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ET RECUEIL DES LOIS SUISSES

71e année. Berne, le 31 décembre 1919. Volume V.

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Exposé

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la création de nouvelles légations de Suisse à l'étranger.

(Du 11 décembre 1919.)

I.

Le projet de budget pour 1920 ports sous la rubrique « Département politique, division des affaires étrangères, 12,16, 21 et 23 » l'indication de crédits prévu pour la création de légations de Suisse à Stockholm, Varsovie, Prague, Belgrade et Athènes, pour la création d'une légation indépendante à Bruxelles et d'un consulat général à Constantinople.

Ce n'est pas sans de sérieuses études et discussions préparatoires que le Conseil fédéral est arrivé à cette décision, pendue publique on septembre dernier déjà, et qu'il demande aux Chambres fédérales de la sanctionner en votant les crédits nécessaires à son exécution.

Ainsi qu'il en a pris l'engagement, le Conseil fédéral a l'honneur d'exposer ci-après les considérations qui l'ont guidé.

En 1917, les Chambres fédérales- unanimes ont approuvé le postulat de MM. Meyer. Bühler et Micheli concernant la réorganisation et l'extension de la représentation de la Suisse .à l'étranger. Le Conseil fédéral a depuis! longtemps déjà reconnu la nécessité de ces mesures. Durant la guerre, cette nécessité est apparue encore bien plus rigoureuse. La guerre a démontré à la Suisse l'importance des relations diFeuille fédérale suisse. 71e année. Vol. V.

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1020 rectes avec les Etate neutres, ceci aussi bien au point de vue?

commercial qu'au point de vue politique. En particulier, l'on a pu se rendre compte des difficultés que les colonies suisses à l'étranger ont éprouvées et des dommages qu'elles ont subis par suite de l'insuffisance des organes de la Confédération. Ces inconvénients ont été surtout sensibles dans les Etats du Nord où, lors des événements de Kussie, les Suisses fugitifs se sont vus en proie aux plus sérieuses difficultés pour obtenir le transit par les pays limitrophes de la Suisse. L'action de représentants diplomatiques pouvant accomplir des démarches efficaces en faveur de nos compatriotes a fait complètement défaut et les résultats de cette insuffisance de l'action officielle ont certainement été regrettablesII en a été de même dans des pays qui ont servi dei théâtre à la guerre, tels les pays ide .l'Orient de l'Europe où les Suisses, complètement abandonnés à eux-mêmes, se sont vu infliger, sans pouvoir s'en garantir, les pertes les plus sensibles. Il n'est pas contestable que, durant la guerre, l'insuffisance de la représentation diplomatique suisse à l'étranger a été très vivement ressentie, plus encore peut-être par les individus que par l'Etat.

Le Conseil fédéral a déjà cherché à remédier en partio à cette situation défavorable. Dès le commencement de la guerre, il créa un poste de chargé d'affaires en. Roumanie.

En 1917 encore, il a créé une légation indépendante à La Haye; il a élevé au grade de ministres plénipotentiaires les représentants de la Suisse à Madrid et à Bucarest, il a accrédité le ministre de Suisse en France à Bruxelles et le ministre en Espagne à Lisbonne. Il a pris diverses autres mesures d'ordre financier à l'égard des chefs de mission, pour remédier, dans une très faible mesure, à l'a situation difficile dans laquelle les plaçait le renchérissement de la vie.

Cependant, le Conseil fédéral n'a pas tardé à reconnaître que les mesures mentionnées ci-dessus n'étaient pas encore suffisantes. La presse et le parlement lui-même lui ont nettement déclaré que l'on attendait plus encore de sa part. Ainsi, le Conseil fédéral s'est vu confirmé dans l'opinion qui était déjà la sienne que l'extension de la représentation diplomatique de la Suisse à l'étranger est généralement désirée.

II.

En recherchant auprès de quels Etats il était nécessaireque la Suisse fût représentée, le Conseil fédéral s'est trouvé'

1021 en présence de deux groupes d'Etats avec lesquels ses relations n'étaient point pareilles. Il s'agissait d'une part de renforcer des relations déjà existantes; d'autre part, d'en créer de nouvelles et de réorganiser celles qui ont été déjà créées. Le premier groupe, que l'on pourrait appeler celui des anciens Etats, est composé des Etats du Nord: Suède, Norvège, Danemark, dont la physionomie politique n'a pas été modifiée par la guerre. L'autre groupe se compose, soit de nouveaux Etats (Pologne, Tchéco-Slovaquie), soit d'Etats agrandis ou profondément transformés, comme la Yougo-Slavie, la Grèce et la Turquie.

Depuis longtemps déjà, le Conseil fédéral avait pesé l'éventualité de créer à Stockholm une légation pour les trois principaux pays du Nord. H ne s'agissait point ici de créer de toutes -pièces des rapports diplomatiques, mais de développer ceux qui existent déjà et de disjoindre les postes actuellement cumulés de ministre de Suisse à Stockholm et à Berlin. Les inconvénients de toute nature causés par ce cumul ont été reconnus par le Conseil fédéral dès les premiers temps de la guerre et sont allés en augmentant à mesure que, par suite de la crise russe, puis plus tard de la crise allemande, la situation générale dans le Nord perdait de sa stabilité.

De l'autre côté, les Etats qui se sont partagé la succession de l'Empire d'Autriche présentent pour la Suisse, sans parler des énormes intérêts commerciaux en jeu, un intérêt politique de premier ordre. Cette importance est reconnue par tous les peuples du monde et, comme les belligérants d'hier, les neutres se sont empressés de créer des représentations diplomatiques dans tous ces pays ou de réorganiser celles qu'ils y possèdent.

C'est ainsi -- nous le mentionnons pour qu'on puisse se rendre compte de l'importance accordée à ces nouveaux Etats -- que l'Espagne, qui a supprimé son ambassade à Vienne et l'a remplacée par une légation de seconde classe, vient de créer des légations de.première classe à Varsovie, à Belgrade et à Athènes. Dans ces pays appelés à un développement immense, la Suisse doit à l'importance de son industrie et de son commerce, comme à sa situation politique, d'être représentée elle aussi. Ce serait méconnaître la valeur considérable de ces régions, où l'industrie et le commerce suisses trouveront un terrain d'expansion
de premier ordre, que de s'en désintéresser. En même temps ce serait négliger des sources abondantes de matières premières. Ce serait enfin et surtout répondre par une froideur peu amicale aux témoignages

1022 de confiance et de sympathie que ces pays ont prodigués à la Suisse durant la guerre.

Il n'est pas un de ces pays qui ne soit actuellement représenté à Berne; tous y ont créé des légations : la Suède et la Turquie dès 1915, la Serbie et la Grèce dès 1917, la Norvège et le Danemark en 1918, la Pologne et la Tchéco-Slovaquie en 1919. Enfin, la même année, la légation de Serbie a fait place à la légation du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, représentant la Yougo-Slavie.

. Ces preuves de bienveillance et d'amitié n'ont pas seulement été prodiguées à la Suisse parce que Berne s'est trouvé pendant la guerre jouer un rôle international plus important qu'auparavant, mais aussi parce que ses institutions, son histoire, sa civilisation méritent à la Suisse, dans ces pays, une estime et une considération particulières. La Grèce se souvient des philhellènes, la Pologne de l'asile que sosi grands hommes exilés trouvèrent auprès de nous, et le rôle bienfaisant de la Croix-Rouge a accoutumé tous les peuples à considérer avec sympathie le pays où cette institution a pris naissance.

Les rapports entre les Etats sont basés sur la bonne volonté réciproque. Si tous les Etats que nous avons nommés oat donné à la Suisse de précieux témoignages de leur amitié, le peuple suisse semblerait n'en pas sentir le prix en ne répondant pas à la création de missions diplomatiques en Suisse par l'envoi de représentants dans ces divers pays. Ces considératiO'ias sont d'une vérité si évidente qu'il n'est pas nécessaire de s'y arrêter davantage. Si la Suisse jouit dans le monde d'une situation favorable, il est de son devoir le plus impérieux de ne rien négliger de ce qui lui permettra d'affermir et de rendre plus intimes encore et plus cordiaux les liens qui l'unissent au reste du monde.

Cette nécessité est encore renforcée par le fait que la Suisse n'a pas été sans ressentir une partie des effets1 de la guerre. La transformation des conditions générales du commerce, comme les conséquences de diverses mesures d'ordre économique prises par les belligérants ont diminué dans des proportions sérieuses les rapports économiques que la Suisse entretenait avec un certain nombre d'autres -pays. Elle y a.

perdu des débouchés et il est pour elle d'une absolue nécessité d'en retrouver d'assez importants pour lui permettre de récupérer ses pertes et aussi de développer normalement so« commerce et son industrie.

1023 Or, la situation politique générale et les conditions nécessaires de l'équilibre entre les Etats poussent inéluctablement le? nations d'importance moyenne à étudier la façon de se rapprocher et de se grouper. La disparition de l'un des grands Etats voisins de la Suisse et son remplacement par un certain nombre d'Etats dont la politique réciproque n'est pas encore nettement définie et qui, pour un certain temps 'encore, ne seront pas en état de faire valoir une influence, confère par la force des choses à la situation de la Confédération une importance relative beaucoup plus considérable que tel n'était le cas il y a seulement quelques années.

L'attitude de ces nations à l'égard de notre pays nous eu donne chaque jour la preuve. Enfin, un esprit nouveau se fait jour dans le monde, principalement parmi les peuples récemment appelés à la liberté. La Suisse doit à sa tradition de libéralisme politique de suivre de près1 et avec sympathie ces efforts au cours desquels son nom et son exemple ont si souvent été invoqués. Elle peut être appelée à exercer .sous ce rapport une influence morale et politique, qui ne manquera pas d'avoir son contrecoup dans le domaine économique.

III.

Il est malaisé d'exposer, sans avoir recours à des tableaux de statistique, l'importance économique et commerciale des Etats auprès desquels la Suisse devra être dorénavant représentée. Nous tâcherons cependant d'en fournir ici une idée, ainsi que d'indiquer succinctement l'importance du commerce de la Suisse avec eux. En même temps, il y aua-a( lieu de parler de la manière dont sont réglés les rapports juridiques avec ces Etats. Mais on peut relever d'emblée qu'en règle générale, la Suisse ne possède pas de traités d'établissement ni de commerce avec ces pays. Ce sera donc l'une des premières tâches des représentants suisses de chercher à combler cette grave lacune.

I. Groupe des Etats du Nord: Suède, Norvège, Danemark.

Durant la guerre, les relations entre les pays du Nord et la Suisse ont été constamment gênées par les difficultìés du transit et aussi par les entraves qui y étaient mises pai- les pays voisins de la Suisse dont il était nécessaire d'emprunter le territoire. Cependant, en dépit de ces obstac-

1024 les et d'autres inconvénients dus aux interdictions d'importation et d'exportation, les rapports commerciaux entre la Suisse et oes pays, surtout la Suède, qui est le pays actuellement le plus important du Nord au point de vue de ses rapports commerciaux avec nous, ont pris un assez grand développement. Les anciennes relations se sont maintenues et affermies et de nouvelles ont été créées.

On peut dire en résumé que le commerce de la Suisse avec la Suède présente une tendance très marquée à l'augmentation, au point de vue de l'importation comme do l'exportation. Ces relations paraissent susceptibles de développement. En particulier l'exportation déjà considérable de l'industrie de luxe suisse, de l'horlogerie et des produits textiles pourrait, de l'avis des experts, augmenter considérablement, mais d'autres articles pourront s'y joindre.

Les relations commerciales entre la Suisse, la Norvège et le Danemark «ont moins importantes. Elles suivent cependant aussi une marche ascendante.

Ces trois pays possèdent en Suisse des légations et une représentation consulaire assez développée. Une chambre de commerce suédoise a été récemment créée à Genève.

La Suisse a nommé des consuls à Christiania et à Copenhague. En Suède, le Conseil fédéral avait accrédité, en 1915, le ministre' de Suisse à Berlin. En outre, il existe un eonsulat à Stockholm et un autre à Malmoe. Ces deux postes sont actuellement vacants par suite du décès de leurs titalaives. La réorganisation de la représentation suisse dans le nord est donc indistpensable.

Sans parler des divers actes internationaux (postes, télégraphes, chemins de fer, conventions de La Haye, CroixRouge, etc.) dont les trois pays sont signataires comme la Confédération, les conventions suivantes règlent les questions d'établissement et les relations commerciales entre la Suisse et ces pays : Entre la Suisse et le Danemark, traité d'amitié, de commerce et d'établissement du 10 février 1875, suivi d'un article additionnel, du 22 mai 1875, concernant le libre exercice des professions. Entre la Suisse et la Norvège, il existe une brève convention du 4 décembre 1842 sur la condition juridique des personnes établies1 ou en séjour. Par échange de notes des 5 et 22 mai 1906, la Suisse et la Norvège se sont accordé réciproquement et en général le traitement de la nation la plus favorisée. Entre la Suisse et la Suède, la convention du 4 décembre 1842, déjà citée à propos de la NorTège, est toujours en vigueur.

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La situation juridique -des ressortissants suisses en Norvège et en Suède n'est ainsi qu'imparfaitement réglée. En ce
Les représentants de la Suisse dans les Etat» du Nord se trouvent donc devant une tâche importante et leur action sera d'un grand intérêt pour l'avenir de notre pays. Le développement de nos relations avec le nord de l'Europe semble assuré et il y a lieu encore de tenir compte de l'essor qui leur sera donné par la navigation du Rhin, qui facilitera dans une mesure considérable l'importation en Suisse des marchandises qui se prêtent le mieux aux transports par eau.

Outre le développement des relations économiques, la Suisse doit souhaiter d'affirmer et de rendre plus intimes les liens d'amitié qui l'unissent avec les trois principaux Etat® du Nord de l'Europe. Il est certain que notre pays présente avec ceux-ci de grandes: analogies de culture et -de tempérament.

II. Pologne.

La Pologne actuelle est formée de provinces qui, avant la guerre, faisaient partie de la Eussie, de l'Autriche et de l'Allemagne. Ses limites exactes ne sont pas encore fixées puisque, outre la. Pologne russe, la Galicie, la Posnanie et l'Etat de Dantzig, elle pourra comprendre, après un plébiscite, la Silésie prussienne, les provinces masuriques (district di'Allenstein) et quie sa frontière Est n'est pas encore fixée. Cette frontière résultera du sort politique de la Lituanie, comme :de celui des parties de la Volhynie, de la Podolie et de l'Ukraine, occupées par la Pologne. Sans tenir compte die ces dernières provinces, la Pologne possède 25.971jOOO habitants (chiffre de 1910, comprenant les provinces plébiscitaires) et une superficie d'environ 288.000 km2.

Il s'agit donc d'un pays d'une importance très considérable, qui se caractérise avant tout comme un grand producteur de matières premières. Il est à la fois agricole et industriel, et sa faculté d'exportation de produits agricoles

1026 est doublée de ses immenses possibilités d'exportation de richesses minérales. Il y a lieu de citer avant tout le charbon et le pétrole. En 1913, la production de charbon des territoires polonais ;se montait à plus de 57 millions de tonnes. Mais elle possède aussi d'immenses gisements de fer, de potasse, de sel, de cuivre, etc. L'industrie textile est aussi très considérable, de même celle des produits alimentaires et ce'lle du bois. Il est presque impossible, sans entrer dans de longs détails et sans indiquer beaucoup de chiffres, de donner une idée exacte des ressources et des productions de la Pologne. On peut dire en résumé que la, Pologne est capable de fournir en quantité extrêmement considérable les matières premières d'importance capitale comme le fer et ]e charbon. Au point de vue de son développement économique et de sa faculté d'accueillir des produits manufacturés étrangers, en particulier les produits de l'industrie, elle représente un débouché des plus considérables pour le commerce étranger.

La Pologne est actuellement représentée en Suisse par une légation créée en 1919. Elle possède des consulats à Berne, Zurich et Genève. Il existe de plus une chambre de commerce polonaise à G-enève.

La Suisse possède à, Viarso-vie un consulat actuellement vacant par .suite de la démission du titulaire, et géré à litro provisoire.

Les rapports juridiques entre les deux pays ne sont encore réglés par aucune convention. Le Conseil fédéral, désireux de remédier au plus vite à cette situation regrettable, a délégué en mission spéciale, en octobre dernier, M.

Junod, ancien ministre-résident à Pétrograde, dans le but de conclure un arrangement provisoire. Cependant, il sera nécessaire de conclure le plus tôt possible un traité définitif qui stabilise les relations diplomatiques et économiques entre les deux pays.

En effet, les intérêts suisses dans la Pologne actuelle sont considérables. Il suffit) de rappeler, pour en donner une idée, ceux qui sont investis dans les charbonnages du bassin de Dombrowa et dans les établissements de Lodz de la Société d'éclairage de 1886 à Pétrograde: Ces intérêts ont été atteints du fait de la guerre eti il est urgent que la situation des porteurs suisses de valeurs de ces contrées soit assurée.

Parmi les nouveaux Etats nés de la guerre, la Pologne

1027 est probablement le plus important tant au point de vue économique qu'au point de vue politique. Tous les Etats du monde ont déjà reconnu cette situation particulière et font les plus grands efforts, l'Allemagne et les Etats-Unis en particulier, pour développer leurs relations avec ce pays.

La Suisse prend aussi part à la concurrence et les résultats de ses efforts justifient bien des espérances.

Au point de vue politique, la Pologne est également un Etat intéressant. Elle est actuellement le pays le plus puissant entre l'Occident et la Russie. Elle forme le passage nécessaire entre les pays occidentaux, la Russie et l'Ukraine et, grâce à cette situation, présente une importance capitale pour l'avenir. Actuellement, elle permet l'observation la plus rapprochée- des événements de Russie et, pour la Suisse en particulier, dont un grand nombre de ressortissants sont restés dans ce dernier pays, ce facteur n'est pas négligeable.

Le gouvernement polonais a clairement manifesté le désir de saluer à Varsovie une représentation officielle de la Suisse. Il iserait regrettable que la Confédération ne saisît pas avec empressement cette occasion de nouer des liens d'amitié solide avec une nation pour laquelle elle a de tout temps éprouvé la sympathie la plus sincère.

SII. Etats successeurs de l'Autriche-Hongrie.

Avant la guerre, les relations commerciales entre la Suisse et l'Autriche-Hongrie, tant au point de vue de l'exportation que de l'importation, présentaient une moindre importance que celles entretenues avec les autres pays voisins. Cette inégalité semble due à deux causes principales, à savoir qu'il n'existe qu'une seule ligne de chemin de fer à grande capacité de ·trafic entre les deux pays et que les échanges commerciaux entre eux ne paraissent pas dirigés dans un sens déterminé.

Les dispositions conventionnelles aussi étaient peu favorables au développement des relations commerciales. Cependant, de 1901 à 1911, la statistique accuse un progrès appréciable.

Pour l'avenir de nos relations commerciales avec les Etats successeurs de l'Autriche-Hongrie, il s'a.git d'une part de reprendre les relations antérieures, en voie de progression lente mais continue, et aussi de les transformer et développer selon les conditions particulières de chacun de ces, Etats.

1028 A. Tchéco-Slovaquie.

ita. Tchéco-Slovaquie comprend actuellement la Bohême, la Moravie, la Silésie autrichienne et la Slovaquie. D'après un recensement de 1910, la population est la suivante : Bohême 6.769.000 Moravie 2.622.000 « Silésie 757.000 Total 10.148.000 habitants En estimant la population de la Slovaquie à environ, cinq millions d'âmes, on peut évaluer la population totale de l'Etat tchéco-slovaque à 15 millions d'habitants environ.

La superficie totale de cet Etat est d'environ 140.000 kmL'.

Il comprend ainsi, d/après sa superficie et sa population, le cinquième de l'ancienne monarchie dualiste.

La Tchéco-Slovaquie possède des territoires fertiles et très favorables au développement agricole. Elle contient d'assez grandes richesses minières, surtout les terrains argentifères des environs de Prague et les bassins houillers de Bohême, de Moravie et de Sdlésie, Toutefois, ces ressources sont en voie de diminution.

En ce qui concerne l'agriculture et l'industrie agricole, il y a lieu de citer surtout la production de l'orge, du houblon, des pommes de terre et de la betterave. On en fait surtout du malt, de la bière, de l'alcool et du eucre. La plus .grande partie du sucre fourni par l'Autriche à la Suisse provenait des raffineries tchèques. L'exportation du bois est également considérable.

Quant à l'industrie, on peut) mentionner celle du verre 'et de la porcelaine, celle des métaux, l'industrie textile et industries annexes, très développées.

Actuellement, la situation générale économique de la Tchéeo-Slovaquie est assez difficile et l'industrie est hors d'état de couvrir les besoins du pays par suite du manque de charbon et de matières premières. L'Etat a été obligé de prendre en mains la fourniture des matières premières à l'industrie et les mesures propres à faciliter l'achat de denrées à l'étranger. Ces organisations se sont très vite mises en contact avec les pays de l'Entente. La Suisse a pu écouler une certaine quantité de produits alimentaires, produits textiles, etc. qu'elle avait en stock au moment de l'armistice, au moyen de l'organisation de trains spéciaux convoyés

1029 militairement. Le commerce entre la Suisse et la Tchécoslovaquie a été ainsi sérieusement favorisé.

La Tchéco-Slovaquie est représentée en Suisse par une légation.

La Suisse possède un consulat à Prague.

Il n'existe encore aucun traité d'établissement ni de commerce entre la Suisse et la Tchéoo-Slovaquie. Ce sera donc l'une des premières tâches des représentants de la Suisse de préparer le terrain pour la conclusion de semblables conventions. Le Conseil fédéral a déjà délégué M. Junod, ancien ministre-résident de Suisse en Russie, en mission spéciale à Prague, dans le but de préparer les voies à des relation» officielles plius suivies entre les deux gouvernements. La Tchéco-Slovaquie est un des pays les plus complètement développés à tous égards de l'ancienne monarchie austro-hongroise L'aimable accueil qui a été réservé à Prague à la mission suisse et les déclarations qui lui ont été adressées permettent d'affirmer que le gouvernement tchéco-slovaque éprouve le désir de voir se développer les relations de toute nature entre la Suisse et son pays.

B. Yougo-Slavie (Royaume des Serbes, Croates et Slovènes).

La vieille Serbie, dont la population s'élève à environ 6 millions d'âmes, a obtenu par son union avec les pays voisins, avec- lesquels elle formie maintenant le nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes, une augmentation de population d'environ 6 millions de personnes, si bien que le royaume actuel compte environ 12 millions d'habitants.

L'Etat serbe-croate-slovène peut offrir à la Suisse des débouchés de grand avenir, de sorte qu'un développement important de la représentation suisse dans ce pays est désirable. Par suite, de son union avec les territoires yougoslaves, riches en produits miniers, il semble que la Serbie prendra à l'avenir une place de premier plan dans les Balkans. La Serbie elle-même demeure un pays agricole et, à ce titre, présentera beaucoup d'intérêt pour le commerce suisse. En partant de l'idée, que l'exportation de produits suisses peut trouver un terrain favorable de développement dana la nouvelle Yougo-Slavie, les cercles commerciaux suisses se sont déjà efforcés d'organiser l'exportation dans ces contrées.

Lorsque, grâce à une reconstitution plus complète, le ré-

1030 girne des chemins de fer et de la navigation se sera amélioré'de façon stable, le nouveau royaume pourra exporter en grandes quantités des céréales, des plantes légumineuses, des pommes de terre, des raves, des choux, des fruits, du vin, du' tabac, de la volaille et des oeufs.

Les richesses minérales sont considérables : il y a lieu de citer les mines de fer de Vares, les mines de cuivre de Bor, les mines de charbon de Trifali.

A un pays industriel comme la Suisse, qui a besoin de débouchés importants pour ses produits, la Yougo-Slavie fournit les conditions les plus favorables pour un commerce d'échanges développé. Dans ce pays, on peut constater un fort mouvement pour revendiquer, à côté de l'indépendance politique, également l'indépendance économique.

La Yougo-Slayie est représentée à Berne par une légation; elle possède en outre un consulat général et une agence commerciale à Genève.

La Suisse possède un consulat général à Belgrade.

Les rapports juridiques entre la Suisse et la Serbie sont réglés, sans parler des conventions et arrangements internationaux, par le traité de séjour et d'établissement du 16 février 1888 et par le traité de commerce du 28 février 1907.

Ces traités sont applicables aux nouveaux territoires de l'Etat.

Cependant, les représentants de la Suisse auront à traiter d'importantes et délicates questions nées du problème des dommages de guerre et qui nécessiteront un examen attentif.

Ces affaires devront nécessairement former l'objet d'une étude commune entre les deux gouvernements et nécessiteront ainsi la présence à Belgrade de représentants de la Suisse possédant la préparation et la situation nécessaires pour les traiter.

Depuis longtemps déjà, des relations cordiales existent entre la Suisse et la Serbie et suivent un développement réjouissant pour l'avenir des deux peuples. L'occasion nous est donnée de témoigner le prix que nous attachons à les voir devenir plus étroites encore et plus suivies. Nous savons que le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes tient beaucoup à voir la Suisse représentée diplomatiquement à Belgrade. Le Conseil fédéral croit de son devoir et de l'intérêt du pays de donner suite à un voeu dont il connaît l'existence et apprécie la valeur.

IV. Grèce.

La Grèce a une superficie de 120.060 km2,- y compris la Crète, et une population de 5 millions d'habitants. Ces

1031 chiffres ne tiennent pas compte des agrandissements qui lui ont été ou lui seront accordés en Asie mineure et en Thrace, qui doubleraient sa superficie et représenteraient une augmentation de population d'environ 2.600.000 âmes. La colonie suisse paraît pouvoir y être estimée à environ 1000 personnes.

Les importations de Grèce en Suisse se composent avant tout de fruits secs et de. vins. Les exportations, de Suisse intéressent, par contre, une grande partie de nos industries, en particulier l'horlogerie, les produits alimentaires et l'industrie chimique. On peut dire, en résumé, que le marche .grec offre un intérêt général pour les producteurs suisses.

La Grèce est représentée en Suisse par une légation fondée en 1917. Bile possède en outre des Consulats généraux à Berne, Zurich et Genève, et un consulat à Lugano.

La Suisse possède en Grèce un consulat général à Athènes.

Le poste de consul à Fatras, le port le plus important du Péîoponèse, est actuellement vacant.

Les rapports juridiques entre la Suisse et la Grèce sont réglés principalement par une convention commerciale provisoire, du 10 juin 1887.

Si la Suisse et la Grèce ne sont pas encore en rapports commerciaux très étroits, le mouvement des affaires entre elles suit une courbe régulièrement ascendante qui permet de compter sur un avenir favorable, vu l'amélioration progressive des communications entre les deux pays.

A cela vient s'ajouter l'accroissement considérable que la Grèce recevra des traités de paix, et qui fera d'elle une puissance méditerranéenne de premier plan. La Grèce obtiendra en Asie Mineure des territoires importants, riches, peuplés et susceptibles d'un considérable développement. Jusqu'ici, ces régions étaient soumises au régime turc et placées par là sous l'influence économique allemande. Tout permet d'augurer que, sous le régime nouveau, ces contrées seront ouvertes à la concurrence internationale et qu'elles fourniront un riche terrain d'expansion -commerciale. En outre, par suite de l'ouverture du chemin de fer de Canisa, effectuée durant la guère, la Grèce, qui, au point de vue» ferroviaire, se trouvait un peu isolée du reste de l'Europe, se voit en possession d'une ligne internationale de grande importance pour les communications de l'Europe avec l'Asie Mineure et l'Est de la Méditerranée.

1032 La colonie suisse à Athènes, consciente du grand avenir qui est réservé à la Suisse en Grèce grâce aux sympathies qui lui sont assurées, s'est occupée avec zèle de préparer l'avenir dans ce sens. En 1918 a été fondée, sou® le patronage de M. Vénizélos et du consul général de Suisse à Athènes, M. Schneider, la Ligue Gréco-Suisse Jean J. Eynard, Cette Ligue a pour but de resserrer les liens d'amitié qui existent entre la Suisse et la Grèce, en favorisant de tout son pouvoir les relations morales et matérielles entre les deux nations.

Les relations amicales entre la Suisse et la Grèce datent des origines de l'indépendance grecque. Depuis un siècle environ, elles ont persisté et sont devenues plus intimes et plus suivies, tant par l'action des Suisses qui se sont fixés nombreux en Grèce, où leur travail a toujours été apprécié et qui y ont souvent acquis des situations importantes, que grâce à la bonne volonté jamais démentie du Gouvernement hellénique. L'appui donné par ce gouvernement aux récentes tentatives faites par des Suisses établis en Grèce en vue du développement de ces relations est pour nous un sûr garant et un précieux témoignage après tant d'autres du prix que l'on attache en Grèce à l'amitié de la Suisse. Il est de l'intérêt supérieur des deux nations que notre pays ne reste pas indifférent à la bonne volonté qui lui est assurée.

V. Turquie.

Depuis de nombreuses années le Conseil fédéral a été sollicité sans cesse de créer une représentation de la Suisse en Turquie. On a fait valoir à réitérées fois le rôle que joue ce pays dans tout l'Orient et l'absolue nécessité pour la Suisse d'y être convenablement représentée.

Les intentions favorables du Conseil fédéral se sont toujours heurtées à la répugnance du Gouvernement ottoman à augmenter le nombre des pays au bénéfice des capitulations.

La Suisse s'est vue ainsi obligée à renoncer à ses vues et à se contenter, pour ses ressortissants, de la protection qui leur était accordée par les Puissances représentées à Constantinople, auxquelles nos compatriotes s'adressaient.

Lorsqu'au début de la guerre, les Turcs abolirent les capitulations, les Suisses se trouvèrent dans une situation très empirée, et il est certain que nos compatriotes eurent gravement à en souffrir. Dès qu'il fut de nouveau possible de correspondre avec la Turquie, des plaintes nombreuses par-

1083 vinrent à Berne, insistant sur les effets profondément regrettables que l'abandon de la colonie suisse par la mèrepatrie avait produits et sur l'importance vitale qu'aurait eue pour cette colonie la présence d'un agent officiel de la Confédération en Turquie.

Maintenant qu'il s'agit de regagner le terrain perdu et d'assurer la place de la Suisse dans la concurrence mondiale dont la Turquie est actuellement le théâtre, le Conseil fédéral ne croit pas pouvoir .persister dans 1'abstentkm qu'il a observée -jusqu'ici.

D'autre part, il est nécessaire que la colonie suisse à Constantinople soit enfin ralliée et forme un tout. Il est en effet certain que la dissémination causée par le fait que les Suisses se rattachaient en qualité de protégés à diverses missions étrangères, souvent opposées les unes aux autres, n'a pas contribué à maintenir intact le sens de la tradition nationale. Si de plus graves inconvénients n'en sont pas résultés, il est juste de ne l'attribuer qu'à la force du lien patriotique entre Suisses. Cependant, à une époque où tous les Etats font les plus grands efforts pour grouper leurs ressortissants à l'étranger et pour affirmer le plus possible la solidarité nationale de ceux-ci, il serait dangereux de laisser s'user en vain cette force et de permettre à nos.

compatriotes de se croire délaissés. Il est donc nécessaire, pour le bien des Suisses en Turquie, comme dans l'intérêt, bien entendu de la Confédération, que la colonie reçoive en la personne d'un représentant de la Confédération près la Sublime-Porte, un guide naturel qui puisse la représenter auprès du gouvernement.

Outre cette oeuvre, le représentant de la Suisse aura à faire face à des tâches nombreuses, d'ordre économique et eommercial.

Avant la guerre, le commerce d'exportation de Turquieen Suisse ne présentait qu'une importance médiocre. Cependant, il paraissait suivre une marche ascendante régulière..

Durant la guerre, il a *souffert très considérablement.

En ce qui concerne l'exportation de la Suisse en Turquie,, de 1907 à 1913 il s'était formé un commerce encore modeste,.

mais très suivi et dont la guerre a interrompu le développement régulier et plein d'avenir.

Avec la Turquie d'Europe en particulier, ce commerceprésentait, avant la guerre, une tendance à l'augmentation.

1034 Pendant la guerre, il y eut une forte diminution, mais dès 1917 le terrain perdu a été à peu près regagné. Avant la guerre, la Suisse vendait en Turquie, à côté des étoffes de soie et de coton, des montres, de la bijouterie et iprincipalement du chocolat, du fromage et du lait condensé. Il est du plus haut intérêt de constater les efforts des producteurs suisses en vue de regagner leur situation perdue et de développer leur commerce dans ce pays.

Eécemment se sont fondées à Berne, avec des capitaux suisses, deux sociétés dont le but est de développer les relations économiques avec la Turquie.

D'autre part, il y a lieu de croire qu'au point de vue industriel, la Turquie, échappant à l'influence allemande, redeviendra un marché ouvert à la concurrence générale, où la Suisse, neutre au point de vue politique, pourra de ce chef jouir de certains avantages. Enfin, il y a lieu de rappeler combien de Suisses possédèrent en Turquie de hauts emplois administratifs. Il n'est nullement exclu que cette situation particulièrement favorable à nos compatriotes dans ce pays puisse être retrouvée dans l'avenir; une1 représentation suisse serait de nature à porter les meilleurs fruits dans ce domaine.

IL faut encore mentionner les importants intérêts financiers de la Suisse en Turquie. En particulier la banque pour les chemins de fer orientaux, à Zurich, conjointement il est vrai, avec des groupes financiers étrangers, était intéressée, d'après son bilan du 30 juin 1917, pour une somme totale de 44 millions de francs à des entreprises turques de chemins de fer.

La Turquie est représentée à Berne par une légation fondée en 1915. Elle possède en outre un consulat général à Zurich et un consulat à Genève. Il existe une chambre de commerce ottomane à Lausanne.

Au point de vue juridique, les rapports entre les deux Etats n'ont été quelque peu réglés que par un échange de notes de mai 1917.

Par les notes échangées à Berne le 21 mai 1917 et painotes du 22 mai échangées à Berlin, les Suisses protégés allemands furent mis au bénéfice des dispositions du traité germano-turc. Les autres Suisses étaient libres d'avoir recours à une seconde puissance, la même pour tous. Dans ·ce deuxième cas, ils ne sont au bénéfice que des dispositions

1035 générales du droit international. Il fut ensuite convenu par an arrangement spécial que cette seconde puissance serait la Hollande, Cet arrangement, conclu à titre provisoire, est devenu révocable depuis le 22 mai Ì919.

Lors de l'occupation de Constantinople par l'Entente, la Suède s'est chargée de représenter les intérêts allemands.

Nos compatriotes! ont donc actuellement le choix entre la protection hollandaise et la protection suédoise.

H ressort de tout ceci ,que le premier devoir d'un représentant de la Suisse en Turquie sera de réorganiser les relations économiques avec ce pays et de jeter les bases du futur traité entre la Suisse et la Turquie qui permettra à notre pays de défendre lui-même ses nationaux et leurs intérêts dans ce pays. Cette tâche est urgente, et c'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé en principe la création dfune représentation .suisse à Constantinople.

IV.

Les renseignements ,qui précèdent démontrent l'importance des pays en question et l'avenir qu'ils offrent à l'expansion du commerce de la Suisse.

Le bouleversement économique et social causé par la .guerre entravera longtemps encore le retour à un état politique et économique stable. L'instabilité générale rendra nécessaire l'observation constante de la situation politique et économique, de façon à en constater et à en prévenir, si possible, les fluctuations. Il est donc indispensable que la Suisse garde, dans l'intérêt de sa politique et dfe son commerce, un contact permanent, surtout avec les pays nouveaux dans lesquels les perturbations se .sont fait plus profondément et plus violemment sentir et dans lesquels, par conséquent, le retour, à la stabilité sera plus long. Des problèmes si complexes ne peuvent être étudiés et suivis que sur place.

Il en va de même pour les informations d'ordre économique. Il est évidemment nécessaire d'aller chercher les renseignements indispensables à une politique cohérente et suivie dans le pays même et auprès du gouvernement avec lequel on peut avoir à traiter. C'est pourquoi le Conseil "fédéral, conscient de la nécessité vitale pour la Suisse d'être régulièrement représentée dans les pays qui fournissent le terrain le plus riche pour son expansion future, a décidé en principe d'y envoyer des agents officiels. De même aussi Feuille fédérale suisse. 71« année. Vol. V.

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1036 pour la protection des nationaux aux lieux où l'état relativement instable créé par la 'guerre exige une intervention constante, cas par cas-.

Toutefois, 'dans l'élaboration du plan aujourd'hui soumis à l'Assemblée fédérale, des questions d'un ordre tout différent se sont présentées.

La première était de savoir s'il ne serait pas opportun d'agir, pour les débuts au moins, dans ces pays, ainsi qu'on l'a fait dans l'Amérique du Sud, par exemple, et d'accréditer un même ministre, chef d'un poste déjà existant, dans les nouveaux postes à créer. Les inconvénients déjà cités qu'a fait naître l'union du poste de Stockholm et de celui de Berlin ont d'emblée dissuadé le Conseil fédéral de procéder dans ce sens.

Le Conseil fédéral a pu, en outre, se rendre compte que, nonobstant le zèle indiscutable de ses représentants à l'étranger, et quelle que soit l'augmentation du personnel des légations pouvant être envisagée, la quantité de travail qui leur incombe est si considérable qu'il ne peut être question d'astreindre les chefs des missions existantes à la direction de missions nouvelles. Ce serait à la fois compromettre la direction du poste existant et condamner presque fatalement à l'inaction le nouveau poste. Or, la Suisse n'a pas besoin de représentants à l'étranger dont l'activité consiste à faire chaque année une ou deux visites aux gouvernements auprès desquels ils sont accrédités. Il lui faut une représentation active et efficace. Ces considérations ont fait écarter l'idée de rattacher les nouveaux postes à des légations déjà existantes.

Quant aux capitales où devront être créées les nouvelles légations, le Conseil fédéral a cru devoir, dans les pays dui nord, faire choix de Stockholm et accréditer le.ministre de Suisse en Suède, en même temps à Christiania et à Copenhague.

Les Etats du Nord forment au point de vue géographique, ethnique et jusqu'à un certain point historique, un tout. Par la forme de leur gouvernement, comme de l'état social et de la culture générale, ils présentent de grandes analogies et leurs intérêts politiques et économiques ne comportent guère, à notre égard, de divergences considérables.

Dans ces conditions, il a paru que rien ne s'opposait à ce que la représentation de la Suisse dans le nord de l'Europe fût centralisée à Stockholm, capitale du plus important de

1037 «es pays, et qui est des trois le plus anciennement représenté à Berne.

Pour les Etats de l'Est, par contre, une semblable organisation ne serait pas réalisable. Chacun de ces Etats forme un tout géographique, ethnique et politique nettement différencié et dont les intérêts politiques et économiques se distinguent nettement et parfois même s'opposent.

L'autre question était de savoir quelle forme serait donnée à ces misswns, ou plutôt à quelle catégorie d'agents officiels appartiendront les représentants que la Suisse enrerr.a dans ces pays. Ainsi se pose la question importante de savoir si la préférence doit être donnée à l'envoi d'agents diplomatiques ou consulaires et à la création de consulats généraux ou de légations.

En ce ,qui concerne les Etats1 du Nord, aucune hésitation .n'était possible. Aucun autre agent qu'un représentant diplomatique ne peut être accrédité simultanément auprès de plusieurs gouvernements. En conséquence, il ne pouvait être question que d'un agent die cette catégorie, puisqu'il lui insombera de représenter la Suisse dans trois pays différents.

D'autre part, l'importance que revêt le poste de Stockholm, non seulement par lui-même, mais encore par l'extension particulière de la mission que la Confédération confiera à son représentant dans cette capitale, fait qu'il ne serait pas indiqué d'y envoyer un autre représentant qu'un ministre plénipotentiaire. Cette -solution se justifie par les considérations politiques et économiques les plus sérieuses.

Quant aux pays de,l'est, la question est plus sujette à discussion et, en fait, ia été assez copieusement discutée. Le Conseil fédéral ne s'est pas résolu à proposer aux Chambres la création de postes diplomatiques sans avoir longuement pesé le pour et le contre de sa décision. A côté des raisons d'ordre purement politique, il a cru devoir prendre en considération les arguments suivants : . Tout d'abord, la courtoisie due aux Etats en question et le désir dm Conseil fédéral d'entretenir avec eux des rapports d'amitié suivis, rendent impossible l'adoption de solutions variées qui seraient de nature à faire croire, bien à tort, d'ailleurs, que la Suisse est moins favorablement disposée à l'égard de certains Etats que vis-à-vis d'autres nations.

Les partisans d'une simple représentation commerciale mettent l'accent sur l'importance des relations économiques

1038 et soulignent le fait que la Suisse, ne cherchant pas à faire « de la politique », une représentation diplomatique ne lui est pas nécessaire. Le Conseil fédéral estime que ce point de vue ne saurait se justifier et qu'il ne tient aucun compte de la réalité en matière de représentation d'un pays à l'étranger.

Il est parfaitement exact de soutenir que les pays nouveaux présentent pour la Suisse, étant donné le rôle modeste qu'elle est désireuse de jouer dans le monde, un intérêt plus économique que politique1. Il faudrait cependant se garder de créer entre les questions économiques et les questions politiques une antinomie qui n'existe pas en réalité et, au bénéfice d'une pétition de principe insoutenable, vouloir négliger les unes aux dépens des autres.

L'interdépendance des questionsi politiques- et économiques esti un fait démontré. Il suffit de se remémorer les événements des cinq dernières années pour se convaincre de la vérité die cette proposition. Dans les Etats modernes, les décisions gouvernementales influençant la situation économique sont souvent dictées par des considérations politiques. Cela est vrai de tous les Etats, et plus vrai encore d'Etats nouveaux ou qui viennent de traverser une crise sociale intense. Or, il n'est pas nécessaire d'insister pour qu'on se souvienne de la portée des démarches officielles qu'un gouvernement peut faire auprès d'un gouvernement ami dans l'intérêt de son industrie nationale. Les Etats de l'est de l'Europe nous ont fait connaître leur désir de voir la Suisse s'intéresser et contribuer à leur développement industriel et commercial. On ne saurait négliger le riche terrain qui s'offre là sans s'exposer au reproche fondé d'avoir perdu de vue le bien de la communauté.

On a vu d'autre part quelle tâche importante et délicate incombera aux premiers représentants ,que la Suisse enverra dans ces régions nouvelles. Pour eux aussi, tout sera à créer et à restaurer. Ils auront à regagner ce qui peut avoir été perdu au cours des années de guerre par de nombreuses entreprises nationales et à préparer le futur développement des relations de la Suisse avec ces pays. De l'heureux accomplissement de cette tâche dépend une partie de notre avenir.

Le Conseil fédéral doit affirmer sans hésitation qu'un consul général ne peut pas rendre les mêmes services .qu'un agent diplomatique et que, étant donnée la tâche qui attend

1039 nos représentants dans l'Orient de l'Europe, un agent consulaire n'est pas en mesure d'en venir à bout. Ce représentant, en effet, ne saurait être en aucune manière iassimilé à un agent diplomatique. Ce dernier a seul accès auprès des organes 'Supérieurs du -gouvernement. Il est seul en mesure de communiquer avec un gouvernement étranger comme représentant de son gouvernement, en toutes matières d'ordre général. Les consuls généraux ne peuvent entrer en rapports qu'avec les autorités inférieures. La Suisse suit en cette matière les mêmes usages que tous les autres Etats.

Pour le travail de préparation de l'avenir qui attend nos représentants, il est indispensable qu'ils aient la possibilité d'atteindre toutes les sources d'informations 'officielles et qu'ils soient en mesure de faire connaître au gouvernement tout ce que celui-ci peut avoir intérêt à savoir. Or, seul un agent diplomatique est en mesure de remplir ces conditions.

Il est nécessaire, ne fût-ce que dans le but d'être convenablement renseigné sur les efforts des puissances concurrentes et de n'être pas toujours mis en présence du fait accompli, que le gouvernement suisse puisse savoir à temps quelle orientation prend la politique économique du pays où résident ses agents; cela est surtout nécessaire dans des pays dont l'évolution politique et sociale n'est pas encore entièrement certaine.

Ces diverses considérations démontrent la nécessité d'une représentation diplomatique pour appuyer et consolider l'action économique et commerciale. Enfin, il ne faut pas oublier que la protection de nos nationaux et la défense de leurs intérêts dépend en grande partie du prestige du représentant de la Suisse. Là où un consul échouera souvent auprès des autorités locales, un représentant diplomatique pourra, dans des cas très nombreux, agir sur le gouvernement central et peser de tout le poids que lui donnent son rang, ses relations et les entrées qu'il possède. L'importance extrême de ce facteur ne. saurait être exagérée et nous en avons eu, au cours de la guerre, des preuves saisissantes. Nos consuls, qui font si souvent appel à l'intervention de nos légations, seront les premiers à en témoigner.

Quant à la catégorie des agents diplomatiques, le Conseil fédéral s'est vu dans la nécessité de tenir compte à la fois des considérations budgétaires impérieuses et des conditions dans lesquelles auront à travailler ses futurs représentants. Les conditions budgétaires s'opposent à ce que la

1040 Suisse assume les charges considérables que représenterait l'envoi de ministres plénipotentiaires. Le Conseil fédéral a dçmc_ cru. .pouvoir ,§e, contenter d'envoyer dans ces nouveaux postes des. chargés d'affaires, agents diplomatiques de la catégorie la moins en vue, mais cependant au bénéfice, de par le droit et les usages internationaux, de toutes les prérogatives et immunités dont jouissent les membres du corps diplomatique. Le Conseil fédéral a ainsi instauré une nouvelle catégorie de missions diplomatiques, adaptée aux ressources modiques dont dispose la Suisse. Ce mode de procéder est du reste consacré par l'usage, puisque pendant de nombreuses années la Suisse n'a été représentée auprès des plus grandes puissances de l'Europe que par des chargés d'affaires.

Toutefois, en ce qui concerne la Turquie, le Conseil fédéral né croit pas que la situation politique de ce pays soit assez nette à l'heure actuelle pour permettre d'y envoyer un agent diplomatique. Il donne donc pour ce pays la préférence à lin consul général. Cependant, attendu que la 'situation politique en Turquie peut exiger d'un moment à l'autre que la Suisse y soit représentée diplomatiquement, il croit devoir se réserver d'ores et déjà la faculté de créer un poste diplomatique à Constantinople, et d'y envoyer un chargé d'affaires.

D'après les usages suivis jusqu'ici, les consuls généraux suisses ont touché un traitement de 25.000 francs, non com~ pris les frais de chancellerie. Pour une légation dirigée par un chargé d'affaires, les frais de chancellerie seront les ·mêmes, à peu de chose près, que-ceux d'un consulat général.

La différence au point de vue financier porte donc exclusivement sur le traitement du chef de mission. Or, à teneur des propositions budgétaires présentées par le Conseil fédéral, le traitement alloué à chacun des chargés d'affaires à nommer est de fr. 30.000. Le Conseil fédéral croit pouvoir déclarer que l'économie qui serait réalisée en donnant la préférence aux consuls généraux sur les chargés d'affaires, ne compenserait pas le déficit qu'au point de vue politique et économique l'envoi d'un représentant d'ordre consulaire causerait au pays.

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Création d'une légation indépendante en Belgique.

En date du 15 novembre 1918, le Conseil fédéral a décidé de créer une légation de Suisse en Belgique et d'accréditer eu qualité de ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire à Bruxelles, le ministre de Suisse en France.

Des considérations financières avaient empêché le Conseil fédéral de donner suite à cette date à son projet de créer d'abord une légation indépendante. Cependant, comme de nombreuses questions exigeaient des négociations à Bruxelles, il a résolu d'envoyer sur place un diplomate pour gérer la légation. C'est ainsi qu'à partir de novembre 1918, la légation de Suisse à Bruxelles a été placée sous la direction d'un chargé d'affaires, auquel a été adjoint le personnel de chancellerie ordinaire.

Le département politique a prévu d'emblée que le lien entre la légation de Bruxelles et celle de Paris serait plutôt lâche. H doit cependant reconnaître que cette prévision a été justifiée par les faits plus qu'il n'eût cru pouvoir s'y attendre. En réalité, la légation de Suisse en Belgique a pris, presque immédiatement après sa fondation, un développement et une importance insoupçonnés. Il est devenu vite nécessaire d'augmenter le personnel de la chancellerie et, peu de temps après, il fallu y envoyer un secrétaire de légation pour idiiminuer le travail qui incombait au chef du poste. Depuis sa fondation, à l'exception de quelques visites de peu de durée du ministre, la légation a ainsi vécu de sa vie propre en toute indépendance et relevant directement du département politique.

Cet état de choses a conduit le Conseil fédéral à envisager l'idée de revenir à son premier projet et de créer à Bruxelles une légation indépendante.

Depuis sa libération, nous entretenons avec la Belgique des relations suivies et d'importance toujours croissante.

Elle est actuellement l'un des fournisseurs de charbon dont nous avons le plus besoin. D'autre part, la colonie suisse en Belgique est nombreuse et, ayant souffert certains dommages au cours de la guerre, elle désire voir ses intérêts convenablement sauvegardés.

Dans ces conditions, et considérant que l'importance dw travail qui incombe à la légation de Suisse en France ne per-

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met pas à son chef d'assumer en jpratique la direction de la légation en Belgique, le Conseil fédéral a résolu de consacrer ce qui existe déjà en fait et de disjoindre les deux postes.

Si la décision du Conseil fédéral représente une certaine augmentation de dépenses, il est bon de remarquer que cette augmentation est en tous cas nécessaire. Le chargé d'affaires actuel à Bruxelles a consenti, par désintéressement patriotique, à accepter un traitement dont l'insuffisance est manifeste. De toutes façons il est donc indispensable que ce traitement soit considérablement augmenté. En plaçant un ministre à la tête du poste, le Conseil fédéral croit agir au mieux des intérêts du pays et aime à espérer que l'Assemblée fédérale lui accordera les crédits nécessaires pom- róaliser sa décision.

Le Conseil fédéral recommande donc aux Chambres fédérales d'accepter la proposition qu'il a l'honneur de leur adresser. Il a conscience de s'être laissé guider dans les décisions qu'il a prises par le souci, dont il ne se départ jamais, d'assurer le développement et la prospérité de la Suisse.

Berne, le 11 décembre 1919.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, ADOR.

Le chancelier de la Confédération, STEIGER.

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Exposé du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la création de nouvelles légations de Suisse à l'étranger.

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1919

Année Anno Band

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52

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1197

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

31.12.1919

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1019-1042

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