ne nous confère pas de droit de participation. En outre, elle ne garantit en aucune manière que l'UE honorera notre politique; aussi longtemps que la Suisse n'adhère pas à l'UE, des traités sont nécessaires à cet effet.

294

L'adhésion à l'UE ne peut et ne doit pas être débattue que d'un point de vue économique. Elle représente plus que la somme des avantages et des inconvénients économiques. Seule la participation aux processus de décision de l'UE permettra à notre pays de poursuivre ses objectifs de politique extérieure plus efficacement que jusqu'à présent. Aucune des grandes questions d'avenir qui se posent aujourd'hui à l'Europe et également à la Suisse ne peuvent être réglées par la voie solitaire. La position de l'UE en Europe est aujourd'hui si forte et si étendue qu'un Etat comme la Suisse risque, du fait de sa dépendance à l'égard de l'Union, de se voir de plus en plus dirigé à partir de l'extérieur et exposé aux pressions, voire au chantage s'il continue à rester à l'écart. De ce point de vue, l'adhésion à l'Union européenne entraîne des chances et une dynamique nouvelles, la possibilité d'exercer davantage d'influence, d'accroître sa participation et donc de gagner en souveraineté.

Ainsi que le Conseil fédéral l'a déjà exposé dans le Rapport sur l'intégration 1999, il est d'avis qu'une nouvelle tentative suisse de négocier avec l'UE un accord EEE amélioré serait peu appropriée et n'apporterait qu'une faible valeur ajoutée. Le contenu de certains accords bilatéraux existants, comme celui sur la libre circulation des personnes, amène déjà la Suisse très près de l'acquis EEE. En outre, s'il est vrai que l'EEE offre aux Etats non membres de l'UE des conditions analogues à celles du marché intérieur, des obstacles majeurs tels que les contrôles aux frontières subsistent. De plus, du fait de l'aménagement institutionnel particulier de l'accord EEE, les Etats non membres de l'UE ne bénéficient jamais d'une participation sur un pied d'égalité. Enfin, l'accord sur l'Espace économique européen ne confère aucune possibilité aux partenaires contractuels de l'UE de participer au règlement des grandes questions concernant l'avenir de l'Europe.

3.3.2.2

Les prochains pas de la Suisse

Les prochains pas sur la voie de l'adhésion suisse à l'UE sont la préparation des négociations, la réactivation de la demande d'adhésion et l'ouverture des négociations d'adhésion. Le calendrier détaillé de telles négociations reste encore à définir.

Au cours du débat parlementaire sur la position de notre pays en Europe, qui s'est déroulé à l'occasion du traitement de l'initiative populaire «Oui à l'Europe!», le Conseil fédéral a formulé les conditions suivantes pour l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE: ­

Premièrement il faut que de premières expériences avec la mise en oeuvre des sept accords bilatéraux aient été faites.

­

Deuxièmement il faut examiner les conséquences d'une adhésion à l'UE pour le fédéralisme, les droits populaires, l'organisation du gouvernement, le régime financier, la politique économique et monétaire, la politique des étrangers et de migration, l'agriculture ainsi que la politique extérieure et de sécurité. Le Conseil fédéral entend étudier les questions au cours de la législature actuelle. Il se réserve, en cas de besoin, de soumettre les propositions de réformes nécessaires. En vue du processus d'adhésion, le Conseil fédéral veut entreprendre les travaux préparatoires nécessaires afin de faciliter, par des mesures appropriées, l'intégration de la Suisse dans l'UE. Le Rapport sur l'intégration 1999 signale différents obstacles qui subsistent dans certains domaines. Le Conseil fédéral entend, dans l'immédiat, réduire au minimum les coûts d'adaptation économiques, utiliser la marge de ma295

noeuvre encore disponible pour élargir et moderniser le réseau contractuel liant la Suisse et l'UE et ­ là où cela s'avère nécessaire ­ continuer à renforcer l'eurocompatibilité du droit et de la politique suisses. Il faut en même temps exposer plus clairement les avantages découlant pour la Suisse de sa participation à l'UE et quelles politiques notre pays pourrait mieux mettre en oeuvre en tant que membre de l'UE.

­

Troisièmement il faut que la politique d'intégration du Conseil fédéral repose sur un large soutien politique interne.

Ces trois conditions amènent le Conseil fédéral à la conclusion que les négociations d'adhésion à l'UE ne pourront probablement pas encore être ouvertes au cours de la législature actuelle. Le Conseil fédéral contribuera à ce que notre pays soit prêt, le moment venu, à prendre la décision d'adhérer à l'UE en connaissance de toutes les conséquences. Une préparation soigneuse sur le plan de la politique intérieure doit permettre au Conseil fédéral de prendre une décision sur l'ouverture de négociations d'adhésion à l'UE au plus tard au cours de la prochaine législature.

Cette façon de procéder ne signifie en aucune façon une stagnation dans nos relations avec l'UE. Eu égard à l'élargissement et à la modernisation du réseau contractuel mentionnés plus haut, il faut en particulier penser à deux domaines: ­

Premièrement la Suisse et l'UE ont décidé, d'un commun accord, lors de la conclusion des sept accords bilatéraux, de s'efforcer de conclure des accords supplémentaires dans certains domaines20.

­

Deuxièmement les deux parties ont encore d'autres exigences quant à leur coopération. Une demande importante de la Suisse concerne la sécurité intérieure: la lutte contre la criminalité organisée et la coopération efficace dans le domaine de l'asile et de la police exigent, en complément des traités conclus avec les Etats voisins, une coopération directe et de nature contractuelle avec l'acteur principal, à savoir l'UE. De son côté, l'Union a signalé son intérêt à des négociations sur la lutte antifraude en relation avec la circulation des marchandises et sur l'harmonisation de l'imposition des revenus des capitaux (intérêts).

3.3.2.3

Importance de l'UE pour la sécurité intérieure de la Suisse

Du fait de l'importance de sa place financière, de son système fédéral de poursuite pénale, de ses moyens policiers limités et de son absence d'institutions européennes importantes, la Suisse est particulièrement menacée par la criminalité organisée. Les Etats tiers non membres de l'UE sont pour l'instant largement exclus de l'édification d'un espace européen de sécurité, de liberté et de justice, ce qui affaiblit sensiblement la position de notre pays dans ce domaine important. C'est en particulier notre non-participation au «Système d'information de Schengen» applicable au niveau européen qui se révèle de plus en plus problématique. La Suisse risque de devenir 20

296

Il s'agit surtout d'un renforcement de la coopération dans les domaines de la statistique, des médias, de la jeunesse, de la formation et de l'environnement, d'une libéralisation générale des services, d'un accès amélioré pour les produits agricoles transformés ainsi que de la réglementation de l'imposition des retraites des anciens fonctionnaires de l'UE domiciliés en Suisse.

une plaque tournante pour la migration illégale, la criminalité organisée et le terrorisme international. Pour ces raisons, le point fort de la poltique extérieure en matière de sécurité intérieure consiste à favoriser le développement et le renforcement de la coopération avec les Etats voisins, avec l'Union européenne et avec les Etats situés dans un espace européen plus large et dans ses environs.

Le rapprochement de la Suisse de l'espace de liberté, de sécurité et de justice en cours d'édification au niveau européen constitue l'objectif principal de politique extérieure en matière de sécurité intérieure. Il s'agit surtout d'une participation complète de la Suisse aux instruments juridiques de Schengen, comprenant en particulier l'accès au Système d'information de Schengen ainsi que la participation à la convention de Dublin sur le premier asile, assortie de la participation au nouveau système d'enregistrement des empreintes digitales «Eurodac».

Les négociations sur ces thèmes et sur d'autres ne pourront toutefois être engagées avec des chances de succès qu'en présence d'intérêts réciproques équilibrés.

3.4

Points forts géographiques de la politique bilatérale

Points forts: Tout en respectant le principe d'universalité, le Conseil fédéral entend définir davantage de points forts géographiques dans le cadre de sa politique extérieure bilatérale. Ceux-ci comprendront en particulier l'Europe du Sud-Est et le bassin méditerranéen, sans que d'autres points forts dans les différents domaines de la politique soient exclus pour autant.

3.4.1

Relations bilatérales en Europe et à travers le monde

3.4.1.1

Universalité des relations extérieures de la Suisse

Pour la Suisse, il est important d'entretenir des relations avec pratiquement tous les Etats de la planète. L'universalité de la politique extérieure suisse est un principe traditionnel qui n'est pas remis en question. Dans l'esprit d'une politique d'intérêts plus déterminée, et au regard des moyens disponibles, le Conseil fédéral ne pourra toutefois pas éviter à l'avenir de définir des points forts en matière géographique également. La Suisse ne peut pas accorder la même attention à toutes les zones sensibles de la planète. Si elle se concentre sur les Etats et régions qui constituent des points forts, cela ne signifie pas pour autant, qu'elle entend négliger les relations avec tous les autres Etats ou en faire peu de cas.

Relations avec les Etats européens Le dialogue et le fondement contractuel des relations avec les 15 Etats membres de l'UE, nos principaux partenaires, revêtent une importance déterminante. Malgré des divergences d'opinion occasionnelles, les relations ­ en particulier avec les Etats voisins que sont l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Autriche ­ sont excellentes.

Avec les Etats voisins, le Conseil fédéral poursuivra en particulier le développement de la coopération policière bilatérale. Comme deux tiers de cette coopération poli-

297

cière se déroulent avec les Etats voisins, l'existence d'un réseau d'accords bilatéraux revêt une importance cruciale. Les accords conclus au cours des dernières années se situent cependant à différents niveaux. Le Conseil fédéral entend donc les harmoniser le mieux possible. En outre, le partenariat de sécurité des Etats alpins devrait également être renforcé. Ce processus a été engagé en 1999, lors d'une rencontre informelle des ministres de l'Intérieur d'Allemagne, de France, d'Autriche, d'Italie, du Liechtenstein et de Suisse au Bürgenstock, et il a été concrétisé en 2000 à Constance.

Une attention particulière sera accordée au dialogue bilatéral régulier avec les institutions européennes à Bruxelles. Enfin, la coopération avec les 13 Etats actuellement candidats à l'adhésion à l'UE sera renforcée. Cette intensification des relations avec des Etats qui feront probablement partie de l'UE à l'avenir englobe également la Turquie, avec laquelle notre pays a entamé un dialogue actif à la suite d'une phase de stagnation dans les relations.

Relations avec les Etats extra-européens En dehors de l'Europe, le Conseil fédéral entend définir les points forts géographiques suivants dans le cadre de sa politique bilatérale: ­

Relations avec les grandes puissances Il accorde une grande importance au dialogue et à la coopération avec les USA. La position économique, politique et militaire que cette superpuissance occupe dans le monde est unique (voir ch. 2.1.3.1). L'intensité des relations économiques, politiques, scientifiques et culturelles entre les deux Etats fait de l'entretien de bonnes relations avec les USA une priorité du Conseil fédéral. Le Conseil fédéral entend également continuer à entretenir à un niveau élevé les relations avec les autres Etats membres du G 8 et avec la Chine.

­

Relations dans le cadre des points forts thématiques A côté de l'Europe du Sud-Est et du bassin méditerranéen, les efforts en matière de politique de paix seront concentrés en particulier sur les Etats avec lesquels il existe un programme de concentration de la coopération au développement ainsi que sur ceux dans lesquels la Suisse accomplit déjà des activités de médiation.

Notre pays concentrera ses efforts bilatéraux en matière de politique économique extérieure avant tout sur les Etats avec lesquels nous disposons de relations économiques dynamiques ainsi que sur ceux qui présentent un potentiel pour un développement accru des intérêts économiques.

Dans le cadre de la politique internationale de recherche et de formation, il s'agit de prendre, dans certains pays de concentration et compte tenu de l'évolution rapide des conditions-cadre internationales, des mesures adaptées aux besoins en vue de mettre en place et de développer la coopération scientifique bilatérale.

Les points forts géographiques de la coopération au développement et avec l'Europe de l'Est ainsi que de l'aide humanitaire sont déterminés par les bases légales. Il s'agit d'abord des caractéristiques des Etats partenaires, par exemple leur appartenance au groupe des pays en développement les moins

298

avancés, leurs efforts en matière de développement et leur gestion des affaires publiques ainsi qu'une certaine stabilité politique. Ensuite il s'agit également de nécessités d'ordre pratique, telles que l'ouverture au dialogue, la définition de points forts thématiques, l'efficacité ou encore les ressources disponibles.

3.4.1.2

Mise en place de «Présence suisse»

La promotion de la présence de la Suisse à l'étranger devient de plus en plus un domaine en soi de la politique extérieure. Le Conseil fédéral a donc décidé de réorganiser les efforts accomplis jusqu'à présent («Commission de coordination pour la présence de la Suisse à l'étranger», COCO) et de les doter de moyens financiers substantiellement accrus. Il s'est avéré que l'instrument de la COCO, qui a longtemps fait ses preuves, ne pouvait plus répondre aux exigences actuelles. La concurrence accrue au niveau mondial en matière de communication étatique a renforcé le Conseil fédéral dans sa conviction.

La création récente de l'organisation «Présence Suisse» doit améliorer la communication de la Suisse à l'étranger. Présence Suisse a pour objectif de communiquer à l'étranger une image actuelle, positive et attrayante de notre pays. Cette organisation servira également, en coopération avec d'autres organismes, à développer un système d'alerte rapide en cas de problèmes dans le domaine de l'image, afin que les chances et les risques pour l'image de la Suisse à l'étranger soient rapidement détectés.

Présence Suisse doit en particulier communiquer à l'étranger les valeurs suivantes qui caractérisent la Suisse: diversité, tradition humanitaire, proximité du citoyen, recherche de la qualité et innovation. A cet effet, l'organisation développera une plateforme moderne d'information appelée SwissInfo, ainsi que des programmes d'action destinés à certains pays. Les USA ont été désignés comme premier pays de concentration, à cause du besoin de rattrapage découlant des controverses animées autour du rôle de la Suisse au cours de la Deuxième Guerre mondiale. D'autres Etats suivront.

3.4.1.3

Réseau de représentations de la Suisse

L'existence de réseaux de représentations étendus est indispensable à l'entretien de relations bilatérales. Le Conseil fédéral a donc entrepris des efforts considérables au cours de la décennie écoulée pour renforcer la présence suisse sur place. Au cours des dix dernières années, il a progressivement ouvert des ambassades et des consulats généraux là où les intérêts suisses justifient ces mesures coûteuses21. Les bureaux de coordination de la coopération au développement et avec l'Europe de l'Est et de l'aide humanitaire suisses, les antennes de Pro Helvetia et les missions auprès d'organisations internationales font également partie du réseau de représentations.

21

Koweït, Riga, Tirana, Kiev, Tachkent, Shanghai, Skopje, St-Pétersbourg, Bratislava, Sarajevo, Bureau de liaison à Pristina. A Ljubljana et Tbilissi, des représentations suisses entreront en fonction en 2001.

299

Vu les ressources financières limitées, les moyens libérés pour de nouvelles représentations doivent en règle générale être compensés par des rationalisations. Au cours des dix dernières années, 18 représentations comprenant des fonctionnaires transférables ont donc été fermées et remplacées par des consulats honoraires occupés par des consuls honoraires exerçant cette activité à titre accessoire.

Dans les prochaines années, le Conseil fédéral accordera une attention particulière aux besoins en matière de représentations dans l'Est de l'Europe ainsi que dans le bassin méditerranéen. Il est en effet persuadé que notre pays sera confronté à des défis particuliers en raison des problèmes existant dans ces deux régions.

3.4.2

Europe du Sud-Est et de l'Est

Europe du Sud-Est Avec son entrée dans le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, la Suisse a obtenu la possibilité de faire bénéficier la communauté internationale des expériences bilatérales qu'elle a rassemblées durant de nombreuses années. Au cours des prochaines années, la majeure partie des moyens techniques et financiers prévus dans le cadre de la coopération avec l'Europe de l'Est sera engagée dans les Balkans.

Les points forts thématiques concerneront en premier lieu la protection des minorités et des droits de l'homme, la décentralisation, la réforme de la police et de la justice, l'aide à la mise en place de médias indépendants, la reconstruction des infrastructures, le soutien à l'économie privée, l'établissement d'un système de crédit fiable et enfin la promotion d'un système de santé moderne. En outre, la Suisse poursuivra sa participation à des projets transfrontaliers du Pacte de stabilité.

Le programme spécial en faveur du Kosovo sera poursuivi. Il comprend avant tout des mesures d'aide au retour et en faveur de la mise en place de conditions-cadre politiques, économiques et sociales de nature à réduire la migration. A cet effet, le Conseil fédéral soutiendra également ­ pour autant que les conditions politiques le permettent ­ le Monténégro et la Serbie au moyen de programmes spéciaux, afin de contribuer à stabiliser durablement la région. Il poursuivra la coopération avec la société civile serbe, afin de soutenir la démocratisation de ce pays.

Les Etats d'Europe du Sud-Est constituent en outre un point fort de la coopération en matière de sécurité intérieure. Dans cet espace plus large, il s'agit de renforcer la coopération en matière de sécurité par la conclusion d'accords bilatéraux de réadmission, le stationnement ­ dans la mesure du possible ­ d'agents de liaison ainsi que par le soutien accordé à la mise en place des systèmes judiciaire et policier.

Europe de l'Est Le Conseil fédéral entend continuer à soutenir la Russie dans ses efforts en vue de poursuivre les réformes politiques, judiciaires, économiques et sociales nécessaires.

Ce soutien comprend en particulier des mesures dans le domaine des droits de l'homme, de la sécurité nucléaire et de l'environnement. En outre, la Suisse est intéressée à une coopération étroite en matière de mise en oeuvre du droit et
de poursuite pénale; en effet, la criminalité organisée provenant de ce pays représente une source de dangers potentielle et surtout elle instrumentalise la place financière suisse à des fins criminelles.

300

Des programmes analogues à ceux qui ont déjà été mis en oeuvre avec la Russie sont prévus pour l'Ukraine. Ceci découle de la conviction que ce pays jouera à l'avenir un rôle essentiel pour la stabilisation de l'Est de l'Europe.

Dans le cadre d'une approche progressive, les Etats membres du groupe de vote suisse au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale ­ dans un premier temps en particulier le Kirghizistan et le Tadjikistan ­ continueront à être des pays de concentration de notre coopération. Ces pays partenaires permettent à la Suisse de prétendre à un siège dans les conseils d'administration de ces deux institutions financières globales et d'influencer ainsi les décisions en matière financière et de politique du développement. La coopération avec ces pays se concentre actuellement sur les domaines de la santé, de l'Etat de droit et des droits de l'homme, du soutien aux PME ainsi que de l'agriculture et de la sylviculture.

3.4.3

Bassin méditerranéen

Les développements dans le sud et l'est du bassin méditerranéen demandent une attention sans faille de la part de la politique extérieure et de sécurité suisse. La Suisse a tout intérêt à prendre davantage conscience à l'avenir de l'importance de cette région, qui fait partie de son voisinage indirect. Elle a un intérêt stratégique à la stabilité politique, au développement économique et à la cohésion sociale de ces Etats. Seules une amélioration des perspectives économiques ainsi que des adaptations sociales au sud de la Méditerranée peuvent stabiliser durablement la région; ceci aura également des répercussions sur sa sécurité et sur l'immigration en provenance de la partie méridionale du bassin méditerranéen.

Notre pays dispose de quelques atouts que le Conseil fédéral entend mieux faire valoir ces prochaines années. La Suisse entretient traditionnellement de bonnes relations avec la plupart des Etats de la région, aussi bien sur le plan bilatéral que multilatéral, et est active économiquement au sud du bassin méditerranéen. Eu égard aux défis considérables que les questions non résolues de cette région posent à notre pays, la Suisse doit toutefois devenir plus active sur place et mieux coordonner sa politique régionale. En outre, le Conseil fédéral veut également s'impliquer dans le domaine de la sécurité intérieure dans cette région, par le renforcement des échanges d'informations et la conclusion d'accords de réadmission.

Le Conseil fédéral est en train de mettre en oeuvre une stratégie à l'égard du bassin méditerranéen, qui permettra à notre pays de mieux promouvoir les intérêts suisses.

La coordination des mesures et des instruments bilatéraux et multilatéraux en fait partie. De cette façon, il devrait également être possible de compenser la nonparticipation au «processus de Barcelone» de l'UE.

301

4

Conclusion

La politique extérieure de chaque pays a besoin d'un cadre conceptuel, elle doit s'orienter d'après des objectifs à long terme; en même temps, elle doit fixer des points forts opérationnels si elle veut permettre une sauvegarde des intérêts efficace.

D'un autre côté, les développements internationaux se caractérisent également en permanence par leur imprévisibilité et leur caractère imprédictible. La politique extérieure suisse doit elle aussi s'accommoder de ces paradoxes entre le besoin d'un cadre conceptuel et d'objectifs clairs, d'une part, et l'imprévisibilité des développements de politique extérieure, d'autre part.

Les tensions potentielles entre l'idéal conceptuel et la réalité de politique extérieure peuvent se manifester à divers égards. Par exemple, notre politique extérieure vise à aménager les relations extérieures conformément au principe d'universalité, mais en même temps, compte tenu des intérêts et des moyens de la Suisse, elle est forcément obligée de fixer des points forts en matière géographique également. De telles tensions ne sont pas l'apanage de la politique extérieure suisse. Le besoin d'influencer les développements globaux se fait sentir à travers le monde; pourtant, les possibilités de la politique extérieure et de la diplomatie internationale semblent limitées et insuffisantes si on les mesure à cet objectif. En matière de politique extérieure, le domaine du possible est souvent contenu dans d'étroites limites.

Ceci n'apparaît nulle part aussi clairement que dans la politique de paix. Quiconque souhaite prévenir l'éclatement de conflits latents ou offrir une médiation dans des situations de conflit a besoin de persévérance, de moyens appropriés et presque toujours d'une coopération étroite avec d'autres Etats. Le risque de voir échouer de longues années d'efforts doit être pris en compte. La Suisse fournit actuellement des contributions substantielles pour la promotion et le maintien de la paix à travers le monde. Si la politique des bons offices a impliqué, pendant des décennies, l'attente qu'un tiers demande à la Suisse de devenir active, elle a fait place depuis quelque temps à une politique d'engagement actif en faveur de la paix. Toutefois, s'attendre à des succès éclatants et rapides serait méconnaître les causes complexes et souvent structurelles des situations
de conflit. Le Conseil fédéral entend cependant poursuivre et développer, au cours de la prochaine décennie, son engagement en faveur de la paix et du respect de la dignité humaine. Les valeurs qui servent de fondement à la politique extérieure suisse doivent devenir plus visibles.

Le Rapport sur la politique extérieure de 1993 reflétait déjà la constatation selon laquelle l'efficacité et la portée de la politique extérieure dépendent plus que jamais de la capacité d'un Etat de sauvegarder ses intérêts dans un cadre multilatéral ou, pour ce qui est de l'Europe, supranational. Ce principe a conservé toute sa validité.

La qualité de membre de l'ONU ainsi que l'adhésion à l'Union européenne ­ en faveur de laquelle la Suisse oeuvrera durant la prochaine décennie ­ ne constituent par conséquent pas un but en soi, mais s'inscrivent dans le droit fil d'une stratégie visant à sauvegarder les intérêts du pays et à accroître l'efficacité de notre politique extérieure.

302

Annexe

Rétrospective de la politique extérieure suisse des années 90 1

Position et image de la Suisse dans le monde

La position d'un Etat dans le monde moderne se détermine de moins en moins d'après la grandeur de ses forces armées ou de son territoire. Les facteurs importants pour déterminer l'influence, la position et l'image d'un Etat dans le monde actuel sont notamment: ­

la performance économique

­

le dynamisme de la société permettant de réagir vite et de manière adéquate aux changements intervenant dans le contexte international

­

la capacité d'intégration du modèle de société permettant de diminuer les tensions internes

­

la stabilité démocratique

­

la qualité du système éducatif, en particulier la maîtrise des technologies modernes et l'application adéquate du savoir

­

le rayonnement culturel (on parle à ce sujet de «soft power»).

Pour ce qui est de certains indicateurs économiques tels que la compétitivité22, les dépenses pour la recherche et le développement23 et le nombre d'utilisateurs d'Internet24, la Suisse se trouve dans le groupe de tête; l'économie suisse occupe une position de pointe pour les investissements directs transfrontières. Certaines ombres planent cependant sur ce tableau positif: la Suisse n'occupe pas les premières places s'agissant de la croissance économique; en outre, la Suisse a perdu au cours de la décennie écoulée une partie de son avantage initial en matière de quotepart étatique et fiscale ainsi que de dette publique.

Du point de vue de son importance économique, la Suisse peut probablement être rangée parmi les 20 premiers Etats dans le concert des 190 nations du monde; elle constitue donc une puissance de taille moyenne. Dans certains secteurs économiques, comme les services financiers ou les investissements directs, notre pays peut se mesurer aux plus grands, aussi bien à l'échelle européenne que mondiale.

Si l'on mesure l'influence en matière de politique extérieure qu'exerce un Etat d'après sa capacité à influencer les développements qui surviennent dans le monde par le biais de la coopération multilatérale, il faut constater que la Suisse occupe une position inférieure à celle qui correspondrait à son poids économique. Il ne fait pas de doute que l'influence de notre pays en matière de politique extérieure a diminué au cours de la décennie écoulée. La coopération bilatérale traditionnelle n'est plus à même de compenser ce déficit d'influence. Pour cela, il faut une coopération renfor-

22 23 24

Selon «The World Competitiveness Yearbook 2000»: 5e place sur 47 Etats.

Selon «The World Competitiveness Yearbook 2000»: dépenses par tête: 1re place sur 47 Etats; en pour-cent du PNB: 4 e place sur 47 Etats.

Selon Computer Industry Almanac: USA: 29 % de la population totale, UE: 9 %, Suisse: 19 %.

303

cée aux niveaux multilatéral et supranational, en particulier dans le cadre de l'ONU et de l'UE.

Notre pays a pendant de nombreuses années joui d'une bonne image à l'étranger, bien qu'elle fût largement constituée de clichés: les montagnes, le chocolat et les montres caractérisaient l'image de la Suisse au même titre que la stabilité politique, la prospérité et la paix du travail. De plus en plus, ce sont d'autres particularités helvétiques qui viennent occuper le centre de l'intérêt public. L'importance de la place financière, plus que proportionnelle à la grandeur de notre pays, le secret bancaire suisse, ou encore le fait qu'une majorité de la population ait manifesté son refus à l'égard de l'ouverture du pays lors des votes sur l'EEE ou sur les casques bleus, sont perçus de façon critique à l'étranger. En même temps, la démocratie directe et le fédéralisme suisses, la sécurité juridique et le fonctionnement efficace des pouvoirs publics ainsi que la capacité d'innovation issue de la diversité culturelle de notre pays continuent à susciter l'admiration.

Les controverses parfois animées au sujet du rôle de la Suisse au cours de la Deuxième Guerre mondiale ont nui à l'image de notre pays. Avec l'accord global intervenu entre les grandes banques suisses, les avocats et les organisations juives ainsi qu'avec la déclaration commune du gouvernement des USA et du Conseil fédéral de 1999, un équilibre des intérêts a pu être réalisé. Les mesures importantes que notre pays a prises en relation avec cette problématique (mise en place de la Commission indépendante d'experts Suisse-Deuxième Guerre mondiale et publication de différents rapports, annonce de la Fondation Suisse solidaire, etc.) font aussi l'objet de reconnaissance à l'étranger. Le profond débat en relation avec le passé de la Suisse a contribué à apaiser la situation aux niveaux national et international.

La Suisse a cependant dû faire des efforts considérables pour remédier aux turbulences apparues dans ses relations avec les Etats-Unis. Toute cette problématique a montré une fois de plus qu'à l'heure actuelle, la politique extérieure n'est plus seulement l'affaire des gouvernements. Il faut tenir compte des acteurs les plus divers disposant d'une grande influence sur la politique et les médias internationaux. Cette controverse a montré
clairement que même des relations amicales de longue date ne sauraient empêcher un Etat de faire valoir avec une grande fermeté des intérêts relevant de la politique intérieure. De ces événements, le Conseil fédéral a tiré la conclusion que la vulnérabilité de la Suisse sur le plan international est considérable et qu'elle s'est accrue au cours des dernières années.

L'image d'un pays ne se forge pas du jour au lendemain. Elle reflète plutôt des valeurs, son histoire, les expériences que les étrangers y font, les compte rendus des médias, etc. Il serait faux de penser que l'image d'un pays peut être améliorée durablement grâce à de simples campagnes de publicité. On ne peut combattre une impression d'égoïsme qu'en pratiquant une politique solidaire, basée sur des principes éthiques; de même, on ne peut combattre une impression d'isolement qu'en faisant preuve d'ouverture et en assumant des responsabilités. Ce qui importe est donc de voir quelle politique un Etat poursuit concrètement. De nos jours, cette politique doit cependant également être communiquée et présentée à l'extérieur. C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé la création d'une nouvelle organisation, appelée «Présence Suisse», afin de déployer davantage d'activités dans ce domaine.

304

2

Activités de la politique extérieure suisse dans les années 90

La description qui suit des politiques et actions individuelles de la politique extérieure suisse dans les années 90 s'oriente d'après les cinq objectifs de la politique extérieure de la Suisse tels qu'ils ont été définis dans le Rapport sur la politique extérieure de 1993 (voir ch. 1.1).

2.1

Maintien et promotion de la sécurité et de la paix

Objectif: «La politique extérieure contribue à renforcer la sécurité comprise dans son sens large, par une politique active et préventive en faveur de la paix, par la consolidation de l'ordre juridique international et par la participation à la réalisation d'une sécurité collective.» (Rapport sur la politique extérieure 93)

2.1.1

Politique de sécurité

La Suisse n'est membre ni de l'ONU, ni de l'UE. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre pays fait usage de sa participation à l'OSCE et au Partenariat pour la paix (PPP) ainsi que de sa qualité de membre du Conseil de partenariat euroatlantique (CPEA) et du Conseil de l'Europe pour déployer ses nombreux efforts dans les domaines de la prévention des conflits et de la reconstruction après un conflit.

La participation au Partenariat pour la paix (1996) et au Conseil de partenariat euroatlantique (1997) lancés par l'OTAN ont été des éléments marquants du développement de la politique suisse de sécurité. La Suisse profite de sa participation à l'échange régulier d'opinions en matière de politique de sécurité qui se déroule dans le cadre du Conseil de partenariat euro-atlantique au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la Défense. Au sein du Partenariat pour la paix comme du CPEA, notre pays détermine lui-même le mode et l'étendue de sa participation.

Exemples: En 1999, la Suisse a participé à quelque 250 activités du PPP et a elle-même présenté 25 offres, en particulier dans les domaines du renforcement du droit international humanitaire, de la coopération civilo-militaire, de l'aide en cas de catastrophe et des technologies modernes de l'information. Notre pays a en outre pris part aux programmes PPP d'assistance à la stabilisation des forces armées d'Albanie et de Macédoine.

La Suisse met à la disposition de la communauté internationale trois centres à Genève: le Centre genevois pour la politique de sécurité, actif en matière de formation en politique de sécurité, le Centre de déminage humanitaire ainsi que le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées.

305

L'usage ciblé d'instruments du PPP donne la capacité à l'armée suisse de participer à des actions internationales de maintien de la paix ou au soutien d'opérations humanitaires dans le cadre d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE.

Exemples: A l'occasion de la crise du Kosovo, la Suisse a, pendant trois mois, mis à la disposition du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) des hélicoptères militaires. En outre, le Conseil fédéral a décidé en octobre 1999 la participation de la Suisse à une opération du PPP menée par l'OTAN sur mandat de l'ONU («Kosovo Force», KFOR) et a mis à la disposition de la KFOR une unité logistique suisse.

Notre pays participe toujours activement à l'OSCE, qui est une des plus importantes organisations pour le règlement pacifique des conflits et qui joue un rôle central en matière d'alerte précoce, de prévention des conflits et de normalisation de la situation après un conflit. Au cours des dernières années, l'OSCE a considérablement étendu ses capacités opérationnelles. En 1996, la Suisse a repris la présidence de l'OSCE. A cette époque, l'OSCE était confrontée à de grands défis, avant tout en Bosnie-Herzégovine et en Tchétchénie. L'accord de Dayton confiait à l'OSCE un mandat important, comprenant en particulier l'organisation d'élections. La décision de la présidence suisse de concrétiser ce mandat en septembre 1996 n'a pas été facile, mais, avec le recul, s'est avérée opportune.

Exemples: De 1996 à 2000, la Suisse a mis à la disposition de la mission de l'OSCE en Bosnie-Herzégovine une unité logistique d'environ 50 personnes (bérets jaunes). 40 Suissesses et Suisses ont été engagés de décembre 1998 à mars 1999 dans la «Kosovo Verification Mission» (KVM). En 2000, la Suisse a détaché quelque 40 experts civils dans des missions de l'OSCE, de même que des observateurs électoraux dans plusieurs pays d'Europe du Sud-Est et d'Asie centrale.

En outre, des missions de l'OSCE en Tchétchénie, en Croatie et en Ukraine sont dirigées ou ont été dirigées par des Suisses: depuis 1997, la direction du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'OSCE à Varsovie est assurée par un Suisse. Fin 1999, une Suissesse a été nommée Représentante personnelle de la présidente en exercice de l'OSCE pour des missions dans le Caucase.

Dans le domaine de la sécurité
intérieure, ce sont avant tout les activités croissantes de l'Union européenne qui sont d'une importance décisive pour notre pays. L'UE a construit en plusieurs étapes (libre circulation des personnes, accord de Schengen, convention de Dublin sur le premier asile, Europol, traité d'Amsterdam) un espace de liberté, de sécurité et de justice, qui doit protéger les habitants de l'Union des effets de la criminalité organisée et des migrations indésirables. Ainsi, la Suisse, depuis le milieu des années 90, est entourée d'un espace de sécurité européen commun auquel elle ne participe pas. Ceci a des effets perceptibles qui peuvent se traduire par des demandes d'asile supplémentaires émanant de personnes dont les demandes ont été rejetées au sein de l'UE, par des préjudices causés au secteur du tourisme par la politique de l'UE en matière de visas, voire par des obstacles en matière de coopération policière pratique.

306

La Suisse ayant un intérêt primordial à ce que sa sécurité intérieure concorde avec les efforts de l'UE, ce afin de ne pas devenir un îlot d'insécurité, elle a, depuis le début des années 90, fait connaître son intérêt pour une coopération renforcée avec les Etats voisins et l'UE. L'UE n'a jusqu'ici pas pu se décider en faveur d'une coopération avec notre pays dans les domaines en question.

En conséquence, le Conseil fédéral s'est vu obligé de contribuer à un renforcement de la sécurité de notre pays au moyen d'une coopération étroite avec les Etats voisins de la Suisse. La conclusion d'accords d'entraide judiciaire, de coopération policière et judiciaire, ainsi que de réadmission d'étrangers avec les Etats voisins que sont l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Autriche et le Liechtenstein en a constitué la première étape. Ces accords permettent non seulement la poursuite et le renforcement d'une coopération de voisinage traditionnelle. Ils permettent ­ en compensant du moins partiellement la non-participation de la Suisse au système de sécurité européen ­ un approfondissement de la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, qui relève d'un intérêt mutuel.

Exemple: Les accords bilatéraux avec les Etats voisins couvrent ­ chacun avec une intensité différente ­ les domaines suivants: coopération directe entre les autorités compétentes, aide en cas d'événement majeur relevant de la politique de sécurité, de catastrophe et d'accidents graves, transmission d'informations par procédure automatisée, notification directe d'actes judiciaires et d'autorités, ainsi que livraison surveillée, poursuite et observation.

En outre, la réalisation du «projet d'efficacité» (art. 340bis CP) qui, à certaines conditions, étend la juridiction pénale fédérale à des délits relevant de la criminalité organisée et de la criminalité économique, a permis la centralisation des ressources, garantissant ainsi une lutte plus efficace contre des cas transfrontaliers complexes de criminalité organisée.

De plus, la mise en oeuvre des accords bilatéraux sur la coopération policière et judiciaire avec les Etats voisins rend entre autres possibles une coopération étendue et un échange plus rapide d'informations.

Par contre, la réglementation contractuelle des relations avec l'UE dans le domaine de la sécurité intérieure
n'a pas abouti. Le fait que la Suisse reste à l'écart de l'espace de sécurité européen en voie de consolidation représente un inconvénient pour le travail quotidien de la police. Ainsi, ni une analyse globale de la criminalité, ni une participation de notre pays à l'échange d'informations de l'UE ne sont possibles. La Suisse fait toutefois partie des pays tiers avec lesquels Europol souhaite conclure en priorité un accord de coopération. Dans le domaine de l'asile, ce n'est aussi que moyennant la coopération avec l'UE que notre pays parviendra à stabiliser à long terme l'immigration.

307

2.1.2

Politique de maîtrise des armements et politique du désarmement

La Suisse a adhéré à tous les accords multilatéraux qui lui sont aujourd'hui ouverts dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement. En outre, notre pays participe à toutes les conventions multilatérales informelles qui visent la nonprolifération des armes de destruction massive.

La fin de la confrontation Est-Ouest a permis aux enceintes traditionnelles de négociations de déboucher sur des résultats importants: dans le domaine des armes nucléaires, les négociations ont conduit à un traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Dans le domaine des armes chimiques, un pas particulièrement important a été franchi. Avec la convention sur l'interdiction des armes chimiques, une catégorie entière d'armes de destruction massive est interdite de manière générale et vérifiable.

Exemple: Grâce à sa compétence de réputation mondiale dans le secteur de la chimie et à sa renommée d'indépendance et de fiabilité, la Suisse peut jouer un rôle important en matière de lutte contre la prolifération des armes chimiques. En témoignent, par exemple, les activités mondiales du laboratoire AC de Spiez. En outre, notre pays a participé de façon déterminante à l'aménagement de l'inspectorat de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Plus de 100 inspecteurs internationaux ont reçu une formation en Suisse, à laquelle l'industrie suisse de la chimie a apporté un soutien actif.

C'est principalement en raison des progrès en matière de biotechnologie que les armes biologiques sont aujourd'hui considérées comme un danger particulièrement imprévisible. On négocie actuellement à Genève un protocole additionnel sur le renforcement et la vérifiabilité de la convention sur les armes biologiques.

A côté des enceintes traditionnelles, une nouvelle forme de politique de maîtrise des armements et de politique de désarmement a vu le jour au cours des dernières années, qui tend à l'amélioration de la «sécurité humaine». Elle se déroule au sein d'un réseau informel et multilatéral de contacts, extérieur aux organisations internationales établies.

Exemple: Une coalition mondiale d'Etats partageant le même point de vue - la Suisse appartient à son noyau dur - a pu, avec le CICR et des organisations non gouvernementales, élaborer et adopter en peu de temps la convention sur l'interdiction
totale des mines antipersonnel.

Depuis l'adoption de la convention sur l'interdiction des mines, la Suisse s'est en outre engagée dans un nouveau réseau d'une douzaine d'Etats («Human Security Network») qui traite, entre autres, de la complexe problématique des armes légères.

Dans le domaine des armes conventionnelles, notre pays s'engage dans le cadre de l'OSCE et de l'ONU pour une transparence accrue des exportations et des importations de matériel de guerre. Nos exportations de matériel de guerre ont également fait pendant un certain temps l'objet d'un débat de politique intérieure. Entre la sauvegarde des emplois en Suisse et la défense de l'industrie nationale de 308

l'armement, d'une part, et la promotion des droits de l'homme, de la paix et de la sécurité, d'autre part, ce type d'exportations peut faire naître des conflits d'intérêts.

La problématique a été sensiblement désamorcée grâce à la nouvelle loi sur le matériel de guerre de 1996; un régime sévère de contrôle garantit qu'aucune arme suisse ne pourra être exportée dans des régions menacées de conflits.

2.1.3

Promotion de la paix

Le Rapport sur la politique extérieure 93 avait constaté des lacunes s'agissant des instruments suisses de la politique de paix et s'était fixé pour but l'amélioration et l'extension des possibilités opérationnelles dans les domaines multilatéral et bilatéral. Au cours de la dernière décennie, on a pu enregistrer les développements suivants: ­

Le «crédit relatif aux mesures de promotion de la paix» est passé de 14 millions de francs en 1993 à 38 millions de francs en l'an 2000. En 1993, 85 % des moyens à disposition ont été utilisés pour des contributions financières, surtout au profit de l'ONU, et 15 % pour des engagements de personnel et des projets. En 1999, le rapport s'est inversé: 85 % des moyens ont été engagés pour des engagements de personnel et des projets. En 1999, 235 experts civils ont pris part à des missions internationales de maintien de la paix. Calculé sur une année, cela correspond à 70 spécialistes qui, dans 19 pays, ont été actifs de manière permanente. Pour quelque 20 millions de francs, des projets, certains plus importants, d'autres plus réduits, allant de pourparlers de paix jusqu'au déminage, ou de l'élaboration de lois jusqu'aux enquêtes sur des crimes de guerre, ont été financés dans 29 pays. Les expériences recueillies grâce à ces engagements permettent à notre pays de continuer à affiner et à développer les instruments destinés à la promotion de la paix.

Exemple: Dans le cadre du «Processus d'Interlaken» (1997­1999), notre pays, en collaboration avec le secrétariat de l'ONU, s'est occupé de la question de savoir comment minimiser les effets secondaires indésirables de certaines sanctions de l'ONU sur les populations civiles et l'économie. Une résolution modèle ainsi qu'une loi modèle ont été élaborées, qui doivent permettre à l'ONU de décréter à l'avenir des sanctions différenciées («smart sanctions»).

­

Un groupe de 13 Etats formant le «Human Security Network» (Processus de Lysöen) s'est fixé pour but de promouvoir certains aspects de la «sécurité humaine». Ce groupe traite en particulier de questions relatives à une meilleure mise en oeuvre du droit international humanitaire, à un meilleur contrôle du commerce des armes légères, à l'interdiction de l'engagement d'enfants soldats, au rôle de divers acteurs non étatiques dans des situations de conflit ainsi qu'à la mise en oeuvre de l'interdiction des mines antipersonnel; il encourage le traitement de ces thèmes dans le cadre de l'ONU ou prend lui-même des initiatives.

309

Exemple: En mai 2000, la Suisse a organisé à Lucerne la deuxième rencontre ministérielle du groupe «Human Security Network» qui a donné d'importantes impulsions pour la conférence de l'ONU sur les armes légères, qui se tiendra en 2001, ainsi que pour la poursuite de la coopération avec les acteurs non gouvernementaux.

­

Des initiatives bilatérales ayant pour objectif de contribuer à régler des conflits restent indispensables malgré la multilatéralisation des efforts de paix.

Les expériences de ces dix dernières années ont montré que, dans ce domaine également, des Etats de petite et moyenne taille peuvent jouer un rôle fructueux. Vu la complexité des conflits internes actuels, de telles initiatives peuvent mettre à profit des marges de manoeuvre inutilisées ainsi que renforcer la volonté de négociation et l'ouverture au dialogue de certains groupes ciblés. La Suisse peut renouer ici avec sa tradition des bons offices.

Le caractère intra-étatique de la plupart des conflits actuels exige cependant de nouvelles méthodes. Un suivi systématique du conflit à long terme ainsi que la création d'un réseau de contacts avec les différents acteurs sont notamment indispensables. Par différentes formes de «facilitation» et de médiation, on cherche à inciter les parties à parvenir à un règlement pacifique.

Exemple: La Suisse attribue une grande importance à la composante culturelle de la promotion de la paix, qui comprend la «revitalisation» des scènes culturelles locales concernées ou menacées par les conflits. Ainsi, en 1999, Pro Helvetia a accepté le mandat d'ouvrir des antennes culturelles en Macédoine, en Albanie, en Roumanie, en Ukraine et en Bulgarie.

Au cours des dernières années, la mise à disposition de capacités dans ce domaine a commencé, en vertu du concept de promotion de la paix que le Conseil fédéral a adopté en 1999. La Suisse a pu faire ses premières expériences avec la nouvelle approche de prévention des conflits, notamment au Burundi, en Colombie et en Afghanistan.

Alors que l'aide humanitaire de la Suisse est depuis longtemps orientée sur la prévention et la maîtrise des conflits violents, les questions de paix au sens étroit dans la coopération au développement et la coopération avec l'Europe de l'Est ne sont devenues un thème important que dans les années 90. Avec leurs objectifs tels que la lutte contre la pauvreté, la promotion d'une bonne gestion des affaires publiques et la reconstruction après les conflits, la coopération au développement et la coopération avec l'Europe de l'Est ainsi que l'aide humanitaire constituent des instruments importants d'une politique de paix à long terme orientée sur la prévention des conflits.

310

Exemples: Activités de la coopération au développement au Mozambique ­ soutien au déroulement d'élections ­ conseils/soutien dans le cadre de conflits/de questions juridiques ayant trait à la répartition de terres ­ conseil et soutien dans le cadre de mesures de démobilisation ­ reconstruction d'infrastructures physiques ­ droits de l'homme, reconstruction du système judiciaire/de sécurité.

Ces activités ainsi que des activités similaires dans six autres pays (Angola, Bosnie, Nicaragua, Niger, Rwanda, Sri Lanka) correspondent à un engagement financier d'environ 240 millions de francs répartis sur plus de 10 ans.

2.1.4

Bons offices

Les bons offices de notre pays forment depuis longtemps une partie intégrante de la politique extérieure suisse. L'avis selon lequel notre pays est en quelque sorte automatiquement en position d'offrir un engagement apprécié en tant qu'intermédiaire ou promoteur de la paix prédomine encore largement en Suisse. Pourtant, la réalité est autre: les conflits d'aujourd'hui sont en principe de nature intra-étatique. Souvent, le gouvernement impliqué dans un tel conflit refuse la médiation d'un tiers, qu'il perçoit comme une ingérence dans ses affaires intérieures. C'est pourquoi les bons offices sont fréquemment confiés à une organisation internationale telle que l'ONU ou l'OSCE qui, sur la base d'un mandat, charge une personne ou un Etat membre de jouer le rôle de médiateur dans un conflit donné. De cette manière, les Etats participant à un conflit intra-étatique peuvent être plus facilement amenés à coopérer. On observe également souvent que les grandes puissances telles que les USA ou l'UE assument des services de médiation parce qu'elles seules disposent des moyens nécessaires, également de nature militaire, susceptibles d'amener les parties au conflit à un compromis.

Par ailleurs, notre statut de neutralité a, en raison de la disparition de la confrontation Est-Ouest, également perdu une partie de sa signification d'antan en matière de bons offices.

Exemple: Le conflit du Kosovo a confirmé que les bons offices ne sont depuis longtemps plus l'apanage des Etats neutres. Les actions entreprises par la Suisse lors de la crise du Kosovo montrent que les bons offices classiques, dans le cadre de la recherche de solutions à des conflits politiques graves ou dans le cadre de la promotion de la paix, ne jouent plus que rarement un rôle et ne constituent plus qu'une partie limitée de l'engagement de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique de sécurité. Ils font de plus en plus place à une politique de paix active.

311

2.1.5

Coopération avec l'Europe de l'Est

La coopération approfondie avec l'Europe de l'Est ne figure que depuis peu parmi les points forts de la politique extérieure suisse. Au cours de la dernière décennie, notre pays a soutenu avant tout la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et les Etats baltes. Le processus de réforme dans ces Etats s'est entre-temps affermi; ils sont tous sans exception devenus candidats à l'adhésion à l'UE et bénéficient dès lors d'un important soutien financier de l'UE. C'est pourquoi les activités de la coopération suisse avec l'Europe de l'Est se concentrent désormais sur les Etats dans lesquels le processus de réforme ne fait que débuter, est hésitant ou, en raison d'une guerre civile, n'a jamais eu la chance de véritablement démarrer.

Europe du Sud-Est Depuis un certain temps, l'Europe du Sud-Est se trouve, en raison des diverses crises et de l'insécurité permanente dans la région, au centre des activités de politique extérieure de la Suisse. Depuis 1995 déjà, la région de l'ex-Yougoslavie est un point fort de l'aide humanitaire de la Suisse. Notre pays a accueilli un grand nombre de personnes déplacées par la guerre, a activement soutenu leur retour et a fourni une aide à la reconstruction. Assumant la présidence de l'OSCE en 1996, la Suisse s'est trouvée en position de contribuer de manière essentielle à l'effort d'aide. En Bosnie-Herzégovine, notre pays est encore fortement engagé dans un vaste programme.

Exemple: Radio Libre Bosnie-Herzégovine (FERN) Le projet est financé par la Suisse et mené en partenariat avec l'OSCE.

L'établissement d'une radio indépendante contribue à la compréhension entre les trois groupes nationaux. Depuis le 15 juillet 1996, Radio FERN émet vingtquatre heures sur vingt-quatre un programme complet qui est conçu par une équipe de rédaction bosniaque multiethnique. Radio FERN est actuellement en train d'être transférée à un organisme local, qui en poursuivra l'exploitation.

Radio FERN s'est récemment vu décerner par l'association des journalistes de Bosnie-Herzégovine le prix du meilleur émetteur radio de l'année 1999.

La Suisse a développé un vaste catalogue de mesures afin de pouvoir fournir une aide et un soutien efficaces à l'Europe du Sud-Est lors de la stabilisation de la situation. Notre pays est maintenant représenté par des ambassades dans tous les pays de la
région et a ouvert des bureaux de coordination dans tous les pays de concentration de la coopération avec l'Europe de l'Est, lesquels surveillent, avec des partenaires locaux, l'usage fait de l'importante aide financière et en personnel de nature tant bilatérale que multilatérale.

La Suisse coopère à toutes les structures et organisations internationales qui sont actives dans cette région et entretient des contacts étroits avec les nombreuses organisations non gouvernementales. Un élément clé consiste dans la coopération avec le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, qui bénéficie de la mise à disposition d'un procureur général suisse. En outre, une compagnie de soldats suisses non armés («Swisscoy») soutient la mission de l'OTAN au Kosovo.

312

Exemple: Encouragement de l'agriculture et des PME en Roumanie Avec la mise sur pied et le développement de l'agriculture privée, ainsi que de petites et moyennes entreprises dans les districts de Covasna et Mures, environ 5000 emplois ont été créés et maintenus. Des entreprises et des familles d'agriculteurs bénéficient de conseils de gestion et reçoivent des crédits d'investissement. Quelque 1200 crédits ont jusqu'ici été accordés, servant à la création d'entreprises d'artisanat et de services ou à l'achat de biens d'investissement, d'animaux, de semences, etc. Environ 20 à 25 % de la somme totale du crédit (1999: 4,2 millions de dollars américains) sont remboursés chaque année, puis à nouveau accordés.

Etats successeurs de l'Union soviétique La Russie, de par sa situation peu consolidée sur le plan intérieur, représente un défi pour la sécurité et la paix en Europe. C'est pourquoi la Suisse a également un grand intérêt à ce que ce pays puisse trouver, de manière ordonnée, le chemin d'une démocratie moderne, orientée vers l'économie de marché. Notre pays fournit une contribution là où il dispose de connaissances et de capacités spécifiques, par exemple dans le domaine des réformes économiques, en matière de renforcement de l'Etat de droit et du système judiciaire, ou encore lorsqu'il s'agit de diminuer la fuite des cerveaux dans les domaines de la science et de la recherche. Des réflexions similaires valent pour l'Ukraine et la région du Caucase, où la présence de la Suisse a été renforcée.

Un autre point fort de la coopération se situe dans la région de l'Asie centrale, qui, du fait de la répartition inégale des ressources naturelles et du tracé arbitraire des frontières, représente un foyer potentiel de crises. La Suisse a ici également développé ses structures, notamment au Kirghizistan et au Tadjikistan. En tant que membres du groupe de vote suisse dans les institutions de Bretton Woods, ces Etats ne sont pas uniquement importants pour notre pays en tant que partenaires de la coopération au développement.

2.1.6

Aide humanitaire

Depuis le début des années 90, l'aide humanitaire suisse est confrontée à d'importants défis dus à l'éclatement de nouvelles crises et de nouveaux conflits. On s'est efforcé d'engager de manière efficace les moyens disponibles en les concentrant sur des régions géographiques déterminées et sur des conflits individuels, au premier plan desquels se trouvent la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo et la Serbie, ainsi que la région des Grands lacs en Afrique, en particulier le Rwanda. Le Caucase, le Soudan, l'Erythrée et l'Angola ont constitué d'autres points forts de l'aide humanitaire de notre pays.

313

Exemples: Un approvisionnement en eau potable a été mis en place au Soudan en dépit de la guerre civile, le retour de réfugiés au Rwanda a été facilité grâce au soutien de la formation médicale, des routes ont été rénovées au Liberia.

L'efficacité des actions humanitaires a pu être augmentée grâce au fait qu'elles ont été plus fortement intégrées dans la politique extérieure suisse et liées à d'autres actions. En outre, on a amélioré la coordination avec d'autres organisations d'aide humanitaire et entrepris une coopération plus étroite avec des organisations non gouvernementales suisses et des organisations humanitaires internationales, par exemple avec le CICR, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU, le HCR ou le Programme alimentaire mondial de l'ONU.

Exemples: Au nombre des prestations de l'aide humanitaire de la Suisse figurent également les engagements du corps suisse d'aide en cas de catastrophes, qui se compose aujourd'hui d'environ 1500 volontaires. En 1999, 547 membres du corps ont été appelés à intervenir et ont fourni environ 40 500 jours de prestation.

2.1.7

Politique de migration

Marché du travail Dans notre pays, la majorité de la population étrangère résidante, soit 58,3 % (chiffres de 1999), est originaire des Etats membres de l'UE et, dans certains cas, de l'EEE. Les nouvelles autorisations contingentées pour les travailleurs provenant de cette zone s'élèvent à environ 80 % du total. Cependant, la tendance à l'immigration en provenance de pays extérieurs à l'UE reste constante, ce qui est essentiellement à attribuer au regroupement familial et à d'autres raisons telles que des transferts de cadres, des séjours d'étudiants, des raisons humanitaires, etc. C'est pourquoi la politique de migration suisse a été orientée vers un modèle dual d'autorisations à la fin des années 90.

Après les nationaux (citoyens suisses et ayants droit étrangers), la main-d'oeuvre en provenance des Etats de l'UE et de l'AELE bénéficie aujourd'hui d'une priorité en matière de recrutement. Sur la base des accords bilatéraux avec l'UE, la circulation des personnes entre la Suisse et l'UE sera entièrement libéralisée après une période transitoire de quelques années. S'agissant des autres Etats, il est prévu qu'en principe seules des personnes bien qualifiées obtiendront une autorisation d'accès au marché du travail suisse.

Asile Les migrants chargent fréquemment des bandes organisées de passeurs de les amener à destination. Les migrants et les réfugiés doivent payer cher les services de telles bandes de passeurs. Plus les dispositions en matière d'autorisation sont sévères dans un pays et plus celui-ci surveille étroitement ses frontières, mieux organisés et plus onéreux sont les passeurs. Le chiffre d'affaires mondial annuel des bandes de

314

passeurs dans le domaine de la migration est estimé à plus de 5 milliards de dollars américains; de telles bandes font souvent partie intégrante de groupes mafieux.

Exemple: La situation en Suisse suit la tendance internationale. Le corps suisse des gardesfrontière a intercepté l'an dernier plus de 1000 passeurs; 84 % des personnes qui ont tenté de trouver asile en Suisse en 1999 sont arrivées dans notre pays de manière illégale.

Le domaine suisse de l'asile a, au cours des dix dernières années, enregistré par deux fois des chiffres records, la première fois au début du conflit des Balkans, avec plus de 41 000 demandes, la seconde fois à l'occasion du conflit du Kosovo. Avec 6,5 demandes d'asile pour 1000 habitants en 1999, la Suisse s'est trouvée en tête de liste des pays d'accueil traditionnels d'Europe occidentale; seuls le Liechtenstein et le Luxembourg la devançaient encore. La Suisse a occupé en 1999 ­ qui a certes été une année record avec 46 100 demandes ­ la troisième place de tous les pays européens, après l'Allemagne et la Grande-Bretagne qui ont chacune enregistré deux fois plus de requêtes. Entre-temps, le nombre des demandes d'asile en Suisse est revenu au niveau habituel du milieu des années 90.

Pour répondre à l'immigration supérieure à la moyenne, pour cause de guerre, en provenance de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, on a appliqué le principe de l'admission collective provisoire; ce principe, conçu pour ceux qui ont besoin d'être protégés, a maintenant aussi été ancré dans la nouvelle loi sur l'asile. De plus, la procédure d'asile a été accélérée, l'attrait pour le dépôt d'une demande d'asile réduit et l'exécution des renvois renforcée.

La traite des femmes pratiquée par des organisations criminelles actives sur le plan international est particulièrement préoccupante. Outre le renforcement de la poursuite pénale des auteurs et l'information dans les pays d'origine sur les dangers encourus, seule une meilleure protection des victimes permet d'endiguer efficacement la traite des être humains.

Exemple: La Suisse a testé des formes de coopération nouvelles et innovatrices. On a introduit pour les personnes admises provisoirement des programmes d'aide au retour tant pour la Bosnie-Herzégovine que pour le Kosovo, lesquels remportent de grands succès. L'aide au retour se combine
avec des efforts de l'aide humanitaire et de la coopération avec l'Europe de l'Est qui visent à soutenir la reconstruction et la réintégration de ceux qui rentrent au pays.

315

2.2

Engagement en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et des principes de l'Etat de droit

Objectif: «La sécurité et la paix ne sont durables que dans une communauté d'Etats euxmêmes fondés sur le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le primat du droit sur l'arbitraire et le contrôle démocratique de l'exercice du pouvoir politique.» (Rapport sur la politique extérieure 93)

2.2.1

Bonne gestion des affaires publiques, Etat de droit et démocratie

Au cours des dernières années, la Suisse a développé, aussi bien au sein des organisations oeuvrant dans ce sens que dans le cadre de sa coopération bilatérale au développement, diverses activités en matière de soutien aux principes de l'Etat de droit dans les pays partenaires, notamment dans les domaines de l'organisation de l'Etat, du gouvernement et de l'administration, avec un accent sur les efforts de décentralisation. Notre pays s'est en particulier engagé en matière d'organisation et de formation de la justice et de la police et en matière de promotion de l'accès à la justice et à l'administration pour les groupes défavorisés.

Exemple: La Suisse a soutenu des efforts de réforme du système judiciaire en Bolivie (accès gratuit pour les nécessiteux, amélioration de la formation des juges, soutien de la défense d'office dans le milieu rural, conseils techniques pour une nouvelle loi sur le blanchiment d'argent).

La Suisse apporte son aide au renforcement des structures et des procédures démocratiques dans de nombreux pays, par exemple lors de la préparation et de la conduite d'élections. L'envoi d'observateurs électoraux fait partie des instruments traditionnels dans ce domaine; à cela s'ajoute le soutien d'organisations de la société civile qui aspirent à une participation efficace de la population à la formation de décisions politiques et économiques dans leurs pays.

2.2.2

Politique des droits de l'homme

Au cours de la dernière décennie, la Suisse a adhéré à de nombreux accords internationaux dans le domaine des droits de l'homme, par exemple aux Pactes de l'ONU sur les droits civils et politiques (1992), sur les droits économiques, sociaux et culturels (1992), à la convention sur les droits de l'enfant (1993), aux conventions contre la discrimination raciale (1994) et contre la discrimination des femmes (1997), ainsi qu'à la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales (1998).

316

Les activités multilatérales de notre pays reposent sur un fondement large. On note un engagement particulier en faveur de l'abolition de la torture, de la protection des minorités, ainsi qu'en faveur de l'amélioration du sort des enfants dans les conflits armés.

Exemples: Dans le cadre de l'ONU, la Suisse a présenté une proposition en vue d'un protocole sur la prévention de la torture et s'est considérablement engagée pour l'adoption d'un protocole additionnel sur l'interdiction des enfants soldats.

La «Convention européenne sur la prévention de la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants» découle d'une initiative suisse et a été adoptée par le Conseil de l'Europe fin 1987 après d'intenses discussions. Elle prévoit pour la première fois un mécanisme de surveillance particulier: un comité peut visiter chaque lieu d'un Etat membre dans lequel des personnes sont détenues, et publier des rapports. Ce mécanisme a aussi servi de modèle pour un instrument similaire dans le cadre de l'ONU, en faveur duquel la Suisse s'engage également activement.

En matière de protection des minorités, ce sont avant tout les activités du Conseil de l'Europe et de l'OSCE qui sont soutenues. A noter aussi les activités suisses au sein de la Commission des droits de l'homme de l'ONU ainsi qu'au sein de l'Organisation internationale du travail, qui ont conduit à la reprise d'un vaste acquis juridique.

Exemple: «Cour européenne des droits de l'homme» La Suisse a soumis à la réunion ministérielle du Conseil de l'Europe de 1985 l'idée de simplifier le système de surveillance de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH). Il s'agissait de réunir les deux organes (Commission et Cour) en une seule Cour européenne des droits de l'homme. Le protocole additionnel à la CEDH s'y référant est entré en vigueur fin 1998 après d'ardues négociations. La Cour est présidée par le Suisse Luzius Wildhaber.

L'engagement bilatéral de la Suisse s'est étendu: en sus des interventions traditionnelles au niveau gouvernemental par le biais de démarches, les instruments suisses se sont élargis à des mesures positives qui, dans les relations bilatérales, peuvent contribuer à l'amélioration de la situation des droits de l'homme dans un Etat donné.

L'approche soutenant cette manière de procéder se base sur la réflexion
selon laquelle il s'agit toujours d'apporter des améliora-tions concrètes dans un Etat donné et non pas de juger un Etat. L'élément relatif aux droits de l'homme a aussi été renforcé dans la coopération au développement et la coopération avec l'Europe de l'Est.

Les dialogues institutionnalisés en matière de droits de l'homme que notre pays mène avec des Etats comme la Chine, le Pakistan ou le Vietnam sont particulièrement importants. Le maintien d'un dialogue durable sur des thèmes et des programmes déterminés, par exemple les droits des femmes ou les conditions de détention, se situe au premier plan.

317

2.2.3

Droit international humanitaire

Le droit international humanitaire englobe les règles internationales visant à adoucir les effets des conflits armés sur les êtres humains et les biens, et à protéger en particulier les membres les plus faibles de notre société. L'idée qui sous-tend ces efforts est que le comportement des forces armées lors de l'éclatement d'un conflit armé doit être soumis à des règles qui garantissent le respect minimal de la vie humaine et évitent les souffrances inutiles.

Le droit international humanitaire fait aujourd'hui l'objet d'intenses discussions au niveau multilatéral, en particulier dans le cadre des Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que dans celui de l'ONU. Alors que le Conseil fédéral a toujours accordé une importance majeure au développement du «droit de Genève», les développements de ces dernières années montrent que le cadre de l'ONU a aussi gagné en importance s'agissant du développement du droit international humanitaire.

Un regard sur les dernières années mène à la conclusion que les graves violations des accords dans le domaine du droit international humanitaire, en particulier la mise en danger brutale et ciblée de la population civile, ont massivement augmenté.

Les causes de ce développement inquiétant résultent des changements de comportement dans les conflits (voir ch. 2.1.2.2).

Il est internationalement reconnu que la Suisse, notamment en tant qu'Etat dépositaire des Conventions de Genève, joue, avec d'autres Etats, un rôle moteur en matière de renforcement et de développement du droit international humanitaire. La Suisse a fourni au cours des dernières années des contributions concrètes et considérables à la mise en oeuvre et au développement du droit international humanitaire.

Exemple: Au vu de l'effet ravageur des mines antipersonnel sur la population civile, la Suisse s'est engagée avec succès pour une interdiction totale de l'emploi, de la fabrication, du stockage et de la diffusion des mines antipersonnel au niveau international. Avec la création du Centre international de déminage humanitaire à Genève, la Suisse a souligné de manière efficace son engagement en faveur de la réduction des effets de ces armes insidieuses.

Le Conseil fédéral s'engage aussi pour l'endiguement de la propagation illégale et incontrôlée des armes de petit
calibre et des armes légères et pour l'intégration des groupes armés non étatiques dans le système juridique international. Le Conseil fédéral estime qu'il existe un besoin d'action notamment à propos des bombesgrappes qui ­ lancées depuis l'air ­ n'explosent pas lorsqu'elles heurtent le sol et peuvent avoir un effet semblable aux mines antipersonnel.

Nonobstant les normes de droit pénal déjà existantes en la matière, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont, dans l'histoire récente, été victime d'atrocités. Ce n'est pas tant l'existence de lacunes dans le droit international humanitaire qui est à critiquer, mais plutôt la mise en oeuvre peu efficace des normes pertinentes. Par la création d'une Cour pénale internationale, la communauté internationale veut faire en sorte que le droit international pénal soit mieux respecté au plan universel. La Suisse a activement participé à l'élaboration du statut de la Cour pénale. Habilitée à juger les crimes particulièrement graves tels que le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, cette dernière garantira que les 318

responsables de ces actes ne demeurent plus impunis à l'avenir. La Cour n'aura cependant qu'un pouvoir subsidiaire pour de telles condamnations; comme par le passé, ce sont les Etats qui resteront avant tout compétents pour la poursuite de tels criminels.

La collaboration avec le CICR est étroite, tout en respectant bien entendu pleinement l'indépendance de cette organisation. Le CICR a reçu de la communauté internationale le mandat de surveiller l'application du droit international humanitaire.

Dans le cadre des possibilités permettant d'influencer la situation dans un Etat donné, les instruments du CICR, de la Suisse et d'autres Etats parties aux Conventions de Genève peuvent se compléter et se renforcer mutuellement.

2.3

Accroissement de la prospérité commune

Objectif: «L'accroissement de la prospérité commune vise à assurer, par voie bilatérale et multilatérale, les avantages de la division du travail au plan international. La prospérité des uns dépend de celle des autres. L'engagement en faveur de l'abolition des inégalités sociales constitue dès lors une dimension importante de toute politique au service de la prospérité.» (Rapport sur la politique extérieure 93)

2.3.1

Place économique et financière suisse

Les années 90 ont été caractérisées par une vague de déréglementations et de privatisations d'ampleur mondiale. La pression de la libéralisation a déjà conduit à une vaste ouverture des marchés des services et des infrastructures (banques et assurances, télécommunications, énergie, etc.) et ne s'est même pas arrêtée au seuil des marchés agricoles, autrefois fortement protégés. Ces changements structurels dans l'économie mondiale ont certes ouvert de nouveaux marchés aux entreprises suisses, mais ont aussi conduit à une pression concurrentielle accrue. En particulier, comparés à ceux de l'étranger, nos coûts de production élevés ne se sont plus révélés concurrentiels.

Exemple: La Suisse n'a pas pu enregistrer de croissance économique entre 1990 et 1997, avec entre autres pour conséquence une augmentation du chômage et la détérioration des finances publiques, conjointement à un doublement de la dette publique et à une récession, avant tout dans le secteur de la construction.

Avec le principe directeur «Compétitivité à l'extérieur par le biais d'une concurrence accrue à l'intérieur» le Conseil fédéral a engagé une nouvelle orientation de sa politique économique intérieure et extérieure25.

25

Voir le rapport sur la politique économique extérieure 91 1+2

319

Exemples: L'attrait de la Suisse en tant que place financière et centre de production et de services a été renforcé par les mesures économiques suivantes: loi sur les cartels, loi sur le marché intérieur, loi sur les obstacles techniques au commerce et loi sur les marchés publics. La libéralisation du marché des télécommunications, l'assainissement des finances fédérales, ainsi que la nouvelle réglementation du système des transports publics et de la formation professionnelle ont également augmenté l'attrait de la place économique et financière suisse. En outre, la capacité concurrentielle de l'espace de formation, de recherche et de technologie, et en particulier de la place financière, reste d'une grande importance pour l'économie suisse. Les nouvelles dispositions contre l'abus du secret bancaire et le durcissement des réglementations en matière de lutte contre le blanchiment constituent des facteurs positifs à cet égard.

La place financière suisse occupe une place importante dans le monde. Selon une étude de la Banque nationale suisse, les banques suisses administraient à fin avril 2000 papiers-valeurs pour presque 3400 milliards de francs, dont plus de la moitié étaient en possession de clients étrangers. A cela s'ajoutaient d'autres actifs pour plus de 1200 milliards de francs déposés sur des comptes bancaires suisses.

Notre pays est confronté à des défis particuliers du fait de la perception renforcée des placements de fonds d'origine douteuse. Comme d'autres places financières du monde, la place financière suisse attire de l'argent gagné tant légalement qu'illicitement. Ce fait, ainsi que l'importance de la place financière plus que proportionnelle à la taille de notre pays et le secret bancaire, donnent lieu à des critiques de la part de l'étranger. En réaction à ce développement, la Suisse a entrepris au cours des dernières années des efforts considérables pour empêcher l'usage abusif de sa place financière (loi sur le blanchiment d'argent, normes pénales relatives à la criminalité organisée et à la corruption). Dans le domaine de la réglementation du marché financier et en matière de lutte contre les abus, notre pays joue aujourd'hui un rôle moteur sur le plan mondial et participe activement dans le cadre international à la lutte contre le blanchiment et contre d'autres délits.

En 1999,
les Chambres fédérales ont accordé une aide financière à Suisse Tourisme d'un total de 190 millions de francs pour cinq ans. Grâce à ces moyens, un réseau international d'agences, qui contribue au renforcement de la présence de la Suisse à l'étranger, peut être maintenu.

Le système de formation et de recherche qualitativement élevé, ainsi que le développement des technologies de pointe, font sans aucun doute également partie des avantages comparatifs de l'économie suisse. Sa bonne réputation et sa compétitivité internationale seront cependant menacées de façon accrue si, après des années de stagnation en matière d'investissements en Suisse et d'augmentation croissante des dépenses dans d'autres pays, l'espace de formation, de recherche et de technologie n'est pas renforcé de manière continue.

320

2.3.2

Politique d'intégration européenne

Suite au rejet de l'accord EEE le 6 décembre 1992, le Conseil fédéral a procédé à une évaluation de la situation en matière de politique d'intégration. Une poursuite du processus d'adhésion similaire à celui décidé par l'Autriche, la Finlande, la Suède et la Norvège ­ Etats qui étaient alors tous membres de l'AELE ­ n'était pas envisageable pour le Conseil fédéral. Ne rien entreprendre n'était pas non plus pensable, car trop de problèmes pressants en relation avec l'UE, notre plus important partenaire économique et commercial, devaient être rapidement réglés. Le maintien du statu quo aurait conduit à une aggravation continuelle de la place industrielle et scientifique suisse. Ainsi, le Conseil fédéral a décidé au début de 1993 d'approfondir pour l'heure ses relations contractuelles avec l'UE en suivant la voie bilatérale.

Fin 1993, l'UE s'est déclarée prête à ouvrir des négociations avec la Suisse dans sept domaines26, à deux conditions: ­

D'une part, elle souhaitait que les négociations dans les différents domaines démarrent et se terminent parallèlement et simultanément. Elle voulait ainsi s'assurer que l'équilibre des intérêts serait respecté dans cette approche bilatérale et que l'on n'aboutirait pas à un «menu à la carte» pour la Suisse.

­

D'autre part, elle souhaitait privilégier, autant que possible, la recherche de solutions eurocompatibles s'orientant d'après l'«acquis communautaire», le droit de l'UE.

Entre la Suisse et l'UE, il y avait unanimité sur le fait que les négociations bilatérales ne visaient pas indirectement à une réédition de l'accord EEE.

L'acceptation de l'initiative des Alpes a retardé l'ouverture des négociations, laquelle eut finalement lieu en décembre 1994. Suite à la percée dans le domaine sensible de la libre circulation des personnes en 1996, on a réussi, en négociant âprement, à écarter fin 1998 les derniers obstacles dans le dossier des transports et dans le domaine de l'agriculture.

Au soir du 21 mai 2000, le Conseil fédéral a pu constater avec satisfaction qu'une large majorité du peuple et des cantons partageait son appréciation positive du résultat des négociations. Plus de 67 % des votants et 24 cantons ou demi-cantons ont approuvé les accords bilatéraux. A deux égards, cela signifiait un succès pour la politique européenne du Conseil fédéral:

26

­

D'une part, ces accords améliorent considérablement les conditions générales de l'économie suisse et nous rapprochent de l'Europe sur plusieurs plans.

­

D'autre part, ils apportent, dans des domaines sensibles de politique intérieure tels que la libre circulation des personnes et le transport terrestre, des solutions qui, tout en étant eurocompatibles, sont taillées sur mesure pour notre pays.

Transports terrestre et aérien, libre circulation des personnes, recherche, produits agricoles, obstacles techniques au commerce, marchés publics.

321

Exemple: En matière de circulation des personnes, une période transitoire de 12 ans pour l'introduction de la libre circulation des personnes a été prévue. En outre, la Suisse a adopté une série de mesures internes d'accompagnement, par exemple l'extension facilitée des conventions collectives de travail ou la loi sur les travailleurs détachés, qui amortissent les effets potentiels de la libre circulation des personnes sur le niveau des salaires.

Les sept accords ne comprennent cependant ni l'ensemble des quatre libertés de l'UE (circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services), ni les politiques d'accompagnement du droit économique de l'UE (p. ex. la politique sociale, le droit des sociétés, la politique de l'environnement, le droit de la concurrence, la politique de l'énergie, la politique économique extérieure, la politique monétaire). En outre, ils ne règlent pas des questions d'avenir importantes pour la Suisse telles que celle de la participation sur un pied d'égalité à l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice, à la politique de défense européenne, ainsi qu'aux accords économiques de l'UE avec d'autres régions du monde en Amérique latine, en Asie ou dans l'espace méditerranéen.

2.3.3

Système économique mondial

La politique économique extérieure moderne adopte toujours plus le caractère d'un système économique globale. Dans le cadre d'une politique économique mondiale fortement interconnectée, il faut créer sur les marchés étrangers, au moyen d'accords bilatéraux ou multilatéraux, des conditions appropriées pour les entreprises suisses qui y sont actives et contribuer en plus à ce que les marchés conservent à long terme leur capacité de fonctionnement27. Avec la création de nouvelles structures administratives, le Conseil fédéral a tenu compte de l'important besoin de coordination résultant de ces nouvelles tâches.

Avec la conclusion réussie de l'Uruguay Round du GATT et l'entrée de la Suisse dans l'Organisation mondiale du commerce OMC (1995), une importante étape pour la politique économique de la Suisse a été franchie. Un renforcement des règles commerciales multilatérales a notamment été obtenu, incluant les services et la procédure de règlement des différends. Cette dernière est particulièrement importante pour la Suisse car, du fait de sa forte dépendance vis-à-vis du commerce international, elle est tributaire du respect des règles commerciales agréées par ses partenaires. En outre, il est essentiel pour notre pays que les principes de l'OMC soient défendus par tous ses membres, donc aussi par les pays en développement, et que ceux-ci, en tant que membres bénéficiant des mêmes droits, ne soient pas ignorés dans le cadre de cette organisation. De plus, l'OMC reconnaît la légitimité de buts non commerciaux comme l'environnement, la santé, la défense des normes fondamentales du travail et la protection des consommateurs.

Ces objectifs font partie des efforts du Conseil fédéral en faveur d'un cadre réglementaire global. Les normes et les directives qui ont pour objet le comportement étatique («bonne gestion des affaires publiques») sont un élément important de ce 27

322

Voir le rapport sur la politique économique extérieure 98 1+2

cadre global, qui a été en partie réalisé au cours des dix dernières années. Des organisations internationales comme l'OCDE, l'OMC ou le FMI ont, soutenues par la Suisse, entrepris des travaux dans ce domaine. Une importance particulière revient à la Convention de l'OCDE relative à la lutte contre la corruption, qui astreint les Etats parties à poursuivre pénalement leurs ressortissants qui corrompent des fonctionnaires étrangers. Le réseau des accords suisses de protection des investissements et de double imposition, qui s'est amplifié dans les années 90, contribue aussi, dans de nombreux marchés, à l'égalité de traitement, à la protection contre l'arbitraire, à la garantie de la propriété, à la prévention de la double imposition et à la mise en place de procédures de règlement des différends. Les distorsions de la concurrence sont ainsi réduites, ce qui conduit à des structures de production qui profitent finalement à l'économie mondiale dans son ensemble.

En sus du niveau multilatéral, la politique économique extérieure bilatérale ou régionale reste, comme par le passé, importante. A vrai dire, les accords de libreéchange régionaux revêtent de plus en plus le caractère d'une stratégie de soutien pour le niveau multilatéral; ils contribuent à éviter des discriminations de l'économie suisse en relation avec son plus grand partenaire commercial, l'UE.

La Suisse s'efforce de conclure des accords de libre-échange là où l'UE a déjà tissé un réseau de tels accords ou a l'intention d'ouvrir des négociations de libre-échange.

Ainsi, notre pays, avec ses partenaires de l'AELE, a réussi à conclure des accords de libre-échange avec tous les candidats à l'adhésion à l'UE. En 1999, ces accords ont couvert 3,8 % des exportations suisses et 1,7 % des importations.

Non seulement les Etats de l'Europe de l'Est, mais aussi des Etats et des groupes d'Etats situés hors de l'Europe, par exemple les pays du sud de la Méditerranée, l'Afrique du Sud ou le Mercosur attribuent une plus grande importance à des négociations économiques avec l'UE qu'à des négociations avec d'autres partenaires, par exemple la Suisse. On constate cependant des développements encourageants dans le cadre des négociations AELE sur la conclusion d'accords de libre-échange avec des Etats tiers.

Exemples: Dans le cas des négociations déjà
avancées avec le Canada, nous sommes pour la première fois en présence de négociations sur un accord de libre-échange AELE qui s'étendent à un pays situé hors de l'Europe. En outre, l'AELE a engagé des négociations avec le Mexique et en ouvrira sous peu avec le Chili.

Les efforts renforcés depuis le milieu des années 90 qui visent la promotion de l'entreprise privée dans les pays en développement, ainsi que dans les Etats d'Europe de l'Est et d'Asie centrale, et qui ont conduit à la fondation de la «Swiss Development Finance Corporation» (SDFC) et de la «Swiss Organization for Facilitating Investments» (SOFI), poursuivent les mêmes objectifs.

Exemple: A l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération, la Suisse a accordé en 1991 un crédit-cadre de 700 millions de francs, dont 400 millions de francs ont été affectés à des mesures de désendettement en faveur des pays en développement les plus pauvres et 300 millions de francs à des programmes environnementaux d'importance globale dans les pays en développement.

323

2.3.4

Système financier international

En tant que membre des institutions de Bretton Woods, la Suisse a coopéré aux efforts internationaux visant à augmenter la stabilité du système financier international. La crise asiatique de 1997/98 en particulier a montré que des troubles régionaux pouvaient menacer tout ou partie de l'économie mondiale. La cause de cette crise n'a pas été la libéralisation de la circulation des capitaux, mais plutôt un usage inconsidéré de ces moyens financiers, favorisé par de graves lacunes réglementaires.

Il existe un intérêt considérable à l'élimination de ces causes d'instabilité, dont font partie les efforts du Fonds monétaire international en faveur d'une meilleure transparence, qui permet des estimations plus réalistes des risques et qui contribue ainsi à prévenir des crises de confiance soudaines suivies de fuites de capitaux.

Le Conseil fédéral a approuvé ces mesures, car elles combattent les causes de l'instabilité et évitent l'introduction d'instruments protectionnistes comme les contrôles des mouvements de capitaux. Des crises comme celles de l'Asie du Sud-Est, de la Russie ou du Mexique ne peuvent cependant être évitées que si la surveillance financière est adaptée et le comportement étatique amélioré dans le sens d'un renforcement de la bonne gestion des affaires publiques.

Par ailleurs, le Fonds monétaire s'efforce, en étroite coopération avec la Banque mondiale et les banques régionales de développement, de mieux intégrer les pays en développement dans le système financier mondial. Les incitations et les approches visant la réduction de la volatilité des marchés financiers et des transactions spéculatives de capitaux doivent être développées encore davantage. La Suisse a fourni sa contribution à cet égard, car un système financier mondial stable est particulièrement important pour des relations économiques mondiales ordonnées et donc en particulier pour notre pays.

Exemples: En 1997/98, la Suisse a mis des crédits à la disposition des Etats victimes de la crise asiatique dans le cadre du Fonds monétaire international et du G 10 et a donné son consentement à l'augmentation du volume des crédits du FMI. Notre pays a également joué un rôle essentiel lors de la concrétisation de l'initiative HIPC (réduction de la dette des pays en développement les plus fortement endettés).

2.4

Promotion de la cohésion sociale

Objectif: «Les inégalités et les injustices économiques, politiques et sociales, ainsi que les clivages écologiques sont de permanentes sources de tension préjudiciables à la paix et à la sécurité entre les Etats.» (Rapport sur la politique extérieure 93) Les objectifs de la coopération suisse en faveur des défavorisés de ce monde ont été fixés il y a un quart de siècle. Notre aide «...soutient les efforts des pays en développement en vue d'améliorer les conditions de vie de leurs populations. Elle doit contribuer à mettre ces pays en mesure d'assurer leur développement par leurs

324

propres forces. Elle tend, à long terme, vers un meilleur équilibre au sein de la communauté internationale. Ainsi, elle soutient en priorité les efforts des pays en développement, régions et groupes de population les plus défavorisés.» 28 Dans le «Message concernant l'adhésion de la Suisse aux institutions de Bretton Woods» du 15 mai 1991, le Conseil fédéral a fixé ainsi l'enveloppe financière de la coopération suisse au développement: «L'adhésion de la Suisse au Groupe de la Banque mondiale s'inscrit dans la ligne de la politique du Conseil fédéral qui consiste à faire participer notre pays plus intensément à la coopération internationale au développement et à augmenter en conséquence les moyens destinés à l'aide publique au développement. Le Conseil fédéral prévoit en effet de faire passer les sommes allouées à la coopération suisse au développement à 0,4 % du produit national brut, d'ici la seconde moitié des années nonante» .

Par la suite, cet objectif n'a pu être atteint comme prévu en raison de la situation financière défavorable des années 90. Grâce aux mesures d'économies bénéfiques qui ont été prises dans le cadre de l'«objectif budgétaire 2001», les démarches nécessaires dans le domaine de la coopération au développement peuvent maintenant être entreprises.

Avec une aide publique au développement de l'ordre de 0,35 % du PNB, la Suisse a occupé en 1999 le 7e rang des Etats de l'OCDE après le Danemark (1 % du PNB), la Norvège (0,91 % du PNB), les Pays-Bas (0,79 % du PNB), la Suède (0,7 % du PNB), le Luxembourg (0,64 % du PNB) et la France (0,38 % du PNB).

Les objectifs, contenus et moyens de la coopération suisse au développement sont décrits dans les messages périodiques relatifs aux différents crédits-cadres. Le présent rapport se limite donc à l'essentiel.

En raison de ses moyens limités, la coopération suisse au développement est obligée de fixer des points forts géographiques et thématiques.

Exemples: En 1999, les pays de concentration suivants ont constitué les principaux destinataires de l'aide suisse au développement: 1.

Yougoslavie (Kosovo inclus): 41 millions de dollars américains 2.

Bangladesh: 20 millions de dollars américains 3.

Mozambique: 20 millions de dollars américains 4.

Inde: 20 millions de dollars américains 5.

Tanzanie: 18 millions de dollars américains.
La coopération suisse au développement s'est distancée du financement d'équipements et d'infrastructures, autrefois au centre de ses préoccupations, et met au premier plan la création de conditions institutionnelles, ainsi que de processus d'apprentissage et d'adaptation des sociétés et des hommes. Simultanément, elle a également fait de la lutte contre la pauvreté une de ses tâches centrales.

Les activités multilatérales de la politique de développement de la Suisse au cours des dix dernières années ont visé à mieux concentrer les efforts de l'ONU et de ses institutions spécialisées, des institutions de Bretton Woods, ainsi que des nombreu28

Loi fédérale de 1976 sur l'aide au développement; RS 974.0

325

ses banques de développement sur la promotion de la cohésion sociale. En tant que non-membre de l'ONU, notre pays ne peut participer que de façon limitée à l'Assemblée générale de l'ONU et au Conseil économique et social, lequel est compétent entre autres pour les questions de développement. Comme toujours plus de questions importantes de la politique du développement sont traitées dans ces organes, cette limitation n'est plus justifiable.

Au cours des dernières années, la Suisse a engagé environ 30 % de sa coopération publique au développement par le biais d'organisations multilatérales. De ce montant, près de 200 millions de francs ont été mis, en 1999, à la disposition des organes et programmes de l'ONU. Notre pays se range ainsi parmi les 12 plus importants «bailleurs de fonds» qui financent l'ensemble des activités de développement de l'ONU.

Du point de vue suisse, la coopération au développement bilatérale et multilatérale sont deux domaines complémentaires de la même politique. Par la coopération multilatérale, notre pays cherche à contribuer à la solution de problèmes internationaux de développement qui, en raison de leur complexité, de leur sensibilité politique ou du volume financier qu'ils exigent, dépassent les possibilités de la coopération bilatérale. Grâce à la coopération au développement bilatérale, il est possible, sur la base de la définition de points forts géographiques et thématiques et de l'orientation à long terme, de mettre en place des relations de coopération particulières avec quelques pays.

Exemples: En 1999, l'aide publique suisse au développement d'un ordre de grandeur de 997 millions de dollars américains (0,35 % du PNB suisse) a été affectée à raison de 25,7 % (257 millions de dollars américains) à l'aide multilatérale et de 74,3 % (740 millions de dollars américains) à l'aide bilatérale.

Les deux plus grandes organisations multilatérales avec lesquelles notre pays a coopéré en 1999 ont été l'ONU (88 millions de dollars américains) et les institutions de Bretton Woods (95 millions de dollars américains).

Les moyens financiers de la coopération au développement bilatérale se répartissent comme suit: ­ 34 % (162 millions de dollars américains) pour l'Afrique ­ 31 % (116 millions de dollars américains) pour l'Asie ­ 14 % (66 millions de dollars américains) pour
l'Amérique centrale et la tine ­ 3 % (14 millions de dollars américains) pour le Proche-Orient ­ 26 % (126 millions de dollars américains) pour l'Europe du Sud-Est.

Les expériences et les nouvelles approches acquises dans de tels pays de concentration constituent des bases importantes pour la politique suisse dans le domaine multilatéral.

326

Exemple: La Suisse a pu donner des impulsions essentielles à la discussion internationale sur le désendettement des pays en développement. Des 700 millions de francs du crédit-cadre engagé à l'occasion du 700e anniversaire de la Confédération en 1991, 400 millions de francs ont été dévolus à des mesures de désendettement.

Comme condition à l'effacement de la dette, les partenaires concernés doivent ouvrir un fonds de contrepartie en monnaie locale, qui ­ administré en commun ­ est utilisé pour d'autres activités de développement.

2.5

Préservation du milieu naturel

Objectif: «Les conséquences sociales et économiques du pillage de notre environnement naturel se font sentir bien au-delà des frontières étatiques. La protection du milieu naturel est ainsi une condition de la prévention des conflits, de la stabilité et de la sécurité.» (Rapport sur la politique extérieure 93) Au cours de la dernière décennie, la Suisse a pu exercer un rôle de précurseur s'agissant de la négociation et du développement des instruments juridiques internationaux dans le domaine de l'environnement, dont la convention sur le climat, la convention sur la protection de la biodiversité, la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, ainsi que des accords dans le domaine des produits chimiques. Notre pays a pu contribuer à définir la politique internationale de l'environnement dans toutes les institutions internationales importantes et conférences pour l'environnement et le développement durable, par exemple dans le cadre du Programme pour l'environnement de l'ONU (PNUE) ou du programme «Environnement pour l'Europe». L'objectif de l'action suisse consiste à renforcer le système international de l'environnement dans son ensemble et en particulier à attribuer de manière accrue au PNUE un rôle central dans le système.

Certains objectifs ont déjà été atteints: grâce à la mise en oeuvre du protocole relatif à la protection de la couche d'ozone, dans 50 ans, la teneur en substances détruisant l'ozone sera ramenée à son niveau d'avant 1980; par le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux (convention de Bâle), l'édifice réglementaire international a pu être renforcé grâce à la consécration du principe de la responsabilité civile, de la même manière que dans le domaine du contrôle de l'utilisation des organismes génétiquement modifiés (convention sur la diversité biologique). Des développements favorables ont lieu dans le domaine du climat (protocole de Kyoto) et en matière de contrôle des produits chimiques toxiques, ainsi qu'en matière de clarification des relations futures entre les accords multilatéraux sur l'environnement et l'Organisation mondiale du commerce.

327

Exemples: En tant que succès de négociation revenant à la Suisse, on peut mentionner la conclusion du protocole additionnel sur la sécurité biologique dans le cadre de la convention sur la biodiversité. Notre pays a conduit à cette occasion un groupe d'Etats partageant le même point de vue («Compromise Group»), qui a contribué de manière déterminante à l'aboutissement de cet accord important dans un domaine à cheval entre la politique de l'environnement et la politique économique. La conclusion, sous présidence suisse, d'un protocole sur la responsabilité civile dans le cadre de la convention de Bâle sur les déchets dangereux peut également être considérée comme un succès. Pour la première fois, on a réussi à inscrire l'important principe de la responsabilité civile dans un accord multilatéral sur l'environnement.

En outre, la Suisse veille, sur le plan multilatéral, à une prise en compte renforcée du problème de l'environnement dans diverses organisations et enceintes internationales, en particulier au sein du Fonds global pour l'environnement, de l'Organisation mondiale de la santé, des institutions de Bretton Woods ainsi que de l'Organisation mondiale du commerce. L'objectif consiste d'une part à mieux coordonner les différents domaines de la politique suisse et d'autre part à utiliser les nombreux accords internationaux pour renforcer le système international de l'environnement. Les efforts accomplis dans des domaines de la politique internationale du climat qui se chevauchent (protocole de Montréal sur l'ozone et convention sur le climat) en sont un exemple.

En outre, notre pays reste actif dans le domaine de l'environnement sur le plan bilatéral au moyen de nombreux projets dans le cadre de la coopération économique et de la coopération au développement.

3

Instruments particuliers de la politique extérieure suisse

3.1

Neutralité

L'effondrement de l'ordre mondial bipolaire a eu des effets fondamentaux sur tous les Etats du monde. Les Etats neutres d'Europe en particulier doivent se poser la question de savoir comment ils pourront continuer à l'avenir à utiliser leur politique de neutralité en tant qu'instrument de politique extérieure. Au cours des dix dernières années, la Suède et la Finlande ont mis en place une politique de neutralité correspondant à la nouvelle donne; elles se considèrent comme des «Etats non alignés», qui veulent cependant être membres à part entière de la politique étrangère et de sécurité de l'UE. En Autriche, une partie considérable des décideurs politiques accorde plus d'importance à une adhésion à l'OTAN qu'au maintien de la neutralité.

Le fossé croissant entre la réalité de la politique de sécurité et le statut de la neutralité revêt une grande importance pour notre pays. Déjà à l'époque de la guerre froide, la neutralité de la Suisse n'était pas comprise comme un but en soi ou même comme un objectif de la politique extérieure ou de la politique de sécurité. Au contraire, la neutralité est depuis toujours un moyen parmi d'autres de garantir la sécurité extérieure de notre pays. Jusqu'en 1989, son objectif était clairement fixé: vu le danger d'un grand conflit armé en Europe, il fallait éviter toutes actions politiques ou militaires pouvant être interprétées aux yeux de l'étranger comme un parti pris 328

pour l'un ou l'autre côté. En raison de l'élargissement géographique de l'UE, cet objectif a fortement perdu de sa signification.

Les changements considérables du contexte de politique extérieure et de sécurité de la Suisse ont incité le Conseil fédéral, dans les années 90, à réorienter sensiblement la neutralité suisse.

­

D'une part, le noyau juridique de la neutralité a été réaffirmé: l'Etat neutre ne doit, en cas de guerre, soutenir militairement aucune partie au conflit et, en temps de paix, ne prendre aucune mesure (p. ex. rattachement à une alliance, engagement d'assistance) qui, lors d'un conflit armé, l'empêcherait de remplir ses obligations découlant du droit de la neutralité.

­

D'autre part, la Suisse s'est ralliée à la conception selon laquelle le droit de la neutralité ne s'applique pas aux mesures de contrainte adoptées dans le cadre de la sécurité collective des Nations Unie. Cette étape a été franchie sur la base de réflexions inspirées de la doctrine du droit international public et selon lesquelles il ne peut y avoir de neutralité entre la communauté internationale parlant d'une seule voix et un Etat qui bafoue les règles pacifiques du droit international et l'interdiction de l'usage de la force qui les soustend.

Le droit de la neutralité ne s'applique qu'aux conflits armés entre Etats; de tels conflits ont perdu de leur actualité. Au cours de la décennie écoulée, le droit de la neutralité n'a en fait trouvé application que lors de guerres dans des pays en développement, par exemple celle entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Plus de 90 conflits qui ont éclaté au cours des dix dernières années ne touchent pas le droit de la neutralité, car il s'agit de conflits de nature intra-étatique.

La neutralité ne limite pas non plus la marge de manoeuvre politique de la Suisse dans la mesure où celle-ci agit dans le cadre de missions de l'ONU et sur la base d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. L'ONU agit dans un tel cas sur mandat de la communauté internationale contre celui qui, selon la Charte de l'ONU, «met en danger la paix mondiale». Il ne peut dont s'agir d'une situation où notre pays ne pourrait prendre parti à cause de son statut de neutralité; celui qui ne se range pas du côté de l'ordre établi prend parti pour celui qui rompt la paix.

Exemples: La Suisse a systématiquement soutenu, sur une base autonome, des sanctions non militaires de l'ONU. On se rappelle à cet égard des décisions du Conseil fédéral sur la participation de la Suisse aux sanctions de l'ONU lors des différents conflits en ex-Yougoslavie et en Irak.

Lors de la crise du Kosovo, notre pays a pris part à des sanctions économiques qui n'ont pas été décidées par l'ONU, à savoir celles de l'UE à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie.

Comme il a déjà été annoncé dans le Rapport sur la neutralité de 1993 et confirmé dans le Rapport sur la politique de sécurité 2000, la Suisse a prouvé ainsi qu'elle était en principe disposée à participer à des sanctions économiques en dehors du cadre de l'ONU, à condition que ces mesures soient dirigées contre un Etat qui viole le droit ou la paix et visent le respect ou le rétablissement de la paix, de la sécurité et des droits de l'homme.

329

3.2

Genève internationale

Genève occupe une position particulière dans les relations internationales: 19 organisations internationales, plus de 180 représentations permanentes de la communauté des Etats, près de 200 organisations non gouvernementales, ainsi qu'une communauté internationale permanente de 33 000 personnes, auxquelles s'ajoutent annuellement environ 100 000 délégués qui séjournent à Genève quelque temps, font de cette ville ­ avec New York, le siège principal de l'ONU ­ le centre de rencontres internationales le plus important du monde.

Exemples: En 1999, 13 300 jours de séance se sont déroulés à Genève dans le cadre des organisations internationales29, soit bien plus qu'à New York. Le budget total des organisations internationales s'est élevé pour la même année à quelque 8 milliards de francs, dont environ 3 milliards de francs ont été dépensés à Genève même (salaires, investissements, etc.). Un emploi sur dix à Genève dépend ainsi des activités des organisations internationales.

La Genève internationale est un instrument unique en son genre pour renforcer l'image de notre pays. En collaboration étroite avec différents cantons et la ville de Genève, le Conseil fédéral soutient dès lors activement le site genevois et accorde depuis longtemps une attention particulière à la compétitivité de Genève sur le plan international.

29

330

Parmi les plus importantes organisations internationales situées à Genève, on trouve: AELE Association européenne de libre-échange CEE-ONU Commission économique pour l'Europe CCI Centre de commerce international CERN Organisation européenne pour la recherche nucléaire CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement HCDH Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'Homme HCR Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés OIM Organisation internationale pour les migrations OIT Organisation internationale du travail OMC Organisation mondiale du commerce OMM Organisation météorologique mondiale OMPI Organisation mondiale de la propriété intellectuelle OMS Organisation mondiale de la santé ONUG Office des Nations Unies à Genève PNUE Programme des Nations Unies pour l'environnement UIT Union internationale des télécommunications

Exemple: La Suisse propose Genève en tant que siège de la future organisation pour la mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques. Cette organisation compléterait de manière judicieuse les institutions de la diplomatie du désarmement siégeant déjà à Genève. Le Conseil fédéral s'engage également pour que soit sauvegardée la position de Genève en tant que centre de la politique internationale de l'environnement. La candidature de Genève pour l'établissement de deux secrétariats de l'environnement dans le domaine de la chimie est actuellement pendante. La Suisse a en outre entrepris plusieurs actions concrètes visant à renforcer la compétitivité de Genève. Ainsi, une «Maison internationale de l'environnement» a été mise à la disposition des organisations actives dans le domaine de l'environnement.

L'engagement matériel et financier de la Suisse est important et n'a pas à craindre la comparaison internationale. La concurrence internationale est devenue nettement plus âpre et a, au cours des dernières années, incité certaines organisations que le Conseil fédéral aurait volontiers vues à Genève à opter pour d'autres villes; malgré cela, Genève possède encore de bonnes cartes lorsqu'il s'agit d'accueillir des organisations internationales nouvellement créées.

4

Tâches de sauvegarde des intérêts et services

La tâche principale des représentations suisses à l'étranger est la sauvegarde des intérêts sur place. Il s'agit en premier lieu de mettre en place et d'entretenir un réseau de contacts étendu, d'améliorer l'image de notre pays et de faire valoir les demandes suisses auprès des instances décisionnelles étrangères. A cela s'ajoute le fait de se procurer des informations sur les changements dans la politique intérieure et sur les stratégies et activités de politique extérieure ainsi que sur les développements économiques, technologiques, sociaux, environnementaux et culturels dans l'Etat d'accréditation. Les divers projets et programmes de la coopération bilatérale au développement et de la coopération avec l'Europe de l'Est sont organisés par les bureaux de coordination suisses.

La politique extérieure suisse n'a pas uniquement pour objectif de sauvegarder le mieux possible les intérêts de notre pays vis-à-vis de l'extérieur. La Suisse est également chargée de s'occuper administrativement des ressortissants suisses domiciliés à l'étranger, de renforcer les liens qui les unissent à la Suisse et d'assister ceux qui sont dans le besoin. Actuellement, environ 580 000 personnes, soit près de 10 % de tous les ressortissants suisses, sont annoncés auprès de nos représentations. Ce chiffre correspond à une ville virtuelle qui dépasse de loin la taille de Zurich.

Nos ambassades, consulats généraux, consulats et représentations honoraires remplissent à cet égard des tâches semblables à celles d'une administration communale en Suisse.

331

Exemples: Les représentations suisses sont notamment compétentes pour les questions d'état civil et de droits politiques, pour les cas d'assistance en faveur des Suisses de l'étranger (plus de 500 cas par an) et pour la délivrance de documents de voyage. Elles remplissent des tâches essentielles en matière d'AVS facultative et exercent une fonction de surveillance sur les 17 écoles suisses à l'étranger. Elles sont compétentes pour la délivrance de visas et mènent des recherches en matière d'asile. Enfin, là où cela est nécessaire et possible, elles accordent la protection diplomatique et consulaire.

Le Département fédéral des affaires étrangères est confronté à un nombre croissant de cas de protection consulaire; citons à cet égard les nombreux décès, accidents, incarcérations, enlèvements et procès. En 1999, ce sont en tout 800 cas relevant de la protection consulaire qui ont été traités.

Les affaires consulaires relèvent souvent de la routine, mais occupent néanmoins une grande partie du personnel en fonction à l'étranger. En raison notamment d'un manque de personnel, une vaste réorganisation des processus de travail a été entreprise ces dernières années; l'engagement de moyens informatiques et de télécommunication modernes y a joué un grand rôle.

Les tâches de sauvegarde des intérêts et les services fournis par les représentations suisses à l'étranger visent à entretenir les relations avec les instances décisionnelles étrangères de telle façon que la présence politique, économique et culturelle de la Suisse à travers le monde reste possible et que les démarches visant à défendre les causes chères à notre pays, notamment la sauvegarde et la promotion des intérêts de l'économie suisses, soient accueillies avec compréhension. La mission consistant à épauler efficacement les ressortissants suisses à l'étranger reste particulièrement importante. Ceci comprend également les efforts visant à faciliter le retour en Suisse des nombreux chercheurs actifs à l'étranger et à diminuer ainsi le phénomène de la «fuite des cerveaux». Le Conseil fédéral est convaincu que l'ensemble de ces activités contribuent à rendre justice à l'intérêt en matière de politique extérieure ainsi qu'aux attentes et aux souhaits de nos concitoyens.

332

Liste des abréviations AELE al.

ALENA APEC art.

ASEAN ASEM AVS CEDH CEI CICR COCO CPEA Cst.

DFAE EEE Euro Eurodac Europol FMI GATT G8 G 10 G 20 HCR HIPC

KFOR let.

Mercosur OCDE OIT

Association européenne de libre-échange alinéa Accord de libre-échange nord-américain (North American Free Trade Agreement, NAFTA) Asian Pacific Economic Co-operation Conférence économique des pays du bassin du Pacifique article Association of South East Asian Nations Association des pays du Sud-Est asiatique Asia Europe Meeting Dialogue entre l'Asie et l'Europe Assurance vieillesse et survivant Convention européenne des droits de l'homme Communauté des Etats indépendants Comité international de la Croix-Rouge Commission de coordination pour la présence de la Suisse à l'étranger Conseil de partenariat euro-atlantique Constitution fédérale suisse Département fédéral des affaires étrangères Espace économique européen Monnaie unique européenne Système européen d'enregistrement des empreintes digitales Office européen de police Fonds monétaire international General Agreement on Tariffs and Trade Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce Groupe des 8 Etats les plus industrialisés (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Canada et Russie) Groupe des 11 Etats donateurs les plus importants du Fonds monétaire international, dont la Suisse Groupe du G 8, plus les pays de transition les plus importants (sans participation de la Suisse) Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés Heavily Indebted Poor Countries Initiative du Fonds monétaire et de la Banque mondiale pour le dé sendettement des pays pauvres les plus endettés Kosovo Force lettre Mercado Común del Sur Marché commun de l'Amérique du Sud Organisation pour la coopération et le développement économique Organisation internationale du travail

333

OMC ONU OSCE OTAN OUA PIB PME PNB PNUE PPP RPLP SADC SDFC SOFI UE

334

Organisation mondiale du commerce Organisation des Nations Unies Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe Organisation du Traité de l'Atlantique Nord Organisation de l'unité africaine Produit intérieur brut Petites et moyennes entreprises Produit national brut Programme de l'ONU pour l'environnement Partenariat pour la paix (Partnership for Peace, PfP) Redevance poids lourds liée aux prestations Southern Africa Development Community Communauté de développement de l'Afrique australe Swiss Development Finance Corporation Swiss Organization for Facilitating Investments Union européenne