Problèmes lors de la préparation et de l'organisation de l'exposition nationale 2001 (Expo.01) Analyse dans le cadre de la haute surveillance parlementaire Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 27 mars 2001

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Résumé Le présent rapport fait l'état des lieux des problèmes principaux auxquels le projet d'exposition nationale «Expo.01» a été confronté du point de vue de la Confédération. De plus, la Commission de gestion du Conseil des Etats y évalue le rôle de la Confédération et de ses autorités dans le cadre de la préparation et de l'organisation d'Expo.01.

Suite à la crise, à la fois de confiance et financière, qui a éclaté dans la seconde moitié de 1999, la Confédération a dû intervenir directement dans le cours des affaires opérationnelles de l'Association EXPO 2001. Elle a également dû octroyer des moyens financiers supplémentaires pour que l'exposition puisse avoir lieu au moins en 2002. Une analyse des problèmes d'Expo.01 dans le cadre de la haute surveillance parlementaire devenait donc incontournable. En plus de la responsabilité des organes de l'Association, celle des milieux politiques a été clairement et publiquement mise en cause.

Les investigations de la Commission de gestion ont montré que c'est une quantité de problèmes distincts, de circonstances et de mauvaises décisions dans des domaines et à des niveaux différents qui ont conduit le projet Expo.01 à l'échec. La confiance dans les organes dirigeants et la conviction que les difficultés pourraient être surmontées font que l'on a trop longtemps cru que l'exposition nationale pourrait avoir lieu en 2001. Bien qu'au courant des problèmes de financement, la direction de l'Expo n'a jamais voulu parler de crise. Ce n'est que vers le milieu de 1999 qu'elle s'est rendu compte qu'il était illusoire de croire que l'augmentation massive des coûts pourrait être compensée par le seul sponsoring.

La Commission de gestion est persuadée que la complexité de l'entreprise «exposition nationale» a été sous-estimée à tous les niveaux. A son avis, le manque de professionnalisme dans la gestion stratégique et opérationnelle du projet Expo.01 a sans doute été le problème principal de l'Association, mais aussi de la Confédération pour ce qui concerne les projets de celle-ci. De plus, le manque d'expérience en matière de gestion de grands projets a également joué un rôle important. En raison de sa structure, de sa composition et de problèmes internes, l'organe suprême de l'Association, c'est-à-dire le Comité stratégique, n'est pas parvenu à assumer la
responsabilité qui lui revenait. Une répartition floue des compétences entre la Direction générale et le Comité stratégique ainsi qu'une politique d'information très réservée de la part de la Direction générale sont en particulier à l'origine des lacunes dans la gestion et le contrôle. Etant donné que la planification subissait d'incessants bouleversements, les travaux préparatoires manquaient incontestablement de constance. En outre, les organisateurs n'étaient pas suffisamment conscients des coûts.

L'appréciation doit cependant également tenir compte des conditions difficiles imposées par la politique. Depuis son démarrage, le projet d'Expo.01 a manqué de temps pour sa réalisation. Le Conseil fédéral ne s'est pas suffisamment occupé des bases d'Expo.01. Il s'est basé sur des études de faisabilité reprises hâtivement et sans analyse critique. En 1996, lors des débats au sujet de la contribution de la Con-

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fédération, les Chambres fédérales avaient déjà relevé un certain nombre de problèmes importants et de questions demeurées sans réponse. C'est finalement pour des raisons politiques que la contribution de la Confédération a été accordée sans que ces points encore nébuleux aient été vraiment éclaircis. Les responsabilités, la structure organisationnelle, les contenus et le financement d'Expo.01 sont demeurés flous. Il s'agissait de lancer le projet tout en s'accommodant de ces questions demeurées ouvertes. La structure organisationnelle ne permettait pas de résoudre les problèmes qui se posaient. Il convient également de relever que les concepts de financement et d'exposition étaient extrêmement exigeants envers les organisateurs.

Pour la Confédération, les impacts négatifs découlent avant tout du fait qu'elle n'avait pas défini son rôle et ses responsabilités de manière claire et réaliste dès le départ du projet d'Expo.01. Pour cette raison, des questions concernent l'engagement «autorisé» ou nécessaire de la Confédération et de ses organes ont régulièrement été posées durant les travaux préparatoires. Ainsi, la position des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique était affaiblie et ils devaient travailler dans des conditions défavorables. C'est notamment pour cette raison que, lorsque la crise d'Expo.01 a éclaté, la Confédération a assumé une responsabilité politique de fait qui n'avait pas été considérée comme sienne au début et qui ne correspondait pas à sa responsabilité juridique. Par ailleurs, c'était la crise en tant que telle qui a rendu légitime la prise d'influence de la Confédération et ainsi permis à cette dernière d'assumer la responsabilité politique de la réalisation de l'exposition nationale, projet qu'elle avait pourtant décidé elle-même. Indépendamment de la définition du rôle et de la responsabilité de la Confédération, le Conseil fédéral et le Parlement auraient dû faire preuve d'un plus grand intérêt pour les travaux préparatoires d'Expo.01. L'attitude d'«indifférence polie» n'était certes pas de mise pour un projet de l'importance d'une exposition nationale. Le Conseil fédéral n'a pas accordé une priorité suffisante au projet, il ne l'a pratiquement pas suivi et a méconnu la responsabilité de la Confédération en matière d'exposition nationale.
Les conclusions de la Commission de gestion ont pour but de mettre en place un processus d'apprentissage et de prendre des mesures qui, d'un point de vue actuel, pourront s'avérer utiles lors de l'organisation de futurs grands projets. Pour commencer, il faut que tous les problèmes qui ont grevé la préparation et l'organisation d'Expo.01 soient documentés et préservés de manière adéquate. Les expériences qui auront été faite lors de la réalisation du projet Expo.02 devront aussi être intégrées à cette analyse. Le but de cette mesure est de pouvoir éviter de commettre une nouvelle fois les mêmes erreurs lors de la réalisation de projets semblables. En outre, la Commission de gestion est d'avis que le Conseil fédéral devrait examiner l'opportunité d'une loi fédérale sur le soutien que la Confédération apporte aux grands projets. La Commission de gestion demande également que le Conseil fédéral veille à donner un cadre professionnel à l'engagement de la Confédération dans des grands projets. De plus, le Conseil fédéral doit prendre les mesures qui s'imposent pour garantir que les grands projets soutenus par la Confédération soient accompagnés étroitement et bénéficient d'un controlling politique idoine. La raison de cette dernière exigence réside dans le fait que les organisateurs d'Expo.01 ont eu beaucoup de mal à accepter l'accompagnement et la critique par les décideurs représentant les pouvoirs publics.

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En guise de conclusion, la Commission de gestion tient à souligner que la réinitialisation du projet ­ c'est-à-dire le passage d'Expo.01 à Expo.02 ­ a permis de procéder à d'importantes adaptations et améliorations au niveau de l'organisation, de la gestion et du contrôle.

2414

Rapport 1

Contexte de l'examen de la Commission de gestion du Conseil des Etats

1.1

Motifs et procédure

Le 30 juin 2000, la Commission de gestion du Conseil des Etats décidait d'enquêter sur les dysfonctionnements ayant marqué la préparation et l'organisation d'Expo.01 jusqu'à la réinitialisation du projet sous le nom d'Expo.02. C'est une lettre de la Commission de la science, de l'éducation et de la culture (CSEC) du Conseil des Etats, en date du 25 avril 2000, envoyée suite aux délibérations concernant l'octroi d'une garantie de déficit en faveur de l'exposition nationale, qui a été à l'origine de cette démarche. La CSEC y demandait notamment la clarification des responsabilités politiques, ceci après qu'une troisième demande de contribution financière supplémentaire en faveur de l'exposition nationale eût été présentée au Parlement et que, en 1999, le Conseil des Etats eût réclamé la mise en lumière des errements passés. Dans sa réponse du 24 juillet 2000, la Commission de gestion retient que la haute surveillance du Parlement sur l'exposition nationale est une question délicate tant sur le plan politique que juridique, et aussi que la Confédération porte de facto la responsabilité politique du projet. Il est hors de doute pour la commission que de nombreuses erreurs ont été commises, qui sont d'ailleurs amplement documentées dans le rapport du 23 septembre 1999 de la société Hayek Engineering. Cela dit, et bien que les faits soient largement connus, la Commission de gestion a fait savoir qu'elle partage le point de vue de la CSEC selon lequel les dysfonctionnements, et plus spécialement la question des responsabilités politiques dans le cadre de la haute surveillance parlementaire, nécessitent un examen approfondi.

Hormis la demande mentionnée de la CSEC, l'appel à une mise en lumière des errements passés s'est fait entendre surtout du côté du Conseil des Etats, avec toutefois des attentes très différentes. D'aucuns réclament un examen des responsabilités politiques, soit celles de la Confédération et de ses représentants dans l'organisation d'Expo.011, d'autres souhaiteraient une analyse des responsabilités au sein de l'Association2. On a opposé à ces derniers que le Parlement n'était pas habilité à clarifier les responsabilités au sein de l'Association3. Certains encore ont émis des doutes sur l'utilité d'une telle entreprise, vu que «les erreurs commises sont évidentes, donc reconnues depuis
longtemps, et ont été corrigées dans la mesure du possible.»4 D'autres n'attendent pas de nouvelles données, arguant du fait que les erreurs et les motifs d'erreurs ont déjà été discutés de long en large dans les assemblées les plus diverses5. La question de l'utilité d'un «nouvel inventaire» des nombreuses fautes passées, petites et grandes a également été posée6.

1 2 3 4 5 6

BO 1999 E 1145; BO 2000 E 245 (vote Gentil) BO 1999 E 937 BO 2000 E 247 BO 1999 N 2399 BO 2000 N 704 BO 1999 N 2402

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L'examen a été effectué par la sous-commission DFF/DFE7 de la Commission de gestion du Conseil des Etats. La sous-commission a examiné un grand nombre de documents et a établi un rapport intermédiaire interne sur la base de ses constatations. Les documents consultés sont les suivants: les dossiers concernant les arrêtés des années 1996, 1999 et 2000 sur les crédits en faveur de l'exposition nationale (y compris les procès-verbaux des commissions), les interventions parlementaires et les réponses correspondantes, les rapports de gestion du Conseil fédéral, les dossiers de la Délégation des finances, les dossiers préparatoires des Commissions de gestion, divers articles de presse, des expertises, ainsi que l'importante collection de documents du Groupe de travail interdépartemental (IDA-EXPO.01) qui a accompagné l'Expo.01, de la crise d'Expo.01 en août 1999 jusqu'à la réorientation du projet sous le nom d'Expo.02. En outre, la sous-commission a demandé des rapports au chef du Département fédéral de l'économie (DFE) ainsi qu'au Contrôle fédéral des finances (CDF). Ces rapports donnent des éclaircissements sur le rôle que les organes de la Confédération ont joué dans le cadre de la préparation d'Expo.01 ainsi que sur l'évaluation des dysfonctionnements par les organes compétents de la Confédération. En se basant sur cette somme d'informations, la sous-commission a procédé à des auditions (voir annexe, liste des personnes entendues) et, en février 2001, elle a consigné ses constatations dans un rapport. En date du 7 mars 2001, elle a discuté de ce rapport avec le conseiller fédéral Couchepin. La Commission de gestion du Conseil des Etats a adopté le présent rapport final le 27 mars 2001 à l'unanimité et en a autorisé la publication.

1.2

Cadre et objet de l'examen

L'objet du présent examen est cadré principalement sur les compétences de la haute surveillance parlementaire concernant Expo.01. Ces compétences ressortent de l'organisation de l'exposition nationale. Durant le premier semestre 1998, la Commission de gestion du Conseil des Etats a déjà traité de la question de son rôle et de ses compétences en rapport avec l'Expo.01. Elle a rendu ses conclusions le 9 juillet 1998 dans un document de travail préparé par le Secrétariat des Commissions de gestion. En voici l'essentiel.

La structure de l'organisation d'Expo.01 repose juridiquement sur une association au sens des articles 60 et suivants du code civil suisse (CC; RS 210). Le Conseil fédéral et le Parlement ont délégué l'organisation et la réalisation d'Expo.01 à l'Association EXPO 2001. Selon les statuts du 28 novembre 1996, la responsabilité juridique est assumée par les organes de l'Association, à commencer par le Comité stratégique qui est l'organe suprême de l'Association (art. 64, al. 1, CC). La Confédération est membre de l'Association et y participe financièrement. Elle a une représentation minoritaire de trois membres à l'Assemblée générale (c'est-à-dire le Comité stratégique) et peut faire valoir son influence par ce moyen. Alors que la situation relative à la responsabilité juridique est sans équivoque, la question de la responsabilité politique de la Confédération nécessite un examen plus nuancé. Il est hors de doute qu'Expo.01 ait été initiée avant tout par la Confédération. Le Conseil fédéral, quant à lui, assume une responsabilité politique déterminante pour la décision au sujet de la réalisation d'une exposition nationale en l'an 2001, pour l'option du projet des 7

Cette sous-commission est constituée des députés au Conseil des Etats suivants: Peter Briner (président), Françoise Saudan, Michel Béguelin, Hans Hess et This Jenny

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trois lacs ainsi que pour l'examen de la faisabilité du projet et la conception de l'organisation. De son côté, le Parlement a participé à cette responsabilité politique par ses débats et en participant aux processus de décision. Par ailleurs, bien que sa participation financière initiale se soit élevée à 20 % seulement des dépenses prévues, la Confédération a été depuis le début le principal investisseur d'Expo.01. Pour la Commission de gestion du Conseil des Etats, il était donc clair en 1998 déjà, que l'Expo.01, malgré le fait que son organisation relève du droit privé, devait être considéré au plan politique comme un projet fédéral. L'engagement et les prises de position du Conseil fédéral et du Parlement face à la crise d'Expo.01 durant la deuxième moitié de 1999 ont explicitement confirmé cette interprétation.

La séparation et le déséquilibre entre marge de manoeuvre juridique et responsabilité politique ont eu pour effet de limiter d'emblée la haute surveillance exercée par les Commissions de gestion sur la gestion du projet d'Expo.01. Les actes des organes de l'Association ne peuvent être directement l'objet de la surveillance de la Commission de gestion, celle-ci était uniquement habilitée à examiner les activités des organes fédéraux (en particulier des représentants de la Confédération dans le Comité stratégique). C'est d'ailleurs uniquement dans ce domaine que la Commission de gestion peut faire valoir son droit à l'information.

La présente enquête sur les dysfonctionnements dans la préparation et l'organisation d'Expo.01 ne peut donc avoir lieu que dans le cadre mentionné et compte tenu des compétences de la Commission de gestion. La gestion des organes de l'Association ne peut être contrôlée directement et les responsabilités au sein de l'Association ne peuvent être clarifiées après coup dans le cadre de la haute surveillance parlementaire.

Dans ces conditions, cet examen consiste pour l'essentiel à clarifier la question de la responsabilité politique de la Confédération, soit celle du rôle joué par les organes fédéraux en rapport avec la préparation et l'organisation d'Expo.01. Elle se concentre sur le rôle et la responsabilité du Conseil fédéral et des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique, sur la gestion des projets de la Confédération et sur la
surveillance financière exercée par le Contrôle fédéral des finances. Il ne pourra être tenu compte que dans une mesure limitée du voeu exprimé par divers milieux qui souhaitent un règlement des dysfonctionnements déjà largement connus.

Cela tout d'abord parce que le cadre juridique déjà mentionné ne le permet pas, ensuite parce qu'il y a eu pléthore d'erreurs petites et grandes à tous les niveaux, de portée diverse et devant être jugées différemment. Dans le cadre de ce rapport, il est en outre pratiquement illusoire de vouloir tirer au clair une fois pour toutes les responsabilités des parties impliquées, étant donné que tous les milieux ­ politiques, culturels et économiques ­ portent une part de responsabilité dans le projet de l'exposition nationale. Cette enquête se limite donc à la question de savoir quels ont été, du point de vue de la Confédération, les principaux dysfonctionnements qui ont marqué la préparation et l'organisation d'Expo.01. La Commission de gestion peut tout au plus en donner une appréciation globale. En d'autres termes, cela signifie aussi que cet examen ne saurait remplacer une analyse plus poussée du projet d'exposition dans son ensemble et de sa gestion par les responsables du projet, une fois l'entreprise achevée.

Il faut également relever que c'est à dessein que la Commission de gestion a limité l'examen à la période d'Expo.01 (c'est-à-dire, jusqu'à la réinitialisation du projet sous le nom d'Expo.02 par la décision du Parlement du 16 décembre 1999). Ce choix correspond au souci d'une mise en lumière des erreurs du passé qui n'hypo2417

thèque pas la poursuite des travaux préparatoires d'Expo.02 et qui ne remette pas en question le projet d'exposition nationale en 2002 tel qu'il a été souhaité par le Parlement et le Conseil fédéral.

2

Déroulement des événements

2.1

Principaux événements en rapport avec Expo.01

Le 13 juin 1994, le Conseil fédéral décide qu'une nouvelle exposition nationale aura lieu en 20018. Le 30 janvier 1995, il choisit, parmi les trois projets qui lui sont présentés, le projet des trois lacs (projet des cantons de Berne, Vaud, Neuchâtel, Fribourg et Jura, ainsi que des villes de Morat, Bienne, Neuchâtel et Yverdon-lesBains). Le 18 mars 1996, après examen de l'étude de faisabilité, le Conseil fédéral confie la responsabilité globale de l'organisation et de la réalisation d'Expo.01 à l'Association «Exposition nationale» (qui, par la suite, prendra le nom d'Association «EXPO 2001»). Le 22 mai 1996, il soumet au Parlement un message9 concernant une contribution fédérale de 130 millions de francs en faveur de l'exposition nationale (soit 90 millions pour les coûts d'infrastructure de base et les programmes d'exposition, 20 millions pour les projets de la Confédération et 20 millions au titre de garantie de déficit). Le Parlement règle l'octroi de ce crédit d'engagement dans l'arrêté fédéral du 10 décembre 1996.

Les départs de la Direction générale de l'exposition intervenus à fin 1998 (directrice artistique et directeur technique) mettent au jour des problèmes de communication, de gestion et d'organisation au sein de l'Association, une situation critique sur le front des finances ainsi que des problèmes de délai. La vice-présidente du Comité stratégique réclame publiquement un controlling externe et un meilleur échange d'informations au sein de l'Association. Le Conseil fédéral réagit lui aussi à cette crise rendue publique. En janvier 1999, le chef du DFE rencontre le directoire de l'Expo afin de s'informer sur les difficultés marquant la préparation du projet. Toujours en janvier 1999, le Conseil fédéral institue une délégation de trois membres [les chefs du DFE, du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) et du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS)] chargée de permettre au Conseil fédéral de se forger une opinion et d'assurer la coordination des opérations.

Cette délégation rencontre la direction de l'Expo pour la première fois le 22 avril 1999. Le jalon de fin avril 1999 (c'est-à-dire le moment où tous les processus de gestion sont coordonnés et contrôlés) marque le passage
de la phase de conception à la phase de réalisation de l'exposition nationale. Ce jalon atteint, le Comité stratégique donne son feu vert pour le début des travaux de construction. Le premier coup de pioche de la construction d'Expo.01 est donné le 26 juin 1999. Les signes permettant de penser que la réalisation d'Expo.01 ne rencontrera pas de difficultés sont nombreux. En juin 1999, l'Association, le Conseil fédéral, le Parlement et l'opinion publique croient encore à la réalisation de l'exposition nationale en 2001.

Lors de la session d'été 1999, le groupe parlementaire «Expo.01» qui se tient régu-

8 9

Dans la suite des expositions nationales de 1883 à Zurich, 1896 à Genève, 1914 à Berne, 1939 à Zurich et 1964 à Lausanne FF 1996 III 321

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lièrement informé de l'avancement du projet, reçoit encore des signaux indubitablement optimistes.

En juillet 1999, plusieurs directeurs demandent le départ de la directrice générale de l'Association; celle-ci est effectivement démise de ses fonctions le 6 août 1999 par le Comité stratégique. Une profonde crise, à la fois de confiance et financière, est ainsi devenue publique. L'octroi des prêts bancaires est remis en cause par manque de confiance, le sponsoring destiné à la couverture des coûts de construction s'avère moins favorable que ce qui avait été prévu. Outre cet important risque financier, on découvre aussi des dysfonctionnements considérables dans l'organisation et dans la gestion du projet. La réalisation d'Expo.01 dans les délais prévus semble compromise. La question de la responsabilité des organes de l'Expo (la Direction générale et le Comité stratégique) et des milieux politiques (Conseil fédéral, Parlement) dans l'échec d'Expo.01 est publiquement soulevée. Une réunion au sommet a lieu le 16 août 1999. Le Conseil fédéral et des représentants de l'économie rencontrent la direction d'Expo.01. Les points forts de cette réunion au sommet étaient: la création d'une direction forte à la tête du projet, condition importante pour sa réussite, la mise en place d'une personne forte à la tête d'Expo.01 ainsi qu'un engagement plus important du Conseil fédéral. Lors de cette réunion, divers représentants se plaignent de la manière avec laquelle, par le passé, la Direction générale de l'exposition communiquait avec les milieux économiques.

Sur mandat du président du Comité stratégique, l'entreprise Hayek Engineering SA dresse un bilan d'Expo.01 au 23 septembre 1999. Du côté de l'Administration fédérale, les travaux de Hayek Engineering sont accompagnés par un groupe de travail interdépartemental (IDA-EXPO.01). Celui-ci est chargé de proposer au Conseil fédéral plusieurs options d'action concernant l'exposition nationale et de préparer un message relatif à un crédit additionnel. Le groupe de travail a accompagné les travaux menés par Hayek Engineering et a examiné la structure organisationnelle de l'Association EXPO 2001 et des projets de la Confédération. Parallèlement à l'examen Hayek, le Comité stratégique décide d'une réorganisation interne de l'Association. Il cède explicitement toutes ses
compétences propres à un Comité directeur de cinq membres nouvellement institué. Pour l'essentiel, cette réorganisation a été mise en place par le chef du DFE (d'entente avec les milieux économiques et la direction de l'Association).

2.2

D'Expo.01 à Expo.02: transition

En raison de la crise et sur la base d'analyses de la situation, l'organisation d'Expo.01 est revue en plusieurs points. Les changements les plus décisifs et les plus évidents concernent la direction stratégique et opérationnelle du projet ainsi que la conduite des projets de la Confédération. Le processus de réforme commence au sein du Comité stratégique avant même le dépôt des résultats de l'étude Hayek.

C'est avant tout le secteur privé qui réclame un organe de direction plus efficace, demande à laquelle le Conseil fédéral accède. Finalement, avec la révision des statuts du 27 août 1999, presque toutes les compétences du Comité stratégique (la conduite stratégique, le controlling, la récolte de fonds, les relations avec les médias ainsi que les contacts stratégiques avec les milieux économiques, politiques et culturels) passent aux mains du Comité directeur. En tant qu'Assemblée générale, le Co-

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mité stratégique demeure compétent pour le concept de l'exposition, les prévisions budgétaires et les comptes.

Au niveau de la Direction générale également, des enseignements sont tirés du passé et des adaptations sont entreprises au niveau de l'organisation. Afin d'améliorer le controlling, la coordination et la circulation de l'information au sein de l'Association, la position du secrétariat général est renforcée. Les fonctions stratégiques sont centralisées au siège d'Expo.01 à Neuchâtel. A l'échelon opérationnel, le principal changement consiste en l'engagement de quatre directeurs à plein temps (technique, artistique, finances, développement). La nouvelle Direction Développement décharge la Direction Finances à laquelle la Direction générale avait précédemment délégué des tâches toujours plus nombreuses et diverses. Le sponsoring est officiellement confié à la Direction artistique (qui assumait déjà cette tâche dans les faits).

Le marketing et la communication sont de la compétence directe de la Direction générale. En outre, le controlling est adapté.

S'agissant des projets de la Confédération, le partage confus des responsabilités entre Association et Confédération est clarifié. La gestion et le contrôle des projets fédéraux sont confiés à la Confédération, avec une structure organisationnelle correspondante. La direction suprême et la surveillance de ces projets ont été confiées au Groupement de l'armement du DDPS.

Les Chambres fédérales ont explicitement ancré le mandat du Contrôle fédéral des finances (CDF) dans l'arrêté fédéral de 1999 relatif à un crédit additionnel pour l'exposition nationale. Sur la base des rapports trimestriels de l'Association, le CDF est chargé d'examiner l'avancement des projets, les adjudications ainsi que la situation financière, et de communiquer les résultats à la Délégation des finances. Lors des contrôles annuels, il détermine si le controlling est efficace et si le système de contrôle interne fonctionne correctement. En outre, il supervise l'adjudication des travaux, la planification financière, la situation en matière de liquidités, la mise en oeuvre des recommandations des organes de surveillance et le respect des conditions fixées par la Confédération.

Pour ce qui est des décisions politiques, le 4 octobre 1999 le Conseil fédéral décide de reporter
l'Expo.01 d'une année et de lui accorder, à certaines conditions, un crédit supplémentaire de 250 millions de francs. Il base sa décision sur le rapport de la société Hayek Engineering, sur les résultats des travaux d'IDA-EXPO.01 ainsi que sur les nombreux entretiens avec les milieux économiques et les organes de l'Association. Le 16 décembre 1999, l'Assemblée fédérale approuve la réalisation d'Expo.02 aux conditions fixées par le Conseil fédéral. Celui-ci libère le crédit additionnel pour l'Expo.02 le 26 janvier 2000, bien que les conditions ne soient pas encore entièrement remplies. Parallèlement à l'octroi du crédit, le Conseil fédéral accède également à la demande de l'Association qui souhaite une garantie de déficit.

Par son message du 23 février 2000, le Conseil fédéral propose au Parlement une garantie de déficit de 338 millions de francs. Le Parlement l'accepte et, bien qu'ayant un mauvais sentiment, il se prononce en faveur de la réalisation de l'exposition nationale en 2002, faute d'avoir réellement le choix.

2420

3

Les problèmes principaux lors de la préparation et de l'organisation d'Expo.01

3.1

Remarque préliminaire

Le Conseil fédéral n'a pas, de lui-même, tiré au clair les problèmes qui ont émaillé la préparation et l'organisation d'Expo.01. Lors des délibérations au Parlement, une clarification formelle des responsabilités a certes été demandée à diverses reprises.

Plusieurs fois même, le fait que la lumière n'ait pas été faite sur les erreurs passées, et que leurs auteurs n'aient pas été mis devant leurs responsabilités a provoqué un certain étonnement10. Jusqu'ici le Conseil fédéral a répondu qu'il ne voulait, ni ne pouvait, dans l'urgence identifier tous les dysfonctionnements, remonter à leurs responsables et en tirer les conséquences11. Le chef du DFE a expliqué que la première priorité du Comité directeur était désormais de mener l'Expo.02 sur la voie du succès. Ce n'est qu'en deuxième priorité qu'il serait possible de clarifier la question des responsabilités, et cela uniquement dans la mesure où une telle procédure serait exigée12. Vis-à-vis du public, le chef du DFE s'est jusqu'à présent limité à constater que le dossier ne contenait aucun élément permettant de justifier une enquête pénale mais que, très tôt, il avait été persuadé qu'un certain nombre d'erreurs de gestion avaient conduit à la crise13.

Le rapport de la société Hayek Engineering du 23 septembre 1999 a été le point de départ de la réorientation politique et du nouveau concept d'Expo.02. En août 1999, une fois la crise d'Expo.01 devenue évidente, le bilan dressé par la société Hayek Engineering a servi de fil rouge à l'évaluation de la situation par la direction de l'Expo comme par le Conseil fédéral et le Parlement. Les avis du Comité stratégique14 et de la Direction générale15 concordent avec l'évaluation du rapport de la société Hayek Engineering sur tous les points importants. Pour l'essentiel, le Conseil fédéral a basé son message relatif à un crédit additionnel pour l'exposition nationale sur cette analyse de la situation. Les mises au point du rapport Hayek ont également déclenché un large débat public qui a porté, d'une part, sur les erreurs dans l'élaboration, la stratégie, la gestion et la supervision d'Expo.01 et, d'autre part, sur la faisabilité du projet quant aux délais et au financement. Les dysfonctionnements et leur toile de fond ont été plusieurs fois discutés en long et en large au sein des organes les plus divers
(Conseil fédéral, Parlement, groupe de travail interdépartemental).

Vu son importance cruciale dans le point de vue de la Confédération, les principaux problèmes relevés dans le rapport Hayek sont présentés ci-après. Cette énumération n'est pas exhaustive. Le lecteur intéressé est renvoyé au rapport de la société Hayek Engineering du 23 septembre 1999.

10 11 12 13 14 15

Notamment BO 2000 E 248 BO 1999 E 934 BO 2000 E 253 BO 2000 E 252 s.

Prise de position du Comité stratégique du 28 septembre 1999 sur le rapport Hayek Information des médias par la Direction générale, en date du 6 octobre 1999

2421

3.2

Quelques constatations importantes relevées dans le rapport de la société Hayek Engineering du 23 septembre 1999

Parmi les faiblesses décelées dans le projet d'Expo.01, le rapport de Hayek Engineering révèle en particulier que c'est le manque d'efficacité des fonctions dirigeantes, assumées par des personnes employées à temps partiel, qui est à l'origine d'une grande partie des problèmes.

L'énumération suivante contient quelques constatations du rapport Hayek Engineering qui ont une portée dans l'analyse menée par les Commissions de gestion dans le cadre de la haute surveillance parlementaire. Ces constatations peuvent être regroupées en trois thèmes.

Direction et contrôle ­

La décentralisation des fonctions importantes et l'engagement à temps partiel des détenteurs de ces fonctions. L'outsourcing, presque à 100 %, de nombreuses activités et fonctions essentielles, ce qui nécessite un investissement de coordination énorme, à la limite de l'incontrôlable.

­

Un nombre particulièrement élevé de changements et de turbulences au niveau de la direction.

­

L'absence d'un leadership clair, expérimenté, incontesté, et apte à prendre des décisions (attitudes d'intolérance et de suffisance de certains détenteurs de fonctions importantes, problèmes et points faibles non reconnus, imprécisions consenties, forte augmentation des besoins financiers sans réactions correspondantes de la direction, pertes de temps en raison d'incessantes luttes de pouvoir, changements dans la direction et nouvelles conceptions, attitude peu critique face à son propre travail, manque de transparence avec une tendance à minimiser, voire à maquiller les difficultés). Les organes de gestion et de direction ne voient pas les problèmes pendant des années, ou estiment qu'ils n'ont pas à les divulguer (p. ex. les graves problèmes de délais qui n'ont pas été identifiés et, partant, pas résolus).

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La collaboration en partie très difficile au sein de la Direction générale d'Expo.01.

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Le manque de prévision des responsables dans les organes de direction et de contrôle.

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L'absence d'une comptabilité efficace.

­

Le manque d'un controlling central (ATAG à Lausanne pour le budget global, Suter&Suter à Lausanne pour le budget des coûts de construction, ATAG à Neuchâtel pour la comptabilité générale, KPMG à Zurich pour la planification des liquidités, PriceWaterhouseCoopers pour la comptabilité financière et d'exploitation), autrement dit d'un dispositif apte à surveiller la discipline en matière de dépenses et à garantir le respect du budget.

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La commission de contrôle n'est pas consultée lors de la conclusion de contrats avec des tiers et calcul des coûts absent pour la plupart des contrats.

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L'absence d'un gestionnaire expérimenté responsable pour l'exécution d'Expo.01 entre mai et octobre 2001.

2422

Planification et organisation ­

Structure inefficace de l'organisation d'Expo.01.

­

Signes que, lors de l'examen par la société Hayek Engineering, la planification n'est encore nullement achevée et que les concepts ne sont toujours pas définitivement arrêtés.

­

Concernant les projets de la Confédération: organisation et culture de projet insuffisante, gestion peu professionnelle, responsabilités mal définies entre l'Association et la Confédération, flagrante disproportion entre le caractère ambitieux des projets fédéraux et la modicité des subventions prévues (5 millions de francs par projet).

­

Retard dans la planification des installations des arteplages, notamment en raison d'incessants changements par Expo.01 concernant les conditions, les emplacements, les espaces.

­

Défaut de planification des délais: un calendrier détaillé pour la planification de la phase de préparation aurait dû être établi à la fin de 1997 ou au plus tard dans le courant du 1er trimestre 1998 ­ il fait encore défaut aujourd'hui.

­

Concernant les coûts et le concept de l'exposition: le message du Conseil fédéral est parti de données incorrectes et de conditions irréalistes. Pour ce qui est des délais, la planification initiale a péché par optimisme.

Problèmes de financement et recherche de sponsors ­

Augmentation des budgets en raison de luttes de pouvoir internes, d'une gestion déficiente, d'une structure organisationnelle inefficace, ainsi que de nombreuses modifications de projets importantes.

­

Vision peu cohérente en matière de budget de la part de la direction d'Expo.01.

­

Données manquantes sur les coûts (offres surfaites).

­

Problème principal: financement des expositions d'Expo.01 (recherche de partenaires privés et de sponsors).

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Marketing négligé (ce secteur sera restructuré et renforcé par Monsieur Hirzel en hiver 1998/99).

­

La responsabilité en matière de sponsoring et de recherche de partenaires est déléguée au directeur artistique (et non pas au département sponsoring comme prévu par la structure organisationnelle).

­

Droits, privilèges et présences excessivement restreints pour les partenaires des expositions, comparé au très grand investissement financier demandé.

Cette énumération montre que l'examen effectué par l'entreprise Hayek Engineering a surtout révélé des insuffisances internes. Il n'est que ponctuellement question de la responsabilité des autorités fédérales (pour ce qui concerne les projets de la Confédération, la planification de l'exposition nationale par le Conseil fédéral en 1995/96 et, partiellement, la structure organisationnelle).

2423

3.3

Problèmes principaux du point de vue de la Confédération

La présente appréciation est basée sur une analyse documentaire fouillée, sur les réponses écrites à des questions adressées au CDF et au DFE ainsi que sur les déclarations enregistrées lors des auditions auxquelles la Commission de gestion a procédé.

A l'instar de la complexité de l'organisation d'une exposition nationale, l'évaluation de ses points faibles s'est révélée très complexe. Le cadre de cet examen ne permet pas de procéder à un exposé exhaustif de tous les problèmes. Ce paragraphe résume uniquement le point de vue des principaux organes fédéraux concernés. Les évaluations par ces organes étaient en partie déjà disponibles avant l'examen par la Commission de gestion (p. ex. les rapports finaux du Délégué de Conseil fédéral) ou ont été établis en réponse aux questions de la Commission de gestion. Les constatations de la société Hayek Engineering sur lesquelles, comme cela a déjà été relevé, les autorités fédérales sont largement d'accord, ne sont pas expressément répétées. Il est important de souligner déjà ici que ce n'est pas l'un ou l'autre événement qui a fait échouer Expo.01, mais bien la conjonction de toute une série de circonstances négatives et de plus en plus lourdes de conséquences qui sont venues s'ajouter les unes aux autres. Cette accumulation a finalement eu raison de la confiance placée, jusquelà, dans les organes dirigeants ainsi que de la conviction qu'ils parviendraient à maîtriser les difficultés et à remplir leur mandat. C'est cette conjonction de circonstances négatives qui a finalement ouvert les yeux des organes de direction, puis des autorités politiques: de toute évidence, l'Association EXPO 2001 ne disposait ni de l'organisation, ni des moyens adéquats pour remplir sa mission.

En les classant sommairement, les problèmes principaux qui ont grevé Expo.01 du point de vue de la Confédération ressortissent aux domaines suivants:

3.3.1

Problèmes lors de la conception et de la planification d'Expo.01

Les problèmes d'Expo.01 trouvent déjà leur origine dans les phases de conception et de planification. Tous les travaux préparatoires ont été caractérisés par un manque incontestable de constance. En effet, la planification était en permanence bouleversée. Le sujet de base de l'exposition, «Le temps ou la Suisse en mouvement» a, de l'avis des organisateurs et du Conseil fédéral, empêché toute planification précoce des contenus, donc des projets concrets. Cette situation a indubitablement exercé une influence négative sur la recherche de sponsors. De plus, l'organisation de la Direction générale et des finances subissait également d'incessants bouleversements. Les budgets adoptés par le Comité stratégique ont dû être adaptés à tout moment. Les déficits budgétisés étaient compensés au moyen de jeux d'écritures en procédant à des adaptations (trop) optimistes du côté des recettes. Les paramètres fondamentaux (comme le nombres d'expositions, la surface d'exposition, la location des surfaces, l'attribution des thèmes, etc.) ont été sans cesse remis en question. Avec Expo.01, les incertitudes grevant naturellement tout projet de type exposition nationale ont encore été amplifiées par la volonté de réaliser un projet géographiquement décentralisé comportant quatre sites. Ces circonstances sont à l'origine de difficultés institutionnelles et politiques (prise de décisions, application du droit, retards). En outre, les changements intervenus au sein de la Direction générale ont aussi provoqué des incertitudes et entraîné des retards.

2424

La conception et la planification générales mises à part, il convient également de jeter un regard à la phase de planification politique. Ce sont avant tout les Chambres fédérales qui se sont penchées sur la planification politique d'Expo.01. Dans ce domaine, il ne faut pas craindre l'autocritique. Lors de la préparation de l'exposition nationale en 1996, le Parlement aurait en effet accepté un message comportant de nombreux points d'interrogation16.

En regardant le processus de planification politique de 1996 de plus près, la Commission de gestion a constaté un manque de clarté sur certains points. Déjà lors de l'étude de faisabilité en 1996, le groupe de coordination interdépartemental (GIC) avait attiré l'attention du Conseil fédéral sur diverses lacunes. Le Conseil fédéral s'est contenté d'en prendre acte et a prié les organisateurs de tenir compte des remarques de l'administration fédérale lors de la réalisation d'Expo.01. Ces lacunes n'ont pas été examinées plus à fond. Priorité a été accordée à une présentation rapide au Parlement du projet de demande d'une subvention fédérale.

Lors du traitement de l'objet, les organes parlementaires ont immédiatement critiqué le fait que le Conseil fédéral soumettait un projet lacunaire et pas assez clairement structuré. Les organisateurs ne s'étaient attelés en profondeur à la définition des contenus de l'exposition nationale en instituant un groupe de travail qu'en juin 1996, c'est-à-dire deux mois avant le début du travail des commissions parlementaires. Sur demande de la commission du Conseil des Etats chargée de l'examen préalable, le Conseil fédéral a été invité à déposer un rapport complémentaire17 au message concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001, rapport notamment destiné à préciser la structure organisationnelle de l'Association.

L'absence d'une organisation claire du projet a, dès le départ, ébranlé la confiance du Parlement18. En raison des nombreux points encore dans l'ombre, certaines voix se sont élevées pour exiger le report de l'exposition nationale19.

Le message était également flou au sujet du rôle que la Confédération devait assumer dans l'organisation de l'exposition nationale: « En temps voulu, le Conseil fédéral fixera les modalités exactes de sa collaboration à la préparation de l'exposition.
Pour l'heure, il s'est borné à donner mandat à l'administration fédérale de collaborer activement avec les responsables de l'EXPO 2001, notamment pour trouver des solutions en concordance avec les objectifs et besoins de la Confédération et des cantons.»20 Le message contenait des exigences non quantifiées en matière de prestations complémentaires de la Confédération (DDPS, offices spécialisés, La Poste, CFF, etc.).

D'une manière générale, l'examen des documents datant de 1996 montre qu'il n'y a pas eu assez de temps pour les débats au sujet de la contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 et que ces débats ont eu lieu sous pression politique. Il s'agissait de lancer le projet tout en s'accommodant des risques potentiels et des questions encore ouvertes. La critique issue des milieux politiques n'était pas la bienvenue. Toute personne émettant un avis critique risquait d'être taxée d'adversaire de l'exposition nationale. Les politiques étaient sensés créer un climat de con-

16 17 18 19 20

BO 1999 E 940 (intervention du député au Conseil des Etats Onken) Voir FF 1996 V 555 Procès-verbal de la CSEC-E des 26 et 27 août 1996 Voir question ordinaire 96.1087 FF 1996 III 321 ss (ch. 2.4)

2425

fiance et se rallier à un projet d'exposition nationale encore truffé de questions ouvertes.

A ce stade de l'examen, la Commission de gestion est d'avis que les circonstances mentionnées permettent déjà de conclure que la planification de l'exposition nationale était insuffisante aux niveaux politique, stratégique et opérationnel.

3.3.2

Problèmes d'organisation et au niveau des organes de l'Association

Juste après l'échec d'Expo.01, le Conseil fédéral a identifié l'absence d'un organe de direction fort à la tête de l'Association EXPO 2001 comme étant la cause principale de la crise. Dans son message relatif à un crédit additionnel pour l'exposition nationale du 8 octobre 1999, il constate que «les responsables de la gestion n'ont manifestement pas réussi à organiser et à maîtriser le passage de la phase de planification à la phase de réalisation»21. Quelques temps plus tard, le chef de DFE a encore exprimé sa satisfaction concernant le changement qui a eu lieu à la tête de l'exposition22. Le Conseil fédéral a partiellement tiré les enseignements au sujet de la structure organisationnelle d'Expo.01: «Les leçons ont été tirées des expériences négatives faites avec la structure de l'Expo de 1996. Toutes les compétences étaient déléguées à une association privée, ce qui limitait inévitablement l'influence de la Confédération. Dans le cas du projet Expo.02, on dispose d'un nouveau concept de pilotage et de contrôle du projet, dans lequel les possibilités d'intervention de la Confédération ont été sensiblement renforcées. Le CDF [Contrôle fédéral des finances] va maintenant pouvoir surveiller les pratiques financières par des contrôles concomitants, et les organes parlementaires de surveillance financière seront tenus au courant de l'évolution du projet par des rapports réguliers. Le Conseil fédéral peut garantir que, dans les grands projets à venir qui seront exécutés sous la direction de tiers, le versement d'aides fédérales sera conditionné à la mise en place de concepts de gestion et de contrôle financiers permettant de maîtriser la situation.»23 La délégation de la responsabilité globale à une association de droit privé et la structure globale de cette association n'ont donc pas permis au Conseil fédéral d'assumer sa responsabilité politique. Dans son message concernant la contribution de la Confédération, le Conseil fédéral partait encore du principe que la structure juridique générale de l'exposition nationale reposerait sur deux entités, d'une part sur le support institutionnel à responsabilité stratégique, soit l'Association «EXPO 2001», et d'autre part sur un support professionnel à responsabilité opérationnelle et gestionnaire sous la forme d'une société anonyme. Cependant, le Comité
stratégique s'est par la suite borné à garder la forme juridique de l'Association parce que plus simple et plus souple. Dans son rapport complémentaire du 6 septembre 1996, le Conseil fédéral a entériné cette solution.

Lors des investigations de la Commission de gestion, les organes fédéraux interrogés ont précisé leur point de vue sur les problèmes d'Expo.01 à l'échelon des organes associatifs. Les constatations principales sont résumées ci-après.

21 22 23

FF 1999 p. 8559 BO 2000 N 708 Réponse du Conseil fédéral à l'interpellation Bignasca Giuliano, 99.3594

2426

Pour les organes fédéraux concernés, l'une des raisons principales des lacunes constatées réside sans aucun doute dans l'organisation et le fonctionnement du Comité stratégique lui-même. Cet organe suprême devait assurer une bonne représentativité au sein de l'Association EXPO 2001 et permettre de tisser des liens étroits avec les milieux politiques. Ainsi, le Comité stratégique est arrivé à compter 19 membres, dont aucun spécialiste des domaines de la gestion, des finances, de la technique ou de la culture. Les représentants des villes et des cantons d'implantation ont avant tout représenté leurs intérêts particuliers. Le caractère de milice de cet organe a engendré un manque de disponibilité. Les organes fédéraux estiment que la précision, la clarté et la fermeté dans les décisions ne faisaient pas partie des qualités principales de cet organe. Outre l'organisation du Comité stratégique en tant que tel, la délégation globale de la responsabilité opérationnelle à la Direction générale et la division stricte et artificielle entre les niveaux stratégique et opérationnel ont également été perçues comme problématiques. Cette délégation de la responsabilité était basée sur la confiance placée dans la Direction générale. En raison de la confiance des membres qui avaient tous un grand intérêt à la réalisation de l'exposition nationale et à cause de l'absence d'informations sûres et définitives (la Direction générale a régulièrement fait miroiter une amélioration de la situation), mais également par peur d'aggraver encore la situation, le Comité stratégique a toujours renouvelé sa confiance envers la Direction générale. Le controlling stratégique introduit par cette dernière a donné un sentiment de sécurité au Comité stratégique. Il faut bien se rendre compte que la méthode de travail de cet organe relevait, au début principalement, beaucoup de l'improvisation (pas d'ordre du jour, décisions mal documentées). Toutes ces circonstances sont à l'origine des déficiences de direction du Comité stratégique. Il aura fallu trop de temps pour qu'il se rende compte que les problèmes opérationnels non résolus prenaient une importance stratégique. Après coup, les organes de la Confédération concernés sont persuadés que le Comité stratégique a trop longtemps fait confiance à la Direction générale.

Pour ce qui concerne
la Direction générale, le DFE est d'avis qu'il n'y avait pas de personnalités expérimentées dans le domaine de l'organisation d'expositions nationales sur le marché du travail. Il n'a pas non plus été possible d'engager des personnes disposant d'une expérience dans l'organisation de manifestations de cette taille, avec tous les aspects politiques, culturels, financiers, organisationnels et techniques qu'elles impliquent. Les concepts spectaculaires ne tenaient pas assez compte des impératifs liés à leur mise en oeuvre. Le fait que les concepts innovateurs n'avaient pas été pensés et calculés jusque dans le moindre détail ni placés dans le contexte (avant tout financier) constituait également une lacune considérable. La vision du gestionnaire était absente. De l'avis du DFE, le manque d'expérience des cadres dirigeants dans ce domaine les a poussés à vouloir susciter la confiance afin de masquer à la fois leurs faiblesses et celles du projet. En outre, la directrice générale de l'époque a plusieurs fois reconnu avoir sous-estimé les charges administratives de l'opération. Elle n'a pas pris toutes les mesures qui auraient été nécessaires pour se décharger et pour pouvoir donner l'appui logistique nécessaire aux autres directeurs.

Comme cela a déjà été mentionné à plusieurs reprises, l'une des explications de cette absence de réaction réside dans l'engagement à temps partiel des principaux détenteurs du pouvoir stratégique. Selon le DFE, la manière avec laquelle la directrice générale traitait les partenaires du projet et les problèmes de direction internes (communication interne déficiente et collaboration insuffisante avec le Comité directeur) ont finalement été décisifs et ont précipité la crise.

2427

Il est tout à fait notoire que le courant ne passait pas entre le Comité stratégique et la Direction générale. Ce fait a d'ailleurs été souligné de manière réitérée durant les investigations menées par la Commission de gestion. Très rapidement, la directrice générale s'est méfiée des politiques qui siégeaient au Comité stratégique. La peur de voir des problèmes internes relayés par la politique pour finir étalés sans discernement sur la place publique est peut être à l'origine de la méfiance que la directrice générale vouait aux représentants politiques. En tout état de cause, cette attitude a amené la directrice générale à faire preuve d'une grande retenue en matière d'information. Pour cette raison, au lieu d'être informé à temps et avec précision, le Comité stratégique n'a pu percevoir les difficultés et les points faibles du projet que de manière plutôt intuitive. Le résultat de cette méfiance a été que la Direction générale s'est attribuée le monopole de la communication vers l'extérieur. Cette communication a été jugée insuffisante, tant envers les médias (qui, en raison du manque de sujets, se sont cantonnés à aborder les problèmes de personnel, d'organisation et de finances) qu'envers les sponsors.

3.3.3

Problèmes dans le domaine du financement d'Expo.01

Dès le départ, les organes responsables de l'association étaient conscients des problèmes de liquidités engendrés par un projet d'exposition nationale. En effet, dans ce genre de projet, les recettes ne s'encaissent qu'après l'ouverture. Très tôt déjà, il était clair que, de 1999 à 2001, les besoins en liquidités atteindraient environ 150 à 200 millions de francs et qu'il faudrait par conséquent recourir au crédit. En raison de la situation financière critique dans laquelle la Confédération se trouvait au milieu des années 90, les politiques et la direction de l'Expo tablaient sur un financement qui serait assuré à 80 % par des sponsors du secteur privé. Les contributions des pouvoirs publics ne devaient constituer qu'une petite partie du budget global.

Les organes de l'Association EXPO 2001 ont tout de suite reconnu que cette manière de financer le projet était un grand défi. Le Conseil fédéral était lui aussi conscient de ce problème. Le rapport complémentaire au message concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 du 5 novembre 199624 souligne que le budget d'Expo.01 repose sur un partenariat actif avec le secteur privé et relève qu'il reste peu de temps pour trouver des sponsors. En ce qui concerne les exposants, les organisateurs se rendaient compte que ces derniers ne sauraient s'engager autrement que sur la base d'un projet détaillé. Les problèmes financiers auxquels il fallait s'attendre ont également été mis en évidence par le Parlement et cela en 1996 déjà. Dès son entrée en fonction, la directrice générale a sans cesse exprimé son insatisfaction au sujet des conditions financières décidées à l'origine par la Confédération. A ce sujet, les représentants de la Confédération au Comité stratégique se sont limités à rappeler qu'il ne fallait pas compter sur une augmentation de la contribution de la Confédération et que la Direction générale ne devait pas prendre la garantie de déficit pour une réserve. Pour commencer, il a été nécessaire de se procurer des liquidités au moyen de crédits bancaires. Il aura cependant fallu une accumulation de signes, soit l'apparition de besoins importants en matière de liquidités, l'établissement de la situation financière critique sur la base de chiffres concrets et, finalement, l'ultimatum des directeurs à l'encontre de la directrice générale en été 24

FF 1996 V 555

2428

1999, pour que le Comité stratégique et les milieux politiques prennent conscience du risque d'échec d'Expo.01. Avec du recul, le financement du projet apparaît irréaliste parce que trop optimiste. La différence entre les attentes de la Direction générale et l'engagement effectif des milieux économiques était telle que le projet n'aurait pas pu être sauvé autrement que par une augmentation de l'aide financière accordée par la Confédération.

Pour l'essentiel, les difficultés financières d'Expo.01 étaient liées au concept qui avait été choisi. Les détails de l'exposition devaient être mis au point de manière «créative» et «dynamique» au fur et à mesure de l'avancement du projet. D'ailleurs les projets concernant les infrastructures se trouvaient également dans une phase de développement et de choix. Les directions développaient les projets non pas selon un axe séquentiel mais en parallèle en appliquant les méthodes dites de l'ingénierie simultanée (simultaneous engineering). Pour ce qui concerne les recettes également, les données fiables manquaient, tant sur les dispositions des investisseurs privés ou que sur les entrées. Dans ces conditions, il n'était naturellement pas possible d'établir un budget fiable au cours de la première phase. Effectivement, ce n'est qu'avec la concrétisation du projet de l'exposition que les besoins financiers effectifs sont apparus. En octobre 1998, le Bureau du Comité stratégique s'est rendu compte que le sponsoring devrait rapporter 300 millions de francs (seuls 175 millions de francs étaient assurés, au moyen de déclarations d'intentions pour la plus grande partie). C'est à ce moment-là que, pour la première fois, un certain étonnement est apparu: Comment était-il possible que les chiffres n'aient pas été estimés avec plus de précision dès le départ? De l'avis du Contrôle fédéral des finances, c'est lors du tournant de fin avril 1999 (voir jalon de fin avril 1999 au point 2.1 cidessus) qu'il était pour la première fois possible d'avoir une vue d'ensemble plus ou moins bonne de la situation financière du projet. En fait, c'est en septembre 1999, avec le rapport de la société Hayek Engineering, que les besoins financiers réels ont été définis plus clairement bien que de manière non exhaustive. Même si les besoins financiers actuels, c'est-à-dire ceux nécessaires pour
la réalisation d'Expo.02, sont assez bien évalués, un certain nombre d'incertitudes demeurent malgré tout, principalement en raison du manque de précision au sujet de l'évaluation des recettes. En raison de l'absence de toute détermination claire des recettes et des dépenses, la réalisation du concept choisi par les politiques et concrétisé par l'Association EXPO 2001 exigeait des qualités et des connaissances en matière de finances que, faute d'expérience dans ce domaine, la direction ne possédait pas.

La méfiance, la retenue et le scepticisme d'une partie des milieux de l'économie privée à l'encontre du projet ont contribué aux problèmes financiers. Cette méfiance a encore été aggravée ­ comme le rapport de la société Hayek Engineering l'a relevé ­ par l'attitude présomptueuse, voire l'arrogance de la directrice générale envers l'économie et les sponsors.

En 1964 déjà, l'exposition nationale avait également dû résoudre de graves difficultés de financement. C'est la raison pour laquelle les organisateurs attendaient que la Confédération, les cantons et les communes fassent preuve de souplesse en matière de paiements et inscrivent les sommes nécessaires dans leurs budgets annuels respectifs. A cet égard, le Contrôle fédéral des finances a également relevé que les manifestations culturelles entraînaient souvent des dépassements de coûts. Cela a notamment été le cas pour les festivités que le canton de Schwyz avait organisées dans le cadre de la commémoration du 700e anniversaire de la Confédération, festivités qui ont été clôturés avec un dépassement de coûts très important.

2429

3.3.4

Problèmes au niveau de la Confédération

Les services fédéraux concernés ne voient pas que des difficultés au niveau de la conception et de la direction par les organes de l'Association EXPO 2001. Ils sont également d'avis que l'accompagnement d'Expo.01 par les autorités fédérales était insuffisant. Dans ce domaine, le Parlement est également critique vis-à-vis de luimême25. Le représentant de la Confédération ­ le Délégué du Conseil fédéral à l'Expo.01 ­ était isolé au sein du Comité stratégique. L'opinion générale était que le projet Expo.01 n'était pas prioritaire pour le Conseil fédéral. Le Conseil fédéral avait fait confiance aux organes de l'Association EXPO 2001. Jusqu'à l'éclatement de la crise en été 1999, il a fait preuve d'un intérêt distant et d'une patience sceptique pour tout ce qui touchait aux processus liés à Expo.01. Pour sa part, le Délégué du Conseil fédéral a constaté une certaine indifférence de la part de l'administration également. Sur demande du Délégué, le Chancelier de la Confédération a convoqué à deux reprises la Conférence des secrétaires généraux à des fins d'information.

Mais ces derniers n'ont guère manifesté d'intérêt pour cet important projet d'avenir.

D'une manière générale, les collaborateurs de l'administration fédérale impliqués dans le projet Expo.01 n'avaient généralement aucun accès direct aux niveaux hiérarchiques élevés de leur département. En raison de toutes ces circonstances, le flux de l'information au sein de l'administration fédérale était insuffisant. D'ailleurs, la plupart du temps, les informations fournies ne déclenchaient aucune réaction.

Le Délégué du Conseil fédéral a également reconnu que la représentation de la Confédération au sein du Comité stratégique n'était pas assez forte, principalement lorsqu'il s'agissait de s'affirmer vis-à-vis de la Direction générale. Le chef de DFE est d'avis que les représentants de la Confédération n'ont pas suffisamment insisté lorsqu'il s'agissait de contrôler la suite que la Direction générale donnait à leurs interventions. Il était toutefois difficile de procéder à de telles vérifications étant donné que la Direction générale faisait preuve d'une très grande réserve en matière d'information et qu'elle veillait à se garder une marge de manoeuvre entière dans le domaine de ses compétences opérationnelles.

La gestion des projets fédéraux est
également un problème important au niveau de la Confédération. En guise d'introduction à ce point, voici quelques informations au sujet de ces projets: Le message de 1996 concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 prévoyait un montant de 20 millions de francs pour la réalisation des projets de la Confédération. Un même montant avait également dû être débloqué pour les projets de la Confédération de l'exposition nationale de 1964. Le 15 juin 1998, le Conseil fédéral a accepté un projet de la Confédération pour chacun des quatre sites de l'exposition. Il a également chargé le Groupe de coordination interdépartemental (GIC) et son Délégué de procéder aux éventuelles adaptations de l'engagement financier et de le tenir informé. Le 16 novembre 1998, le GIC a conclu une «Convention de collaboration pour la réalisation du projet d'exposition de la Confédération» avec l'Association EXPO 2001. Selon cette convention, l'Association répondait du crédit de 20 millions de francs, les décisions entraînant des conséquences financières sur les projets de la Confédération devaient être prises en commun, par le GIC et l'Association, et le GIC était chargé du contrôle (surtout en ce qui concerne les délais, les coûts et la qualité). Le GIC devait également surveiller les conditions générales fixées pour la contribution à l'expo25

Voir notamment BO 1999 E 940 (intervention Onken) ou BO 2000 E 248

2430

sition nationale. En automne 1999, la société Hayek Engineering a mis le doigt sur le manque de professionnalisme et les responsabilités mal définies dans la conduite des projets. Les exigences élevées de la Confédération envers ses propres projets étaient en contradiction avec les moyens qu'elle avait prévus au départ: au lieu des 20 millions de francs prévus dans la contribution fédérale, la concrétisation des projets de la Confédération aurait nécessité 50 millions de francs. Suite à la prise de connaissance de ce dépassement de coûts, le Conseil fédéral a chargé le groupe de travail interdépartemental IDA-EXPO.01 d'examiner et d'adapter l'organisation et la gestion des projets de la Confédération.

L'analyse effectuée par le groupe de travail IDA-EXPO.01 a confirmé que la gestion des projets de la Confédération n'était pas suffisamment professionnelle et que leurs responsables manquaient d'expérience dans ce domaine. Ensuite, les responsabilités pour ces projets n'étaient en fait pas clairement réglées par la convention précédemment citée. La responsabilité artistique incombait à la direction de l'Expo, mais l'Association EXPO 2001 a attribué des mandats à des tiers et payé des factures concernant des projets de la Confédération. Certains projets étaient surdimensionnés en raison de l'absence d'un plafonnement des dépenses. La direction de l'Expo a renoncé à convenir d'un tel plafonnement des coûts avec les créateurs. Elle comptait en effet sur des revenus supplémentaires provenant du sponsoring et ne voulait pas limiter la liberté artistique des responsables de projets. Le dépassement des coûts prévus s'explique également par le grand nombre d'inconnues (emplacement, nombre de lieux d'exposition, frais de location exacts, résultats du concours d'architecture). Les conditions de location prises en compte étaient plus avantageuses. De plus, il n'y avait ni plan financier, ni controlling. De la part du GIC, il faut également souligner le fait que les travaux ont été effectués dans une structure ad hoc, c'est-à-dire dans une structure en marge du travail administratif ordinaire.

Selon la nouvelle organisation, la responsabilité des projets fédéraux incombe dorénavant à la Confédération. Les quatre responsables de projet travaillent désormais sur mandat de la Confédération et sont accompagnés
chacun par une équipe de créateurs qui veille au suivi du contenu. Les moyens financiers sont répartis entre les projets sur la base d'un budget et administrés par les responsables de projet. Les projets de la Confédération font maintenant l'objet d'une surveillance. Chacun à son niveau, les directeurs de projet et les responsables de la surveillance du projet en assument l'entière responsabilité (délai, contenu, finances). La réalisation des projets est dorénavant intégrée dans des structures administratives existantes qui disposent de l'expérience nécessaire. Il s'agit du Groupement de l'armement du DDPS. La direction de l'Expo n'a plus qu'un «droit de veto artistique» (comme c'est d'ailleurs le cas pour les projets privés). La Commission de gestion a pu constater que le Groupement de l'armement se distingue par une gestion rigoureuse et un bon controlling des projets de la Confédération. Plusieurs créateurs ont déjà dû être remplacés parce qu'ils n'arrivaient pas à respecter ou ne voulaient pas respecter le nouveau cadre donné.

Dans le même contexte que la conduite des projets de la Confédération, il faut encore mentionner que le Délégué du Conseil fédéral, qui était simultanément président du GIC, a été progressivement submergé de travail. Pour ne pas négliger sa fonction de délégué et par souci de professionnaliser le travail en faveur des projets fédéraux, il s'est tourné vers le DFE pour obtenir l'appui d'un chef de projet professionnel. Ses efforts sont restés vains.

2431

3.3.5

Brève évaluation des problèmes par la Commission de gestion

La Commission de gestion peut facilement comprendre les points de vue exprimés ci-dessus au sujet des problèmes qu'Expo.01 a connus. Cela ne signifie cependant pas que les travaux préparatoires d'Expo.01 n'aient pas connu d'autres difficultés importantes. Il est tout à fait possible que les organes de l'Association, les cantons ou les milieux économiques puissent encore discerner d'autres problèmes.

La Commission de gestion est d'avis que l'erreur principale réside dans l'absence d'une direction et d'une gestion de projets professionnelles. Cette erreur a été commise tant par l'Association que par les responsables de l'organisation et de la direction des projets de la Confédération. Bien sûr, l'appréciation doit également tenir compte des conditions difficiles imposées par la politique (pas de garantie de financement, planification lacunaire, responsabilités mal définies, manque de temps).

En ce qui concerne le fonctionnement du Comité stratégique, il faut partir du principe qu'il ne saurait être question qu'un organe de cette nature, c'est-à-dire qui assume le rôle d'une Assemblée générale, fasse l'objet d'exigences spéciales. Cependant, les attentes envers le Comité stratégique étaient importantes: après avoir défini les orientations du projet, il devait le diriger et le contrôler de manière efficace. Ainsi, la responsabilité du Comité stratégique était équivalente à celle d'un Conseil d'administration. Cependant, le choix des membres du Comité stratégique et son organisation n'étaient pas à la hauteur de cette responsabilité. Cet organe constitué de représentants politiques, et non par des professionnels de la gestion de ce genre de projets, n'était pas à même d'assurer une conduite et une surveillance suffisamment efficaces. En revanche, la Commission de gestion est d'avis que le Comité stratégique était partiellement en mesure d'assumer son rôle de groupe politique d'accompagnement du projet. Toutefois, un tel organe ne devait pas se fier à la Direction générale sans faire preuve de sens critique. D'une manière générale, il est possible de dire qu'un conseil d'administration en tant que tel, un comité directeur tel qu'il a été institué pour Expo.02, faisait défaut à Expo.01.

4

Evaluation du rôle de la Confédération et de ses autorités dans le cadre de la préparation et de l'organisation de l'exposition nationale «Expo.01»

Dans ce chapitre, la Commission de gestion évalue le rôle et l'influence de la Confédération et de ses organes les plus concernés du point de vue d'Expo.01. Elle prend position sur la gestion du projet en tenant compte des conditions que les autorités fédérales ont rencontrées lors de l'accomplissement de leurs mandats.

4.1

Le rôle de la Confédération dans le cadre d'Expo.01 en général

Le rôle de la Confédération lors de la préparation et de l'organisation d'Expo.01 a évolué au cours du temps. La Commission de gestion constate que ce rôle n'était souvent pas défini clairement. La Confédération devait-elle se limiter au versement

2432

d'une contribution, devait-elle accompagner le projet (de manière active ou passive) ou devait-elle contrôler le projet (avec quelle intensité et au moyen de quels instruments)?

La Confédération a assumé un rôle important lors du démarrage du projet. C'est le Conseil fédéral qui a choisi le projet devant être réalisé et qui a fixé la date de l'exposition nationale. C'est lui également qui a examiné la faisabilité du projet, qui a délégué les responsabilités opérationnelles et stratégiques de la préparation, de la réalisation et du déroulement de l'exposition nationale à une association, qui a adopté la structure organisationnelle de cette association et qui a décidé de la participation financière de la Confédération. Avec l'arrêté fédéral du 10 décembre 1996 concernant une contribution de la Confédération, le Parlement a accepté ces conditions.

L'analyse des débats parlementaires qui ont eu lieu en 1996 au sujet de la contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 montre que ni le Conseil fédéral, ni l'Assemblée fédérale n'ont clairement défini le rôle et la responsabilité de la Confédération. Bien qu'ayant été précisée dans le rapport complémentaire au message, la structure organisationnelle a, en particulier, fait l'objet de questions auxquelles le Conseil fédéral et le Parlement n'ont pas répondu. A l'époque, le chef du DFE avait répondu que la Confédération gardait le contrôle du projet, même si la responsabilité en était presque entièrement déléguée à l'Association26. Le Parlement était toutefois conscient de la responsabilité politique de la Confédération. En revanche, la définition de cette responsabilité n'était pas claire. Il était notamment question que les milieux économiques et les sponsors pouvaient compter sur une coresponsabilité de la Confédération en tant que partenaire27. Il a également été dit clairement que la responsabilité principale pour la préparation d'Expo.01 n'incombait pas à la Confédération. Il était plutôt question d'une réalisation commune28. La responsabilité politique et financière devait incomber aux parties impliquées dans l'exposition nationale, soit les 5 cantons, les 4 villes et la Confédération. La question du lien entre ces responsabilités et la responsabilité du Comité stratégique était également controversée. Les débats n'ont pas permis
d'établir clairement que l'Association «EXPO 2001» ­ et elle seule ­ portait la responsabilité et était l'interlocuteur responsable des collectivités et des autorités participant au projet, ni que la Confédération, par l'intermédiaire du Conseil fédéral, c'est-à-dire des personnalités compétentes que ce dernier a nommées, devait y jouer un rôle important29.

Les problèmes de liquidités de l'Association «EXPO 2001» ont conduit à l'acceptation du crédit additionnel (250 millions de francs) et de la garantie de déficit (338 millions de francs). Malgré le choix d'une structure ressortissant au droit privé, le Conseil fédéral partait du principe que la Confédération portait une part importante de la responsabilité politique30. Cette responsabilité renforcée de la Confédération a pu encore être constatée plus tard, lorsque le Conseil fédéral a débloqué le crédit additionnel alors même que l'Association n'avait pas complètement rempli ses obligations (en particulier dans le domaine de la recherche de sponsors). De plus, à la question de savoir qui devait supporter un éventuel déficit, le chef du DFE avait indiqué qu'en raison de sa responsabilité politique de fait, il reviendrait probable26 27 28 29 30

Procès-verbal de la séance des 26 et 27 août 1996 de la CSEC-E BO 1996 E 709 BO 1996 E 709 BO 1996 E 709, voir aussi BO 1996 E 719 FF 1999 p. 8563 s. (ch. 5.2.2.2.2 et 5.2.2.2.3)

2433

ment en premier lieu à la Confédération de supporter l'éventuel déficit, les cantons ne venant qu'en deuxième lieu31.

De l'avis de la Commission de gestion, cela ne clarifie pas encore la question de la responsabilité de la Confédération du point de vue de l'exposition nationale. Actuellement, cette responsabilité parait plus importante que ce qu'on imaginait en 1996. Ce point de vue est confirmé par la déclaration en 1996 du chef du DFE de l'époque précisant que la contribution de 130 millions de francs ne serait en aucun cas dépassée et que les organisateurs ne devaient avoir aucun espoir de recevoir plus de moyens de la Confédération32.

Conclusion: En ce qui concerne l'Expo.01, la question de la responsabilité politique de la Confédération était et demeure confuse. C'est l'éclatement de la crise d'Expo.01 qui a montré que c'est la Confédération qui porte la responsabilité déterminante du succès ou de l'échec d'une exposition nationale. Les événements prouvent que cette responsabilité n'a pas été perçue et qu'elle a été sous-estimée.

4.2

Le rôle des Chambres fédérales et de leurs organes

En fait, en tant qu'organe du Parlement, la Commission de gestion n'a pas pour compétence de juger du rôle joué par les Chambres fédérales. Cette démarche s'impose malgré tout pour pouvoir évaluer la gestion du projet par le Conseil fédéral ainsi que les conditions ayant prévalu lors de la préparation d'Expo.01.

Le rôle des décisions fondamentales prises à l'échelon politique a déjà été présenté au chapitre précédent. D'une manière générale, les Chambres fédérales ont eu une attitude critique envers le projet d'Expo.01. Cela ne signifie cependant pas du tout qu'elles avaient une attitude négative par rapport au projet d'une exposition nationale. Au contraire, le projet présenté par le Conseil fédéral a bénéficié d'un large soutien. Néanmoins, les bases décisionnelles incomplètes ont été à l'origine de critiques lorsque le Parlement a débattu de la question d'une contribution fédérale en faveur de l'exposition nationale. Pour le Parlement, l'absence de contenus, la structure organisationnelle floue, la protection de l'environnement et le concept du trafic ont constitué les domaines dans lesquels il a constaté lacunes et questions sans réponses Même si les commissions chargées de l'examen préalable du projet et les Chambres fédérales ont posé des questions critiques et ont demandé des rapports complémentaires pour répondre à diverses questions (Qui assume la responsabilité définitive de l'organisation du projet? Dans quels organes la Confédération sera-t-elle représentée, et avec quelles compétences? Quels services de la Confédération seront-ils chargés d'examiner les conditions d'octroi des subventions? Quels seront leurs moyens? Qu'est-ce qui a été prévu au niveau de la protection de l'environnement, des transports, des finances et de l'organisation?), la Commission de gestion estime qu'elles n'ont pas fait suffisamment preuve d'esprit critique lorsqu'elles se sont penchées sur les réponses. Le fait est que de nombreux points sont restés nébuleux ou sans réponse. En reprenant les motifs de l'arrêté fédéral de 1996 concernant une contribution de la Confédération, il apparaît immédiatement que le rôle du Parlement était de susciter la confiance nécessaire et de donner l'impulsion de départ pour 31 32

BO 2000 N 708 Procès-verbal de la séance du 17 octobre 1996 de la CSEC-N, p. 24

2434

la réalisation d'une exposition nationale en 2001, avant que toutes les questions soient résolues et avant que l'enthousiasme des organisateurs soit annihilé par une trop vive critique.

Il est indéniable que les Chambres fédérales ont, sur certaines questions, contribué a apporter plus de clarté (notamment en ce qui concerne la structure organisationnelle ainsi que les questions ayant trait à la protection de l'environnement et au trafic). Le Parlement s'est également assuré que le Conseil fédéral le tienne régulièrement informé de l'avancement du projet en lui faisant obligation d'informer dans le cadre du rapport de gestion. Il s'agissait aussi d'alimenter la discussion au sujet d'un projet devant être porté par toute la population. Par la suite, ces rapports du Conseil fédéral n'ont pas apporté d'informations substantielles; ils n'ont pas provoqué un intérêt particulier et la discussion souhaitée n'a malgré tout pas eu lieu33.

Après la décision au sujet de la contribution de la Confédération, l'intérêt des Chambres fédérales au sujet des préparatifs de l'Expo.01 est demeuré aussi distant que celui du Conseil fédéral. Seul un groupe parlementaire informel se tenait régulièrement informé au sujet des travaux de l'Association. L'intérêt au sujet des préparatifs d'Expo.01 a augmenté lorsque les problèmes au sein de l'Association EXPO 2001 sont peu à peu remontés à la surface. Un certain nombre d'interventions parlementaires34 déposées à ce sujet permettent de se rendre compte que le Parlement a pris les problèmes d'Expo.01 au sérieux très tôt déjà. Les réponses tranquillisantes du Conseil fédéral n'ont en revanche pas donné lieu à des décisions urgentes.

Même les commissions de contrôle parlementaires ont dû, dans un premier temps, définir leur rôle dans le cadre des travaux d'Expo.01. Ce n'est que durant la première moitié de 1998 que la Commission de gestion du Conseil des Etats s'est penchée sur la question de son rôle et de ses compétences concernant Expo.01. Elle a adopté les conclusions de son secrétariat à ce sujet le 9 juillet 1998. Vers fin 1998, la Conférence des présidents des commissions de contrôle parlementaires a rappelé au Contrôle fédéral des finances l'importance de ses activités de surveillance dans le domaine de l'Expo.0135. Fin avril 1999, en raison des problèmes rencontrés
lors de la préparation d'Expo.01, la sous-commission compétente de la Commission de gestion du Conseil des Etats a eu un entretien avec le Délégué du Conseil fédéral. A cette occasion, elle a pris connaissance des conditions de travail difficiles du Délégué ainsi que de certains problèmes, problèmes toutefois plus ou moins déjà connus à l'époque. En tout état de cause, les informations obtenues n'ont pas donné lieu à des mesures concrètes. En mai 1999, un entretien avec le chef du DFE au sujet du rapport de gestion 1998 n'a pas encore permis de reconnaître la gravité de la situation. Au contraire, des signaux positifs permettaient encore de croire à la réalisation d'Expo.01. Les compétences juridiques de la Commission de gestion ne lui ont pas permis d'intervenir directement auprès de l'Association.

Dans le cadre de cet examen, tous les documents de la délégation des finances n'ont pas été examinés en détail. Toutefois, l'examen global de ces documents et des rapports annuels de la délégation des finances montre que du point de vue de son influence et de ses interventions, cette dernière est logée à la même enseigne que le 33 34

35

Voir rapports de gestion du Conseil fédéral de 1997 à 1999 Voir notamment 98.3350 (postulat Baumann J. Alexander), 99.3024 (interpellation Seiler Bernhard), 99.1017 (question ordinaire urgente du groupe de l'Union démocratique du centre) Lettre du 17 décembre 1998 adressée au CDF

2435

reste du Parlement et de ses organes. La délégation des finances s'appuie principalement sur les résultats des contrôles effectués par le Contrôle fédéral des finances.

Dans un premier temps, la délégation des finances a simplement pris acte de ces rapports étant donnés qu'ils ne mentionnaient pas de réserves importantes et que la direction de l'Expo était disposée à aborder ces points.

Une fois les problèmes de financement et de direction de l'Association EXPO 2001 connus, le Parlement s'est de plus en plus vu contraint de créer les conditions et le climat de confiance pour un projet pour lequel il s'était engagé en 1996 et en faveur duquel beaucoup de moyens financiers avaient déjà été investis. C'est du moins ce que montrent les débats sur le crédit additionnel et surtout sur la garantie de déficit.

Le choix entre l'arrêt du projet ou l'acceptation d'un crédit additionnel n'existait pas vraiment. La responsabilité politique de la Confédération a été mise en cause immédiatement après celle de la direction de l'Association. La réputation de la Suisse en tant que nation issue de la volonté de ses citoyens était en jeux et le point de nonretour avait été dépassé depuis longtemps. Ces circonstances ont provoqué un certain malaise au sein du Parlement lors des décisions concernant le crédit additionnel et la garantie de déficit.

Conclusion au sujet du rôle du Parlement: Bien que le Parlement ait fait preuve de sens critique, il a, en 1996, créé le climat de confiance pour l'exposition nationale 2001 et accepté une contribution de la Confédération alors même que de nombreuses questions étaient encore demeurées ouvertes. Comme le Conseil fédéral, il a ensuite suivi les préparatifs en vue de l'Expo.01 à distance seulement. En outre, les organes de contrôle parlementaires ont tout d'abord dû définir les tâches de surveillance ainsi que leur rôle par rapport à Expo.01. Durant la crise d'Expo.01, le Parlement s'est vu contraint de sauver l'exposition nationale en acceptant l'augmentation des contributions de la Confédération.

4.3

Le rôle du Conseil fédéral et du chef du DFE

4.3.1

Rôle et responsabilités en général

Les décisions politiques fondamentales du Conseil fédéral ont déjà été abordées au par. 4.1. Le fait que les bases décisionnelles lors du démarrage du projet étaient incomplètes et insuffisantes a également déjà été mentionné. De l'avis de la Commission de gestion, le Conseil fédéral n'a pas suffisamment fait preuve d'esprit critique en ce qui concerne les bases d'Expo.01 (structure organisationnelle, financement et faisabilité). Les auditions ont montré de manière répétée que l'administration fédérale ne disposait ni du temps ni des connaissances spécifiques nécessaires qui lui auraient permis de contrôler l'étude de faisabilité effectuée par les organisateurs. Alors même que, dans son message concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001, le Conseil fédéral partait du principe de la création d'une société anonyme, il s'est finalement sans problèmes rallié à la structure organisationnelle proposée par l'Association. Théoriquement, le Conseil fédéral aurait eu son mot à dire lors de la définition de la structure organisationnelle. Les questions de structure et de responsabilité constituent une partie importante du rapport complémentaire au message du 22 mai 1996 concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 daté du 6 septembre 1996. De plus, le Conseil fédéral avait la possibilité d'influer sur les statuts de l'Association. Toutefois, le 25 novembre 1996, le Conseil fédéral en a pris connaissance sans autre commentaire 2436

et a prié son Délégué de les accepter. La Commission de gestion tient néanmoins à préciser ici que, à l'époque, le Conseil fédéral avait jugé que la forme de l'association était simple et crédible. Il l'estimait crédible puisqu'elle tenait tout particulièrement compte de la représentativité et de la responsabilité du collectif politique. D'ailleurs la forme d'association en tant que telle ne semble pas être à l'origine des problèmes puisque cette forme juridique a été conservée pour le projet Expo.02. En revanche, la structure adoptée ne réglait pas la question des compétences au sein de l'Association de manière suffisamment claire et elle ne permettait à l'organe suprême (Comité stratégique) d'assurer une conduite et un contrôle efficaces.

Le Conseil fédéral n'a pratiquement pris aucune mesure organisationnelle propre à garantir un accompagnement et un contrôle rigoureux des travaux préparatoires de l'Association. Il a été fait appel à des unités existantes (comme le Contrôle fédéral des finances ou divers offices de l'administration fédérale) sans leur octroyer ni le temps ni les moyens nécessaires pour remplir les tâches supplémentaires liées à la préparation de l'Expo.01. La création du poste de Délégué du Conseil fédéral à l'Expo.01 est une exception et devait permettre d'assurer la liaison et la coordination avec l'Association EXPO 2001. Comme cela a déjà été relevé, la position du Délégué était très indépendante, voire isolée. Par conséquent, la Commission de gestion est d'avis qu'il n'est pas possible de parler d'une liaison avec le Conseil fédéral.

Comme la commission a pu s'en rendre compte, les contacts du Délégué avec le nouveau chef du DFE étaient difficiles, contrairement à ce qui était le cas avec son prédécesseur. En effet, le Délégué avait été le conseiller personnel du précédent chef du DFE.

Jusqu'au moment de l'éclatement de la crise financière et de confiance, le Conseil fédéral s'est tenu au principe de la non-ingérence dans un mandat attribué à une association privée. Le Conseil fédéral misait sur la confiance. La Commission de gestion n'a pas constaté que le Conseil fédéral s'était intéressé aux travaux préparatoires de l'exposition nationale de manière particulière. Les investigations de la commission ont en effet montré que l'avis, souvent exprimé, selon lequel le Conseil
fédéral n'avait pas accordé une grande priorité à ce projet est tout à fait fondé. Le Conseil fédéral qui faisait confiance à l'Association et qui ne s'immisçait pas dans ses affaires justifie cette attitude en arguant de la délégation de la réalisation de l'exposition nationale à une association privée. Mais ce fait n'aurait par empêché le Conseil fédéral de faire preuve d'un plus grand intérêt envers l'exposition nationale.

La Commission de gestion est d'avis qu'un engagement plus marqué de sa part aurait été de mise pour un événement de portée nationale.

Ce n'est qu'après fin 1998, une fois connus les problèmes internes de l'Association, que le Conseil fédéral, et plus particulièrement le DFE en tant que département responsable, a suivi les événements de plus près. Fin janvier 1999, le Conseil fédéral a institué une délégation réunissant les chefs du DFE, du DDPS et du DETEC et chargée d'assurer une meilleure information. Cette délégation a siégé deux fois en 1999 et s'est informée sur l'état de la situation auprès de représentants de l'Association.

Alors que, dans une première phase, il avait plus ou moins passivement misé sur la confiance, le Conseil fédéral s'est ensuite vu obligé de s'engager activement pour rétablir un climat de confiance active. Il s'agissait de rétablir un climat positif en faveur de l'Association et de l'exposition nationale qui se trouvaient en pleine crise de confiance. Au début de la crise, le Conseil fédéral en appelait principalement à la

2437

responsabilité des organes de l'Association36. Lorsque la gravité de la situation a été reconnue au cours de l'été 1999 et que les problèmes financiers ont été révélés, le Conseil fédéral a abandonné son attitude de patience sceptique. Il est intervenu directement dans le cours des affaires opérationnelles37 d'Expo.01, notamment dans les domaines de l'organisation et des finances. Pour le Conseil fédéral, il fallait donc une crise pour qu'il puisse intervenir. Le chef du DFE a déclaré qu'après la séance avec la direction de l'Expo en juin 1999, il avait souhaité la crise afin que le Conseil fédéral puisse enfin assumer sa responsabilité politique de manière pleine et entière38.

En résumé, la Commission de gestion est d'avis que le rôle joué par le Conseil fédéral dans la préparation et l'accompagnement d'Expo.01 ne constitue guère un exemple pour les décideurs politiques. Bien sûr, les conditions (que le Conseil fédéral avait cependant en grande partie fixées lui-même) par leur complexité rendaient difficiles toute conduite: ­

En accord avec le Parlement, le Conseil fédéral a délégué la responsabilité globale de l'organisation et de la réalisation d'Expo.01 à une Association.

­

La responsabilité politique est demeurée floue.

­

Avant la débâcle, il était uniquement possible de faire confiance aux mandataires39.

­

Vers fin 1998 début 1999, alors que l'Expo était en pleine crise de confiance, le Conseil fédéral s'est vu obligé de réagir afin de rétablir un climat de confiance. En réitérant sa confiance dans les organes dirigeants de l'Association, le Conseil fédéral voulait regagner la confiance des milieux économiques. Il est en outre très probable que le Conseil fédéral craignait que son «ingérence» ou une attitude critique aurait encore pu aggraver la situation. L'échec de l'Expo aurait facilement pu lui être imputé tant il est vrai que son attitude aurait pu être interprétée comme un manque de soutien au projet d'exposition nationale.

Bien entendu, ces incertitudes n'auraient pas eu les mêmes effets si le Conseil fédéral avait clairement défini son rôle et ses responsabilités dès le départ. Au lieu d'opter pour une telle approche, il a avant tout déduit son rôle et ses responsabilités d'avis ou d'attentes déjà formulés par des tiers (p. ex. d'une note de la CdG-E du 9 juillet 1998 qui clarifiait le rôle de la haute surveillance parlementaire).

36

37 38 39

Voir par exemple la réponse à l'interpellation Seiler Bernhard, 99.3024. Lors de la rencontre avec la direction d'Expo.01 du 22 janvier 1999, le conseiller fédéral Pascal Couchepin a également précisé que le Conseil fédéral n'assumait qu'une certaine responsabilité politique.

Le chef du DFE a soutenu le président du Comité stratégique lorsque ce dernier projetait de licencier la directrice générale (voir BO 1999 E 943).

BO 1999 N 1948 Intervention du chef du DFE, BO 1999 E 945

2438

4.3.2

Evaluation des interventions du Conseil fédéral et du DFE lors des problèmes d'Expo.01

Dans le cadre de ses travaux, la Commission de gestion s'est également penchée sur la question de savoir comment le Conseil fédéral et le chef du DFE ont réagi face aux problèmes d'Expo.01. Elle a également cherché à savoir s'il avait agi à temps et si, dans les circonstances de l'époque, d'autres mesures, éventuellement urgentes, se seraient imposées.

La Commission de gestion ne peut fournir de réponse définitive à ces questions. En analysant la situation avec du recul, elle est convaincue que le Conseil fédéral a trop longtemps fait confiance à la direction de l'Expo et qu'il n'a pas suffisamment fait preuve d'esprit critique. Les signaux indiquant de graves problèmes financiers n'ont pas manqué40 tout au long du déroulement du projet. Mais la Direction générale a toujours indiqué que tout demeurait sous contrôle. De plus, en avril 1999, les organes responsables de l'Association et le Délégué ont confirmé la faisabilité du projet, tant du point de vue des délais que de celui des moyens. Ce n'est qu'en mai 1999 que le sponsoring s'est tout à coup avéré moins positif que prévu. Le 28 mai 1999, la Direction générale a confirmé un retard de trois ou quatre mois au Bureau du Comité stratégique.

Les conditions exposées plus haut ainsi que le niveau d'information permettent de comprendre comment le Conseil fédéral et le DFE avaient, à l'époque, évalué la situation ainsi que les conclusions qu'ils en ont tirées. La délégation de la responsabilité explique la confiance et le manque d'attitude critique. Mais là encore, le problème réside dans le fait que le Conseil fédéral n'a pas clairement défini son rôle et ses responsabilités dès le départ et qu'il n'a pas suivi et contrôlé les événements avec plus d'attention.

La Commission de gestion n'a trouvé aucun indice qui permettrait de penser que le Conseil fédéral n'a pas agi alors qu'il disposait d'informations claires et évidentes.

D'ailleurs, même s'il ne les a pas évalués à leur juste mesure, le Conseil fédéral a identifié un certain nombre de problèmes. En outre, certains signaux étaient contradictoires: risques d'un côté, relativisations de l'autre et une atmosphère toujours positive. Des analyses externes faisaient également des constatations positives. Le rapport du 5 mars 1999 de PriceWaterhouseCoopers sur le controlling global du projet en est
un exemple. Cette étude conclut que les instruments de controlling utilisés à cette époque étaient adaptés et permettaient de préparer l'Expo en respectant les délais, le budget et les exigences de qualité. Elle attirait aussi l'attention sur certains problèmes, qui étaient soit déjà connus (problèmes d'information au sein de l'Association) ou qui se manifesteront plus tard, au cours de la phase de réalisation. En fait, le Conseil fédéral a lui aussi été victime de la «stratégie d'embellissement» ­ constatée par la société Hayek Engineering ­ appliquée par une Direction générale qui s'évertuait à ne pas voir les problèmes.

Les interventions et l'évaluation de la situation de l'époque par le Conseil fédéral et le DFE: 40

Ainsi, le 26 mars 1999, lors de la préparation de la séance de la délégation du Conseil fédéral, le Secrétariat général du DFE, en se fondant sur le rapport intermédiaire de la Direction générale de février 1999, avait souligné dans une note de travail qu'«incontestablement, c'est à ce niveau, celui du financement, que la Direction générale va devoir affronter les plus graves problèmes. Cela est déjà perceptible».

2439

Au début 1999, après les premiers signes de crise au sein de la direction de l'EXPO, le chef du DFE a voulu ordonner une expertise financière indépendante. Le président de l'Association n'y étant pas favorable à ce moment-là, cette expertise indépendante a été retardée de plusieurs mois.

Le 22 janvier 1999, le chef du DFE a rencontré la direction de l'Expo pour s'informer au sujet de l'avancement des préparatifs d'Expo.01. A l'issue de cette discussion, il est parvenu à la conclusion qu'un report d'Expo.01 n'entrait pas en ligne de compte. Il a en bonne partie basé cette conclusion sur les déclarations des responsables de l'organisation d'Expo.01 selon lesquels il était raisonnablement possible de penser que les contrats de sponsoring seraient conclus, que le controlling était efficace et que des mesures personnelles avaient été prises pour rétablir la confiance.

En avril 1999, le chef du DFE a discuté de la possibilité d'arrêter le projet avec le Délégué. Ce dernier estime toutefois que ce scénario était impraticable, autant pour des raisons politiques, économiques et financières.

Le 21 avril 1999, la délégation du Conseil fédéral instituée en janvier s'est réunie pour la première fois avec la direction de l'Expo. Celle-ci l'a orientée au sujet des risques existants. Le moment était mal choisi dans la mesure où le prochain jalon, et donc une vue d'ensemble du projet, ne devait pas être disponible avant fin avril. La directrice de l'Association a saisi cette occasion pour renvoyer les participants désirant plus d'informations à cette date ultérieure. Elle a déclaré que le dialogue a été sous-estimé, tant au sein d'Expo.01 qu'avec les partenaires potentiels, et que le retard qui avait été pris n'était pas critique. Lors de l'entretien, tous les membres de la direction ainsi que le Délégué du Conseil fédéral ont assuré que l'exposition nationale était réalisable tant du point de vue financier que de celui du respect des délais. Le 27 avril 1999, le chef du DFE a informé le Conseil fédéral sur cette rencontre au moyen d'une note rassurante qui précisait que les difficultés rencontrées à la fin de 1998 étaient surmontées, que les récents progrès réalisés dans le secteur du sponsoring laissaient augurer d'un approvisionnement financier suffisant pour la mise en route des travaux de construction dans
le courant de l'été, que les questions techniques ne posaient pas de problèmes (alors que Bienne ne disposait toujours pas de permis de construire), que le secteur artistique respectait les délais et que le marketing et la communication ne posaient pas de problèmes particuliers.

La deuxième rencontre de la délégation du Conseil fédéral avec la direction d'Expo.01 a eu lieu le 22 juin 1999. Pour l'essentiel, la note du chef du DFE au Conseil fédéral contenait les informations suivantes: L'atmosphère au sein de l'Association n'avait jamais été aussi bonne, les relations avec les milieux économiques s'étaient améliorées, tous les cantons participaient à des projets et la Direction générale avait été renforcée. Les risques se situaient encore au niveau du financement de la sécurité, de la billetterie et du délai pour la conclusion des contrats de sponsoring. Il manquait encore 100 millions de francs pour atteindre les 350 millions de francs nécessaires, mais les travaux de construction devaient tout de même commencer. Le Conseil fédéral avait décidé de manifester son soutien à Expo.01 par la présence du chef du DFE lors de la pose de la première pierre le 29 juin 1999 à Cornaux.

De telles évaluations positives de la part du Gouvernement se retrouvent également dans des réponses faites à cette époque à des interventions parlementaires. Cela est, par exemple, le cas de la réponse du 26 mai 1999 à l'interpellation Seiler 2440

Bernhard41: «... La direction du projet réunit les fonds nécessaires selon la planification établie (...). La procédure choisie pour mener les travaux qui consiste à réaliser de nombreux projets en parallèle plutôt que l'un après l'autre et à assurer les ressources renforcées en personnel au fur et à mesure de l'avancement du projet permet de respecter un calendrier ambitieux (...). L'Expo.01 est en bonne voie de réalisation». Il en va de même de la réponse du 26 mai 1999 à la question ordinaire urgente du groupe UDC42: «Après que tous les postes de direction sont à nouveau occupés, la conception de communication clarifiée et l'état des projets examiné par des experts externes, on peut dire aujourd'hui que l'Expo dispose à nouveau d'une structure de conduite et de communication efficace.» Ces exemples montrent également que, en ce qui concerne le respect des délais et les finances, le Conseil fédéral s'est fié aux évaluations de la Direction générale sans faire preuve d'esprit critique.

Ce n'est qu'après l'ultimatum des directeurs envers la directrice générale, ultimatum ayant abouti au licenciement de cette dernière, que le Conseil fédéral est intervenu à l'échelon de la gestion opérationnelle d'Expo.01. Lors de ses nombreuses rencontres de l'été 1999 avec les représentants du Comité stratégique et des milieux de l'économie, le chef du DFE demande une modification de l'organisation ainsi que la réalisation d'une expertise qui sera attribuée à la société Hayek Engineering.

La suite des événements (préparation du message concernant un crédit additionnel pour l'exposition nationale) est bien connue.

Conclusion au sujet du rôle du Conseil fédéral: Le Conseil fédéral ne s'est pas suffisamment occupé des bases d'Expo.01. Il n'a pas imposé ses idées au sujet de la structure organisationnelle, il a mal estimé le financement et s'est basé sur des études de faisabilité reprises hâtivement et sans analyse critique. Le Conseil fédéral a sous-estimé l'importance du défi représenté par la préparation d'Expo.01, notamment aussi pour ce qui est du travail supplémentaire occasionné au niveau de l'administration fédérale. Il n'a pas procédé à la délégation de responsabilité avec suffisamment d'attention. De plus, le Conseil fédéral n'a pas accordé une priorité suffisante au projet, il ne l'a pratiquement pas
suivi et a méconnu la responsabilité de la Confédération en matière d'exposition nationale. En raison de ces méprises, le Conseil fédéral a très longtemps fait confiance à la direction de l'Association EXPO 2001 et a fait preuve de beaucoup de retenue.

4.4

Le rôle des représentants de la Confédération (particulièrement du Délégué du Conseil fédéral) au sein du Comité stratégique

Pour ce qui est de la Confédération, ce sont avant tout ses représentants au sein du Comité stratégique de l'Association EXPO 2001 qui ont accompagné le projet Expo.01. Ils ont assuré la coordination et la liaison entre la Confédération et l'Association. Au sein du Comité stratégique, ils étaient chargés de faire respecter les conditions posées par le Parlement lors de l'octroi du crédit. Il s'agissait notamment des conditions posées dans les domaines de la protection de l'environnement, des transports et de l'utilisation des fonds mis à disposition par la Confédération.

41 42

99.3024 99.1017

2441

Dans le cadre de son enquête, la Commission de gestion a examiné le mandat et le rôle des représentants de la Confédération ainsi que leur politique d'information envers l'administration fédérale et le Conseil fédéral. Pour pourvoir évaluer leur rôle et leur influence au sein du Comité stratégique, la Commission de gestion a posé un certain nombre de questions correspondantes au chef du DFE ainsi qu'aux représentants de la Confédération. A noter que la prise en compte des conditions dans lesquelles les représentants de la Confédération ont exercé leur mandat est aussi un aspect important pour cet aspect de l'examen.

4.4.1

Mandat et rôle des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique

Les trois représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique ont été nommés suite à la proposition du DFE au Conseil fédéral du 31 décembre 1996. Le choix s'est porté sur des personnes ayant siégé depuis le début dans le groupe interdépartemental de coordination (GIC). Le représentant du DFE s'occupait déjà du dossier depuis 1995, d'abord comme collaborateur personnel du chef du DFE de l'époque, puis en tant que Délégué du Conseil fédéral (par contrat de droit public conclu en octobre 1998). Il a été Délégué du Conseil fédéral jusqu'à fin juin 2000.

Son taux d'occupation était de 50 % (un suppléant à temps partiel l'assistait dans sa tâche). Les deux autres représentants appartenaient au DFF et au DFI puis au DETEC à la suite du changement de département de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP). Ces représentants n'ont pas pour autant été déchargés de certaines de leurs tâches régulières.

Concernant le cahier des charges, le DFE avait relevé dans sa proposition que le financement de l'exposition nationale et la contribution de 130 millions de francs justifiaient une observation permanente et qualifiée par les services de la Confédération durant toute la durée de l'exposition. Il s'agissait aussi de coordonner la répartition du crédit de 20 millions de francs sur les divers projets fédéraux, et de suivre attentivement les domaines de la culture et de la protection de l'environnement. Ils devaient défendre les intérêts de l'administration générale de la Confédération.

Le cahier des charges du Délégué du Conseil fédéral est concrétisé sous la forme d'un contrat de droit public conclu en octobre 1998 (avec effet rétroactif au 1er avril 1998). Pour l'essentiel, ce contrat prévoyait les tâches suivantes: ­

assurer la liaison entre la Confédération et l'organisation de l'exposition nationale;

­

présider le groupe interdépartemental de coordination;

­

conduire et préparer, avec les services intéressés de l'administration fédérale, les travaux liés à l'exposition nationale (en particulier en rapport avec les projets de la Confédération);

­

informer le public selon les besoins (en collaboration avec le service de presse du DFE);

­

adresser au Conseil fédéral, par l'intermédiaire du chef du DFE, les propositions, notes de discussion ou informations commandées par le déroulement des travaux et le calendrier fixé.

2442

Les représentants de la Confédération se répartissaient les affaires qui étaient à traiter en fonction des tâches qui leur étaient dévolues. Ainsi, le représentant du DFF s'est principalement penché sur les aspects financiers et celui du DETEC sur les questions ayant trait à la protection de l'environnement.

La Commission de gestion s'est rendu compte que, dès le départ, divers milieux s'étaient opposés à ce que les représentants de la Confédération occupent une position trop forte. Lors de son entrée en fonction, le Délégué du Conseil fédéral avait reçu du chef du DFE de l'époque, la consigne de ne pas jouer au «commissaire politique» et de ne pas chercher à jouer un rôle directif au sein du Comité stratégique. Les représentants de la Confédération ne devaient pas non plus apparaître comme des super-contrôleurs des comptes dans la mesure où cette tâche incombait au Contrôle fédéral des finances (CDF). Pour leur part, les membres du Comité stratégique n'ont pas donné de suite positive aux propositions répétées du Délégué qui demandait le même statut (et les mêmes droits) que celui des autres membres du Bureau de Comité stratégique. Ainsi, le Délégué du Conseil fédéral a gardé son statut d'observateur sans droit de vote au sein du Bureau. Par ailleurs, les organes de l'Association ne sont pas non plus entrés en matière sur d'autres exigences des représentants de la Confédération en arguant de la nature privée du mandat et du montant modeste de l'engagement financier de celle-ci (90 millions de francs sur un total de 1,4 milliard de francs). Ils étaient d'avis que la position de la Confédération dans les organes dirigeants de l'Expo aurait été renforcée de manière disproportionnée.

Lors de l'évaluation du rôle joué par les représentants de la Confédération, la Commission de gestion a également constaté que ces représentants devaient travailler dans des conditions défavorables. Il s'agit tout d'abord du fonctionnement et des méthodes de travail du Comité stratégique lui-même. Le fait que le Comité stratégique n'a pas fait preuve d'assez de dirigisme et n'a pas assumé sa fonction de contrôle envers la Direction générale a déjà été mentionné au par. 3.3.2. Par conséquent, les représentants de la Confédération ont également eu de la peine à s'imposer vis-à-vis de la Direction générale. L'environnement
faisait qu'ils se sentaient moralement obligés de faire preuve de retenue sur certaines questions ou qu'ils avaient l'impression d'être impuissants. Ils pouvaient néanmoins faire valoir leur influence dans des domaines importants (voir paragraphe suivant). Les représentants ont estimé que le travail au sein du Comité stratégique était très difficile. Au début, il n'y avait même pas d'ordre du jour et la documentation n'était envoyée que tardivement. L'information était incomplète et, en raison de l'attitude très réservée de la Direction générale, les intéressés n'étaient pas assez impliqués dans les processus décisionnels. En outre, notamment par manque de temps et de moyens, ils ne semblaient pas parvenir à contrôler le domaine des finances. De plus, les représentants de la Confédération n'avaient que peu d'expériences avec de tels projets.

2443

4.4.2

Domaines d'influence et d'intervention des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique

Pour ce qui est des questions techniques, les représentants de la Confédération avaient principalement de l'influence dans les domaines de l'environnement et de l'aménagement du territoire, des services de l'armée et des finances (en collaboration avec le Contrôle fédéral des finances).

En matière d'organisation, le représentant du DFF s'est, dès son entrée en fonction, tout de suite attelé à la mise en place d'une surveillance financière conforme. Cette tâche a été confiée au Contrôle fédéral des finances (assisté de représentants des contrôles des finances des cantons de Berne et du Jura) au milieu de 1997 déjà. Un cahier des charges a été établi et le système de rapports a été mis en place. Les représentants de la Confédération n'avaient pas d'influence sur d'autres questions importantes étant donné que ces points étaient déjà fixés (comme la méthode de financement de l'ingénierie simultanée [simultaneous engineering] ou la division du budget en un budget interne et un budget externe).

Les représentants de la Confédération sont également intervenus sur des problèmes internes à l'Association ainsi que sur des lacunes dans les travaux préparatoires d'Expo.01. Ils ont indiqué avoir réagi à plusieurs reprises en raison de la situation financière, du manque de qualité des documents distribués (en particulier du manque de transparence du budget), du manque de communication entre la Direction générale et le Comité stratégique. Ils ont régulièrement demandé le recours à des procédures réglées, un temps de préparation suffisant et plus de sérieux dans le travail. Ils se sont également adressés au Secrétariat général du Comité stratégique et ont constaté que même ce dernier n'était pas correctement tenu au courant par la Direction générale (cela en raison d'un manque de confiance réciproque). Avec l'apparition des problèmes de financement, les représentants de la Confédération ont également dû, à plusieurs reprises, rappeler que la garantie de déficit octroyée (20 millions de francs) ne devait en aucun cas constituer une réserve et qu'il ne fallait pas non plus s'attendre à ce que cette garantie soit augmentée. Les représentants de la Confédération sont encore intervenus en mai 1999, après la présentation par la Direction générale d'un budget faisant état d'une augmentation des coûts d'infrastructure
de plus de 100 millions de francs et prévoyant la couverture de ce dépassement par une augmentation du sponsoring ou par le transfert vers le secteur privé d'un certain nombre de positions à risque. Cette augmentation des coûts était pour la première fois basée sur des devis concrets des avant-projets et du business plan. Lors de la séance du Comité stratégique du 18 juin 1999, les représentants de la Confédération ont présenté des propositions de mesures concrètes en matière de «gestion du risque financier» ainsi qu'en ce qui concerne le respect du budget 8. Ils ont demandé un sponsoring mieux assuré et, le cas échéant, des propositions de redimensionnement. Le Comité stratégique a clairement chargé la Direction générale de présenter des propositions concernant le respect du budget 8 ainsi qu'une analyse de la situation en matière de sponsoring avant fin juillet 1999.

En ce qui concerne la portée effective des problèmes d'Expo.01, les représentants de la Confédération ont suivi le même parcours que les autres membres du Comité stratégique et, plus tard, le Conseil fédéral. Ils ont toujours renouvelé leur confiance (surtout après que le chef du DFE avait lui-même renouvelé sa confiance envers l'Association en mai 1999). Les raisons de cette confiance ont déjà été présentées 2444

plusieurs fois dans ce rapport (déficits en matière d'information, signaux positifs ou contradictoires, etc.). Selon les indications des représentants de la Confédération, rien à l'époque ne permettait de dire que les risques reconnus et identifiés n'auraient pas pu être maîtrisés et, moins encore, que l'accumulation des risques pourrait avec certitude mettre le projet en danger. En été 1999, les représentants de la Confédération, comme les autres membres du Comité stratégique, ont été surpris par le manque de liquidités et son ampleur ainsi que par les mauvaises perspectives financières.

Sur la base de ses investigations, la Commission de gestion partage l'avis du chef du DFE: après leurs interventions auprès de la Direction générale, les représentants de la Confédération ne leur ont pas accordé l'attention et l'insistance nécessaires. Par ailleurs, la Commission de gestion a constaté que la direction de l'Association a suivi les représentants de la Confédération pour les questions techniques, mais pas pour les questions relatives à la gestion du projet.

4.4.3

Informations et interventions des représentants de la Confédération auprès du Conseil fédéral et de l'administration fédérale

La Commission de gestion aborde ce point brièvement étant donné qu'il a déjà été établi au par. 3.3.4 que la circulation des informations entre les représentants de la Confédération et le Conseil fédéral et l'administration fédérale était insuffisante. Les raisons de cette situation y ont également été abordées. Il faut tout d'abord rappeler que l'information du Conseil fédéral, c'est-à-dire du chef du DFE était avant tout l'affaire du Délégué du Conseil fédéral. Les autres représentants se sont limités à informer leur département. Ce paragraphe est exclusivement consacré aux informations que le Délégué faisait parvenir au Conseil fédéral, c'est-à-dire au département responsable du projet (DFE).

Le rapport final du Délégué ainsi que ses notes d'information répondent à la question du flux d'informations. Dans le rapport final, le Délégué déclare avoir eu des contacts réguliers par oral avec le chef du DFE de l'époque, mais que ces contacts sont devenus de plus en plus rares en raison de la maladie de ce dernier. Il n'a senti que peu d'intérêt de la part de l'actuel chef du département. Le Délégué estime que ses interventions n'ont déclenché aucune réaction au niveau de la Confédération.

Le Comité stratégique lui-même ne s'est rendu compte que très tardivement du fait que l'information au sujet des difficultés internes à l'Association était problématique. Par conséquent, c'est également très tard (vers fin 1998) que le Délégué s'est mis à relayer les informations correspondantes. Les problèmes de personnes au sein de la Direction générale avaient déjà été identifiés au printemps 1997. Fin 1998, le Comité stratégique s'est rendu compte de l'augmentation des risques, de l'augmentation des coûts sur le marché de la construction et du manque d'enthousiasme des milieux économiques en ce qui concerne le financement des projets de l'exposition.

Durant la phase de démarrage des travaux préparatoires, le Délégué n'avait pas jugé nécessaire d'alerter le Conseil fédéral au sujet de ces lacunes étant donné que le président de l'Association s'était engagé à améliorer le mode de travail du Comité stra-

2445

tégique43. Ensuite, en particulier depuis le printemps 1999, le Délégué s'est d'autant plus senti dégagé de ses responsabilités en matière d'information puisque les contacts personnels directs que le chef du DFE entretenait avec les organes directeurs de l'Association lui permettaient d'être informé de «première main». Les notes d'informations du Délégué portaient principalement sur les problèmes internes de l'Association (qui sont connus aujourd'hui), l'état de la situation, ses prises de position sur certaines questions ainsi que sur la préparation des rencontres du Conseil fédéral avec la direction de l'Expo. En ce qui concerne les problèmes de direction qui ont été révélés fin 1998 (après les démissions des directeurs technique et artistique), le Délégué a estimé que la situation n'exigeait pas d'intervention drastique de la Confédération dès lors que les mesures annoncées par la Direction générale étaient de nature à rassurer comme l'était, plus encore, la volonté manifestée par le président du Comité stratégique de renforcer les compétences de contrôle de cet organe.

La Commission de gestion est d'avis qu'aucune de ces notes d'information n'est véritablement alarmante. Cela ne signifie pas pour autant que la portée des problèmes à venir ait été ignorée. Le 26 mars 1999, lors de la préparation de la séance de la délégation du Conseil fédéral sur la base du rapport intermédiaire de la Direction générale de février 1999, une note du Secrétariat général du DFE relevait: «incontestablement, c'est à ce niveau, celui du financement, que la Direction générale va devoir affronter les plus graves problèmes. Cela est déjà perceptible.» Par la suite ­ les faits sont bien connus ­ la Direction générale est parvenue à dissiper de telles craintes et à répandre des signaux positifs.

Conclusion au sujet du rôle des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique: Les représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique n'occupaient pas une position de force et manquaient d'autorité. Ils n'avaient pas de cahier des charges opérationnel. Les circonstances dans lesquelles ils devaient exercer leur très large mandat étaient extrêmement défavorables. Pour diverses raisons, les conditions pour une représentation efficace des intérêts de la Confédération n'étaient pas réunies. Les
représentants de la Confédération ont été priés, tant par la Confédération que par l'Association, de faire preuve de réserve et la faible participation financière de la Confédération leur a également été opposée. Les représentants de la Confédération étaient eux-mêmes membres d'un organe qui n'assumait pas ses fonctions de direction et de contrôle envers la Direction générale et souffrait d'une information lacunaire. En outre, les représentants de la Confédération n'avaient pas d'expérience en matière de grands projets de cette nature et ils ne disposaient pas de suffisamment de temps pour exercer leur mandat. De plus, l'appui du Conseil fédéral leur faisait défaut. Leur travail n'a déclenché aucune réaction à l'échelon de la Confédération. Le flux d'informations entre les représentants de la Confédération et le Conseil fédéral (administration fédérale comprise) était inopérant.

43

Cependant, le Délégué est bien intervenu à deux reprises auprès du chef du DFE de l'époque pour dénoncer le peu d'informations transmises par la Direction générale au Comité stratégique. Ces interventions n'ont cependant pas eu d'effets directs.

2446

4.5

Le rôle du Contrôle fédéral des finances (CDF)

4.5.1

Mandat et conditions-cadres de la surveillance financière d'Expo.01 par le CDF

Les prestations de la Confédération prévues par l'arrêté fédéral du 10 décembre 1996 concernant une contribution à l'exposition nationale 2001, soit des contributions directes et une garantie en cas de déficit, constituent des aides financières au sens de la loi sur les subventions (RS 616.1). Conformément à l'art. 8, al. 1, let. b, de la loi sur le contrôle des finances (RS 614.0), les bénéficiaires d'aides financières sont également soumis à la surveillance financière du CDF. Cette surveillance s'effectue selon les critères de la régularité, de la légalité et de la rentabilité (voir art. 5 de la loi sur le contrôle des finances). Le CDF organise librement sa surveillance financière.

Le rôle du CDF n'était toutefois pas clairement défini dès le départ. Durant le premier trimestre 1997, le CDF a défini les compétences et les responsabilités en collaboration avec la direction de l'Association et les cantons concernés. La surveillance financière a été concentrée dans les mains du CDF en tant qu'organe de contrôle du bailleur de fonds le plus important. Les délimitations suivantes ont été convenues: ­

La surveillance financière du CDF ne comporte pas les aides nécessaires à la «navigation» au sens du controlling des recettes et dépenses étant donné qu'il s'agit d'une tâche incombant au contrôle interne. En revanche, le CDF prend les rapports de l'organe de contrôle et de la commission de contrôle pour les soumissions et le controlling entièrement en compte dans l'évaluation de la gestion financière.

­

La direction de l'Association (Comité stratégique, Bureau, Direction générale) est responsable de l'organisation interne et de l'utilisation des fonds, donc d'un système de contrôle interne efficace.

­

Le CDF est extérieur à l'Association et n'a pas la compétence d'émettre des instructions. Il est indépendant dans les limites des prescriptions légales.

Pour répondre aux souhaits formulés par les cantons, le CDF collabore étroitement avec les contrôles des finances des cantons de Berne et du Jura.

­

Pour les contrôles, le CDF s'appuie sur les résultats des autres organes de contrôle compétents. Il convient de mentionner ici que la Direction générale disposait de toute une série d'instruments de controlling et de contrôle (notamment les «rapports du planning stratégique», les «analyses Milestones», le «controlling financier», le contrôle du budget, le contrôle des frais de construction et de la qualité ainsi que le contrôle de la planification). Outre le CDF, les autres organes de surveillance et de contrôle indépendants étaient l'organe de révision (ATAG Ernst & Young SA pour la période de 1996 à 1997 puis PricewaterhouseCoopers SA à partir de 1998) et la Commission d'adjudication des mandats (commission de contrôle). L'ensemble des organes de controlling et de contrôle sont mentionnés et décrits dans le rapport de PricewaterhouseCoopers SA du 5 mars 1999 sur le controlling de l'ensemble du projet. Dans son rapport de septembre 1999, la société Hayek Engineering a constaté l'insuffisance de tous ces instruments et organes de contrôle (absence d'un controlling central, certains organes de contrôle n'ont pas été associés au contrôle, etc.).

2447

Ces conditions montrent que le CDF n'avait pas de possibilité d'influer directement sur la gestion financière de l'Association EXPO 2001. De plus, au vu des moyens que la Confédération avait engagés au début du projet Expo.01 (1,5 million de francs en 1996, 19,6 millions de francs en 1997 et 30 millions de francs en 1998), le CDF avait estimé qu'il n'était pas judicieux d'engager des moyens disproportionnés pour la révision. Ainsi, en 1998/99, le poids essentiel s'est porté sur les contrôles des concepts. A l'époque, la Conférence des présidents des commissions de contrôle des Chambres fédérales a sans doute surestimé le rôle du CDF lorsque, dans sa lettre datée du 17 décembre 1998, elle lui a notamment attribué la compétence de surveiller l'utilisation des moyens mis à disposition par les pouvoirs publics. Afin d'éviter des malentendus et des fausses attentes, par lettre du 19 janvier 1999, le CDF a toutefois précisé son rôle, en allant dans le sens indiqué ci-dessus.

De l'avis du CDF, les structures décentralisées, le manque de transparence et le manque de disponibilité des personnes de l'Association pourtant tenues de renseigner ont été les difficultés les plus grandes que le CDF a rencontré dans l'accomplissement de son mandat.

4.5.2

Constatations et interventions du CDF

Etant donné qu'il n'y avait pas d'anomalies ou de manquements de portée fondamentale ou d'une importance financière particulière, ni le chef du DFE, ni celui du DFF n'a été directement informé au sens de l'art. 15, al. 3, de la loi sur le contrôle des finances. Les rapports écrits du CDF étaient adressés pour prise de position au président du Comité stratégique ainsi que pour information au Délégué du Conseil fédéral et aux responsables des contrôles des finances des cantons de Berne et du Jura. Un résumé des résultats des contrôles était adressé à la délégation des finances des Chambres fédérales (avec les dossiers correspondants en annexe). Au début, la direction de l'Association s'est opposée à cette information de la délégation des finances. Le Comité stratégique était d'avis que la délégation des finances ne devait être informée qu'en dernière extrêmité. Cela témoigne bien de la méfiance, déjà abordée précédemment, d'une trop grande influence de la Confédération et de la crainte de voir des affaires internes rendues publiques sans contrôle. Dans un cas, cette attitude défensive envers le CDF est même allée si loin, que le représentant du CDF a été menacé de démarches juridiques pour une affirmation qu'un rapport du CDF contenait au sujet du remboursement des frais.

Les constatations principales du CDF concernaient les points suivants: Lors de l'examen des comptes 1996/97, le CDF a constaté que la gestion des finances n'a pas reçu l'attention nécessaire. Il a également critiqué le fait que de nombreux contrats ont été conclus à forfait, bien qu'au moment de leur conclusion, l'étendue des prestations ne pouvait pas encore être définie de manière précise. Cette manière de faire entraîne le risque de devoir payer des prix surfaits. Selon le CDF, la direction de l'Association a pris les mesures nécessaires pour corriger les points critiqués.

Lors de l'examen des comptes 1997, le CDF a relevé des points faibles dans le système de contrôle interne: les responsables des sections ont, pour certains d'entre eux, visé leurs propres factures et celles de leur entreprise, la procédure de délivrance des visas pour les voyages de service n'était pas satisfaisante et l'utilisation des cartes de

2448

crédit n'était pas réglée de manière claire. Des contrats d'engagement manquaient pour plusieurs collaboratrices et collaborateurs d'Expo.01. Dans certains cas, le CDF a constaté une pratique de rémunération généreuse. Le remboursement des frais des membres de la Direction générale était réglé de manière variable. Dans l'un des cas, le remboursement n'a pas été fait selon les termes du contrat. L'accès des organes dirigeants de l'Association aux instruments de la gestion financière n'était pas non plus très clair. Le président du Comité stratégique a salué le bien-fondé des suggestions et indications du CDF. Il a en particulier évoqué la mise en place d'une réglementation concernant l'octroi des visas et l'élaboration des contrats.

En mai 1999, lors de l'examen des comptes 1998, le CDF a constaté que, dans plusieurs cas, des contrats écrits n'étaient pas toujours conclus à temps. Pour les décomptes portant sur des mandats, le CDF a déploré l'absence d'un organisme indépendant garantissant le respect du contrat. Il a également attiré l'attention sur les tâches relatives au controlling des recettes et dépenses, en relevant les besoins en informations du Comité stratégique. Le CDF a eu l'impression que le Comité stratégique n'était informé que sommairement et en règle générale à court terme sur les développements ayant des incidences financières et sur d'éventuelles adaptations budgétaires. Il a également regretté que les responsables des finances d'Expo.01 n'aient pas été disposés à améliorer la transparence des comptes et à mieux tenir compte des besoins des destinataires de l'information. Le rapport du 5 mars 1999 de la société PricewaterhouseCoopers a confirmé que la préparation des chiffres et l'information des organes stratégiques n'étaient pas satisfaisantes. Enfin, la remarque du CDF qui relevait que le budget 1999 ne comportait plus de réserves était particulièrement importante. Les coûts supplémentaires devaient ainsi être couverts par des recettes supplémentaires ou compensées par des économies. Avec cette constatation, le CDF attirait l'attention sur la situation insatisfaisante des finances.

Conclusion au sujet du rôle du CDF: Le CDF a défini son rôle de manière réservée.

Un mandat tel que celui qui a par la suite été élaboré pour l'accompagnement du projet Expo.02 faisait également
défaut. Malgré ses activités de contrôle réduites, le CDF a mis le doigt sur des lacunes importantes. Ces constatations montrent que la gestion par les organes de l'Association était discutable dans le domaine des finances. Bien que le CDF ait révélé un certain nombre de lacunes et souligné le fait que la situation financière était insatisfaisante, il n'a pas véritablement alerté le Conseil fédéral ou le Parlement. Mais de tous les autres organes de contrôle internes, aucun n'a non plus donné l'alarme. En raison de sa position et des conditions mentionnées, il n'est pas possible de reprocher au CDF d'avoir méconnu la situation ou d'avoir mal réagi.

4.6

Le rôle du groupe interdépartemental de coordination (GIC)

Au fil du temps, le groupe interdépartemental de coordination a dû assumer des tâches très diverses.

Le groupe interdépartemental de coordination (GIC) a été formé en 1995 pour préparer le message concernant une contribution de la Confédération à l'exposition nationale 2001 et pour avoir, en permanence, un partenaire de discussion spécialisé dans chaque département et à la Chancellerie fédérale. Dans une deuxième phase, la mission du GIC a consisté à évaluer l'étude de faisabilité de l'Association et de pré2449

parer une proposition à l'attention du Conseil fédéral. La majorité des membres du GIC était favorable au concept. Les voix critiques se sont principalement fait entendre dans les domaines du trafic et l'environnement. Toutefois le temps et les moyens à disposition pour l'analyse de l'étude de faisabilité étaient extrêmement restreints.

Le GIC n'a donc pas pu approfondir son examen de l'étude de faisabilité et s'est limité aux domaines ressortissant aux compétences de la Confédération ou aux domaines auxquels le Conseil fédéral avait accordé une importance particulière lorsqu'il a effectué le choix du projet d'exposition nationale. La Commission de gestion est d'avis que l'étude de faisabilité elle-même peut déjà être remise en question. Le comité de l'Association de l'époque n'avait pas les moyens nécessaires pour étudier cette faisabilité en y apportant le soin nécessaire. Dans une troisième phase, le GIC s'est vu confier la tâche de veiller à la coordination des contacts entre l'administration fédérale et la Direction générale d'Expo.01. Enfin, dans une quatrième phase, le GIC a été chargé de préparer les expositions de la Confédération. Par la suite, cette tâche a fini par l'occuper entièrement.

De l'avis du chef du DFE, le GIC souffrait indéniablement d'un manque d'autorité.

Ses membres n'avaient généralement pas d'accès direct à la tête de leur département. Pour cette raison, les informations ne parvenaient pas à leurs destinataires, soit parce que les membres du GIC ne sont pas parvenus à éveiller l'intérêt du chef de leur département ou de leur supérieur hiérarchique, soit parce que ceux-ci n'ont pas reconnu l'importance de ces informations. L'efficacité du GIC a également souffert de son caractère de milice. En effet, le président du GIC mis à part (il cumulait cette fonction avec celle de Délégué du Conseil fédéral), les membres ne pouvaient consacrer qu'une petite partie de leur temps de travail à l'exécution des tâches du GIC.

En raison de ce caractère de milice, la Commission de gestion est d'autant plus étonnée que le GIC ait été chargé de tâches aussi diverses (préparation des décisions politiques, fonctions de coordination, de contrôle et de gestion). Sur la base des résultats de ses investigations, la Commission de gestion est convaincue que cet organe ne se prêtait pas à
l'exécution de toutes les tâches qui lui ont été confiées. Il est certain que le GIC a fourni un travail remarquable dans le domaine du développement des expositions de la Confédération. Du point de vue de leur créativité et de leur engagement, les membres du GIC n'avaient rien à envier à personne. En revanche, ils n'avaient pas suffisamment d'expérience dans le domaine de la gestion de projets. Ils n'étaient pas en mesure d'assurer un contrôle intégral des coûts, des délais et de la qualité durant le développement des projets. A cet égard, il suffit de renvoyer aux explications du par. 3.3.4.

Conclusion au sujet du rôle du GIC: Le GIC s'est vu confier des tâches fondamentalement différentes. Cet organe ne se prêtait pas à l'exécution de toutes les tâches qui lui ont été confiées. Le GIC a souffert d'un manque d'influence et de son caractère de milice. Il n'a pu procéder à l'examen de l'étude de faisabilité que de manière superficielle. En ce qui concerne l'accompagnement des projets de la Confédération, le GIC ne disposait pas d'une expérience suffisante en matière de gestion de projets et n'avait pas réparti les responsabilités de manière assez claire pour assurer un contrôle des coûts, des délais et de qualité durant le développement des projets. En revanche, les membres du GIC n'ont aucunement démérité pour ce qui est de leur créativité et de leur engagement dans le domaine du développement des contenus des projets de la Confédération.

2450

5

Digression: rétrospective ­ les expositions nationales de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964

Le 17 novembre 2000, la sous-commission DFF/DFE de la Commission de gestion du Conseil des Etats s'est adressée aux Archives fédérales pour leur poser quelques questions au sujet des expositions nationales depuis 1883 (question portant sur les acteurs institutionnels, les travaux préparatoires, les reports, le financement, les problèmes d'organisation et d'accueil réservé par le public).

Les Archives fédérales ont répondu à ces questions dans la mesure du temps à disposition (c'est-à-dire avant le 10 janvier 2001) et en fonction de l'état actuel des connaissances historiques.

La Commission de gestion remercie ici les Archives fédérales pour leur disponibilité et pour avoir préparé toutes ces informations en si peu de temps. La Commission estime que cette contribution des Archives fédérales à l'histoire des expositions nationales constitue un complément précieux au présent examen parlementaire. Sans rajouter d'autres commentaires, la Commission de gestion renvoie à la contribution des Archives fédérales annexée au présent rapport.

6

Appréciation globale

Les explications précédentes, les rapports existants44 et la discussion politique ont montré que c'est une quantité de problèmes distincts, de circonstances et de mauvaises décisions dans des domaines et à des niveaux différents qui a conduit le projet Expo.01 à l'échec. Ce n'est que très progressivement que les organisateurs responsables, puis le Conseil fédéral et finalement l'opinion publique se sont rendus compte que le projet d'Expo.01 ne disposait ni de l'organisation, ni des ressources financières qui auraient été nécessaires à l'accomplissement de ce projet complexe.

Bien qu'au courant des problèmes de financement, la direction de l'Expo n'a jamais voulu parler de crise. Ce n'est que vers le milieu de 1999 qu'elle s'est rendu compte qu'il était illusoire de croire que l'augmentation massive des coûts pourrait être compensée par le seul sponsoring.

Les conditions dans lesquelles les travaux préparatoires d'Expo.01 ont dû être effectués étaient problématiques dès le départ. Les problèmes sont devenus inéluctables en raison du manque de professionnalisme au niveau de la gestion stratégique et opérationnelle. Des hypothèses irréalistes ont été échafaudées, en particulier en ce qui concerne le financement. Un financement mieux pensé dès le départ aurait sans aucun doute permis d'éviter des frais. Le problème de liquidité connu dès le début et la remise en cause de la solvabilité ont renchéri le coût des crédits bancaires. De 130 millions de francs à l'origine, la participation de la Confédération est passée à 718 millions de francs (garantie de déficit comprise). Ce montant ne comporte cependant pas les prestations supplémentaires de l'administration fédérale comme les conseils en matière de planification du trafic, la coopération dans le cadre des projets de la Confédération ou les services d'engagement de l'armée et de la protection civile.

44

En particulier le rapport sur l'état général de la situation actuelle de la société Hayek Engineering du 23 septembre 1999, le rapport de la société PricewaterhousCoopers du 5 mars 1999, le rapport final du Délégué du Conseil fédéral ainsi que le rapport du président du GIC, les deux du 20 juin 2000.

2451

Depuis son démarrage, le projet d'Expo.01 a manqué de temps pour sa réalisation.

Certes, lors des débats au sujet de la contribution de la Confédération en 1996, les Chambres fédérales avaient déjà relevé un certain nombre de problèmes importants et de questions demeurées sans réponse. C'est finalement pour des raisons politiques que la contribution de la Confédération a été accordée sans que ces points encore nébuleux aient été vraiment éclaircis. Dans l'environnement du Conseil fédéral et du Parlement, personne ne s'est véritablement rendu compte de la complexité du projet.

Il s'agissait de donner une impulsion et de susciter l'enthousiasme au plus vite. Il semblait nécessaire de s'accommoder de ces questions sans réponse.

Les concepts de financement et d'exposition étaient extrêmement exigeants envers les organisateurs. Mais, en priorité, ceux-ci ne s'intéressaient pas aux coûts: ils se sentaient surtout concernés par la vision d'une exposition culturelle somptueuse. Les organes décisionnels ne sentaient pas l'importance de la gestion. Les budgets ont donc été calqués sur les illusions du moment.

Le Conseil fédéral et le Parlement ont délégué la responsabilité globale de l'organisation et de la réalisation d'Expo.01 à une association. En raison de sa structure, de sa composition et de problèmes internes, l'organe suprême de l'Association, c'est-àdire le Comité stratégique, n'est pas parvenu à assumer la responsabilité qui lui revenait. Une répartition floue des compétences entre la Direction générale et le Comité stratégique ainsi qu'une politique d'information très réservée de la part de la Direction générale sont en particulier à l'origine des lacunes en matière de gestion et de contrôle.

Les aspects stratégiques et opérationnels d'Expo.01, un projet de plusieurs milliards de francs, ont été sous-estimés. L'engagement à temps partiel de décideurs importants, tant du côté de l'Association que de celui de la Confédération, était en contradiction avec la complexité du projet. Le manque d'expérience dans la gestion de projets de cette envergure est encore venu s'ajouter à ces circonstances. Il est évident que chaque projet de l'envergure d'une exposition nationale suscite d'énormes attentes de la part des milieux politiques et du public: un tel projet doit réussir. Mais il faut une grande
expérience pour pouvoir évaluer les problèmes indissociables à une telle entreprise à leur juste mesure. De toute évidence, les préparatifs d'Expo.01 ont souffert du manque de professionnalisme. Les difficultés ont été niées au fur et à mesure de leur apparition et l'attention a surtout été accordée aux signaux positifs, au détriment des risques reconnus. Les connaissances de base en matière de gestion de projet (indépendamment du genre et de l'organisation du projet) auraient été disponibles, mais elles ont été négligées à tort. De plus, la collaboration et la communication entre les milieux politiques, économiques et culturels n'ont pas été simples.

Pour la Confédération, c'est avant tout le fait qu'elle n'avait pas défini son rôle et ses responsabilités de manière claire et réaliste dès le départ du projet d'Expo.01 qui eut des effets négatifs. Pour cette raison, des questions concernent l'engagement «autorisé» ou nécessaire de la Confédération et de ses organes ont régulièrement été posées durant les travaux préparatoires. Ainsi, la position des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique était affaiblie et ils devaient travailler dans des conditions défavorables. C'est notamment pour cette raison que, lorsque la crise d'Expo.01 a éclaté, la Confédération a assumé une responsabilité politique de fait qui n'avait pas été considérée comme sienne au début et qui ne correspondait pas à la responsabilité juridique. Par ailleurs, c'était la crise en tant que telle qui a rendu légitime la prise d'influence de la Confédération qui a ainsi pu assumer la responsabilité politique de la réalisation de l'exposition nationale, projet qu'elle avait 2452

pourtant décidé elle-même. Indépendamment de la définition du rôle et de la responsabilité de la Confédération, le Conseil fédéral et le Parlement auraient dû faire preuve d'un plus grand intérêt pour les travaux préparatoires d'Expo.01. L'attitude d'«indifférence polie» n'était certes pas de mise pour un projet de l'importance d'une exposition nationale. La délégation de la responsabilité et la confiance accordée à l'Association n'aurait en outre pas empêché la Confédération d'assumer son rôle de commanditaire et de procéder à des contrôles.

La Commission de gestion doit constater avec dépit que, en plus de l'échec évident des organes de l'Association, les milieux politiques n'ont pas non plus assumé leurs tâches correctement. Il incombe avant tout aux organes concernés de tirer les conséquences de cet échec. Quant à la Commission de gestion, elle tire ci-après les conclusions politiques qui s'imposent de son point de vue.

7

Conclusions, interventions parlementaires et recommandations de la Commission de gestion du Conseil des Etats

Les conclusions de la Commission de gestion ont pour but de mettre en place un processus d'apprentissage et de prendre des mesures qui, d'un point de vue actuel, pourront s'avérer utiles lors de l'organisation de futurs grands projets. La commission est tout à fait consciente que le prochain grand projet, peut-être même la prochaine exposition nationale, comportera des défis et des problèmes qui lui seront propres. Il lui semble cependant très important d'aiguiser la conscience des politiques et du public qui doivent se rendre compte que l'organisation d'une grande manifestation comporte foncièrement toute une série de problèmes complexes. Il est donc indispensable de partir du principe qu'une telle organisation ne peut se dérouler sans qu'il y ait des problèmes. Par conséquent, la gestion des problèmes (identification des problèmes, évaluation des problèmes, solution des problèmes et mesures) est un aspect très important qu'il ne faut jamais sous-estimer.

7.1

Inventarisation et conservation des expériences

La condition principale pour la mise en place d'un processus d'apprentissage réside dans l'analyse de toutes les expériences qui ont été faites lors de la préparation d'Expo.01. Les rapports qui ont été élaborés jusqu'ici ne permettent pas encore d'atteindre cet objectif. Même la présente analyse effectuée dans le cadre de la haute surveillance parlementaire ne donne qu'une vue limitée des problèmes et des erreurs qui ont fait capoter le projet d'Expo.01. Elle n'est en effet que le reflet du point de vue de la Confédération et ne tient pas compte des opinions des cantons, des villes, des organes de l'Association et des milieux économiques qui ont été associés aux travaux préparatoires d'Expo.01. De plus, comme cela a déjà été mentionné au par.

1.2, la gestion par les organes de l'Association n'a été qu'effleurée par le présent examen, c'est-à-dire uniquement dans la mesure où elle pouvait juridiquement et pratiquement l'être à travers le jugement les organes responsables de la Confédération. Il s'agit principalement de l'évaluation de lacunes déjà identifiées par la société Hayek Engineering. La Commission de gestion est persuadée que la préparation d'Expo.01 a encore été marquée par un grand nombre de dysfonctionnements de

2453

moindre importance (principalement dans le domaine de la direction de l'Expo) qui sont encore demeurés dans l'ombre. Il est également nécessaire d'accumuler des connaissances dans le domaine du comportement en situation de crise. Pour cette raison, la Commission de gestion recommande de tirer un bilan sur la base de toutes les expériences faites par tous les concernés de premier plan. Pour ce qui est des modalités régissant l'établissement de ce bilan, la Commission de gestion s'en remet au Conseil fédéral. Elle est toutefois d'avis qu'il faudrait en tous les cas y inclure les expériences de la direction de l'Association (Comité stratégique, Direction générale et directions), des organes de contrôle externes et des milieux économiques. En outre, il s'agira également de tenir compte des expériences faites lors des préparatifs d'Expo.02 qui n'ont pas été pris en compte dans le présent rapport. A l'occasion de l'établissement du bilan final, il faudra également aborder la question des éventuelles responsabilités sur le plan pénal ou civil. La CdG attire spécialement l'attention sur les délais de prescription. Le Conseil fédéral doit prendre les mesures qui s'imposent pour que les délais soient tenus. Pour éviter le plus possible les oublis lors de la clôture du projet, il serait judicieux d'établir une liste de contrôle.

Le Conseil fédéral doit veiller à ce que les expériences soient documentées et préservées de manière appropriée afin de pouvoir éviter de commettre une nouvelle fois les mêmes erreurs lors de la réalisation de projets semblables. Les résultats des recherches effectuées par les Archives fédérales (voir annexe) ont montré que, en règle générale, le recours aux archives était inexistant ou insuffisant. L'analyse de la gestion doit en outre être objective. L'autocritique était absente des examens rétrospectifs traditionnels des expositions nationales. L'analyse des expériences des organisateurs nécessite par conséquent un accompagnement externe.

Recommandation 1: Inventarisation des expériences concernant la préparation et l'organisation d'Expo.01 et d'Expo.02 Le Conseil fédéral veille à ce que tous les problèmes rencontrés dans le cadre de la préparation et de l'organisation d'Expo.01 et d'Expo.02 soient inventoriés, et à ce que les expériences réalisées soient conservées de manière
adéquate, afin de pouvoir éviter de commettre une nouvelle fois les mêmes erreurs lors de la réalisation de projets semblables. Le bilan ainsi dressé doit faire état des expériences de toutes les personnes ayant participé au projet d'exposition nationale. Il importe à cet égard de signaler les éventuelles responsabilités pénales ou civiles.

Sans qu'il soit besoin d'attendre les résultats d'une telle analyse détaillée, la Commission de gestion est d'avis qu'il est aujourd'hui déjà possible de tirer une série de conclusions fondamentales au niveau politique (voir ci-après).

2454

7.2

Base légale réglant le soutien de grandes manifestations par la Confédération

Au départ, la Confédération avait accordé une contribution de 130 millions de francs pour soutenir l'Expo.01. Elle était donc l'un des plus importants bailleurs de fonds, même en tenant compte du fait que le 80 % des coûts devaient être financés par des sponsors issus du secteur privé. Même si les intérêts de la Confédération étaient représentés, son rôle et ses responsabilités n'étaient pas clairement définis au départ du projet. Pour cette raison, ses représentants au sein des organes dirigeants n'ont pu exercer qu'une influence limitée. Il leur a été opposé que l'influence qu'ils revendiquaient ne concordait pas avec le montant de l'engagement financier de la Confédération. En raison également de sa responsabilité politique peu claire, l'intérêt que la Confédération a porté aux travaux préparatoires d'Expo.01 a été très faible. C'est à cause de son rôle flou que la Confédération a été amenée à endosser une responsabilité politique de fait, responsabilité qui n'avait d'ailleurs pas été identifiée lorsque, en 1996, il a été décidé d'organiser l'exposition nationale.

Entre-temps, le Conseil fédéral a également reconnu qu'à l'avenir, il devra exercer une plus grande influence sur les grands projets qu'il cofinance et qu'il se devait de les accompagner et les contrôler plus étroitement45. A cet égard, la Commission de gestion est d'avis qu'il n'y a pas que l'aspect de l'engagement financier qui est déterminant. Le Conseil fédéral doit également tenir compte de la responsabilité politique de fait, de l'engagement financier potentiel qui résulte du projet ainsi que de la situation des intérêts en faveur de la réalisation de la manifestation.

La Commission de gestion se pose la question de savoir si le rôle de la Confédération en matière de soutien et d'accompagnement de grands projets d'envergure nationale devrait être réglé par une loi fédérale. Cette manière de faire permettrait de fixer le cadre général des conditions, des responsabilités et de l'influence de la Confédération en cas de soutien accordé à des grands projets. Une telle loi permettrait également de régler la collaboration avec les cantons ainsi qu'avec les milieux politiques, culturels et économiques. L'absence d'une base légale qui se serait appliquée au soutien de la Confédération à Expo.01 a déjà été critiquée en 1996 lors des
débats parlementaires sur la contribution de la Confédération. Certains députés ont demandé, en termes généraux, que soit examinée la nécessité de l'élaboration d'une base légale pour les futurs projets. Les résultats des recherches effectuées par les Archives fédérales (voir annexe), montrent que l'importance du financement direct des expositions nationales par la Confédération a augmenté de manière continue (subventions, contributions aux projets d'exposition, garantie de déficit). Ces circonstances, le renforcement de l'engagement international de la Confédération dans des grands projets, mais également le fait que le soutien accordé à des grands projets débouche souvent sur des dépassements de coûts voire de crédits importants, justifient d'autant plus la création d'une base légale. C'est pour ces motifs et en tenant compte des informations contenues dans ce rapport que la Commission de gestion va déposer le postulat suivant:

45

Voir réponse à l'interpellation Bignasca Giuliano, 99.3594

2455

Postulat de la Commission de gestion du Conseil des Etats. Soutien de grands projets par la Confédération: mise en place d'un cadre juridique Le Conseil fédéral est invité à examiner l'opportunité d'une loi fédérale sur le soutien de grands projets par la Confédération. Cette loi pourrait notamment régler les questions liées au rôle, à la responsabilité politique, à la prise d'influence et aux instruments de la Confédération dans le cadre du soutien, de la préparation et de l'accompagnement de grands projets. La loi pourrait également fixer les conditions qui doivent être réunies pour que la Confédération puisse s'engager dans un projet.

7.3

Professionnalisation de la préparation et de l'organisation de grands projets

Lorsque la Confédération participe à la préparation et à l'organisation de grands projets, elle doit veiller à la mise en place d'une organisation de projet et de conditions d'accompagnement internes professionnelles.

Les bases décisionnelles bien établies pour une éventuelle participation de la Confédération doivent être élaborées dès le début. Les études de faisabilité doivent être examinées de manière critique, au besoin par une partie neutre. Tous les éléments de coût de toutes les phases du projet doivent être connus, même s'il n'est pas encore possible de les chiffrer à ce stade de développement du projet. Les participations, les risques, les coûts totaux, les financements résiduels, les responsabilités, l'importance politique et les structures organisationnelles doivent également être connus. Les intérêts des organisateurs et des visiteurs doivent avoir été examinés de manière critique.

Les conditions doivent être simplifiées dans la mesure du possible. Du point de vue des délais, la préparation d'un grand projet ne doit pas être mise sous pression par les politiques. Il faut également une structure organisationnelle efficace, rigoureuse et transparente ainsi qu'un contrôle efficace et permanent de l'exploitation et des processus décisionnels assuré par des experts internes et externes. Le controlling permanent doit accorder la plus haute priorité au suivi du sponsoring en tant qu'élément important du financement de la manifestation. La question de savoir s'il ne conviendrait pas de travailler dès le départ avec des coûts strictement plafonnés doit également être posée.

L'engagement de l'administration fédérale dans le cadre de la préparation de grands projets est souhaitable d'une manière générale. A l'instar d'autres, cet examen a montré que les conditions et le cadre pour un tel engagement n'étaient pas du tout favorables. En effet, la complexité du projet Expo.01 et l'engagement nécessaire ont été sous-estimés. L'absence d'expérience dans le domaine de la gestion de projets a également été ressentie. A l'avenir, pour les grands projets, le Conseil fédéral doit libérer les collaborateurs de l'administration fédérale chargés de participer à l'organisation du projet (ou de développer des projets) de leurs autres tâches de manière adéquate. Il doit également créer les conditions qui
permettent d'assurer une gestion de projet professionnelle ainsi qu'une surveillance adaptée. La direction doit disposer de l'autorité nécessaire. Sur la base de ses investigations, la Commission de gestion pense qu'il serait approprié de confier la gestion et la surveillance du projet à des structures existantes au sein de l'administration fédérale qui disposent déjà d'une

2456

expérience en matière de conduite et de suivi de grands projets. D'une manière générale, les structures ad hoc se prêtent moins bien à l'organisation d'un grand projet que des unités existantes disposant déjà d'expériences avérées dans ce domaine. Au besoin, le Conseil fédéral doit encourager l'accumulation d'une telle expérience, notamment grâce à la formation. En tout état de cause, il doit veiller à l'élaboration de règles s'appliquant aux grands projets ou à ce que les règles et les listes de contrôle existantes soient bien connues de l'administration fédérale.

Recommandation 2: Mise en place d'un cadre professionnel pour la préparation et l'organisation de grands projets Dans la mesure où la Confédération soutient la préparation ou l'organisation de grands projets ou y est associée, le Conseil fédéral veille à donner un cadre professionnel à son engagement. Il s'agit notamment de la mise à disposition de bases décisionnelles élaborées et contrôlées avec soin ainsi que de la mise en place de structures organisationnelles et de contrôles professionnels.

7.4

Accompagnement et contrôle de grands projets par les autorités politiques

Les organes responsables d'Expo.01 ont eu beaucoup de mal avec le contrôle et l'accompagnement des travaux préparatoires par les autorités politiques. Les raisons de cette situation doivent sans doute être avant tout recherchées dans la réglementation floue des compétences, dans le manque de transparence, dans l'absence d'instruments adéquats et dans le manque de collaboration. La Commission de gestion est cependant d'avis que le manque d'acceptation d'un accompagnement critique des travaux préparatoires de l'exposition nationale par les milieux politiques a joué un rôle au moins aussi important. Les critiques ont été malvenues durant toute la durée des travaux préparatoires. En 1996, les organisateurs ont déclaré au sujet des objections émanant des rangs du Parlement fédéral qu'il fallait éviter de tuer dans l'oeuf l'enthousiasme des organisateurs. Lors de la mise en place du contrôle financier, la direction de l'Association s'est notamment opposée à la présentation de rapports transparents aux organes politiques.

Quant aux milieux politiques, ils avaient également des problèmes d'attitude envers les questions qui se posaient lors de la préparation et de l'organisation de l'exposition nationale. Lors de débats parlementaires en 1996 déjà, mais également lors de ceux qui ont eu lieu en 1999 et en 2000 sur le crédit additionnel et la garantie de déficit, les voix critiques qui se faisaient entendre se défendaient régulièrement d'être opposées à l'exposition nationale. Chaque critique émise au sujet d'un détail nécessitait immanquablement une justification et une mise au point: il était nécessaire de préciser que la remarque n'était pas dirigée contre l'idée d'une exposition nationale en tant que telle. Celui qui émettait une critique risquait d'être taxé d'adversaire de l'exposition nationale. Pour sa part, durant la phase de crise d'Expo.01, le Conseil fédéral a été tiraillé entre confiance et remise en question. La crainte de voir la critique empirer la situation durant la crise de confiance qui a ébranlé Expo.01 a conduit le Conseil fédéral à adopter une attitude d'attente. Le Conseil fédéral s'est appuyé sur les signaux positifs qui lui étaient envoyés jusqu'au 2457

moment où l'échec d'Expo.01 était devenu évident. Il fallait une crise pour pouvoir légitimer son intervention.

Il faut impérativement tenir compte des expériences amassées lors des travaux préparatoires et de l'organisation de l'exposition nationale. La Commission de gestion est convaincue de la légitimité indéniable d'un accompagnement politique des travaux préparatoires d'une exposition nationale. Il faut vérifier, dans l'esprit d'un controlling politique, que les objectifs politiques ont été atteints et que les moyens publics ont été utilisé de manière économique. Un tel suivi doit être accepté comme une évidence.

Le Conseil fédéral et le Parlement sont priés d'organiser l'accompagnement et le controlling politiques en conséquence. Il ne faut pas uniquement accorder la priorité à la représentation de tous les intérêts politiques. Il faut en effet aussi tenir compte des critères importants tels que le professionnalisme et l'efficacité. Le mandat de contrôle peut être confié à une personne ou une institution indépendante, proche ou jouissant de la confiance des milieux politiques. Il faut en tout cas un «avocat du diable», c'est-à-dire quelqu'un qui a toute légitimité pour effectuer des contrôles et émettre des critiques constructives de manière à créer un climat de confiance. Il faut de plus lui assurer un accès direct aussi bien vers les autorités politiques que vers la direction du projet. Assurer la communication entre politique et gestion de projet sans entraver le professionnalisme de cette dernière et sans brouiller les responsabilités n'est certes pas chose facile.

Dans la mesure où la Confédération y investit des moyens et que le projet présente un intérêt national, la haute surveillance par les autorités fédérales doit être garantie, quelle que soit la structure organisationnelle de l'organe responsable du grand projet.

L'accompagnement et le contrôle politiques d'un grand projet ne constituent toutefois pas une condition suffisante. L'exemple du Comité stratégique d'Expo.01 le montre bien. Il faut aussi mettre des instruments de controlling et de contrôle à la disposition des spécialistes internes et externes. La présence d'un controlling central est capitale. L'accompagnement et la surveillance politiques doivent pouvoir compter sur les évaluations de spécialistes externes. Mais
les milieux politiques ne doivent pas s'en tenir là. Même les jugements émis par des experts doivent être examinés avec un esprit critique. En ce qui concerne le cas d'Expo.01, la Commission de gestion se demande quelle est la responsabilité des organes de controlling externes.

A cet égard, il faut rappeler le rapport de la société PricewaterhouseCoopers du 5 mars 1999 qui conclut que les instruments de controlling utilisés à cette époque étaient adaptés et permettaient d'assurer la gestion et la surveillance d'Expo.01. Par la suite, cet avis d'expert à été utilisé pour tranquilliser les esprits critiques.

Recommandation 3: Accompagnement et contrôle politiques de grands projets Le Conseil fédéral prend les mesures qui s'imposent pour garantir que les grands projets soutenus par la Confédération seront accompagnés étroitement et bénéficieront d'un controlling politique ­ à commencer par Expo.02.

2458

8

Suite de la procédure

La Commission de gestion du Conseil des Etats prie le Conseil fédéral de bien vouloir donner son avis au sujet des constatations et des conclusions présentées dans ce rapport d'ici la fin juin 2001. En outre la CdG s'attend à ce que ses conclusions soient déjà prises en considération dans le cadre d'Expo.02.

27 mars 2001

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats La présidente, Helen Leumann, députée au Conseil des Etats Le président de la sous-commission DFF/DFE, Peter Briner, député au Conseil des Etats Le secrétaire suppléant des Commissions de gestion, Martin Albrecht

Annexes: ­

Liste des personnes entendues

­

Abréviations

­

Rapport des Archives fédérales du 9 janvier 2001 sur les expositions nationales de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964

2459

Liste des personnes entendues Aeschimann Stefan

Président de l'ancien groupe de travail interdépartemental IDA-Expo.01, et secrétaire général du DFE

Couchepin Pascal

Chef du DFE

Götschmann Erwin

Représentant de la Confédération auprès du Comité stratégique de l'association EXPO 2001

Grüter Kurt

Directeur du Contrôle fédéral des finances

Margot Daniel

Délégué du Conseil fédéral auprès du Comité stratégique de l'association EXPO 2001, et président du Groupe interdépartemental de coordination de l'administration fédérale Expo.01 (GIC)

Nyffeler Alfred

Directeur des projets fédéraux Expo.02

Wallimann Bruno

Représentant de la Confédération auprès du Comité stratégique de l'association EXPO 2001

Wicki Toni J.

Responsable de la surveillance des projets fédéraux Expo.02

2460

Liste des abréviations al.

Alinéa

art.

Article

BO

Bulletin officiel (exemple: BO 1996 N 334 = année 1996, Conseil national, page 334)

CC

Code civil

CdG

Commissions de gestion

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

CDF

Contrôle fédéral des finances

CFF

Chemins de fer fédéraux

CSEC

Commission de la science, de l'éducation et de la culture

CSEC-N

Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil national

CSEC-S

Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des Etats

cst.

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1991 (RS 101)

DDPS

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

DETEC

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication

DFE

Département fédéral de l'économie

DFF

Département fédéral des finances

DFI

Département fédéral de l'intérieur

E

Conseil des Etats

Expo.01

Projet Expo 01

EXPO 2001

Association Expo 2001

FF

Feuille fédérale

GIC

Groupe de coordination interdépartemental

N

Conseil national

OFEFP

Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage

p.

Page

RS

Recueil systématique du droit fédéral

SA

Société anonyme

2461

Archives fédérales suisses

Les expositions nationales de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964 Rapport à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats 46 En résumé Les expositions nationales n'ont jamais manqué de susciter un vif intérêt public ­ le nombre de leurs visiteurs est par exemple là pour en témoigner. Près de 2 millions de personnes ont vu la première exposition nationale de 1883 à Zurich, tandis que l'Expo 64 de Lausanne a enregistré 12 millions d'entrées. Cet engouement n'a cependant pas empêché qu'elles fassent souvent l'objet de sévères critiques parce que leur organisation ou certains de leurs aménagements n'avaient pas été sans défauts.

Parfois, on s'en est pris à leurs principes mêmes. Ainsi l'exposition nationale de 1914 a-t-elle subi les coups de boutoir de la Suisse romande, peu encline à admettre que cette manifestation apportait une contribution réelle à l'intégration des différentes composantes du pays. Et en 1964, on a radicalement mis en question le concept d'exposition thématique, dès lors que l'on a envisagé de construire une cité-modèle.

En général, les expositions nationales ont vu le jour sous l'impulsion d'autorités locales et d'associations qui étaient également prêtes à assumer les principales responsabilités inhérentes à l'organisation et à la réalisation d'un événement de ce genre.

Une grande Commission d'exposition, chaque fois présidée par un représentant du Conseil fédéral, veillait de son côté à ce que la manifestation bénéficie d'un large soutien politique.

Mise à part l'Expo 64, toutes les expositions nationales ont été reportées d'une année au moins.

De 1883 à 1964, les moyens engagés dans une exposition nationale sont passés de 3,6 millions de francs à 187 millions de francs Celles de 1883 et de 1914 se sont soldées par un modeste bénéfice, 23 000 francs pour la première et 34 000 francs pour la seconde, tandis que l'exposition nationale de 1939 a bouclé ses comptes avec un énorme bénéfice de 6,4 millions des francs. L'exposition de 1896 s'est quant à elle achevée dans les chiffres rouges, avec un manque à gagner de 270 000 francs, de même celle de 1964, qui a enregistré un déficit de 45 millions de francs.

D'ordinaire, les expositions nationales ont été financées en combinant la vente des billets d'entrée, les subventions publiques, les contributions de donateurs
privés, les revenus de la loterie et l'émission de coupons de participation. En 1964, deux nouveaux modes de financement sont apparus: les garanties de déficit et les prêts publics. D'une exposition nationale à l'autre, la Confédération a augmenté son engagement financier direct (subventions, contributions à la réalisation de projets d'exposition, garanties de déficit). L'investissement financier de l'Etat fédéral a été particulièrement important pour les expositions nationales de 1939 et de 1964. Ces deux expositions ont aussi été celles lors desquelles la Confédération a été particu-

46

Réponse des Archives fédérales à la requête que la Commission de gestion du Conseil des Etats (sous-commission DFF/DFE) leur a adressée le 17 novembre 2000, dans le but d'obtenir des renseignements sur les modalités de financement et d'organisation des précédentes expositions nationales.

2462

lièrement présente, en figurant parmi les exposants et en soutenant certains projets mis en oeuvre par des privés.

Les dirigeants de chaque exposition nationale ont fait part de leurs expériences dans des rapports administratifs détaillés, établis à l'intention de leurs successeurs. Cependant, seuls les documents relatifs à l'Expo 64 permettent de démontrer que l'on s'est alors beaucoup référé aux archives de l'exposition précédente, en l'occurrence la «Landi» de 3.47.

47

Cela fait un certain temps déjà qu'ont débuté les négociations entre les Archives fédérales et la Direction d'Expo.02 en vue de l'archivage des documents de la prochaine exposition nationale.

2463

3 638 000 Frs

3 615 000 Frs

+ 23 000 Frs

Recettes

Dépenses

Bénéfice / Déficit

(­270 000 Frs)

7 430 000 Frs

+ 34 000 Frs

12 281 000 Frs

12 315 000 Frs

Fr. 0,36

Frs 1.50

3 804 104

3 196 000 (84%)

1

1913

1907

1914

+ 6 400 000 Frs

19 072 000 Frs

25 472 000 Frs

Fr. 0,43

Frs 2.­

4 229 466

10 500 000 (248%)

3

1933

1925

1939

­45 163 000 Frs

187 682 000 Frs

142 519 000 Frs

Fr. 0,73

Frs 6.­

5 765 350

11 700 000 (202%)

-

1964

1956

1964

Le but est ici de donner un ordre de grandeur permettant de comparer le prix d'une visite à l'exposition nationale avec celui d'un produit d'usage courant. Les valeurs données sont les prix de détail à Zurich pour le pain le meilleur marché. Cf. Heiner Ritzmann-Blickensdorfer (Ed.), Statistique historique de la Suisse ­ Historische Statistik der Schweiz, pp. 508­510.

2464

48

Fr. 0,27

Fr. 0,43

Valeur comparative: le prix d'un kilo de pain48 7 430 000 Frs

Fr. 1.­

3 182 880

2 864 025

2 289 000 (72%)

Fr. 1.­

1 758 000 (61%)

Nombre de visiteurs (en % de la population résidante)

1

Prix d'entrée normal

1

Nombre de reports

1888

1885

1896

Population résidante en Suisse

1880

1882

Date prévue pour l'inauguration

1883

Début des plans, premiers jalons

Tableau synoptique

Rapport 1

Introduction

La Commission de gestion du Conseil des Etats (sous-commission DFF/DFE) s'est adressée aux Archives fédérales le 17 novembre 2000 pour obtenir des renseignements sur les expositions nationales suisses de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964. La Commission de gestion s'intéresse plus particulièrement aux aspects que voici: ­

Promoteurs et travaux préparatoires;

­

Reports éventuels;

­

Financement et participation financière de la Confédération;

­

Problèmes et critiques survenus pendant que l'événement se préparait ou se déroulait;

­

Evaluation de l'expérience.

Sans être exhaustifs, les éléments rassemblés dans cette présentation répondent à ces interrogations. Pour chaque exposition, on reprendra un à un l'ensemble de ces aspects. Toutes les données concernant le financement des expositions nationales proviennent des chiffres publiés par les directions des expositions elles-mêmes. Ces chiffres n'ont pas toujours été calculés de la même manière, si bien qu'ils ne sont pas entièrement comparables. En annexe, on trouvera des copies de certains documents comptables relatifs aux expositions nationales évoquées ici.

2

L'exposition nationale de 1883 à Zurich

La manifestation qui s'est déroulée de mai à octobre 1883 à Zurich a été la première à prétendre au titre d'exposition nationale suisse. Elle s'inscrivait dans le sillage direct des expositions d'industrie et d'agriculture qui l'avaient précédée au XIXe siècle, à l'instar de la troisième exposition suisse d'industrie, organisée à Berne en 1857. Par ailleurs, cette tradition n'était pas non plus sans rapport avec les expositions universelles ­ la première d'entre elles avait vu le jour en 1851, à Londres. L'ouverture de la ligne ferroviaire du Gothard, en 1882, a été l'occasion d'organiser cette première exposition nationale. Elle se proposait de présenter les capacités économiques du pays, de mettre en exergue son industrie (d'exportation) et de communiquer l'idée que la foi en le Progrès était une pierre angulaire de la cohésion nationale.

Promoteurs et travaux préparatoires Ce sont deux sociétés d'artisans et de commerçants zurichoises (le Gewerbeverein Zürich et la Kaufmännische Gesellschaft Zürich) qui ont été les premières à réclamer une exposition nationale. En automne 1880, on a formé une Commission cantonale et on l'a chargée de faire en sorte que ce projet reçoive un soutien cantonal et fédéral. En mars 1881, une Commission d'exposition suisse a été instaurée et elle a été placée sous la houlette du Conseiller fédéral Numa Droz, tandis qu'un Comité central, dirigé par le Colonel Adolf Vögeli-Bodmer, en devenait l'organe exécutif.

2465

Reports éventuels Divers membres de la Commission d'exposition auraient voulu qu'elle ait lieu en 1882, tandis que d'autres souhaitaient qu'elle soit renvoyée à 1883 ou plus tard. En juin 1881, la Commission a décidé que l'exposition ne se déroulerait pas avant 1883.

Financement et participation financière de la Confédération Il n'a jamais été envisagé que l'exposition nationale devrait se solder par un bénéfice. Son budget provisoire d'avril 1882 prévoyait un équilibre des comptes à hauteur de 1 241 000 francs Finalement, son exercice s'est bouclé avec 3 638 000 francs de recettes, 3 615 000 francs de dépenses et un bénéfice de 23 000 francs49. Ce dernier a été mis à la disposition du Département fédéral de l'agriculture50.

Ses principales sources de financement ont été la vente de billets d'entrée, les subventions publiques (Confédération, cantons, communes), ainsi que les contributions privées, la loterie et l'émission de coupons de participation: Vente de billets d'entrée51

1 075 000 francs

Subventions publiques et contributions privées

732 000 francs

Loterie52

600 000 francs

Capital de garantie en coupons de participation

400 000 francs

(Confédération: 430 000 francs)

La participation directe de la Confédération s'est effectuée par le biais de subventions. Le 22 décembre 1881, les Chambres fédérales ont accordé à l'exposition nationale une première tranche de 430 000 francs, dont 30 000 francs ont été affectés à la mise au point d'une statistique scolaire. Le 30 juin 1882, elles l'ont dotée d'une seconde subvention qui s'élevait à 100 000 francs. Il n'a cependant pas été possible d'y recourir, faute de pouvoir répondre aux conditions dont celle-ci avait été assortie53. Ces sommes n'englobent pas les dépenses consenties par la Confédération en tant qu'exposant, les éventuelles rallonges financières octroyées à des exposants individuels et les frais postaux.

Problèmes et critiques survenus lors des préparatifs et du déroulement de l'événement Il a d'abord fallu que l'idée d'une exposition nationale s'impose face à un projet d'«exposition technique internationale». Puis, la préparation de l'événement a essentiellement été marquée par les conflits survenus autour de la législation sur les brevets. La Commission d'exposition s'est rendue pour cela auprès du Conseil fédéral et elle lui a demandé de promulguer une législation adéquate avant que l'expo49 50 51 52 53

Bericht Über die Verwaltung der Schweizerischen Landesausstellung Zürich 1883, Zurich 1884, Annexes, p. 128 à 130, 146.

Idem, p. 196.

Prix normal d'entrée pour un adulte: 1 franc; nombre de personnes ayant visité l'exposition: 1 758 000.

La loterie a rapporté 152 000 francs net.

Après coup, les organisateurs de l'exposition nationale ont qualifié d'«illusoires» les conditions à remplir avec cette subvention. L'exposition nationale s'est par la suite tirée d'affaire en augmentant son capital d'exploitation et en organisant une loterie.

2466

sition n'ouvre ses portes. Le premier projet de loi dans ce domaine a cependant été rejeté en votation populaire, si bien que de nombreux industriels ont exigé que l'exposition fût remise à plus tard. Seule la promesse faite par le Conseil fédéral de s'engager en faveur de la protection des brevets a empêché que l'exposition ne soit reportée. Finalement, un congrès suisse sur les brevets s'est déroulé dans le cadre de l'événement. L'exposition elle-même a reçu un accueil largement favorable. Elle est d'ailleurs considérée par la recherche historique récente comme le «catalyseur d'un processus de prise de conscience et de réinsertion dans le domaine de l'économie, mais également en matière politique et sociale».54 Des voix isolées ont déploré la panoplie des divertissements proposés, car ils la jugeaient «indigne» d'une exposition nationale, de même que les prix d'entrée élevés et certaines décisions du tribunal arbitral. Cette exposition n'a guère fait l'objet de luttes politiques; les rares critiques exprimées sont venues du camp des catholiques-conservateurs et du mouvement ouvrier.55 Evaluation de l'expérience En 1884, dans leur rapport de gestion intitulé Bericht über die Verwaltung der Schweizerischen Landesausstellung 1883, les organisateurs de l'exposition ont considéré avec fierté l'oeuvre qu'ils avaient accomplie. Ils ont néanmoins relevé que la loterie avait laissé un «arrière-goût amer», car ils estimaient que ce divertissement était indigne d'une manifestation nationale. Les critiques formulées dans ce que l'on a appelé les «rapports techniques» se sont quant à elles moins concentrées sur l'exposition même que sur la qualité des produits qui y avaient été présentés. Les organisateurs de l'exposition nationale de 1896 se sont empressés de suivre le modèle de 1883. Ils se sont également appuyés sur les documents comptables de cette première édition pour élaborer le budget de la suivante.

3

L'exposition nationale de 1896 à Genève

La deuxième exposition nationale s'est déroulée de mai à octobre 1896 à Genève.

Ses promoteurs directs ne sont pas identifiables comme dans le cas de Zurich. Cette exposition avait pour but de présenter «un tableau d'ensemble de la capacité productive des populations suisses». A l'inverse de 1883, cette exposition ambitionnait de stimuler le marché intérieur surtout. L'exposition nationale de Genève a été le berceau d'idées nouvelles, notamment le Village suisse, le Village nègre ou les journées cantonales.

Promoteurs et travaux préparatoires Sa première impulsion a été donnée en 1885 par le maire de Genève, Eugène Empeyta. Un comité d'organisation placé sous sa houlette s'est alors engagé à faire aboutir le projet d'une exposition nationale en 1888. La manifestation a cependant été remise à une date ultérieure. Il était en effet prévu qu'une exposition universelle se tienne à Paris en 1889 et le Conseil fédéral avait souhaité que l'exposition nationale s'organise plus tard. Les autorités genevoises ont remis l'ouvrage sur le métier 54 55

Thomas Widmer, Die Schweiz in der Wachstumskrise der 1880er Jahre, Zurich 1992, p.

48.

Hermann Büchler, Drei schweizerische Landesausstellungen. Zürich 1883 ­ Genf 1896 ­ Bern 1914, Zurich 1970, p. 50, 58 à 61.

2467

en 1892. Une Commission suisse d'exposition, dirigée par le Conseil fédéral Adolf Deucher, s'est constituée en juin 1893. L'organisation de l'événement a quant à elle été confiée à un Comité central, à la tête duquel siégeait le maire de Genève.

Reports éventuels L'exposition a commencé par être prévue pour 1888, puis elle a été reportée à 1896, en raison de l'exposition universelle de Paris et conformément aux voeux du Conseil fédéral.

Financement et participation financière de la Confédération Dans son premier budget du 22 juin 1893, il était prévu que les dépenses et les recettes s'équilibreraient à hauteur de 2 835 000 francs. Le décompte final du 22 novembre 1897 a cependant établi que les dépenses s'étaient élevées à 7 430 000 francs et qu'il y avait eu un déficit de 270 000 francs. Des subventions complémentaires du canton et de la Ville de Genève sont venues le couvrir56. Selon les organisateurs, ce manque à gagner s'expliquait surtout parce qu'il avait fait mauvais temps durant l'été 1896, ce qui avait dû contribuer à limiter le nombre des visiteurs de cette exposition.

Son financement a été organisé selon le même modèle qu'en 1883. Les subventions publiques (Confédération, cantons, communes), de même que les contributions privées, la vente des billets d'entrée, la loterie et l'émission de coupons de participation ont constitué ses sources principales de financement: Subventions publiques et dons privés

1 872 000 francs

Vente de billets d'entrée57

1 302 000 francs

Vente de billets d'entrée au Village suisse

853 000 francs

Loterie58

800 000 francs

(Confédération: 1 000 000 francs)

Capital de garantie en coupons de participation 570 000 francs La participation financière directe de la Confédération a consisté en une subvention de 1 000 000 francs. Ce montant ne tient pas compte des dépenses consenties par la Confédération à titre d'exposant, des éventuelles rallonges octroyées à des exposants individuels et des frais postaux59.

Problèmes et critiques survenus lors des préparatifs et du déroulement de l'événement Rétrospectivement, la Direction a relevé qu'elle avait été confrontée à divers types de problèmes. D'abord, il aurait fallu coordonner les dates du déroulement de l'exposition avec celles d'autres projets qui allaient avoir lieu en Suisse, surtout avec 56 57 58 59

Cf. Exposition nationale Suisse Genève 1896. Rapport administratif, Genève 1898, p. 191. Le bilan final lui-même ne fait pas état du déficit de 270 000 francs.

Prix normal d'entrée pour un adulte: 1 franc; nombre de personnes ayant visité l'exposition: 2 288 000.

La loterie a rapporté 250 000 francs net.

Rapport administratif 1896 (comme note 11), p. 183 à 191, annexes 98 à 102.

2468

l'exposition nationale d'agriculture de 1895 à Berne. Et puis, pendant les préparatifs de l'événement, on avait finalement dû renoncer à lui adjoindre une exposition suisse d'électricité. En revanche, la Direction de l'exposition nationale est parvenue à faire venir à Genève l'exposition fédérale d'art qui avait été prévue en 1896.

Même si son budget avait été révisé en 1894 et en 1895, la facture finale de cette exposition s'est largement écartée des prévisions. C'est surtout au niveau de son infrastructure que des problèmes sont apparus. De surcroît, en votation, les citoyens genevois s'étaient opposés à la construction d'une ligne ferroviaire, contraignant ainsi les organisateurs de l'exposition à remanier le dispositif qu'ils avaient envisagé pour les transports. Enfin, peu avant l'ouverture de l'exposition, les peintres et plâtriers genevois s'étaient mis en grève parce qu'ils s'opposaient à ce que la Direction recrute de la main-d'oeuvre à l'extérieur60. Le public a réservé un accueil largement favorable à l'exposition nationale de 1896, même si quelques critiques isolées se sont tout de même faites entendre. De nombreux exposants se sont en effet déclarés mécontents des défauts apparus au niveau de l'organisation et de la technique. A cela s'ajoutait que certains divertissements proposés sur le site de l'exposition avaient une fois de plus été battus en brèche. Enfin, des voix se sont élevées dans le mouvement ouvrier pour regretter que l'exposition consacrât si peu de place aux dysfonctionnements sociaux. Le public s'est montré particulièrement intéressé par l'exposition d'art et par les questions qu'elle soulevait au sujet de l'art national.

Comme cela avait déjà été le cas lors de sa précédente édition, l'exposition de 1896 n'a pas échappé à la controverse politique. Cependant, les partis genevois ont véritablement respecté la «Paix sociale» pendant que l'événement se déroulait, car ils voulaient éviter de ternir l'image d'unité qui devait s'en dégager61.

Evaluation de l'expérience Dans leur Rapport administratif paru en 1898, les organisateurs se sont eux aussi félicités de l'oeuvre qu'ils avaient accomplie et ils se sont montrés peu enclins à la réflexion critique. En revanche, le créateur d'exposition Eduard Boos-Jegher a abordé les expériences faites lors de cette manifestation
nationale d'un point de vue critique dans un exposé faisant l'objet d'une publication62. Ce texte servira de référence aux organisateurs de l'exposition de Berne qui travailleront sur sa base notamment.

4

L'exposition nationale de 1914 à Berne

A différents égards, l'exposition nationale de Berne se trouvait à la charnière entre le «long» XIXe siècle et le «court» XXe siècle. Elle s'est organisée pour faire écho à l'ouverture du chemin de fer du Lötschberg, prévue en 1913. Cette exposition aspirait entre autres à «offrir une image de l'ensemble des capacités productives du Peuple Suisse». Elle voulait que les différentes composantes du pays apprennent à se connaître mutuellement et rendent hommage à la force dont la Suisse avait l'apanage. De même, elle se proposait de promouvoir les produits suisses, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières du pays. La Première Guerre mondiale a éclaté tandis que l'exposition nationale battait son plein à Berne. Elle a alors fermé 60 61 62

Idem, p. 11 à 24.

Büchler (comme note 10), notamment p. 98 à 101, 107 à 112.

Eduard Boos-Jegher, Die Landesausstellungen in der Schweiz mit besonderer Berücksichtigung jener in Genf und einer später in Bern abzuhaltenden, Berne 1897.

2469

ses portes pour deux semaines. Le contexte politique, tant extérieur qu'intérieur ­ en l'occurrence les tensions apparues entre la Suisse romande et la Suisse alémanique ­ a beaucoup influencé la manière de concevoir cette exposition nationale et l'accueil qui lui a été réservé.

Promoteurs et travaux préparatoires Dans les milieux bernois du commerce et des arts et métiers, l'idée d'organiser une exposition nationale avait déjà été évoquée au début des années 1890. Toutefois ce projet a été retiré quand on a décidé qu'elle se déroulerait en 1896 à Genève. Il faudra attendre 1907 pour que renaisse le dessein d'organiser une exposition nationale à Berne. Le Conseil fédéral a approuvé une candidature du gouvernement bernois en 1909. Les organisations et associations du commerce et des arts et métiers ont largement contribué à ce projet et à ses préparatifs.63 L'exposition a été organisée selon le modèle qui avait déjà fait ses preuves. L'ensemble des responsabilités du projet incombait à une Grande commission d'exposition dirigée par le Conseiller fédéral Adolf Deucher, puis par Edmund Schulthess qui l'a relayé à partir de 1912. Sa réalisation a quant à elle été confiée à un Comité central formé pour l'essentiel d'artisans, de commerçants et de politiciens issus du canton de Berne.

Reports éventuels L'exposition nationale avait initialement été prévue pour 1913. Cependant, comme les exploitants du chemin de fer du Lötschberg prévoyaient que la construction de celui-ci prendrait du retard et dans la mesure où les préparatifs de l'exposition ellemême avançaient plus lentement que prévu, on décida qu'elle aurait lieu en 191464.

Financement et participation financière de la Confédération Les organisateurs se sont basés sur le bilan comptable de l'exposition genevoise pour établir la planification de l'édition suivante. En décembre 1910, leur premier budget prévoyait un équilibre financier à hauteur de 8 570 000 francs. Au bouclement des comptes, le 21 mai 1917, il est apparu que les recettes s'étaient élevées à 12 315 000 francs et les dépenses à 12 281 000 francs, ce qui dégageait un excédent de 34 000 francs. Ce bénéfice a été mis à la disposition de deux établissements bernois: la Kunsthalle et le Musée alpin.

Le financement de l'exposition s'est assez largement effectué sur le même modèle que
précédemment. Néanmoins, davantage qu'en 1883 et en 1896, la Direction a laissé les exposants financer eux-mêmes leurs infrastructures, figurant quant à elle aussi parmi les exploitants de certains spectacles et lieux de restauration. Les subventions publiques (Confédération, cantons, communes), les contributions privées, les billets d'entrée, la loterie, les recettes des spectacles et de la restauration, les sommes payées par les exposants pour leur place sur le site et un capital de garantie en ont été les principales sources de financement:

63

64

Claudio Jörg, «Die Schweizerische Landesausstellung 1914 in Bern: zwischen Fortschrittsglaube und Kulturkritik», in: expos.ch ­ idées, intérêts, irritations (Archives fédérales Dossier 12), Berne 2000, p. 131 à 149, ici p.134 ss Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914. Administrativer Bericht, Berne 1917, p. 5.

2470

Subventions publiques et dons privés

3 155 000 francs

Recette des entrées65

2 488 000 francs

Loterie66

1 528 000 francs

Recette des spectacles et de la restauration

1 451 000 francs

Recette des locations de places par les exposants

1 342 000 francs

Capital de garantie en coupons de participation

1 220 000 francs

(Confédération: 2 050 000 francs)

(Confédération: 400 000 francs)

La participation financière directe de la Confédération a pris la forme d'une subvention de 2 050 000 francs, dont 300 000 francs étaient destinés à l'exposition d'agriculture, ainsi que d'une souscription à un capital de garantie à hauteur de 400 000 francs67. Les sommes engagées par la Confédération à titre d'exposant et celles qu'elle a octroyées à des exposants individuels ne sont pas comprises dans ces montants. De même, les dépenses des régies de la poste et des chemins de fer (PTT, CFF) n'y ont pas été inclues.

Problèmes et critiques survenus lors des préparatifs et du déroulement de l'événement Contrairement à ses éditions précédentes, l'exposition nationale de 1914 a occasionné de vives critiques lors de sa phase préparatoire déjà. Le projet n'a pas soulevé davantage d'enthousiasme parmi les milieux de l'industrie qu'au sein du mouvement ouvrier organisé. Les industriels des machines ont même envisagé de boycotter l'exposition quand on a attribué le mandat de construction du second tunnel du Simplon à une entreprise étrangère. Ils ont aussi critiqué la politique sociale «unilatérale» menée par la Confédération en faveur des ouvriers. La presse bourgeoise s'est quant à elle indignée d'apprendre que la Confédération avait soutenu l'entrée en scène de l'Union ouvrière. Pour sa part, le mouvement ouvrier ne voyait guère de raison de s'engager dans cette manifestation à caractère national.

A cela s'ajoute la virulente critique dont les divertissements de l'exposition ont fait l'objet, en particulier le Szeneriebahn ­ exploité par un exposant allemand ­, l'exposition d'art, ainsi que l'affiche d'Emile Cardinaux figurant un cheval vert68.

Aux désaccords apparus avant même que l'exposition nationale n'ouvre ses portes, se sont ajoutées les critiques qu'elle a aussi dû essuyer dès lors que s'est aggravé le conflit entre la Suisse romande et la Suisse alémanique. La presse suisse romande a surtout déploré l'aménagement de l'exposition et le choix de ses exposants, trop orientés vers l'Allemagne69.

65 66 67 68 69

Prix normal d'entrée pour un adulte: 1 franc 50; nombre de personnes ayant visité l'exposition: 3 196 000.

La loterie a rapporté 576 000 francs net.

Administrativer Bericht 1914 (comme note 19), p. 328 à 389.

Jörg (comme note 18), p. 137 à 144.

Jörg (comme note 18), p. 145 à 147.

2471

Evaluation de l'expérience Les organisateurs ont fait part de leur expérience dans un rapport de gestion intitulé Administrativer Bericht, paru en 1917.

5

L'exposition nationale de 1939 à Zurich

On considère aujourd'hui encore que la «Landi» de 1939 est une émanation de la «Défense nationale spirituelle»70. Quand on la compare à ses éditions précédentes, on constate que cette exposition nationale a été la première à être aménagée par thèmes. Elle a su combiner des éléments modernes et traditionnels pour en faire une synthèse consensuelle. Comme dans le cas de Genève, l'exposition nationale de 1939 n'a pour origine aucune occasion particulière. Son but était de communiquer une «image fidèle de l'activité du pays dans le domaine de la matière comme dans le domaine de l'idée» et de «manifester notre conception nationale de la liberté autant qu'une démonstration éclatante et complète de notre activité».

Promoteurs et travaux préparatoires Sa première impulsion a été donnée en 1925. Trois ans plus tard, le directeur de l'Office du tourisme de Zurich s'est engagé pour que l'on organise une exposition nationale qui s'inspirerait de la devise «Qualité et Travail». Les arts et métiers, le commerce, l'industrie et la finance ont exprimé leurs réticences, mais cela n'a pas empêché que la Société du tourisme de Zurich poursuive dans cette voie. Une Commission d'études placée sous la direction d'Emil Klöti, président de la Ville de Zurich, s'est constituée en 1930. Par deux fois, cette commission a pris sur elle de remettre l'exposition à plus tard. En mai 1935, le Conseil fédéral s'est déclaré favorable à ce qu'une exposition nationale soit organisée à Zurich et il s'est dit prêt à l'assurer de son soutien financier. En janvier et février 1936 ont été formés une Grande commission d'exposition, dirigée par le conseiller fédéral Hermann Obrecht, ainsi qu'un Comité d'organisation. Des délégués du Conseil fédéral, des cantons et des principales associations économiques et faîtières siégeaient dans la Commission.

Quant au Comité d'organisation, il avait lui aussi un caractère très représentatif, mais pour l'essentiel, il rassemblait les représentants des intérêts zurichois. Un organe exécutif a vu le jour en avril 1936 et cette Direction a été placée sous la conduite d'Armin Meili71.

Reports éventuels Au début, on pensait que l'exposition nationale aurait lieu en 1933, à la faveur du jubilé des cinquante ans de cette manifestation. Il fallait toutefois éviter qu'elle ne télescope d'autres expositions,
alors on a commencé par la remettre à 1936. On la renverra deux fois encore, à cause de la crise économique; portée au calendrier de 1938, elle se déroulera finalement en 193972.

70

71 72

En allemand, «exposition nationale» se dit «Landesausstellung» . Son abréviation de «Landi» est quant à elle devenue une désignation courante pour son édition de 1939.

N.d.T.

Schweizerische Landesausstellung 1939 Zürich. Administrativer Bericht, Zurich 1942, p. 3 à 12.

Idem, p. 3.

2472

Financement et participation financière de la Confédération Ses organisateurs ont établi quatre budgets au total. Le premier, datant de juin 1936, prévoyait un équilibre financier à hauteur de 17 740 000 francs.73 Dans le bilan de clôture, on a constaté que ses recettes s'étaient élevées à 25 472 000 francs, ses dépenses à 19 072 000 francs et son bénéfice à 6 400 000 francs74. Les institutions publiques qui avaient accordé des subventions en ont reçu une moitié, tandis que l'autre a été distribuée à des organisations caritatives75.

Les recettes des entrées, les subventions publiques (Confédération, cantons, communes), ainsi que les contributions privées, une loterie et un capital de garantie en ont été les principales sources de financement: Recettes des entrées76

10 033 000 francs

Subventions publiques et 7 141 000 francs contributions privées77 Loterie78

(Confédération: 2 400 000 francs)

4 888 000 francs

Capital de garantie en cou- 1 960 000 francs pons de participation

(Confédération: 600 000 francs)

La participation directe de la Confédération se révèle plus complexe en 1939 que lors des précédentes expositions nationales. La Confédération a octroyé des subventions générales, des contributions ponctuelles liées à certaines prestations, des crédits à la création de possibilités de travail et elle s'est également engagée par sa souscription à un capital de garantie: Subventions générales Prestations liées à des finalités bien

2 400 000 francs précises79

1 340 000 francs

Crédits à la création d'occasions de travail

800 000 francs

Souscription à un capital de garantie

600 000 francs

Au total, la participation financière directe de l'Etat fédéral au financement de l'exposition nationale s'est élevée à 5 140 000 francs80. Cela n'englobe pas les dépenses faites par la Confédération en tant qu'exposant ni les contributions qu'elle a

73 74 75 76 77 78 79 80

Ibid., p. 427 Ibid., p. 428 ss bid., p. 425 ss Prix normal d'entrée pour un adulte: 2 francs; nombre de personnes ayant visité l'exposition: 10 500 000.

Ce montant englobe les subventions générales, les contributions fédérales affectées à des finalités bien précises et les crédits à la création de possibilités de travail.

Ce montant est déjà une somme nette; cf. Administrativer Bericht 1939 (comme note 26), p. 418 ss Ce montant englobe les primes à l'agriculture de même que la publicité pour les transports.

Le crédit total prévu à cet effet s'élevait à 1 490 000 francs, il n'a toutefois pas été épuisé.

Administrativer Bericht 1939 (comme note 26), p. 428 à 434. Cf. aussi la liste publiée dans la FF 1961 II 625. L'arrêté fédéral du 27 octobre 1937 (RO 1937. 862 ss; FF 1937 II 215 à 235) couvrait cependant les subventions générales, le capital de garantie, les crédits pour l'aménagement intérieur des halles de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche et de la chasse, de même qu'une partie du crédit dévolu à la publicité pour les voyages.

2473

accordées à des exposants individuels81. La part de la Confédération au bénéfice brut s'est élevée à 1 600 000 francs.

Problèmes et critiques survenus lors des préparatifs et du déroulement de l'événement Les préparatifs de cet événement se sont heurtés à des problèmes de coordination avec d'autres manifestations, en particulier l'exposition pour l'hygiène et le sport qui s'est tenue à Berne en 1931, l'exposition internationale d'art populaire de Berne en 1934 et la Xe exposition suisse d'agriculture. Cette dernière devait initialement se tenir à Saint-Gall, toutefois, en mai 1935, le Conseil fédéral s'est déclaré favorable à ce que l'exposition nationale et celle d'agriculture fussent organisées en commun.82 Le contenu de la «Landi» a occasionné différentes controverses dont les échos nous sont parvenus, et notamment les critiques des organisations féminines qui ont considéré que l'on n'avait pas assez pris en considération ce qu'elles revendiquaient.83 Le choix du festival officiel a lui aussi donné lieu à un long débat.84 On considère aujourd'hui encore que la «Landi» de 1939 a été l'expression d'un large consensus social que viendra renforcer l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale en été 1939.

La «Landi» s'inscrivait dans le dispositif de la «Défense nationale spirituelle» et elle a servi de lieu d'identification pour toutes les couches sociales et tendances politiques. Rien n'indique qu'elle ait prêté le flanc à une critique publique radicale, comme cela avait été le cas en 1914 par exemple. Il faudra attendre les années 1980 pour que l'on émette un jugement plus sévère sur la «Landi» et sur la «Défense nationale spirituelle» à laquelle elle se rattachait85.

Evaluation de l'expérience Les organisateurs de la «Landi» de 1939 ont eux aussi relaté leurs expériences dans un rapport de gestion intitulé Administrativer Bericht. Et à partir de 1956, la direction de l'Expo 64 a consulté une partie des archives de la «Landi» de 3986.

6

L'exposition nationale de 1964 à Lausanne

Il était évident pour la Suisse des années 1950 et 1960 qu'une nouvelle exposition nationale devrait avoir lieu 25 ans après la «Landi». L'Expo 64 s'est efforcée d'en adapter le concept aux besoins de la société de consommation moderne et du transport individuel. Cela ne devait cependant pas se faire sans donner lieu à une discussion de fond sur l'avenir de l'Etat et de la culture en Suisse, afin de renforcer la cohésion nationale. Le slogan Croire et créer a été choisi à cet effet.

81 82 83

84 85 86

Pour la seule présentation de l'armée, le Parlement a accordé 215 000 francs.

Administrativer Bericht 1939 (comme note 26), p. 3 ss Regula Zürcher, «Das Unbehagen im Staat: Die schweizerische Frauenbewegung, die Landesausstellung 1939 und das Bundesstaatsjubiläum», in: Revue suisse d'histoire 48, 1998, p. 444 à 470.

Cf. Pierre-Alain Tschudi, «Die Konstruktion der christlichen Nation im offiziellen Festspiel der Landi 39», in: expos.ch (comme note 18), p. 179 à 199.

Cf. p. ex. Hans Ulrich Jost dans la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses, parue en 1983.

Ruth Stalder, «Die Archive der schweizerischen Landesausstellungen», in: expos.ch (comme note 18), p. 81 à 94, en l'occurrence p. 89.

2474

Promoteurs et travaux préparatoires Le Comptoir Suisse et la Ville de Lausanne ont été les premiers à promouvoir l'idée d'organiser une exposition nationale à Lausanne. En mars 1956, le Conseil fédéral en a approuvé la candidature. Peu après, un Comité d'initiative, dirigé par le conseiller d'Etat Gabriel Despland, a engagé les préparatifs de cet événement. En été 1956, le Comité a organisé un concours public pour définir l'orientation thématique, le site et le nom de l'exposition. Au printemps 1958, ce Comité a laissé sa place aux organismes chargés de réaliser l'exposition, soit une Haute commission, dirigée par le chef du Département fédéral de l'économie publique de l'époque, et un Comité d'organisation. La première accueillait des représentants de la Confédération, des cantons et des communes, de même que des associations suisses et régionales, tandis que le Comité d'organisation regroupait surtout les délégués des autorités et associations locales. La mise en oeuvre de l'exposition a été confiée à une Direction, composée d'un Directeur administratif (Edmond Henry), d'un Directeur des finances (Paul Ruckstuhl) et d'un Architecte en chef (Alberto Camenzind)87.

Reports éventuels Aucun.

Financement et participation financière de la Confédération La Direction a établi trois budgets durant les préparatifs de l'exposition. Le premier d'entre eux date de mai 1962 et il prévoyait un équilibre financier à hauteur de 135 770 000 francs. Les prévisions de mai 1963 et d'avril 1964 ont ensuite envisagé que les dépenses s'élèveraient respectivement à 179 486 000 francs, puis à 187 782 000 francs. Les déficits prévus devaient ainsi atteindre d'abord 9 538 000 francs, puis 13 970 000 francs. Finalement, le bilan s'est clôturé avec 142 519 000 francs de recettes, 187 682 000 francs de dépenses et un déficit de 45 163 000 francs. Selon la Direction, ce déficit s'expliquait surtout parce que les visiteurs avaient été moins nombreux que prévu (11,7 millions de visiteurs effectifs, alors qu'une estimation de 1964 avait escompté qu'il en viendrait 13,5 millions).

Le déficit de 45 163 000 francs a été couvert par les garanties de la Confédération, des cantons et des communes, à hauteur de 12 500 000 francs, et par 39 000 000 francs d'emprunts publics.

Les principales sources de financement de l'Expo 64 ont été
la vente des billets d'entrée, les prestations vendues aux exposants, les revenus des concessions, les subventions publiques (Confédération, cantons, communes), ainsi que les contributions privées et les revenus des transports88. On a renoncé à émettre un capital de garantie:

87 88

Exposition nationale suisse Lausanne 1964. Rapport final, 4 vol., en l'occurrence vol. 1.

Idem, vol. 3, p. 90 ss

2475

Vente de billets d'entrées89

34 215 000 francs

Prestations vendues aux exposants

31 790 000 francs

Revenus des concessions

21 385 000 francs

Subventions publiques et contribu- 20 080 000 francs tions privées Revenus des transports

(Confédération: 10 000 000 francs)

12 691 000 francs

En 1964, la participation financière directe de la Confédération se révèle extrêmement complexe. On a pour la première fois recouru à une garantie de déficit, en remplacement du traditionnel capital de garantie. En mars 1960 déjà, la Direction a négocié les subventions que lui attribueraient les autorités fédérales90. Selon l'arrêté fédéral du 15 septembre 1961, la Confédération allait finalement participer comme suit: ­

Une garantie de déficit de 10 000 000 francs pour la couverture d'un déficit maximum de 17 000 000 francs;

­

Une garantie de déficit de 7 500 000 francs pour la couverture d'un déficit supplémentaire dépassant les 17 000 000 francs;

­

Une contribution au financement de la section «Terre et forêt» et des primes à l'élevage, à hauteur totale de 3 500 000 francs91.

En 1963 puis en été 1964, l'Expo 64 a traversé une crise de liquidités qui a nécessité son renflouement par des crédits publics et privés. En mars 1963, le Parlement lui a finalement alloué un premier prêt supplémentaire de 18 000 000 francs92. En juillet 1964, le Conseil fédéral a accepté de la soutenir en lui accordant une nouvelle rallonge de 10 000 000 francs93. Ces deux contributions ont permis à l'Expo 64 de rembourser les sommes qu'elle devait aux banques privées.

On peut répartir comme suit l'ensemble des prestations directes octroyées par la Confédération à l'Expo 64: Garanties de déficit selon l'Arrêté fédéral de 196194 Contribution à «Terre et forêt»

17 500 000 francs 3 500 000 francs

Crédit de 1963

18 000 000 francs

Rallonge de juillet 1964

10 000 000 francs

Total

49 000 000 francs

89 90 91 92 93 94

Prix normal d'entrée pour un adulte: 6 francs; nombre de personnes ayant visité l'exposition: 11 700 000.

Frédéric Sardet, «Organiser l'Expo 64: espace, argent et pouvoirs», in: expos.ch (comme note 18), p. 219 à 235, ici p. 228.

FF 1961 II 618 à 629, 1370 ss FF 1962 II 1412 à 1417, FF 1963 I 763 et 764 FF 1964 II 609 à 612, 868 à 869 Le bilan final de l'Expo 64 mentionne la première tranche de la garantie de déficit de la Confédération à hauteur de 10 000 000 francs à titre de «subvention» et non de «garantie de déficit».

2476

Les subventions et prestations mentionnées ici n'englobent pas: les dépenses de la Confédération en tant qu'exposant ­ elles se sont élevées à «environ» 17 000 000 francs (engagement de l'armée), les contributions allouées à certains exposants et un crédit de 1 800 000 francs pour une campagne publicitaire à l'étranger95. De même, les dépenses des régies fédérales (PTT, CFF) n'ont pas été comptées.

La Confédération, le canton de Vaud et la ville de Lausanne ont récupéré une somme globale de 6 347 000 francs, provenant de la couverture du déficit96.

Problèmes et critiques survenus lors des préparatifs et du déroulement de l'événement Divers conflits ont jalonné les préparatifs de l'Expo 64. Avec leur brochure Achtung: die Schweiz parue dans les années 1950, Max Frisch, Luzius Burckhardt et Markus Kutter ont tôt fait de déclencher un débat sur la fonction et la forme de la future exposition nationale, proposant alors de construire une cité-modèle en lieu et place de l'exposition traditionnelle. Au début de la phase de sélection des projets, c'est surtout le concours lancé par le Comité d'initiative qui a suscité des critiques, car on avait constaté que l'Expo 64 prétendait à la propriété intellectuelle des idées qui lui étaient soumises, sans vouloir les payer avec autre chose qu'un modeste dédommagement. Le choix du site a lui aussi déclenché une controverse. Le secteur de Vidy rivalisait avec un projet décentralisé baptisé EXNAL, qui prévoyait également la construction d'une cité-modèle. Des raisons de contenu, mais aussi de temps et de coûts, ont finalement décidé la Direction à opter pour une exposition aménagée sur un seul site97.

Hans Giger était le délégué du Conseil fédéral à la Direction de l'Expo 64. Il a plusieurs fois réclamé que l'on en modifie le contenu et l'aménagement au cours des préparatifs de l'événement. Ainsi, une intervention de sa part est à l'origine de la refonte du sondage Gulliver, rendu politiquement moins subversif. De même, le délégué du Conseil fédéral et le Département militaire sont parvenus à faire déplacer à Vidy l'exposition d'armes qui devait se tenir au Comptoir. En un temps record, durant l'hiver 1963/64, l'armée a alors édifié son célèbre pavillon aux allures de hérisson. Le film que l'on y a projeté et le fait que la production de celui-ci avait été confiée
à une entreprise étrangère ont à leur tour soulevé la critique du public98.

Le public a réservé à l'exposition elle-même une critique modérée, comparativement aux débats que l'événement avait suscités avant d'être inauguré. Les organisateurs ont cependant cru devoir constater, au début tout au moins, que la presse suisse alémanique se montrait quelque peu réservée. Enfin des critiques isolées ont affirmé que l'exposition avait été aménagée d'une façon trop moderne et pas assez «confortable».

Evaluation de l'expérience La direction de l'Expo 64 a rédigé son Rapport final sur un ton plus critique que celui qui avait prévalu lors des précédentes éditions99. Elle a également souligné que la Confédération serait appelée à jouer un rôle central quand s'organiserait et se financerait la 95 96 97 98

99

FF 1964 II 613 Rapport final 1964 (comme note 42), vol. 3, p. 83.

Sardet (comme note 45), p. 223 à 226.

Cf. Roger Sidler, «Pour la Suisse de demain. Croire et créer. Das Selbstbild der Schweiz an der Expo 64», in: Mario König et al. (Ed.), Dynamisierung und Umbau. Die Schweiz in den 60er und 70er Jahren, Zurich 1998, p. 39 à 50.

Rapport final 1964 (comme note 42), vol. 5, p. 2 à 24.

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prochaine exposition nationale, prévoyant que celle-ci se tiendrait en 1991. Elle a particulièrement encouragé le Conseil fédéral à en prendre lui-même l'initiative et proposé d'en innover le financement par l'instauration d'une taxe annuelle: «Si notre proposition est reprise, il importe cependant de se mettre au travail sans délai. L'exposition est un acte politique de portée nationale. A ce titre, elle doit revendiquer non seulement l'aide matérielle de l'Autorité fédérale, mais un soutien moral complet, se traduisant par des mesures pratiques sortant du cadre de la routine.

Il appartient donc au Conseil fédéral d'en prendre l'initiative, d'en choisir le lieu, de façon que le canton organisateur puisse réserver les terrains et préparer l'infrastructure nécessaire en les englobant dans un plan général d'aménagement. Il conviendra aussi de revoir le mode de financement, d'inscrire une contribution annuelle dans les budgets fédéraux et cantonaux et d'éviter ainsi les aléas des procédures extraordinaires.»100

Pour cette note: Archives fédérales suisses U. Germann

Traduction française: S. Pavillon

100

Idem, p. 23.

2478

Annexes Bilans comptables officiels des expositions nationales ­

Bericht über die Verwaltung der Schweizerischen Landesausstellung Zürich 1883, Zürich 1884, Annexes, p. 146

­

Exposition nationale Suisse Genève 1896. Rapport administratif, Genève 1898, Annexes, p. 258

­

Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914. Administrativer Bericht, Bern 1917, Annexes p. 388 ss

­

Schweizerische Landesausstellung 1939 Zürich. Administrativer Bericht, Zürich 1942, p. 428 à 434

­

Exposition nationale suisse Lausanne 1964. Rapport final, 4 vol.: vol. 1, p. 83 à 91

2479

Bericht über die Verwaltung der Schweizerischen Landesausstellung Zürich 1883, Zürich 1884, Beilagen, S. 146.

2480

Exposition nationale Suisse Genève 1896. Rapport administratif, Genève 1898, Annexes, S. 258.

2481

Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914. Administrativer Bericht, Bern 1917, Beilagen S. 388f.

2482

Schweizerische Landesausstellung in Bern 1914. Administrativer Bericht, Bern 1917, Beilagen S. 388f.

Schweizerische Landesausstellung 1939 Zürich. Administrativer Bericht, Zürich 1942, S. 428­434.

2483

Schweizerische Landesausstellung 1939 Zürich. Administrativer Bericht, Zürich 1942, S. 428­434.

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Exposition nationale suisse Lausanne 1964

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Table des matières 1 Contexte de l'examen de la Commission de gestion du Conseil des Etats 2415 1.1 Motifs et procédure 2415 1.2 Cadre et objet de l'examen 2416 2 Déroulement des événements 2.1 Principaux événements en rapport avec Expo.01 2.2 D'Expo.01 à Expo.02: transition

2418 2418 2419

3 Les problèmes principaux lors de la préparation et de l'organisation d'Expo.01 2421 3.1 Remarque préliminaire 2421 3.2 Quelques constatations importantes relevées dans le rapport de la société Hayek Engineering du 23 septembre 1999 2422 3.3 Problèmes principaux du point de vue de la Confédération 2424 3.3.1 Problèmes lors de la conception et de la planification d'Expo.01 2424 3.3.2 Problèmes d'organisation et au niveau des organes de l'Association 2426 3.3.3 Problèmes dans le domaine du financement d'Expo.01 2428 3.3.4 Problèmes au niveau de la Confédération 2430 3.3.5 Brève évaluation des problèmes par la Commission de gestion 2432 4 Evaluation du rôle de la Confédération et de ses autorités dans le cadre de la préparation et de l'organisation de l'exposition nationale «Expo.01»2432 4.1 Le rôle de la Confédération dans le cadre d'Expo.01 en général 2432 4.2 Le rôle des Chambres fédérales et de leurs organes 2434 4.3 Le rôle du Conseil fédéral et du chef du DFE 2436 4.3.1 Rôle et responsabilités en général 2436 4.3.2 Evaluation des interventions du Conseil fédéral et du DFE lors des problèmes d'Expo.01 2439 4.4 Le rôle des représentants de la Confédération (particulièrement du Délégué du Conseil fédéral) au sein du Comité stratégique 2441 4.4.1 Mandat et rôle des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique 2442 4.4.2 Domaines d'influence et d'intervention des représentants de la Confédération au sein du Comité stratégique 2444 4.4.3 Informations et interventions des représentants de la Confédération auprès du Conseil fédéral et de l'administration fédérale 2445 4.5 Le rôle du Contrôle fédéral des finances (CDF) 2447 4.5.1 Mandat et conditions-cadres de la surveillance financière d'Expo.01 par le CDF 2447 4.5.2 Constatations et interventions du CDF 2448 4.6 Le rôle du groupe interdépartemental de coordination (GIC) 2449 5 Digression: rétrospective ­ les expositions nationales de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964 2451 6 Appréciation globale

2500

2451

7 Conclusions, interventions parlementaires et recommandations de la Commission de gestion du Conseil des Etats 2453 7.1 Inventarisation et conservation des expériences 2453 7.2 Base légale réglant le soutien de grandes manifestations par la Confédération 2455 7.3 Professionnalisation de la préparation et de l'organisation de grands projets 2456 7.4 Accompagnement et contrôle de grands projets par les autorités politiques2457 8 Suite de la procédure

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9 Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats

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Annexes Liste des personnes entendues

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Liste des abréviations

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Archives fédérales suisses. Les expositions nationales de 1883, 1896, 1914, 1939 et 1964. Rapport à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats 2459

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