01.038 Message relatif à la Convention entre la Suisse et le Maroc sur le transfèrement des personnes condamnées et à une modification de la loi sur l'entraide pénale internationale du 15 juin 2001

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre par le présent message, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation de la Convention, signée le 14 juillet 2000, entre la Suisse et le Royaume du Maroc sur le transfèrement des personnes condamnées, ainsi qu'un projet de modification de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP).

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 juin 2001

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Moritz Leuenberger La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2001-0289

4479

Condensé La Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signée avec le Maroc le 14 juillet 2000, donne aux ressortissants suisses et marocains emprisonnés la possibilité de subir désormais dans leur pays d'origine la condamnation qui leur a été infligée par l'autorité étrangère. Cette Convention remplit essentiellement un but humanitaire, à savoir permettre à la personne condamnée d'accomplir sa peine dans un environnement familier et dans des conditions facilitant sa réinsertion sociale.

La présente Convention n'établit aucune obligation de transfèrement. Les deux Etats Parties sont libres de donner suite ou non à une demande de transfèrement. La personne condamnée ne peut déduire de la Convention le droit d'accomplir la peine infligée dans son pays d'origine. Enfin, le transfèrement nécessite l'approbation des deux Etats Parties et de la personne condamnée.

La Convention poursuit le même objectif que la Convention du Conseil de l'Europe (no 112) du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, à laquelle la Suisse a adhéré en 1988 (RS 0.343). Les points fondamentaux de la Convention du Conseil de l'Europe ont été adoptés dans la Convention avec le Maroc. Cette dernière contient à titre complémentaire une disposition sur les motifs de refus et prévoit une application provisoire jusqu'à son entrée en vigueur.

La mise en oeuvre de la Convention est régie par les dispositions en la matière de la loi sur l'entraide pénale internationale (EIMP; RS 351.1).

Dans l'optique de nouvelles Conventions sur le transfèrement, une modification de l'EIMP institue une règle de compétence permettant à l'avenir au Conseil fédéral de conclure de son propre chef ce genre d'accords.

4480

Message 1

Partie générale

1.1

Point de la situation

Les conditions de détention dans une prison étrangère peuvent représenter une charge pour les détenus confrontés à une culture et à une langue différentes. En effet, les détenus étrangers se sentent souvent défavorisés par rapport aux autres prisonniers du fait des barrières linguistiques et culturelles. Leurs possibilités de réinsertion sociale en sont réduites d'autant.

La Convention du Conseil de l'Europe (no 112) du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées (ci-après Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement) donne aux détenus étrangers, condamnés sur le territoire d'un Etat Partie, la possibilité de retourner dans leur pays d'origine pour y accomplir leur peine. La Suisse y a adhéré en 19881. L'objectif de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement est de favoriser la réinsertion sociale, dans leur pays d'origine, des personnes condamnées.

La Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement est également ouverte aux Etats non membres du Conseil de l'Europe2, raison pour laquelle la Suisse aurait souhaité que le Maroc y adhère. Ce dernier a toutefois donné la préférence à un accord bilatéral avec la Suisse. La Convention avec le Maroc permettra donc désormais aux détenus suisses et marocains d'accomplir leur peine dans leur pays d'origine3.

1.2

Déroulement des négociations

La voie multilatérale par le biais de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement ayant été exclue et le Maroc persistant à vouloir signer un accord bilatéral, la cheffe du Département fédéral de justice et police a décidé d'entamer les pourparlers de négociation avec le Maroc fin 1999.

Une première série d'entretiens a eu lieu à Rabat début février 2000 entre représentants des Ministères de la justice et des affaires étrangères. Un projet d'Accord, élaboré par la Suisse, ainsi que la Convention de transfèrement signée entre le Maroc et les Pays-Bas ont servi de base de discussion. Un projet de Convention a été élaboré à partir de ces deux textes. Une seconde série de discussions, à Berne cette fois, a permis de se mettre d'accord sur tous les points en suspens de sorte que la Convention a été paraphée en mars 2000.

La signature de la Convention a eu lieu le 14 juillet 2000 à Rabat.

1 2

3

RS 0.343 Les Etats non européens suivants ont adhéré à la Convention: Arménie, Azerbaïdjan, Bahamas, Canada, Chili, Costa Rica, Etats-Unis, Israël, Panama, Tonga, Trinidad et Tobago (état mars 2001).

Fin 2000, cinq Marocains accomplissaient leur peine en Suisse notamment pour des actes de violence. Un Suisse purgeait au Maroc une peine privative de liberté de 20 ans d'emprisonnement.

4481

2

Partie spéciale

2.1

Commentaire relatif à la Convention

La Convention avec le Maroc crée la base légale permettant à l'avenir aux détenus suisses et marocains d'accomplir dans leur pays d'origine la peine étrangère. La Convention a essentiellement un but humanitaire et permettra d'améliorer, pour les détenus étrangers, les possibilités de réinsertion dans leur pays d'origine.

En vertu de la Convention, les deux Etats sont habilités à consentir à l'exécution d'une peine étrangère. La Convention ne renferme aucune obligation de transfèrement d'une personne condamnée, ni ne donne à une personne condamnée le droit de revenir dans son pays pour y accomplir sa peine. Les Etats Parties sont libres de donner ou non suite à une demande de transfèrement. La condition fondamentale pour le transfèrement est que l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution, ainsi que la personne condamnée, donnent leur consentement.

La Convention est conforme à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement en vigueur entre près de 50 pays, européens et non européens. La Convention entre la Suisse et le Maroc renferme à titre complémentaire une disposition comprenant des motifs de refus (art. 3). Par ailleurs, la Convention peut être appliquée à titre provisoire dès sa signature (art. 24). Cette règle repose sur la Convention de Vienne sur le droit des traités4, dont l'art. 25 prévoit expressément une application à titre provisoire jusqu'à l'entrée en vigueur. Avec le Maroc, une application anticipée s'impose essentiellement pour des raisons humanitaires et politiques: au printemps 2000, le roi Mohammed VI a accordé une réduction de peine de dix ans à un Suisse condamné à 20 ans de prison au Maroc pour possession illégale d'armes et violation de la sécurité de l'Etat. Ce geste du Maroc justifie une application rapide de la Convention.

La mise en oeuvre de la Convention est basée sur la première et la cinquième parties de la loi sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP)5 et sur les textes de loi cantonaux afférents. Les dispositions de l'EIMP sont applicables par analogie dans la mesure où la Convention n'en dispose pas autrement. Cette réglementation correspond à celle de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement6.

Nous nous limitons à commenter les dispositions fondamentales et à attirer l'attention sur les divergences essentielles par rapport à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

4 5 6

RS 0.111 RS 351.1 Voir à ce propos le message du 29 octobre 1986 concernant la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, ch. 124 (FF 1986 III 743).

4482

2.2

Art. 1

Commentaire des dispositions fondamentales de la Convention Définitions

Les let. a à d correspondent à celles figurant dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement. La let. e, qui est nouvelle, a été intégrée à la Convention uniquement pour des raisons de clarté.

Art. 2

Principes

Le par. 1 circonscrit le cadre de la coopération. Il donne aux deux Etats la possibilité de transférer une personne condamnée sur le territoire sur lequel s'exerce la souveraineté de l'autre Etat Partie pour y subir la sanction infligée. Cette disposition ne fonde aucune obligation de transférer ou d'accepter l'exécution d'une peine. La personne condamnée ne peut en déduire le droit d'accomplir dans son pays d'origine (Etat d'exécution) la peine qui lui a été infligée à l'étranger.

Le par. 2 établit que la personne condamnée ou son représentant légal doit prendre l'initiative du transfèrement.

Le par. 3 accorde à l'Etat de condamnation et à l'Etat d'exécution la possibilité de déposer une demande de transfèrement.

Art. 3

Motifs de refus

L'art. 3 détermine les cas dans lesquels l'Etat de condamnation ou l'Etat d'exécution peut refuser une demande de transfèrement. La Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement ne contient pas ce genre de disposition. Celle-ci a pour but d'éviter les demandes qui n'ont aucune chance de succès et les frais inutiles occasionnés par une procédure de transfèrement.

Les let. f, i et j ont été ajoutées à la demande du Maroc. Les autres lettres correspondent aux motifs classiques de refus: lorsque la condamnation prononcée à l'étranger se rapporte à des infractions politiques, fiscales ou militaires (let. a et b), lorsque le transfèrement est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels d'un Etat Partie (let. c), lorsque le transfèrement a pour conséquence une double poursuite ou une double condamnation (let. d, e et h), ou enfin lorsqu'il y a prescription de la sanction (let. g).

Art. 4

Conditions du transfèrement

Les possibilités de transfèrement énumérées aux let. a, b, e et f correspondent à celles figurant dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Selon la let. c, la durée de la sanction qu'il reste encore à accomplir dans l'Etat de condamnation doit être d'une année au moins à compter de la présentation de la demande. Dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement, cette durée minimale est de six mois. Pour ce qui est du Maroc, une durée de peine minimale plus longue se justifie du fait que l'issue positive et le coût du transfèrement devraient être en rapport avec le but visé. Etant donné les différences culturelles, les tentatives de réinsertion sociale de la personne condamnée ne peuvent trouver une

4483

issue positive que s'il reste encore une peine suffisamment longue à accomplir.

S'inspirant de l'art. 3, al. 2, de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement, les Etats Parties peuvent convenir d'une durée minimale plus courte dans des cas exceptionnels.

La let. d précise que la personne condamnée ou son représentant légal doit consentir au transfèrement en étant pleinement conscient des conséquences juridiques qui en découlent. Il convient de lire cette disposition en relation avec l'art. 8 et le chapitre III de la Convention. Elle correspond par analogie à l'art. 7, par. 1, de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Art. 5

Voies de communication

Cette disposition réglemente les détails de la procédure de transfèrement. Elle est complétée par les art. 6 et 7.

Les demandes de transfèrement sont désormais traitées par l'Office fédéral de la justice (OFJ)7, lequel statue sur le dépôt et l'acceptation des demandes de transfèrement, d'entente avec les autorités cantonales d'exécution8.

Art. 8

Vérification du consentement

Le consentement de la personne condamnée est l'une des conditions fondamentales du transfèrement. Une réinsertion sociale réussie dans l'Etat d'exécution n'est réaliste que si la personne condamnée donne son consentement sans qu'il soit fait pression sur elle ni qu'elle agisse en méconnaissance des conséquences concrètes du transfèrement. L'art. 8 donne à l'Etat d'exécution la possibilité de vérifier, par l'intermédiaire d'une personne de confiance (p. ex. un représentant de l'Ambassade), que le consentement a été donné volontairement et en pleine connaissance des conséquences juridiques qui en découlent. Il convient en particulier d'attirer l'attention de la personne condamnée sur le fait qu'elle ne bénéficiera pas de la protection découlant du principe de la spécialité. En d'autres termes, elle peut être jugée et condamnée dans l'Etat d'exécution pour des infractions qui ne constituent pas l'objet de la condamnation prononcée par l'Etat étranger. En outre, elle doit être informée du fait qu'elle devra, selon les circonstances, accomplir dans l'Etat d'exécution une peine plus longue que celle qu'elle aurait dû y accomplir si elle y avait été jugée pour la même infraction. Par ailleurs, il convient d'indiquer à la personne condamnée les suites financières possibles du transfèrement, en vertu de l'art. 13, al. 4.

Art. 9

Révocation du consentement

La Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement ne réglemente pas la question de savoir si la personne condamnée peut revenir sur son consentement. La Suisse a déclaré à propos de l'art. 7, al. 1, qu'elle considère le consentement au transfèrement comme irrévocable dès le moment où, en raison de l'accord des Etats 7

8

Suite à la réorganisation de l'Office fédéral de la police, la Division chargée de l'entraide internationale a été rattachée à l'Office fédéral de la justice en date du 1er juillet 2000 (art. 7, al. 6a, de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du DFJP; RS 172.213.1).

Art. 17, al. 2, et 30, al. 2, EIMP (RS 351.1)

4484

concernés, l'Office fédéral de la police a statué sur le transfèrement9. Cette déclaration de la Suisse repose sur l'art. 6 de l'ordonnance sur l'entraide pénale internationale (OEIMP)10 qui prévoit une possibilité de révocation limitée dans le temps lorsqu'un détenu emprisonné en Suisse a donné son consentement à l'exécution de sa peine à l'étranger.

L'art. 9 reprend ce principe. Il établit clairement que la personne condamnée ne peut plus révoquer son consentement lorsque l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution se sont accordés sur le transfèrement. L'objectif principal de cette réglementation est d'éviter aux Etats Parties des frais et démarches procédurales inutiles. Il serait disproportionné que la personne condamnée puisse soudain changer d'avis en dernière minute, par exemple au moment de monter dans l'avion, après avoir mis en route toute la procédure de transfèrement et une fois prises par les Etats Parties toutes les mesures nécessaires au transfèrement. Si la Suisse reçoit une demande de transfèrement, le consentement de la personne condamnée est considéré comme définitif après l'approbation de la demande par l'OFJ.

Art. 11

Dispense de légalisation

L'art. 11 exclue expressément la légalisation des demandes de transfèrement et des documents transmis. Cette disposition a pour but une simplification de la procédure.

Art. 13

Escorte et frais

Selon le par. 1, l'Etat d'exécution doit prendre en charge l'escorte. Cette réglementation, qui a été intégrée à la Convention sur demande du Maroc, n'est pas véritablement nouvelle pour la Suisse. Elle correspond en effet à la pratique en vigueur.

Les par. 2 et 3 réglementent la répartition des frais de manière usuelle. En principe, l'Etat d'exécution prend à sa charge les frais de transfèrement et d'escorte. Il s'agit avant tout des frais de voyage par voie aérienne. Dans certains cas particuliers, les Etats Parties peuvent déroger à cette règle. L'Etat de condamnation supporte les frais exclusivement occasionnés sur son territoire, dont font notamment partie les frais d'exécution. Lorsque la Suisse est Etat d'exécution, les frais de transfèrement sont à la charge du canton qui exécute la sanction prononcée au Maroc11.

Le par. 4 donne à l'Etat d'exécution la possibilité de se faire rembourser les frais de transfèrement, ou tout au moins une partie, par la personne condamnée. L'accord de transfèrement avec la Thaïlande renferme une réglementation semblable12.

Art. 14

Effets dans l'Etat de condamnation

Une importante conséquence du transfèrement est que l'Etat de condamnation conserve son droit à l'exécution aussi longtemps que l'exécution de la condamnation dans l'Etat d'exécution n'est pas terminée. L'art. 14 précise ce principe et doit être lu en relation avec l'art. 10 qui impose un devoir d'information à l'Etat d'exécution.

9 10 11 12

RS 0.343; message concernant la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, ch. 2 (FF 1986 III 750).

RS 351.11 Voir à ce propos le message concernant la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, ch. 3 (FF 1986 III 751).

Art. 13, al. 3 (FF 1999 4036)

4485

Selon le par. 1, le droit d'exécution de l'Etat de condamnation est suspendu durant l'exécution de la peine dans l'Etat d'exécution. Si l'exécution de la peine est rendue impossible dans l'Etat d'exécution, par exemple en raison de la fuite de la personne condamnée, l'Etat de condamnation récupère son droit d'exécuter le reste de la peine à accomplir.

Le par. 2 établit que le droit de l'Etat de condamnation à l'exécution de son jugement ne s'éteint que lorsque l'exécution de la peine est terminée dans l'Etat d'exécution.

Art. 15

Effets dans l'Etat d'exécution

Un transfèrement a comme conséquence principale la poursuite de l'exécution de la sanction prononcée par l'Etat étranger dans l'Etat d'exécution. Le principe de la poursuite de l'exécution de la peine, inscrit au par. 1, correspond à la procédure choisie par la Suisse lors de la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement13. Concrètement, cela signifie que l'Etat d'exécution n'examine plus le jugement pénal étranger sous l'angle des faits et de la culpabilité, mais exécute la sanction conformément à son ordre juridique.

Les par. 2 et 3 règlent les détails de l'exécution de la peine. Le par. 2 contient la réglementation de principe selon laquelle l'Etat d'exécution reprend le jugement pénal étranger et exécute la sanction prononcée dans l'Etat de condamnation. Le par. 3 permet à l'Etat d'exécution d'adapter la sanction rendue à l'étranger lorsque la nature ou la durée de celle-ci ne sont pas compatibles avec son propre droit. Cette réglementation est, par analogie, conforme à l'art. 10 de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Le par. 4 établit clairement que l'exécution de la sanction se base, après le transfèrement, sur le droit de l'Etat d'exécution. Cette disposition s'appuie sur l'art. 9, al. 3, de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Art. 16

Conséquences du transfèrement

En ce qui concerne la situation de droit pénal de la personne condamnée, le transfèrement a deux conséquences essentielles.

Le par. 1 interdit à l'Etat d'exécution de poursuivre et de sanctionner une seconde fois la même personne. L'Etat d'exécution ne peut donc plus introduire de procédure pénale contre la personne condamnée ni émettre de jugement pénal pour les faits à la base du jugement pénal étranger.

En vertu du par. 2, la personne condamnée ne bénéficie pas d'une protection liée au principe de la spécialité dans l'Etat d'exécution. Cela signifie concrètement que l'Etat d'exécution peut la poursuivre et la juger pour des faits qui ne constituent pas l'objet du jugement pénal rendu à l'étranger.

Cette disposition, qui ne figure pas dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement, a été intégrée à la Convention pour des raisons de clarté. Elle a pour

13

Lorsque la Suisse est l'Etat d'exécution, elle poursuit immédiatement l'exécution de la condamnation en vertu de l'art. 9, let. a, de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées.

4486

but de montrer à la personne condamnée les conséquences qu'un transfèrement peut avoir pour elle.

Art. 17

Cessation de l'exécution de la sanction

Selon le par. 1, l'Etat de condamnation doit informer l'Etat d'exécution de toute décision mettant fin à l'exécution, par exemple lorsque la personne condamnée est graciée, amnistiée ou lorsque le jugement est révisé. Le devoir d'information de l'Etat de condamnation, qui ne figure pas dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement, est le pendant du devoir d'information de l'Etat d'exécution figurant à l'art. 10.

Selon le par. 2, l'Etat d'exécution est tenu de libérer la personne condamnée de l'exécution de la peine dès qu'il a été informé par l'Etat de condamnation.

Art. 18

Grâce et amnistie

Conformément à cette disposition, tant l'Etat de condamnation que l'Etat d'exécution ont le droit de modifier la sanction par une amnistie ou une mesure de grâce. Par contre, seul l'Etat de condamnation peut statuer sur une révision du jugement pénal (art. 19).

Art. 20

Transit

L'art. 20 réglemente le cas où la personne condamnée doit être transportée dans un pays tiers par l'un des Etats Parties et, ce faisant, traverse le territoire de l'autre Etat Partie. Cette disposition est moins complète que l'art. 16 de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement. Elle se limite aux points essentiels parce que la portée pratique du transit sera probablement réduite dans le contexte du Maroc.

Art. 24

Application provisoire et entrée en vigueur

C'est la première fois que la possibilité, prévue au par. 1, d'appliquer la Convention de manière provisoire dès sa signature figure dans un Accord relatif à la coopération judiciaire internationale en matière pénale. La Convention de Vienne sur le droit des traités autorise expressément l'application provisoire de traités14. En droit constitutionnel suisse, cette possibilité est également reconnue. Dans la mesure où la protection d'importants intérêts suisses crée une urgence particulière, le Conseil fédéral a la compétence de conclure un traité et d'ordonner son application immédiate15.

Jusqu'à présent, le Conseil fédéral a surtout fait usage de cette possibilité dans le domaine économique. Selon la pratique en vigueur, une application provisoire se justifie dans les cas d'urgence particulière et lorsqu'il est impossible d'attendre la fin de la procédure parlementaire ordinaire d'approbation. L'application provisoire pouvant être interrompue à tout moment, la compétence parlementaire d'approbation ne s'en trouve toutefois pas compromise16.

14 15 16

Art. 25 (RS 0.111) JAAC 1987, 51/IV, no 58, p. 381 Voir à ce propos le rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 7 mai 1999 relative à l'adaptation de la LREC à la nouvelle cst, ch. 318.5 (FF 1999 4492).

4487

Dans le cas de la Convention avec le Maroc, une application provisoire s'imposait pour deux raisons: l'objectif de la réinsertion sociale, à la base de la Convention, devrait être réalisé aussi rapidement que possible. Etant donné qu'un laps de temps assez long peut séparer la signature de la Convention de son approbation par le Parlement, le transfèrement de ressortissants suisses qui purgent à l'étranger une peine privative de liberté dans des conditions humainement difficiles ne doit pas dépendre de la durée de la procédure parlementaire17. En outre, le fait que le roi Mohammed VI ait accordé, au printemps 2000, une réduction de peine de dix ans à un Suisse qui accomplissait au Maroc une peine de 20 ans d'emprisonnement plaidait en faveur de l'application provisoire de la Convention. Il était dans l'intérêt de la Suisse d'honorer ce geste du Maroc par une application rapide de la Convention.

2.3

Appréciation de la Convention

Le Maroc est le premier Etat arabe avec lequel la Suisse conclut une convention de transfèrement. Cette convention qui, pour l'essentiel, poursuit un objectif humanitaire, pourrait montrer la voie à d'autres pays non européens dans lesquels des ressortissants suisses purgent une peine privative de liberté. La question se pose donc de savoir si la conclusion de ce genre de conventions sur le transfèrement ne devrait pas à l'avenir ressortir de la compétence du Conseil fédéral. Par exemple, dans le domaine de l'obligation de visa, de la réadmission et du transit des personnes en situation de séjour irrégulière en Suisse, ainsi que dans le domaine de la formation professionnelle et du perfectionnement, l'Assemblée fédérale a décidé d'une telle délégation de compétence au Conseil fédéral18. La même mesure s'impose pour le transfèrement des personnes condamnées19.

3

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel, conséquences économiques

3.1

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour la Confédération

La Convention fait naître pour la Suisse de nouvelles obligations dans le domaine du transfèrement de personnes condamnées. La mise en oeuvre de la Convention se traduira par un surcroît de travail pour l'OFJ. Ce supplément de tâches dépendra du nombre de demandes de transfèrement. Une éventuelle augmentation des effectifs sera, dans la mesure du possible, réglée au sein du département.

17 18

19

Le Traité sur le transfèrement avec la Thaïlande a été signé en novembre 1997 et approuvé par le Parlement en juin 2000.

Nouvel art. 25b, al. 1, LSEE (RS 142.20); message du 4 décembre 1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, ch. 228 (FF 1996 II 126).

Voir ch. 7.

4488

3.2

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel pour les cantons

Il est difficile d'estimer les conséquences au niveau des cantons. Le surcroît de travail et l'augmentation des coûts d'exécution auxquels les cantons devront s'attendre dépendra surtout du fait qu'ils devront ou non exécuter des jugements pénaux marocains assortis de longues peines privatives de liberté. On ne peut actuellement chiffrer ces coûts supplémentaires car il est difficile de prévoir l'évolution des cas de transfèrement avec le Maroc. Dans ce contexte, il sera également déterminant de savoir dans quelle mesure les cantons pourront répercuter sur les détenus concernés les frais de transfèrement en vertu de l'art. 13, al. 4, de la Convention.

3.3

Conséquences économiques

La Convention n'a aucune répercussion au niveau économique en Suisse.

4

Programme de la législature

La Convention figure dans le rapport du 1er mars 2000 sur le Programme de la législature 1999-200320.

5

Relation avec le droit européen

En concluant la Convention européenne sur le transfèrement en 1983, les Etats membres du Conseil de l'Europe ont exprimé le fait que les considérations de souveraineté ne doivent plus constituer un obstacle à la reconnaissance de l'obligation d'être juridiquement lié par des jugements pénaux étrangers. La Convention a pour but de donner au pays d'origine la possibilité d'exécuter un jugement pénal qui a été prononcé dans un Etat étranger. La Convention européenne (no 70) du 28 mai 1970 sur la valeur internationale des jugements répressifs poursuit le même objectif. Alors que la Convention de 1970 n'a été ratifiée que par un petit nombre de pays, près de 50 Etats ­ dont la Suisse ­ ont adhéré à la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement21.

La Convention avec le Maroc va dans le même direction que les deux Conventions du Conseil de l'Europe. Elle contient tous les principes importants inscrits dans la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement et est conforme à la réglementation européenne.

20 21

FF 2000 2223 Fin 2000, dix Etats avaient ratifié la Convention de 1970 (Autriche, Chypre, Danemark, Espagne, Islande, Littuanie, Norvège, Pays-Bas, Suède et Turquie).

4489

6

Constitutionnalité

En vertu de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.), la Confédération est compétente en matière de relations extérieures. La conclusion de traités internationaux est donc de son ressort. L'approbation de traités de droit international public par l'Assemblée fédérale repose sur l'art. 166, al. 2, Cst.

Les traités de droit international public sont sujets au référendum facultatif en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst. lorsqu'ils sont de durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qu'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale ou qu'ils entraînent une unification multilatérale du droit. La Convention avec le Maroc ne remplit pas ces conditions: certes elle est conclue pour une durée indéterminée, mais peut être dénoncée en tout temps par chaque Partie. En outre, elle ne prévoit ni l'adhésion à une organisation internationale, ni une unification multilatérale du droit.

Pour ces raisons, la décision d'approbation de l'Assemblée fédérale n'est pas sujette au référendum facultatif.

7

Norme de compétence relative à la conclusion des conventions bilatérales sur le transfèrement (art. 8a EIMP [nouveau])

Dans la perspective de nouvelles Conventions sur le transfèrement avec des Etats dans lesquels des ressortissants suisses accomplissent une peine privative de liberté, il se justifierait que le Conseil fédéral puisse conclure à l'avenir de sa propre compétence de telles conventions bilatérales qui demeurent dans le cadre de la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement. La règle de délégation de compétence nécessaire est créée à l'art. 8a EIMP.

En vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., il incombe par principe à l'Assemblée fédérale d'approuver les traités internationaux. Toutefois, dans certains cas, le Conseil fédéral a la compétence de conclure lui-même des traités. Il en est ainsi lorsque l'Assemblée fédérale a délégué la compétence de conclure des traités internationaux au Conseil fédéral, notamment pour des traités de portée mineure. L'habilitation à conclure des traités internationaux doit être réglée dans une loi fédérale ou dans un traité international approuvé par l'Assemblée fédérale. Ce principe est précisé à l'art.

47bisb, al. 2, de la loi sur les rapports entre les conseils22. Le transfert au Conseil fédéral de la compétence en matière de conclusion des traités a pour objectif de décharger l'Assemblée fédérale d'une multitude de traités bilatéraux qui concernent un domaine spécifique, essentiellement de caractère technique, et se limitent à une matière clairement définie. La condition matérielle d'acceptation d'une telle délégation est qu'il ne s'agit pas de délégations en blanc et qu'il existe des critères aussi précis que possible quant au contenu des traités. L'Assemblée fédérale préserve ainsi ses droits de participation à la conclusion de traités qui ne sont pas seulement de nature formelle mais en principe aussi de nature matérielle23.

22 23

RS 171.11 FF 1999 4489; voir aussi le message du 24 mai 1963 concernant la conclusion de traités relatifs à la protection et à l'encouragement des investissements de capitaux (FF 1963 I 1219)

4490

Ces conditions sont réalisées dans le cas des conventions sur le transfèrement des personnes condamnées. Ce sont des conventions standards qui reprennent, pour l'essentiel, les principes du droit international public en vigueur que la Suisse a reconnus en ratifiant la Convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement.

Bien entendu, le Conseil fédéral ne peut faire usage de la règle de délégation de l'art.

8a EIMP que lorsque la convention en question n'est pas sujette au référendum facultatif selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst.24.

Selon l'art. 163 al. 1 Cst., l'arrêté de délégation doit prendre la forme d'une loi fédérale. Le nouvel art. 8a EIMP proposé arrête la compétence en matière de traités internationaux du Conseil fédéral et détermine la portée de la délégation. Il est sujet au référendum facultatif selon l'art. 141, al. 1, let. a, Cst.

24

FF 1999 4494 et JAAC 1987, 51/IV, no 58, p. 387

4491