01.020 Message relatif à l'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or)» du 28 février 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous présenter le message relatif à l'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or) » et vous demandons de soumettre l'initiative populaire à la votation du peuple et des cantons en leur recommandant de rejeter.

Le projet de l'arrêté fédéral y relatif se trouve en annexe.

Nous vous proposons en outre de classer les interventions parlementaires suivantes: 2000

P

98.3675

Les réserves d'or pour financer une vaste offensive sur le front de la formation (N 4.10.00, [Hochreutner]-Heim)

2000

P

99.3165

Loi fédérale instituant la Fondation Suisse solidaire (N 4.10.00, groupe socialiste)

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 février 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse Le président de la Confédération: Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération: Annemarie Huber-Hotz

2001­0275

1311

Condensé A l'occasion de la réforme de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, la parité-or du franc a été supprimée sur le plan contstitutionnel. Au niveau de la loi, l'abandon de la parité-or du franc a été inscrit dans la nouvelle loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP), entrée en vigueur le 1er mai 2000. Cette réforme a créé de nouvelles conditions qui permettent d'une part de réévaluer les réserves d'or de la Banque nationale suisse (BNS) et d'autre part de vendre les réserves d'or superflues. Il s'ensuit que la BNS détient des réserves monétaires qui dépassent le montant dont elle a besoin pour remplir sa mission en matière de politique monétaire. Une partie des réserves d'or, à savoir 1300 tonnes, pourra être utilisée à d'autres fins publiques. Immédiatement après l'entrée en vigueur de la LUMMP, la BNS a commencé à vendre cet or excédentaire.

Le Conseil fédéral a proposé de créer la Fondation Suisse solidaire en lui attribuant la contre-valeur de la vente de 500 tonnes d'or, le montant mis à disposition ne devant cependant pa dépasser 7 milliards de francs. Le 17 mai 2000, il a soumis un message à ce propos aux Chambres. Celui-ci comprend un projet de loi relative à la fondation et une disposition transitoire de la Constitution fédérale (cst.) qui forme la base juridique permettant l'utilisation des 1 300 tonnes d'or excédentaires de la BNS à d'autres fins que celle de la politique monétaire et laissant au législateur la compétence décisionnelle pour ce qui est de l'affectation de cet or. Pour le reste de l'or excédentaire, soit 800 tonnes, le Conseil fédéral a organisé une consultation. Il a pris connaissance des résultats de cette procédure le 24 janvier 2001 et les a publiés.

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) s'est chargée de l'examen préalable du message du Conseil fédéral du 17 mai 2000. Le 2 février 2001, elle a concrétisé la disposition transitoire proposée. La CER-E a proposé de transférer le patrimoine de 1300 tonnes d'or à un fonds, de le gérer et de conserver son capital à sa valeur réelle. Pendant 30 ans, le projet prévoit de verser les intérêts provenant du fonds à parts égales à l'AVS, aux cantons et à une fondation instaurée par la loi.

L'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves
d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or)» déposée par l'Union démocratique du centre (UDC) constitue une alternative aux propositions du Conseil fédéral et du Parlement. Elle prévoit de transférer les réserves monétaires de la BNS ou ses revenus au fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants (fonds AVS), dans la mesure où elles ne sont plus requises au titre de la politique monétaire.

Pour les motifs suivants, le Conseil fédéral recommande aux Chambres fédérales, au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative sur l'or: -

1312

L'initiative vise à empêcher la création de la Fondation Suisse solidaire.

Elle est dirigée contre le projet qui prévoit de créer une oeuvre humanitaire destinée à renouveler la solidarité et dont le concept a été présenté par le Conseil fédéral au Parlement dans son message du 17 mai 2000.

-

De par sa formulation vague, l'initiative pourrait porter atteinte à l'indépendance de la BNS. Elle permet non seulement le transfert de la fortune spéciale de 1300 tonnes d'or à l'AVS, mais également d'autres réserves monétaires de la BNS.

-

Elle met également en question les droits de la Confédération et des cantons sur les bénéfices de la Banque nationale.

-

Enfin, elle donne l'impression qu'elle contribue de manière durable au financement d'une oeuvre sociale en attribuant les réserves d'or au fonds AVS. Cela pourrait retarder les adaptations structurelles nécessaires des bases de financement de l'AVS.

Dans les propositions qu'il a transmises au Parlement, et que celui-ci a développées, le Conseil fédéral prévoit une réglementation plus appropriée de l'utilisation des réserves monétaires qui ne sont plus nécessaires. Il soutient le Parlement dans ses efforts pour élaborer une contre-proposition directe à l'initiative populaire à partir du projet en suspens.

1313

Message 1

Partie formelle

1.1

Libellé

L'initiative a la teneur suivante: La Constitution fédérale est complétée comme suit: Art. 99, al. 3a (nouveau) 3a Les réserves monétaires de la Banque nationale qui ne sont plus requises au titre de la politique monétaire ou les revenus qui en sont tirés, sont transférés au fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants. La loi règle les modalités.

1.2

Aboutissement

L'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or)» a été déposée le 30 octobre 2000 par l'UDC. Le 23 novembre 2000, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire avait abouti, 125 372 signatures valables ayant été récoltées (FF 2000, p. 5490 s.).

1.3

Délai de traitement

En vertu de l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC, RS 171.11), le Conseil fédéral présente son message sur l'initiative à l'Assemblée fédérale dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative. Dans le cas présent, ce délai échoit au 30 octobre 2001. L'Assemblée fédérale est tenue de décider dans les 30 mois suivant le dépôt de l'initiative, soit en l'occurrence jusqu'au 30 avril 2003, si elle approuve ou non l'initiative en question (art. 27, al. 1, LREC).

1.4

Validité

1.4.1

Unité de la forme

L'art. 139, al. 2, cst, stipule que les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé. L'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or)» est conçue sous forme de projet rédigé. L'unité de la forme est donc respectée.

1314

1.4.2

Unité de la matière

Les initiatives populaires ne peuvent porter que sur une matière unique. L'unité de la matière est respectée lorqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l'initiative. L'initiative sur l'or a pour objet ce qui suit: ­

elle prévoit de transférer les réserves monétaires de la Banque nationale (BNS) qui ne sont plus requises au titre de la politique monétaire ou les revenus qui en sont tirés au fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS);

­

les détails de la procédure sont à régler par la législation fédérale.

Les requêtes formulées dans cette initiative populaire forment manifestement un ensemble logique; le souverain peut donc se forger une opinion sans risque de malentendu. L'unité de la matière, seconde condition de la validité d'une initiative populaire, est donc respectée.

1.4.3

Autres critères de validité

Outre l'unité de la forme et de la matière, l'art. 194, al. 2, cst, stipule qu'une révision partielle de la Constitution ne doit pas violer les règles impératives du droit international.

Pour qu'une initiative populaire soit valable, la pratique des autorités fédérales exige enfin que la clause constitutionnelle prévue soit exécutable. L'initiative sur l'or ne viole aucune règle impérative du droit international; elle est également exécutable.

L'initiative populaire est donc valable.

2

Historique

2.1

Origine des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale

La modification de l'article sur la monnaie (art. 99, cst), dans le cadre de la réforme de la Constitution, et l'entrée en vigueur, le 1er mai 2000, de la loi fédérale sur l'unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP, RS 941.10) ont aboli la parité-or formelle du franc suisse. En réalité, cette parité avait cessé d'exister depuis un quart de siècle. Mais vu les dispositions légales relatives à la parité-or, à la convertibilité en or et à la couverture-or, la BNS était tenue d'inscrire ses réserves d'or au bilan à un prix bien inférieur à celui du marché. Elle n'était pas non plus autorisée à procéder à des achats ou des ventes d'or. La suppression de la parité-or permet désormais à la BNS de chiffrer ses réserves d'or à une valeur conforme au marché.

Etant donné la plus-value ainsi générée, il a fallu réexaminer le niveau des réserves monétaires dont la BNS a besoin pour assumer ses tâches de politique monétaire.

Les réserves monétaires de la BNS se composent d'or, de devises, de la position de réserve au Fonds monétaire international et des moyens de paiement internationaux.

Les réserves monétaires servent principalement à renforcer la confiance dans la monnaie nationale, à prévenir les turbulences monétaires et à constituer une tirelire de secours pour des situations de crise. Toutefois, le montant nécessaire des réserves 1315

affectées à ces fins ne peut être calculé à un denier près par des méthodes scientifiques. Il dépend de divers facteurs, comme la taille de l'économie et l'intensité des liens entre le pays concerné et l'étranger. Dans le cas de la Suisse, d'autres particularités entrent en ligne de compte, comme par exemple son statut de place financière internationale et le fait qu'elle ne fasse pas partie de l'Union monétaire européenne.

Du point de vue de la politique monétaire, la pondération de ces facteurs dans la stratégie de constitution des réserves doit être adaptée en fonction de l'évolution des conditions financières générales.

Sur la base des études menées lors de la préparation du message concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, et d'entente avec la BNS, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion qu'en plus de ses réserves en devises, la BNS devrait détenir des réserves monétaires complémentaires de l'ordre de 1300 tonnes d'or1. Comme, au jour de la suppression de la parité-or, la BNS disposait de 2600 tonnes de réserves d'or, 1300 tonnes environ ­ ou le produit de la vente de ces dernières ­ peuvent être utilisées à d'autres fins.

Estimer la valeur de cette fortune de 1300 tonnes d'or est chose incertaine. Il faut tenir compte du fait que l'évolution du prix de l'or a connu de fortes fluctuations par le passé. Comme les ventes d'or sont généralement effectuées en dollars, la valeur en francs suisses de la fortune-or dépend en outre du cours de cette monnaie. Au prix de 15 000 francs le kilo d'or, les 1300 tonnes dégageraient 19,5 milliards de francs. A 2000 francs de moins le kilo, on réaliserait encore 16,9 milliards. Le revenu dégagé par cette fortune spéciale est également difficile à estimer. A un taux d'intérêt réel de 2,5 %, une fortune de 19,5 milliards de francs produirait un revenu annuel de l'ordre de 490 millions de francs. A un taux d'intérêt réel de 3,5 % le résultat serait de 680 millions de francs. A un taux d'intérêt réel de 2,5 %, 16,9 milliards produiraient quelque 420 millions de francs, alors qu'à un taux de 3,5 % le résultat atteindrait environ 590 millions de francs.

Le 26 septembre 1999, la BNS, la Banque centrale européenne et pratiquement toutes les banques centrales de l'UE ont conclu un accord. Les banques centrales se sont ainsi engagées à ne
pas vendre plus de 2000 tonnes d'or durant les cinq années suivantes (2000­2004), soit pas plus de 400 tonnes par an. Cette limitation convenue des ventes d'or à 2000 tonnes comprend l'intégralité des ventes prévues par la Suisse (1300 tonnes). Les banques centrales des Etats-Unis, du Japon, de l'Australie, ainsi que la BRI et le FMI ont déclaré ne pas vouloir vendre d'or ces prochaines années. Cette auto-limitation des banques centrales et des institutions concernées par l'accord contribue à empêcher les soubresauts des prix sur le marché de l'or.

2.2

Message du Conseil fédéral du 17 mai 2000

Le 17 mai 2000, le Conseil fédéral a adopté à l'intention du Parlement le message concernant l'utilisation des réserves d'or et une loi fédérale sur la Fondation Suisse solidaire2. Deux projets d'actes législatifs ont donc été soumis aux Chambres: une nouvelle disposition transitoire relative à l'art. 99 de la Constitution fédérale d'une 1 2

Message concernant un nouvel article constitutionnel sur la monnaie, FF 1998, p. 3542 s.

Message concernant l'utilisation des réserves d'or et une loi fédérale sur la Fondation Suisse solidaire, FF 2000, p. 3664 s.

1316

part, et la loi sur la Fondation Suisse solidaire, de l'autre, loi qui règle l'aménagement de l'oeuvre de solidarité envisagée.

La question de savoir si l'utilisation des réserves d'or excédentaires de la BNS à d'autres fins nécessitait ou non une disposition constitutionnelle expresse a été discutée aux Chambres en été 1999, dans le cadre de la révision de l'article sur la monnaie qui a échoué. Les Chambres avaient clairement fait savoir qu'à leur avis l'utilisation des réserves d'or excédentaires ou du produit de celles-ci exigeait une base constitutionnelle. Elles préconisaient la création de cette dernière afin qu'on puisse déroger à la clé de répartition des bénéfices de la BNS (deux tiers aux cantons, un tiers à la Confédération) fixée à l'art. 99, al. 4, cst. Le Conseil fédéral a suivi cet avis et proposé, dans son message du 17 mai 2000, la disposition transitoire suivante, relative à l'art. 99, cst: Disposition transitoire ad art. 99, cst La loi règle l'utilisation du produit de la vente de 1 300 tonnes d'or de la Banque nationale suisse.

L'idée d'une fondation suisse de solidarité a été présentée à l'Assemblée fédérale le 5 mars 1997 par le président de la Confédération en exercice, Arnold Koller. Il est prévu de transférer à cette fondation le produit de la vente de 500 tonnes faisant partie des réserves d'or excédentaires de la BNS (le montant transféré ne devant cependant pas excéder 7 milliards de francs). L'activité de la fondation est censée être financée par les intérêts résultant de la gestion du capital de la fondation, la valeur de ce capital devant être maintenue à long terme.

2.3

Procédure de consultation quant à l'utilisation des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale

2.3.1

Propositions soumises à discussion lors de la procédure de consultation

Dans son message relatif à la Fondation Suisse solidaire, le Conseil fédéral proposait aux Chambres l'utilisation de 500 des 1300 tonnes d'or disponibles. En ce qui concerne l'utilisation des 800 tonnes restantes, il a lancé une procédure officielle de consultation auprès des cantons, des partis, des associations patronales et de salariés, ainsi qu'auprès d'autres organisations intéressées. La procédure a été ouverte le 28 juin et a duré jusqu'au 31 octobre 2000.

Le dossier mis en consultation par le Conseil fédéral décrivait deux affectations possibles du produit de la vente des 800 tonnes d'or restantes: il proposait soit de l'utiliser par tranches successives pour des mesures visant à promouvoir la formation, puis pour des prestations transitoires dans le domaine de l'AVS, soit de le consacrer à la réduction de la dette publique.

La première proposition comprend d'abord le financement de mesures de formation dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Trois champs d'action sont envisagés: le perfectionnement des enseignants, la mise au point de didacticiels, enfin la formation de personnes ayant un déficit dans la formation de base. Il est prévu de consacrer à cette campagne de formation les revenus générés par la fortune spéciale (à hauteur d'au moins 600 millions de

1317

francs) entre le moment où elle aura été retranchée des avoirs de la BNS jusqu'à fin 2004 ou fin 2005.

Par la suite, ces revenus seront affectés au financement de prestations transitoires dans le domaine de l'AVS. Ces prestations sont censées atténuer les inconvénients qui pourraient résulter des nécessaires adaptations structurelles de l'AVS. Destinées à faire le pont jusqu'à l'entrée dans l'âge AVS ordinaire ou jusqu'à la réinsertion professionnelle, elles seraient réservées expressément aux personnes dont les chances d'emploi sont moindres en raison de leur âge, d'un handicap, d'un chômage de longue durée ou d'une interruption prolongée de l'activité lucrative. La durée de ces prestations serait limitée à douze ans.

La seconde proposition prévoit d'affecter la fortune spéciale à la réduction de l'endettement de la Confédération et des cantons. Les ressources seraient partagées selon la clé de répartition appliquée aux bénéfices de la BNS: un tiers à la Confédération, deux tiers aux cantons. La réduction des dettes pourrait consister à rembourser immédiatement des emprunts publics pour assainir les bilans. Il est également concevable d'investir le produit de la vente de l'or dans un fonds, avec pour but d'obtenir un rendement supérieur au taux d'intérêt des emprunts publics, ce qui permettrait ultérieurement une réduction d'une grande ampleur de la dette.

2.3.2

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation a donné lieu à 88 avis. Des 111 organisations invitées à s'exprimer, 63 ont fait usage de la possibilité de se prononcer sur l'utilisation des 800 tonnes d'or. 25 avis émanent de milieux qui ont réagi de leur propre chef.

Voici, en résumé, les avis qui se dégagent quant à l'utilisation de l'or excédentaire.

Les cantons sont unanimes à déclarer qu'en vertu de la clé de répartition que la constitution prévoit pour les bénéfices de la Banque nationale, ils ont droit à deux tiers du produit de la vente des 800 tonnes d'or, sans que le législateur ne puisse leur imposer la moindre affectation. Le Parti démocrate-chrétien (PDC) est également d'avis que les deux tiers de la fortune spéciale reviennent aux cantons, mais recommande qu'une partie de cette somme soit considérée comme contribution à la couverture des coûts qui pourraient incomber aux cantons dans le domaine des prestations complémentaires à la suite de l'assouplissement de l'âge de la retraite.

Des deux propositions d'utilisation soumises par le Conseil fédéral, les cantons soutiennent nettement la variante «réduction de la dette». C'est également le choix du Parti radical-démocratique (PRD), du Parti libéral suisse et des associations patronales (economiesuisse, Union suisse des arts et métiers, Union patronale suisse, Fédération romande des syndicats patronaux, Association suisse des banquiers, entre autres).

Le Parti socialiste suisse (PSS), l'UDC, l'Union syndicale suisse (USS) et la Fédération des sociétés suisses d'employés (FSE) soutiennent en revanche le versement direct, au fonds de l'AVS, du produit de la vente de l'or ou des rendements obtenus à partir de celui-ci.

Le Parti suisse du travail (PST) ainsi que des organisations d'assurés et de bénéficiaires de prestations (les taités, avant tout) se prononcent en faveur de l'affectation

1318

aux prestations transitoires dans le domaine de l'AVS telle que l'a proposée le Conseil fédéral.

La campagne de formation, quant à elle, recueille les suffrages du PST ainsi que des associations et organisations oeuvrant dans le domaine de la formation. Le PDC estime que cette campagne pose un problème politique du point de vue du fédéralisme. Mais comme il reconnaît une certaine nécessité d'agir, il admet que le tiers des 800 tonnes d'or revenant à la Confédération pourrait être investi dans des mesures de formation.

Les Verts, le Parti chrétien-social et la Confédération des syndicats chrétiens de Suisse aimeraient que les revenus dégagés par la fortune spéciale servent à financer une rente pour enfant ou à augmenter les allocations familiales. Les femmes du PSS et le Conseil suisse des activités de jeunesse souhaitent qu'en plus des prestations transitoires proposées, qui profiteront surtout aux personnes âgées, on finance délibérément des prestations en faveur des enfants et des familles.

Sont également proposés le financement de prestations en faveur des femmes enceintes ou des cotisations à une caisse de retraite des agriculteurs. Quant aux oeuvres d'entraide, elles souhaitent surtout qu'on parvienne rapidement à un accord afin de ne pas compromettre ni retarder davantage la création de la Fondation Suisse solidaire.

Dans le cadre de la consultation, les cantons ainsi que la plupart des partis ont réaffirmé leur soutien quant à la création de la Fondation Suisse solidaire.

2.4

Interventions parlementaires

Une série d'interventions ont été faites aux Chambres quant à l'utilisation des réserves d'or excédentaires de la BNS. Certaines concernaient le calendrier et la conception du projet «Fondation Suisse solidaire» et peuvent donc être considérées comme satisfaites et classées3.

Concernant l'utilisation des réserves d'or de la BNS devenues superflues, les motions suivantes ont été déposées: -

3

Le groupe de l'Union démocratique du centre a déposé le 26 juin 1998 une motion (98.3335 N) prévoyant «de transférer au fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants les réserves monétaires qui ne sont plus utilisées pour la politique monétaire». Elle a été rejetée par le Conseil national le 17 décembre 1998.

Il s'agit des motions suivantes: motion «Fondation de solidarité: durée limitée à 30 ans» de Christoph Eymann (97.3109 N); cette motion a été retirée le 19 mars 1997. Motion «Pour une «Fondation Suisse solidaire» prometteuse» de Hans Danioth (98.3034 E).

Les points 1 à 6 ont été transmis par le Conseil des Etats sous forme de postulat par le 25 juin 1998. Dans son message du 17 mai 2000 concernant l'utilisation des réserves d'or et une loi fédérale sur la Fondation Suisse solidaire, le Conseil fédéral a proposé de classer le postulat. Le point 7 de la motion est encore en suspens au Conseil national: «La responsabilité de la fondation doit être confiée à un organe doté d'une assise sociale et politique très large dans toute la collectivité. Elle doit être rigoureusement séparée du Fonds en faveur des victimes de l'holocauste dans sa thématique, dans son organisation et dans son personnel.»

1319

-

Une motion du conseiller national Norbert Hochreutener (98.3675 N) du 18 décembre 1998 proposait de consacrer une partie des réserves monétaires devenues superflues au lancement d'une campagne de formation. Elle a été transmise par le Conseil national le 4 octobre 2000 sous forme de postulat.

-

Le point 2 d'une motion du 21 avril 1999 du groupe socialiste (99.3165 N), exigeant que les réserves d'or excédentaires de la Banque nationale soient affectées à la Fondation Suisse solidaire et aux assurances sociales, a été transmise par le Conseil national le 4 octobre 2000 sous forme de postulat.

-

Une motion du 15 mars 2000 du groupe démocrate-chrétien (00.3053 N) prévoyait de verser au Comité international de la Croix-Rouge la part des réserves d'or excédentaires de la BNS que le Conseil fédéral entendait affecter au financement de la Fondation Suisse solidaire. Cette motion a été rejetée par le Conseil national le 4 octobre 2000.

2.5

Droit des cantons (clé actuelle de répartition des bénéfices)

En vertu de l'art. 99, al. 4, cst. (politique monétaire), et de l'art. 27, al. 3, de la loi sur la Banque nationale, les cantons ont droit aux deux tiers du bénéfice net de la BNS. Du point de vue historique, cette participation des cantons aux bénéfices de la banque centrale s'explique par le fait qu'à la création de la BNS, les cantons ont cédé leur monopole d'émission à la Confédération. Comme les 1 300 tonnes d'or dont il est question peuvent aussi être considérées comme des bénéfices retenus par la banque centrale, les cantons font valoir qu'en vertu de la règle constitutionnelle, deux tiers des 800 tonnes d'or excédentaires de la BNS leur reviennent (voir chap.

2.3.2.). Parallèlement, la Conférence des gouvernements cantonaux a fait savoir à maintes reprises qu'elle approuvait la création d'une Fondation Suisse solidaire et qu'elle renoncerait à sa part de deux tiers des 500 tonnes d'or prévues à cet effet.

3

Analyse de l'initiative et de sa portée

3.1

Interprétation du texte

Le texte de l'initiative sur l'or prévoit que les réserves monétaires de la Banque nationale qui ne sont plus requises au titre de la politique monétaire, ou les revenus qui en sont tirés, soient transférés au fonds de compensation de l'assurancevieillesse et survivants et que les modalités soient réglées par la loi.

Le texte de l'initiative ne porte donc uniquement sur la fortune spéciale de 1 300 tonnes d'or dégagée par la suppression de la parité-or du franc. Pour qualifier les ressources financières à transférer au fonds AVS, l'initiative utilise l'expression plus vague de «réserves n'étant plus requises pour la politique monétaire», et élude ainsi aussi bien la question portant sur la nature de ces ressources (or, réserves de devises, moyens de paiements internationaux) que celle relative à leur montant. Il faut donc partir du principe que l'initiative ne tient pas seulement compte du montant unique de 1 300 tonnes d'or des réserves excédentaires, résultat de la suppression de la parité-or du franc, mais qu'elle s'applique également aux futures réserves monétaires. pour autant qu'elles ne soient plus requises pour la politique monétaire.

1320

Le libellé de l'article constitutionnel proposé par les auteurs de l'initiative est problématique et soulève deux questions. Il faut d'abord déterminer si ce texte est compatible avec l'indépendance de la BNS, fondée sur l'art. 99, al. 2, cst (voir chap.

3.2.1). Se pose ensuite la question de la clé de répartition des bénéfices de la BNS fixée à l'art. 99, al. 4, cst (voir chap. 3.2.2).

3.2

Potentiel conflictuel relatif à l'indépendance de la BNS et à la distribution des bénéfices

3.2.1

Indépendance de la BNS

L'art. 99, al. 2, cst, stipule expressément que, pour remplir sa mission, qui est de mener une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays, la BNS est indépendante. Une condition primordiale de la réalisation de cette mission est que la BNS dispose de réserves monétaires suffisantes. L'art. 99, al. 3, cst, astreint donc la BNS à constituer de telles réserves à partir de ses revenus. Or, du moment que la détention de réserves monétaires fait partie de la mission de la banque centrale ­ mission qui doit être accomplie en toute indépendance ­ il est indispensable que la fixation du montant des réserves nécessaires relève de la compétence de la BNS. Et comme ce montant dépend avant tout de la taille de l'économie et de l'intensité des liens entre le pays et l'étranger, la révision de la loi sur la Banque nationale prévoit d'astreindre celle-ci à tenir compte de l'évolution de l'économie suisse lorsqu'elle aura à fixer le montant de ses réserves monétaires. Elle sera en outre tenue d'expliquer ses décisions, en vertu de l'obligation qu'elle aura également de rendre des comptes à la Confédération et au grand public. La transparence de la constitution de réserves par la BNS sera ainsi assurée.

Si l'on veut respecter l'indépendance de la BNS fondée sur l'art. 99, al. 2, cst, la décision sur le montant des réserves nécessaires doit revenir à la Banque nationale.

L'art. 99, al. 3, cst, part explicitement du principe que la Banque nationale ellemême constitue des réserves monétaires suffisantes grâce à ses propres revenus.

L'initiative ne s'exprime toutefois pas clairement sur la compétence décisionnelle, mais règle seulement la question de l'affectation des réserves monétaires excédentaires non requises pour la politique monétaire. Le fait qu'elle attribue en outre au législateur le devoir de fixer les « modalités » ne doit pas signifier que le législateur sera habilité à décider du montant des réserves monétaires nécessaires. Cette décision représente une partie essentielle de la politique monétaire indépendante de la Banque nationale et ne constitue donc pas une simple « modalité ».

Cependant le texte de l'initiative se prête également à une interprétation différente.

L'initiative risque d'être comprise octrogent une compétence décisionnelle au législateur, afin qu'il fixe lui-même,
à la place de la Banque nationale, le montant des réserves. Comme le texte de l'initiative laisse la question du montant des réserves non requises ouverte, cette interprétation offre au législateur la possibilité de déclarer que certaines réserves de la BNS ne sont plus requises au titre de la politique monétaire et doivent donc être transférées au fonds de l'AVS. Si, en cas d'adoption de l'initiative, le législateur en profitait pour décider du transfert au fonds AVS de réserves considérées comme excédentaires, il serait beaucoup plus difficile pour la BNS de mener une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays. De plus cela pourrait affaiblir nettement la confiance dans le franc suisse. D'un point de vue politique le simple fait que le législateur ait la possibilité de « puiser » réguliè1321

rement dans les réserves monétaires de la BNS porterait atteinte à la crédibilité de sa politique monétaire. Il est prouvé empiriquement que le taux d'inflation des pays dotés de banques centrales indépendantes est moindre. On peut donc craindre que la simple possibilité d'une atteinte à l'indépendance de la BNS n'attise les anticipations de l'inflation. Ces dernières devraient être combattues par une politique monétaire plus restrictive, ce qui se traduirait par le recul de la croissance économique et de l'emploi.

3.2.2

Rapport de l'initiative avec les droits des cantons aux bénéfices de la Banque nationale

Le texte proposé par l'initiative soulève en outre la question de la compatibilité avec l'art. 99, al. 4, cst, selon lequel deux tiers du bénéfice net de la BNS reviennent aux cantons. Le processus de calcul du bénéfice se déroule en effet de la façon suivante: Sur la base des résultats de l'année, la BNS commence par verser un dividende aux actionnaires, alimenter le fonds de réserve prescrit par la loi et payer aux cantons l'indemnité proportionnelle au nombre d'habitants. Ces montants sont déclarés former le bénéfice net. Ensuite, la BNS compare le niveau effectif de ses réserves monétaires avec le niveau visé. Basé sur le niveau à fin 1990, le niveau visé prévoit que les réserves augmentent au même taux que la croissance économique nominale moyenne. Si les réserves monétaires effectives sont inférieures au niveau visé, le manque est compensé par les revenus restants. Si elles lui sont supérieures, l'excédent est déclaré bénéfice net et réparti entre la Confédération et les cantons conformément à l'art. 99, al. 4, cst. De cette façon, le montant effectif des réserves monétaires suit d'assez près le niveau visé.

Le bénéfice annuel net déclaré par la BNS dépend directement du niveau des réserves monétaires. Si l'iniative se limitait aux 1 300 tonnes d'or non requises par la politique monétaire, l'attribution de cet or au fonds AVS pourrait être considérée comme une disposition spéciale et unique, qui suivrait la réglementation générale sur la distribution des bénéfices de l'art. 99, al. 4. Il est toutefois possible, comme il a été exposé plus haut, que l'initiative ait un autre dessein et qu'elle s'applique également aux réserves excédentaires futures. Il faut donc se demander si un éventuel excédent de réserves monétaires sera déclaré bénéfice net et réparti conformément à l'art. 99, al. 4 pour un tiers à la Confédération et pour deux tiers aux cantons ou si celui-ci sera transféré au fonds AVS, au détriment des cantons, comme réserve non requise selon le nouvel art. 99, al. 3. L'initiative ne répond pas à cette importante question. La clarification de cette question incomberait donc au législateur. Si le législateur faisait primer la disposition de l'initiative plutôt que la répartition des bénéfices en faveur des cantons de l'art. 99, al. 4, cst, cela entraînerait une réduction de la quote-part
des bénéfices destinée aux cantons. Il est difficile d'estimer si une autre disposition plus favorable au droit des cantons sur les bénéfices pourrait être adoptée. Les électeurs ne sauront donc pas au moment de la votation si l'initiative conduira à une réduction des droits cantonaux ou dans quelle mesure le droit aux bénéfices pourra être préservé. Du point de vue juridique, il est regrettable que l'initiative manque de clarté sur une question aussi importante. Du point de vue politique, l'initiative représente une menace pour les parts des bénéfices de la Banque nationale auxquelles les cantons et la Confédération ont droit.

1322

3.3

Incidences sur l'AVS

3.3.1

Le point de la situation en matière d'AVS

Le système suisse de sécurité sociale favorise la stabilité sociale et économique, et contribue de façon décisive à la paix sociale dans le pays. Il est donc un atout important de la place économique suisse.

Comme le financement de l'AVS repose sur le système dit de la répartition, le rapport entre le nombre des bénéficiaires de rente et celui des cotisants joue un rôle crucial dans l'équilibre financier de l'AVS. Cet équilibre va se modifier de plus en plus dans les décennies à venir. Les scénarios démographiques admettent en effet que l'augmentation du nombre des personnes de plus de 65 ans par rapport à la population totale de Suisse continuera à s'accélérer au cours de la première décennie du XXIe siècle. Alors qu'en l'an 2000, la proportion des bénéficiaires par rapport aux cotisants de rentes AVS était de un contre quatre, elle sera de un contre trois d'ici 2020. Ce phénomène n'est pas seulement dû à l'allongement de l'espérance de vie, mais aussi au recul de la natalité. Ce n'est qu'à partir de 2035 que le rapport entre la population active et les retraités se stabilisera à un haut niveau.

Ces tendances de l'évolution démographique jouent un rôle décisif dans les prévisions concernant les dépenses de l'AVS. Il est cependant très difficile de calculer à l'avance quels seront les besoins financiers à long terme. Ceux-ci dépendent en effet de l'évolution des recettes, qui sont à leur tour fonction du développement économique.

Le système suisse des trois piliers, où le premier pilier est constitué par l'AVS (prestations complémentaires comprises), financée selon le système de la répartition, alors que le deuxième et le troisième piliers sont financés par la capitalisation, permet une distribution optimale des risques financiers. Le premier pilier, qui comprend l'assurance-vieillesse et survivants et l'assurance-invalidité, est cependant le seul qui touche la population entière. Il serait donc très difficile de procéder à un transfert des charges du premier vers le deuxième pilier tout en respectant le mandat constitutionnel qui exige le maintien de conditions d'existence décentes pour toutes les personnes âgées domiciliées en Suisse. Même si, dans l'incertitude actuelle, on ne peut dire avec précision quels seront les besoins financiers supplémentaires, les profonds bouleversements démographiques permettent d'affirmer que ces besoins ne sauraient être couverts uniquement par la croissance économique.

3.3.2

Effets possibles

Il est pourtant difficile d'estimer la portée d'un transfert de fortune ­ ou des revenus de celle-ci ­ sur le financement de l'AVS, étant donné que celle-ci dépend de nombreux facteurs économiques, démographiques, financiers et politiques. Toutefois, sur la base des hypothèses et des calculs utilisés dans le message sur la 11e révision de l'AVS, on peut esquisser les scénarios suivants.4

4

Message concernant la 11e révision de l'assurance-vieillesse et survivants et le financement à moyen terme de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 2 février 2000, FF 2000, p. 1771 s.

1323

En admettant que le prix moyen d'un kilo d'or est 15 000 francs, la vente de 1 300 tonnes rapporterait 19,5 milliards de francs. Cette fortune pourrait être placée à un taux réel de l'ordre de 2,5 à 3,5 %. Le revenu annuel se situerait donc entre 0,5 et 0,7 milliard de francs.

D'après les hypothèses et les calculs effectués pour rédiger le message sur la 11e révision de l'AVS, les dépenses totales de l'AVS s'élèvent en moyenne à 30 milliards de francs suisses par an (chiffres de 1999).

Par conséquent, le produit de la vente des 1 300 tonnes, à savoir environ 20 milliards, correspondrait aux dépenses de l'AVS sur une durée de 8 mois. Les intérêts dégagés par la vente de 1 300 tonnes d'or permettraient donc de couvrir entre 1,6 et 2,3 % des dépenses annuelles de l'AVS, ce qui correspond, après conversion, à environ un quart ou un cinquième de point de la taxe à la valeur ajoutée (TVA).5 Au lieu de maintenir à long terme la valeur réelle du produit de la vente des réserves d'or excédentaires et de ne dépenser que les intérêts dégagés, il est aussi concevable d'engager le capital même de ces réserves pour financer l'AVS.

La question qui se pose alors est de savoir si l'utilisation des réserves d'or excédentaires permettrait de subvenir aux besoins financiers croissants de l'AVS, tels que les prévoit l'évolution des prochaines décennies.

En utilisant les 1 300 tonnes d'or, on pourrait repousser le relèvement d'un point de la TVA de 6 à 7 ans. En engageant le capital, le produit de la vente des réserves excédentaires serait toutefois épuisé en 2010 au plus tard. Une impasse financière, estimée à environ 1,5 point de TVA, apparaîtrait alors.

Etant donné l'évolution démographique décrite plus haut, le besoin d'un financement supplémentaire continuera à exister et augmentera encore jusqu'en 2035. Cela signifie que le produit de la vente de 1 300 tonnes d'or permettrait certes de repousser le relèvement de la TVA de 1,5 point, mais non d'éliminer les besoins financiers «cumulés». Sur la base des données déjà disponibles, il est en effet permis d'estimer qu'à part le relèvement de la TVA de 1,5 point proposé par le Conseil fédéral jusqu'en 2010 (11e révision de l'AVS), il faut tabler sur des besoins supplémentaires de l'ordre de 3,1 points de TVA jusqu'en 2025. En d'autres termes, il faudrait demander
à partir de 2010 non seulement le relèvement «repoussé» de 1,5 point de TVA, mais aussi une partie de l'augmentation nécessaire supplémentaire de la TVA.

Un tel relèvement de la TVA aurait des répercussions défavorables encore plus considérables sur l'évolution du renchérissement et pourrait porter préjudice à l'attrait de la place économique suisse. Résoudre un problème de politique financière de cette ampleur susciterait aussi des résistances politiques considérables et allongerait le débat sur la 12e révision de l'AVS.

3.3.3

Calculs des auteurs de l'initiative

Dans le cadre de son initiative, l'Union démocratique du centre a émis à diverses reprises des hypothèses sur le montant des réserves monétaires non requises, qu'elle

5

Cette estimation part de l'idée que le relèvement d'un point de la TVA correspond approximativement à 2,5 milliards de francs. Ce chiffre est fondé sur un relèvement linéaire des taux de TVA et tient compte de la part prévue de la Confédération.

1324

chiffre à environ 20 milliards de francs6. L'UDC suppose qu'à partir de cette somme, «il serait possible d'obtenir, entre 1,5 et 2 milliards de francs par an par des placements sûrs», ce qui équivaut à un rendement net de 7,5 à 10 %. Si l'on voulait encore maintenir la valeur réelle de la fortune, le taux de rendement devrait être pondéré selon le renchérissement. Les estimations de l'UDC correspondraient alors encore au double ou au triple de celles de l'administration fédérale (voir les considérants au chap. 3.3.2.).

L'UDC émet encore l'hypothèse qu'avec un revenu annuel de 1,5 à 2 milliards, le relèvement de la TVA pourrait être retardé jusqu'en 2008. D'après les calculs et les hypothèses de l'administration fédérale, cet objectif ne pourrait être atteint que si le capital de 20 milliards de francs résultant des réserves excédentaires était engagé.

Il faut clairement tenir compte du fait que tous les paramètres sur lesquels reposent les calculs des auteurs de l'initiative sont supérieurs môme aux suppositions les plus optimistes de l'administration fédérale. Par conséquent, le Conseil fédéral doute que les effets sur le financement de l'AVS recherchés par les auteurs de l'initiative puissent être atteints.

3.4

Appréciation de l'initiative

L'objectif déclaré des auteurs de l'initiative est d'empêcher la création de la Fondation Suisse solidaire. L'initiative s'oppose à la volonté du Conseil fédéral d'encourager la solidarité et de créer, en poursuivant la tradition humanitaire de la Suisse, une oeuvre qui contribue à combattre la violence, la misère et l'exclusion en Suisse et à l'étranger.

La proposition d'utiliser les réserves monétaires qui ne sont plus nécessaires au titre de la politique monétaire en faveur de l'AVS peut paraître admisible à première vue.

L'AVS est en effet une oeuvre sociale reconnue qui jouit d'un grand soutien et de la confiance de la population. Assurer le financement de l'AVS fait partie des tâches importantes de la politique sociale.

Or, l'initiative pourrait avoir des répercussions dans d'autres domaines. En offrant la possibilité de transférer des réserves monétaires de la BNS au fonds AVS qui dépassent le patrimoine distinct de 1300 tonnes d'or, elle accepte pour le moins que l'indépendance de la BNS, garantie par la constitution, puisse être limitée par une modification de la loi. Le Conseil fédéral craint donc que l'acceptation de l'initiative soit interprétée par les milieux financiers comme une restriction de l'autonomie de la BNS. Une telle appréciation aurait certainement des répercussions négatives pour l'économie.

En outre, l'initiative est formulée de telle manière, qu'elle pourrait entraîner des conflits avec les droits qu'ont notamment les cantons, selon la législation en vigueur, sur les bénéfices de la BNS. L'initiative donne également l'impression, à tort, qu'elle contribue de manière durable au financement de l'AVS. Il se pourrait qu'elle soit utilisée comme un prétexte pour retarder les adaptations structurelles nécessaires du financement de l'AVS. Elle aurait alors pour effet de rendre nécessaire à plus

6

Conférence de presse du 28 septembre 2000 de l'Union démocratique du centre à l'occasion de l'aboutissement de l'initiative sur l'or, exposé du conseiller national Toni Bortoluzzi.

1325

longue échéance une adaptation qui serait beaucoup plus difficile à supporter pour l'économie.

En conclusion, le Conseil fédéral constate que l'initiative sur l'or comprend de nombreux défauts; elle veut affecter l'ensemble des réserves monétaires à un seul but et elle est en premier lieu un instrument pour empêcher la création de la Fondation Suisse solidaire. Pour ces motifs, le Conseil fédéral refuse l'initiative.

Il est cependant disposé à encourager l'élaboration d'une solution qui bénéficie d'un large appui politique et qui prévoit l'utilisation d'une partie des réserves monétaires excédentaires en faveur de l'AVS. Il est tout à fait envisageable d'utiliser une partie des revenus provenant des réserves monétaires comme source de financement supplémentaire de l'AVS afin d'en arriver à une solution politiquement équilibrée.

4

Autres affectations

4.1

Point de la situation

A l'heure actuelle, l'utilisation des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse fait l'objet d'une multitude de projets qui se trouvent à des stades d'élaboration différents: -

Le 17 mai 2000 déjà, le Conseil fédéral a approuvé à l'intention du Parlement le message concernant la disposition transitoire relative à l'art. 99, cst., et le projet de loi concernant la fondation.

-

Fin octobre, la consultation ayant pour objet les propositions du Conseil fédéral de juin 2000 pour l'utilisation des 800 tonnes d'or restantes a été clôturée. Le 24 janvier 2001, le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats de cette procédure.

-

L'initiative sur l'or dépose par l' UDC représente par conséquent une alternative aux propositions du Conseil fédéral et du Parlement au sujet de l'utilisation des réserves de la Banque nationale qui ne sont plus requises pour la politique monétaire.

-

En outre, plusieurs propositions concernant l'utilisation des réserves d'or excédentaires ont êté déposés à l'occasion de l'examen préalable du message relatif à la 11e révision de l'AVS.

4.2

Examen préalable du message du Conseil fédéral du 17 mai 2000 par la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E), chargée de l'examen préalable du message du Conseil fédéral de mai 2000, est entrée en matière le 11 septembre 2000. Dans sa décision du 19 octobre 2000, elle a exprimé le désir de développer la simple norme de compétence telle que la propose le Conseil fédéral dans sa disposition transitoire relative à l'art. 99, cst, pour régir, par la Constitution, l'utilisation de l'ensemble des réserves d'or de 1300 tonnes. La CER-E souhaite soumettre cette disposition transitoire élaborée au vote du peuple en tant que contre-projet direct comprenant une question subsidiaire.

1326

Le 2 février 2001, la CER-E a adopté à l'unanimité une première décision de principe concernant l'utilisation des réserves d'or excédentaires. La proposition de la CER-E prévoit que les 1300 tonnes d'or que la Banque nationale considère comme excédentaires seront transférées dans un fonds indépendant relevant du droit public.

La valeur réelle de cette fortune doit être maintenue. Il est prévu de gérer cette fortune pendant 30 ans. Les rendements qui en découlent doivent être versés à parts égales à l'AVS, aux cantons et à une fondation instaurée par la loi.

La CER-E est d'avis qu'il faut laisser aux générations futures le choix concernant l'utilisation de ce patrimoine une fois les 30 ans écoulés. Le peuple et les cantons seront alors libres de décider s'il faut conserver le fonds et son utilisation ou s'il faut les redéfinir. A défaut, la décision de principe de la CER-E prévoit de répartir le capital du fonds à la Confédération et aux cantons selon la clé de répartition des bénéfices fixée à l'art. 99, al. 4, cst.

4.3

Propositions et position du Conseil fédéral

En raison des intentions exprimées au Parlement de concrétiser la disposition transitoire relative à l'art. 99, cst., le Conseil fédéral renonce pour l'instant à préparer un acte législatif concernant l'utilisation des 800 tonnes excédentaires. Il exposera son point de vue à l'occasion des débats parlementaires.

Si le Parlement devait revenir sur l'intention initiale du Conseil fédéral de régler l'utilisation au niveau de la loi, le Conseil fédéral élaborera les messages et les projets de loi nécessaires.

Le Conseil fédéral accueille favorablement la volonté du Parlement de réunir en un seul projet les différents aspects de la question de l'utilisation de la fortune spéciale de 1300 tonnes d'or. Le Conseil fédéral approuve également la direction choisie par la CER-E dans les décisions qu'elle a prises lors de ses séances du 1er et du 2 février 2001 en première lecture. L'idée que l'AVS et les cantons ainsi que la Fondation Suisse solidaire, soient, dans le cadre d'une solution globale, les bénéficiaires des revenus dégagés par la fortune de 1300 tonnes d'or lui paraît convenable.

Cependant, il estime qu'une répartition en faveur de trois bénéficiaires ne signifie pas nécessairement que les rendements doivent être attribués à parts égales.

A son avis, il faut tenir compte des conditions-cadres suivantes lors de l'élaboration de la nouvelle solution: -

Le Conseil fédéral maintient son intention de créer une Fondation Suisse solidaire et de la doter de moyens financiers qui correspondent au rendement de la gestion d'une fortune de 500 tonnes d'or, sans toutefois dépasser 7 milliards de francs.

-

Le Conseil fédéral approuve la proposition de maintenir le capital de la fortune spéciale de 1 300 tonnes d'or et de limiter l'utilisation des revenus à 30 ans. Il a déjà prévu ce principe dans le projet de loi sur la fondation.

-

Le Conseil fédéral s'oppose à régler dès à présent l'utilisation de la fortune après échéance du délai de 30 ans. Il ne faut pas limiter la liberté d'action des générations futures. Les actes juridiques devront être conçus de manière à permettre aussi la continuation de la Fondation Suisse solidaire.

1327

-

Le Conseil fédéral est d'avis que tant l'AVS que les cantons devraient pouvoir être, ceci dans une certaine mesure, parties prenantes dans le cadre de la solution globale.

-

Le Parlement devra décider du montant et de l'utilisation de la part de la fortune spéciale destinée à l'AVS. Le Conseil fédéral est d'avis que les réglementations correspondantes pourraient être prévues au niveau de la loi. Il faut éviter de rattacher la disposition transitoire relative à l'art. 99, cst., à des dispositions concernant la 11e révision de l'AVS.

5

Réforme de la péréquation et de la répartition des tâches (RPT, ex-NPF)

Ni l'initiative sur l'or ni le projet du Conseil fédéral concernant l'utilisation des réserves d'or excédentaires de la BNS n'affectent les buts de la RPT, qui sont d'éclaircir la répartition des compétences au sein de l'Etat fédéral, de favoriser de nouvelles formes de coopération et de financement entre la Confédération et les cantons, enfin de promouvoir la collaboration intercantonale.

6

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

6.1

Conséquences financières

Si l'art. 99, al. 3a, cst, ou une disposition transitoire relative à l'art. 99, cst, était accepté, la clé de répartition des bénéfices de la banque centrale (art. 99, al. 4, cst), qui accorde deux tiers aux cantons et un tiers à la Confédération, serait invalidée pour ce qui est du montant non requis pour la politique monétaire voire pour le volume des réserves d'or dont il est question. L'ampleur du manque à gagner subi par les cantons et la Confédération dépendent du choix de l'affectation de l'or excédentaire. Si l'iniative sur l'or est acceptée, les cantons seront perdants.

6.2

Effets sur l'état du personnel

L'approbation de l'initiative sur l'or n'aura pas de conséquences directes sur l'effectif du personnel de la Confédération. Des effets pourraient se faire sentir dans un deuxième temps, mais ils dépendent de la loi d'exécution. Ces conséquences doivent être exposées dans le cadre de messages.

7

Conséquences économiques

Si le transfert des réserves monétaires au fonds AVS est limité à un montant qui équivaut à la contre-valeur de 1300 tonnes d'or, la liberté d'action en matière de politique monétaire n'est pas entravée, car ce montant représente les réserves monétaires que la Banque nationale a expressément désignées comme étant superflues.

Si la disposition transitoire proposée par les auteurs de l'initiative devait cependant entraîner des transferts répétés de réserves monétaires au fonds AVS, décidés par le 1328

législateur, l'indépendance de la BNS et sa liberté d'action en matière de politique monétaire seraient restreintes, ce qui aurait des répercussions négatives sur l'économie.

La vente des 1300 tonnes d'or ne devrait pas entraîner d' effets majeurs sur l'évolution des cours de changes et de l'inflation, car la BNS écoule pas ces réserves d'or non à une fois, mais petit à petit en réinvestissant le produit de la vente en titres suisses et étrangers. Comme le transfert de la fortune au fonds AVS pourrait se faire sous la forme d'un portefeuille de titres avec des placements en Suisse et à l'étranger, cette transaction n'aurait aucune incidence sur les cours de changes et le développement de la masse monétaire.

8

Conclusions

Les réserves monétaires qui ne sont plus requises au titre de la politique monétaire représentent un patrimoine dont l'utilisation doit être décidée par le peuple et les cantons. Il s'agit d'une fortune appartenant au peuple, accumulée par les anciennes générations et qui est maintenant disponible pour servir d'autres buts publics. Avec ses propositions, le Conseil fédéral recherche une solution équilibrée qui tient compte des besoins des différentes couches de la population.

Selon l'opinion du Conseil fédéral, la Fondation Suisse solidaire doit marquer le renouveau de la solidarité et de la cohésion sociale pour l'avenir. Par ailleurs, le Conseil fédéral estime qu'il est approprié d'inclure l'AVS et les cantons dans la répartition des revenus provenant des réserves monétaires. Il recherche une solution globale équitable incluant la Confédération et les cantons, tenant compte des intérêts des différents groupes d'âge et laissant également une liberté d'action aux générations futures. Une telle solution mérite l'approbation du peuple et des cantons.

Par contre, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire «pour le versement au fonds AVS des réserves d'or excédentaires de la Banque nationale suisse (Initiative sur l'or)» déposée par l'UDC, car elle cherche à attribuer unilatéralement l'ensemble des réserves monétaires, en incluant aussi les réserves futures, et parce qu'elle représente un danger pour l'indépendance de la BNS et partant, pour la stabilité de la Suisse du point de vue de la politique financière et monétaire.

1329