00.088 Message relatif à la loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues du 8 novembre 2000

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur, par le présent message, de soumettre à votre approbation le projet de loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

8 novembre 2000

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Adolf Ogi La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2000-1545

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Condensé Depuis plusieurs années, la technique de l'analyse de l'ADN permet d'identifier, de manière fiable, des personnes à l'aide de ce que l'on appelle le profil d'ADN. En le comparant aux traces relevées sur les lieux où l'infraction a été commise, il est possible de démontrer que des individus s'y trouvaient et de contribuer à l'administration des preuves. Dans certains Etats, la saisie systématique de profils d'ADN dans un fichier a permis d'élucider de nombreux délits.

En Suisse, la création d'un système d'information fondé sur les profils d'ADN a été demandée par les autorités de poursuite pénale et la police. Il est logique que cette tâche soit effectuée à l'échelle nationale, d'autant plus que l'art. 119 Cst. donne mandat à la Confédération de réglementer l'analyse génétique humaine. Le Conseil fédéral a décidé de mettre en exploitation à titre d'essai un système d'information fondé sur les profils d'ADN à partir du 1er juillet 2000. Il entend cependant donner rapidement la base légale nécessaire à ce système, conformément à l'art. 351septies du code pénal.

Le présent projet de loi prévoit le recours à l'analyse de l'ADN pour élucider tous crimes ou délits lorsqu'elle permet d'obtenir un résultat. En outre, la loi règle également l'identification de personnes inconnues, disparues ou décédées. Le prélèvement d'un échantillon, en général il s'agit d'un frottis de la muqueuse jugale effectué sur les personnes vivantes, pourra être ordonné par la police aux fins du traitement signalétique; si la personne en cause s'y oppose, une autorité d'instruction pénale devra trancher. Ce n'est que dans des cas particuliers, notamment lors d'enquêtes de grande envergure, que la décision relèvera exclusivement d'une autorité judiciaire. Les échantillons prélevés seront analysés après confirmation par un juge. On pourra toutefois renoncer à cette mesure coûteuse lorsque, selon toute vraisemblance, le profil d'ADN ne satisfait pas aux conditions requises pour être saisi dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN, ou qu'il cessera de les remplir peu de temps après.

Le système d'information contient les profils d'ADN de personnes suspectes ou condamnées, de traces, de même que de personnes non identifiées, vivantes, décédées ou disparues. En principe, les profils seront effacés lorsque les
soupçons pesant sur la personne en cause sont levés, ou qu'elle est acquittée ou qu'elle décède, et au plus tard après 30 ans. Si la personne fait l'objet d'une condamnation, elle pourra demander l'effacement du profil à l'échéance d'un délai déterminé. La protection des données est régie, en l'espèce, par la loi sur la protection des données et non par la réglementation s'appliquant à d'autres systèmes d'information de police.

Le coût d'une analyse de l'ADN est élevé. Dans la plupart des cas, il incombera aux cantons, sauf si l'affaire relève de la compétence de la Confédération qui alors le prendra à sa charge. La réalisation et l'exploitation du système d'information n'auront pour la Confédération que des conséquences mineures, sur les plans des effectifs et des coûts, car le traitement des profils s'effectuera conjointement avec le traitement des données introduites dans le Système automatique d'identification des empreintes digitales (AFIS).

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Message 1

Partie générale

1.1

Situation initiale

La technique de l'analyse de l'ADN, introduite en 1985 et développée au cours des dernières années, permet d'identifier sans équivoque chaque individu, à l'exception des jumeaux univitellins («vrais jumeaux»). Cette technique est utilisée dans les poursuites pénales car elle permet notamment d'analyser le matériel biologique en rapport avec l'infraction (traces) et de les comparer au profil d'ADN des suspects.

Il s'est rapidement avéré que la comparaison directe des profils d'ADN à des fins d'identification et d'administration des preuves n'exploitait qu'insuffisamment les possibilités offertes par cette méthode. C'est pourquoi divers Etats gèrent, depuis quelques années, des fichiers de profils d'ADN, encore utiles pour des poursuites pénales, de personnes et de traces. Cette méthode permet de procéder à une comparaison de routine avec un nombre beaucoup plus grand de profils d'ADN et augmente, partant, la probabilité d'une identification.

Pour ce qui est de l'utilisation de l'analyse de l'ADN dans le cadre d'une procédure pénale, les débats ont commencé en Suisse, voici quelques années, au sein de la Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse (CAPS) et de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS). Quelques cantons ont lancé leur propre projet de système d'information fondé sur les profils d'ADN, ce qui a amené le Conseil fédéral a entreprendre la réalisation d'un projet national.

1.2

Importance de l'identification de personnes au cours de la procédure pénale à l'aide de profils d'ADN

Lors de très nombreux délits, on relève des traces pouvant servir à en identifier les auteurs. Tel est notamment le cas lors d'actes de violence commis sur des personnes ou des choses car le délinquant s'égratigne ou est égratigné, laisse derrière lui des traces de sang ou de salive, perd des cheveux, etc. De même, les chances sont grandes de pouvoir attribuer aux auteurs de l'infraction les traces recueillies quand ils se sont tenus dans des espaces clos dont on connaît les utilisateurs, par exemple les appartements, en cas de cambriolage, ou les voitures, en cas de vol.

La banque de données fondée sur des profils d'ADN en service en Angleterre et au Pays de Galles (UK National DNA Database) a permis, en dix mois, d'établir 16 150 concordances («hits») entre individus et traces ou entre traces. 15 400 de ces «hits» se rapportaient à des vols, notamment des vols par effraction et des vols de voiture.

Environ 300 seulement portaient sur des atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, à des atteintes à l'intégrité sexuelle et à des brigandages. En conclusion, si la comparaison des profils d'ADN par un système d'information peut contribuer à éclaircir un nombre relativement restreint de cas lorsque l'on est en présence d'infractions particulièrement graves, elle permet, en revanche, d'élucider un nombre élevé de délits commis, de façon suivie, par des professionnels organisés en bande. C'est pourquoi la première banque de données d'ADN créée en Allemagne a été utilisée dans le «Land» de Rhénanie-Palatinat, pour lutter contre des groupes de délinquants 21

originaires d'Europe de l'Est qui commettaient, à grande échelle, des infractions contre le patrimoine.

Dans les procédures pénales, le recours à l'analyse de l'ADN se justifie notamment dans les cas suivants: ­

les délits particulièrement graves contre la vie et l'intégrité corporelle, délits au cours desquels les auteurs et les victimes se heurtent avec violence, au sens strict du terme, et laissent des traces sur l'autre partie, de même que dans l'environnement;

­

les délits contre le patrimoine, au cours desquels les auteurs laissent des traces, soit en se livrant à des actes de violence sur des objets, soit par inattention;

­

lors de la récidive des délits susmentionnés par les mêmes auteurs (criminels en série ou récidivistes) ou par les mêmes groupes d'auteurs (bandes de cambrioleurs).

1.3

Genèse du projet

Dans le cadre de la législation d'application de l'art. 24novies aCst., accepté le 17 mai 1992 par le peuple et les cantons, une commission d'experts a élaboré, sous la présidence du professeur Heinz Hausheer, un avant-projet de loi fédérale sur l'analyse génétique humaine. La commission était composée de médecins, de spécialistes du droit de la santé et du droit civil, de délégués des milieux économiques, de représentants du Tribunal fédéral des assurances et de membres de l'administration fédérale. L'avant-projet comportait une section consacrée aux analyses génétiques à des fins d'identification (art. 27 à 31). Le Conseil fédéral a pris connaissance, en novembre 1999, des résultats de la consultation lancée, le 28 septembre 1998, sur le projet.

D'entente avec la Conférence des chefs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) a institué, le 25 novembre 1997, une commission d'experts intitulée «Réalisation d'une banque nationale de données fondée sur les profils d'ADN», constituée de représentants de la Confédération et des cantons, de spécialistes de la médecine légale, de la génétique humaine et de l'éthique. Dans son rapport, elle a proposé de créer, sur la base d'une ordonnance et à titre transitoire, une banque de données expérimentale fondée sur les profils d'ADN, puis de créer le fondement juridique adéquat au niveau de la loi.

Le projet de «banque de données de profils d'ADN» a été soumis à l'examen, en 1999, de la CCDJP car une solution provisoire ne pouvait être réalisée qu'avec la collaboration des cantons. Puis, il a été remanié par le Secrétariat général du DFJP et, le 31 mai 2000, le Conseil fédéral a approuvé l'ordonnance sur le système d'information fondé sur les profils d'ADN1. Entrée en vigueur le 1er juillet 2000 et limitée à la fin 2004, elle s'applique exclusivement à la phase d'essai du système d'information fondé sur les profils d'ADN. Afin de pouvoir entériner, une fois celleci achevée, l'exploitation du système et d'éviter de devoir le faire sur la base d'une ordonnance, solution satisfaisante du point de vue juridique mais délicate du point 1

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RS 361.1; RO 2000 1715

de vue politique, le Conseil fédéral a décidé d'extraire de l'avant-projet de loi fédérale sur l'analyse génétique humaine les dispositions relatives à l'identification de personnes au cours de la procédure pénale à l'aide de profils d'ADN et de les intégrer dans l'avant-projet portant sur un système d'information fondé sur les profils d'ADN, puis de les soumettre rapidement aux Chambres fédérales.

1.4

Résultats de la procédure de consultation

Même si, lors de la consultation consacrée à l'avant-projet de loi sur l'analyse génétique humaine, les réponses concernant spécifiquement l'art. 28 relatif aux analyses génétiques à des fins d'identification dans le cadre d'une enquête pénale n'ont pas été nombreuses, on peut estimer que de manière générale le principe de cette disposition n'est pas contesté. Dans nombre des avis, les cantons ou les partis politiques qui, entre autres, qualifient le projet «d'adéquat et d'opportun» (BE), de «très équilibré» (GL), voire «de solution adaptée aux besoins du temps» (GR), donnent leur accord de principe aux dispositions sur lesquelles ils ne font pas de commentaires.

Cette conclusion ne s'impose pas de façon aussi évidente au vu des prises de position transmises par les organisations intéressées, qui reflètent parfois des intérêts spécifiques; il faut admettre, dans ce cas, que le mutisme ne constitue ni un assentiment, ni un rejet.

Parmi les déclarations relativement peu nombreuses qui nous sont parvenues sur des points essentiels de la présente loi, il convient de souligner celles qui suivent: ­

les milieux consultés estiment qu'il y a lieu de restreindre les recherches aux seules fins de l'identification et d'interdire l'analyse de l'état de santé des intéressés; toutefois, plusieurs avis indiquent que les recherches portant sur l'ascendance sont nécessaires dans certaines procédures;

­

étendre l'analyse à toutes les procédures pénales, c'est-à-dire prélever un échantillon lors de tout traitement signalétique, ne fait l'objet que de rares critiques: le PS requiert «une réglementation extrêmement restrictive», les juristes démocrates suisses demandent de ne procéder à une analyse qu'en présence de «délits graves», la FMH propose qu'un catalogue de délits exhaustif soit établi. Il n'y pas d'opposition de principe à ce que l'on prélève d'autres données génétiques, dans des cas exceptionnels, mais certains estiment que la réglementation est trop floue, notamment dans le champ d'application constitué par les «délits graves»;

­

aucune prise de position ne conteste la compétence de la police pour effectuer un prélèvement non invasif. Certaines indiquent cependant que la notion de «police judiciaire» n'est pas employée dans tous les cantons;

­

quelques cantons s'opposent à ce que les échantillons soient détruits une fois la procédure close; le PRD préférerait que l'on conserve ces derniers aussi longtemps que les pièces relatives à la procédure. TG fait remarquer que la destruction de l'échantillon ne doit pas entraîner obligatoirement l'effacement des données figurant dans la banque de données ADN;

­

nombreux sont ceux qui ont réagi au fait que la banque de données ADN serait réglée dans une autre loi en demandant que cette banque de données soit mise sur pied le plus rapidement possible et que la loi soit édictée dans les

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meilleurs délais; deux organisations critiques et l'Union des paysannes suisses rejettent en bloc la création d'une banque de données ADN; ­

la grande importance qu'il convient d'accorder à la sécurité des données et à la protection de la personnalité a été particulièrement soulignée;

­

le principe qui veut que les médecins et les laboratoires ne puissent effectuer des analyses génétiques qu'avec l'autorisation de l'Etat a rencontré une approbation quasi générale; d'après quelques avis, ce principe ne devra pas souffrir d'exception et le Conseil fédéral ne doit pas être habilité à y déroger.

Le 31 mai 2000, le Conseil fédéral a décidé de ne pas soumettre à une nouvelle procédure de consultation le présent projet de loi; là-dessus, le Secrétariat général du DFJP a organisé, le 15 juin 2000, une réunion de concertation avec des experts de l'administration fédérale et des autorités de poursuite pénale, de la police, de la médecine légale, du droit pénal et de la protection des données. Les experts se sont prononcés sur un avant-projet. Si le concept législatif a fait l'unanimité, les avis étaient partagés quant aux conditions préliminaires que devaient remplir les analyses génétiques, quant à la portée de ces dernières et quant à la saisie des profils. La police et les autorités de poursuite pénale voient en l'analyse de l'ADN une nouvelle méthode de traitement signalétique qu'il convient d'appliquer à grande échelle, comme les empreintes digitales. Elles souhaitent que la compétence d'ordonner des mesures reste le fait de la police et que les profils d'ADN soient traités suffisamment longtemps dans le système d'information. Soucieux de prévenir les risques d'abus, les préposés à la protection des données ont demandé que l'analyse de l'ADN soit utilisée dans des conditions strictes. Ils ont souhaité que le prélèvement d'échantillons et la saisie dans le système d'information ne puissent être ordonnés que par le juge et que l'effacement des profils d'ADN de personnes qui ne font pas l'objet d'une condamnation soit effectué d'office. La réunion a fourni une foison d'indications précieuses pour le traitement ultérieur de l'avant-projet.

1.5

Comparaison des législations

Les législations régissant les analyses génétiques au cours d'une procédure pénale connaissent une évolution fort rapide. Nous nous limiterons donc ci-après à l'examen de quelques législations nationales (état au printemps 2000).

Aux Etats-Unis, les travaux préliminaires ont été entrepris en 1988. Cette année-là, on a introduit, sous l'acronyme de CODIS (COmbined DNA-Index System), une banque nationale de données dans laquelle sont répertoriées les personnes condamnées pour des délits graves et des traces en rapport avec une infraction. En l'espace de quelques mois, 150 000 personnes condamnées ont été enregistrées.

En Angleterre et au Pays de Galles, la police a presque toute latitude de déterminer dans quels cas elle souhaite requérir une analyse de l'ADN (any recordable offense); en outre, on y établit le profil de l'ADN des délinquants condamnés. Depuis 1995, il existe un fichier dans lequel sont enregistrés 100 à 150 000 profils par an, dont environ 10 % concernent des traces.

En Allemagne, l'établissement de l'identité sur la base de l'ADN est régi par une loi édictée en 1998 à la suite des essais effectués en Rhénanie-Palatinat. En vertu de la loi, les profils saisis doivent répondre à un catalogue exhaustif comprenant 41 délits, pour l'essentiel des atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle ou à l'intégrité 24

sexuelle, des délits graves contre le patrimoine, l'extorsion, l'incendie intentionnel, mais aussi l'ivresse complète (situation analogue à celle prévue aux art. 12 et 263 du code pénal suisse, «actio libera in causa»). 32 000 individus et 4000 traces ont été saisis; environ 4500 nouveaux jeux de données viennent s'y ajouter chaque mois.

Les Pays-Bas ont mis sur pied, depuis 1997, une petite banque de données qui ne contient que les personnes condamnées pour des délits particulièrement graves, de même que les traces non identifiées laissées par les auteurs de délits de même gravité. La saisie nécessite une décision de justice et la banque de données ne comporte, pour l'heure, que quelques centaines de profils (200 délinquants, 400 traces).

Un projet pilote fonctionne depuis 1997 en Autriche; il comporte les profils d'ADN d'individus soupçonnés d'avoir porté gravement atteinte à la vie ou à l'intégrité physique d'autres personnes, de même que des traces non identifiées. 20 000 personnes et 3000 traces ont été mémorisées.

La banque finlandaise de données ADN est en exploitation depuis 1999. Elle contient les profils d'ADN de personnes condamnées pour un délit réprimé par une peine privative de liberté de plus d'un an, ceux de personnes soupçonnées du même type de délits, et ceux de traces non identifiées. Au cours des six premiers mois, 1000 personnes et quelques traces ont été saisies.

Une banque norvégienne de données ADN est sur le point d'entrer en fonction. Elle enregistrera, sur la base d'une décision de justice, des personnes condamnées pour atteinte à la vie ou à l'intégrité corporelle ou sexuelle, de même que des traces non identifiées.

2

Partie spéciale

2.1

Grandes lignes du projet

2.1.1

Définitions

Pour assurer la sécurité du droit dans un domaine aussi sensible que celui de l'analyse de l'ADN au cours d'une procédure pénale, il importe que la terminologie soit claire et uniforme. Cependant, l'importance de cette dernière n'est pas telle qu'il faille la faire figurer dans la loi, exception faite de la définition du «profil d'ADN».

L'ordonnance découlant du présent projet de loi comportera les définitions suivantes: ­

ADN L'acide désoxyribonucléique (desoxyribonucleic acid) est la substance chimique contenant l'information héréditaire humaine. Il s'agit d'une molécule filiforme qui se trouve dans chaque cellule du corps humain.

­

Séquences codantes de l'ADN (=gènes) Séquences «parlantes» de l'ADN détenant les caractéristiques héréditaires (p. ex., la couleur des yeux), le plus souvent productrices de protéines.

­

Séquences non codantes de l'ADN Environ 90 % de l'ADN sont composés de ce que l'on appelle des séquences non codantes, c'est-à-dire de séquences génétiquement «muettes» qui ne produisent aucune protéine. Propres à chaque individu et différentes selon les sexes, elles servent à établir le profil d'ADN.

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­

Profil d'ADN Il s'agit d'une combinaison alphanumérique individuelle, propre à chaque personne, qui est établie à l'aide de techniques relevant du domaine de la biologie moléculaire, à partir des segments non codants de la molécule d'ADN; il permet d'identifier un individu de manière indiscutable.

­

Echantillon Matériel biologique prélevé en vue de l'établissement d'un profil d'ADN (p. ex., frottis de la muqueuse jugale, échantillon de sang ou de tissu et autres traces biologiques en rapport avec l'infraction).

­

Prélèvement non invasif d'un échantillon Prélèvement par le biais d'un frottis de la muqueuse jugale à des fins d'identification, sans blessure de la peau.

­

Prélèvement invasif d'un échantillon Le plus souvent, prélèvement de sang ou de tissus impliquant une blessure de la peau.

­

FMJ: Frottis de la muqueuse jugale qui, lors d'un traitement signalétique, est effectué au moyen d'un bâtonnet d'ouate sur la paroi interne de la joue.

­

Matériel biologique qui a un rapport avec l'infraction (traces): humeurs comme la salive, le sperme, le sang ou les parties de tissus telles que des particules de peau, des cheveux.

­

Personne en cause Individu sur lequel on prélève un échantillon pour établir un profil d'ADN.

­

Autorités qui ordonnent les mesures Police, autorités d'instruction pénale et tribunaux ordonnant le prélèvement d'un échantillon.

­

Système d'information fondé sur les profils d'ADN Système d'information contenant des profils d'ADN et des numéros de contrôle de processus.

­

Numéros de contrôle de processus (NCP) Numéros attribués de façon séquentielle et contenant des chiffres de contrôle permettant de distinguer, de manière indiscutable et sans confusion possible, des objets connexes dans le processus d'identification (empreintes digitales, photos, échantillons) et de dépersonnaliser le processus.

­

Autres données Informations enregistrées concernant les individus ayant fait l'objet d'un traitement signalétique (données personnelles, lieu d'origine) et informations complémentaires relatives au lieu de la découverte des traces.

2.1.2

L'analyse de l'ADN et le profil d'ADN

Le matériel génétique ADN (abréviation d'acide désoxyribonucléique2) est la substance chimique contenant l'information héréditaire humaine. Molécule filiforme d'environ 1,5 m, il se trouve au coeur de chaque cellule du corps humain. Seuls quelques pour-cent de la molécule d'ADN comportent les caractéristiques héréditaires connues aujourd'hui, les gènes. Ces séquences sont qualifiées de «codantes» ou de «parlantes». Les autres séquences, dites «non codantes» ou «muettes», sont pléomorphes, ce qui fait que chaque être humain, à l'exception des jumeaux univitellins, a un ADN qui lui est propre.

L'analyse de l'ADN à des fins d'identification vise à déterminer la composition de certaines séquences non codantes de l'ADN. Chacune de ces séquences dispose de plusieurs combinaisons des composants de l'ADN, ce qui fait que pour certains éléments seuls 10 % des êtres humains ont la même combinaison, pour d'autres séquences bien moins encore parce qu'il existe un nombre plus important de combinaisons. Dans tous les Etats qui utilisent l'analyse de l'ADN à des fins d'identification, on se fonde sur l'étude des mêmes séquences, la probabilité de rencontrer deux fois le même profil d'ADN étant d'autant plus faible que le nombre des séquences étudiées est élevé. Les premiers systèmes d'information examinaient de cinq à sept séquences; aux Etat-Unis, 13 séquences sont évaluées dans le Système CODIS (Combined DNA-Index System). Divers collèges européens de médecine légale observent, à l'heure actuelle, un standard de 7 séquences à analyser. Pendant la phase d'essai du système d'information fondé sur les profils d'ADN, qui s'achèvera à la fin 2004, le DFJP a prescrit aux instituts de médecine légale qui établissent les profils d'ADN d'examiner au moins 11 séquences de l'ADN (y compris le sexe). De nouvelles découvertes scientifiques et l'évolution que connaîtra la génétique légale conduiront à une augmentation du nombre des séquences à analyser.

Dans le cas d'un profil d'ADN établi sur la base de l'analyse de 11 séquences d'ADN, la probabilité qu'un autre individu présente le même profil que la personne en cause sera inférieure à 1 sur 10 milliards3. En examinant un nombre élevé de séquences, on dispose d'un nombre suffisant d'entre elles, même en présence de traces partiellement détruites ou mêlées à d'autres,
pour les attribuer, avec assez de vraisemblance, à l'auteur présumé.

Seuls des scientifiques spécialisés dans ce domaine seront en mesure d'interpréter le profil d'ADN établi par un laboratoire. Ils indiqueront le résultat obtenu pour chaque séquence à l'aide d'un nombre à deux ou quatre chiffres. Si 11 séquences sont examinées, on obtient ainsi un profil d'ADN exprimé par un nombre comportant de 26 à 33 chiffres, complété par les lettres XX pour les femmes et XY pour les hommes. Le profil d'ADN peut alors être lu par les profanes ou par les machines. Vu que l'interprétation des nombres déterminants peut être équivoque, les spécialistes de la médecine légale estiment opportun de procéder à une double analyse. Toutefois, l'erreur ne se traduit normalement pas par une identification erronée, mais par l'échec de l'identification.

2 3

Sur le plan international, l'abréviation anglaise DNA (desoxyribonucleic acid) s'est imposée; elle est aussi employée en Suisse.

Raphaël Coquoz, Profils ADN: matière d'expertise ou élément d'enquête préliminaire?

RPS 118 (2000) pp. 161 ss, 166

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Selon les circonstances, les séquences «codantes», notamment les gènes qui déterminent la couleur des yeux, des cheveux ou de la peau, pourraient présenter un intérêt certain en matière d'identification. On ne se bornerait pas ainsi à comparer des profils d'ADN, mais on établirait un portrait-robot partiel qui faciliterait l'identification visuelle. Le projet de loi exclut par principe la possibilité d'étendre, par une décision de routine, l'analyse aux gènes puisque ces informations ne sont pas nécessaires à l'identification et qu'il y aurait des risques d'abus. Vu que, dans une procédure pénale, on ignore si d'autres informations génétiques seront requises, par la suite, pour administrer les preuves, l'art. 2, al. 2, autorise exceptionnellement l'examen de séquences codantes de l'ADN. L'ordre doit alors être donné par une autorité judiciaire (art. 7, al. 3), les informations obtenues ne devant être utilisées que dans la procédure concernée. Ni le fait qu'il est procédé à cette analyse, ni les résultats de cette dernière ne peuvent figurer dans le système d'information. En présence de délits particulièrement graves et s'il fallait craindre une récidive, le juge pourrait également ordonner l'analyse d'une trace afin d'isoler des caractéristiques codantes déterminées, telles la couleur des yeux, des cheveux ou de la peau, afin de permettre la recherche de l'auteur de l'infraction.

2.1.3

Prélèvement des échantillons et relevé des traces

Le profil d'ADN peut être en principe établi à partir de tout matériel biologique comportant des cellules nucléées. Le frottis de la muqueuse jugale ou l'échantillon de sang prélevé sur les personnes suspectes sont le matériel biologique utilisé, de préférence, pour la comparaison. La prise de sang, prélèvement invasif, est considérée comme une atteinte à l'intégrité corporelle qui, aux termes de la législation de la plupart des cantons, doit être ordonnée par le juge; en revanche, le frottis de la muqueuse jugale effectué au moyen d'un bâtonnet d'ouate sur la paroi interne de la joue est perçu comme un prélèvement non invasif qui tombe sous la compétence de la police et auquel il est procédé lors du traitement signalétique. Les échantillons prélevés sur les personnes décédées le sont généralement sur les parties molles ou les os; outre le sang et la salive, le sperme, les sécrétions vaginales, l'urine, les selles, les sécrétions nasales, les cheveux ou les particules de peau relevés sur les lieux de commission de l'infraction constituent des matériels exploitables.

Le Tribunal fédéral a estimé que le prélèvement de quelques cheveux4 ou de sang5 constituait une atteinte légère à la liberté personnelle; il a cependant indiqué que «dans l'hypothèse d'une issue négative (...) il convenait de renoncer (...) à toute autre entorse possible à la liberté personnelle». Le législateur a donc une grande latitude lorsqu'il lui faut déterminer les cas dans lesquels il prévoit le prélèvement d'échantillon, mais il lui faut veiller au respect du principe de la proportionnalité en évitant que l'échantillon ou le profil d'ADN soit conservé trop longtemps.

4 5

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ATF publié in Europäische Grundrechte-Zeitschrift EuGRZ 1996 470 ATF 114 I 80, 82 s

2.1.4

Utilisation de l'analyse de l'ADN

En principe, l'analyse de l'ADN peut être utilisée pour toute comparaison de matériel biologique non identifié ou non attribué avec le profil d'ADN d'une personne connue. On pourrait par exemple chercher à déterminer où une personne a séjourné.

L'art. 119 Cst. dispose cependant que le législateur veille à la protection de la dignité humaine et de la personnalité et qu'il interdit les abus en matière de génie génétique.

En procédure pénale, l'administration des preuves est souvent prévue de manière très large. Ainsi, la partie lésée peut exiger, même dans le cas de délits mineurs, que l'on prouve, à l'aide de l'analyse de l'ADN, qu'un suspect déterminé se trouvait bien à un endroit déterminé afin de confirmer les dires d'un témoin qui prétend avoir vu la personne en question à cet endroit. La restriction du champ d'application de l'analyse de l'ADN ne se justifie donc pas lorsqu'il y a lieu d'établir la preuve.

En revanche, l'attention du législateur doit se porter sur les cas dans lesquels l'analyse de l'ADN est effectuée par routine sans que sa pertinence pour la procédure puisse être déterminée d'emblée. Pour pouvoir peser les éléments en présence, il convient de déterminer avant tout si l'objectif de l'enquête est d'éclaircir des délits déjà commis ou de permettre d'identifier rapidement des récidivistes.

Deux philosophies guident les Etats qui disposent d'un fichier de profils d'ADN: ­

la démarche consistant à saisir uniquement les profils de délinquants condamnés, comme c'est le cas aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, a pour but d'identifier rapidement les récidivistes;

­

en revanche, si l'on saisit systématiquement les profils de personnes suspectes, comme en Angleterre ou comme cela s'est fait pendant les essais effectués en Rhénanie-Palatinat, essais au cours desquels on s'est concentré sur les infractions commises par des bandes venues d'Europe de l'Est, on cherche à attribuer des délits déjà commis, à l'aide des traces qui ont fait l'objet d'une analyse.

Le premier système permet d'éclaircir un nombre relativement faible de délits particulièrement graves; un système d'information de ce type ne connaît qu'un nombre limité de «hits». Par contre, si l'on veut tirer au clair des délits moins graves et que l'on cherche à trouver les points communs à plusieurs infractions, on obtient un nombre relativement élevé de «hits»; on peut notamment prouver que les cambrioleurs de métier et les bandes de voleurs que l'on a appréhendés ont commis un nombre de délits beaucoup plus important qu'on le supposait.

Nous proposons de recourir largement à l'analyse de l'ADN, donc de s'attacher à éclaircir un grand nombre de délits. Nous estimons que le sentiment d'insécurité ressenti par la population n'est pas seulement dû aux crimes capitaux commis contre la vie ou l'intégrité corporelle, voire contre l'intégrité sexuelle, mais qu'il tire aussi son origine, et ce dans une large mesure, des délits commis, en série, contre le patrimoine, notamment les vols par effraction ou les vols à l'arraché. Il est fort probable qu'un taux élevé d'élucidation a un certain effet dissuasif et renforce la confiance dans l'efficacité de la police et des autorités de poursuite pénale, même si les délits commis sont irréversibles.

29

L'emploi répandu de l'analyse de l'ADN implique un mécanisme de correction. Plus on établit de profils d'ADN de personnes suspectes, plus le nombre de personnes dont on ne peut prouver qu'elles auraient commis un délit est élevé. Il faut donc concéder à ces personnes le droit de faire effacer les données puisque leur traitement signalétique et l'établissement de leur profil d'ADN se sont avérés ultérieurement sans fondement. Si, en revanche, on retient le système américain, il faut presque obligatoirement souscrire à la saisie du profil d'ADN à vie.

2.1.5

Saisie dans le système d'information et exploitation

En principe, les profils des FMJ de toutes les personnes suspectes qui ont fait l'objet d'une analyse doivent être saisis dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN. Si, lorsque les soupçons sont levés, soit par la comparaison avec les traces en rapport avec l'infraction, soit en apportant la preuve de l'innocence de l'intéressé ou en cas d'acquittement par manque de preuves, la condition de la saisie dans le système d'information devient caduque (art. 11, al. 1, let. a), il se peut que, dans certaines circonstances, l'autorité qui ordonne la mesure ne fasse pas analyser immédiatement le FMJ parce que le profil d'ADN ne s'impose pas pour l'identification ou pour l'administration des preuves. Il lui faut toutefois prendre une décision dans les trois mois faute de quoi l'échantillon devra être détruit (art. 9, al. 1, let. b).

Dans le Système automatique d'identification des empreintes digitales (AFIS), la pratique suivie en matière de saisie et les délais de conservation font qu'un «contact» avec la police et les autorités de poursuite pénale reste consigné pendant un laps de temps relativement long, même s'il n'y pas eu de condamnation. La police estime judicieuse et nécessaire cette politique d'enregistrement ample; si le suspect ne commet pas de délit ultérieurement ou si le délinquant ne récidive pas, leur saisie dans le système d'information de la police constitue une atteinte minime aux droits fondamentaux. D'après la pratique la plus récente du Tribunal fédéral6 et de la Cour européenne des droits de l'homme7, il est par contre impossible de prévoir s'il faudra traiter à nouveau les données, après une longue période de conservation.

Le système proposé satisfait, eu égard aux droits fondamentaux, à cette pratique. En effet, il prévoit de saisir assez largement les données de personnes que l'on n'a pas pu disculper des soupçons qui pesaient sur elles ou qui n'ont pas été condamnées; il associe à cette politique une exploitation restrictive du système d'information, laquelle élimine les profils d'ADN lorsque les conditions de leur saisie ne sont plus acquises et prévoit des délais de conservation suffisamment courts, sauf dans le cas de délinquants dangereux et non amendables.

6 7

30

ATF 120 Ia 147, voir également ATF 124 I 80 Arrêt du 16 février 2000 de la Cour eur. DH dans l'affaire Amann c. Suisse (Recours N° 17798/95)

2.1.6

Protection et sécurité des données

Lorsque des personnes sont soupçonnées, des tiers étrangers à l'affaire peuvent être amenés à tirer des conclusions erronées si des informations leur sont fournies. En dépit de la présomption d'innocence, les personnes qui ont fait l'objet de recherches policières sont perçues comme des délinquants par le public. Il est donc indispensable de disposer d'une protection efficace des données.

Il est essentiel pour la protection des données que le caractère anonyme des données soit assuré à chaque étape des opérations. L'autorité qui ordonne la mesure attribue un numéro de contrôle du processus (NCP) lors du traitement signalétique et du prélèvement du FMJ sur le suspect et lors du relevé des traces sur les lieux où l'infraction a été commise. Le laboratoire qui analyse le FMJ ou la trace pour établir le profil d'ADN sur leur base ne se voit communiquer, par l'autorité qui ordonne la mesure, que le NCP et les données personnelles nécessaires pour établir le profil d'ADN et en déterminer la valeur probante. Il peut s'agir de données portant sur l'origine ethnique de l'intéressé ou sur le lieu où la trace a été trouvée, mais non de données relatives à l'identité de l'intéressé (art. 8, al. 3). L'autorité qui ordonne la mesure ne communique qu'à l'autorité fédérale responsable du système d'information, le Service AFIS de l'Office fédéral de la police (OFP), les données relatives à l'identité de la personne sur laquelle on a prélevé un FMJ et les indications portant sur le lieu où les traces ont été trouvées, accompagnées du NCP (art. 12, al. 1). Le Service AFIS, responsable du système d'information, traitera ces autres données dans un système d'information strictement distinct du Système d'information fondé sur les profils d'ADN, le Système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes (IPAS) de l'Office fédéral de la police (OFP), dont le fondement juridique a été formellement créé avec le nouvel art. 351octies CP et mis en vigueur le 1er juillet 2000 par le Conseil fédéral.

La mise en relation des profils d'ADN et des autres données relatives à des personnes ou des traces est effectuée à l'aide du NCP; seule l'autorité responsable du système d'information sera habilitée à y procéder (art. 14, al. 3). Il n'y a qu'elle qui puisse transmettre le résultat de la comparaison à l'autorité
qui a ordonné la mesure et communiquer, le cas échéant, des données relatives à des personnes ou des traces.

La mémorisation anonyme des profils d'ADN dans le système d'information est également la norme observée, en matière de protection des données, par d'autres pays européens qui gèrent des systèmes d'information fondés sur les profils d'ADN, à l'exception de l'Allemagne. Dans le système allemand, les profils d'ADN et les données relatives à l'identité sont enregistrés dans la même banque de données.

2.1.7

Rapport avec l'uniformisation du droit de procédure pénale

Du fait de la réforme de la justice (art. 123 Cst.) approuvée par le peuple le 28 mars 2000, la Confédération a désormais la compétence de légiférer en matière de procédure pénale. Un code fédéral de procédure pénale ne pourra cependant entrer en vigueur que vers la fin de la décennie. Il est impossible de différer aussi longtemps la législation relative à l'art. 119 Cst. et la réglementation définitive du Système d'information fondé sur les profils d'ADN. C'est pourquoi le Conseil fédéral a entrepris d'uniformiser des sections succinctes du droit de procédure pénale, lorsque 31

le besoin s'en fait sentir à court terme, et de décharger les cantons d'adaptations de leur législation pour la brève période restante8. A cet égard, on ne sait pas encore si les dispositions relatives aux systèmes d'information dont disposent la police et les autorités de poursuite pénale seront intégrées dans la législation fédérale sur la procédure pénale ou si elles seront réglées séparément comme précédemment9.

2.2

Commentaire des différentes dispositions

2.2.1

Section 1

Dispositions générales

2.2.1.1

Art. 1

Objet et but

La loi ne règle qu'une partie du domaine couvert par l'identification de personnes à l'aide d'analyses génétiques humaines, à savoir celui concernant les poursuites pénales. Le champ d'application est complété par l'identification de personnes inconnues, disparues ou décédées, qui doivent être identifiées par la police hors de la procédure pénale (al. 3). On entend par là les cas où la personne ne peut être identifiée à l'aide des méthodes traditionnelles fondées sur les papiers d'identité, l'audition, les photographies ou les empreintes digitales. Il s'agit par exemple: ­

de corps rendus méconnaissables par un accident ou par la décomposition, après un accident d'avion par exemple;

­

de corps de personnes inconnues qui ne sont pas décédées des suites d'un délit, par exemple d'inconnus qui se sont suicidés;

­

de personnes vivantes qui ne peuvent décliner leur identité en raison de leur âge (très jeunes enfants), parce qu'elles parlent une langue inconnue ou qu'elles se trouvent dans un état de confusion mentale.

Méthode d'identification parmi d'autres (photographies, empreintes digitales), le profil d'ADN a notamment pour but d'accroître l'efficacité des poursuites pénales.

L'art. 1 énonce les diverses utilisations de l'analyse de l'ADN ou de la comparaison de profils d'ADN au cours d'une procédure pénale: ­

8

9

32

l'identification par laquelle la trace laissée par une personne inconnue, trace en rapport avec l'infraction, peut être attribuée, à l'aide de l'analyse de l'ADN, à une personne suspecte ou connue des services de police (p. ex., un récidiviste). On parle d'identification partielle lorsque plusieurs traces trouvées sur les lieux de l'infraction présentent le même profil d'ADN ou que l'on a trouvé, à plusieurs endroits où des délits ont été perpétrés, des traces dont le profil d'ADN est le même (criminels en série). Inversement, une per-

Voir également le message du 1er juillet 1998 concernant les lois fédérales sur la surveillance de la correspondance postale et des télécommunications et sur l'investigation secrète (FF 1998 3689); lors de la révision précédente de la réglementation portant sur la surveillance de la correspondance postale et des télécommunications, en 1979, la Confédération avait exigé des cantons qu'ils adaptent, dans les trois ans, leurs codes de procédure pénale au nouveau droit fédéral (art. 400bis CP; RO 1979 1170) Aujourd'hui, elles figurent soit dans le 3e livre du CP (art. 351 bis à 351 octies CP), soit dans des lois spéciales (p. ex., dans la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure; RS 120, et dans la loi fédérale sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération; RS 360)

sonne peut être lavée de tout soupçon grâce à la comparaison des profils d'ADN; ­

la contribution à l'administration des preuves qui permet d'affirmer que, grâce à la trace découverte sur les lieux où l'infraction a été commise, une personne déterminée s'y est vraisemblablement trouvée; toutefois, il se peut que la trace ait été déposée par une autre personne. La force probante du profil d'ADN est en soi très variable: si la trace trouvée sur les lieux où le délit a été perpétré est constituée de particules de peau recueillies sous les ongles de la victime, sa valeur probante est beaucoup plus grande que celle d'un mouchoir en papier contenant les excrétions d'une personne, découvert dans une corbeille dans un parc public. Quant à la force probante du profil d'ADN, le principe de la libre appréciation des preuves par le tribunal fait règle comme pour tous les moyens de preuve;

­

la mémorisation des profils d'ADN dans un fichier de sorte qu'ils puissent être utilisés à des fins d'identification pendant une longue période de temps et dans un vaste espace géographique; de même, ils peuvent être employés pour l'administration des preuves jusqu'à l'échéance de leur délai de conservation.

La notion de droit pénal couvre, dans notre propos, le droit pénal ordinaire, le droit pénal militaire et le droit pénal administratif. Dans le contexte de ce dernier, on peut admettre que les procédures dans lesquelles le relevé de traces et le prélèvement d'échantillons sur des personnes suspectes sont requis ne sont pas très fréquentes.

Toutefois, il n'est pas exclu que l'identification à l'aide de profils d'ADN soit utilisée, à l'avenir, pour lutter contre certaines formes de fraude portant sur des redevances (droits de douane, taxe sur la valeur ajoutée).

2.2.1.2

Art. 2

Profil d'ADN et but de son utilisation

Le profil d'ADN est une empreinte génétique comparable, pour ce qui est de la lisibilité et de la force probante, à l'empreinte digitale à laquelle on fait traditionnellement appel. Au sens de la présente loi, le profil d'ADN est un code alphanumérique propre à chaque individu qui est établi, à l'aide de techniques de biologie moléculaire, à partir des séquences non codantes, c'est-à-dire des séquences «muettes», du matériel génétique ADN; il permet l'identification de la personne (cf.

ch. 2.1.2 consacré à l'analyse de l'ADN et au profil d'ADN). Lors de l'examen des séquences non codantes de l'ADN, on ne peut déterminer l'état de santé d'un individu ou sa réceptivité à des maladies déterminées, contrairement à ce qui est possible par d'autres analyses génétiques pratiquées sur les séquences codantes, c'est-àdire «parlantes», de l'ADN. C'est pourquoi l'al. 2 interdit explicitement de chercher à connaître l'état de santé ou d'autres caractéristiques propres à la personne en cause. Si, en effectuant l'analyse de l'ADN afin d'établir le profil d'une personne en cause, le laboratoire devait découvrir involontairement une information portant sur l'état de santé ou sur une autre caractéristique propre à cette dernière, il lui est interdit de la faire figurer dans son rapport ou de la communiquer à des tiers. Le résultat de l'analyse de l'ADN pratiquée à des fins d'identification doit toujours être un profil d'ADN comportant le sexe de la personne en cause. A titre exceptionnel, le tribunal peut ordonner d'examiner des séquences codantes d'une trace afin d'obtenir des renseignements supplémentaires sur la personne de l'auteur (cf. ch. 2.1.2). La 33

couleur des yeux, celle des cheveux ou de la peau sont, par exemple, des indications utiles pour l'identification car elles constituent un support visuel.

L'al. 3 prescrit, en outre, que le profil d'ADN, l'échantillon de base et les autres données génétiques obtenues à titre exceptionnel ne peuvent être utilisées à d'autres fins que celles prévues dans la présente loi. Un profil d'ADN établi pour élucider un délit ne peut être transmis qu'à l'autorité qui a ordonné la mesure (art. 7); celle-ci ne peut l'utiliser que dans la procédure pénale et non dans des procédures civiles. Le profil d'ADN d'un parent d'une personne décédée à la suite d'un accident, établi pour permettre l'identification sans équivoque du corps (art. 6, al. 4), ne peut pas être utilisé dans une procédure pénale.

2.2.2

Section 2 Prélèvement des échantillons et analyse de l'ADN

2.2.2.1

Art. 3 Prélèvement des échantillons et analyse de l'ADN dans le cadre d'une procédure pénale

Pour qu'un échantillon non-invasif puisse être prélevé sur une personne, il faut qu'un délit ait été commis ou qu'il soit présumé. En règle générale, le prélèvement se fait par frottis de la muqueuse jugale (FMJ). Dans la plupart des cantons, le FMJ sera pratiqué dans le cadre du traitement signalétique, qui implique également le relevé des empreintes digitales de l'intéressé et la prise de photographies; cette solution sera vraisemblablement retenue dans le futur code uniforme de procédure pénale.

Ce n'est qu'en cas de présomption de crime ou de délit que le prélèvement du FMJ doit devenir la norme, en matière de traitement signalétique, au même titre que le relevé des empreintes digitales et leur saisie dans le Système automatique d'identification des empreintes digitales AFIS. Contrairement à ce qui se fait dans AFIS, le prélèvement du FMJ dans le cadre du traitement signalétique ne doit pas entraîner, dans tous les cas, l'établissement du profil d'ADN et sa mémorisation dans le système d'information. Les raisons suivantes nous conduisent à penser qu'il n'y a pas lieu d'effectuer systématiquement une analyse du FMJ, ce qu'une autorité judiciaire sera appelée à trancher (art. 7, al. 3, let. a): ­

l'analyse de l'ADN est beaucoup plus onéreuse que le relevé et la comparaison des empreintes digitales dans le système AFIS. Elle ne doit être utilisée que s'il est fort probable que le résultat sera saisi dans le système d'information;

­

le droit d'exiger l'effacement, droit plus large que celui concédé à l'heure actuelle dans le cadre d'AFIS, peut avoir pour conséquence que le profil d'ADN doive être effacé dans un délai très bref; l'établissement du profil ne se justifie donc pas dans les cas où on l'on ignore encore s'il sera utile dans la procédure.

Il n'y a pas de prélèvement du FMJ lorsque la personne fait l'objet d'un traitement signalétique pour des raisons autres que pénales. Le cas le plus fréquent est celui des requérants d'asile. La dactyloscopie permet d'éviter que la même personne présente plusieurs demandes d'asile sous différentes identités. Il suffit de faire une comparaison des empreintes digitales. Si un canton prévoit de procéder au traitement signalé34

tique dans d'autres cas relevant du droit des étrangers, par exemple lors de renvois10, il n'y pas non plus lieu de prélever d'échantillon dans le but de faire une analyse de l'ADN parce qu'il sera possible, si l'on interpelle plus tard l'intéressé en Suisse, de l'identifier sans disposer de son profil d'ADN, à l'aide de ses seules empreintes digitales.

Les cantons procèdent au traitement signalétique de personnes sur lesquelles on ne saurait, en l'absence de présomption d'infraction, prélever d'échantillon, par exemple lorsque: ­

les conditions de présence d'un étranger en Suisse ne semblent pas réglées;

­

les déclarations que fait la personne interpellée sur son identité sont vraisemblablement erronées.

L'al. 2 prévoit les cas dans lesquels on peut renoncer à établir le profil d'ADN. Lors de nombreuses enquêtes pénales, il n'est plus nécessaire d'identifier les personnes suspectes, ni de procéder à une comparaison avec les traces en rapport avec l'infraction. On peut alors attendre, pour procéder à l'analyse coûteuse de l'ADN, de voir si le profil est repris dans le Système d'information fondé sur les profils d'ADN. En effet, si la présomption était rapidement levée, il faudrait effacer sans délai le profil.

Il arrive fréquemment d'exclure, en l'espace de quelques jours, qu'une personne puisse avoir été l'auteur d'un délit. Vu que, dans les cas dénués d'urgence particulière, le profil n'est disponible qu'après une dizaine de jours, son établissement serait caduc avant même qu'il puisse être saisi dans le système d'information. C'est pourquoi le mandat de procéder à l'analyse n'est donné que lorsque les soupçons se concrétisent. Il y a lieu en l'occurrence de peser les intérêts en présence, notamment ceux qui relèvent de la poursuite pénale et ceux de la personne en cause. A cet effet, l'art. 7, al. 3, let. a, prévoit que l'autorité d'instruction pénale ou le tribunal pénal, qui a ordonné le prélèvement de l'échantillon, décide de l'exécution de l'analyse.

2.2.2.2

Art. 4 Relevé des traces et prélèvement des échantillons sur des personnes décédées

Aucun code suisse de procédure pénale ne prévoit, en détail, le relevé et l'analyse des traces et des empreintes. Ces tâches sont déléguées à la police. Il est donc arrivé qu'un profil d'ADN ait été établi, sans base juridique particulière, dans des procédures où la comparaison directe entre la trace et l'auteur était possible. Ceci doit rester faisable à l'avenir; on a donc prévu une règle large et fondée sur des critères de police technique et scientifique. L'importance des frais encourus limitera automatiquement le nombre des analyses.

Parallèlement, une compétence similaire est concédée aux autorités de poursuite pénale et aux tribunaux (art. 7, al. 1). Ils peuvent communiquer leur mandat à la police oralement ou par écrit; il est indiqué de retenir cette dernière méthode lorsque l'analyse des traces est effectuée à la demande d'une des parties.

Lorsque la victime est décédée, le profil d'ADN est considéré comme trace. Celui de victimes vivantes est, par contre, traité comme échantillon selon l'art. 3, al. 1, let. b.

10

Voir l'art. 28, al. 1, let. d, de la Loi sur la police du canton de Berne (RSB 551.1)

35

2.2.2.3

Art. 5 Prélèvement des échantillons lors de l'exécution d'une peine

Divers actes législatifs cantonaux prévoient que l'intéressé fait l'objet d'un traitement signalétique au moment où il commence à purger sa peine. Afin de faciliter la détection des récidives, il faut prélever un FMJ sur les personnes qui purgent une peine privative de liberté de plus d'un an dont le profil d'ADN n'a pas encore été saisi dans le système d'information. Pendant les premières années d'exploitation, une grande partie des détenus devrait être visée par cette mesure qui, par la suite, deviendra l'exception.

2.2.2.4

Art. 6 Identification hors d'une procédure pénale

Pour identifier des personnes décédées, par exemple victimes d'un accident, le profil d'ADN pourra être comparé au matériel biologique provenant de personnes qui figurent sur la liste des passagers ou qui ont été déclarées disparues.

On s'efforcera de trouver une trace biologique, par exemple dans l'appartement du défunt, qui permette de procéder à la comparaison. Il est presque toujours possible de trouver une trace que l'on peut attribuer à la personne intéressée, comme des cheveux restés accrochés à une brosse ou à un peigne, voire des particules de peau collées à la doublure de vêtements. Sinon, on peut, dans l'état actuel de la science, établir le profil d'ADN d'un parent du défunt et procéder à la comparaison.

Le régime de protection de la personnalité exige que ces profils ne soient traités que pendant une courte période de temps. Une fois l'identification effectuée, les échantillons devront être détruits et le profil d'ADN sera effacé du système d'information (art. 16, al. 3). Si l'identification peut être effectuée par comparaisons directes, il n'y aura pas même de saisie dans le système d'information.

Contrairement à la démarche suivie lors de l'identification de personnes inconnues, vivantes ou décédées (al. 1), sur le corps desquelles un échantillon peut être prélevé, on procède inversement lorsqu'une personne disparaît (al. 3). Une fois que sa disparition a été annoncée, une trace est recueillie dans son environnement et son profil d'ADN est établi et enregistré dans le système d'information. La personne disparue pourra éventuellement être identifiée par la comparaison de son profil d'ADN avec celui d'un inconnu décédé.

Lorsque des échantillons biologiques clairs pouvant servir à une comparaison font défaut, il peut s'avérer judicieux d'établir le profil d'ADN d'une personne apparentée à l'intéressé. L'al. 3 prévoit que ceci n'est possible qu'avec le consentement de cette dernière. Dans la pratique, on estime que les parents d'un disparu ou les gens que l'on présume être apparentés à une personne décédée méconnaissable portent un grand intérêt à l'élucidation de l'affaire et donnent, en règle générale, leur consentement à l'établissement d'un profil d'ADN à des fins de comparaison.

36

2.2.2.5

Art. 7

Autorités qui ordonnent les mesures

L'art. 7 dispose que la police est habilitée, en principe, à ordonner le prélèvement non-invasif d'un échantillon. La police y procède généralement dans le cadre du traitement signalétique en effectuant un frottis de la muqueuse jugale. Si la personne refuse d'obtempérer et notamment qu'elle oppose une résistance physique, l'autorité d'instruction pénale doit confirmer l'ordre. Il en va de même lorsque le profil d'ADN de victimes ou de personnes habilitées à se rendre sur les lieux de l'infraction doit être établi (art. 3, al. 1, let. b) afin de le distinguer de celui des personnes suspectes. Elles donnent généralement leur consentement. Toutefois, il se peut que l'intéressé s'oppose au prélèvement, notamment lorsqu'il a intérêt à ce que le délit ne soit pas élucidé. Si tel est le cas, les autorités d'instruction pénale ordonneront le prélèvement, même contre le gré de l'intéressé.

Vu que les échantillons prélevés ne sont pas tous analysés (art. 3, al. 2), une autorité judiciaire doit statuer sur l'exécution de l'analyse. Une fois le traitement signalétique effectué, cette décision revient à l'autorité d'instruction pénale et, dès lors qu'un tribunal mène la procédure, à son président. Cette décision n'est pas susceptible d'être attaquée séparément; seul l'ordre de prélever l'échantillon constitue une injonction d'exécuter une mesure de contrainte.

Sont cités par ailleurs les cas dans lesquels seuls les autorités d'instruction pénale et les tribunaux pénaux, et non la police, peuvent ordonner le prélèvement d'échantillons (al. 3). Certes, le prélèvement invasif devrait rarement être effectué, mais il est mentionné afin d'exprimer clairement qu'en droit suisse, le prélèvement invasif d'un échantillon n'est pas systématiquement délégué à la police, mais qu'il est perçu comme une mesure de contrainte qui doit être ordonnée par le juge. L'analyse d'échantillons prélevés invasivement est pratiquée dans les cas où une prise de sang a été prescrite ou a déjà été effectuée, ce qui permet de renoncer à un nouveau prélèvement sanguin.

Les enquêtes de grande envergure auxquelles sont soumis des groupes de personnes qui présentent certaines caractéristiques propres aux auteurs de l'infraction, par exemple la couleur de la peau, la langue, certains signes distinctifs, peuvent permettre, le cas échéant,
d'élucider certains délits particulièrement graves. Elles font problème car, vu la présomption d'innocence, elles se trouvent en porte-à-faux. La majorité des personnes qui font l'objet d'une analyse doivent, par leur contribution, lever le vague soupçon qui pèse sur elles alors qu'en règle générale, il appartient à l'Etat d'apporter la preuve de leur culpabilité en prenant des mesures ciblées. Attendu que, dans ces rares cas, un juge ou un procureur mène de toute manière la procédure, il est approprié d'attribuer à ces derniers la compétence d'ordonner l'établissement des profils.

L'identification de personnes décédées relève souvent, mais non systématiquement, de la compétence de la police. D'autres autorités peuvent s'en charger, telles le Bureau d'enquêtes sur les accidents d'aviation.

37

2.2.3

Section 3

Organisation de l'analyse de l'ADN

2.2.3.1

Art. 8

Analyse de l'ADN

Seuls les grands principes présidant à l'organisation de l'analyse sont énoncés ici, étant prévu que les dispositions de détail figureront dans l'ordonnance (art. 20). Ceci est notamment nécessaire pour que les réglementations puissent être adaptées au développement scientifique et technique rapide que connaît la génétique légale.

Afin de garantir un standard de qualité uniforme et, partant, une valeur probante élevée des profils d'ADN enregistrés dans le système d'information, les cantons ne pourront confier l'analyse qu'aux laboratoires agréés par le DFJP. La condition majeure, mais non unique, de leur agrément est l'accréditation par le Service d'accréditation suisse de l'Office fédéral de métrologie. Lors de la phase d'essai qui a débuté au cours du second semestre de l'an 2000, les instituts de médecine légale se soumettront à la procédure d'accréditation et devront obtenir l'attestation de leurs capacités techniques et scientifiques dans le domaine de la génétique légale.

De même, il convient de laisser au Conseil fédéral une certaine latitude sur le plan de l'organisation afin qu'il puisse tirer les conséquences de l'appréciation de la phase d'essai. L'analyse de l'ADN est un mandat confié à des experts dans le cadre d'une procédure pénale, mandat qui présente des éléments relevant de la souveraineté; c'est pourquoi il importe d'examiner soigneusement si, outre les instituts de médecine légale, des laboratoires privés peuvent être agréés. Indépendamment de l'attribution des travaux au service public ou à des entreprises privées, une autre question se pose: les travaux de routine liés à l'analyse des FMJ doivent-ils être effectués de manière centralisée ou décentralisée? Il n'est pas exclu qu'un laboratoire central soit meilleur marché et qu'il puisse établir ses priorités de manière plus efficace en cas d'urgence. Certains Etats européens, qui font établir des profils d'ADN pour leur système d'information, donnent l'exclusivité de l'analyse à un seul institut central.

Dans la pratique, les instituts de médecine légale connaissent, dans bien des cas, l'identité des auteurs et des victimes, de même que les circonstances du cas, notamment lorsqu'ils ont procédé à l'autopsie de la victime ou se sont vu confier, par les autorités de poursuite pénale, l'examen médical de victimes ou de personnes
suspectes. Ceci ne présente aucune difficulté du point de vue juridique. Si on fait l'analyse du FMJ, il est inutile de disposer d'indications complètes sur la personne en cause; de ce fait, leur communication ferait problème du point de vue de la protection des données et de la personnalité. Ces données personnelles ne doivent donc être fournies qu'aux services qui en ont un besoin impératif pour leur travail. C'est pourquoi les échantillons sont pourvus d'un numéro de contrôle du processus (NCP) qui permet d'attribuer sans équivoque le profil d'ADN; ce numéro est également employé pour les empreintes digitales et les photographies. Le Service AFIS11 met en relation le NCP et les données relatives à l'identité de l'intéressé ou les indications concernant le lieu où l'infraction a été commise et celles portant sur le lieu où les traces ont été recueillies, ces éléments étant toutefois traités dans un système d'information distinct (art. 14, al. 2).

11

38

Voir le commentaire ad art. 12

Certaines données supplémentaires revêtent une grande importance pour le laboratoire lorsqu'il lui faut déterminer la valeur probante. En règle générale, l'expert a besoin de données complémentaires sur les différentes phases du délit afin de situer exactement les traces d'ADN dans le déroulement de ce dernier; il en va de même de l'établissement de la valeur probante d'une trace. Il peut s'agir de renseignements portant sur le lieu où celle-ci a été relevée, sur le temps qu'il faisait, sur le nombre de personnes impliquées, etc. De plus, il importe tout particulièrement de savoir quelle est la race d'un suspect qui n'a pas encore été mis hors de cause. Il est notoire que la couleur de la peau ne peut être directement déterminée à partir du profil d'ADN. Si la valeur probante d'une trace est déterminée sur la base d'une fréquence d'apparition erronée d'un profil d'ADN, il en résulte une surévaluation de celle-ci au détriment du suspect car des caractéristiques de l'ADN couramment rencontrées chez les personnes de race blanche sont plus rares chez celles de race noire et inversement. Tel est notamment le cas en présence de profils d'ADN dits incomplets ou de situations dans lesquelles des personnes apparentées ont pris part au délit parce que la valeur probante est alors limitée et qu'il faut relever toutes les informations disponibles pertinentes pour sa détermination.

Comme nous l'avons déjà indiqué, les scientifiques ont connaissance, de toute manière, d'autres données concernant les intéressés lorsqu'ils sont appelés à agir, en tant que médecins légistes, dans une procédure, ce qui justifie de faire une exception à l'anonymat des traces.

2.2.3.2

Art. 9

Destruction des échantillons

Le laboratoire conserve les FMJ afin de pouvoir refaire l'analyse en cas de contestation. Dès l'instant qu'un échantillon n'est plus nécessaire pour une procédure, il doit être détruit. Il se peut que l'on apprenne, après avoir transmis les empreintes digitales de la personne en cause au Service AFIS, que son profil d'ADN a déjà été établi, par exemple à la demande d'un canton. Dans ce cas, il est inutile d'en produire un second; l'autorité qui a ordonné la mesure demandera alors au laboratoire de détruire l'échantillon (al. 1, let. a).

Si, dans les cas énoncés aux art. 3 et 5, aucun profil d'ADN n'a été établi dans un premier temps, l'autorité qui a ordonné la mesure doit prendre sa décision dans les trois mois ou faire détruire l'échantillon (al. 1, let. b). Une autre condition posée par le DFJP à l'agrément de laboratoires (art. 8, al. 1) prévoit qu'ils soient en mesure de conserver et de détruire les échantillons de manière fiable.

Lorsque la police constate, au cours de ses investigations, que la personne en cause n'est pas l'auteur du crime ou du délit, elle requerra, en tant qu'autorité qui a ordonné la mesure, la destruction de l'échantillon (al. 1, let. c). Enfin, l'échantillon prélevé sur une personne inconnue ou sur les parents d'une personne disparue sera détruit dès que la personne inconnue ou disparue aura été identifiée (al. 1, let. d).

Les autorités qui ordonnent des mesures ne sont pas les seules à porter la responsabilité de la destruction des échantillons. Les laboratoires doivent également être impliqués. Le Conseil fédéral fixera, dans l'ordonnance, un délai à l'échéance duquel le laboratoire devra détruire les échantillons prélevés sur des personnes, à moins que l'autorité qui a ordonné la mesure ne demande, pour des motifs valables, qu'ils soient conservés plus longtemps. La destruction des traces sur la base des-

39

quelles un profil d'ADN a été établi n'est pas réglementée. En effet, elles sont régies par les dispositions sur la conservation des pièces à conviction.

2.2.4

Section 4 Système d'information fondé sur les profils d'ADN

2.2.4.1

Art. 10

Principe

Le système d'information fondé sur les profils d'ADN permet de procéder à des comparaisons. Contrairement à AFIS, qui comporte des images complexes d'empreintes digitales, ou au système d'information de police criminelle JANUS, dans lequel figure un grand nombre d'informations sur le crime organisé, le système d'information fondé sur les profils d'ADN est un fichier simple qui comporte deux combinaisons alphanumériques par personne ou par trace enregistrée: une première d'une trentaine de chiffres accompagnée de deux lettres servant à indiquer le sexe de la personne et une seconde qui constitue le numéro de contrôle du processus, lequel permet la mise en relation avec les données personnelles ou les informations complémentaires portant sur la trace, mémorisées dans le système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes (IPAS) de l'Office fédéral de la police.

Le système d'information fondé sur les profils d'ADN est un fichier contenant des données sensibles qui tombent sous le coup de la loi sur la protection des données, indépendamment du fait que les combinaisons alphanumériques qui y figurent sont peu révélatrices. Les intéressés ne sont pas identifiés, ni identifiables par le seul système d'information fondé sur les profils d'ADN, mais avec le concours d'IPAS12; de plus, le simple fait d'être saisi dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN établit le rapport avec des «poursuites ou sanctions pénales»13. Le traitement dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN implique donc l'existence d'une loi formelle qui lui serve de fondement14. Certes, une telle base juridique existe déjà (art. 351septies CP). Mais la clause contient des dispositions trop générales, de sorte qu'il paraît indiqué, du point de vue politique, de créer une réglementation plus complète au niveau de la loi.

2.2.4.2

Art. 11

Saisie dans le système d'information

Du point de vue de la police, il serait judicieux de saisir, dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN, tous les profils qui ont été établis et de les y conserver jusqu'au décès des intéressés. On ne saurait exclure qu'une personne dont on a conclu, à la suite d'une enquête de grande envergure, qu'elle ne pouvait être l'auteur de l'infraction, ou qui a été acquittée, commette plus tard un délit grave; si bien qu'il serait possible de l'identifier et de la convaincre de ce délit à l'aide du profil d'ADN saisi dans le système d'information. Mais, une protection efficace des droits fondamentaux et le principe de la présomption d'innocence requièrent que la saisie soit restrictive et la durée du traitement limitée. La pratique la plus récente du Tribunal fédéral concède aux intéressés le droit de faire effacer les 12 13 14

40

Définition des données personnelles (art. 3, let. a, LPD) Définition des données sensibles (art. 3, let. c, ch. 4, LPD) Art. 17, al. 2, LPD

données traitées les concernant15. Il faut conclure de cette pratique que l'on doit non seulement prévoir le droit d'effacer des données, mais aussi renoncer d'emblée à saisir dans le système d'information certains profils d'ADN. Ceci vaut notamment pour les victimes identifiées, les personnes habilitées à se rendre sur les lieux d'une infraction et celles dont on a conclu, à la suite d'une enquête de grande envergure, qu'elles ne pouvaient entrer en ligne de compte comme auteurs de l'infraction.

Leurs profils ne seront pas saisis dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN.

Les profils d'ADN de personnes non identifiées, vivantes ou mortes, ou de matériels biologiques attribuables à une personne disparue, de même que ceux de parents de personnes décédées ou disparues ne seront conservés dans le système d'information que si la comparaison directe n'a pas abouti à une identification. Ainsi, on sera en mesure de procéder, à une date ultérieure, à la comparaison nécessaire à l'identification si une personne décédée inconnue est découverte ou qu'une personne disparue réapparaît.

L'art. 11 énonce de manière exhaustive, aux al. 1 à 3, les profils qui peuvent être saisis dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN. Toutefois, il mentionne à l'al. 4, pour des motifs ayant trait à la sécurité du droit, les catégories de profils les plus importantes qu'il est interdit de mémoriser. En principe, ces profils feront l'objet, par le laboratoire, d'un traitement par comparaison directe avec les profils d'ADN des traces en rapport avec l'infraction; si leur nombre est élevé, l'ordonnance autorisera une simple comparaison par le biais du système d'information fondé sur les profils d'ADN16.

2.2.4.3

Art. 12

Autorités fédérales responsables

La loi sur la protection des données dispose qu'un organe fédéral compétent sera désigné pour chaque système d'information. En ce qui concerne le système fondé sur les profils d'ADN, cette fonction sera assurée par l'Office fédéral de la police (OFP); le Service AFIS, qui dépend de cet office, assure l'exploitation du système d'information fondé sur les profils d'ADN et gère les données signalétiques dans IPAS17. L'OFP n'est pas mentionné nommément afin de ne pas compromettre l'autonomie que l'art. 43 LOGA18 accorde au Conseil fédéral.

De plus, le Conseil fédéral sera amené à édicter les prescriptions relatives à la saisie des données dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN (art. 20, let. a). Il pourra ainsi tenir compte de la situation des laboratoires et de l'évolution scientifique. En revanche, la possibilité de raccordement en ligne doit être prévue expressément dans la loi19. Dans la phase d'essai en cours, les profils d'ADN sont saisis par un seul institut de médecine légale qui dispose, en tant que service de coordination, d'un raccordement en ligne. Sur le plan de l'organisation, le Conseil fédéral doit garder ici aussi une certaine marge de manoeuvre.

15 16 17 18 19

ATF 120 I 147, 152 s.

L'art. 5, al. 4, de l'ordonnance ADNS prévoit une comparaison de ce genre pour les personnes vivantes ou décédées qui n'ont pas été identifiées.

Voir le commentaire ad art. 14 RS 172.010 Art. 19, al. 3, LPD

41

2.2.4.4

Art. 13

Collaboration internationale

Nul ne met en doute, aujourd'hui, la nécessité pour la police et les autorités de poursuite pénale d'entretenir une collaboration internationale. Cette entraide judiciaire et administrative en matière de police est prévue, du point de vue de la procédure, dans la loi sur l'entraide internationale en matière pénale20 (EIMP) et dans des accords internationaux21. Les requêtes internationales passent par l'Office fédéral de la justice pour ce qui est de l'entraide judiciaire et par l'Office fédéral de la police pour ce qui touche à l'entraide administrative ou judiciaire en matière de police. On pourra procéder à une recherche dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN pour répondre à une demande émanant de l'étranger dès lors que les conditions prévues par le droit suisse sont remplies; ce n'est que dans le cas de poursuites pénales ou de l'identification d'une personne inconnue, vivante ou décédée, que l'on indiquera si le profil d'ADN reçu de l'étranger correspond à un profil enregistré dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN.

La comparaison de profils ne présuppose pas l'examen d'un nombre égal de séquences lors de l'analyse. Un profil établi sur la base de six ou sept séquences peut parfaitement être comparé à un autre profil déterminé à partir de 11 à 13 séquences; mais, plus le nombre de séquences est faible, plus la probabilité que deux personnes aient le même profil d'ADN est grande.

2.2.5

Section 5

Traitement d'autres données

L'art. 14 réglemente le traitement des autres données. On entend par là les données relatives à des personnes ou à des traces qu'il est possible de mettre en relation, à l'aide du numéro de contrôle du processus, avec les données figurant dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN et que l'autorité qui a ordonné la mesure a communiquées au Service AFIS.

Le Service AFIS traite les données dans IPAS22 selon l'art. 14. Il est le seul service à avoir accès à la partie idoine d'IPAS, ce droit étant dénié aux autres unités administratives de l'OFP, aux autorités qui ont ordonné des mesures, aux laboratoires et autres services externes. Toutefois, on peut envisager, selon l'art. 351octies CP, que l'unité administrative compétente de l'OFP obtienne l'accès en ligne pour traiter des requêtes émanant de l'étranger.

Contrairement à ce que prévoit la réglementation que connaissent d'autres Etats (dont l'Allemagne), un principe fondamental du système global est la stricte séparation du matériel biologique, des profils d'ADN et des données personnelles, et ce entre autres pour des raisons relevant du droit de la protection des données. Les opérations se dérouleront, de l'envoi du FMJ par le service d'identification judiciaire de la police à la confirmation d'un «hit» par le Service AFIS, dans des conditions d'anonymat garanties par un numéro de contrôle du processus (NCP). Seul le 20 21

22

42

RS 351.1, voir notamment les art. 75 ss Voir comme nouveaux accords de ce type prévoyant la collaboration directe entre les polices: accords de collaboration transfrontalière avec la France et l'Italie; FF 1999 1311, art. 5 et 30 de l'accord conclu avec la France, art. 11 et 15 de l'accord conclu avec l'Italie.

Voir sous ch. 2.1.6 le commentaire consacré à la protection et la sécurité des données et sous ch. 2.2.4.1 celui ad art. 10

Service AFIS de l'OFP sera habilité à établir le lien entre le résultat de l'analyse (le profil d'ADN) et les données personnelles; cette opération s'effectuera, par analogie, dans le cadre du système prévu pour les empreintes digitales.

2.2.6

Section 6

Protection des données

2.2.6.1

Art. 15

Droit d'être renseigné

La réglementation du droit d'être renseigné correspond à celle de la loi sur la protection des données (art. 8 et 9). Si un intérêt public prépondérant ou des intérêts privés opposés ne permettent pas de renseigner intégralement l'intéressé, l'art. 9 LPD prévoit que la communication de renseignements peut être refusée, restreinte ou différée. Les personnes qui feront l'objet d'un traitement signalétique seront informées de l'établissement d'un profil d'ADN (al. 2), de sorte que de telles dérogations devraient être rares. Il se pourrait que les renseignements soient refusés si le profil d'une personne fortement soupçonnée d'avoir commis une infraction, mais qui a pris la fuite, a été établi sur la base de matériel biologique, autre que le FMJ, que l'on pouvait lui attribuer. L'intérêt public à garder le secret sur son existence peut primer, ne serait-ce que pendant la procédure en cours. Le Service AFIS ne sera pas en mesure de décider seul s'il convient exceptionnellement de restreindre la communication de renseignements lorsque celle-ci risque de compromettre une procédure ou que des intérêts publics prépondérants l'exigent. Il établira, de concert avec les autorités qui ont ordonné les mesures, une liste des cas qui requièrent une consultation préalable desdites autorités avant toute communication des renseignements demandés.

Pour que la personne en cause puisse exercer les droits que lui confèrent les art. 15 à 17, il importe qu'elle soit informée du fait que son profil d'ADN est établi et qu'il sera traité dans le système d'information (al. 2).

2.2.6.2

Art. 16

Effacement des profils d'ADN

Les prescriptions régissant l'effacement des profils ont été calquées sur celles qui s'appliquent au système AFIS. Elles tiennent cependant compte de l'évolution qu'a connue, depuis lors, la protection des droits fondamentaux; en d'autres termes, les droits à l'effacement des profils d'ADN ont été étendus et ceux-ci seront effacés d'office dans des cas déterminés. Le Conseil fédéral entend rendre plus restrictives les prescriptions qu'il édictera, par voie d'ordonnance, pour AFIS et, si possible, les adapter à celles de la présente loi.

En tant que maître du fichier, l'autorité qui ordonne la mesure pourra exiger, en tout temps et sans fournir de motif, l'effacement du profil d'ADN dont elle avait demandé l'établissement. Le cas le plus courant sera l'effacement des profils d'ADN établis sur la base de traces une fois connue l'identité des auteurs. En revanche, l'auteur identifié restera enregistré sous le NCP attribué à sa personne. Le Tribunal fédéral a décidé, en 1998, que l'établissement d'un profil d'ADN était admissible et approprié s'il était garanti que l'échantillon et les résultats de l'analyse de l'ADN seraient détruits lorsqu'il était exclu, au vu de son profil d'ADN, que la personne en

43

cause puisse être l'auteur de l'infraction23. Partant de ce constat, il a décidé que l'effacement devait intervenir d'office.

Après le décès de la personne en cause, le traitement ultérieur de ses données dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN ne présente plus d'intérêt, sauf dans le cas de personnes décédées qui n'ont pas été identifiées.

Vu que le décès n'est généralement pas communiqué aux autorités fédérales, les profils d'ADN issus de traitements signalétiques seront, en principe, détruits après 30 ans. Il n'y a d'exception de prévue que lorsque la personne en cause a été condamnée, dans le laps de temps qui s'écoule entre le prélèvement de l'échantillon et l'échéance de ce délai trentenaire, pour un crime ou délit. Dans ce cas, le profil n'est effacé que sur demande selon l'art. 17, al. 1, let. e. Par rapport au régime AFIS, l'effacement d'office constitue une modification de la pratique car, à l'heure actuelle, les empreintes digitales sont effacées lorsque l'intéressé atteint l'âge de 80 ans.

Pour ce qui est des traces, une réglementation similaire s'appliquera, à une divergence près: après la durée de conservation de trente ans, seule la particularité du délit, son imprescriptibilité, entraîne une prolongation. L'approbation de l'autorité qui a ordonné la mesure ne sera, en l'occurrence, pas requise.

Au vu des expériences faites notamment dans les cantons de montagne, il est justifié de n'effacer les profils d'ADN de personnes inconnues ou disparues, conservés sur la base de l'art. 11, al. 2, que lorsqu'elles ont été identifiées, et au plus tard après 50 ans (al. 3). Il arrive régulièrement, dans les régions alpines, qu'un randonneur disparaisse dans un glacier. Il se peut que l'on ne puisse pas le sauver et que le glacier ne rende le corps que longtemps après. Si la dépouille vient à être découverte, il est possible de l'identifier en procédant à la comparaison du profil d'ADN avec celui mémorisé dans le système d'information, dans le cas où un matériel biologique appartenant au disparu a été relevé et analysé après la déclaration de sa disparition. La durée maximale de la conservation du matériel biologique est de 50 ans bien que l'on ait retrouvé des corps bien au-delà de cette limite. S'il devait s'avérer que le délai prévu est trop court, on pourrait y renoncer
à l'occasion d'une révision de la loi.

Le NCP enregistré dans IPAS et les autres données prévues à l'art. 14 ne peuvent être effacées que si les empreintes digitales figurant dans AFIS le sont également. Il faut admettre qu'en règle générale, les demandes porteront sur toutes les données signalétiques, de sorte que les lignes d'enregistrements concernant l'intéressé seront effacées, en même temps, dans les trois systèmes d'information (AFIS, système d'information fondé sur les profils d'ADN, IPAS). Si, à titre exceptionnel, seul le profil d'ADN (à l'exclusion des autres données signalétiques) devait être effacé, il faudrait radier dans IPAS la référence à l'existence d'un profil d'ADN. Le droit régissant IPAS est déterminant pour l'effacement.

23

44

ATF 124 I 80, 84

2.2.6.3

Art. 17 Effacement du profil d'ADN sur demande

Pour le Tribunal fédéral, l'effacement d'office découle de la présomption d'innocence. Dans le cas de l'acquittement, le même principe exige impérativement que l'on procède à l'effacement, sauf dans le cas de délinquants jugés non responsables de leurs actes mais présentant un risque de récidive, par exemple s'ils se sont évadés de leur lieu d'internement. La loi prévoit l'effacement opéré sur demande consécutivement à l'acquittement car il peut arriver que l'autorité qui a ordonné la mesure n'en soit pas informée. L'intéressé doit pouvoir requérir l'effacement auprès de l'office fédéral compétent sans avoir à s'adresser à l'autorité qui a ordonné la mesure.

Si une procédure est suspendue parce que les preuves ne suffisent pas à emporter la conviction, le principe du «bénéfice du doute» («in dubio pro reo»), apparenté à celui de la présomption d'innocence, s'applique. Dans ce cas, on peut rouvrir la procédure devant de nouvelles preuves; il est donc justifié de continuer à traiter les données, mais pour un laps de temps relativement court 24.

L'autorité qui a ordonné la mesure ne doit pouvoir refuser son assentiment à l'effacement que si des indices concrets permettent de conclure que le profil d'ADN sera réutilisé. Toutefois, on ne peut poser d'exigences trop élevées pour ce qui de la présomption qui subsisterait ou du danger de récidive. Les motifs peuvent avoir leur origine dans la nature du délit (p. ex., un délit sexuel grave ou répété) ou dans le passé de l'intéressé (nombreux antécédents judiciaires et récidives).

2.2.7

Section 7

Financement

Selon l'art. 18, la Confédération prendra à sa charge les frais de réalisation et d'exploitation du système d'information. Au niveau fédéral, le Ministère public de la Confédération, de même que l'OFP en tant que police criminelle de la Confédération, pourront requérir le prélèvement d'échantillons en leur qualité d'autorités qui ordonnent des mesures. Les autorités cantonales qui ordonnent des mesures assumeront les frais qu'elles occasionnent, notamment le coût des analyses qu'elles feront effectuer par des laboratoires, le prix de celles-ci étant moins élevé pour les FMJ que pour les traces qu'il faut parfois extraire.

2.2.8

Section 8

Dispositions finales

2.2.8.1

Art. 19

Exécution par les cantons

Les cantons sont chargés de l'exécution de la loi, notamment les autorités de poursuite pénale; ceux qui disposent d'instituts de médecine légale devront s'acquitter de tâches supplémentaires. Jusqu'à ce que la procédure pénale ait été uniformisée, les cantons garderont la compétence législative de déterminer les autorités qui ordonnent les mesures, c'est-à-dire celles qui peuvent ordonner le traitement signalétique

24

L'art. 17 de l'ordonnance concernant le Service d'identification (RS 172.213.57) prévoit encore un délai de cinq ans qui ne devrait pas résister à la nouvelle pratique du Tribunal fédéral.

45

et l'analyse de l'ADN. Vu que les réglementations des cantons sont disparates, certains d'entre eux désigneront éventuellement une autre autorité qui ordonne les mesures.

2.2.8.2

Art. 20

Exécution par la Confédération

Les compétences législatives déléguées sont rassemblées à l'art. 20, ce qui évite de les mentionner dans diverses dispositions. Ceci simplifie les choses car il faudrait sinon procéder à des délégations de compétences dans de nombreux articles, afin de régler en détail le traitement des données.

Conséquence de la présente loi, l'exploitation du système d'information fondé sur les profils d'ADN, qui sera déjà dans sa phase d'essai au moment de l'entrée en vigueur, constitue une tâche supplémentaire en matière d'exécution. Une fois que cette phase aura fait l'objet d'une évaluation, on apportera à la loi les adaptations nécessaires.

2.2.8.3

Art. 21

Dispositions transitoires

Les résultats des données issues de la phase d'essai seront naturellement traités selon les nouvelles prescriptions. Au cours de la période d'essai, les profils seront saisis d'après un catalogue de délits relativement restreint, de manière à ce que l'on puisse continuer à les traiter dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN.

L'al. 2 précise que l'agrément provisoire délivré aux instituts de médecine légale en vertu de l'ordonnance régissant la phase d'essai, deviendra caduc fin 2004. On veut ainsi s'assurer que seuls les laboratoires et les instituts satisfaisant aux conditions de l'agrément délivré par le DFJP, et ayant notamment obtenu leur accréditation, puissent établir des profils d'ADN selon la présente loi. Une nouvelle prolongation de l'agrément provisoire délivré pour la période d'essai contreviendrait aux exigences fixées dans la présente loi quant à la qualité et à la valeur probante des profils d'ADN.

2.2.8.4

Art. 22

Référendum et entrée en vigueur

La phase d'essai du système d'information fondé sur les profils d'ADN expire à la fin 2004. Le Conseil fédéral peut cependant faire entrer en vigueur la loi sur les profils d'ADN avant ce délai, à moins que le système d'information ne doive subir des modifications importantes demandées par les Chambres fédérales.

46

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

3.1

Sur le plan de la Confédération

La phase d'essai a entraîné des coûts mineurs (de l'ordre de 70 000 francs environ) pour la Confédération en raison de l'acquisition d'un serveur. Ils ont pu être financés dans le cadre du budget actuel. C'est pourquoi l'entrée en vigueur de la loi sur les profils d'ADN ne provoquera pas de frais supplémentaires, si ce n'est dans les cas où une autorité fédérale fera établir un profil d'ADN en sa qualité d'autorité qui ordonne des mesures. Les frais minimes d'exploitation et d'entretien seront réglés au moyen des ressources budgétaires disponibles.

Sur le plan des effectifs, la phase d'essai n'a pas eu de conséquences parce que le personnel qui assure le service vingt-quatre heures sur vingt-quatre au bénéfice des gardes-frontière (requêtes concernant les requérants d'asile) a pu se charger également des travaux supplémentaires imposés par le système d'information fondé sur les profils d'ADN. Il se pourrait que l'effacement des profils d'ADN ordonnés d'office et la destruction d'échantillons requièrent la création d'un ou deux postes supplémentaires. Il est impossible, dans les circonstances actuelles, de déterminer les besoins futurs avec précision.

3.2

Sur le plan des cantons

Une identification plus sûre et plus rapide des personnes suspectes signifie pour les cantons une diminution de leurs charges en personnel et une augmentation de l'efficacité des poursuites pénales.

Le coût des analyses d'ADN est appelé à diminuer dès que le nombre de celles-ci augmentera; elles engendreront malgré tout des frais supplémentaires annuels de l'ordre d'une dizaine de millions de francs au total si l'on procède à l'analyse de l'ADN de toutes les personnes soumises au traitement signalétique25 et que l'on examine environ 8000 traces par an.

4

Programme de la législature

Le projet figure dans le programme de la législature26 comme objectif 12 sous la cote R 26 et dans les objectifs du Conseil fédéral pour l'an 2000 comme objectif 00-24.

5

Relation avec le droit européen

Plusieurs Etats européens sont en train de mettre sur pied ou exploitent déjà des systèmes d'information fondés sur les profils d'ADN27. Conçus de manière très 25 26 27

Le Service AFIS enregistre environ 20 000 empreintes digitales par an dans le cadre de procédures pénales; le nombre des traces à analyser n'est pas connu.

FF 2000 2168, 2195 Voir ch. 1.5 ci-dessus

47

diverse, les uns couvrent toutes les infractions, les autres se limitent à un catalogue restreint de délits ou n'enregistrent que les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation. Il ne faut pas s'attendre de sitôt à ce que ces systèmes soient uniformisés dans le cadre de l'Union européenne, ne serait-ce que parce que les méthodes scientifiques et les profils établis sont compatibles en dépit des divers standards utilisés.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité

L'art. 119 Cst. donne mandat à la Confédération de protéger l'être humain contre les abus en matière de procréation médicalement assistée et de génie génétique. La présente loi soustrait les analyses effectuées lors d'une procédure pénale à la future «loi fédérale sur l'analyse génétique humaine» et les soumet aux dispositions relatives à la procédure pénale fondées sur l'art. 123 Cst. L'adoption, le 12 mars 2000, de la réforme de la justice a attribué à la Confédération la compétence d'uniformiser la procédure pénale.

6.2

Délégation de compétences législatives

Dans le domaine de la police et des autorités de poursuite pénale, il est inévitable de traiter des données sensibles et des profils de la personnalité. Les législations édictées au cours des années nonante28 ont toutefois montré qu'il n'est pas réaliste de réglementer dans les détails, au niveau de la loi, le traitement des données comme l'exige la loi sur la protection des données; il importe ici également de déléguer au Conseil fédéral la réglementation des détails (voir art. 20, al. 1, let. a) si l'on veut éviter de devoir régler par anticipation le traitement des données dans la loi. Vu qu'elles peuvent conduire à l'ouverture d'enquêtes pénales, les informations prévues dans la présente loi deviennent des données sensibles, même si le seul fait acquis est la saisie de l'intéressé en tant que suspect ou condamné. Ceci suffit pour les qualifier de données particulièrement dignes de protection.

Les autres délégations (art. 20, al. 1, let. b à g) concernent des détails organisationnels, techniques ou scientifiques qui peuvent, selon la pratique du Tribunal fédéral, être délégués. De même, on doit pouvoir les adapter à l'évolution de la réalité.

28

48

Exemples: loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération (LOC; RS 360), loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (RS 120), loi fédérale concernant la création et l'adaptation de bases légales applicables aux registres des personnes (Modifications du CP, de la LCR et de la LOC, approuvées le 18 juin 1999; ne figurent pas encore intégralement dans le RO).