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ET RECUEIL DES LOIS SUISSES 71e année.

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Berne, le 16 avril 1919.

Volume H.

Message

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réglementation des conditions de travail.

(Du 11 avril 1919.)

Le , développement dee la liberté économique qui a marqué la fin du XVIII siècle et le commencement du XIXe, s'est accompagné d'un profond changement dans la situation de la classe ouvrière. Les rapports qui avaient existé jusqu'alors entre employeurs et employés et qui étaient réglés jusque dans les détails en partie encore par les anciennes chartes corporatives, en partie par des ordonnances de l'Etat, firent place à une liberté complète, que l'on considérait comme avantageuse aussi bien pour l'ouvrier que pour le patron. Au cours des temps, cependant, les inconvénients d'un pareil régime se manifestèrent. Car en dépit de l'égalité de droits, ou à proprement parler du fait même de cette égalité, l'ouvrier se trouva, à l'égard des grandes entreprise» qui prenaient de plus en plus le dessus, dans une véritable dépendance, qui se révéla entre autres par son impuissance à exercer une influence déterminante sur la fixation de la durée du travail et du montant des salaires, et qui amena un avilissement des conditions d'existence. L'essor pris par l'industrie moderne des fabriques, joint à la forte offre de travail, ainsi que l'esprit de lucre et la concurrence, engagèrent ou obligèrent même l'entree Feuille fédérale suisse, 71 année. Vol. II-

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preneur à tirer le plus large parti possible de ses ouvriers, afin d'amortir rapidement les frais de l'acquisition des bâtiments, de l'outillage, etc. Le simple service de nombreuses machines conduisit ensuite à l'emploi de femmes et d'enfants, ce qui provoqua, de temps à autre, un abaissement des salaires de la main-d'oeuvre masculine. D'une manière générale, au surplus, les prix payés étaient soumis à cette « loi d'airain des salaires » fondée par Ferdinand Lassalle sur la théorie de Ricardo, et qui fut considérée pendant longtemps comme un dogme. A la dépendance économique de l'ouvrier vint s'ajouter encore, en maints endroits, son éloignement personnel de l'employeur, particulièrement dans les grandes entreprises, et par là une accentuation des différences de classes. Tout cela ne pouvait manquer d'éveiller chez l'ouvrier le désir de voir ses conditions d'existence s'améliorer. Mais comme il ne pouvait à lui seul réaliser ses revendications envers son patron, il chercha dans l'union avec ses pareils et par une action commune à obtenir un régime plus favorable <>du travail et, au besoin, à se l'assurer par la lutte.

Tandis qu'au début il ne s'agissait là que de groupements sans grande cohésion et souvent passagers, on en vint avec le temps aux syndicats. Le mouvement ne prit d'abord que lentement de l'extension dans notre pays, mais avec l'accroissement continuel des centres industriels, et notamment après 1864, année où fut fondée l'Internationale, il se développa rapidement. Il y eut alors une vive agitation, qu'on essaya en divers endroits de réprimer par des mesures de police, lesquelles eurent cependant en général un effet contraire à celui qu'on en attendait. Peu à peu, le mouvement gagna toute la Suisse; en 1873, lorsqu'il s'agit de fonder l'Union ouvrière suisse, il existait 35 syndicats, comptant 3500 membres, et, à la fin de 1917, nous avions 24 associations centrales, avec un effectif de 148.697 membres.

Ces syndicats forment un tout, qui devait naturellement engager les patrons à s'organiser, eux également. Aussi, là où de pareils groupements existent, voyons-nous aujourd'hui une puissance se mesurant contre une autre puissance; leurs moyens sont la grève et le lock-out, et la statistique' en montre le fréquent emploi. Mais cette même statistique nous apprend aussi que, là où grâce à leur organisation les ouvriers réalisent de justes revendications, il est fort probable que des industries analogues, mais non organisées, présen-

tent des conditions auxquelles il faut remédier. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu'en Suisse un cinquième seulement du nombre total des ouvriers salariés sont syndiqués et qu'en ce qui concerne les femmes travaillant pour le compte d'autrui une petite minorité seulement s'est groupée pour défendre ses intérêts. L'histoire des grèves enseigne, d'autre part, que souvent les exigences formulées excèdent ce qu'on doit considérer comme juste et comme réalisable et, de ce chef, par suite de la violence de l'attaque et de la riposte, provoquent de graves dommages économiques et troublent fréquemment l'ordre public. De là résulte pour l'Etat le droit de limiter la liberté des contrats en matière de droit ouvrier et le devoir d'instituer un régime légal également propre à protéger les citoyens économiquement faibles, et à permettre la revendication des droits par des voies régulières.

C'est tout particulièrement dans une démocratie comme la nôtre qu'il faut veiller à concilier les antagonismes de classe nés au cours du temps et à faire comprendre aux ouvriers que l'Etat sauvegarde leurs intérêts vitaux et s'efforce d'amener les grandes masses du peuple à participer aux biens et jouissances de la civilisation. Mais la contre-partie de l'intervention de l'Etat, savoir la liberté individuelle, le besoin d'une activité économique illimitée et, par là, le facteur déterminant des efforts les plus énergiques, ne doit pas être restreinte plus que le but social de cette intervention ne l'exige nécessairement. Lorsqu'il s'immisce dans la vie économique, l'Etat doit se borner à prévenir des perturbations ou tout au moins à y remédier, le cas échéant, et il lui faut éviter de provoquer par ses mesures un arrêt ou même un recul du mouvement économique et, de ce chef, un dommage pour ceux-là mêmes qu'il entend protéger. On ne saurait en effet méconnaître que, si une saine politique sociale est une source d'avantages aussi pour les employeurs, l'économie nationale peut en revanche -souffrir d'une action dirigée dans un seul et même sens. C'est le cas lorsque les frais causés par la politique sociale ne sont compensés qu'eu partie et jusqu'à.un certain point par le perfectionnement et l'amélioration des méthodes d'exploitation, d'un côté, par la récupération sur les consommateurs, de l'autre. Si son bénéfice tombe
au-dessous d'un certain minimum, le chef d'entreprise n'est plus stimulé à appliquer toute sa capacité de travail et son capital à ses affaires. Et si, en outre, un pays a grandement besoin d'exporter ses produits, comme c'est le cas du nôtre, il faut également considérer la concnr-

rence sur le marché mondial. Dans ces conditions, plus la vie économique se diversifie, et plus aussi l'Etat verra grandir les difficultés de sa tâche et devra être prudent dans le choix des moyens législatifs par lesquels il veut intervenir.

Il est dès lors bien indiqué et justifié de ne pas procéder ici d'une manière précipitée, aventureuse et dépassant le but, mais au contraire de se régler sur l'évolution et sur l'expérience. La législation sociale s'est principalement bornée jusqu'ici -- abstraction faite de la législation en matière d'assurances sociales -- à édicter des prescriptions sur les fabriques et la police industrielle, en particulier à réglementer'le travail des femmes et des enfants, à prendre des mesures relatives à l'hygiène dans les fabriques et les métiers et à régler la durée du travail. Si on laisse de côté les changements survenus récemment à l'étranger, la Suisse se trouvait dans la réglementation de ces questions parmi les Etats les plus avancés. Tandis qu'en Angleterre, en France, en Belgique, en Bulgarie, dans les Pays-Bas, dans le Luxembourg, en Norvège, en Suède, en Russie, en Italie et en Autriche (dans les métiers) on peut employer des enfants dans les fabriques et les ateliers déjà à partir de l'âge de 12 ans révolus, et qu'en Allemagne la limite d'âge a été élevée à 13 ans, la Suisse est, avec l'Autriche, le seul pays qui prescrive l'âge de 14 ans. Une protection pour les femmes occupées dans les professions n'est connue, comme en Suisse, qu'en Angleterre (depuis 1847), en France (depuis 1904) et en Allemagne (depuis 1910). Ces Etats ont introduit pour les femmes la journée normale de travail de 10 heures.

La France possédait depuis 1848 la journée de 12 heures, qu'elle remplaça plus tard par celle de W% heures et en 1904 par celle de 10 heures. En Allemagne, la loi complémentaire de 1891 sur les arts et métiers a donné au Conseil fédéral le droit de prescrire la durée du travail dans les cas où il est à craindre que l'exercice de la profession ne soit nuisible à la santé. Pour les exploitations dans lesquelles le travail est particulièrement dangereux pour la santé, comme par exemple dans les mines de houille, l'Autriche et la Belgique ont fixé la durée du travail à 9 heures, la France et l'Angleterre à 8 heures. Nous rappellerons que la Suisse avait déjà depuis
1877 la journée de travail de 11 heures, que la nouvelle loi sur le travail dans les fabriques fixa à 10 et à 9 heures pour les veilles des dimanches et jours fériés. Nous aurons à parler prochainement, en traitant une

autre matière, des efforts que fait la Confédération pour réduire encore davantage la durée du travail.

On admet aujourd'hui comme un dogme qu'en raison de la concurrence sur le marché mondial une prompte réalisation» dans le domaine de la protection ouvrière, d'un progrès qui n'ait pas aussi pour effet de paralyser l'industrie du pays présuppose une réglementation internationale. Cette réglementation s'est toutefois heurtée jusqu'ici à dé très sérieuses difficultés, car une entente n'a encore pu s'obtenir qu'en ce qui concerne l'interdiction de l'emploi du phosphore blanc et la -suppression du travail de nuit des femmes dans les fabriques. Le déchaînement de la guerre obligea de renoncer à la conférence qui devait avoir lieu le 3 septembre 1914 en vue d'arrangements concernant l'interdiction du travail de nuit pour la jeunesse et concernant la fixation du maximum de la journée de travail pour les femmes. Aujourd'hui encore les chances d'une prochaine réglementation internationale ne sont pas assez sûres pour qu'on doive différer jusque là tout progrès national. Il faut au contraire qu'un pays ait le courage, s'il reconnaît l'existence d'un impérieux besoin, d'aller résolument de l'avant, dans l'espoir que son exemple aidera à préparer les voies à une entente entre les Etats. Il en est de même pour la réglementation des conditions des salaires, et différents Etats ont aussi déjà procédé de cette façon. On croyait, à la vérité, jusque dans les temps modernes, abstraction faite de cas isolés qui datent de la dernière époque des corporations, que la loi ne doit pas -s'occuper des conditions des salaires. En revanche, les syndicats ouvriers étaient parvenues d'eux-mêmes à obtenir pour leurs membres des améliorations de salaire et à les leur faire garantir par des tarifs, dont profitèrent parfois aussi les loutsiders. Néanmoins, la faiblesse des ouvriers non organisés se manifesta particulièrement dans les questions de salaire. C'est pourquoi des Etats se virent dans la nécessité, nonobstant les difficultés du problème à résoudre, de venir en aide au moyen d'une intervention conciliatrice.

L'intervention >de l'Etat dans les mouvements ouvriers en faveur de l'amélioration des salaires se produisit alors soxis différentes formes, savoir par la création d'offices des salaires, la constitution d'offices
de conciliation, l'encouragement de la formation de tarifs, et dans ce dernier cas, soit en en confirmant légalement la validité, soit en fixant simultanément des salaires.

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A l'étranger, il existe, depuis quelque temps déjà, des offices du travail et des institutions des salaires dans toute une série d'Etats. L'histoire signale d'abord l'Australie, où Victoria prit en premier lieu l'initiative de la création d'offices des salaires. La situation lamentable, surtout dans le travail à domicile, amena, déjà en l'année 1896, la promulgation d'une loi qui prévoyait la création d'offices de salaires pour certaines industries où l'on avait constaté que l'ouvrier était particulièrement exploité.* Ces offices étaient appelés à fixer les salaires à l'heure et aux pièces pour les ouvriers travaillant à domicile et les ouvriers de fabrique; en outre, ils fixaient, entre autres, le maximum de la durée du travail de ces ouvriers. Une loi modificative du 2 novembre 1914 étendit à divers1 égards, notamment en ce qui concerne les attributions des offices des salaires, les actes législatifs en vigueur, lesquels avaient été réunis en une seule loi du 7 décembre 1912. Les effets favorables de cette loi amenèrent le Gouvernement et le Parlement à en étendre l'application, dès l'année 1917, à un nombre toujours plus élevé d'industries, même à celles où il n'était pas question .d'une exploitation particulièrement déplorable des ouvriers. Le système de la fixation des salaires par les offices des salaires forma ainsi la base générale pour la réglementation des salaires dans l'industrie et se substitua à la grève et au lock-out. Grâce aux bons résultats enregistrés, l'exemple de Victoria fut bientôt suivi par d'autres Etats de l'Australie, notamment en 1908 par la Nouvelle-Galles du Sud et Queensland.

Une évolution semblable se produisit en Amérique. Dans plusieurs parties des Etats-Unis, des salaires minima ont été fixés il y a déjà bien des années et cette mesure a eu du succès. Ces salaires minima, qui, il est vrai, n'ont pas de caractère obligatoire, sont fixés par des commissions industrielle» créées par Wisconsin en 1911, Oblò en 1913, New-York en 1913/15, Pensylvanie en 1913 et Colorado en 1915. Des dispositions radicales furent édictées par le Mexique, dont la Constitution d'Etat du 31 janvier 1917 impose au Congrès de l'Union et aux autorités législatives des divers Etats l'obligation d'édicter des lois ouvrières conformément aux principes suivants : Doit être fixé comme salaire
minimum le salaire qui, suivant les conditions particulières aux diverses régions du pays, suffit à l'ouvrier pour subvenir aux besoins d'une existence »ormale, pour couvrir les frais de son ,per-

fectionnement et de divertissements décents; dans les entreprises agricoles et commerciales, dans les fabriques et les métiers, les ouvriers ont droit à une participation aux bénéfices. Le même travail est rétribué par le même salaire, sans différence de sexe ou de nationalité. Il ne peut être pratiqué de séquestre ni opéré de retenue sur lé salaire minimum. Le salaire minimum et la participation aux bénéfices sont fixés par des commissions communales mixtes. Un supplément de salaire de 100% doit être payé pour les heures de travail supplémentaires. Il est interdit d'occuper à ce travail les jeunes ouvriers âgés de moins de 16 ans et les femmes.

La création d'offices des salaires et de. commissions des salaires ne se limita pas à l'Australie et l'Amérique, où les conditions sociales et économiques diffèrent, à maints égards, de celles du continent, mais ces institutions pénétrèrent dans divers Etats européens.

L'Angleterre en adopta l'idée dans le Trade Board Act 1909, mais en premier lieu pour quatre professions seulement, où le système dit « Sweating » prenait de plus en plus d'extension, savoir : la profession de tailleurs de confections, la fabrication de boîtes en papier, l'industrie de la dentelle à la machine et le f orgeage de chaînes, branches qui occupaient déjà alors en tout plus de 300.000 ouvriers et ouvrières. Avec l'approbation du Parlement, la loi peut toutefois être étendue à d'autres professions qui accusent des salaires relativement faibles ou doivent, pour d'autres raisons, être soumises à une réglementation officielle. En 1913 déjà, la loi sur l'office industriel (Gewerkamtsgesetz) fut étendue à d'autres branches. De toutes parts, on réclama aussi la fixation d'un salaire minimum pour les ouvriers de l'agriculture, ce qui amena l'adoption de la loi du 21 août 1917 sur la production des céréales. Cette loi assure un salaire minimum aux ouvriers agricoles; d'autre part, elle garantit aux agriculteurs, pour une période de six ans, soit de 1917 à 1923, un prix minimum pour leurs céréales et, en outre, les protège contre une augmentation des fermages. Les offices industriels prévus dans la loi prérappelée de 1909, offices qui, au besoin, peuvent instituer des comités industriels régionaux, se composent par moitié de patrons et d'ouvriers intéressés qui sont désignés dans une élection ou sont nommés par l'office commercial. A la suite de recherches approfondies, les salaires considérés comme équitables doivent être publiés. A

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défaut d'opposition fondée, l'office commercial, six mois plus tard, déclare ces taux obligatoires. Les employeurs qui, auparavant déjà, s'étaient engagés à payer ces salaires, sont inscrits sur une «liste blanche» et, de ce fait, recommandés au public. Une fois les salaires déclarés obligatoires, les conventions contraires sont frappées de nullité et entraînent l'application de fortes amendes.

La loi anglaise sur l'office indrustriel du 20 octobre 1909 a eu tout d'abord sa répercussion en France. C'est le premier Etat limitrophe de la Suisse qui ait édicté une loi de ce genre. Elle est intitulée : « Loi du 10 juillet 1915 portant modification des titres III et V du livre 1er du code de travail et de la prévoyance sociale. » Alors que la loi anglaise était encore en préparation, le député français Coûtant émit à la Chambre une proposition tendante à la fixation de salaires minima pour les ouvriers des deux sexes. Un projet déposé une première fois le 2 avril 1909 et derechef le 10 juin 1910 par le* comte Alfred de Mun visait la protection proprement dite des travailleurs à domicile par la création d'offices de conciliation. Les dispositions de la loi sont applicables à toutes les ouvrières exécutant à domicile des travaux de vêtement, chapeaux, chaussures, lingerie en tous genres, broderie, dentelles, plumes, fleurs artificielles, et tous autres travaux rentrant dans l'industrie du vêtement. Les salaires minima sont fixés par des comités mixtes (conseils du travail et comités de salaires), d'après le salaire moyen des ouvrières en atelier de la même profession et, dans les régions où le travail à domicile existe seul, d'après le salaire moyen dès ouvrières en atelier d'une profession analogueTous les trois ans, il doit être procédé à une revision du salaire minimum. Les organes du Gouvernement, toute association professionnelle ou toute personne intéressée de la profession peuvent, dans les trois mois, recourir auprès d^une commission mixte contre les décisions touchant l'établissement d'un tarif ou la fixation de salaires minima. Sur la proposition du Ministère du travail et après avis du conseil supérieur du travail, la loi peut, en vertu d'un règlement d'administration publique, être rendue applicable à des ouvrières à domicile appartenant à d'autres professions.

Récemment, la Norvège a prévu
la création d'offices des salaires dans une loi du 5 février 1918 concernant le travail à domicile. Ses dispositions relatives à la fixation de salaires minima ne sont applicables, pour le moment, qu'au travail

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à domicile dans les professions ayant pour objet les travaux de vêtements et de couture en tous genres. Toutefois, le roi peut étendre la loi à d'autres branches du travail à domicile. Il ,a été créé un conseil mixte du travail à domicile, chargé de procéder à des enquêtes sur l'état des salaires, lorsque 6 ouvriers ou 6 employeurs au minimum le demandent Si le conseil estime que les salaires sont insuffisants, il peut instituer pour chaque commune des offices paritaires de salaires, lesquels fixent les salaires minima sous la haute surveillance du conseil.

Le 19 décembre 1918, l'Assemblée nationale provisoire de l'Autriche allemande a promulgò une loi, préparée depuis longtemps, concernant la réglementation du travail et des salaires dans le travail à domicile; ä part des dispositions d'hygiène et de police industrielle, elle prévoit la création de commissions du travail pour la réglementation du travail et des salaires.

Là toù un tarif conventionnel a été appliqué, le besoin ee manifesta bientôt de désigner -un office de conciliation chargé de trancher les différends auxquels peut donner lieu la modification de tarifs. Au début, on s'efforçait d'amener une entente entre les organisations en vue de la création d'une pareille institution. C'est ainsi que le fabricant Mundella parvint, en 1860, à organiser une chambre de conciliation pour la profession du tricotage des bas. Pour amener une décision, même dans les cas où les deux parties persistaient dans leur manière de voir, le juge Rupert Kettle introduisit le système de la sentence arbitrale par un président neutre. Cette façon de régler les différends se pratique aussi dans d'autres pays, notamment dans ceux où existent maintenant des tarifs conventionnels.

L'accroissement de l'antagonisme entre les organisations patronales et ouvrières et, d'autre part, l'existence d'ouvriers non organisés nécessitèrent dans la suite des mesures permettant de faire régler les conflits par des organes de l'Etat. En Allemagne, une loi du 30 juin 1905 autorisa les tribunaux de prud'hommes à exercer les fonctions des offices de conciliation. Il n'y a pas obligation de requérir l'intervention de l'office de conciliation. Si les parties désirent que l'office procède à la tentative de conciliation, mais ne parviennent pas à se concilier, une sentence arbitrale est
rendue à la majorité des voix. Ensuite, les parties ont à déclarer si elles acceptent ou non la sentence arbitrale. De même, en Allemagne, 1'« ordonnance concernant

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rétablissement de tarifs, les comités d'ouvriers et d'employés et les différends auxquels donnent lieu les conditions du travail» (du 21 décembre 1918) a imposé aux comités des salaires prévus pour les arrondissements l'obligation de veiller à ce que les débats relatifs à la conciliation aient lieu devant eux, à moins qu'un autre office de conciliation n'ait été prévu par les parties ou fasse l'objet d'une stipulation dans un contrat ou un arrangement quelconque. Si l'intervention d'un tel office n'a été requise par aucune des parties, le comité chargé de régler les différends recommandera aux intéressés de solliciter son intervention et, si cela n'a pas lieu, ouvrira la procédure de conciliation. Les personnes citées sont tenues de comparaître, sous menace d'une pénalité. Si les parties ne se concilient pas, le comité rend une sentence arbitrale. Il est loisible aux parties de s'y soumettre. Après l'expiration du délai fixé aux parties pour se prononcer à cet égard, il est procédé à une publication portant la signature de tous les membres du comité et contenant la sentence arbitrale ainsi qtie la déclaration y relative des parties.

En Norvège est entrée en vigueur le 1er novembre 1916 tine loi concernant la conciliation de différends d'ordre industriel; cette loi ne rend pas impossibles les grèves et les lock-out, mais oblige les parties à soumettre le différend à une enquête officielle et à une tentative de conciliation. Les pénalités prévues en cas de violation de la loi sont de 5 à 25.000 couronnes.

Ont institué des offices de conciliation, imités de .ceux existant en Allemagne, les cantons de Berne (loi du 23 février 1908), de Vaud (loi du 12 mai 1909), de Baie-ville (loi du 9 novembre 1911). La ville de Zurich (loi du 21 avril 1906) possède aussi un office de conciliation, composé d'un collège permanent de trois membres neutres. · En Angleterre, la loi du 7 août 1896 a confié à l'office commercial la compétence d'intervenir dans les différends.

L'office a le droit de ten-ter lui-même la conciliation ou de désigner des conciliateurs. Il est tenu de les désigner, à la demande des parties. Comme cette institution ne parvint pas à prévenir les grandes grèves, il a été créé en 1911 un Conseil d'arbitrage industriel, composé de représentants en vue des milieux patronaux et ouvriers.

Possèdent des
institutions semblables à celles d'Angleterre, la France (loi diu 27 décembre 1892), l'Italie (loi du 15 juin 1893), la Belgique (loi du 16 août 1887), les PaysBas (loi du 2 mai 1897) et la Suède (loi du 31 décembre 1918).

11 Depuis le 23 novembre 1899, le canton, de Neuchâtel possède une institution imitée de la législation anglo-française.

Le système des offices de conciliation est particulièrement développé en Nouvelle-Zélande, où il y a obligation de soumettre le différend à l'office; si une entente n'intervient pas, les tribunaux de prud'hommes, qui prononcent des sentences arbitrales, se trouvent de plein droit compétents et les parties sont tenues de soumettre leurs différends à ces tribunaux. Dans sa loi du 26 mars 1904, le canton de Genève a cherché à imiter la législation de la Nouvelle-Zélande. A défaut de conventions particulières, les conditions du travail sont réglées par l'usage; Ont force d'usage les tarifs établis en conformité de la loi pour 5 ans au maximum. Ces tarifs peuvent d'abord être établis d'un commun accord entre les parties. A défaut d'accord, une tentative de conciliation est provoquée à la requête de l'une ou de l'autre des parties par devant le conseil d'Etat. Si cette tentative demeure infructueuse, la Commission centrale des prud'hommes rend une sentence arbitrale. Jusqu'à l'adoption d'un nouveau tarif établi en conformité de la loi, l'ancien continue à être applicable. Il est interdit de recourir à la suspension générale du travail pour faire modifier un tarif en vigueur.

A la suite d'une lutte pour le salaire ou aussi afin de prévenir une telle lutte^ on recourt de plus en plus fréquemment à la conclusion de tarifs conventionnels. Ceux-ci ont pris naissance en Angleterre. Sur le continent, ils furent introduits d'abord dans la typographie, attendu que le peu de différences dans le travail permet la conclusion d'un contrat simple et que l'organisation est très développée dans cette branche. Les-tarif s conventionnels constituent, du point de vue social, un grand progrès et enseignent à l'ouvrier le respect des conventions. Des tarifs conventionnels à long terme, propres à assurer la paix économique, sont sans doute encore plus de l'intérêt du patron que de l'ouvrier, vu que les salaires ont une tendance à la hausse et qu'il est plus facile de profiter de situations favorables lorsque le contrat est conclu à court terme.

Aussi le tarif conventionnel mérite-il que le législateur lui voue son attention et le développe. S'il ne s'est pas propagé, par exemple en Allemagne, comme on s'y attendait, cela est dû en partie au fait qu'une certaine incertitude régnait encore quant à son caractère juridique. Une dèci-

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sion rendue par le Tribunal d'Empire en 1904 déclara que le tarif conventionnel avait le caractère d'une coalition, dont tout intéressé pouvait se départir librement, contrairement à ce que prévoit le code des obligations. Cet état de choses a été modifié du tout au tout par l'ordonnance susmentionnée concernant 1'« établissement des tarifs, les comités d'ouvriers et d'employés et le règlement des différend« auxquels donnent lieu les conditions du travail » (du 23 décembre 1918).

Non seulement l'intéressé ne peut plus se départir librement du contrat, mais l'office du travail de l'Empire a la compétence de déclarer des tarifs conventionnels généralement obligatoires.

La loi autrichienne déjà citée du 19 décembre 1918 confère aux commissions centrales du travail à domicile la compétence de donner force de loi, dès lors de déclarer généralement obligatoires les contrats collectifs concernant le salaire des ouvriers, les prix des marchandises à livrer et toutes conditions du travail et de la fourniture de marchandises.

Pour ce qui est de la réglementation officielle des salaires sur le terrain fédéral, on sait qu'il n'existe pas d'offices de salaires en Suisse. Toutefois, la nouvelle loi fédérale sur le travail dans les fabriques, du 18 juin 1914, oblige les cantons à instituer des offices de conciliation qui ont pour tâche de régler à l'amiable les différends dl'ordxe collectif entre fabricants et ouvriers sur les conditions du travail ainsi que sur l'interprétation et l'exécution de contrats collectifs ou de contrats-types. Préalablement à la mise en vigueur de la nouvelle loi sur les fabriques, les cantons ont été autorisés, par arrêté du Conseil fédéral du l"' février 1918 *), à édicter les dispositions nécessaires pour que les offices de conciliation cantonaux puissent commencer leur activité dès le 1er avril 1918. Les parties et, à teneur de l'article 35 de la loi, les cantons peuvent charger l'office de conciliation de trancher les différends par une sentence arbitrale. Jusqu'à ce jour, aucun canton n'a fait usage de cette compétence. Après l'explosion de la guerre, les salariés se plaignant de réductions de .salaire injustifiées et arbitraires, le département suisse de l'industrie, par circulaire du 16 novembre 1914**), appela l'attention des gouvernements cantonaux sur les offices de
'Conciliation sus-mentionnés et leur recommanda d'instituer, au besoin, des commissions chargées d'examiner et de régler à l'amiable les contestations relatives aux réduc'*) Voir Recueil officiel, tome XXXIV, page 190.

**) Voir Feuille fédérale de 1914, tome IV, page 566.

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tions de salaire dans les diverses professions. L'arrêté du Conseil fédéral d)u 2 mars 1917 *) prévoit une fixation de salaires directement par l'Etat et avec le concours d'une commission consultative, mais exclusivement pour l'industrie de la broderie; il ne s'agit toutefois que d'une mesure temporaire prise en vertu des pleins pouvoirs.

Quant 'au contrat collectif, il a été introduit par l'article 322 du code revisé des obligations; contrairement aux revendications des représentants des ouvriers, ce contrat n'a pas été déclaré oligatoire pour les personnes qui n'y sont pas directement intéressées. Il y a, en outre, à titre de droit subsidiaire, les prescriptions sur les contrats-types de travail, lesquelles tendent, comme d'ailleurs les nouvelles dispositions du contrat de service, à un accroissement sensible de la protection de l'ouvrier.

Si l'on veut que l'intervention de l'Etat dans les conditions de travail demeure restreinte au strict nécessaire, tout en exerçant son plein effet, il est indispensable que, dans les cas où les défectuosités ne sont pas d'emblée manifestes, on fasse constater les phénomènes dont il s'agit, leurs causes et leurs conséquences. Les recherches nécessaires sont l'affaire de la statistique, et plus spécialement de la statistique officielle, car les particuliers ne disposent pas toujours de toutes les sources de renseignement voulues et souvent, consciemment ou non, utilisent selon leurs seules conceptions et visées les matériaux par eux recueillis. En Angleterre1, on a effectué des enquêtes générales, pour servir de base à la législation en matière de protection ouvrière, déjà en 1840, puis en 1863/67 et en 1875/76. C'est toutefois aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord -- et cela dans presque tous les Etats, l'office fédéral laissé à part -- que l'institution de la statistique sociale s'est surtout développée. Chargé de recueillir et répandre parmi la population toutes informations utiles concernant les choses en rapport avec le travail, notamment au sujet du capital, de la durée du travail et des salaires ainsi que relativement aux moyens d'assurer le bien matériel, social, intellectuel et moral des ouvriers, l'office fédéral constitua d'abord (en 1884) une division de ministère, puis (en 1888) fut érigé en département indépendant. Plus récemment encore (en 1903),
quand fut créé un nouveau « ministère du travail et du commerce », l'office fut rattaché à ce dernier comme « United States Bureau of Labour ».

*) Voir Recueil officiel, tome XXXIII, page 101

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En Allemagne -- où depuis plusieurs années déjà l'on se livrait à des enquêtes spéciales dans divers domaines -- il a été institué le 1er avril 1902 près l'ancien bureau impérial de statistique une « section de statistique du travail », destinée particulièrement à concourir à la détermination des conditions économiques et sociales, entre autres 'aussi de la situation; des classes laborieuses. Cette institution, à laquelle est adjointe une commission de 14 membres, a pour tâche : 1° de recueillir, condenser et publier périodiquement des renseignements du domaine de la statistique du travail ainsi que tous autres renseignements importants au point de vue du régime du travail; 2° de procéder à des enquêtes spéciales, avec informations écrites ou verbales, ainsi que de présenter des rapports.

La France a commencé d'une manière suivie l'élaboration d'une statistique du travail dès 1891, année où fut créé 1'« office du travail », à titre d'autorité indépendante relevant immédiatement du ministère du commerce, de l'industrie et des colonies. Cet office fut chargé de recueillir, mettre en valeur et publier tous les renseignements utiles en matière de travail. Au bout de quelques années, et de nouveau en 1906, on créa, par la réunion de services de divers ministères, un nouveau «ministère du travail et de prévoyance sociale;, comprenant troisi sections qui, conformément à leur objet, ont à s'occuper également de la statistique et de l'étude des conditions de travail. Une commission spéciale, dite « conseil supérieur du travail», fut instituée déjà en 1891; depuis 1904, elle se compose de 54 membres, 'dont 27 représentent les patrons et un même nombre les ouvriers.

L'Angleterre s'est mise à la statistique du travail d'une manière approfondie et permanente dès 1892, année où fut créé dans le ministère du commerce un service spécial, le « Département o'f Labour », placé sous la même haute direction que deux autres services, les divisions du commerce et de la statistique. A la tête de ce « Département of Labour » est un directeur, auquel sont adjoints un certain nombre de « secrétaires du travail » et qui dispose en outre d'un fort contingent de fonctionnaires enquêteurs et employés de bureau, tant permanents qu'auxiliaires. Des nombreux offices chargés de renseigner ce département, plusieurs sont en relations
suivies avec lui, et ses recherches très actives et très complètes s'étendent à tous les domaines du travail.

En Italie, de même, la statistique sociale est devenue une institution permanente depuis que la loi au 29 juia 1902

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à établi 1'« Ufficio del Lavoro ». Gomme ses pareils de France et de Belgique, cet office a pour objet de recueillir des renseignements, de suivre l'évolution de la législation étrangère et de collaborer à la législation italienne, ainsi que de faire les études et recherches y relatives. On y rattachera successivement les services nécessaires en matière de régime du travail et de prévoyance sociale; une commission consultative, le « Consiglio superiore del Lavoro », est en outre instituée pour coopérer à l'oeuvre législative.

La Belgique a, de son côté, créé en 1895 au ministère de l'agriculture et de l'industrie un « office du travail », qui, tout en ayant pour tâche principale la statistique du travail, est aussi chargé de collaborer, à l'étude des lois nouvelles à édicter et à l'exécution des lois existantes. Agrandi à diverses reprises par la suite, ledit office a été complété par une commission consultative.

Une ordonnance de 1898 a établi au ministère du commerce de l'Autriche, comme service spécial, le « Bureau de statistique du travail », chargé de recueillir systématiquement des matériaux en matière de statistique du travail, en vue de la législation économique et sociale et de l'administration, de mettre en valeur ces renseignements et de les publier périodiquement. Avec les années, la condition de cet office a changé en ce sens qu'on a créé auprès du ministère du commerce une « section de politique sociale », dont l'office constitua désormais une des subdivisions, les autres se partageant la législation sociale, le service de surveillance et diverses affaires administratives.

Presque tous les autres Etats de l'Europe ont aussi leur office de statistique sociale et du travail. En parler, même en substance, nous mènerait cependant trop loin. Disons seulement que l'Espagne a créé en 1903 un «Institue de reformas sociales », et les Pays-Bas, en 1879, un « Centraal Bureau voor de Statistick », auquel a été annexé une section spéciale de statistique du travail. En Suède, la statistique sociale relève du Bureau central de statistique et d'un « Kommerz Kollegium» qui a été pourvu d'un service particulier pour la statistique du travail. A l'occasion de la réorganisation de son office national de statistique, le Danemark a chargé cette institution expressément aussi de la statistique sociale;
la Norvège en a fait de même, tandis que la Grèce, enfin, a institué au ministère de l'économie nationale, par une loi de novembre 1911, «ne division du travail et de prévoyance so-

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ciale, ayant en particulier pour objet d'examiner et étudier les conditions de travail dans l'industrie, les arts et métiers, 1« commerce et les autres branches d'activité, de procéder à des enquêtes comparatives concernant le régime du travail dans le pays et à l'étranger, de se renseigner sur les législations étrangères en matière de travail et d'élaborer des projets de lois destinées à améliorer la situation économique et hygiénique de la classe ouvrière.

En Suisse, les efforts tendant à instituer un bureau de statistique sociale remontent à Alfred Escher. Ils engagèrent M. Emile Frey, alors conseiller national, à présenter une motion demandant une enquête générale concernant les conditions sociales dans le pays. Après que diverses enquêtes eurent été faites au sujet des arts et métiers, de l'agriculture, des douanes et de l'émigration, le Conseil fédéral déclara liquidée cette motion dans son rapport de gestion de l'année 1883. Ce n'est qu'en 1903, à l'occasion de la discussion d'un recensement fédéi-al des entreprises, que la question d'une statistique sociale systématique fut reprise, dans des conférences données au sein, de l'association suisse pour l'amélioration de la protection internationale des ouvriers.

Les revendications y relatives furent formulées dans huit points du programme de cette association du 22 mai 190G.

L'idée fut accueillie avec intérêt dans d'autres milieux et, en date du 6 décembre 1907, le conseiller national Mächler déposait une motion conçue en ces termes : « Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport et des propositions sur; le point de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'établir un office spécial de statistique sociale. » Cette motion fut déclarée prise en considération par le Conseil national le 31 mars 1908. Le même jour, le comité de l'association suisse pour l'amélioration de la protection internationale des ouvriers remit au Conseil fédéral un mémoire disant entre autres : « Ce qu'il faut, c'est non point une statistique unilatérale des conditions de travail, mais bien une statistique des conditions d'existence de toutes les classes de la société ainsi que leur participation à la production et à la consommation générales. C'est seulement une fois renseigné sur tous les facteurs entrant en ligne de compte que le législateur pourra établir en connaissance
de cause une législation systématique fondée sur les faits. » En la même affaire, le Conseil fédéral a reçu d'autre part, le 15 juin 1914, un mémoire d'une conférence convoquée par le comité central

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da l'union syndicale suisse aux fins d'uniformiser les enquêtes en matière de chômage.

Parmi les postulats que la classe ouvrière suisse a présentés dans l'été de 1918 au Conseil fédéral, se trouve celui de la création d'offices des salaires, avec représentation par moitié des employeurs et des ouvriers, et ayant compétence de réglementer les salaires, par régions ou cantons, dans les industries et métiers importants. Le département suisse de l'économie publique a prié le secrétariat ouvrier suisse de donner son avis sur cette question et de formuler des propositions concernant la solution à y donner. Le rapport demandé fut présenté le 24 septembre 1918, sous la désignation de « Création d'offices des salaires » et accompagné d'un projet d'arrêté du Conseil fédéral instituant un office et des commissions des salaires.

De leur côté, le Zentralverband christlich-sozialer Arbeiterorganisationen, le Christlich-sozialer Gewerkschaftsbund et .le Comité politique des organisations chrétiennessociales de la Suisse cnt demandé entre autres, par mémoire du 14 août 1918, une « action de l'autorité aiix fins de mettre "les salaires des ouvriers, employés et fonctionnaires des entreprises, tant publiques que privées, en harmonie avec l'aggravation actuelle des conditions de l'existence, ainsi que la création d'offices des salaires et la fixation de salaires minima obligatoires ».

Ces propositions et postulats provoquèrent chez les employés organisés un mouvement tendant au même but. Au cours des conférences qui eurent lieu sur l'initiative du département suisse de l'économie publique, on reconnut désirable, vu la diversité des conditions, de traiter séparément les revendications des employés d'une part et les postulais des ouvriers de l'autre, et l'on sépara encore de ces deux groupes les propositions du personnel des hôtels et restaurants. C'est pourquoi le département de l'économie publique institua, pour examiner ces questions, trois commissions composées à parts égales de représentants des patrons et des employés, savoir une pour les salaires des ouvriers, une pour ceux des employés et la troisième pour les questions concernant le personnel des hôtels et restaurants. Comme il y avait déjà des revendications déterminées relativement aux deux dernières -catégories de salariés, les commissions intéressées mirent à Feuille fédérale suisse. 71« année. Vol. II.

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profit le fait qu'elles étaient composées à parts égales dereprésentants des patrons et du personnel pour mener d'emblée des négociations d'ordre matériel, sous la direction d'un delegale du département suisse de l'économie publique, pourparlers qui aboutirent le 11 décembre 1918 à la conclusion d'un contrat collectif de travail entre les patrons et le personnel, et, le 14 février suivant, à la conclusion d'un même contrat pour les employés des hôtels et restaurants. A cet égard, toutefois, le personnel et en partie aussi les patrons eux-mêmes trouvèrent très fâcheux pour les négociations que le contrat collectif de travail ne fasse règle que pourlés parties contractantes entre elles et ne puisse pas être déclaré obligatoire également pour ceux qui, dans les mêmes groupes de travail, n'y adhéreraient pas. C'est d'ailleurs pourquoi les associations du personnel ne voulaient absolument négocier, au début, que si le Conseil fédéral, usant de ses pleins pouvoirs, déclarait obligatoire en général le résultat des pourparlers. Elles n'abandonnèrent en fin de compte cette exigence qu'en considérant que le Conseil fédéral, même s'il se décidait à faire usage de ses pleins pouvoirs avant leur abolition ou limitation prochaine, ne pourrait cependant pas instituer de cette façon un régime durable. Pour le cas, toutefois, où les contrats collectifs de travail intervenus ne satisferaient pas à cause de leur inapplicabilité aux non-contractants, les associations firent toutes réserves de revenir sur leurs mémoires aux autorités fédérales et de réclamer la réglementation par voie législative des questions so.ulevées.

Pour ce qui est en particulier du rapport du secrétariat ouvrier suisse et de sa proposition d'instituer des offices ' des salaires, la commission mixte nommée pour les examiner s'est réunie pour la première fois le 4 décembre 1918, sous la présidence d'un délégué du département suisse de l'économie publique. Comme les postulats des ouvriers ne comportaient pas à ce moment-là de revendications fermes concernant la fixation de salaires, mais qu'il s'agissait bien plutôt de créer à titre permanent des organes chargés de réglementer les salaires au cours des temps, on ne pouvait procéder par voie de conclusion d'un contrat collectif de travail. Le projet du secrétariat ouvrier avait d'ailleurs prévu un
arrêté du Conseil fédéral. Ici aussi, toutefois, il fallut constater que pareil acte législatif, qui n'aurait pu se fonder que sur les pleins pouvoirs, ne permettrait point d'ins-

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taurer lin ordre de choses stable et durable comme le demandaient les ouvriers. Aussi, quant à la forme de l'acte législatif à rendre, le cas échéant, les membres de la commission sont-ils tombés d'accord de proposer aux autorités un arrêté fédéral avec clause d'urgence.

Le projet du secrétariat ouvrier avait prévu la création d'un office des salaires chargé d'étudier et améliorer les conditions de salaire dans le travail à domicile, ainsi que dans les entreprises industrielles, d'arts et métiers et commerciales. En ce qui concerne tout d'abord la constatation des salaires, les opinions ne divergeaient pas au sein de la commission quant à l'opportunité et à l'utilité de cette tâche de l'office des salaires. De même, relativement à la fixation des salaires, les représentants des patrons ne contestèrent pas en principe la légitimité de l'intervention de l'Etat;: c'est ainsi qu'un des membres de la commission déclara : « Jusqu'à il y a quelque temps, nous étions d'avis que seule la loi de l'offre et de la demande devait faire règle pour la fixation du prix de toutes marchandises et de la rétribution de tout travail. Récemment, toutefois, bien des changements sont survenus à cet égard comme dans tant d'autres domaines et l'opinion que l'Etat doit avoir son mot à dire au sujet du salaire des ouvriers nous paraît maintenant, à nous aussi, légitime jusqu'à un certain point. » Mais tandis que selon le projet susmentionné la compétence de l'office des* salaires de fixer ceux-ci s'étendait à toutes les entreprises, les représentants des groupes patronaux voulaient que cette compétence fût limitée au travail à domicile et -aux conditions" de tra.vail analogues, tous autres domaines devant lui demeurer fermés. Une autre divergence surgit, par la suite, du fait que dans une séance de sous-commission tenue ^e 17 décembre 1918 le département fédéral de l'économie publique proposa de ne pas restreindre ladite compétence aux salaires, mais de retendre également à d'autres objets du contrat de travail, proposition que les représentants dos ouvriers déclarèrent accepter; mais ceux des patrons ne voulaient y consentir que sous certaines conditions et avec des réserves, C'est pourquoi le département chercha à concilier les antagonismes en élaborant divers nouveaux projets, que la commission discuta dans ses séances
des 17 décembre 1918, 17 janvier et 17 mars 1919; .il y réussit en ce sens que son dernier projet ne donna plus lieu qu'à une seule divergence de vues sur un point dont nous parlerons plus loin, et encore

âo n'y eut-il d'opposition que chez une partie des représentants patronaux, les autres acceptant intégralement le projet avec l'ensemble des délégués des ouvriers.

* * * Nous croyons avoir établi, par les considérations énoncées au commencement du présent rapport, qu'aujourd'hui la Confédération ne peut plus laisser, même la réglementation des conditions de travail de droit privé, aux intéressés exclusivement, mais qu'au contraire, de même qu'elle a déjà pourvu par la législation sur les fabriques à la préservation de la santé des travailleurs et à un bon régime du travail au point de vue de l'économie nationale, il lui faut se don-, ner la possibilité d'intervenir dans la détermination (""-es conditions de travail proprement dites. Elle en a le devoir tant par égard pour les citoyens ayant besoin de la protection de l'Etat qu'en vue de l'avenir de ce dernier lui-même, dont la conservation et la prospérité sont indissolublement liées à celles des divers membres du corps social. Il s'agit en dernière analyse d'aborder une question sociale dont la solution est appelée, entre antres, à affermir la paix entre les classes du peuple et qu'à ce titre les patrons clairvoyants ne peuvent, eux aussi, saluer qu'avec satisfaction. L'expérience a en effet montré que les offices de conciliation existants ne suffisent pas pour atteindre le but cherché. D'une part, ils n'ont rien à dire quant à l'établissement du droit en matière de travail et, d'autre part, leur oeuvre se borne à aplanir ou vider les constations qui surgissent, tandis que les institutions projetées sont appelées à -prévenir les conflits. Il faut néanmoins se souvenir, ici, que l'on ne saurait éliminer entièrement le libre jeu des forces pour un sain développement économique, et que l'intervention de l'Etat ne doit point constituer le principe et la règle, mais avoir seulement pour objet de remédier aux défectuosités et abus du libre régime économique. Nous ne saurions non plus négliger la situation de l'industrie suisse dans la concurrence du marché mondial et devrons donner à l'immixtion de l'Etat, quant à sa forme aussi, un caractère approprié. Ce sont les raisons peur lesquelles nous avons fait nôtre le projet établi par le département de l'économie publique et adopté par la majorité de la commission, tel que nous le soumettons présentement
aux Chambres fédérales en leur proposant d'entrer en matière sur ses dispositions. Ce projet vise à satisfaire par un seul et même acte législatif aux diverses revendications formulées à l'égard des conditions de travail.

n savoir la création d'offices des salaires, le développement de l'institution du contrat collectif de travail et l'établissement de la statistique sociale. Pour le surplus, voici ce que nous avons à en dire : Si nous désignons l'arrêté comme réglementant les conditions de travail,, nous savons bien que par là, d'une part, nous n'indiquons pas tout ce que contient le projet et, d'autre part, nous éveillons l'idée d'une compétence'allant au delà de l'activité provisoire des organes proposés. C'est qu'il s'agit moins, d'une manière générale, de réglementer que de déterminer les conditions de travail; au surplus, on entend limiter les pouvoirs prévus, en première ligne, à la réglementation des salaires et à un domaine restreint : le travail à domicile. Si toutefois l'on considère qu'en soi déjà la constatation des conditions de travail est propre à contribuer en même temps à réglementer ces conditions, et qu'au surplus l'économie du projet permet à tout le moins d'instituer la réglementation sur de larges bases, on trouvera que c'est en fin de compte le titre choisi qui répond le mieux au contenu de l'arrêté. Si nous n'avons pas voulu d'une « création d'un office du travail » comme suscription -- par analogie avec celle de « création d'un office fédéral des assurances sociales » --, la raison en est qu'en fait il ne s'agit pas d'établir un nouveau service pour l'exécution de tâches déjà imposées, mais bien plutôt d'attribuer à la Confédération de nouveaux devoirs, pour l'accomplissement desquels l'office du travail n'est que l'instrument, l'activité des « institutions de salaires » appelées à travailler de concert avec ledit office étant au surplus tout aussi importante que celle de ce dernier lui-même.

Au point de viie du système, notre projet fait une distinction nette entre l'institution et les opérations d'un service administratif et celles des commissions mixtes qui lui sont adjointes. Les attributions de l'office du ^travail consistent uniquement à rechercher les conditions de travail, à préparer la réforme de ces dernières, ainsi qu'à surveiller l'observation des conditions fixées, tandis que la fixation même des conditions de travail et de salaire demeure réservée aux commissions formées par moitié de représentants des employeurs et de représentants des employés et ouvriers, la coopération
de l'autorité étant de sou côté restreinte ;i l'institution desdites commissions, à l'exercice de la présidence au sein de la commission centrale et à l'élaboration d'un .schéma pour l'organisation et l'activité des commis-

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sions. L'immixtion de l'Etat consiste donc uniquement à astreindre employeurs et personnel à régler entre 'eux les conditions de travail, particulièrement les salaires, ou, si ce n'est pas possible, à en charger des tiers neutres. Au surplus, ce régime est limité provisoirement au travail à domicile et ne peut être étendu à d'autres espèces d'industrie que moyennant des conditions bien déterminées.

Pour ce qui est maintenant des diverses dispositions du projet, nous ferons remarquer ce qui suit : Ad art. 1er. Les recherches de l'office prévu n'étant pas restreintes aux questions de salaires, mais embrassant l'ensemble des conditions de travail, sa désignation primitive d'« office des salaires » a été transformée eu celle d'« office du travail ». Cette nouvelle désignation se justifie déjà eu égard à l'office international du travail, qui a également pour tâche ]a, constatation du régime du travail en général. Le terme de « fédéral » qu'elle comporte suffira sans doute à prévenir toute confusion avec des offices locaux du travail s'occupant de placements. Pour ce qui est des « institutions des salaires », elles ont, il est vrai, également d'autres attributions que la simple fixation des salaires. Celle-ci est cependant si essentielle qu'il convient de marquer ses rapports avec lesdites institutions da.ns ]a désignation de ces dernières.

Ad art. 2. En parlant de conditions de travail au sens de l'arrêté, on entend spécifier que celui-ci concerne tout ce qui est ordinairement réservé au contrat de travail, mais que, d'autre part, il ne vise pas à empiéter sur la réglementation de droit public, particulièrement en matière de police des entreprises.

Ad art. 3. Nous venons de dire que la fixation des conditions de travail est réservée aux institutions des salaires. C'est ce que le paragraphe premier de l'article premier confirme expressément en ce qui concerne les salaires, tandis qu'aux termes du deuxième paragraphe il paraît n'en pas être de même relativement à la réglementation d'autres conditions, qui est abandonnée au Conseil fédéral. Nous faisons cependant remarquer que cette compétence du Conseil fédéral selon le deuxième paragraphe ne s'exerce que sur la proposition des institutions des salaires, qui, de fait, jouent dès lors le rôle décisif. Les projets antérieurs assignaient d'une manière tout à fait générale au Conseil fédéral ou à l'office du travail aussi la réglementation de conditions du travail autres

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<4ue les attestions de salaire, ce qui aurait permis entre autres de rendre des arrêtés spéciaux, par exemple au sujet de la durée du travail. Maisa finalement, le. problème a été résolu en ce sens que la faculté de réglementer est restreinte à celle de déclarer obligatoires des contrats collectifs de travail et des contrats-type, et encore, pour pouvoir l'exercer, faut-il au préalable une proposition des institutions des salaires, comme il est dit plus haut, la 'disposition en cause n'étant au surplus applicable qu'en cas de besoin manifeste et après que les associations professionnelles intéressées ont été entendues -- toutes choses qui réduisent à un minimum l'immixtion de l'Etat. Il faudrait cependant que dans cette mesure réduite la prescription fût maintenue, car précisément Lors des pourparlers qui ont eu lieu au sujet du contrat collectif de travail entre employeurs et employés et ·entre les intéressés de l'industrie des hôtels et restaurants, ce sont notamment les employeurs eux-mêmes qui ont re· connu désirable que l'obligation dont il s'agit fût aussi imposée aux patrons non organisés.

Comme nous l'avons dit, le droit allemand et austroallemand le plus récent déclare aussi obligatoires les contrats de travail collectifs et, pour le droit suisse non plus, l'idée n'est pas nouvelle.

Déjà le projet du Conseil fédéral poar l'article 1371ter du code civil suisse (droit des obligations) voulait que les tarifs rendus publics fussent déclarés obligatoires aussi pour les employeurs et employés de la même profession et de la même région qui ne les avaient pas acceptés, à moins toutefois, il est vrai, que leurs contrats de service n'en disposassent autrement d'une manière formelle.

Dans la commission du Conseil national une majorité demanda la suppression de toute cette disposition, tandis que des amendements de la minorité visaient des modifications à -apporter à la réserve. C'est ainsi qu'un membre proposa que le tarif soit obligatoire sans réserve « quand la société ·dont il s'agit comprend la majorité des ' employeurs et des ouvriers de cette branche professionnelle et de ce mode d'exploitation ». Une autre proposition tendait même à supprimer complètement la réserve et, par conséquent, à faire déclarer généralement obligatoires les tarifs conventionnels publiés. La manière de voir de la
majorité de la commission du Conseil national fut exposée par le rapporteur comme suit : « Le 2e alinéa proposé par la commission d'experts et par le Conseil fédéral a été éliminé par la commission du Conseil national dans l'idée que ce qui paraît justifié dans ·«se paragraphe est déjà au pouvoir du juge, vu que, dans

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les cas où des conditions particulières des contrats de travail ne sont pas adoptées par des personnes qui ne sont pasliées par le tarif, le juge peut, s'il le trouve nécessaire, combler les lacunes de leurs contrate de travail en appliquant les conditions usuelles de la région. C'est-à-dire qu'alors les tarifs existants, lorsqu'ils peuvent être considérés comme l'expression de la manière de voir générale, sont appliqués par le juge dans d'autres milieux, dans lesquels les contrats de travail présentent des lacunes, et c'est précisément là ce que la commission d'experts a eu en vue avec le 2e paragraphe de l'article 1371te1'. » Un représentant de la minorité s'est exprimé à ce sujet, entre autres, comme suit : « J'ai essayé de présenter une proposition conciliatrice dans cette question litigieuse, parce que les tarifs ont, dans les luttes sociales de nos jours, une importance si considérable et exercent une si grande influence sur les solutions des conflits entre employeurs et ouvriers qu'ils ne peuvent rester sans effets sur de non-contractants, et il est tout naturel que la loi doive énoncer les conditions dans lesquelles doivent se produire certains effets vis-à-vis des tierces personnes, M. le rapporteur a formellement reconnu que l'adoption de tarifs conventionnels a exercé une action bienfaisante et tranquillisante dans les mouvements ouvriers. Or, s'il faut, dans cette salle même, rendre un bon témoignage aux tarifs conventionnels, pourquoi ne devrait-on pas les déclarer applicables, sous les conditions que j'ai mentionnées, aussi aux non-contractants de la même catégorie professionnelle et de la môme contrée ? M. le rapporteur pense que le juge -saura déjà mettre de l'ordre dans ces question et qu'il appliquera, dans chaque cas donné, à peu près les principes qui sont consacrés dans une proposition de la minorité. Mais si l'on attend cela du juge, il vaut pourtant dix fois mieux insérer une disposition dans la loi afin que le juge sache qu'il doit agir ainsi » Le représentant des métiers émit aussi l'opinion, déjà exprimée dans la commission d'experts, que les tarifs' conventionnels doivent également sortir leurs effets pour les non-contractants. A la votation, l'assemblée se prononça pourtant en faveur de la proposition de la majorité, c'est-à-dire contre l'adoption du principe de droit
statuant formellement une obligation générale du tarif. Les propositions de la minorité et la discussion qui eut lieu sont néanmoins la preuve que déjà alors, en octobre de 1909, la question .avait fait l'objet d'un sérieux examen.

Depuis cette époque, l'idée s'est développée de telle façon qu'elle ne per>t plus être considérée comme aventutre de l'ordre dans c'e questions et qu'il appliquera, dans;

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rense. D'ailleurs cette idée, écartée alors par le législateur, le juge fut poussé par la nécessité à la faire sienne, An moins en partie, au moyen d'une interprétation du contrat.

Au sujet de sa pratique constante en ce qui concerne la déclaration du caractère obligatoire du contrat collectif de travail pour les parties aussi qui n'ont pas adhéré à ce contrat, le tribunal des prud'hommes de la ville de Berne s'eût exprimé comme suit : « L'application comme usage local n'est pas en principe permise par la loi. La jurisprudence s'est cependant développée de façon que les dispositions d'un contrat collectif de travail en vigueur sont applicables aussi aux parties qui n'appartiennent pas aux associations, dès qu'il peut être établi d'une manière irréprochable qu'au moment de la conclusion du contrat ,,de service elles avaient connaissance de l'existence du contrat collectif de travail et de ses dispositions. Dans un cas de ce genre, on admet que les parties ont tacitement convenu, lors de la conclusion du contrat de service, qu'elles devaient se conformer aux prescriptions du contrat collectif de travail. Il est, à la vérité, dans beaucoup de cas très désagréable de demander aux parties si elles appartiennent à des associations existantes, et assez souvent très difficile de savoir si le contrat collectif de travail leur était connu. On ne saurait prétendre que les prescriptions relatives au contrat collectif de travail aient trouvé une heureuse solution. » Ad art. L Comme nous l'avons dit, l'office du travail n'a.

pas les pouvoirs nécessaires pour une réglementation décisive. Ses fonctions consistent essentiellement à faire des recherches et à pourvoir à l'exécution. Toutefois, les recherches ne doivent pas avoir en vue uniquement les conditions de travail qui ont été convenues ; elles s'étendront aussi à toutes les autres conditions de travail, aux conditions d'existence, à l'état du marché du travail, aux conditions de logement et de voyage; elles visent ainsi l'accomplissement d'une des principales tâches de la statistique sociale.

En ce qui concerne spécialement les attributions de l'office du travail relatives à la surveillance de l'observation des conditions de travail fixées, il ne faudrait pas croire qu'on songe à instaurer un état-major d'inspecteurs fédéraux.

Pour l'accomplissement de
cette partie de sa tâche, l'office du travail demandera principalement le concours des comités des salaires et celui des autorités communales. En outre, si cela paraît utile, le département de l'économie publique pourra inviter les inspecteurs des fabriques à s'as--

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surer, à l'occasion de leurs visites dans les fabriques, qu'on se conforme aïix décisions qui auront été prises. L'office du travail sera donc simplement, pour l'exercice du contrôle, le bureau central d'où partiront les directions nécessaires et où arriveront les déclarations, afin que la surveillance s'effectue d'une manière uniforme.

Ad art. 5. La commission fédérale des salaires est en premier lieu instance de recours en matière de fixation des salaires. En outre, elle sera toujours à la disposition de l'office du travail lorsqu'il voudra la consulter.

Ad art. 6. Comme l'ont désiré d'un commun accord les employeurs et les employés, la fixation des salaires est non seulement soustraite aux décisions des pouvoirs fédéraux, mais elle est en outre décentralisée et s'exercera dans les groupements d'activité lucrative ou aussi dans les différentes régions ou parties du pays. Elle incombe aux comités des salaires, qui seront formés suivant les besoins de ces divers groupements. Ces comités auront, de plus, à seconder l'office du travail pour l'exercice de la surveillance et pour fournir des renseignements et des préavis.

Ad art. 7. Comme il a déjà été dit, les représentants des employeurs dans la commission voulaient au début que l'immixtion de l'Etat se bornât à la fixation de salaires minima dans le travail à domicile. Par la suite, les employeurs déclarèrent, dans leur propre intérêt, accepter qu'on prévoie la possibilité de la fixation non seulement de salaires minima, mais de salaires en général dans le travail à domicile. En revanche, ils s'opposèrent, comme nous l'avons aussi déjà dit, à l'extension des attributions au travail dans l'industrie, le commerce et les arts et métiers, en alléguant premièrement qu'une intervention de l'Etat, et en particulier la réglementation des salaires, ne serait supportable, pour l'activité lucrative de la Suisse dans la concurrence sur le marclié mondial, que si cette intervention s'opérait sur le terrain international, et, secondement, que partout où existent des associations, celles-ci sauront elles-mêmes introduire la réglementation dans les limites de ce que peut supporter l'industrie et que, dans ces limites, que l'Etat ne devrait pas franchir, une coercition, déjà bien désagréable en soi, paraît tout à fait superflue. Un représentant des employeurs
exprima son avis sur ce point en ces termes : « La. partie adverse a maintes fois déclaré que les ouvriers organisés savent en général se faire accorder des salaires qui doivent être reconnus suffisants. Là où cela a été ob-

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tenu, on ne peut naturellement pas parler d'un besoin de protection. D'un autre côté, je ne contesta pas l'existence d'un grand besoin de protection dans beaucoup d'autres branches d'industrie. Dans ces conditions, il n'y a pas de raison de créer un office du travail qui s'ingérerait dans tout le domaine de l'industrie, du commerce et des arts et métiers... En premier lieu, il faudrait que le département de l'économie publique s'enquît exactement dans quelles branches de l'industrie et des arts et métiers une intervention paraît absolument nécessaire. » Après que des représentants des employés eurent aussi déclaré que, dans les domaines fortement organisés, les employés peuvent se passer de la protection de l'Etat, il à été tenu compte dans une large mesure, lors de l'élaboration du projet, das craintes émises par les employeurs. Une immixtion de l'Etat, prévue pour le travail à domicile, ne sera donc étendue à l'industrie, aux arts et métiers et au commerce que là où les associations ne suffisent pas pour atteindre le but voulu, et cela seulement aussi en cas d'existence d'un besoin indiscutable et après avoir entendu les associations professionnelles intéressées. La réglementation proposée consisterait donc dès l'origine en ceci que l'office du travail aurait à se renseigner sur les conditions du travail et ce qui s'y rattache dans tous les domaines de l'activité lucrative, mais elle ne s'étendrait pas pour le moment en dehors du travail à domicile, la possibilité d'une extension ultérieure en cas de besoin demeurant toutefois réservée. On suivrait en cela l'exemple d'autres Etats, en particulier de l'Etat de Victoria, de l'Angleterre et de la France, où des offices des salaires ne furent créés d'abord que pour des domaines limités, notamment pour le travail à domicile, mais où est prévue une extension de leurs attributions, dont on a déjà d'ailleurs fait usage en partie dans une large mesure.

Ad art. 8. Il va de soi que les tâches assignées par le projet à l'office du travail, si on leur reconnaît le caractère d'affaires fédérales, ne doivent pas être confiées à une institution étrangère à l'administration publique ; elles ne peuvent être entreprises avec des chances de succès que par des organes officiels. Ceux-ci paraissent également devoir être cherchés ou créés, vu la nature de ces tâches,
dans le dicastère de l'économie publique. On pourrait donc songer en premier lieu à attribuer les fonctions. fédérales do
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fiée fédéral des assurances sociales en considération de son champ- d'activité sociale. Toutefois, les tâches de l'office du travail .sont d'un genre si spécial et ont une si grande étendue gu'il faut à ce nouveau service un directeur qui s'en occupe exclusivement. L'affiliation à une des deux divisions susmentionnées, d'ailleurs déjà fort occupées, ne pourrait donc se faire qu'au moyen de la création d'une section spéciale, avec un directeur particulier mais subordonné au chef de la division. Nous croyons cependant qu'une pareille solution ne serait pas satisfaisante. D'abord, le chef de la division devrait assumer la responsabilité de tâches auxquelles il ne pourrait se consacrer personnellement que dans une mesure très restreinte. De plus, l'office du travail est une institution d'une si grande importance qu'elle sera pleinement justifiée comme division spéciale du département, d'autant plus que la direction de ce service ne peut être confiée qu'à un homme qui, grâce à ses connaissances et à ses hautes qualités personnelles, puisse prétendre au rang- élevé de -chef de division, dont il a nécessairement besoin aussi comme président de la commission centrale des salaires et dans ses rapports avec les autorités et les associations.

Ad art. 9. Le classement des fonctionnaires dans les catégories de traitements répond aux dispositions légales encore en vigueur et à l'usage suivi jusqu'à présent.

Ad art. 10. Pour la composition de la commission fédérale des salaires, il sera, fait application du principe, de la parité. Si l'on prévoit la désignation de deux membres neutres à côté des représentants des chefs d'entreprise et des ouvriers, c'est principalement pour ne pas laisser le président prendre seul la décision dans le cas où les représentants d'une partie seraient unanimement d'un avis contraire à. celui des représentants de l'autre partie. On s'est aussi demandé si l'extension des attributions des institutions, des salaires ne devrait pas -entraîner la constitution de plusieurs commissions coordonnées; on a jugé toutefois qu'il valait mieux n'avoir qu'une seule commission, dont le nombre des membres pourrait être augmenté et qui pourrait en même temps être divisée en sections; l'organisation aurait alors nr.e souplesse qui permettrait toujours d'appeler à siéger des membres versés dans la question à débattre. S'il arrivait que les institutions des salaires eussent aussi'à s'occuper de la réglementation des conditions d'engagement, on fera sans

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fioute entrer des employés daus la commission et ils pourront alors former avec des représentants des patrons une section spéciale pour les questions d'engagement.

Ad art. 11. L'organisation des comités des salaires présoute la décentralisation désirée par la commission.

Ad art. 12 et 13. Le droit de pouvoir procéder à des enquêtes est une exigence nécessaire aussi bien pour les recherches que pour la réglementation. La faculté d'appeler des témoins a été inscrite dans le projet selon le désir spécial des représentants des ouvriers.

Ad art. U. Le droit des ouvrières d'obtenir les mêmes salaires que les ouvriers a été demandé par les représentantes de celles-ci dans la commission; il est d'ailleurs désiré1 aussi par bien des ouvriers comme un moyen d'empêché!

que le personnel féminin ne soit privilégié. On a aussi voulu que les aptitudes de l'ouvrier soient prises en considération, afin que des ouvriers qui ne sont pas ou ne sont plus en état de faire un travail correspondant pleinement au salaire minimum ne soient pas congédiés P'our caxise d'inaccomplissement de l'obligation de fournir ce travail.

Ad art. 15 ü 18. Les fixations de salaires n'auront lieu que si elles sont demandées, et non d'office. On s'est abstenu de dire dans le projet qui peut présenter la demande, parce qu'indépendamment de ceux qui sont directement intéressés aux conditions de travail, il peut aussi y avoir des tiers, cornnie par exemple des associations, des sociétés d'utilité publique et des autorités, ayant un intérêt à la réglementation. Les demandes doivent être adressées à l'office du travail, d'abord afin qu'il soit toujours au courant des affaires et ensuite afin qu'on .soit assuré qu'elles parviendront chaque fois au comité des salaires . compétent.

En ce qui concerne particulièrement les pouvoirs attribués au. Conseil fédéral, nous dirons encore une fois qu'ils ne s'exerceront que si la proposition en est faite par les institutions des salaires.

Ad art. 19. L'un des buts de la réglementation des conditions de salaires étant le maintien de la tranquillité et de la paix entre les intéressés, il exige la fixation d'une durée minimum des décisions prises. Toutefois, il faut tenir compte du fait que les circonstances qui ont provoqué la réglementation pourraient subir un notable changement avant l'expiration du délai. Afin de parer aux inconvénients d'une période de transition, le projet dispose

que les conditions de travail nne fois fixées sortiront leurs effets aussi longtemps qu'elles ne seront pas remplacées par de nouvelles.

Ad art. 20. La publication doit nécessairement toujours avoir lieu lorsqu'à été fixé un délai de recours. Mais elle a aussi de l'intérêt pour le public et, de plus, elle augmente ·l'importance et la force obligatoire des décisions prises.

Ad art. 21. Le but du projet comme aussi la dignité de l'Etat exigent que, dès l'instant où l'on demande l'intervention des organes institués par ce dernier, on renonce à s'aider soi-même. Ce n'est toutefois le cas qu'en ce qui coucerne les conditions dont on a requis la réglementation. Si, par exemple, une fixation de salaires a lieu et que, plus tard, il surgisse une contestation au sujet de la durée du travail oïi du renvoi d'un ouvrier, etc., l'article 21 ne défend pas pour cette contestation l'emploi des moyens de lutte, en tant qu'ils ne sont pas inadmissibles, mais il ne faut pas alors qu'on veuille en même temps user de contrainte pour obtenir des modifications à la fixation des salaires.

Ad art. 22. Une fixation de salaires peut, par sa nature même ou en vertu de, sa teneur formelle, être absolument obligatoire ou laisser encore la faculté d'autres arrangements. C'est ainsi que la fixation de salaires minima n'empêchera pas de s'entendre pour le paiement de salaires plus élevés. Il est possible aussi que, dans un contrat collectif déclaré généralement obligatoire ou dans un contrat-type dont on ne puisse se départir, des dérogations soient prévues par un arrangement. A part cela, les fixations créent un droit formel, qui doit rester inchangé. Si des modincation
Ad art. 23. L'interprétation d'ordonnances et de décision« peut donner lieu à des divergences de vues parmi les intéressés. Dans les cas de ce genre, on peut éviter un litige au moyen d'une interprétation authentique et c'est pourquoi l'article 23 prévoit le droit de provoquer des explications.

Ad art. 24. S'il s'agit de contestations plus graves que celles qui sont dues à de simples difficultés d'interprétation, on ne doit pas sans autre les faire vider par les tribunaux; il faudra provoquer une conciliation, pour laquelle le mieux sera de demander l'intervention du président du co-

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mité des salaires, parce que la situation lui est connue. Pour le cas où il faut trancher des contestations inévitables, on prévoit une procédure simple et accélérée. Les dispositions y relatives sont empruntées textuellement à l'article 29 de ia loi sur le travail dans les fabriques du 18 juin 1914.

Ad art. 25. Des dispositions pénales sont d'abord indispensables pour rendre possibles les recherches nécessaires et pour faire observer l'obligation d'éviter tout conflit. Les infractions devront d'ailleurs être réprimées par les tribunaux civils. Néanmoins il est recommandable d'édicter des dispositions pénales qui donnent plus de force aux fixations auxquelles on a procédé, et cela d'autant plus que leur inobservation constitue non seulement la violation d'un droit privé, mais aussi un refus de se soumettre aux décisions d'organes légalement institués. Les poursuites pénales n'ont cependant lieu que sur réquisition. Dans l'intérêt d'une pratique uniforme, l'office du travail sera seul compétent pour faire lés réquisitions.

Ad art. 26. Indépendamment des dispositions concernant l'organisation, il y en a aussi dans le projet qui sont de la nature du droit matériel et par suite devraient normalement être édictées par une loi fédérale. Toutefois, la forme d'un arrêté fédéral avec clause d'urgence paraît justifiée,, d'une part, par la nécessité, reconnue aussi dans la commission par des représentants des employeurs, de régler avec toute la célérité possible, précisément à notre époque de cherté générale, les conditions des salaires du travail à domicile, et d'autre part, par le désir bien légitime qu'ont les ouvriers de voir entreprendre à bref délai la constatation des effets économiques de la guerre sur les conditions de travail. De même, les difficultés sociales et économiques du temps présent exigent une prompte solution. L'office du travail a été désigné dans la commission comme un instrument de paix, qui servira à prévenir de violentes explosions. S'il peut nous rapprocher de ce but, c'est aussi là un motif en faveur de son urgente création. Nous sommes d'ailleurs disposés à examiner si, plus tard, lorsqu'on aura l'expérience nécessaire, il n'y a pas lieu de régler définitivement la question au moyen d'une loi fédérale.

En expliquant dans ce qui précède le contenu du projet, nous avons fixé le terrain sur lequel on doit se placer

peur en examiner la constitutionnalité. Au sujet du droit qu'aura le Conseil fédéral de< déclarer des contrats collectifs de travail général emeni obligatoires et d'établir des contratstype de travail dont on ne pourra se départir, il s'agit ]à uniquement d'une disposition qui complète les articles 322 à 324 du code fédéral des obligations et pour laquelle le Conseil fédéral est compétent en vertu de l'article 64 de la constitution fédérale. Comme nous l'avons dit, l'ordre de choses qu'on 2. ici en vue a déjà été expliqué précédemment dans la discussion de la loi sur le contrat collectif et personne alors n'a mis en doute son caractère constitutionnel. Mais l'articlo 64 fournit- aussi une base constitutionnelle pour la réglementation des questions de salaires par les institutions prévues dans le projet. De même que la Confédération est compétente pour régler par la loi le contrat de service, elio doit aussi pouvoir, en établissant certains principes, confier la réglementation dans ses détails à des organes qu'elle désigne. Car la constitution de ces organes, l'organisation, n'est pas ici l'essentiel; elle n'est qu'un moyen qu'on emploie pour atteindre le but voulu et qui consiste à régler les conditions de droit civil entre employeurs et ouvriers, et cela en application des principes fixés par le législaleur fédéral. Le professeur Burckhardt s'exprime sur cee point, dans son commentaire de la constitution fédérale (2 édition, p. 608) ainsi qu'il suit : « On ne saurait empêcher le législateur fédéral en matière de droit civil de compléter ses prescriptions de droit civil par des prescriptions de nature de droit public, lorsque celles-ci sont indispensables pour l'ordre de choses qu'il veut établir... Car l'essentiel est le but à atteindre, et non le moyen à employer pour cela : Si la constitution fédérale autorise la Confédération à regier le droit civil, elle le fait non en vue des nor-mes de droit civil, mais en vue d'une bonne réglementation matérielle, en vue d'un état social qui soit juridiquement établi.» Aussi à l'occasion de son examen de l'article 34, le commentateur exprime l'opinion que la Confédération peut, en s'appuyant sur cet article, établir des dispositions concernant le montant du salaire (p. 304).

Le fait que la fixation des salaires prévue dans le projet crée un droit ooercitif
ne saurait ébranler l'applicabilité de l'article 64. Car ce droit coercitif n'a pas en soi un caractère qui le fasse rentrer dans le domaine du droit public; il continue comme élément du contrat de service d'appartenir

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;au droit privé, de même que la réglementation légale du ·contrat de .service .dans le code des obligations contient un 4jrand nombre die dispositions coercitives, qui sont quand même envisagées comme des dispositions de droit privé.

INous renvoyons, entre autres, aux articles 347, 3° paragraphe, a48, 2e paragraphe, 349, 356, 2e paragraphe, 357, et .notamment -à l'article 323, qui est appelé à provoquer une réglementation 'tout à fait semblable à celle qu'on attend des institutions «des salaires.

D'ailleurs,
'Cette dénomination -générale d'arts et métiers permet indubitablement de considérer la disposition comme appïi·cable non seulement aux métiers proprement dits, dont la signification n'est d'ailleurs pas clairement délimitée par .rapport aux autres genres d'activité lucrative, mais aussi au commerce et à l'industrie. H est vrai que le message du 'Conseil fédéral concernant l'article constitutionnel prérappelé ne parle pas formellement de l'étendue que peut avoir l'application de cet article, et dans les délibérations on ne trouve pas non plus l'expression positive de la manière de voir des pouvoirs législatifs dans un sens ou dans l'autre.

'Toutefois, l'opinion du Conseil fédéral sur ce qu'entend par arts et métiers l'article constitutionnel es È clairement apparue dans les actes préparatoires visant l'exécution de cet article. Car une fois l'article constitutionnel adopté, le département de l'industrie invita à s'exprimer et à formuler des propositions non seulement les représentants des arts et métiers proprement dits, mais aussi ceux de l'industrie, du commerce et de l'agriculture en tant que milieux 'intéressés. On lit à ce sujet dans le, rapport de gestion du ·Conseil fédéral concernant l'année 1908 (Feuille féd. 1909, II, p. 148) : « Après l'acceptation de l'article 34ter de la constitution fédérale dans la votation populaire du 5 juillet, il s'agissait d'établir un programme pour la législation à édic"ter en matière d'arts et métiers. Le département (de l'industrie) jugea opportun d'entendre des opinions des cercles intéressés et de provoquer un échange d'explications. A cet effet 'eut lieu à Berne, le 30 novembre,
une conférence à laquelle participèrent, sur l'invitation du département, les associations suisses ci-après, savoir : l'union des arts et métiers, la "fédération ouvrière, la société du commerce et de l'industrie, 3a société des commerçants, l'union des paysans, avec 13 délé·Feuille fédérale suisse. "71" année. Vol. IL 3

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gués. » Dans son rapport de gestion pour l'exercice 1909 (Feuille féd. 1910,11,285), le Conseil fédéral déclare que le département de l'industrie, adoptant la proposition faite par la commission instituée pour établir le programme susmentionné, avait invité l'union suisse des arts et métiers, l'union ouvrière, la société du commerce et de l'industrie ainsi que la société des commerçants à lui faire connaître les voeux qu'eues auraient à formuler concernant la législation. L'opinion des milieux des arts et métiers au sens large du terme, telle que le Conseil fédéral l'a faite sienne dans ses rapports, n'a été l'objet d'aucune critique au sein des Chambres et a été admise de par l'approbation des rapports dont il s'agit. La manière d'e> voir que le eprofesseur Burckhardt exprime dans son commentaire (2 édition, p. 314) est de même en faveur d'unelarge interprétation; ©Ile est conçue en ces termes : « De même que l'art. 34 donne à la Confédération le droit d'édicter des 'dispositions uniformes en matière de travail; clans les fabriques, l'article 34ter l'autorise à en faire autant dans le domaine des arts et métiers. Dans les délibérations au sujet de la revision constitutionnelle, cet article 34ter fut toujours mis en parallèle avec l'article 34 et au surplus il se trouve à côté de celui-ci dans la constitution, de sorte qu'if faudrait admettre que ces deux 'dispositions ont chacune son champ d'application particulier. S'il en était ainsi, la Confédération ne pourrait point édicter quant à la production en fabrique toute une série de prescriptions qu'il lui est loisible de rendre pour les arts et métiers proprement dits, l'article 34 ne lui attribuant que la réglementation d'objets déterminés. Or, ce serait là chose tout à fait fâcheuse, plusieurs des prescriptions dont il s'agit perdant toute efficacité et toute signification si elles ne peuvent être appliquées aux fabriques. Et, en fait, pareille restriction ne saurait être voulue. Les fabriques ne sont pas une branche spéciale de l'industrie, susceptible d'être réglementée pour soi, mais elles' ne sont qu'un mode d'exploitation se distinguant par son étendue et son intensité. Les fabriques ne sont pas l'opposé logique des arts et métiers ; elles n'en constituent qu'une forme particulière. Les arts et métiers au sens de l'article 34ter comprennent
donc aussi les exploitations à caractère de fabrique. Mais si tel est le cas, il eût été beaucoup plus rationnel et plus simple de remplacer l'article 34, plus spécial, par l'article 34ter, plus général; personne, cependant, ne semble avoir réfléchi au rapport existant entre ces deux dispositions. Qiie le commerce rentre clans l'industrie au sens

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de l'article 34, est chose qui ne saurait faire doute. L'agriculture en revanche ne peut y être comprise. » II .faut au surplus faire remarquer aussi la difficulté d'ordre politique qui résulterait d'une interprétation étroite du terme « arts et métiers ». Avec une telle interprétation limitative, en effet, la compétence des cantons de légiférer en matière de commerce et d'industrie subsisterait, mais elle serait de nouveau immédiatement bornée par l'article 34 en ce qui concerne la police des fabriques et par l'article 64 en ce qui concerne la réglementation des conditions de droit civil, état de choses qui mènerait nécessairement aux plus grandes incertitudes et aux plus graves conflits de compétence. La théorie moderne de l'interprétation, telle qu'elle s'est établie quant aux lois, peut sans doute être appliquée aussi à la constitution. Et, ici,, il faut dire que, selon l'opinion qui prévaut de plus en plus, ce qui importe n'est point la volonté du législateur -- souvent d'ailleurs elle ne peut être déterminée de façon certaine -- mais bien plutôt ce que dit la loi. «La loi doit être interprétée non pas du point de vue de l'époque où elle a été élaborée mais du point de vue de l'interprétation, et son contenu progresse avec le temps, dans la mesure où le permettent son texte, tel qu'il perpétue les intentions du législateur, et son économie» (Gmiir, Commentaire du code civil suisse, vol. l, p. 32). Or, pas n'est besoin d'établir que, pour l'interprétateur actuel de l'article 34ter, la nécessité est d'étendre le sens de cette disposition et que le texte même de cet article ne s'y oppose nullement.

Si, d'après ce qui vient d'être exposé, on peut sans appréhension trancher affirmativement la question de .l'applicabilité de l'article 34ter au commerce et à l'industrie, il reste à constater que l'exécution de cette disposition ne doit pas être restreinte à des prescriptions de police, mais qu'au contraire elle peut aussi comprendre la réglementation des conditions de travail entre employeur et employé. Cela ressort de la teneur tout à fait générale donnée'à l'article 34*er comparativement à l'article 34. Et le Conseil fédéral, déjà dans son message concernant le projet de revision constitutionnelle, a aussi mentionné, en déclarant y adhérer, un mémoire de la société suisse des arts et métiers dans lequel on disait attendre de la nouvelle disposition proposée non pas seulement une protection pour les ouvriers, mais aussi une amélioration de la condition de

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patron à ouvrier. De «on côté également, le département de l'industrie a expressément indiqué la réglementation de cette condition, dans son rapport sur l'exécution de la disposition en cause, comme étant un des points du programme à réaliser, ce dont les Chambres ont pris acte sans observations lors de l'approbation du rapport de gestion du Conseil fédéral pour l'année 1909.

Nous f ndant sur les considérations qui précèdent, nous concluons à la constitutionnalité de l'arrêté fédéral proposé, en nous plaçant aussi bien au point de vue de l'article 64 qu'à celui de l'article 34ter de la constitution fédérale.

Nous vous recommandons l'adoption du projet joint au présent message et vous prions instamment de traiter cette affaire dans votre prochaine session.

* Berne, le 11 avril 1919.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, ADOK.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

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Projet

Arrêté fédéral portant

réglementation des conditions de travail.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, En exécution des articles 34te? et 64 de la constitution fédérale; Vu le message du Conseil fédéral du 11 avril 1919, arrête : Article premier. Il est créé un office fédéral du travail i- JA!1,*'0"8 en vue de déterminer les conditions du travail à domicile et L orgàiTisa8du travail dans l'industrie, les arts et métiers et le com- «öS.

mercé.

Sont également créées, dans le but de régler les conditions de salaire et de collaborer aux tâches dévolues à l'office fédéral du travail, les institutions fédérales des salaires, savoir : 1° la commission fédérale des salaires, 2<> les comités fédéraux des salaires.

Art. 2. Par conditions de travail au sens du présent ar- -· ^ef "S?

réte fédéral, on entend tous les droits et obligations déri- yaiL uopsdetravant du contrat de service entré l'employeur, d'une part, et les ouvriers et employés, d'autre part.

Art. 3. La fixation des salaires prévue dans le présent 3 - Kessout.

arrêté fédéral appartient aux institutions fédérales des salaires.

Le Conseil fédéral peut, si le besoin s'en fait manifestement sentir, sur la proposition des institutions des salaires

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et après avoir rpris l'avis des associations professionnelles intéressées, déclarer des contrats collectifs de travail obligatoires aussi pour les membres des groupements de même activité lucrative qui ne sont pas affiliés à ces associations et établir, pour eux aussi, des contrats-types de travail dont on ne puisse valablement se départir.

Si de pareils contrats collectifs et contrats-types contiennent des fixations de salaires, le pouvoir attribué aux institutions des salaires par le paragraphe premier du présent article est remplacé par le droit de présenter des propositions au Conseil fédéral.

n

'ttons!bu~ -^rt- 4- L'office fédéral du travail a les attributions sui1. de rofttco a« vantes : travail j0 .^ g^g^i^ ^es conditions de travail au sens du présent arrêté, de toutes les autres conditions de travail en général, du marché du travail, ainsi que des conditions d'existence, de logement et de déplacement des ouvriers ; 2° il prépare les réformes des conditions de travail ainsi que des conditions d'existence des ouvriers; 3° il exécute les décisions de la commission des salaires; 4° il veille à l'observation des conditions de travail fixées; 5° il préavise, à l'intention du Conseil fédéral, sur les propositions émises par les institutions des salaires; 6° il exerce la surveillance sur les fonctions des comités des salaires.

2. de la comArt. 5. La commission fédérale des salaires a les attriS£ des butions suivantes : 1° elle statue sur les recours formés contre les fixations de salaires auxquelles procèdent les comités des salaires; 2° elle soumet au Conseil fédéral les propositions prévues par l'article 3, 20 alinéa, du présent arrêté; 3° elle donne son avis sur les questions que lui soumet l'office du travail et qui rentrent dans le domaine d'activité de cet office.

s. des comités Art. 6. Les comités fédéraux des salaires ont les attrici« salaire» butionB suivantes : 1° ils procèdent en première instance aux fixations de salaires qui leur sont attribuées par l'office du travail;

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'2° ils exécutent les mandats qui leur sont confiés par l'office du travail et se rapportent au domaine d'activité ·de cet office; 3° ils aident à veiller à l'observation des conditions de travail fixées; 4° ils soumettent des propositions à la commission des salaires, à l'intention du Conseil fédéral, conformément à l'article 3, 2° alinéa, du présent arrêté; '5° ils donnent leur avis sur les questions que leur soumet l'office du travail et qui rentrent dans le domaine d'activité de cet office6° ils présentent un compte rendu de leur activité à l'office du travail.

Axt. 7. Les attributions à exercer en matière de fixation 4-r^treÎntêsn8 ·de salaires par les institutions des salaires se restreignent pour le mopour le moment à la fixation de salaires minima dans le ment' "travail à domicile.

Le droit qu'ont les institutions des salaires de faire des propositions au Conseil fédéral conformément à l'article 3, e U alinéa, du présent arrêté, se restreint pour le moment au travail à domicile.

Le Conseil fédéral peut, par voie d'ordonnance, si le be- 5. Extension, ·soin s'en fait manifestement sentir et après avoir pris l'avis -des associations professionnelles intéressées : 1° charger les institutions des salaires de la fixation non seulement de salaires .minima, mais de salaires en général; .2° étendre les attributions des institutions des salaires à la fixation des salaires et à la présentation de propositions au Conseil fédéral, conformément à l'article 3, 2e alinéa, du présent arrêté, pour l'industrie, les arts et métiers et le commerce, là où une organisation des employeurs et du personnel n'existe pas ou ne suffit pas pour que les intéressés puissent régler eux-mêmes d'une manière satisfaisante les conditions de travail.

Art. 8. L'office fédéral du travail est organisé comme HL Organisa'division du département suisse de l'économie publique.

i. ae l'office au IT U Son personnel se compose d'un directeur, d'un ou de *"enout *deux adjoints et des autres fonctionnaires nécessaires-.

"' *· Art. 9. Sont applicables au personnel les lois fédérales *· Appointedû 2 juillet 1897 et du 24 juin 1909 concernant les traitements ment8' ·des fonctionnaires et employés fédéraux.

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Le directeur est mis dans la Ire classe des traitements,«, avec augmentation du traitement maximum; les adjoints,, les secrétaires de division et les experts de l'office sont placés dans la Ile classe des traitements et les autres fonctionnaires dans les classes III à VII, de la même manière que ceux des autres divisions du départementi- de la commission des salaires.

Art. 10. La commission fédérale des salaires se compose du directeur de l'office du travail en qualité de président, de deux membres neutres, de trois représentants des chefs d'entreprise, de trois représentants des ouvriers, et d'autant d& suppléants. Les ouvrières devront être équitablement représentées. Le Conseil fédéral nomme les membres de la commission et les suppléants pour une période de trois ans,, après avoir pris l'avis des associations professionnelles intéressées. Si les fonctions des institutions des salaires reçoivent l'extension prévue par l'article 7 du présent arrêté, le nombre des membres de la commission sera augmenté en conséquence.

Suivant le genre et l'importance des affaires, la commission fonctionne comme commission plénière ou divisée en sections.

Les détails d'organisation, de même que la procédure et les indemnités seront fixés par un règlement qu'édictera leConseil fédéral.

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^^ ^- ^s comités fédéraux des salaires se composent d'un président neutre, de quatre à huit assesseurs et d'autant de suppléants, pris moitié parmi les représentants des chefs d'entreprise et moitié parmi ceux des employés. Si des groupements occupent des femmes, celles-ci devront être équitablement représentées.

Si les fonctions des comités des salaires embrassent aussi le règlement de conditions d'engagement, des comités spéciaux des salaires seront institués avec des représentantsdés employés.

Le Conseil fédéral nomme pour une période de trois ans,, après avoir pris l'avis des associations professionnelles intéressées, les comités des salaires pour les différents groupes d'activité lucrative et, le cas échéant, pour certaines régionsou parties du pays.

Les détails d'organisation, de même que le ressort, la procédure et les indemnités seront fixés par un règlement qu'édictera lé Conseil fédéral..

dïs8 saïa'ires8

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Art. 12. L'office du travail et les institutions des salaires *v- ^*ët**peuvent procéder à toutes1 lesi enquêtes que nécessite la cons- *'£.es ° " tatation des faits. Tm ont notamment le droit de prendre connaissance des listes de paie, comme aussi d'appeler en témoignage des chefs d'entreprise, des ouvriers et des employés.

Art. 13. L'office du travail et les institutions des salaires 2- Coopération peuvent réclamer pour l'accomplissement de leurs fonctions le concours des autorités cantonales et communales, de même que celui des bureaux publics de travail et des bureaux de placement des associations intéressées.

Art. 14. La fixation des salaires a lieu suivant une juste v'tat^le^gn" appréciation de toutes les circonstances et, autant que pos- conditions de sible, en application du principe que pour le même travail j/FiIation du on ne fera pas de distinction entre hommes et femmes, salaire.

Les salaires peuvent être gradués selon les conditions lo- °- FrinclPecales, comme aussi selon les industries et groupements d'industries et d'après les aptitudes de l'ouvrier.

Art. 15. Les demandes en fixation des salaires doivent <>. Procédure, être adressées à l'office du travail, qui les transmet au co- aa" Ententemité des salaires compétent. Après avoir entendu les intéressés et procédé aux constatations nécessaires, le président du comité cherche à obtenir de celui-ci une décision unanime. S'il y parvient, la fixation des salaires a force de chose jugée.

Art. 16. Si le comité des salaires ne peut être unanime, *&. Révision.

il statue à la majorité. Chaque intéressé peut alors, dans un délai de 10 jours au moins à fixer par le comité des salaires, interjeter recours contre cette décision à la commission des salaires, par l'intermédiaire de l'office du travail. Si le délai fixé expire sans avoir été utilisé, la décision est exécutoire.

Art. 17. En cas de recours contre une décision du comité ce. Keeours.

des salaires, l'office du travail soumet le dossier de l'affaire, après avoir entendu, s'il le juge à propos, le comité et les intéressés, à la commission des salaires. Celle-ci peut inviter l'office du travail à procéder à un complément d'enquête; elle prononce définitivement sur le recours.

Art. 18. Les demandes tendantes à .obtenir des mesures 2. Propositions du Conseil fédéral conformément à l'article 3, 2° alinéa, du féaéral «/(SiT présent arrêté, doivent être adressées à l'office du travail, -

42 qui les transmet au comité des salaires compétent. L'avis du comité des salaires est soumis à la commission des salaires, qui décide s'il y a lieu de faire une proposition au Conseil fédéral. Si elle se prononce négativement, il n'est pas donné d'autre suite à l'affaire; dans le cas contraire, l'office du travail préavise sur la proposition à soumettre au Conseil fédéral.

En émettant cette proposition, on veillera à ce que, pour l'arrêté que prendra le Conseil fédéral, des fixations de salaires prévues dans le contrat ne soient pas contraires à des fixations auxquelles les institutions de salaires auraient peut-être déjà procédé conformément aux articles 15 à 17 du présent arrêté.

S. Durée de la fixation.

Art. 19. Toute décision portant fixation de conditions de travail doit faire mention de la date de son entrée en vigueur, ainsi que du délai à l'expiration duquel une nouvelle fixation peut être demandée. L'ancienne décision sort ses effets aussi longtemps qu'elle n'est pas remplacée par une nouvelle.

S'il survient un notable changement des conditions, une revision peut être demandée même avant l'expiration du délai.

4.Publications.

Art. 20. Les arrêtés du Conseil fédéral ainsi que les décisions des institutions des salaires sont publiés par l'office dû travail dans la Feuille fédérale et dans les feuilles offi-cielles des cantons et des communes du domicile des intéressés. A cette fin, les comités des salaires communiqueront toujours leurs décisions sans aucim retard à l'office du travail.

r.. Effets.

A r t 21. Pendant la procédiire en cours pour arriver à "'absolue*^- des fixations de salaires! et à une réglementation obligatoire Yiter tout d'autres conditions de travail, comme aussi pendant la durée conflit.

de validité des ordonnances et décisions exécutoires qui pourraient être rendues, il y a, pour les intéressés, obligation absolue d'éviter tout conflit en ce qui concerne les conditions dont la réglementation a été demandée ou qui forment l'objet des ordonnances et décisions.

». validité.

^rt. 22. A moins que la fixation des conditions de travail n'en dispose autrement, il ne peut y être valablement dérogé.

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Art. 23. Les divergences de vues quant à l'interprétation «-Explications, d'ordonnances et de décisions sont soumises à l'organe qui les a valablement rendues. Cet organes publiera les explications qu'il jugera nécessaires .

Art. 24. Si des contestations de droit civil naissent des 7-uo°nstesta" situations réglées par des arrêtés du Conseil fédéral ou des décisions des institutions des salaires, il sera fait appel, avant qu'on en saisisse les tribunaux, à l'intervention conciliatrice du président du comité compétent.

Pour les différends qui ne peuvent être réglés par conciliation, les cantons désignent les autorités judiciaires chargées d'en connaître.

Le jugement est rendu après une procédure orale et accélérée. La représentation par des mandataires de profession n'est pas permise, à moins qu'elle ne paraisse justifiée par des circonstances personnelles particulières d'une partie.

Le juge procède d'office aux enquêtes nécessaires pour établir des faits pertinents; il n'est pas lié par les offres de preuve des parties et apprécie librement les résultats des preuves.

La procédure est gratuite.

Le juge peut infliger une amende au plaideur téméraire et mettre à sa charge tout ou partie des frais.

Art. 25. 1° Sera puni d'une amende de 10 à 500 francs : ^,,^Äeg.

a. celui qui contrevient aux dispositions prises en vue de la constatation des faits par l'office du travail et les institutions des salaires; b. celui qui a encouru une condamnation définitive pour non-paiement des salaires fixés, si le paiement a été refusé méchamment ou témérairement; c. celui qui contrevient à la réglementation établie par arrêté du Conseil fédéral concernant d'autres conditions de travail; d. celui qui enfreint l'obligation imposée par l'article 21 du présent arrêté, d'éviter tout conflit.

2° La poursuite et le jugement des contraventions ont lieu sur réquisition de l'office du travail; il sera fait application des dispositions générales du code pénal fédéral du 4 février 1853.

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3° Les décisions des autorités 'cantonales seront communiquées par écrit à l'office du travail, qui peut en appeler conformément aux dispositions en matière de procédure cantonale et fédérale.

vu.

Dispos}Art. 26. Le présent arrêté est déclaré urgent et entre tiens finales. , ,. , .

1. Urgence. immédiatement en vigueur.

2. Exécution.

Art. 27. Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté et édicté les ordonnances nécessaires à cet effet.

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Annexe I.

Projet du secrétariat ouvrier suisse du 28 septembre 1918.

Arrêté du Conseil fédéral portant création

d'un office des salaires et de commissions des salaires.

Article premier. La Confédération crée un office des salaires relevant du département de l'économie publique.

Art. 2. L'office des salaires se compose d'un directeur en qualité de président, de six assesseurs et d'autant de suppléants, choisis par moitié parmi les représentants des chefs d'entreprise et parmi ceux des ouvriers. Ces derniers comprendront au moins une représentante des ouvriers.

Art. 3. Les membres de l'office des salaires sont nommés par le Conseil fédéral. Les associations patronales et ouvrières émettent des propositions pour le choix des assesseurs et des suppléants.

Art. 4. L'office des salaires s'occupe de 1g, recherche et du relèvement des salaires dans le travail à domicile ainsi que les entreprises de l'industrie, des métiers et du commerce.

L'office déterminera en premier lieu les groupes d'entreprises où les salaires sont manifestement insuffisants pour subvenir aux besoins de la vie.

Art. 5. Le département fédéral de l'économie publique institue des commissions de salaires pour les groupements d'entreprises entrant en considération. Chaque commission se compose d'un président neutre, de ,six à huit assesseurs ei; d'autant de suppléants, pris par moitié jparmi des représentants des chefs d'entreprise et des ouvriers. Pour les groupements qui occupent des femmes, celles-ci devront être équitablement représentées dans la commission. Les associations patronales et ouvrières intéressées feront des propositions pour la nomination des assesseurs et des suppléants.

Art. 6. L'office des salaires et les commissions des salaires peuvent procéder à toutes les enquêtes que nécessite la cons-

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tataiioii des faits. Ils ont notamment le droit de prendre connaissance des listes de paie, de citer et d'interroger comme témoins les chefs d'entreprise, les employés et les ouvriers.

Ait. 7. Les contraventions aux dispositions de l'office des salaires seront punies de l'amende jusqu'à 200 francs.

Axt. 8. Les commissions des salaires sont chargées de la fixation de salaires minima, lesquels peuvent être gradués suivant les villes et régions du pays.

Art. 9. Une fois l'enquête achevée, le président de la, commission des salaires cherche à obtenir de celle-ci une décision unanime. S'il n'y parvient pas, la commission statue à.

la majorité.

Art. 10. Toute décision de la commission des salaires peu"t, dans les 20 jours, être déférée par voie de recours à l'office des salaires qui statue souverainement.

Art. 11. Toute décision portant fixation de salaires minima doit faire mention du délai à l'exportation duquel une nouvelle fixation peut être demandée.

S'il se produit antérieurement un renchérissement notable de la vie, une augmentation des salaires minima peut être demandée avant l'expiration du délai en question.

Art. 12. Les décisions rendues par les commissions des salaires et l'office des salaires sont 'publiées dans la Feuille fédérale et (dans les feuilles officielles des cantons et communes du domicile des intéressés.

Art. 13. Les plaintes pour non-paiement des salaires minima doivent être adressées à la commission des salaires.

Celle-ci établit les faits et avertit le chef d'entreprise. Si l'avertissement demeure infructueux, la commission condamne le chef d'entreprise au paiement du salaire retenu ainsi qu'aune amende pouvant atteindre le quadruple du salaire retenu.

Dans les dix jours, il peut être appelé de cette décision auprès de l'office des salaires, qui tranche définitivement.

Ait. 14. L'office des salaires contrôle les commissions des salaires. Le département fédéral de l'économie publique édictée les prescriptions d'exécution.

Art. 15 Le présent arrêté entre en vigueur le

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Annexe H.

Aperçu récapitulatif de l'institution, de l'organisation et de l'objet des Conseils de l'industrie d'Angleterre.

e

I. Institution.

Aux fins d'étudier la rénovation et l'amélioration des rapports entre employeurs et employés, le ministre du travail de l'Angleterre a créé au commencement de l'année 1917 un « Keconstruction Committee on relations between employers and employed », composé à parts égales de représentants des principales associations patronales et ouvrières et présidé par un président neutre (qui fut J.-H. Whitley, dont le comité reçut le nom), avec mandat : 1° de présenter et examiner des propositions propres à rendre possible l'amélioration continuelle des relations entre patronat et salariat; 2° de proposer des voies et moyens permettant aux intéressés directs d'examiner et reviser d'une manière permanente et systématique les conditions industrielles influant sur les rapports entre employeurs et employés, en ayant égard à l'amélioration future du régime de la production et du travail.

Le comité susmentionné a présenté le 8 mars 1917 au ministère du travail, au sujet des résultats de ses délibérations, un rapport détaillé dans lequel il trace les grandes lignes d'une nouvelle charte du travail pour l'industrie et les métiers. Il recommandait de créer pour chaque industrie un système de conseils permanents composés par parties égales de. représentants des patrons et de représentants des ouvriers, et ayant pour tâche d'examiner d'une manière continuelle toutes les questions générales touchant les conditions du travail. En juillet 1917, le ministère soumit ces propositions par circulaire à toutes les associations patronales à tous les syndicats, en les invitant à se prononcer.

Puis, vu le résultat favorable de cette consultation -- la plupart des réponses exprimaient l'adhésion aux principes posés dans les propositions du comité -- il décida de régler sa politique économique de la période de transition sur le rapport du «Beconstruction Committee» et de réaliser im-

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médiatement les propositions de ce dernier. Par circulaire du 20 octobre 1917, le ministre du travail invita formellement les principaux syndicats et associations patronales à entreprendre sans délai la formation des conseils d'industrie préconisés dans le rapport Whitley, en leur offrant ses services pour les premières mesures dans ce sens.

La. circulaire en question relève expressément, d'autra part, que le programme Whitley n'est pas applicable pour les industries à organisation relativement peu développée ou qui ne sont pas du tout organisées et qu'il y aurait encore lieu de voir comment créer les conditions nécessaires, éventuellement quelles autres mesures prendre. Dans un nouveau rapport du 18 octobre 1917 concernant particulièrement ce point, le comité Whitley arrive à la conclusion que, pour les industries insuffisamment organisées, l'intervention de l'autorité est inévitable et qu'il faut même, dans une certaine mesure, un véritable contrôle de l'Etat -- notamment pour ce qui regarde les salaires et la durée du travail. Ce contrôle incomberait en première ligne aux offices des salaires, dont les compétences ont été étendues à plus d'un point de vue ces derniers temps.

II. Organisation.

Il s'agirait tout d'abord de créer dans chaque industrie un « National Council ». Si l'industrie embrasse divers districts délimités et ayant une importance particulière au point de vue des conditions spéciales de la branche, il peut être constitué des « District Councils », subordonnés au conseil national. Le comité Whitley recommande, en outre, de compléter les représentations dans les diverses exploitations par la formation de «Works Committees » (comités d'usines).

Voici d'ailleurs comment il s'exprime, dans son rapport, au sujet de cette organisation des conseils d'industrie : « II ne suffit point d'arriver à la coopération des intéressés seulement au centre de l'industrie, entre les associations nationales de la branche; le concours et l'appui des employeurs et des employés sont tout autant nécessaires dans les districts et les diverses entreprises. Le conseil national de l'industrie ne doit pas être considéré comme un tout, se suffisant à lui-même; il faut au contraire une triple organisation : par exploitation, par districts et -par industries nationales. Il importe, au surplus, que l'on opère selon des

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principes uniformes à chacun de ces trois degrés, de manière à réaliser la plus grande homogénéité possible dans l'action ... Des conférences régulières et une collaboration permanente sont aussi nécessaires aux comités de district et d'usine qu'aux conseils nationaux de l'industrie. Le but est d'arriver à une coopération continuelle, et il y a lieu ici de mettre le peuple ouvrier à même de participer dans une large mesure à l'examen et au règlement des questions intéressant son industrie -- ce qui ne peut se faire que si employeurs · et employés demeurent en contact permanent. » Les représentants sont élus par les organisations patronales et ouvrières', en nombre égal pour chacune des parties.

Pour la composition des conseils, on tient compte, d'une part, des diverses catégories professionnelles d'ouvriers et, d'autre part, des divers groupes d'industries. S'il existe chez ceux-ci ou celles-là plusieurs associations ou syndicats, chacun d'eux a droit à une représentation correspondant à sa force numérique. Et où il s'agit d'ouvrières, celles-ci doivent être représentées, elles aussi, d'une manière convenable.

III. Objet.

Il s'agit -- dit le rapport -- de mettre le peuple travailleur à même d'obtenir de meilleures conditions de travail et une meilleure existence en général, afin de l'amener à collaborer activement et d'une manière soutenue au développement de la production industrielle. Il n'est cependant pas 'question de créer en cela un nouvel élément de l'intervention de l'Etat. On veut au contraire permettre aux industries de s'administrer elles-mêmes dans une large mesure.

Les «onseils permanents et mi-officiels dont il s'agit seront cependant pour l'Etat un appui dans toutes les questions industrielles. Vu la diversité de conditions entre les industries, le comité Whitley s'abstient de donner des directions générales au sujet de la réglementation du régime et des méthodes du travail. Il détermine en revanche dans les détails les tâches essentielles à accomplir, étant entendu, néanmoins, qu'il ne saurait s'agir d'établir un programme d'action strictement délimité. Ce programme accusera en effet des différences essentielles d'industrie à industrie et c'est avant tout aux circonstances mêmes et aux intéressés de tracer les tâches à accomplir. De l'avis du comité, ce sont principalement les questions ou groupes de questions suivants qui conviendraient mix divers conseils d'industrie : Feuille fédérale suisse. 71« année. Vol. II.

4

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1° meilleure utilisation des connaissances et expérience* pratiques des ouvriers; 2° voies et moyens d'assurer à la classe ouvrière une plus grande part, et par là une responsabilité plus étendue, en ce qui concerne la fixation et la réalisation des conditions dans lesquelles elle travaille; 3° établissement de principes généraux pour les conditions d'engagement, y compris les salaires et traitements initiaux ainsi que le .système des augmentations et améliorations de salaire, en ayant égard à la nécessité de garantir à l'ouvrier une part à la prospérité croissante de l'industrie;.

4° fixation de méthodes de discussion régulières dans le cas de différends entre employeurs et employés, et mesures~ propres à prévenir les conflits et à les aplanir quand ils surgissent; 5° moyens d'assurer à la classe laborieuse une possibilité permanente de travail et de gain, sans restreindre plus que de besoin le libre passage; 6° méthodes de fixation et réglementation des salaires, prix du travail à la tâche, etc., et mode de procéder en ce qui concerne les nombreuses difficultés auxquelles donne lieu le choix des échelles et systèmes de salaires; 7° perfectionnement professionnel et technique; 8° études des conditions de l'industrie et mise à profit rationnelle des résultats; 9° invention et amélioration proposées par la claasse ouvrière, leur bonne application et utilisation; protection des inventeurs; 10° amélioration du processus du travail, de l'outillage industriel, de l'organisation ouvrière et questions générales y relatives intéressant les modalités et la direction de l'exploitation. Examen d'expériences industrielles et coopération à la réalisation de nouvelles idées, en ayant égard aux points de vue défendus à ce sujet par la classe ouvrière; 11° propositions et travaux préparatoires en matière de législation industrielle.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réglementation des conditions de travail. (Du 11 avril 1919.)

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