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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 32bis (régime des alcools) et, par corrélation, de l'article 31 de la constitution fédérale.

(Du 27 mai 1919.)

I. La révision partielle de la constitution fédérale, entreprise en 1885 pour la réforme du régime des alcools, tendait essentiellement, en substituant à un régime devenu irrationnel des prescriptions fiscales et de police rationnelles, à réprimer par voie législative l'abus des boissons distillées, considérées comme particulièrement dangereuses, et à favoriser au contraire l'usage modéré des boissons fermentées, telles que vïn, cidre et bière.

Pour atteindre le but que l'on se proposait, pn eut principalement recours aux mesures suivantes: 1. Renchérissement sensible des eaux-de-vie destinées à la consommation dans le pays, par l'institution de nouvelles charges fiscales fédérales; suppression des abus inhérents à la petite distillerie et au commerce en détail de l'eaude-vie; 2. Réduction du prix et facilités apportées au commerce des boissons, fermentées par l'introduction de la clause dite des deux litres et par la suppression définitive des droits cantonaux, favorisant ainsi la création d'un commerce de détail de ces boissons indépendant des auberges et de toute imposition cantonale; Conjointement avec la réforme fiscale: 3. Emission de dispositions légales: a) attribuant aux cantons des compétences étendues en ce qui concerne l'ouverture et l'exploitation des auberges;

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6) les obligeant à employer à la lutte contre l'alcoolisme une part des recettes fédérales qui leur étaient allouées; 4. Répartition aux cantons du produit des droits fédéraux sur l'eau-de-vie dans la but, d'une part, d'indemniser dans une certaine mesure ceux d'entre eux qui .avaient perçu des droits d'entrée ou des droits internes sur Ja consommation et la fabrication des boissons spiritueuses, de l'abolition légale ou de fait de ces droits et, (d'autre part, de fournir à l'ensemble des cantons, indépendamment du surplus de recettes qu'ils pouvaient attendre de l'extension de leurs compétences en matière d'auberg-es, une compensation à la restriction de leurs compétences fiscales dans le domaine du commerce en détail des boissons, fermentées, ainsi qu'à la charge qui leur était imposée d'une série de devoirs de surveillance.

Telles sont, exprimées de la façon la plus, .brève, les idées fondamentales de la grande réforme des boissons entreprise il y a un tiers de siècle; elles n'ont pas subi de modifications essentielles depuis cette époque. L'interdiction de l'ab^ sinthe, survenue ensuite, rentre aussi dans le cadre de la politique inaugurée alors; il en est de môme de l'institution de la police fédérale des denrées alimentaires et du rejet, par la votation populah-e du 25 octobre 1903, de la tentative de restreindre, par une modification ds la clause du doublelitre, la franchisa fiscale des boissons fermentées dans la vente à l'emporté.

Nous avons aujourd'hui l'intention de vous soumettre un projet qui va dans sa nature et dans ses proportions au delà des institutions existantes.

La reproduction que nous avons donnée des dispositions essentielles de la revision partielle de 1885 présente une lacune: cette revision n'a pas porté sur toutes les boissons distillées. La distillation des fruits,, des déchets de fruits, des baies et racines sauvages, etc., n'est pas soumise aux prescriptions de police et fiscales fédérales.

Lorsque les besoins financiers de la Confédération et des cantons s'accrurent par suite des troubles mondiaux, l'idée ne tarda pas à surgir qu'au nombre des facteurs destinés à augmenter les recettes de l'Etat, il fallait .comprendre l'utilisation fiscale de cette catégorie d'eaux-de-vie non encore soumise aux prescriptions fédérales.

Le 11 septembre 1916, nous avons autorisé notre département des finances à convoquer une commission d'experts

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pour lui soumettre à titre consultatif un programme de réforme financière. Ce programme prévoyait sous chiffre 4: «Imposition des boissons distillées non encore -assujetties au monopole fédéral des alcools ».

\' Cette commission a siégé à Lucerne du 10 au 14 oetobre 1916; elle a recommandé à l'unanimité l'extension de la législation fédérale à toutes les boissons distillées. En confirmation d'une communication préalable faite dans notre message du 11 décembre 1916 sur la perception des droits de timbre,, nous avons déclaré, dans notre message du 2 mars 1917 concernant l'imposition du tabac, que notre programme financier comporte entre autres: «L'extension du droit, que possède déjà actuellement la Confédération, de légiférer en matière de fabrication et de vente des boissons distillées, aux catégories de ces boissons qui sont aujourd'hui exclues de ;ce droit. » Nous avions conscience dès le commencement que la mesure fiscale projetée donnerait en même temps satisfaction aux exigences de la police sanitaire, et nous comptions tout d'abord laisser cette action secondaire se produire d'ellemême.

; Aussi la remarque qui accompagnait notre déclaration du 2 mars 1917 fait reconnaître que nous pensions alors exclusivement à l'eau-de-vie et non moins exclusivement à de simples armes fiscales destinées à la combattre. Cette remarque était conçue comme suit: «L'imposition des boissons distillées est une mesure qui ne se recommande pas moins au point de vue de l'hygiène privée et sociale qu'au point de vue fiscal. Il s'agit d'un objet de consommation qui rentra dans la consommation nocive, plus encore que dans les consommations de luxe. Frapper énergiquement les boissons alcooliques, ce n'est pas imposer aux classes populaires une charge, c'est pour elles un véritable bienfait».

Le cours des choses nous a cependant poussés à comprendre dans notre programme des postulats directs de l'hygiène en même temps que ses postulats indirects et à ne pas borner notre action à combattre l'eau-de-vie seulement.

L'abandon du programme antérieur, plus restreint, est la cause du retard de la présentation de notre message. Ce retard tient bien aussi à la perte de temps occasionnée pai° l'enquête sur la fabrication des eaux-de-vie non monopolisées

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et la consommation des boissons spiritueuses; mais ce qui a contribué plus encore à l'ajournement de la .présentation de nos propositions, c'était la nécessité absolue de prendre position vis-à-vis des idées nouvelles qui s'étaient fait jour entre temps dans le peuple, aux chambres fédérales et au sein de notre propre autorité, en ce qui concerne l'extension de la lutte contre l'alcoolisme d'une part et, d'autre part, l'emploi à donner aux recettes provenant de l'imposition des boissons.

Après un nouvel examen de l'ensemble de la question, nous ne restreignons plus nos propositions aux boissons distillées non encore assujetties au monopole, mais nous les étendons à d'autres boissons, alcooliques, pour autant que cela paraît réellement nécessaire. Nous ne nous contentons pas non plus, dans la lutte contre l'alcoolisme, de la diminution de consommation qui sera une conséquence directe de l'imposition fiscale de l'alcool; nous tenons compte partiellement aussi des voeux dont nous avons été saisis d'une autre manière, poit par des pétitions de sociétés soit par la voie de postulats des chambres. Nous utilisons en outre l'occasion qui nous est offerte d'introduire plus de clarté, par une meilleure rédaction du texte constitutionnel en vigueur, dans le domaine de l'ancien droit. Enfin nous ne voulons plus verser sans conditions aux caisses d'Etat, comme précédemment, les recettes à attendre pour la, fConfédération et les cantons de la Déforme projetée, mais nous entendons bien plutôt, nous conformant en cela aux nouvelles tendances de la politique, les affecter dans une large mesure à la satisfaction de problèmes sociaux déterminés.

' Pour éviter tout malentendu et toute déception, nous faisons toutefois remarquer que l'extension à toutes les eaux-devie du droit de légiférer appartenant à la Confédération, extension proposée dans la phrase de notre message du 2 mars 1917 que nous avons citée, constitue toujours la partie la plus importante du présent message et qu'elle occupe en conséquence la place la plus large dans ses développements. Les plans tendant à la prohibition de Feau-de-vie, à l'introduction du système de Gothenbourg (exploitation des auberges dans un but d'utilité publique), ou de l'option locale (droit communal d'interdiction), bref, tous les projets dont l'exécution nécessiterait une
enquête compliquée ou des discussions prolongées, ou qui ne pourraient être réalisés qu'après des luttes politiques de longue durée, ne peuvent en la situation actuelle trouver place dans notre programme; car

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déjà en ce qui concerne la partie fiscale de nos propositions, nous devons en désirer une solution rapide et en ce qui concerne l'hygiène publique, nous croyons aussi devoir préférer l'adoption de mesures plus modestes, mais paraissant réalisables en un temps donné, à la poursuite de projets d'une portée plus vaste, mais fortement contestés.

II. Nous commençons notre exposé par un court résumé des circonstances qui ont soustrait il y a 35 ans une partie de l'eau-de-vie à l'ingérence du législateur fédéral.

1. Dans son message du 20 novembre 1884, concernant les pétitions et postulats relatifs à la question de l'alcoolisme, le Conseil fédéral proposait l'adoption de dispositions légales nouvelles à introduire, comme article 32bis, dans la constitution fédérale du 29 mai 1874. La première phrase du nouvel article constitutionnel, qui seule nous intéresse ici, devait avoir la teneur suivante : «La Confédération a le droit de décréter par voie législative des prescriptions sur la distillation des matières farineuses et des fruits à racines, ainsi que sur la vente de toute espèce de boissons distillées. » Le Conseil fédéral motivait comme suit la restriction des compétences fédérales, dans le domaine de la distillation, aux matières farineuses et fruits à racines: «Les boissons distillées provenant de la mise en oeuvre des fruits à noyau ou autres, des déchets de fruits, des marcs, des racines de gentiane ou d'autres plantes sauvages, en un mot tous les liquides distillés provenant d'autres matières que les céréales, le maïs et les fruits à racines, ont déjà à l'avance le prix élevé qui doit être créé artificiellement pour les autres par voie d'imposition; elles sont exportées en grande partie, né contiennent pas autant d'huiles odorantes, offrent par conséquent moins de danger que les .autres. L'application de la loi sera, en outre, notablement simplifiée, si elle est limitée à la fabrication industrielle de la boisson la plus nuisible et la plus répandue, l'eau-de-vie ordinaire. » Dans sa résolution du 31 juin 1885, la commission du Conseil national se rangea en fait, sur la présente question, à la manière de voir du Conseil fédéral, mais adopta la rédaction suivante :

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«La Confédération a le droit de décréter par voie législative des prescriptions sur la fabrication et la vente des boissons distillées. La distillation du vin, des fruits à noyau ou à pépins et de leurs déchets, des racines de gentiane, des baies de genièvre eb d'autres matières analogues n'est pas soumise aux prescriptions fédérales concernant la fabrication. » *) Deux motifs ont conduit la commission à adopter cette rédaction. En premier lieu, pour des considérations de nature politique relatives à la votation populaire, les expressions « matières farineuses et fruits à racines » n'étant pas généralement connues, la commission estima utile, pour dissiper les craintes qui pourraient surgir sur la portée des dispositions nouvelles, de désigner nominativement; et expressément les genres de distillation ne tombant pas sous le coup de la loi; secondement il lui parut bon d'assurer à la disposition constitutionnelle, par l'adoption d'une rédaction de portée générale, toute l'efficacité voulue aussi vis-à-vis de nouveaux modes de fabrication employant d'autres matières premières que les farineux et les fruits à racines.

Comme autres motifs recommandant d'exempter la distillation des fruits des prescriptions fédérales sur la fabrication, la commission énumère spécialement: l'impossibilité de soumettre à un contrôle les établissements se livrant à ce .genre de fabrication et le fait qu'une interdiction (on voulait parler sans doute d'une réglementation de police) de la distillation des fruits qui constitue, dans les contrées viticoles ou propres à la culture des arbres fruitiers, une occupation bienvenue pour l'hiver eb permet d'utiliser avantageusement les déchets de la fabrication du vin et du cidre, se heurterait à des obstacles insurmontables. Dans l'argumentation qui précède, la commission touche au considérant qui, certainement, a contribué avec le plus d'efficacité, lors de la rovision constitutionnelle de 1885, à l'exemption de cette branche de la distillerie des prescriptions fiscales et de police de la Confédération: l'opportunisme politique.

Dans l'étude de la question, on. ne s'est évidemment préoccupé alots, pour ainsi dire exclusivement, que des conditions du moment. On n'a pas prévu du tout, ou pas dans *) Si, pour plus de brièveté, nous ne mentionnons dans ce qui suit que la distillation
des fruits, les distilleries de fruits ou l'eaude-vie de fruits, le mot de «fruits» devra cependant toujours être considéré comme embrassant toute la série des matières premières énumérées ici.

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toute leur portée, pelles que créerait l'avenir. Le législateur n'était, en particulier, certainement pas au clair sur toutes les conséquences que devait nécessairement entraîner plus tard le privilège concédé à une partie de la distilleria. Considérée sous cette face, l'attitude du législateur fédéral paraît bien compréhensible jusqu'à un certain point. La fabrication de l'eau-de-vie de fruits était le genre de distillation de beaucoup le plus répandu. Elle se pratiquait dans des milliers de petits établissements agricoles comme occupation accessoire et cela surtout en vue de tirer le meilleur parti possible des déchets de fabrication. Les grandes exploitations professionnelles étaient rares; les appareils ambulants, en vogue aujourd'hui, encore inconnus à cette époque-là. Dans son genre et son exploitation d'alors, non seulement la distillation des fruits était en fait moins nuisible à la santé publique que celle des pommes de terre et des céréales, mais, bien plus, le sentiment même de la nocivité de l'eau-de-vie de fruits était généralement beaucoup moins répandu que ce n'était le cas en ce qui concerne l'eau-de-vie de pommes de terre. Dans ces circonstances, une ingérence de l'Etat dans un domaine aussi étendu d'activité agricole eût pu être fatale à la réforme entreprise tout entière.

Le Conseil national admit les propositions de sa commission. Par contre (dans une rédaction peu différente) la commission du Conseil des Etats entendait soustraire à l'ingérence fédérale non la fabrication, mais l'imposition des fruits.

(Une proposition d'étendre aussi à la vente les conditions spéciales accordées à l'eau-de-vie de fruits fut retirée.)

On motiva la modification apportée à la décision du Conseil national en faisant prévaloir qu'il fallait accorder à la Confédération le droit d'imposer aussi à la distillation des fruits des prescriptions uniformes de police sanitaire.

Le,-3 chambres fédérales allèrent, dans la limitation des compétences de la Confédération, encore plus loin que leurs commissions. Elles firent porter l'exception admise pour l'eaude-vie de fruits aussi bien sur la fabrication que sur l'im·position de la fabrication. Le texte constitutionnel résultant de leurs décisions du 26 j'uin.1885 et accepté lors de la votation populaire du 25 octobre 1885, était le suivant: « La distillation du vin, des fruits à noyau ou à pépins et de lettre déchets, des racines de gentiane, des baies de Feuille fédérale suisse. 71« année. Vol. III.

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genièvre et d'autres matières analogues est exceptée des prescriptions fédérales concernant la fabrication et l'impôt. »

Dans le message du 20 novembre 1884, le Conseil fédéral avait laissé de côté, corame question à examiner encore, le genre d'application à donner aux nouvelles dispositions constitutionnelles. Il ressort de ce message que l'extension projetée des compétences fédérales à la distillerie et à la vente des produits distillés devaient comporter la prise de mesures d'une nature de police industrielle et hygiénique aussi bien que fiscale. Le fait que ces mesures tendraient à l'adoption d'une simple imposition ne résulte, il est vrai, pas directement du principe posé par la première phrase de l'article 32bis, il se déduit plutôt indirectement des exceptions à l'impôt prévues dans le projet et des dispositions proposées pour la répartition du produit de cet impôt. Selon le Conseil fédéral, le législateur pouvait faire application des nouvelles dispositions constitutionnelles de différentes manières, soit en laissant liberté complète à la concurrence entre les diverses fabriques d'alcool se conformant aux prescriptions de la loi et en les imposant en raison des quantités fabriquées, soit en accordant desconcessions à un nombre limité de distilleries, soit enfin en instituant le monopole de la Confédération à l'exclusion de toute concurrence. Le fait que le Conseil fédéral considérait la concession ou monopolisation comme admissibles sans faire pour cela une réserve expresse en présence de la liberté de commerce et-d'industrie garantie par l'article 31 de la constitution,, montre que, dans son opinion, l'article 32 bis devait avoir le passur l'article 31. Le message n'indique pas si le Conseil fédéral regardait aussi un monopole d'importation des spiritueux comme était parfaitement licite au point de vue constitutionnel.

Malgré l'allusion susdite au monopole, l'article 32bis tout entier proposé par le Conseil fédéral est évidemment modelé en vue de l'adoption d'une loi sans caractère de monopole.

Il en est de même aussi, en partie, de la teneur de l'articledéfinitivement adopté.

Le 8 octobre 1886, le Conseil fédéral soumettait à l'Assemblée fédérale, sous le titre de loi sur la fabrication et l'imposition des spiritueux, le projet d'une simple loi d'impôt.

En outre du payement des droits d'entrée et malgré la franchise de droits accordée à la fabrication dans le pays,

605 les eaux-de-vie de fruits importées devaient, d'après ce projet, être frappées d'une surtaxe équivalant à l'impôt intérieur de fabrication des spiritueux (tirés d'autres matières que les fruits). Il en résulte que, lors de la rédaction de son message du 8 octobre 1886, le Conseil fédéral considérait premièrement l'exception faite pour l'eau-de-vie de fruits, dans la constitution, comine ayant trait uniquement à la réglementation et à l'imposition de la distillation indigène de fruits indigènes, mais non à l'importation de fruits distillables et d'eau-de-vie de fruits, et admettait en second lieu que malgré les dispositions des traités de commerce basées en principe sur l'égalité des charges, l'importation de l'eaude-vie de fruits pouvait être soumise aux mêmes surtaxes douanières que celles frappant la fabrication indigène de produits spiritueux imposables.

La commission du Conseil national, qui avait la priorité en cette affaire, ne put se rallier au système du Conseil fédéral; elle le remplaça le 16 octobre 1886 par un projet de monopole.

Insistant spécialement sur ce point que seule la distillation des fruits indigènes n'était pas soumise à la législation fédérale, elle formula en conséquence comme suit l'article ïer de son projet de loi sur le monopole : « La fabrication et la rectification des spiritueux quibissont soumis à la législation fédérale en vertu de l'article 32 de la constitution fédérale, ainsi que l'importation ' des spiritueux de tout genre, appartiennent exclusivement à la Confédération. » Ayant pris position contre une loi fédérale n'ayant pas le caractère d'un monopole, la commission n'eut pas l'occasion d'ex-aminer si, par l'adoption d'une loi de ce genre, les seules espèces de spiritueux dont la fabrication dans le pays même est soumise à un droit interne peuvent, aux termes des traités internationaux, être imposées à leur entrée en Suisse (en sus des droits d'entrée habituels). Elle s'est donc bornée à indiquer comme un grand avantage du monopole de passer outre aux dispositions des traités de commerce en se basant sur le traité conclu avec la France *) en 1882, traité faisant règle aussi pour nos rapports avec les autres pays en vertu de la clause de la nation la plus favorisée, de permettre ainsi une imposition efficace de l'importation des eaux-de-vie de fruits
ainsi que de celle des fruits importés pour la distilla*) Art. 26. Les hautes parties contractantes conviennent que les dispositions du présent traité ne sont pas applicables aux marchandises qui sont ou seraient, dans l'un ou l'autre des deux pays, l'objet de monopoles de l'Etat.

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tion, et d'assurer de cette manière une juste protection à la fabrication indigène de ces eaux-de-vie.

Après avoir pris connaissance des propositions de la commission du Conseil national favorables au monopole, le Conseil fédéral, tout en faisant une série de ^réserves relativement à l'organisation de détail de ce dernier, retira en faveur des ces propositions le projet de loi qu'il avait présenté.

Un accord intervenu le 2 décembre 1886 au sujet de ces réserves permit de présenter -aux chambres fédérales un projet commun de la commission et du Conseil fédéral; moyennant quelques modifications qu'il n'est pas nécessaire d'examiner ici, les chambres transformèrent ce projet en loi par leur décision des 22/23 décembre 1886. (Cette loi fut sanctionnée par la votation populaire fixée au 15 mai 1887 ensuite d'une demande de référendum.)

Au nombre des modifications du projet de la commission du Conseil national proposées par le Conseil fédéral et devenues texte de loi, figure aussi la prescription que le monopole d'importation doit porter uniquement sur les spiritueux dont la fabrication est soumise à la législation fédérale et non, par conséquent, sur les eaux-de-vie de fruitsCette disposition contraste d'une façon d'autant plus absolue avec le point de vue auquel le Conseil fédéral s'était placé peu auparavant, qu'elle se justifierait bien plus pour une loi de simple imposition que pour un monopole. Pour éviter toute divergence, la commission du Conseil national se rangea à la manière de voir du Conseil fédéral, sans toutefois abandonner entièrement la sienne; son opinion primitive devait cependant trouver bientôt sa réhabilita ti on.

En présence des conséquences fâcheuses que la franchisa fiscale des eaux-de-vie de fruits importées eut pour le fisc bientôt après l'institution du monopole, conséquences qui menaçaient de se manifester toujours davantage, le Conseil fédéral statua déjà lui-même le 11 novembre 188^ par voie de simple arrêté, que la disposition constitutionnelle exceptant la distillation des fruits des prescriptions fédérales concernant la fabrication et l'impôt des boissons distillées n'était applicable qu'aux fruits et à l'eau-devie de fruits de provenance indigène; par cette mesure il assurait de nouveau au monopole d'importation, sans avoir recours à une revision de la constitution
ni même au texte de loi qui eût été tout au moins nécessaire, la valeur complète que la commission, du Conseil national avait voulu lui donner.

Pour régulariser cette décision, il proposa bientôt après l'a-

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doption d'un arrêté fédéral interprétant la constitution dans le sens qui vient d'être indiqué. Ce mode de procéder fut vivement attaqué, mais reçut quand même l'adhésion des chambres fédérales, le 20 décembre 1887, sous une forme qui . n'est également pas à l'abri de toute critique : par la voie d'un arrêté fédéral dépouillé toutefois, il est vrai, du caractère interprétatif proposé par le Conseil fédéral.

III. La solution adoptée en 1885 au sujet de la distillation des fruits n'entraîna pas seulement pour le commerce international les inconvénients dont nous avons parlé, elle eut pour les conditions internes du ,,pays des conséquences tout aussi fâcheuses.

Comme c'est le cas pour maint autre point, l'idée directrice de la réforme fédérale du régime des boissons, entreprise en 1885, reposait, aussi en ce qui concerne la situation exceptionnelle concédée à l'eau-de-vie de fruits, sur les expériences des cantons et spécialement sur celles du canton de Berne. La loi bernoise de 1884 portant modification à celle de 1869 sur la fabrication de l'eau-de-vie et de l'esprit de vin faisait, conformément aux propositions d'une commission du Grand Conseil en 1868, une distinction entre les distilleries industrielles eS; non industrielles; les premières étaient soumises par elle à une taxe de fabrication, les secondes en étaient affranchies. En ce qui concerné la fabrication non imposée, la loi bernoise prescrit ce qui suit: «N'est pas considérée comme industrie et n'est assujettie à aucune taxe (soit impôt), à condition que le distillateur se procure chaque année un permis de la préfecture: la distillation des matières désignées au n° 2 ci-dessus, lorsqu'elles sont exclusivement des produits du cru ou de la fabrication du distillateur, ou lorsque la quantité distillée, n'excède pas 150 litres par an. » Les matières désignées sous n° 2 étaient: les fruits à pépins ou à noyau, les raisins, le marc, la lie, la drêche, les racines de gentiane, les baies de genièvre et autres, soit, avec des différences sans grande valeur pratique (vins et déchets de brasserie), les matières indiquées dans l'article constitutionnel fédéral et que nous avons résumées toutes en-semble ici sous l'expression de fruits.

La loi supplémentaire bernoise de 1884 liait ainsi la franchise fiscale de la distillation des fruits à l'observation de deux conditions parallèles: ou bien distillation exclusive

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des produits du cru ou bien distillation de produits du cru ou achetés, avec une production annuelle de 150 litres au maximum. Il faut remarquer à ce sujet que les propriétaires de distilleries industrielles de fruits n'étaient pas seulement tenus au payement des taxes fixées en 1884, mais encore à l'observation des prescriptions techniques et hygiéniques de la loi principale de 1869; ils étaient donc soumis à la législation aussi bien pour la fabrication que pour ^'imposition de la fabrication.

Nous pouvons donc aujourd'hui regarder comme une faute que les rédacteurs des articles constitutionnels fédéraux de 1885 ne se soient pas tenus plus strictement au modèle bernois. En exemptant la distillation des fruits, non seulement de toute charge fiscale, mais encore de toute ingérence de la Confédération en matière de police hygiénique ou industrielle, ils ont dépassé le but. Dans les circonstances de ce moment là, le mobile le plus important de la libéralité de 1885, l'opportunisme politique en matière de référendum, eût été suffisamment efficace au cas même où on l'aurait limité aux exploitations non industrielles seulement, c'est-à-dire aux petites distilleries rurales. Par contre, la concession d'une franchise absolue aux grandes distilleries industrielles de fruits a rendu bientôt illusoires toutes les raisons pratiques que l'on avait alors avancées.

Les restrictions apportées à toute autre distillation qu'à celle des fruits et le renchérissement fiscal de toutes les eaux-de-vie non provenant de fruits, bref, le privilège considérable concédé à la distillation des fruits conduisit nécessairement celle-ci à la création de nouvelles grandes exploitations industrielles et au développement de celles qui existaient déjà, à des améliorations techniques et organiques de ces dernières, à l'établissement des distilleries ambulantes et de cette manière à une production d'eau-de-vie de fruits toujours croissante, avec toutes ses suites déplorables au point de vue de la santé publique.

On pouvait encore trouver une consolation, il y a 35 ans, dans le fait que l'eau-de-vie de fruits était d'un prix trop élevé pour donner lieu à des excès de consommation, que ses produits étaient en grande partie exportés et ceux consommés dans le pays bien moins riches en fusel que l'eau-de-vie de pommes de terre. Cette
fiche de consolation a disparu maintenant. L'augmentation de la fabrication d'eaude-vie de fruits ne porte pas sur les qualités de prix élevé (kirsch, eau-de-vis de gentiane, etc.), dont, en temps normal,

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·est composée notre exportation, du reste très modeste; mais elle porte d'une façon tout-à-fait prépondérante sur l'eau-devie ordinaire de marc, non exempte d'impuretés, et (surtout sur l'eau-de-vie de marc de fruits.

1/augmentation et l'extension, au-dessus de toute prévision, de la consommation de ces spiritueux de prix inférieur commence aujourd'hui, autant comme quantité que comme qualité, à provoquer les mêmes abus qu'engendrait autrefois la distillation des pommes de terre. Maintenant que, par la réforme de 1885 provoquée par la constatation du malaise dont se ressentait notre peuple, on a mis fin d'une manière grandement satisfaisante aux maux causés par la distillation des pommes de terre, les exigences de la prospérité publique nous forcent à nous attaquer également, par des moyens convenables, au nouveau fléau de la distillation des fruits, en ménageant, cela va sans dire, les intérêts professionnels justifiés.

Un nouvel effort du législateur dans ce domaine ne se justifie cependant 'pas seulement par des considérations relatives à l'hygiène publique, mais encore au point de vue fiscal.

La guerre mondiale a ébranlé l'équilibre des finances tant fédérales que cantonales. Dans la recherche de ressources nécessitée par cette situation, il serait contraire au bon sens de renoncer à tirer parti de l'aide considérable que peut offrir l'imposition d'un objet aussi capable d'en supporter les charges que le sont les spiritueux. La concurrence de l'eaude-vie de fruits non 'soumise aux droits fédéraux n'empêche pas seulement le plein rendement financier du monopole de l'eaude-vie actuellement existant, elle ne porte donc pas seulement préjudice aux intérêts fiscaux des cantons, bénéficiaires jusqu'ici du produit du monopole, mais, en outre, elle s'oppose encore à ce que la Confédération ait sa part des revenu» que peut fournir l'une des sources fiscales les plus susceptibles d'accroissement. Chaque augmentation des prix de vente du monopole de l'alcool et des droits perçus par lui, chaque nouvelle charge imposée aux eaux-de-vie soumises à l'impôt d'après la loi actuelle renforcent le privilège de la distillation des fruits, qui n'est frappée d'aucun impôt fédéral et, dans quelques cas seulement, de modiques droits cantonaux.

Seule l'extension des compétences législatives de la Confédération aux
boissons spiritueuses de tout genre permettra de retirer sans conteste de l'imposition de ces dernières des ressources assez importantes pour que Confédération et can-

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tons,.en même temps, puissent participer largement à leur répartition, selon une équitable estimation de leurs besoins.

IV. Sous l'influence des deux facteurs, besoins fiscaux et nécessités hygiéniques, l'idée de l'extension des compétences fédérales dans le domaine de la distillation a déjà trouvé plus d'une fois son expression dans les chambres fédérales comme au sain du peuple. Nous rappelons les deux postulats 785 *) et 786 **) votés par les chambres, le postulat de portée générale 764 ***) et la pétition que 389 sociétés ou associations de tendance sociale ou hygiénique ont adressés au Conseil fédéral en été et en automne 1916. Cette pétition était appuyée par: 12 sociétés médicales, 33 associations pour la lutte contre la tuberculose, 15 sociétés d'utilité publique, 28 sociétés de bienfaisance et d'assistance publique, 7 caisses de malades, 31 autorités publiques et sociétés pour la protection des femmes et des enfants, 63 associations et administrations ecclésiastiques et religieuses, 26 associations politiques et ouvrières, 53 sociétés féminines, 10 associations de jeunes gens, 94 organisations pour la lutte contre l'alcoolisme et 17 sociétés diverses et grands industriels.

Au mois d'avril de l'année courante, nous avons reçu de la commission suisse des médecins une requête accompagnée *) 26 septembre 1917. Le Conseil fédéral est invité à étudier la modification de l'article 32i>is de la constitution fédérale en vue d'étendre à toutes les boissons distillées sans exception le droit de la Confédération de disposer de la fabrication et de la vente.

**) 26 septembre 1917. Le Conseil fédéral est invité à étudier un projet de revision des articles 32 et 32Ws de la constitution fédérale dans le sens: 1. d'une extension, à la distillation actuellement libre, du droit de la Confédération de légiférer sur la fabrication et la vente des boissons distillées ; 2. de l'attribution, à la Confédération, des recettes supplémentaires provenant de cette extension, les droits actuels des cantons étant réservés; 3. de la prise en ^considération des intérêts des producteurs actuellement au bénéice de la distillation libre.

***) 10 juin 1915. Le Conseil fédéral est invité à étudier quelles sont les mesures à prendre pour combattre d'une manière énergique le fléau de l'alcoolisme en Suisse.

.611 d'un rapport détaillé du docteur H. Maillard à Genève, Pénétrée de la conviction que la consommation des boissons distillées est tout particulièrement nuisible à la santé publique, cette commission nous demande, ou d'interdire la fabrication, l'importation, le transport et la vente des eaux-de-vie de toute espèce, ou tout au moins de soumettre au monopole de l'alcool les distilleries de fruits restées libres, afin de provoquer un renchérissement sensible des eaux-de-vie destinées à la boisson et de pouvoir par là en restreindre efficacement la consommation. On nous recommande de prendre le plus tôt possible les mesures proposées et cela, non seulement dans l'intérêt des buveurs eux-mêmes, mais tout spécialement pour protéger les victimes innocentes de la boisson, femmes et descendants des buveurs qui, par l'alcoolisme de leurs soutiens, sont livrés sans défense à la maladie, à la dégénération, aux privations et à la misère.

Il est indubitable qu'en dehors des pétitionnaires, desfractions très considérables de la population vouent également leur attention à la solution du problème et que les cercle?

agricoles directement intéressés, eux aussi, ne refusent pas non plus leur sympathie à l'étude des mesures à prendre. Un des chefs les plus influents de nos agriculteurs a désigné comme but de la réforme le bannissement de la distillerie de la maison du paysan; il a ainsi mis le doigt sur la plaie.

* ' * * V. La connaissance toujours plus répandue des grands dangers propres à la consommation de l'alcool, surtout sous la forme d'eau-de-vie, nous dispense de faire ici un exposé détaillé, avec données numériques, des conséquences de toute sorte que l'alcoolisme a pour notre pays. Nous nous contenterons de quelques renseignements sur les progrès de la consommation des boissons spiritueuses en général, et en particulier sur les conditions de la distillerie des fruits non soumise à la législation fédérale.

Relativement à l'époque ayant précédé la réforme de1885, il n'existe de renseignements un peu certains au sujet, de la consommation de l'alcool que pour les cinq années 1880 à 1884. Plaçons en regard, pour le temps qui s'est écoulé depuis la dite réforme, les chiffres concernant la période dèsvingt années 1893 à 1912. Ces chiffres peuvent être considérés grosso modo comme l'expression des conçutions
normales; ils prennent date de l'année qui marque à peu près la fin.

de la période de transition et vont jusqu'à l'année qui a précédé immédiatement l'explosion de la guerre mondiale avec, son caractère absolument anormal.

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613

»Du tableau que nous venons de donner ressort oe qui suit.

Si l'on s'en tient aux chiffres de consommation par tête de population adulte, la consommation en alcool de tout genre est montée, pendant la période de réforme, de 21,04 à 22,02 litres, augmentant ainsi de 0,98 litres, soit à peu près du 4*/2 °/o. Mais cette augmentation porte exclusivement sur les boissons fermentées; elle est pour le vin d'environ 17
» 2 8 Vs °/o La consommation de l'eau-de-vie est tombée de 6,93 à 3,9Î litres, subissant ainsi une réduction de 3,04 litres, égale à peu près au 43 Va %.

Le but auquel tendait la revision de 1885 était essentiellement, comme nous l'avons dit en tête de ce message, de faire diminuer la consommation de l'eau-de-vie qui est la plus pernicieuse, en favorisant celle des boissons fermentées comme beaucoup moins nuisible. Parmi ces dernières, ce sont les moins riches en alcool, et avant tout la bière, qui manifestent la plus forte augmentation. Il est certain que, pour aucune d'entre elles, l'augmentation de la consommation ne saurait être attribuée exclusivement à l'influence de la législation, toutefois cette influence n'est pas méconnaissable. L'augmentation de la bière, de beaucoup la plus considérable, tient aussi au fait que le développement technique et commercial de la brasserie suisse date pour ainsi dire entièrement de o la seconde des périodes prises en considération,. < Le résultat obtenu paraît au premier abord parfaitement satisfaisant, surtout si l'on se rappelle avoir estimé primitivement que ce serait déjà beaucoup de pouvoir arriver à enrayer l'augmentation de la consommation de l'eau-de-vie et d'en arrêter les progrès (rapport et propositions de la commission du Conseil national du 31 janvier 1885). Toutefois si l'on considère les choses de plus près, on constatera l'existence de bien des faits établissant que les conditions actuelles laissent encore fort à désirer.

Le transfert du centre de gravité de notre consommation nationale, des boissons distillées sur les boissons fermentées, peut bien être considéré comme constituant un progrès, surtout au point de vue hygiénique; mais un chiffre de consom2

614

mation de 15 litres d'aloool par tête de population totale, ou de, 22 litres par têts de population adulte, est déjà en lui-même, comparé avec celui de la plupart des autres Etats, une cause de vive inquiétude. Des perturbations de la santé publique, tenant à la consommation d'autres eaux-de-vie que celle de fruits, ont pu être atténuées, dans les régions qui en étaient atteintes, par le décroissement des exès; mais il serait oiseux de ne pas reconnaître que "d'autres régions sont maintenant inondées d'eau-de-vie de fruits et qu'un état satisfaisant de la santé publique est certainement aussi incompatible avec le chiffre exagéré de notre consommation en vin et en bière. L'abus des boissons spiritueuses ne menace pas seulement le bien-être corporel, il n'entraîne pas seulement avec lui les infirmités, la mort, la dégénération de la race; il cause de graves préjudices à la communauté sociale par l'augmentation de la rudesse des moeurs et l'altération des liens de famille, il sape la situation économique des buveurs et de leur parenté en provoquant le gaspillage de leur temps et de leur argent.

Si nous comparons la période de 1880/84, non pas avec la période 1893/1912 dans son ensemble, mais avec chacune des deux décades qui composent cette dernière, nous constatons que l'augmentation de 28,6i %, dans la consommation du vin, porte essentiellement sur la période de 1880/1884 à 1893/1902; depuis cette époque à celle de ] 903/1912, elle a fait place à une diminution de 14,S7 °/o. Pour la bière également, l'augmentation de 60 % s'est fait sontir en grande partie de 1880/1884 à 1893/1902; de 1893/1902 à 1903/1912, elle ne s'est élevée qu'à 18,2i °/o. H en est de même-pour le cidre: augmentation de 1880/1884 à 1893/1902, 25<>/o; de 1893/1902 à 1903/1912, 8,57%.

Enfin la diminution de la consommation de l'eau-de-vie se* concentre aussi sur la période de 1880/1884 à ,1893/1902 (39,u °/o); de 1893/1902 à 1903/1912, il n'a été constaté qu'un retrait de 10,u%.

La réforme de 1885 se caractérise donc en ceci que son action se fit sentir dès l'abord d'une façon très intense, mais perdit visiblement de sa force avant que le résultat désiré ne fût complètement atteint. Or, en parëîlle matière, rester à mi-chemin équivaut à un recul, contre lequel il est nécessaire de réagir. Cette nécessité est d'autant plus
pressante que des symptômes apparaissent, faisant craindre déjà pour la prochaine période que le mal ne 'devienne encore pire. La création multipliée de gr-andes cidreries industrielles et l'or-

615

ganisation rationnelle de la petite cidrerie rurale pendant les dernières années, surtout depuis 1913, ont provoqué une extension de la consommation du cidre à laquelle, au point de vue tant économique qu'hygiénique, on peut applaudir., mais qui aura des conséquences moins réjouissantes: l'augmentation toujours croissante de la fabrication et de la consommation de l'eau-de-vie de fruits. Du fait de l'existence de milliers de distilleries de fruits résultent pour le bien-être général les mêmes préjudices que ceux qui ont été occasionnés, il y a un tiers de siècle, par les distilleries rurales de pommes de terre et qui ont donné l'impulsion principale à l'intervention des autorités fédérales.

La production de l'eau-de-vie de fruits, calculée en alcool absolu, a été évaluée en moyenne annuelle de la période 1880/1884 à 10,000 hl » » » » » '» 1893/1902 » 15,000 » » » » » » ( » 1903/1912 » 19,000 » Nous complétons ces chiffres par les suivants, extraits de l'enquête fédérale sur les trois campagnes 1914/1915 à 1916/1917 (les indications douteuses recueillies au sujet de matières non dénommées sont laissées de côté): pour la campagne de distillation 1914/1915 .

. 24.558 hl » » » » » 1915/1916 .

. 31.750 » » » » » » 1916/1917 .

.

26.360 » soit, en moyenne annuelle, pour 1914/1917 .

. 27.556 hl

Nous empruntons à cette enquête d'autres indications relatives à la distillerie non assujettie au monopole.

Faisant abstraction d'une critique de ses résultats, nous prenons ces derniers tels quels, sachant pertinemment qu'on ne peut réclamer de toutes les enquêtes de ce genre que des estimations approximatives.

Sauf indication contraire, les données que nous reproduisons sont à considérer comme ayant trait aux trois campagnes 1914/1916.

Les communes du pays ne possédant pas clé distilleries de fruits sont au nombre de 730 seulement, sur 3012. On trouve dans les 2282 autres communes:

616 ÌK dislUliteirs

Nombre

des appjroils

Distilleries fixes . . . .

28.191 30.351 Distilleries ambulantes . . .

352 455 Ensemble 28.543 30.806 Pendant les trois campagnes en question, les distilleries ambulantes ont travaillé, en moyenne, pour le compte de 35.146 personnes.

Le tableau donné page suivante indique le nombre des appareils employés pendant la période envisagée et le chiffre de leur production moyenne annuelle»

Distilleries fixes Matières premières mises en oeuvre

Pommes et poires . . .

Déchets de ces fruits . .

Ensemble Cerises . . . . . . .

Prunes .

Autres fruits (à l'exception des raisins, pommes e t poires) . . . . .

V i n e t raisins . . . .

Marc d e raisins . . . .

Lies d e v i n . . . .

Racines de gentiane . .

Baies de genièvre . . .

Nombre des appareils employés en moyenne annuelle

Distilleries fixes et ambulantes

Distilleries ambulantes

Production Production Production Sombre amodie annuelle des moyenne miyenne, moyenne, appareils dfltt eiprime'e eiprime'e exploitation employés en en hectolitres hectolitres d'alcool absolu d'alcool absolu Litres annuelle

Production moyenne d'âne exploitation

Nombre total des

Production toUle

employés

- Hectolitres

Litres

5.625 12.248 17.873 8.535 392

1.926 ° 7.257 9.183 1.855 168

34 59 51 52 43

73 257 330 100 32

1.625 8.149 9.774 761 87

2.226 3.171 2.962 761 272

5.698 12.505 18.203 3.635 424

3.551 15.406 18.957 2.616 255

237 287 3.039 1.790 526 59 27.738

29 272 1.242 1.107 285 59 14.200

12 95 41 62 54 100 51

5 22 64 109 10 2 674

22 43 2.116 548 4 1 13.356

440 195 3.306 503 40 50 1.982

242 309 3,103 1.899 536 61 28.412

51 815 8.358 1.655 289 60 27.556

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618

Nous pouvons répartir la production totale en quatre groupes principaux: 1. Eau-de-vie de pommes, poires et déchets de .ces fruita 18.957 hl .2. Eau-de-vie de vin, raisins, marc de raisins et lie de vîn 5.328 » 3. Eau-de-vie de cerises, prunes, etc. .

.

.

2.922 » 4. Eau-de-vie de racines de gentiane et de baies de genièvre 349 » En négligeant le quatrième groupe, vu le peu d'importance de sa production, la répartition des trois premiers groupes ci-dessus, par cantons, donne les chiffres suivants: Groupe principal 1 Groupe principal 3 Groupe principal 3 hl H lil

Zurich Lucerne .

Argovie Berne Zoug Thurgovie St-Gall .

Vaud Valais Tessin Baie-campagne Genève Neuchâtel .

Schwyz Baie-ville Fribourg Tous les autres cantons de chaque groupe . . . . .

4,928 3,089 2,171 1,445 1,316 1,241 1,105 -- -- -- -- -- -- -- -- --

1,006 -- -- 221 -- -- 200 1,562 834 273 234 176 147 -- -- --

140 122 118 206 142 -- -- 742 -- -- 212 -- 84 818 96 82

3,662 18,957

675 5,328

160 2,922

En ce qui concerne les distilleries fixes, le bureau fédéral de statistique a pu, pour 25,264 possesseurs d'installations, établir les conditions de propriété suivantes: Distillateurs individuels 23,117 Simples réunions de personnes 2,087 Coopérations et associations agricoles 34 Communes 8 Autres associations . . . : 68

619

Au point de vue professionnel, le plupart des possesseurs de distilleries étaient agriculteurs. Leur nombre se décompose comme suit (les associations étant comptées comme distillateurs individuels): Etaient exclusivement agriculteurs .

18,901 De profession principale: agriculteurs et de profession secondaire : distillateurs 430 marchands d e v i n . . .

23 aubergistes 587 tonneliers 61 d'autre profession . . . 1,832 2,933 De profession secondaire : agriculteurs et de profession principale : distillateurs 11 marchands d e v i n . . . .

32 aubergistes 410 tonneliers 53 d'autre p r o f e s s i o n . . . . 1.100 1,606 23,440 Etaient exclusivement distillateurs .

65 De profession principale: distillateur et de profession secondaire : marchands de vin . . .

12 aubergistes 7 tonneliers 3 d'autre profession . . .

27 49 .De profession secondaire: distillateurs et de profession principale: marchands de vin .. . .

31 aubergistes 42 tonneliers 60 d'autre profession. . . . 117 250 364 Etaient exclusivement marchands de vin 51 De profession principale : marchands de vin et de profession secondaire: aubergistes 5 A reporter 5 51 23,804 Feuille fédérale strinse. 71e année. Vol. III.

41

620 Report tonneliers d'autre profession

. . .

De profession secondaire : marchands de vin et de profession principale: aubergistes. . . . . .

tonneliers . .

. . . .

d'autre p r o f e s s i o n . . . .

5 5 10

51

23,804

20

8 7 3

18 89 Etaient exclusivement aubergistes .

De profession principale : aubergistes et de profession secondaire : tonneliers d'autre profession . . .

225 9 83

De profession secondaire: aubergistes et de profession principale: tonneliers d'autre professici! . . . .

15 95

92

110 427

Etaient exclusivement tonneliers . .

De profession principale: tonneliers et de profession secondaire!: d'autre profession De profession secondaire : tonneliers et de profession principale: d'autre profession

72 16 17 35

Etaient exclusivement d'autre profession

. . . .

106 839 25,264

Le questionnaire de l'enquête qualifie d'« exploitations industrielles» les distilleries employant un nombre de personnes supérieur à celui du détenteur et de sa famille. Le nombre d'exploitations industrielles de ce genre, dont l'enquête a révélé l'existence, s'élève à 269 (distilleries fixes et distilleries ambulantes prises ensemble).

Nous avons déjà exposé à un autre endroit de notre message que la loi bernoise de 1884 considérait comme dis-

621

tillation industrielle celle qui ne meb pas en oeuvre les produits du cru seulement ou dont le produit distillé dépasse .150 litres par année. On ns peut ni pour l'une, ni pour l'autre des deux conditions ainsi requises, tirer de l'enquête fédérale des renseignements permettant d'établir avec quelque certitude quel a ììtó en Puisse, pour la période 1914/1916, le nombre des distilleries industrielles dans le sens de?

prescriptions bernoises. La seule chose que nous puissions admettre sûrement est que les 269 exploitations industrielles mentionnées ci-dessus en font réellement .partie, ainsi que les distilleries ambulantes non déjà comprises dans ce chiffre de 269. Il ressort toutefois suffisamment de ce qui précède que dans lé domaine de la distillation des fruits, considérée au point de vue du nombre des exploitations, nous avons affaire surtout à des entreprises qui, d'après l'une ou l'autre définitition, appartiennent à la petite distillerie non industrielle. Le caractère agricole de la distillerie de fruits, mis en évidence par les chiffres professionnels donnés plus haut, confirme! cette appréciation.

VI. Une fois l'accord établi sur le but à atteindre, extension des compétences fédérales aux spiritueux de tout genre, il faut rechercher les voies législatives qui mènent à ce but.

A cet effet, nous avons en tout premier lieu à examiner si la constitution fédérale existante ne nous fournit pas déjà des voies praticables. L'une de ces voies consiste dans la possibilité d'imposer ou de monopoliser la vente de l'eau-de-vie de fruits de telle manière que le produit fiscal revienne exclusivement aux cantons.

Mais comme, après une pratique orientée tout différemment pendant une si longue série d'années, le choix de cette voie pourrait donner l'impression de quelque chose d'artificiel, et que nous visons non seulement à l'augmentation des recettes des cantons, mais en même temps à celle des ressources de la Confédération, il ne nous est pas possible d'éluder une revision constitutionnelle. Cela se peut d'autant moins qu'une revision seule nous permettra de mettre ordre en même temps avec toute la liberté voulue à d'autres points, non fiscaux, susceptibles de réforme.

Le moyen le plus simple de donner à la Confédération des compétences fiscales et de police aussi e:a ce qui concerne la fabrication de l'eau-de-vie de fruits, consisterait à première

622

vue, dans l'abrogation de la dernière phrase du 1er alinéa de l'article 32bis, ainsi conçue: «La distillation du vin,, des fruits à noyau ou à pépins et de leurs déchets, des racines de gentiane, des bâfres de genièvre et d'autres matières analogues est exceptée des prescriptions fédérales concernant la fabrication et l'impôt. » Mais cette solution serait également sans avantage financier pour la Confédération, si elle n'était accompagnée d'une modification simultanée des dispositions constitutionnelles en vigueur au sujet de l'emploi des recettes fiscales.

Au nombre des dispositions constitutionnelles en vigueur, applicables à la fabrication de l'eau-de-vie de fruits, on pourrait peut-être citer l'article sur les arts et métiers (34ter) ; mais cet article n'aurait trait cependant qu'aux distilleries industrielles de fruits. L'article 69bis, d'un autre côté, donne à la Confédération, en ce domaine, tout au moins des compétences de police sanitaire. Il esi cependant parfaitement clair que tous les moyens indiqués ci-dessus comme utilisables dans la réforme en cours aujourd'hui, sont insuffisants et qu'il faut donc, avant tout, procéder à une réforme complète de l'article 32bis.

* * * VII. Nous vous proposons de remplacer le texte constitutionnel actuellement en vigueur par le suivant: Art. 32bis. Le droit de décréter, par voie législative, des prescriptions sur la fabrication, l'importation, la vente et l'imposition des boissons distillées appartient à la Confédération.

Ces prescriptions doivent exonérer de toute charge fiscale les produits qui sont exportés, ceux qui passent en 'transit et ceux qui, après avoir subi une préparation les rendant impropres à servir de boisson, sont employés à des usages industriell ou domestiques.

' Les. recettes nettes provenant des charges fiscales imposées au débit et à la vente en détail restent acquises aux cantons; celles qui proviennent des charges fiscales grevant la fabrication, l'importation et la vents en gros des boissons distillées sont attribuées aux cantons à raison de 3/5> à la Confédération de 2/e.

Les recettes revenant aux cantons sont réparties entre eux, à la fin de chaque exercice, proportionnellement à leur population de résidence ordinaire telle qu'elle a été établie par le dernier recensement fédéral sanctionné par les chambres. Les cantons sont tenus d'employer à la lutte contre l'ai-

623

coolisme 20 % au moins de leur part de recettes, et cela en affectant la majeure partie de cette part à la lutte contre les causes de l'alcoolisme.

La part de recettes revenant à la Confédération sera employée exclusivement au profit de l'assurance vieillesse, invalidité et survie.

Nous donnons à l'appui de nos propositions les explications suivantes.

VIII. a. De même que ce fut le cas autrefois pour la partie correspondante des propositions du Conseil fédéral du 20 novembre 1884, le premier alinéa, base de cet article, reçoit une teneur qui n'entend préjuger en aucune manière le mode de législation à adopter; dans sa large conception, il laisse cour.s à toutes les possibilités: libre concurrence des distillateurs et négociants en eau-de-vie, concessions accordées à un nombre déterminé d'entre eux, institution du monopole à l'exclusion de toute concurrence. Sur ce point, la différence entre l'ancien et le nouveau texte consiste uniquement en ce que ce dernier, mieux que ne l'a fait son devancier, évite l'emploi d'expressions trop exclusivement propres à une loi sans caractère de monopole.

Nous mentionnons comme modification de second ordre que l'importation, non mentionnée en 1885 pour des motifs inconnus, est comprise maintenant dans le texte proposé et que l'imposition y est expressément prévue.

Comme on n'a aucune intention d'abolir le monopole des alcools existant, et qu'on projette au contraire de lui soumettre également les eaux-de-vie de fruits, il eût été possible de choisir un texte fixant d'avance le monopole comme unique champ d'action de la loi d'exécution. Nous y avons renoncé parce que, dans certains cas, la monopolisation complète de l'eau-de-vie de fruits pourra se heurter à des obstacles, spécialement de nature technique, dont l'élimination complète ne serait pas réalisable. Nous entendons par là, entre autres, les difficultés pouvant résulter de la petitesse de la plupart des exploitations, du caractère exclusivement agricole de ces dernières et enfin de la grande diversité des espèces comprises dans une catégorie de produits toutefois peu importante.

Le plus grand obstacle, aussi bien pour une juste réglementation de police industrielle que pour une imposition ra-

624

iionnelle, réside en fait dans le grand nombre des distilleries existantes, ainsi que dans la petitesse de la plupart d'entre elles. C'est là qu'il faut songer à porter remède. Ce remède avant tout ne s'impose pas seulement pour des considérations fiscales, il est tout aussi justifié par des intérêts économiques et hygiéniques sociaux. Comme autrefois par rapport à la distillerie des pommes de terre, il s'agira, pour la distillerie des fruits également, de supprimer les exploitations domestiques et, autant que possible, de créer à leur, place des établissements de moyenne importance, communaux ou coopératifs. Une telle modification des conditions actuelles rencontrera certainement de la résistance dans quelques régions agricoles. Il sera ça et là très difficile de passer de l'ancien au nouvel état de choses sans occasionner des frottements sensibles. La réforme peut être facilitée par l'autorisation de distilleries ambulantes; il est vrai que toutes les difficultés ne pourront pas être levées par cette voie là.

La mesure dans laquelle le législateur pourra surmonter toutes ces difficultés se soustrait à toute prévision; en tout cas il sera des plus difficile d'imposer rationnellement dans une juste proportion, pour leur production ou leur vente, des milliers de petites exploitations ou de les soumettre à un monopole. Le contrôle personnel aussi bien que le contrôle mécanique, que des appareils spéciaux permettent d'exercer pour de grandes exploitations, sont impraticables ici. En tout cas, il ne faut pas songer, tant au point de vue administratif que politique ou financier, à soumettre 30.000 appareils de distillerie au contrôle de fonctionnaires fédéraux.

Pour résoudre cette difficulté, on peut avoir recours essentiellement à l'un des trois moyens suivants: ou bien affranchir de toute charge fiscale les distilleries dont la production ne dépasse pas un certain chiffre, ou bien, par voie d'arrangement, les imposer d'une somme basée sur une estimation globale de leur production, ou enfin les supprimer par voie d'interdiction légale.

Le .premier de ces moyens ne se recommande à aucun point de vue. Ni au point.de vue fiscal, parce que cette solution, surtout dans les conditions où nous nous trouvons, diminuerait sensiblement le produit de l'impôt, et cela plus encore parce qu'elle provoquerait des
abus et compromettrait par là, en ce qui concerne les exploitations non privilégiées, le résultat de l'application des mesures fiscales; ni au point de vue de la santé publique, parce qu'il ne permettrait pas,

625

dans, des conditions . particulièrement difficiles,, de réaliser le voeu que nous avons exprimé d'expulser l'eau-de*vie avec son cortège de misères de la maison du paysan. Les expériences peu satisfaisantes faites chez nous et à l'étranger parlent assez haut contre l'octroi d'un pareil privilège.

Une appréciation remarquable sur ce point est contenue dans un message d'août. 1915 du président de la République française au sujet d'un projet de loi sur le, régime de l'alcool: «L'alcool gratuit ne saurait avoir sa place dans un système qui a essentiellement pour objectif de réduire par l'impôt la consommation de l'alcool dans de justes limites.

Ce serait tomber dans une étrange contradiction que de prétendre lutter contre l'alcoolisme et de maintenir une franchise pour la consommation qui se fait en famille, car, nous ne saurions trop y insister, c'est cette consommation qui, au point hygiénique et social, constitue le danger le plus redoutable. Si, par la cherté du produit, on entend réduire la con' sommation à des limites déterminées, il serait tout à fait étrange que toute une partie de la population fût exclue de la règle et invitée en quelque sorte à .consommer en plus quelques litres par tête. » Le second moyen est entaché des mêmes défauts, quoique naturellement dans une plus faible mesure; il ne saurait donc être pris en considération que comme un pis-aller.

La troisième solution doit être considérée comme la meilleure. Non seulement elle préviendrait tout éparpillement des forces, qui serait injustifiable au point de vue économique, mais encore elle satisferait de toute manière aux postulats hygiéniques et fiscaux. Sa réalisation est cependant liée à des conditions précises. Il serait d'abord de toute équité d'adoucir, vis-à-vis de ceux qui en auraient été frappés, le tort résultant pour eux de la suppression de leur distillerie, en leur accordant au nom "de l'Etat une juste indemnité. Il faudrait ensuite veiller à ce que les agriculteurs des régions dans lesquelles la petite distillerie aurait été supprimée ne fussent pas sensiblement mis en perte dans l'utilisation habituelle de leurs produits du sol et des déchets qui en proviennent. Ainsi que nous l'avons dit à un autre endroit de ce message, cela pourrait se faire entre autres par la création de distilleries de moyenne importance,
rationnellement réparties dans le pays et organisées sur la base d'une exploitation communale ou coopérative ou encore, partout où les avantages d'une pareille création resteraient dis-

626 proportionnés aux dépenses à effectuer, en faisant desservir les contrées intéressées par des distilleries ambulantes.

Le mot d'ordre est donc: concentration de la fabrication, avec ménagement des intérêts. La possibilité d'une réalisation pleinement satisfaisante de ce mot d'ordre ne sera point douteuse, si Ton y met de la bonne volonté. D'après les chiffres déjà communiqués, une fraction de 80 °/o de la production totale provient des branches de beaucoup les plus importantes de la distillation des fruits, celles de la mise en oeuvre des pommes, poires, déchets de fruits et marcs de raisins.

fixes

Pommes et poires Déchets .de ces fruits Marc de raisins

Distilleries Total ambulantes Production moyenne animelle

hl 1,926 7,257 9,183 Ensemble 1,242 Total 10,425

hl 1,625 8,149 9,774 2,116 11,890

hl 3,551 15,406 18,957 3,358 22,315

Pour opérer cette concentration, il faudra laisser de côté les 11.890 hectolitres que produisent déjà les distilleries ambulantes. Elle n'aurait à s'exercer que sur les 10.425 hectolitres des distilleries fixes.

Cette quantité se répartit comme suit sur les cantons: Pommes et poires

Zurich . . . .

Berne . . . .

Lucerne . . . .

Uri Schwyz . . . .

Unterwald-le-haut Unterwald-le-bas Glaris . . . .

Zoug Fribourg . . .

Soleure . . . .

hl 34 322 pour mémoire 18 182 4 100 18 268 138 154

Déchets de pommes et poires '

Marc de raisins

hl

hl 520 31 1 2 13 1 pour mémoire 1 pour mémoire 4 4

l'596 562 1077 246 455 135 185 141 340 174 14

627 17 97 3 Bàie-ville . . .

237 103 12 Bàie-campagne 49 9 45 Schaffhouse . .

1 4 18 Appenze'l Rh.-ext.

1 21 Appenzell Rh.-iut.

pour mómoire 96 706 63 St-Gall . ." . .

161 33 80 Grisons . . . .

462 164 18 Argovie . . . .

752 28 16 Thurgovie . . ..

217 pour mémoire Tessin . . . .

pour mémoire 22 24 7 Vaud . . . .

15 96 8 Valais . . . .

88 5 2 Neuchâtel . . .

1 4 Genève . . . .

II résulte de ces chiffres qu'il n'y aurait probablement lieu de prévoir en ce domaine une nouvelle orientation, dans une mesure quelque peu importante, que pour les huit cantons de Zurich (2150 hi), Lucerne (1078 hl), Berne (915 hl), Thurgovie (796 hl), St-Gall (769 hl), Schwyz (650 hl), Argovie (644 hl) et Zoug (608 hl).

Ce que nous avons dit plus haut au sujet d'une loi d'impôt s'applique aussi à une loi de monopole. Pour celle-ci également, il ne saurait rationnellement être question, en ce qui concerne les petites exploitations, que de les imposer à forfait ou de les grouper en distilleries de capacité moyenne.

En ce qui concerne le traitement fiscal spécial qui devra éventuellement être appliqué aux eaux-de-vie de qualité supérieure, nous remarquerons brièvement ce qui suit: II serait certainement ^possible de soumettre directement au monopole l'eau-de-vie de cerises, de prunes, de raisins et d'autres fruits (à l'exception des pommes et poires), du vin, des lies de vin, racines de gentiane et baies de genièvre; mais si, pour ne pas déprécier la qualité, on ne veut pas réunir toutes les espèces de même nom, les difficultés d'administration qu'entraînerait la monopolisation de ces eaux-de-vie fines et de leurs nombreuses spécialités seraient, vu leur petite quantité ,,totale (5241 hl), hors de proportion avec la peine et les frais qui en résulteraient. Dans tous les cas, pour les produits de la distillation des déchets, qui offrent moinisi de variétés de qualité et de prix (22.315 hl), le monopole sera d'une application plus facile et gardera toujours suffisam-

628

ment le caractère de l'ensemble. Le simple prélèvement de taxes (que ce soit sous forme d'impôt ou de droits de monopole) porte bien atteinte au monopole de la régie des alcools, niais non d'une façon beaucoup plus grave que ce n'est déjà le cas maintenant pour les spiritueux qui ne sont pas achetés et vendus par l'administration. La régie déterminante en cette matière est que celui qui domine les trois quarts domine le tout.

Nous devons encore faire mention ici, puisque nous traitons de la transformation de la distillerie actuelle, d'un autre point plus important. Il est certainement à prévoir qu'en · présence de notre projet, les distillateurs de fruits et les agriculteurs intéressés à leur sort demanderont qu'en cas de monopolisation, les eaux-de-vie de fruits soient payées par la Confédération à un prix rémunérateur et, en cas d'imposition, ne soient pas trop grevés de manière à empêcher l'utilisation rationnslle des matières premières. Nous considérons en principe ces prétentions comme très compréhensibles et parfaitement justifiées. Nous n'en faisons cependant pas mention dans le texte constitutionnel, parce qu'elles n'y figurent pas non plus en ce qui concerne la distillerie déjà monopolisée; mais elles se trouvent dans la loi, où elles nous paraissent être à leur place.

Pour le premier alinéa du nouvel article 32bis, nous croyons pouvoir nous en tenir à ce qui vient d'être dit.

! VIII. 6. A part la mention qu'il fait du transit, le sscond alinéa n'apports que des changements de rédaction. Ces changements tiennent compte du fait que des nécessités administratives obligent la Confédération au prélèvement de droits et que l'exonération de ces derniers ne peut ainsi avoir lien que par voie de remboursement. Le choix de l'expression « echarges fiscales » au lieu de celle d'« imposition » (voir aussi 3 alinéa) est destiné à prévenir toute contestation sur l'admissibilité du monopole; cette expression peut s'appliquer aussi bien à un impôt qu'à la taxe 'fiscale comprise dans le gain d'exploitation de l'Etat. Le mot « Genuss », du test« constitutionnel allemand encore en vigueur, fait place dans les nouvelles propositions, pour se rapprocher du texte français, à celui de « Trinkverbrauch », et cela en vue du règle-

629 ment d'un point litigieux. Dans l'une des séances de la commission du Conseil des Etats en 1885, le représentant ·de l'administration fédérale a déclaré, sur une demande qui lui était adressée, que l'emploi de l'alcool pour la fabrication du vinaigre n'a pas droit à l'exonération e,t que le vinaigre ·est envisagé comme servant à la consommation. Comme le régime de l'ohmgeld permettait déjà, cependant, d'employer l'alcool dénaturé, franc de droits, pour la fabrication du vinaigre, l'administration du monopole a dès le commencement renoncé pour ce produit, malgré la déclaration rapportée ci-dessus, à la charge fiscale grevant l'alcool de consommation.

° VIII. c. Si le premier alinéa permet, comme c'était le cas jusqu'ici, de charger les cantons de la mise à exécution des prescriptions fédérales sur le débit et la vente en détail, le troisième alinéa tend à préparer en même temps la solution d'un problème qui, depuis trois dizaines d'années a occupé à plusieurs reprises les autorités fédérales et les occupe encore (postulat 742 *). Il est incontestable que l'obligation, imposée par la législation actuelle au marchand en détail qui commerce aussi hors de son propre canton, de se pourvoir d'autorisations de vente en détail dans tous les cantons où l'appellent ses affaires et d'y acquitter les droits prescrits, est considérée dans de nombreuses sphères comme un anachronisme inconciliable avec le caractère des institutions fédérales actuelles et comme une mesure de rigueur sinon sans effet, du moins non proportionnée à son effet. L'essai de conclure par voie de concordat un arrangement entre les cantons s'est trouvé impraticable. L'application du remède radical tendant à introduire une autorisation fédérale de vente en détail, valable pour tout le territoire de la Confédération, est rendu impossible en pratique par la disposition constitutionnelle fédérale (défavorable au commerce international) qui laisse aux cantons les recettes provenant de la perception des droits de patente; car l'introduction d'une patente suisse pour tous les cantons favoriserait fiscalement les cantons exporteurs, relativement peu nombreux, et causerait par contre *) 19 juin 1912. Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur la réglementation, par la législation fédérale, du commerce en détail des boissons alcooliques, spécialement du commerce intei cantonal.

630

préjudice aux cantons importeurs. Ce que notre troisième alinéa prescrit, sous une forme générale, pour supprimer les difficultés actuelles dans la répartition des recettes fiscales sur le débit et la vente en détail, est déjà en vigueur actuellement en ce qui concerne spécialement les spiritueux importés de l'étranger, quoique ce ne soit pas strictement conforme aux dispositions constitutionnelles.

Le troisième alinéa traite ensuite du partage, entre la Confédération et les cantons, des recettes provenant des charges fiscales grevant la fabrication, l'importation et la vente en gros. De nombreuses combinaisons sont possibles, cela va de soi, pour régler ce partage.

Nous avons choisi celle qui nous paraissait la plus simple et en même temps la plus équitable. Lors d'un échange de vues entre notre département des finances et les directeurs cantonaux des finances, ces derniers ont déclaré comme allant de soi-même que les recettes versées jusqu'ici à l'ensemble des cantons ne devaient pas subir de diminution; ils n'ont cependant pas demandé que la Confédération se chargeât de couvrir le déficit en cas de moindre rendement.

Nous pouvons parfaitement nous ranger à cette manière 'de voir des représentants des fiscs cantonaux. Au cas ou l'on jugerait nécessaire de faire mention de cette éventualité dans la constitution même, nous proposerions, pour le troisième alinéa, la rédaction suivante: «Les recettes nettes provenant des charges fiscales imposées aux boissons distillées sont attribuées aux cantons.

Toutefois si pour une année quelconque, les recettes nettes provenant des charges fiscales grevant la fabrication, l'importation et la vente en gros des boissons distillées dépassaient à elles seules le chiffre de 7 millions, les 4/s de l'excédent seraient dévolus à la Confédération. » En ce qui concerne les questions de chiffres, nous renvoyons à la partie finale du présent message.

VIII. d. Abstraction faite du remplacement du terme de «population de fait» par celui de «population de résidence ordinaire » employé habituellement dans la constitution, la formule adoptée, au quatrième alinéa, pour la répartition des recettes nettes d'après le chiffre de la population, reproduit le texte de l'art. 22 de la loi sur l'alcool. L'emploi de l'expression « sanctionné » a pour but de prévenir de nouvelles différences de vue au sujet des règles à suivre pour la répartition dans l'année même du recensement. Les résultats du

631

rencensement ne pouvant, vu l'usage de procéder à cette opération au mois de décembre, être sanctionnes par l'Assemblée fédérale que dans le cours de l'année suivante, les recettes de l'année de recensement doivent donc être réparties encore d'après l'ancien chiffre -de population.

On a déjà fréquemment réclamé l'élévation de la quote de recettes à affecter à la lutte contre l'alcoolisme. Nous portons au double celui qui était admis jusqu'ici. L'obligation, prévue dans notre texte, d'assurer un appui plus considérable à la lutte contre les causes de l'alcoolisme est aussi un ancien, postulat. Nous nous abstenons par contre de proposer, comme on l'a aussi réclamé plus d'une fois, des dispositions permettant à la Confédération d'agir contre les cantons manquant aux obligations qui leur sont imposées. Le projet de 1886 du Conseil fédéral disait en sen article 19: «Dans le cas où un canton ne satisferait pas à la prescription finale de l'article 321«3 de la constitution, le Conseil fédéral a le droit de retenir, lors du prochain payement, le montant non employé ». La prévision d'une sanction de ce genre ne nous paraît pas indispensable. En cas de nécessité, l'article 85 de la constitution serait applicable.

Vili. e. Se conformant aux tendances actuelles de la politique sociale, le dernier alinéa réserve la part de recettes attribuée à la Confédération par l'alinéa 3 à la subvention de branches spéciales de l'assurance populaire.

Pour les détails, nous renvoyons, comme nous l'avons déjà dit, à notre message spécial sur l'assurance vieillesseinvalidité-survie.

IX. A propos de l'article 32bis, nous proposons un article 7 à introduire dans les dispositions transitoires de la constitution: Disposition transitoire. Aussi longtemps que la législation fera de l'importation des boissons distillées un droit 'exclusif de la Confédération, celle-ci renoncera pour ses importations au prélèvement de droits d'entrée sur les dites boissons. Comme indemnité pour la perte de ces droits, la Confédération recevra chaque année, préalablement à la répartition prévue à l'art. 32bis, 3e alinéa, une somme correspondant au produit annuel moyen des droits d'entrée perçus sur ies boissons distillées importées par elle pendant les trois dernières années ayant précédé l'adoption clé la loi.

682

La proposition que nous venons de faire donne lieu à la remarque suivante.

En présence des difficultés toujours renaissantes au sujet de la répartition, entre alcool potable et alcool dénaturé, des droits d'entrée sur les importations de la Confédération, répartition rendue nécessaire par la différence de montant de ces droits, il paraît désirable que celle-ci renonce en principe à la perception de ces droits pour les importations de son administration du monopole. Une compensation lui ·est due pour cette renonciation. La disposition par nous proposée, tirée de l'art. 18 du projet de 1886 de la commission du Conseil national, ne causera aucun dommage à la Confédération. Pour pouvoir juger de sa portée, il faut considérer que, selon toute prévision, en cas de soumission des boissons distillées de tout genre à la compétence fédérale, la diminution à prévoir dans la consommation d'alcool açoiable et l'augmentation de l'emploi d'alcool dénaturé, comme aussi la fabrication croissante, en Suisse, de l'alcool synthétique et de l'eau-de-vie de fruits, amèneront au détriment de l'importation (et même en cas de réduction de la distillerie indigeno actuelle des pommes de terre) des changements dans les chiffres de la consommation du pays.

X. Dans; son projet de 1884, le Conseil fédéral était d'avis que son article 32bis devait avoir le pas sur l'article 31 et qu'il n'était par conséquent pas nécessaire, pour rendre possible la promulgation éventuelle d'une loi ayant le caractère d'un monopole, de réserver, dans l'article 31 sur la liberté de commerce et d'industrie, les dispositions de l'article 32^s.

En présence des doutes qui s'étaient élevés sur la question de savoir si le nouvel article 32bis dérogeait réellement à l'article 31 alors en vigueur, au point de permettre aussi la réforme constitutionnelle par la voie du monopole, on a mentionné expressément, en 1885, sous la lettre b de l'art. 31, la fabrication et la venta des boissons distillées au nombre des réserves faites à la liberté de commerce et d'industrie.

Nous tenons pour parfaitement justifié le point de vue auquel le Conseil fédéral s'était placé, et comme il ne saurait plus guère aujourd'hui s'élever de doutes sur cette question, on pouvait sans inconvénient supprimer dans l'article 31, lettre b, la mention de l'article 32bis. Il en est de même à

633

plus forte raison de celle de l'article 32ter (interdiction de l'absinthe), introduite depuis cette époque sous la même lettre 6 de l'article 31. Pour ne pas troubler l'économie de l'article 31 par la radiation de la lettre b. nous nous contentons de vous proposer de remplacer la disposition de cette dernière par le texte suivant: «La fabrication, l'importation et la vente des boissons distillées, en conformité de l'article 32bis. » XI. Les'prescriptions relatives au commerce des boissons fermentées figurent actuellement dans l'article 32bis. Quelle que soit la teneur qu'on puisse leur donner, il nous parait plus logiquebis de les transférer à l'article 31 et de réserver l'article 32 exclusivement aux boissons distillées.

Le chiffre minimum de 2 litres, formant limite entre le commerce en gros et le commerce en détail des boissons fermentées, a été critiqué comme trop bas déjà peu après la promulgation de la loi fédérale sur l'alcool. Un arrêté fédéral élevant ce .minimum à 10 litres, conformément à notre proposition du 15 mars 1901, fut toutefois rejeté le 25 octobre 1913, avec une faible participation au scrutin, par 228.094 voix contre 156.777 et par 21 cantons contre 4. Les quatre cantons de Lucerne, UVibourg, Grisons et Valais ont seuls donné un majorité acceptante. La modification faisant l'objet de l'arrêté fédéral rejeté a été de nouveau reprise au sein do l'Assemblée fédérale dans un sens plus étendu (postulat 787) *) ; elle a été appuyée et amendée en août 1918 dans le mémoire adressé au Conseil fédéral par un Comité révisionniste, avec restriction, il est vrai, aux boissons fermentées, comme c'était le cas jusqu'à présent.

Le plus simple serait pour nous de revenir à notre proposition du 15 mars 1901; nous, pourrions alors, pour la motiver, nous en rapporter simplement à notre message de ce moment-là.

Nous avons néanmoins acquis la conviction que le mal dont on se plaint principalement dans l'état actuel des choses -- les marchands en détail n'ont 'aucune obligation de se déclarer et échappent ainsi à tout contrôle -- ne peut · *) 26 septembre 1917. Le Conseil fédéral esfc invité à examiner s'il n'y a pas lieu de reviser l'art. 32bis de ]a constitution pour prohiber la vente libre dos boissons alcooliques par qnautités inférieures à 10 litres.

634

être que difficilement extirpé par l'élévation de la limite de vente de 2 à 10 litres. L'abrogation seule de l'institution tout entière peut y .remédier efficacement. Nous n'hésitons pas à vous proposer cette abrogation en corrélation 'avec notre projet de ce jour; l'extension des compétences fédérales à tous les spiritueux distillés fournit en effet à l'Etat des moyens de lutte plus efficaces contre l'alcoolisme que ne pourrait lui en offrir le maintien de l'article des 2 litres ou sa transformation en un article des 10 litres. -- Si toutefois vous deviez donner la préférence à une élévation de la limite actuelle 'àie 2 pitres à 10 litres, nous vous proposerions d'introduire dans l'article 31, lettre c, la disposition suivante: «Toutefois la vente des boissons fermentées, en quantités de 10 litres ou plus, doit rester un commerce libre et non soumis à des droits spéciaux. »

XII. Nous avons épuisé, dans ce que nous avons dit, le programme des modifications que nous avons à vous recommander. Il nous reste à exposer sommairement comment s'effectuera entre la Confédération et les cantons la répartition du produit fiscal pe,rçu par la Confédération.

Nous estimons d'abord qu'au point de vue technique une administration distincte des deux catégories, savoir de l'eaude-vie encore franche de tous droits et de celle déjà soumise à l'imposition fédérale, ne répondrait nullement au but que nous visons et que, vu la nécessité de coordonner réciproquement les deux régimes, l'unité de l'administration s'impose formellement pour l'ensemble. Un décompte distinct pour les spiritueux déjà monopolisés et pour ceux qui feront l'objet des nouvelles mesures fiscales n'est pas plus pratique. Il ne serait réalisable qu'à l'aide de suppositions arbitraires et l'on pourrait lui reprocher, non sans motif, de revêtir un caractère artificiel. Il n'y a de rationnel que la réunion des recettes et leur répartition entre Confédération et cantons d'après des principes fixés.

11 est impossible d'évaluer en ce moment avec quelque exactitude, notamment en ce qui concerne les dépenses, le rendement fiscal à attendre d'une loi fédérale embrassant la totalité des spriritueux distillés. D'abord on ne sait pas

635

encore quelles dispositions la loi d'exécution contiendra relativement aux eäux-de-vie de fruits jusqu'ici non soumises au monopole et à quelles quantités ces dispositions seront applicables. En second lieu, le monopole actuellement existant a été lui aussi fortement ébranlé par les troubles mondiaux et l'on ne peut pas encore prévoir aujourd'hui quelles seront les suites de la nouvelle réglementation qui est devenue inévitable. On ne sait pas tout d'abord quelle est la part de la consommation du pays qui devra être couverte à l'avenir par la distillerie indigène des pommes de terre. Les opinions diffèrent à ce sujet; elles varient entre la suppression de cette distillerie et son extension sous d'autres conditions, à adapter à la situation nouvelle. Il n'est en outre pas possible ·de se rendre compte de l'importance que pourra prendre À l'avenir la fabrication indigène de l'alcool synthétique tiré du carbure de calcium, de la cellulose, de la scuire de bois, «te. Enfin la période de guerre a confirmé l'idée que le maximum relativement bas de 210 francs par hectolitre, fixé par la loi pour le prix de vente en régie de l'alcool potable, ne peut plus être maintenu et qu'il paraît plutôt opportun de faire abstraction de tout maximum légal en laissant la fixation des prix de vente de ceb alcool à la libre appréciation tirés de considérations tout.à-fait générales.

Une certaine prudence s'impose évidemment, si l'on veut ·éviter toute déception.

Feuille fédérale suisse. 71« année. VoL III.

42

686

Dans les estimations qui suivent, nous laissons de côté l'alcool destiné aux usages techniques et domestiques. Comme, selon la constitution, cet alcool ne peut être livré par la régie qu'au prix de revient, il ne doit donc être pris en considération au point de vue fiscal qu'en tant qu'il a à supporter une part des frais généraux d'administration.

Pendant la période décennale 1903/1912, le monopole actuel a donné en moyenne annuelle un excédent de recettes de 6.704.296 francs. Pour la même période de dix ans, la conaommation moyenne annuelle des spiritueux monopolisés destinés à la boisson s'est élevée à 74.800 hectolitres. On a donc réalisé sur chaque hectolitre d'alcool monopolisé un excédent de recettes de fr. 89,63, soit en chiffre rond de 90 francs.

Lorsqu'une fois la Confédération aura acquis la haute main sur tous les spiritueux, elle aura pour ainsi dire la faculté d'élever à son gré le produit fiscal à attendre de chaque hectolitre, en tant qu'elle veuille et soit en situation de prendre à sa charge la diminution de consommation qui résultera de cette opération. Les limites imposées à l'augmentation du produit fiscal par une élévation des droits perçus proviennent d'un côté de considérations économiques,, de l'autre des dangers toujours croissants des contraventions, à la loi. Nous croyons ne pas dépasser la juste mesure, c'està-dire ne pas imposer à la Confédération une tâche insoluble au sens administratif, fiscal, économique et hygiénique, en admettant, pour les spiritueux déjà monopolisés et les eauxde-vie de fruits qui leur seront nouvellement adjointes, un rendement fiscal futur de 225 francs par hectolitre, en sus: de l'indemnité douanière revenant à la Confédération, et ce avec la prévision d'un décroissement d'un tiers de la consommation actuelle. Pendant la période décennale 1903/1912, la consommation a atteint pour les spiritueux déjà soumis aux droits fédéraux, le chiffre indiqué plus haut de .

.

.

74.800 hl pour les eaux-de-vie de fruits celui de .

.

18.200 hl Total

93.000 hl

La réduction d'un tiers abaisserait la consommation à 62.000 hectolitres. Par prudence, nous n'admettons dans noscalculs qu'un chiffre de 60.000 hectolitres; nous obtenons ainsi un rendement futur de fr. 60.000 X 225 = fr. 13.500.000,.

montant sur lequel (abstraction faite de l'indemnité doua-

637

nière prélevée à l'avance) il reviendrait à la Confédération fr. 5.400.000 et aux cantons .

» 8.100.000 (Etant donnée l'extrême circonspection observée dans la fixation des autres chiffres, il n'a pas été prévu de dépenses pour fonds de réserve, indemnités aux distillateurs, etc.)

Si les prévisions budgétaires qui précèdent ne peuvent revendiquer d'autre valeur que celle d'une évaluation approximktive de facteurs d'avenir incertains, leur résultat final peut cependant être considéré comme assez sûr pour satisfaire aux besoins les plus immédiats. Dans nos estimations, nous croyons aussi avoir suffisamment tenu compte de ce que, après soumission de toutes les boissons spiritueuses à la législation fédérale, la juste proportion à admettre pour l'imposition des diverses qualités ne pourra être trouvée qu'en effectuant pas à pas des essais répétés. Les chiffres que nous avons a"dmis assurent en tout cas pour cela toute la latitude voulue.

Il faudrait déjà des circonstances tout "à fait extraordinaires pour ne pas retirer 13 millions et demi de la consommation totale des boissons spiritueuses.

Il faut encore remarquer que la répartition de la consommation entre les diverses boissons spiritueuses sera, à l'avenir, probablement tout autre qu'elle ne l'est maintenant. Selon les données qui précèdent, la part de l'eau-de-vie de fruits à la consommation totale dans la période décennale 1903/1912 était de 20 o/o, en chiffre rond. Des raisons d'ordre économique plaident pour que, lorsque cela sera possible sans danger pour la santé publique -- et ce sera le cas si l'on soumet tous les spiritueux au pouvoir de l'Etat -- l'on maintienne la production annuelle d'eau-de-vie de fruits au chiffre de 27.500 hectolitres auquel il faut l'évaluer maintenant, sinon pour qu'on l'augmente encore; le chiffre total de 60.000 hectolitres admis pour la consommation future des boissons alcooliques porterait alors environ pour 55 % sur les spiritueux déjà monopolisés et pour 45 °/o sur l'eau-de-vie de fruits; la participation de cette dernière serait ainsi plus que doublée.

Nous terminons notre exposé en vous proposant l'adoption du projet d'arrêté fédéral ci-après concernant la revision

638

de l'article 32bls (régime des alcools) et, par corrélation, de l'article 31 de la constitution.

Berne, le 27 mai 1919.

:

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, ADOR.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

Projet.

',

Arrêté fédéral concernant

la revision de l'article 32bis (régime des alcools et, par corrélation, de l'article 31 de la constitution.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

CONFÉDÉRATION SUISSE, Vu le message du Conseil fédéral du 27 mai 1919, arrête: I. Les modifications suivantes sont introduites dans la constitution fédérale du 29 mai 1874: 1. L'article 316. est abrogé-et remplacé comme suit: La fabrication, l'importation et la vente des boissons distillées, en conformité de l'article 32bis; 2. L'article 32bis est abrogé et remplacé comme suit: Le droit de décréter, par voie législative, des prescriptions sur la fabrication, l'importation, la vente et l'imposition des boissons distillées appartient à la Confédération.

639

Ces prescriptions doivent exonérer de toute charge fiscales les produits qui sont exportés, ceux qui passent en transit et ceux qui, après avoir subi une préparation les rendant impropres à servir de boisson, sont employés à des usages industriels ou domestiques.

Les recettes nettes provenant des charges fiscales imposées au débit et à la vente en détail restent acquises aux cantons; celles qui proviennent des charges fiscales grevant la fabrication, l'importation et la vente des boissons distillées sont dévolues aux cantons à raison de trois cinquièmes, à la Confédération à raison de deux cinquièmes.

Les recettes revenant aux cantons sont réparties entre eux, à la fin de chaque exercice, proportionnellement à leur population de résidence ordinaire telle qu'elle a été établie par le dernier recensement sanctionné par les chambres. Les cantons sont tenus d'employer à la lutte contre l'alcoolisme 20 °/o au moins de leur part de recettes, et cela en affectant la majeure partie de cette part à la lutte contre les causes de l'alcoolisme.

La part de recettes revenant à la Confédération sera employée exclusivement au profit de l'assurance vieillesse, invalidité et survie.

3. La disposition suivante est adoptée comme article 7 des dispositions transitoires: Aussi longtemps que la législation fera de l'importation des boissons distillées un droit exclusif de la Confédération, celle-ci renoncera pour ses importations au prélèvement des droits d'entrée sur les dites boissons. Comme indemnité pour la perte de ces droits, la Confédération recevra chaque année, préalablement à la répartition prévue à l'art. 32bis, 3e alinéa, une somme correspondant au produit annuel moyen des droits d'entrée perçus sur les boissons distillées importées par elle pendant les trois dernières années ayant précédé l'adoption de la loi.

II. Ces modifications seront soumises à la votation du peuple et à celle des Etats.

III. Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de l'article 32bis (régime des alcools) et, par corrélation, de l'article 31 de la constitution fédérale. (Du 27 mai 1919.)

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